à
-
*%j
■
- h
A.
J
'.Z-v
/y
VV*
lârtjK
,•</->
-
V
•4"
îr\>t
■Kl
QP3/
i»*
LEÇONS
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANATOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX.
TOME TROISIÈME.
&3.
Paris. - Imprimerie de L. Maktinet, rue Mignon. -2.
LEÇONS
sua
LA PHYSIOLOGIE
L'ANATOMIE COMPAREE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
FAITES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
1>AU
H. 1BIJLNE ËBWARD§
0. L. H., C. L. N.
Doyen de la Faculté des sciences de Paris, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle ;
Membre de l'Institut (Académie des sciences) ;
des Sociétés royales de Londres et d'Edimbourg ; des Académies
du Stockbolm, de Saint-Pétersbourg, de Berlin, de Konigsberg, de Copenhague, de Bruxelles,
de Vienne, de Turin et de Naples ; de la Société Hollandaise des sciences ;
de l'Académie Américaine ;
De la Société des Naturalistes de Moscou ;
des Sociétés Linnéenne et Zoologique de Londres; de l'Académie
des Sciences naturelles de Philadelphie ; du Lycéum de New-York ; des Sociétés d'Histoire naturelle
de Munich, Somerset, Montréal, l'île Maurice; des Sociétés Entomologiques
de France et de Londres; des Sociétés Ethnologiques d'Angleterre
et d'Amérique , de l'Institut historique du Brésil ;
De l'Académie impériale de Médecine de Paris;
des Sociétés médicales d'Edimbourg, de Suède et de Bruges; de la Société des Pharmaciens
de l'Allemagne septentrionale;
Des Sociétés d'Agriculture de Paris, de New -York, d'Albany, etc.
TOME TROISIÈME
PARIS
LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON
PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE
M DCCC LVIII
Droit de traduction réservé.
^/^-^
r
k1
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
Open Knowledge Commons
http://www.archive.org/details/leonssurlaphys03miln
LEÇONS
SLR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANÂTOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX.
VINGTIÈME LEÇON.
DE LA CIRCULATION DU SANG.
Histoire de la découverte de ce phénomène.
§ 1. — La découverte de la circulation du sang date du
xvii- siècle, et la gloire en appartient à Guillaume Harvey.
Mais, de même que toutes les autres conquêtes les plus bril-
lantes de la science , cette découverte fut préparée peu à peu
par les efforts d'un grand nombre d'observateurs , et l'homme
de génie qui y attacha son nom n'avait, pour accomplir son
œuvre , qu'à ajouter un petit nombre de faits à ceux constatés
par ses devanciers , à en saisir l'enchaînement et à en déduire
les conséquences.
Et que l'on ne pense pas qu'en caractérisant de la sorte les
services rendus à la physiologie par l'illustre Harvey, je veuille
en affaiblir le mérite; loin de là. Je veux faire ressortir
ce qui, à mes yeux, élève Harvey bien au-dessus de ses
prédécesseurs et de ses contemporains. L'esprit inventif dont
1
Etat
de la science
avant
Harvey.
2 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
la Nature l'avait doué ne manquait pas à plusieurs de ceux qui,
avant lui , s'étaient engagés dans la même voie ; mais ce qu'il
avait à un plus haut degré et ce qui lui a permis d'arriver au
but dont ses devanciers avaient pu tout au plus soupçonner
vaguement l'existence , c'est cette compréhension lucide , ce
jugement prompt et sûr, ce bon sens exquis, qui le guidaient
toujours dans l'appréciation des faits, dans la déduction des con-
séquences à en tirer et dans le choix des preuves qu'il invoquait
pour étayer ses doctrines. Harvey était une de ces intelligences
d'élite qui , au premier coup d'œil , démêlent le vrai du faux ,
qui s'élèvent à des hauteurs assez grandes pour pouvoir em-
brasser l'ensemble des choses connexes, mais qui n'aiment à
marcher que sur un terrain solide, qui raisonnent toujours juste
et qui savent exprimer clairement les idées qu'ils ont conçues.
Aussi exerça-t-il une grande et heureuse influence sur les
études physiologiques. La découverte de la circulation du sang
n'est pas son seul titre de gloire, et son nom reviendra sou-
vent dans le cours de ces Leçons. Mais , je le répète , cette
importante découverte était un fruit arrivé presque à maturité
lorsqu'il lui fut donné de le cueillir, et, par conséquent, avant
de rendre compte de son œuvre, il me faudra exposer ici l'en-
chaînement des faits dont la science avait été enrichie suc-
cessivement par les observateurs qui lui avaient préparé les
voies.
S 2. — Les médecins de l'antiquité la plus reculée avaient re-
Connaissances «7 1 i
acquises connil que chez l'Homme, ainsi que chez les Animaux, dont ils
par les anciens 1 7 ^ '
deT^cSe étudièrent parfois la structure pour s'éclairer sur la constitution
du corps humain, le sang se trouve contenu dans un vaste sys-
tème de tubes membraneux, et que ces tubes sont en connexion
avec le cœur, organe charnu dont les battements se succèdent
à de courts intervalles. Des récits qui datent des temps héroïques
Ascié iadcs de ^a Grèce nous montrent les premiers Asclépiades comme
ayant recours à l'incision des vaisseaux sanguins dans le traite-
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
ment de quelques maladies (1), et Hippocrate , qui vivait il y a
deux mille trois cents ans , n'ignorait pas la direction que plu-
sieurs de ces conduits suivent dans l'intérieur de notre corps.
Il savait aussi que dans le voisinage des veines se trouvent
d'autres tubes auxquels on a donné depuis lors le nom d'ar-
tères, et il enseignait que le cœur est un organe de nature
charnue , creusé de cavités ; mais le respect religieux que
les Grecs avaient voué aux morts ne permettait ni à Hippo-
crate ni à ses disciples de se livrer à des recherches anato-
miques sur la structure du corps humain, et les notions
vagues que l'on possédait à ce sujet n'étaient puisées que
dans l'inspection rapide et superficielle des viscères de quel-
ques Animaux immolés devant les autels, ou dans l'étude
des formes extérieures de l'Homme. La dissection, ou l'art
d'isoler par le couteau les diverses parties constitutives
(1) Homère, dont les poè'mes con-
stituent une espèce d'encyclopédie de
la science que possédaient les Grecs
vers le ix'siècle avant Jésus-Christ, ne
parle pas de la saignée ; mais, s'il faut
en croire un auteur du Ve siècle, Etienne
de Byzance (a), cette opération aurait
été connue des médecins de l'armée
d'Agameranon. En effet, il rapporte que
l'un d'eux, Podalire, (ils d'Esculape
et frère de IMacbaon, au retour du
siège de Troie, l'aurait pratiquée sur
une malade dont la guérison lui valut
la souveraineté de, la Chersonèse. Ce
serait la première saignée dont on
aurait conservé le souvenir, et, d'après
une fable rapportée par Pline, je suis
porté à croire que celte pratique avait
pris naissance dans la haute Egypte :
<>n effet, ce naturaliste nous dit que les
Hippopotames, quand ils sont devenus
trop obèses, ont l'habitude de se per-
cer la veine de la cuisse en s'appuyant
conire un roseau aigu, et que ces
Animaux ont enseigné ainsi aux mé-
decins à praiiquer des opérations ana-
logues (6). Or, ce récit ne s'applique
pas au Cheval marin (ou Syngnathe),
comme le suppose l'auteur d'un ou-
vrage estimable sur l'histoire de la
médecine (c), mais au grand Pachy-
derme qui habite les rivières de l'in-
térieur de l'Afrique et qui se trouve
dans la hante Egypte. C'est évidem-
ment une fable; mais cette fable n'a
pu nous arriver que de l'Egypte.
Du temps d'Hippocrate, la saignée
se pratiquait sur plusieurs veines dif-
férentes dont la posilion était bien
connue.
(a) Stepliani Byzanlini De urbibus. Trad. lat. par Berkelius, p. 686, art. Syrna.
(6) Plinii Historiarum mundi liber VIII, chap. XL, 26.
(c) Daniel Leclerc, Histoire de la médecine, in-4, 1702, t. I, p. 50.
Aristole.
k HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
de l'organisme , n'existait pas encore, et les observateurs ne
pouvaient acquérir que des idées incomplètes et confuses tou-
chant la conformation et les usages des organes intérieurs dont
ils devinaient l'existence (1). Aussi Aristote lui-même, dont les
connaissances anatomiques étaient bien supérieures à celles
d'Hippocrate , n'a-t-il pu jeter que peu de lumières sur les
(1) Les moyens d'étude dont dispo-
saient les Asclépiades ont été très mal
appréciés par quelques écrivains mo-
dernes, et il est surprenant qu'Hip-
pocrate, tout en commettant beaucoup
d'erreurs anatomiques, ait pu acquérir
les connaissances qu'il possédait tou-
chant la structure intérieure du corps
de l'Homme. Cette question a été très
bien traitée par Lauth («). Je dois faire
remarquer cependant que Galien a
beaucoup vanté les connaissances ana-
tomiques d'Hippocrate, et ajoute que
dans les anciennes familles médicales
on exerçait les enfants à l'étude de
l'anatomie non-seulement par la lec-
ture et l'écriture, mais encore par les
dissections qu'on leur faisait faire (b) ;
mais ce passage me semble être,
comme l'éloge des Germains par Ta-
cite, une critique des contemporains
de Galien plutôt qu'un tableau de ce
qui existait réellement à l'époque dont
il parle.
Dans beaucoup d'ouvrages on attri-
bue à Hippocrate la connaissance de
divers faits anatomiques importants
qui furent introduits dans la science
par Aristote, et cette confusion résulte
de ce que plusieurs des écrits géné-
ralement attribués au père de la mé-
decine ne lui appartiennent pas en
réalité, et sont postérieurs même aux
livres de ce dernier naturaliste. Tels
sont le Traité sur le cœur et le Traité
des chairs, ainsi que divers fragments
du Traité des os, et ce que l'on y dit
du système sanguin est certainement
basé sur lesobservationsd'Aristote. Ce
point a été très bien établi par les re-
cherches d'un des médecins les plus
érudits de l'époque actuelle, M. Liltré,
dont les travaux sur Hippocrate por-
tent le cachet d'une saine et savante
critique (c).
Le mot ceXe^, qui correspond à celui
de veina (ou vene) dans les langues
latines, était d'abord employé dans
une acception plus large qu'il ne Test
de nos jours. On l'appliquait non-seu-
lement aux vaisseaux sanguins en gé-
néral, mais aussi à d'autres conduits
qui appartiennent au système glandu-
laire, et apr/ipia signifiait générale-
ment, pour Hippocrate et ses disciples,
d'une part le tube aérifère qui va de
l'arrière-bouche aux poumons, et qui
est connu encore aujourd'hui sous le
nom de trachée-artère ; d'autre part,
les artères proprement dites qui par-
tent du cœur et qui longent les veines.
Les Asclépiades croyaient que tous ces
canaux formaient un seul système de
tubes aérifères, et ils n'avaient sur le
(a) Laulh, Histoire de l'anatomie, t. I, p. 38 et suiv.
(b) Galien, De anatomicis administrationibus, liv. II, cliap. i.
(c) Liltré, Œuvret d'Hippocrate, introduction, 1839, 1. 1, p. 382, 384, etc.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. D
questions physiologiques dont l'examen nous occupe en ce
moment. On lui doit cependant la connaissance de quelques
faits importants. Ainsi il fut le premier à constater que les
veines communiquent avec le cœur, ou en naissent, pour me
servir d'une expression qui, tout en étant moins juste, rend
mieux sa pensée; que des vaisseaux s'étendent aussi du cœur
aux poumons , et que les cavités du cœur, de même que les
veines, sont remplies de sang (1).
mode de distribution des veines que
des notions extrêmement vagues, sou-
vent même très fausses.
Ainsi, Polybe, gendre d'Hippocrate
et auteur d'un écrit intercalé dans le
Traité de la nature de l'Homme, ou-
vrage dont la première portion seule-
ment appartient à Uippocrate, parle
des veines comme venant de la têle,
pour descendre le long du dos et se
porter jusqu'aux pieds, ou bien encore
pour se distribuer, les unes aux vis-
cères de la poitrine et de l'abdomen,
les autres aux bras et aux mains (a).
Ce passage a été placé aussi dans la
compilation connue sous le nom de
Traité de la nature des os, par Hip-
pocrate.
On voit également, par la description
des veines placée dans le deuxième
livre des Épidémies, qu'Hippocrale
lui-même n'avait que des notions très
vagues touchant la disposition de ces
vaisseaux (6).
La distinction entre les veines et les
artères, que l'on attribue générale-
ment à Praxagore (c), paraît avoir
été faite avant le temps d'Hippocrate,
par Diogène d'Apollonie et par Eury-
phon (rf).
(1) Aristote, en abordant l'histoire
des veines, a fait connaître les opi-
nions de ses devanciers touchant le
mode de distribution de ces vaisseaux,
et il donne à celte occasion des extraits
assez étendus des écrits de Syennesis
de Chypre, de Diogène d'Apollonie et
de Polybe. Il crilique avec raison ce
qu'ils avaient dit de l'origine des
veines dans la tête, et il établit qu'elles
naissent du cœur (e).
« Il y a, dit-il, dans la poitrine, en
avant de l'épine du dos, deux veines
(ou vaisseaux) dont l'une, plus petite
et située plus à gauche et plus en
arrière que l'autre, porte le nom
d'aorte (/"). » 11 parle aussi de la bifur-
cation de ces deux vaisseaux vers la
partie inférieure de l'abdomen et des
principales branches qui en dépendent;
mais il suppose que les ramifications
de l'aorte deviennent des nerfs vers
leurs extrémités {g).
La description qu'Aristote donne
(a) Traité de la nature de l'Homme (Œuvres d'Hippocrate, édit. de Lillré, t. VI, p. 59).
(b) Op. cit., t. v, p. 121.
(c) Voyez Hecker, Geschichte der Heilkunde, t. I, p. 219.
(d) Litlré, De quelques points de chronologie médicale, dans l'introduction aux Œuvres d'Hippo-
crate, p. 202.
(e) Aristote, Histoire des Animaux, Irad. par Lecamus, t. I, liv. 111, p. 11".
(f) Op. cit., y. 123.
\g) Op. cit., p. 133.
6 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
École § 3. — Lorsque, à la suite des conquêtes d'Alexandre de
d'Alexandrie. _T Al . , . . , , . .....
Macédoine, Je génie des Grecs vint réveiller 1 antique civilisation
de l'Egypte, et que les grandes institutions scientifiques fondées
par les Ptolémées dans la cité nouvelle d'Alexandrie eurent
porté leurs fruits, l'étude anatomique du corps humain cessa
d'être réputée un sacrilège et fournit bientôt aux physiologistes
d'utiles lumières. Les usages de ce singulier pays devaient con-
tribuer puissamment à y donner aux études médicales cette
direction nouvelle , car partout l'image de la mort s'y perpé-
tuait sous mille formes , et l'embaumement des cadavres avait
depuis longtemps rendu l'idée des autopsies familière à tous les
esprits. Mais ce qui influa davantage sur la marche de la
science , ce fut la protection large et éclairée que les succes-
seurs du disciple d'Aristote accordèrent aux philosophes. On
raconte que les souverains de l'Egypte ne se contentaient pas
de prodiguer leurs trésors dans l'intérêt de la science , mais se
plaisaient à entendre les leçons et à partager les travaux des
du cœur est également entachée de veine, c'est-à-dire la veine cave, naît
quelques erreurs graves. Ainsi il dit de la cavité qui occupe à droite la
que, chez les grands Animaux, le cœur partie supérieure du cœur (a). Or,
est creusé de trois cavités. Cette asser- cela ne peut s'appliquer qu'à l'oreil-
tion a été diversement interprétée par lette droite, et je ne vois aucune rai-
les anatomistes modernes : les uns son de supposer qu'Arisloîe ait cru à
pensent qu'il a pris pour un ventri- l'existence d'un ventricule placé entre
cule moyen la portion basilaire de les deux cavités auxquelles on donne
l'aorte, d'autres supposent que cette aujourd'hui les noms de ventricule
même cavité moyenne n'est autre chose droit et ventricule gauche. Au lieu
qu'une dépendance du ventricule de décrire trois cavités là où il n'y en
droit. Mais il me paraît plus probable a que deux, il a omis de faire men-
qu'il faut expliquer ce passage autre- tion de la quatrième cavité qui existe
ment, et que la cavité de droite est en réalité et qui paraît avoir échappé
l'oreillette veineuse, la cavité moyenne à ses investigations, savoir : l'oreillette
le ventricule droit, et la cavité gau- gauche , que probablement il ne dis-
ette le ventricule gauche. En effet, linguait pas de l'oreillette droite.
Aristote dit positivement que la grande
(a) Aristote, Histoire des Animaux, p. 125.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 7
savants dont ils s'entouraient. Pline nous assure que ees princes
allaient même assister aux dissections qui se pratiquaient jour-
nellement au Musée, magnifique établissement dont la création
restera leur plus beau titre de gloire (1). Là, en effet, était
réuni par leurs soins tout ce qui devait assurer la culture et le
développement de l'intelligence. Le philosophe y trouvait à la
fois le calme, le loisir, le bien-être nécessaires aux travaux de
l'esprit, et les instruments d'étude que réclame l'investigation
delà Nature. Son existence était assurée ; une riche bibliothèque
lui était ouverte, de vastes collections étaient formées pour son
usage, et il pouvait aller tour à tour puiser dans les récits des
observateurs passés la connaissance des découvertes accom-
plies, ou interroger la matière pour en arracher de nouveaux
secrets (2).
(1) Voyez Sprengel, Histoire de la
médecine, t. I, p. Zi27.
(2) La création de l'École d'Alexan-
drie est due au fondateur de la dynas-
tie des rois grecs de l'Egypte , Pto-
lémée Lagus, appelé aussi Ptolémée
Soter,etelledate d'environ troissiècles
avant l'ère chrétienne. Ce souverain
aimait beaucoup les sciences, les lettres
et les arts ; il orna de magnifiques bâ-
timents la ville naissante d'Alexandrie,
y établit une bibliothèque immense,
et y appela un grand nombre de
philosophes auxquels il assura une
existence honorable dans un palais
nommé Musée. Son fils et successeur,
Ptolémée Philadelphe, se livra avec
ardeur à la culture des sciences et
s'occupa beaucoup de zoologie ; il
forma la première ménagerie connue,
et y réunit une multitude d'Animaux
rares. Il acheta la bibliothèque formée
par Aristote, et ne négligea rien pour
accroître ses recherches bibliographi-
ques : ainsi il paya aux Athéniens la
valeur d'environ Z|0 000 francs de
notre monnaie actuelle, pour obtenir
la permission de faire copier les ou-
vrages de Sophocle, d'Eschyle et d'Eu-
ripide, et l'emplacement de la biblio-
thèque du musée appelé le Bruchion
étant devenu insuffisant, il destina au
même usage le temple de Sérapis; en-
fin il porta à 700 000 le nombre de
volumes dont l'École d'Alexandrie se
trouva ainsi dotée. Les savants réunis
au Musée y vivaient en commun sous
la présidence d'un prêtre, et les études
anatomiques y excitèrent un grand in-
térêt. Tous les princes de la dynastie
des Lagides accordèrent à cet établis-
sement une généreuse protection ;
mais la direction des études ne tarda
pas à changer d'une manière fâcheuse,
et les discussions s'y substituèrent à
l'observation de la Nature. Un autre
coup grave porté à la prospérité de
l'École d'Alexandrie fut la destruction
de sa bibliothèque principale dans l'in-
cendie du Bruchion par Jules César.
Hérophile.
8 HISTOIRE DE LA. DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
L'école d'Alexandrie donna bientôt à la science deux anato-
mistes illustres dont les noms ne doivent pas être oubliés ici :
Hérophile et Érasistrate. Leurs ouvrages ne sont pas arrivés
jusqu'à nous , mais leurs découvertes n'ont pas eu le même
sort (1).
Depuis longtemps les médecins avaient remarqué dans di-
verses parties du corps des pulsations qui ressemblaient aux
Au commencement du 111e siècle de
l'ère chrétienne , Caracalla supprima
la réunion scientifique du Musée; en-
fin, vers la fin du iv* siècle, l'em-
pereur Théodose ordonna la démoli -
lion du temple de Sérapis, et l'on
ignore ce que devinrent les débris de
l'ancienne bibliothèque fondée par
Ptolémée Philadelphe et accrue par
l'adjonction de celle de Pergame
qu'Antoine y avait fait transporter
sous le règne de Cléopâlre. Mais, mal-
gré son état de décadence, l'École
d'Alexandrie exerça pendant toute
l'antiquité une influence considérable
sur les éludes médicales. Ce fut là que
Galien acquit en grande partie les
connaissances anatomiques qu'il nous
a léguées, et il conseilla à ses contem-
porains de s'y rendre pour y étudier
l'osléologie. Mais il paraît que la dis-
section y était tombée en désuétude,
car Rufus d'Éphèse , qui vivait au
temps de Trajan (ou peut-être d'Au-
guste), en parle comme d'une chose
qui se pratiquait jadis. Sous la domi-
nation du Bas-Empire, l'École d'A-
lexandrie reprit cependant quelque im-
portance , et ii paraît qu'au ve siècle
on y fit quelques dissections (a).
Elle jouissait encore de beaucoup de
célébrité au commencement du vu*
siècle, et Paul d'Égine, qui paraît avoir
vécu vers cette époque, y étudia. Mais
en 6/|0, après qu'Alexandrie eut été
prise et pillée par Amrou, l'un des
lieutenants du calife Omar, tous les
livres qui y restaient furent brûlés par
l'ordre de ce chef, et à dater de ce
jour l'École cessa d'exister (6).
(1) Quelques-uns des écrits qui
portent le nom d'Hippocrate, et qui
donnent sur la structure du cœur et
des vaisseaux sanguins des notions
beaucoup plus exactes que celles dont
on trouve les traces dans les œu-
vres authentiques de ce grand mé-
decin, paraissent dater aussi des pre-
miers temps de l'École d'Alexandrie.
Tel est le Traité du cœur, qui ne
figure pas dans la liste des livres
d'Hippocrate dressée par Érotien, et
qui contient non-seulement l'indica-
tion de l'existence des deux oreillettes,
mais aussi quelques détails sur les
valvules situées à l'embouchure des
artères. L'auteur de ce traité suppose
du reste que les oreillettes servent,
comme les soufflets d'une forge, pour
y attirer de l'air.
(a) Laulh, Histoire de l'anatomte, p. 118.
(6) Freind, Histoire de la médecine depuis Galien jusqu'au xvi* siècle, t. I, p. i.
— Voyez aussi , au sujet de l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, les notes de Sylvestre de
Sar.y, dans sa traduction de la Relation de l'Egypte, par Abd-Allalif, p. 240.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 9
battements du cœur. Hippocrate avait plus d'une fois parlé
de ce phénomène (1) ; Aristote avait reconnu qu'il est dû
aux mouvements du sang , et qu'il se produit dans tout le
corps au même moment (2) ; mais Hérophile fut le premier
à faire une étude attentive du pouls et à constater l'isoehro-
nisme des battements du cœur et des artères, fait dont nous
verrons bientôt l'importance physiologique. Hérophile signala
aussi les différences qui s'observent dans l'épaisseur des parois
des veines et des artères ; enfin il distingua nettement les deux
sortes de vaisseaux qui relient les poumons au cœur (S).
Érasislrate , qui était contemporain d'Hérophile , et qui se , Extraie.
livra à l'investigation de la structure du corps humain avec non
moins d'ardeur, enrichit la science d'un autre fait dont la con-
naissance était également un préliminaire nécessaire de la dé-
couverte de ïïarvey. Il constata le jeu des valvules qui dans
l'intérieur du cœur séparent les deux étages de cavités dont ce
viscère est creusé, et il y a quelque lieu de croire qu'il avait
entrevu les vaisseaux chylifères , qui peuvent être considérés
comme une dépendance et un complément de l'appareil circu-
latoire (4).
(1) Hippocrate paraît avoir élé le
premier à employer le mot pouls
(acpu-j'ao;) dans le sens que l'on y donne
aujourd'hui ; mais , en général , ce
terme ne s'appliquait qu'aux batte-
ments violents des artères qui s'obser-
vent dans divers cas pathologiques.
(2) Histoire des Animaux, liv. Ilf,
chap. xix.
(3) Hérophile était disciple de
Praxagoras de Cos, un des derniers
représentants de la familles des Asclé-
piades. Il vivait du temps de Pto-
lémée 1er (ou Soter), et il jouissait
d'une très grande célébrité comme
anatomiste. Les noms qu'il imposa
à plusieurs des parties constitu-
tives du corps humain sont con-
servés jusqu'à ce jour, et c'est sur-
tout en traitant du système nerveux
que nous aurons à parler de ses tra-
vaux. Il remarqua ia différence de
structure qui existe entre les divers
vaisseaux qui sont en connexion avec
le côté veineux du cœur, et il appela
veine artérieuse celui qui va du ven-
tricule droit aux poumons, tandis qu'il
nomma artère veineuse la veine pul-
monaire des anatomistes modernes.
(k) Ni les anciens, ni les modernes,
ne me semblent avoir rendu justice à
Érasistrate : les uns l'ont calomnié ,
10 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
L'éclat dont brilla l'école d'Alexandrie sous les premiers
Lagides ne tarda pas à se ternir. Le Musée perdit par l'incendie
une grande partie de sa riche bibliothèque ; ses professeurs, au
lieu d'observer la Nature, s'épuisèrent en vaines argumenta-
tions, et l'on y abandonna les dissections ; mais cette institution
continua néanmoins à exercer une grande influence sur les
études médicales, et elle compta parmi ses élèves le plus grand
anatomiste de l'antiquité : Galien (1).
et les autres lui ont fait porter tout le
poids d'une erreur dont il n'est pas
l'auteur. Celse a prétendu qu'Érasis-
trate avait eu la cruauté de disséquer
vifs des hommes condamnés à mort et
livrés à ses investigations par les sou-
verains de l'Egypte (a). Tertullien a
accusé Hérophile du même crime (6).
Mais ces imputations, que les compi-
lateurs se plaisent à répéter, ne pa-
raissent reposer que sur des bruits
populaires dont l'exagération est fa-
cile à comprendre, et dont la fausseté
semble démontrée par les erreurs
mêmes dont ces anatomistes n'ont pas
su se préserver touchant la vacuité
des artères (c).
Quant à l'idée des fonctions pneu-
matiques des artères, Érasistrate l'a
trouvée enracinée depuis longtemps
dans l'esprit de tous les maîtres de la
science, et si Galien, pour combattre
cette erreur, s'est attaqué à lui plutôt
qu'à Aristote, c'est probablement parce
qu'il jouissait de plus d'autorité aux
yeux des contemporains de l'illustre
médecin de Pergame, et qu'il avait
développé d'une manière plus nette
cette fausse doctrine.
Effectivement, M. Littré a fait voir
que l'erreur professée par Érasistrate
existait du temps d'Hippocrate. Il en
signale même des traces dans les opi-
nions attribuées à Diogène d'Apol-
lonie, qui est antérieur à llippocrate.
Empédocle d'Agrigente , qui vivait
cinq cents ans avant Jésus-Christ, ad-
mettait aussi que les canaux connus de
nos jours sous le nom d'artères sont
vides de sang et occupés par de l'air.
Érasistrate doit une partie de sa
célébrité populaire au rôle qu'il joue
dans Phistoire»de Stratonice et d'An-
tiocbus, fils de Séleucus Nicanor, roi
de Syrie. Il naquit dans l'île de Céos,
et selon Pline il était petit-fils d' Aris-
tote. Il étudia la médecine sous Chry-
sippe le Cnidien, et il paraît avoir ter-
miné ses jours par le poison. Ses
ouvrages ne sont pas arrivés jusqu'à
nous; mais Galien et Cœlius Aurelia-
nus nous ont transmis quelques-unes
de ses opinions, et pendant plus de
quatre siècles après sa mort il eut de
nombreux sectateurs. 11 paraît avoir
découvert l'existence des vaisseaux
chylifères.
(1) Galien naquit à Pergame, ville
de l'Asie Mineure, sous le règne de
l'empereur Adrien , en 131 de l'ère
(a) Celsus, De re medica, lib. I.
(b) Terlullien, De anima, c. 10.
(c) Voyez D. Leclerc, Histoire de la médecine, t. II, p. 42 et 28,
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 11
§ 4. — Nous avons déjà vu qu'Hippocrate, Aristote, Héro- Gaiien.
phile et Érasistrate connaissaient l'existence de deux sortes de
tubes membraneux et ramifiés, qu'ils distinguaient, ainsi qu'on
le fait encore de nos jours, sous les noms d'artères et de veines.
Quand on examine ces organes sur le cadavre , on trouve en
général les veines gorgées de sang, tandis que les artères sont
presque vides , et cette circonstance avait conduit tous ces phy-
siologistes à penser que les veines sont les seuls vaisseaux
sanguins et que les artères sont destinées à contenir de l'air.
Aristote considérait ces derniers tubes comme formant avec la
trachée-artère un vaste système de conduits pneumatiques (1),
et Érasistrate paraît avoir insisté davantage encore sur cette
doctrine erronée.
Galien, au contraire, découvrit la vérité.
A l'aide de quelques expériences très simples , pratiquées
sur des Animaux vivants , Galien établit que les artères , de
même que les veines , sont des Vaisseaux sanguins.
chrétienne. Il étudia Panatomie pen- (1) Aristote, après avoir décrit Tar-
dant plusieurs années à l'École d'A- tère (ou trachée) qui s'étend de Par-
lexandrie, mais il paraît s'être adonné rière-bouche aux poumons , ajoute
principalement à la dissection des que le cœur y est attaché par des li-
Animaux dont l'organisation se rap- gaments creux, et que si l'on souffle
proche le plus de la nôtre. Il voyagea dans ce tube, on voit Pair passer jusque
beaucoup et habita souvent Piome, où dans le cœur ; cette observation, dit-il
il jouissait de la confiance de Marc encore, est à la vérité plus difficile
Aurèle. Après la mort de ce prince il à faire dans certains Animaux; mais
retourna en Asie Mineure, où il mou- le passage est manifeste dans les
rut à un âge très avancé. Ses princi- grandes espèces (a). Ailleurs il ex-
paux ouvrages sont ceux intitulés : plique davantage sa pensée. « Il part
De usu parlium corporis humant, du cœur, dit-il, des vaisseaux qui se
et De anatomicis administrationibus portent aux poumons , et dont les
librinovem. Une excellente traduction rameaux se divisent comme ceux de
des œuvres de Galien, accompagnée la trachée : artère Ces rameaux
de notes précieuses par M. Daremberg, n'ont aucune communication avec ces
est actuellement en voie de publication. vaisseaux; mais par le contact réci-
(a) Aristote, Histoire des Animaux, liv. I, trad. de Lecamus, t. I, p. 41.
12 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
En effet , il vit que les artères laissent échapper du sang
quand on les ouvre , et que ce sang ne vient pas d'ailleurs ,
mais y existe naturellement. Pour s'en assurer, il plaça autour
d'un de ces vaisseaux deux ligatures à quelque distance l'une
de l'autre, de manière à interrompre toute communication entre
une portion de l'artère et le reste du système vasculaire ; puis,
ayant fendu longitudinalement le vaisseau ainsi isolé, il reconnut
que sa cavité était occupée par du sang et ne contenait pas
autre chose (1).
Cette découverte était fondamentale. On sut alors qu'il existe
dans toutes les parties du corps de l'Homme et des Animaux
supérieurs deux ordres de vaisseaux sanguins qui, d'une part,
communiquent avec les cavités du cœur, et , d'autre part, se
ramifient jusque dans les parties les plus éloignées de l'orga-
nisme.
D'autres observations apprirent aussi à Galien qu'il existe
des communications entre ces deux systèmes de vaisseaux , de
sorte que le sang peut passer facilement des uns dans les
autres, et néanmoins il fut conduit à reconnaître que ce liquide
n'est pas identique dans les veines et les artères.
On doit encore à Galien la connaissance de plusieurs faits
anatomiques dont nous apprécierons mieux l'importance quand
nous serons plus avancés dans l'étude de l'histoire de la circu-
lation du sang. Ses descriptions du cœur et des vaisseaux san-
guins sont, il est vrai, entachées de quelques erreurs graves,
mais elles sont bien plus complètes que tout ce qui avait été
écrit par ses devanciers, et durant le moyen âge elles satisfirent
pleinement les physiologistes.
proque , les vaisseaux qui viennent (1) Les expériences de Galien sur
du cœur reçoivent l'air et le font pas- les fonctions des artères sont exposées
ser au cœur, où leurs troncs s'ou- dans un petit traité intitulé : An san-
vrent (a). » guis in arleriis natura contineatur.
(a) Op. cit., fi. 45.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
13
§ 5. — Pendant plus de treize siècles les opinions de Galien État
firent loi dans les écoles médicales, et si, de loin en loin, les atomiques
anatomistes consultaient la Nature, ce n'était pas pour contrôler ie moyenne
la parole du maître, mais seulement pour faciliter l'intelligence
de ses écrits. Le moyen âge n'ajouta donc rien aux découvertes
accomplies par les anciens, et ce fut à l'époque de la renais-
sance, quand l'esprit de libre examen commença à se répandre Époqil0
partout , que la question dont l'étude nous occupe ici fit de reJsesa*ce
nouveaux progrès (1).
(I) Les Arabes, qui, pendant le
moyen âge, furent les principaux dé-
positaires de la science acquise par les
anciens, ne contribuèrent en rien aux
progrès de Fanatomie, et l'on com-
prend qu'il devait en être ainsi, puis-
que les Yiahoméians, ainsi que les
Juifs, respectent la loi de Moïse, d'a-
près laquelle celui qui touche un ca-
davre est réputé impur. Ce fut en
Italie que les études analomiques
commencèrent à se raviver. L'em-
pereur Frédéric II décréta en 1213
qu'à l'École de médecine de Salerne
tout chirurgien devait étudier Fana-
tomie du corps humain pendant une
année au moins, et que chaque année
on eût à faire la dissection d'un ca-
davre (a). Mais en 1300, une bulle
de Boniface VIII, relative à l'ense-
velissement des morts, vint mettre de
nouveau obstacle aux dissections, et
une permission expresse émanée du
saint-siége devint nécessaire pour tout
examen anatomiqûe de cadavre. En
1482, l'université de Tubingue obtint
de Sixte IV une autorisation spéciale
pour faire des dissections ; mais le
nombre des sujets dont on pouvait
disposer dans l'intérêt des études
médicales était très restreint. Ainsi
Mundini , qui professa Fanatomie à
l'université de Bologne , au com-
mencement du xive siècle, ne put,
dans l'espace de onze années, dissé-
quer plus de deux ou trois cadavres.
Au commencement du xvte siècle, les
dissections commencent à devenir
plus fréquentes , et Bérenger de
Carpi , qui occupa la chaire d'ana-
tomie à Bologne de 1502 à 1527, eut
l'occasion d'étudier plus de cent su-
jets ; mais il devint un objet de Fani-
mad version publique et fut accusé
d'avoir disséqué des hommes vivants.
Vers la même époque, on ouvrit des
ampbithéâtres de dissection à Padoue
ainsi qu'à Rome et à Vérone (b). Au
commencement du xvF siècle, Dubois,
plus connu sous le nom de Syluius,
et Ch. Etienne, l'un des membres de la
famille des Etienne, si célèbre dans
l'histoire de la typographie, inau-
gurèrent aussi les études analomiques
à Paris. Mais l'utilité des dissections
ne commença à être généralement
comprise qu'après la publication des
grands travaux anatomiques de Vésale,
(a) Codex legum antiquarum Lindenbrogi. Franckfurti, 1613.
(6) Voyez Laut'n, Histoire de l'anatomie, l. I, p. 291, 298 et suiv., 314, etc.
Vésalc.
14 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
Galien, guidé par des vues théoriques plutôt que par l'ob-
servation , avait été conduit à penser que les cavités creusées
des deux côtés du cœur, et en continuité les unes avec la veine
cave , les autres avec l'artère aorte, communiquaient librement
entre elles à l'aide de trous pratiqués dans la cloison charnue
qui sépare les ventricules entre eux. Mais lorsque , le scalpel à
la main, on commença à vérifier sur le cadavre humain la des-
cription des viscères que nous avait léguée l'anatomiste de Per-
game , on ne tarda pas à reconnaître que cette disposition
n'existe pas ; que la cloison médiane du cœur n'est point per-
forée, et que le sang ne saurait passer ainsi d'un ventricule à
l'autre.
Ce premier pas vers la connaissance plus parfaite de l'appa-
qui, le premier, osa contredire Galien.
Enfin, en 1564, Charles IX fonda à la
Faculté .de Paris deux cours publics
d'anatomie.
Vésale, dont l'influence fut si
grande sur cette branche des sciences
naturelles, naquit à Bruxelles en 1514t
et fit la majeure partie de ses études
anatomiques à Paris, où il éprouva
beaucoup de difficultés à se pro-
curer des cadavres. Il acquit néan-
moins en peu d'années une connais-
sance si profonde de la structure du
corps humain, qu'à l'âge de vingt-
neuf ans il put rectifier de nombreuses
erreurs commises par Galien, et pu-
blia un des plus beaux ouvrages que
la science possède. Son livre, intitulé
De humani corporis fabrica libri
septem, et imprimé à Basle en 1543,
fait époque dans l'histoire de l'ana-
tomie, et les figures qu'il y joignit
sont dessinées avec une si grande
perfection, que quelques auteurs les
ont attribuées au Titien. En 1537,
Vésale, après avoir pratiqué la chi-
rurgie dans les armées de Charles-
Quint, devint professeur d'anatomie
à l'université de Padoue ; il enseigna
ensuite cette science à Bologne et à
Pise; en 1543, il se rendit auprès de
Charles-Quint comme médecin, et il
conserva le même emploi auprès du
successeur de ce prince, le roi d'Espa-
gne Philippe II, On assure qu'en 1 564
un grand malheur le frappa : appelé
à faire une autopsie, il s'aperçut, dit-
on, que le sujet dont il venait d'ouvrir
largement la poitrine n'était pas mort,
et, déféré pour ce fait à l'inquisition,
il fut obligé d'entreprendre un pèle-
rinage en terre sainte. Quoi qu'il en
soit, il se rendit à Jérusalem, et au
retour il fit naufrage sur les côtes de
l'île de Zante. Pour plus de détails à
ce sujet, je renverrai le lecteur à un
ouvrage publié récemment par M. Bur-
graeve, professeur d'anatomie à l'uni-
versité de Gand, intitulé : Etudes sur
André Vésale, précédées d'une Notice
historique sur sa vie et ses écrits,
in-8, 1841.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 15
reil circulatoire date du milieu du xvie siècle et a été fait par
l'illustre Yésale, qui porte à bon droit le titre de fondateur de
l'anatomie moderne (1).
§ 6. — En 1553, on alla plus loin. Un contemporain de Michel servet.
Yésale , Michel Servet , qui avait étudié la médecine à Paris ,
mais qui s'occupait de controverses religieuses plus que de
science , et qui périt misérablement sur le bûcher, victime de
la farouche intolérance du réformateur genevois Calvin , émit
alors, au milieu d'une foule d'idées bizarres et fausses sur la
formation de l'âme , une idée vraie et importante sur les mou-
vements du sang. Il devina que ce fluide va du ventricule droit
au ventricule gauche en passant à travers les poumons, et que
c'est dans les poumons, non dans le cœur, que par son mélange
avec l'air il change de nature.
Je dis que Michel Servet devina ces 'choses ; car, en lisant
son ouvrage , je ne saurais croire qu'il les ait constatées. En
effet, il n'en fournit aucune preuve ; ses écrits portent le cachet
d'un esprit spéculatif et aventureux ; il n'était pas observateur,
et, pour les besoins de son argumentation, il entoure d'une
foule d'assertions extravagantes l'énoncé d'une vérité inaperçue
jusqu'alors. Ainsi, après avoir expliqué comment le sang passe
du côté droit dans le côté gauche du cœur par la voie détournée
des vaisseaux pulmonaires, il explique du même ton de confiance
(1) Un anatomiste célèbre de l'École les opinions de Galien (6) ; mais il ne
de. Bologne, Bérenger de Carpi, avait tarda pas à déclarer que le tissu de
déjà dit, en 1521, que les trous de la cette cloison est ni moins épais ni
cloison interventriculaire du cœur , moins compacte que le reste du cœur,
très distincts chez le Bœuf et les au- et ne saurait livrer passage à une seule
très grands Animaux , ne se voient goutte de sang. Il est bon de noter, en
qu'avec beaucoup de difficultés chez passant, que ces trous n'existent pas
l'Homme (a) , et Vésale en admit davantage chez le Bœuf ou chez tout
d'abord l'existence par déférence pour autre Mammifère.
(à) Carpi, Commentarii cum amplissimis additionibus super anatomia Mundini. Bologne, 1521,
p. CCCXLI.
(i) Vésale, De corporis humani fabrica, lib. VI, cap. xv (Opéra omnia, 1. 1, p. 517 et 519, édit.
de 1725).
16 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
comment l'esprit vital ainsi élaboré se transforme en esprit
animal dans les petites artères du plexus choroïde ; il admet
comme un fait avéré que les nerfs sont la continuation des
artères et forment un troisième ordre de vaisseaux ; enfin il
décrit avec la même précision apparente les voies par lesquelles
l'air arrive du nez jusque dans les ventricules du cerveau, et le
démon y pénètre pour y assiéger l'âme.
Le temps a relégué dans un juste oubli la plupart de ces
idées physiologiques; mais l'opinion émise ici pour la première
fois au sujet du transvasement du sang des veines dans les
artères par l'intermédiaire du poumon est devenue plus tard une
vérité démontrée , et sera toujours pour le pauvre Servet un
titre de gloire (1).
(1) Michel Servet naquit en 1509
à Villa-Nueva, clans l' Aragon, et se
livra d'abord tout entier a des études
théologiques; mais ayant émis, dans
un écrit sur la Trinité, des opinions
contraires aux dogmes de la religion
catholique, il fut condamné par l'in-
quisition et obligé de quitter l'Espagne.
Il vint alors à Paris, où il étudia la
médecine et professa les mathémati-
ques. Vers 15&0, il alla s'établir auprès
de Lyon, puis il fit divers voyages en
France et en Allemagne, se livrant
avec ardeur à des prédications qui lui
attirèrent sans cesse et de toutes parts
des persécutions nouvelles. En 1553,
il se trouva à Vienne, en Dauphiné, et
y publia, sous le voile de l'anonyme,
le livre de controverse qui servit de
base aux accusations de Calvin, et qui
a valu à son auteur une juste célébrité
parmi les physiologistes (a). Calvin,
qui était fortement attaqué dans cet
écrit dont il connaissait l'auteur, dé-
nonça Servet à l'archevêque de Lyon.
Arrêté par l'ordre de ce prélat, Servet
parvint à s'évader, et se dirigea sur
Genève, ne s'imaginant pas que Cal-
vin, qui venait de réclamer de Fran-
çois 1er la tolérance pour ses coreli-
gionnaires, emploierait lui-même la
violence pour assurer le triomphe de
ses idées. Mais Calvin, ayant décou-
vert sa retraite, le fit arrêter et fit
prononcer contre ce malheureux une
sentence barbare. A son instigation,
Servet fut brillé vif à Genève, et l'ou-
vrage qui servait de prétexte à cette
sentence fut jeté dans le bûcher par
la main du bourreau. L'exemplaire de
ce livre, que la Bibliothèque impé-
riale de Paris possède, porte encore
les traces des flammes au milieu des-
quelles, pour la honte éternelle de
(a) Christianismi reslitutio. Totius Ecclesice apostolicœ ad sua limina vocatio in integrum
restiluta cognitione Dei , fidei Christi, justificalionis nostrœ , regenêrationis baptismi et cœnœ
Domïni manducationis. Hestituto denique nobis regno cœlesti, Babylonis impiœ captivitate solutd
et Anticlivitto cum suis penitus destructo. i vol. in-8.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 17
Mais la découverte du phénomène auquel on donne de nos
jours le nom de circulation pulmonaire ne pouvait exercer
aucune influence sur la marche des études physiologiques , car
elle resta longtemps ignorée de tous ceux qui cultivaient les
Calvin , Michel Servet termina ses
jours le 26 octobre 1553.
Pendant longtemps on n'avait géné-
ralement que des notions très incom-
plètes des vues physiologiques de
Servet; car son livre est extrêmement
rare (a), et l'on n'en avait donné que
des extraits insuffisants. M. Flonrens
a donc rendu un véritable service à
la science en faisant connaître d'une
manière complète la portion du Chri's-
tianismi restitutio où se trouvent
consignées les idées de cet esprit bi-
zarre au isujet du mouvement du
sang et de la formation des esprits.
Dans un opuscule écrit avec la clarté
et l'élégance qui caractérisent à un
haut degré le style de M. Flourens, ce
savant a discuté d'une manière appro-
fondie et impartiale les droits de Har-
vey, de Servet, de Fabricius d'Aqua-
pendente et des aunes anatomistes
de la même époque, aux préliminaires
de la découverte de la circulation ou
à cette découverte elle-même. C'est
un écrit que tous les naturalistes li-
ront avec plaisir et profit (6).
Le passage dans lequel Servet parle
de la communication du ventricule
droit du cœur avec le ventricule gau-
che par l'intermédiaire du poumon
est parfaitement clair, et suffisamment
explicite pour montrer que ce physio-
logiste s'était formé une idée juste du
transport du sang du système veineux
dans le système artériel, mais prouve
aussi qu'il ne connaissait pas la cir-
culation du sang, c'est-à-dire le mou-
vement rotatoire de ce liquide dans
l'organisme. Voici ce passage :
« Vitalis spiritus in sinistro cordis
» ventriculo suam originem habet ,
» juvantibus maxime pulmonibus ad
» ipsius generalionem. Est spiritus
n tenuis , caloris vi elaboratus, flavo
» colore, ignea potentia, ut sit quasi
» ex puriori sanguine lucidus vapor,
» substantiam in se continens aqua?,
» aeris et ignis. Geueratur ex facta in
» pulmonibus mixtione inspirati aeris
» cum elaborato subtili sanguine ,
» quem dexter ventriculus cordis si-
» nistro communicat. Fitautem com-
» municatio hase, non per parielcm
» cordis médium, ut vulgô credilur,
» sed magno artificio à dextro cordis
» ventriculo , longo per pul moues
» ductu, agita tur sanguis subtilis : à
» pulmonibus praeparatur, flavus effi-
» citur, et à vena arteriosain arteiïam
i> venosam transfundilur. Deinde in
» ipsa arteria venosa inspirato aeri
n miscetur etexpirationeà fuligine rc-
» purgatur. Atque ità tandem à sinis-
» tro cordis ventriculo totum mixtmn
» attrahitur, apta supellex, ut fiât spi-
» ritus vitalis.
» Quôd ità per pulmones fiât com-
(a) 11 parait qu'il n'existe aujourd'hui que deux exemplaires de cette édition de l'ouvrage de Serve!,
l'un à la bibliothèque impériale de Paris, l'autre à h bibliothèque impériale de Vienne en Auliiche;
mais vers la fin du siècle dernier (en 1791) on en fit, à Nuremberg, une réimpression page pour page
et sous la même date.
(b) Flourens, Histoire de la découverte de la circulation du sang. 1 vol. in-18, Paris, 1854.
III. 2
18 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
sciences. En effet, l'ouvrage dans lequel Michel Servet en parle
est un livre de théologie relatif à la réforme du christianisme ,
que l'on jeta dans le bûcher où Calvin faisait brûler vif son in-
fortuné rival ; peu d'exemplaires échappèrent aux flammes ,
» municalio et praeparatio, docet con-
» junctio varia et communicatio venae
» arteriosae cuin arteria venosa in
» pulmonibus. Confirmât hoc magni-
» tudo insignis venae arteriosae, quae
» nec talis, nec tanta facta esset, nec
» tam à corde ipso vim purissimi san-
» guinis in pulmones emitteret, ob
» solum eonim nulrimenlum, nec cor
» pulmonibus hac ratione serviret ;
» cùm praesertim anteà in embryone
» solerent pulmones ipsi aliundè nu-
» triri , ob membranulas illas , scu
» valvulas cordis, usque ad boram
» nalivitatis nondnm opertas, ut docet
» Galenus. Ergô ad alium usum effun-
» dilur sanguis à corde in pulmones
» bora ipsa nativiiatis, et tam copio-
» sus. Item, à pulmonibus ad cor non
» simplex aer, sed mixtus sanguine
» mittitur per arteriam venosam :
» ergô in pulmonibus fit mixlio. Fla-
» vus ille color à pulmonibus dalur
» sanguini spiriluoso, non a corde.
» In sinistro ventricule non est locus
» capax lantaeet tam copiosae mixtio-
» nis, nec ad flavum elaboratio illa
» sufficiens. Demum, paries ille me-
» dius, cum sitvasorum et facultatum
» expers, non est aptus ad communi-
» cationcm et elaborationem illam,
» licet aliquid resudare possil. Eodem
» artificio , quo in hepate fit trans-
» fusio à vena porta ad venam cavam
» propter sanguinem, fit etiam pul-
» mone transfusio à vena arteriosa ad
» arteriam venosam propter spiritum.
» Si quis hac conférât cum iis quae
» scribit Galenus lib. VI et VIE De usu
» partium, veritatem penitus intelli-
» get, ab ipso Galeno non animadver-
» sam. Ille itaque spiritus vitalis à si-
» nistro cordis ventriculo in arteriis
» totius corporis deindè transfunditur,
» ità ut qui tenuior est superiora petat,
» ubi magis adhuc elaboratur, prœ-
» cipuè in flexu retiformi , sub basi
» cerebri .sito, in quo ex vitali fieri in-
» cipit animalis, ad propriam rationa-
» lis animae sedem accedens. Iterum
» ille fortins mentis ignea vi tenua-
» tur, elaboratur , et perficitur , m
» tenuissimis vasis seu capillaribus-
» arteriis. quae in plexibus choroïdi-
» bus sitae sunt, etipsissimam mentem
» continent. Hi plexus intima omnia
» cerebri pénétrant, et cerebri ventri-
» culos interne succingunt, vasa illa
» secum complicata et contexta ser-
» vantes, usque ad nervorum origines,
» ut in eos sentiendi et movendi fa-
» cultas inducatur.
» Vasa illa miraculo magno tenuis-
» sime contexta, tametsi arteriae dican-
» tur, sunt tamen fines arteriarum,
» tendentes ad originem nervorum,
» ministerio meningum. Est novum
» quoddara genus vasorum. Nam, si-
» eut in transfusio à venis in arterias
» est in pulmone novum genus vaso-
» ru», ex vena et arteria, ità in trans-
» fusione ab arteris in nervos est
» novum quoddam genus vasorum,
v ex arteriae tunica et méninge :
» cum praesertim méninges ipsae suas
» in nervis tunicas servent. » (Voyez
Flourens, Op. cit., p. 203.)
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 19
et ils ne devinrent l'objet de quelque attention qu'un siècle plus
tard, lorsque les contemporains envieux de l'illustre Harvey,
après avoir nié obstinément les vérités mises en lumière par ce
grand expérimentateur , s'efforcèrent de prouver que son seul
mérite était celui de propagateur des connaissances acquises par
ses devanciers, ou, pour me servir des expressions mêmes de
l'un de ses détracteurs , « d'avoir fait circuler la découverte de
la circulation » .
§ 7. — L'idée heureuse de Michel Servet, touchant le passage Colombo.
du sang d'un ventricule à l'autre par l'intermédiaire des vais-
seaux du poumon , s'est présentée aussi à l'esprit de quelques
autres anatomistes du xvie siècle. Vers la même époque, deux
professeurs célèbres de l'école italienne , Colombo , de Pa-
doue (1), et Césalpin, de Pise , arrivèrent au même résultat.
Césalpin alla plus loin encore. Il dit que les veines portent césaipin.
au cœur les matières nutritives, et que les artères les distribuent
dans toutes les parties du corps. Il remarqua aussi que les
veines se gonflent quand on y applique une ligature, et que ce
gonflement a lieu toujours au-dessous du point comprimé,
jamais au-dessus (2).
(1) RealdusCOLUMBUS, de Crémone, ('2) André Césalpin , d'Arezzo en
était un disciple de Vésale ; il ensei- Toscane, enseigna la médecine à Pise,
gfca successivement l'analomie à Pa- et résida ensuite à Rome, auprès du
doue, à Pise, à Rome, et il publia à pape Clément VIII. C'était un des
Venise, en 1559, un traité intitulé : hommes les plus éminents de son
De re anatomica libri quindecim, siècle ; il fut le premier à avoir une
dans lequel il dit que la cloison située idée de la méthode naturelle pour la
entre les ventricules du cœur ne livre classification des plantes, et l'on peut
point passage au sang, ainsi qu'on le le considérer comme le créateur de
pensait, mais que ce liquide est porté l'anatomie végétale. C'est lui aussi qui
du ventricule droit au poumon par la a introduit dans la science le mot cir-
veine artérieuse, puis passe avec l'air culation du sang [a), et il a bien dé-
par l'artère veineuse dans le vcnlri- prît la manière dont le sang traverse
cule gauche du cœur. le système circulatoire pulmonaire ;
(a) Cœsalpinus, Quœstionum peripatelicarum lit. V, p. 125 (voy. Fiourcns, Op. cit., p. 19).
Découverte
des valvules
des veines.
20 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
§ 8. — Vers la même époque, une autre découverte pré-
paratoire de la grande découverte de Harvey s'accomplit peu
à peu : celle d'une multitude de petits replis membraneux qui7
placés d'espace en espace dans l'intérieur des veines , y consti-
tuent des valvules comparables à ces soupapes du cœur dont
Érasistrate avait jadis étudié le jeu.
Une des premières observations sur ces organes est due à
mais je ne puis admettre, avec mon
savant collègue et ami , M. Isidore
Geoffroy Saint- Hilaire, qu'il ait connu
la circulation tout entière (a). Cette
opinion est fondée sur un passage de
son traité De plant is, dans lequel il
dit que, chez les Animaux, nous
voyons l'aliment conduit par les vei-
nes au cœur comme à l'officine de la
chaleur innée, et ayant acquis là sa
dernière perfection, être, par les ar-
tères, distribué dans tout le corps (b].
Mais il n'y parle pas du retour du
sang des organes où ce liquide a été
ainsi distribué, et, par conséquent,
je ne vois dans ce passage que l'idée
d'un phénomène de distribution ou
d'irrigation, et non pas de circula-
tion, tel que nous l'entendons aujour-
d'hui, c'est-à-dire de passage continu
dans un système de vaisseaux formant
un cercle complet. Ailleurs, il est
vrai, Césalpin parle du passage de la
chaleur naturelle des artères dans les
veines et des veines dans le cœur, et
il dit même quelques mots d'un mou-
vement de flux et de reflux du sang
dans les extrémités. C'est par ce re-
tour du sang vers le cœur qu'il s'ex-
plique le gonflement des veines au-
dessous des ligatures (c) ; mais il ne
lie pas entre elles toutes ces idées, et,
pour apercevoir dans ses écrits l'indi-
cation de l'ensemble du phénomène
de la circulation du sang, il faut con-
naître déjà ce phénomène tel que
Harvey l'a exposé. Césalpin dit nette-
ment que le sang circule dans les
poumons pour se rendre du côté
droit au côté gauche du cœur (d),
mais il ne paraît avoir eu qu'une
idée vague de la circulation générale,
et ne pas avoir saisi les relations de
toutes ces choses entre elles : car il
admet encore, avec les anciens, que la
cloison du cœur est perforée et que
le sang passe directement d'un ven-
tricule dans l'autre. D'ailleurs, en sup-
posant même que cet homme de
génie eût réellement deviné l'en-
semble du phénomène de la circula-
tion du sang, il n'étaya de preuves
suffisantes aucune de ses conjectures,
et la démonstralion scientifique de ce
grand fait physiologique ne fut donnée
qu'un demi-siècle plus tard par l'il-
lustre Harvey.
(a) Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire naturelle générale des Règnes organiques, 1. 1, p. 44.
(b) Cœsalpinus, Deplanlis, lib. I, cliap. h, p. 3, 1583.
(c) Caesalpinus, Quœstionum medicarum lib. II, p. 234.
(d) Voyez à ce sujet Floureus, Histoire de la. découverte de la circulation du sang, p. 17.
Etienne.
Cannanus
et Eustacliius.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 21
un chirurgien français également célèbre comme anatomiste et
comme érudit, Charles Etienne. Il trouva dans quelques ra-
meaux de la veine porte des valvules qu'il appela des apophyses,
et qu'il compara aux valvules du cœur (i).
Cannanus, professeur d'anatomie à Ferrare, aperçut des
replis valvulaires de même nature dans la veine azygos, qui
s'étend entre les deux veines caves (2), et Eustachius fit con-
naître l'existence, non-seulement de la valvule qui porte aujour-
d'hui son nom et qui se trouve au débouché des veines caves ,
mais aussi de soupapes analogues situées à l'orifice des veines
propres du cœur, appelées veines coronaires (3).
Enfin Fabricius d'Aquapendente , professeur à Padoue , sans d,A^tudseni
avoir connaissance de ces faits isolés et imparfaitement observés,
lit une étude spéciale du système de valvules dont les veines
des membres et de la plupart des organes sont pourvues (h);
il remarqua qu'elles sont disposées de façon à empêcher le
(1) Ch. Etienne, frère de Robert
Etienne, l'un des imprimeurs les plus
habiles et des érudits les plus versés
dans la connaissance des langues clas-
siques, naquit à Paris vers 1503, et
mourut à Genève en 1559. Ses observa-
tions sur la structure des veines sont
consignées dans l'ouvrage intitulé :
De dissectione partium corporis hu-
mant libri très, 15Zi5.
(2) Cannanus communiqua ce fait en
15Z|7 à Amatus Lusitanus, qui le consi-
gna clans un ouvrage intitulé : Curatio-
num medicinalium centuriœ septem
(1551). Celui-ci ajoute que le sang de
la veine azygos ne peut couler que dans
un sens, car l'air que l'on insuffle dans
ce vaisseau se trouve arrêté par les
valvules (loc. cit., cent. 1, cur. 51).
(3) B. Eustachi exerça la médecine
à Rome, et lit un grand nombre d'ob-
servations intéressantes sur la structure
du corps humain. Nous venons plus
tard qu'on lui doit la connaissance du
canal thoracique, de diverses parties
de l'appareil auditif et des glandes
surrénales. 11 mourut en 157Z|. Ses ob-
servations sur les valvules des veines
sont consignées dans ses Opuscula
analomica, publiés en 1563 (p. 289).
(k) Fabricio, surnommé d'Aqua-
pendente, parce qu'il naquit dans
celte petite ville des États romains
(en 1537), était disciple de Fallope
et professa pendant plus de cinquante
ans à l'université de l'adoue, où il fit
construire à ses frais un amphithéâtre
d'anatomie. On lui doit des recherches
nombreuses sur la constitution de
l'œuf des Mammifères et la connais-
sance de plusieurs particularités de
structure du corps humain. L'étude
approfondie qu'il fit des valvules des
veines contribua sans aucun doute à
22 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
sang de refluer vers le bas , et il pensa qu'elles devaient servir
à soutenir ce liquide. Mais il ne fit aucune application de ces
découvertes à la théorie générale du mouvement du sang dans
l'organisme.
Harvey. § 9. — Tel était l'état de la science, lorsqu'un jeune disciple
de Fabricius d'Aquapendente, imbu des idées anatomiques de
l'école de Padoue, mais peu satisfait des doctrines physiolo-
giques qu'on y enseignait , entreprit une série de recherches
nouvelles sur les usages du cœur et sur les mouvements du
sang.
C'était Guillaume Harvey (1).
préparer les voies pour la découverte bricius, le père Paul Servite, qui est
de la circulation du sang (a); mais il plus connu sous le nom de Scarpi.
n'avait que des idées très vagues et Mais cette assertion ne repose sur au-
tres incomplètes sur les usages de ces cime base solide, et c'est avec moins
soupapes. Ainsi que le remarque avec d'apparence de raison qu'on a voulu
beaucoup de justesse M. Flourens, lui attribuer aussi l'honneur de la
« les valvules des veines sonlla preuve découverte de la circulation du sang,
anatomique de la circulation du sang Cette question historique, dont plu-
(la preuve qu'il fait circuit, retour, sieurs écrivains se sont occupés dans
qu'il revient sur lui-même, qu'il cir- ces dernières années, a été très bien
cule) ; mais Fabrice ne vit pas cette discutée par Senac {g), par un des
preuve, il ne vit que le fait, et n'en rédacteurs d'une revue anglaise (h),
tira pas la conséquence importante et mieux encore par M. Flourens (ijj.
qu'Harvey seul en a su tirer (6). » (1) William Harvey naquit en
Pieresc(c), Wal3eus(c?), Fulgence(e) 159S, à Folkstone, petite ville delà
et quelques autres écrivains (f), ont côte sud de l'Angleterre, voisine de
attribué la découverte des valvules Douvres. Son éducation scientifique
des veines ù un contemporain de Fa- fut commencée à l'université de Cam-
(a) Hieronymi Fabrici ab Aquapendenle, De venarum ostiolis (Opéra omnia anatomica ei phy-
siologica, ôdit. de 1738, p. 450, pi. 1 à 8).
(b) Flourens, Op. cit., p. 24.
(c) Gassendi, Viriillust. N. C. T. de Pieresc vita, 1641, lib.IV, p. 222.
(d) "Walœus, Epistolce duœ de motuchyli et sanguinis. Lugd. Batav., 1645.
(e) Opère delpadre Paolo, etc., 1687, vita del Padre, p. 44.
(f) Daru, Histoire de Venise, t. V, p. 632.
Biancbi Giovani, Biografia di fra Paolo Scarpi. 2 vol. in-8, Zurich, 1836.
; Voyez aussi Brullé, Note pour servir ù l'histoire de la circulation du sang (Mém. de l'Acad.
de Dijon, 1854).
(g) Senac, Traité de la structure du cœur, t. II, p. 21 et suiv.
(7i) London and ~\Yestminster Revieiv, 1838, vol. XXIX, p. 158.
(i) Flourens, Op. cit., p. 24 et p. 109.
9%
TRAVAUX DE HARVEY.
« Lorsque je commençai à étudier, non pas dans les livres,
mais dans la Nature et à l'aide de vivisections, les mouvements
du cœur, la tache me parut si difficile, nous dit Harvey, que
j'étais presque tenté de penser, comme Fracastor, que Dieu
seul pouvait les comprendre Mais ; en y apportant chaque
jour plus d'attention et de soins, en multipliant mes vivisections,
en employant à ces expériences une grande variété d'Animaux,
et en recueillant beaucoup d'observations, j'ai cru enfin être
arrivé à la connaissance de la vérité Depuis lors je n'ai pas
hésité à communiquer mes vues , non-seulement à quelques
amis , mais au public , dans mes leçons d'anatomie. Elles ont
■été accueillies avec faveur par les uns, avec blâme par d'autres :
d'un côté, on m'a imputé à crime de m'être écarté des pré-
ceptes de mes devanciers ; d'autre part, on a exprimé le
désir de me voir développer davantage ces nouveautés qui
pourraient bien être dignes d'attention. Enfin, cédant aux con-
seils de mes amis, je me suis décidé à employer la voie de la
presse pour soumettre au jugement de tous mes travaux et
moi-même. »
Telles sont à peu près les expressions dont Harvey se sert
bridge et achevée à Padoue,où il étn- ce monarque, Charles Ier, accorda à
dia la médecine pendant cinq années , ses travaux la protection la plus libé-
sous la direction de Fabricius d'Aqua- raie. En 1652, Harvey publia sur la
pendente, deCasseriusetdeMinadous. génération un grand travail qui aurait
Il exerça ensuite la médecine à Lon- suffi pour le placer en première ligne
dres ; en 1609 , il fut chargé de l'un parmi les physiologistes de son épo-
des grands hôpitaux de cette ville que, mais qui est loin d'avoir rim-
(l'hôpital de Saint-Bartbolomé, près porlance de son livre sur les mouve-
Smithfields), et en 1615 il fut nommé ments du cœur et du sang,
professeur d'anatomie et de chirurgie 11 avait préparé aussi un ouvrage
au Collège des médecins. C'est dans sur la génération des Insectes ; mais
cette chaire qu'il commença à exposer le manuscrit en fut détruit par la
ses vues relativement au mouvement populace de Londres , qui pilla son
du sang. La célébrité qu'il acquit logement durant la guerre civile. Il
bientôt lui valut le titre de médecin mourut en 1657, à l'âge de quatre-
du roi Jacques Ier, et le successeur de vingts ans.
%k HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA. CIRCULATION.
pour motiver la publication de son livre (1) ; il s'en excuse
presque, et cependant ce livre est un chef-d'œuvre (2). Non-
seulement il contient une des découvertes les plus importantes
de la physiologie , mais il est écrit avec une méthode si par-
faite , que peut-être Bacon songeait-il aux recherches de son
modeste et sage compatriote lorsqu'il traçait de main de maître
les règles à suivre dans les investigations scientifiques (3).
§ 10. — Harvey étudie d'abord les mouvements du cœur, et
ne s'occupe en premier lieu que de la portion principale de cet
organe : celle qui correspond aux ventricules (ft).
Lorsqu'on ouvre la poitrine d'un Animal vivant et qu'on
enlève la capsule dont le cœur est entouré, on voit, dit-il, que
cet organe se meut et se repose alternativement. Cela est surtout
facile à constater chez les Animaux à sang froid, tels que les
Grenouilles, les Serpents, les Poissons, les Crabes, les Coli-
maçons, ou bien encore chez les Animaux à sang chaud, le
(1) Exercitatio anatomica de mota en 1628 ; mais ce dernier semble avoir
cordis et sanguinis in Animalibus. été écrit en 1619, et dès 1616 Uarvcy
In-Zi, Francofurti, 1628, cap. i, p. 20. avait exposé publiquement clans ses
(2) « Ce petit livre de cent pages, leçons la série d'observations, d'expé-
dit M. Flourens, est le plus beau riences et de déductions qui forment
livre de la physiologie. » (Op. cit., la base de sa théorie. La date de 1616
p. 30.) est donnée par un manuscrit de Har-
Néanmoins Aubry , l'un des con- vey, intitulé De anatomia universa,
temporains de Harvey, nous apprend qui paraît être perdu aujourd'hui,
que la publication de ce chef-d'œuvre mais qui existait encore à la biblio-
iit diminuer énormément la clientèle thèque du Musée Britannique, à l'épo-
médicale de son auteur. Il paraît, du que où le Collège des chirurgiens de
reste, que les praticiens de son temps Londres fit publier la grande édition
faisaient très peu de cas du jugement des œuvres de ce physiologiste (b).
de cet homme de génie, dont le bon (à) Caput n : Ex vivorum dissec-
sens était si remarquable (a). tione, qualis sit cordis motus. (Exer-
(3) Le Novum organum de Bacon citatio anatom. de motu cordis et san-
parut en 1620, et le livre de Harvey guinis, p. 21.)
(a) Aubry, Letters and Lives of Eminent Persons.
(b) Opéra omnia.
— Voyez la vie de Harvey placée en lète de ce livre, p. 31 .
TRAVAUX DE HARVET. 25
Chien, par exemple , quand le cœur est déjà affaibli et semble
près de mourir.
Le mouvement du cœur est accompagné de trois phénomènes
principaux :
1° Au moment de l'action , il se relève , sa pointe frappe
contre la poitrine , et son battement se fait sentir au dehors.
2° Il se contracte de toutes parts, mais principalement dans le
sens transversal, ainsi qu'on peut facilement s'en convaincre en
extirpant le cœur d'une Anguille vivnnte et en le plaçant sur
une table.
3° Il devient dur comme se durcit l'avant-bras quand les
tendons tirent sur les doigts pour les faire mouvoir.
Lorsqu'on observe ce phénomène chez les Poissons et les
autres Animaux à sang froid , tels que les Grenouilles ou les
Serpents , on voit aussi que le cœur devient plus pâle lorsqu'il
se meut de la sorte, et qu'il prend au contraire une couleur
rouge plus intense pendant le repos.
Harvey en conclut que le battement du cœur est un mouve-
ment de contraction qui détermine le rapetissement des ventri-
cules creusés dans son intérieur et l'expulsion de la charge de
sang logée dans ces cavités ; que, pendant le repos, les ventri-
cules se remplissent de nouveau ; et il ajoute que, pour se con-
vaincre mieux encore du rôle de cet organe, il suffit de percer
une de ses cavités , car alors on voit le sang être lancé au
dehors avec force par la plaie, chaque fois qu'un battement se
produit (1).
Depuis l'antiquité, on avait remarqué l'isochronisme des bat-
tements du cœur et des pulsations des artères ; mais on ne
s'était pas bien rendu compte de la nature de ces mouvements.
Galien, se fondant sur les résultats d'une expérience mal faite ,
supposait que hdiastole, ou dilatation de ces vaisseaux, dépendait
(1) Op. cit., p. 21 et 22.
26 HISTOIRE DE LÀ DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
d'une puissance qui résiderait dans leurs parois et qui leur vien-
drait du cœur (1). Harvey fait voir que les choses ne se passent
pas ainsi : que les pulsations du cœur et les pulsations des
artères sont des mouvements de nature différente ; que celles
des artères consistent dans un mouvement de diastole; celles
du cœur, au contraire, dans un mouvement de systole; que la
diastole des artères ne correspond pas à la diastole du cœur,
mais à la contraction de cet organe ; et qu'il y a antagonisme
entre les mouvements de ces deux portions du système vascu-
laire. 11 établit que c'est au moment où les ventricules se con-
tractent que les artères se gonflent, et que c'est parce que le
cœur, en se contractant , injecte une nouvelle quantité de sang
dans les artères , que celles-ci sont distendues et frappent
contre le doigt de l'observateur.
Ce fait fondamental , qui peut - être avait été vaguement
entrevu par Aristote , mais qui n'avait été nettement expliqué
ni bien compris par aucun des prédécesseurs de Harvey, sert
de point de départ pour de nouvelles expériences dont décou-
leront de nouvelles déductions. Mais , avant d'aller plus loin,
Harvey veut consolider mieux encore les bases de son édifice.
(1) Galien s'appuyait sur une expé- cette expérience, et constata la persis-
rience dans laquelle, ayant ouvert Ion- tance des battements de l'artère au-
gitudinalement une artère sur un dessous comme au-dessus de la liga-
Animal vivant, et y ayant introduit ture, pourvu que le sang continue à
un tube pour le passage du sang, couler librement dans le tube à l'aide
il avait vu le vaisseau battre comme duquel la continuité est maintenue
d'ordinaire au-dessous de la plaie, jus- entre les deux portions du vaisseau
qu'à ce qu'il eût serré fortement les séparées par la ligature, il est à pré-
parois artérielles sur le tube, à l'aide sumer que dans l'expérience de Galien,
d'une ligature; ce qui, suivant lui, le sang s'était coagulé dans le lube
détermine la cessation du pouls dans et avait obstrué le passage, accident
la portion de l'artère située au delà qui se produit très souvent dans des
du point comprimé (a). Harvey répéta opérations de ce genre.
(a) Galenus, An sanguis conlineatur in arteriis. [Opéra, édit. de Venise, 1525, 1. 1, p. 60.
TRAVAUX DE HARYEY. 27
Il étudie donc avec plus d'attention les rapports qui existent
entre les battements du cœur et les pulsations des artères. ïl
observe que le pouls s'affaiblit dans les artères quand le ventri-
cule gauche ne bat que faiblement, et s'y arrête quand celui-ci
ne se contracte plus. Il fait voir qu'il en est de même pour
l'artère veineuse ou artère pulmonaire, quand les mouvements
du ventricule droit deviennent languissants ou s'arrêtent. Il
rappelle aussi que c'est au moment où le cœur bat que le sang
s'échappe avec le plus de force d'une artère ouverte, et il con-
state par des vivisections que le sang, en sortant d'une blessure
faite à l'artère pulmonaire , forme un jet plus violent quand le
ventricule droit se contracte. Ce n'est donc pas une dilatation
des artères qui appelle le sang dans l'intérieur de ces vaisseaux ;
c'est l'arrivée d'une ondée de liquide qui détermine cette dila-
tation, et la cause de ces deux phénomènes est la même, savoir :
la contraction des ventricules du cœur (1).
Mais le cœur ne se compose pas seulement des ventricules ;
chez tous les Animaux vertébrés, cet organe renferme aussi
une ou deux cavités, que l'on connaît sous le nom d'oreillettes;
et l'on savait, par les observations de Gaspard Bauhin et de Jean
Riolan, que les battements de ces diverses parties n'ont pas
lieu en même temps (2). Harvey étudie ces mouvements chez
les Poissons, où ils sont plus lents et plus distincts que chez
les Animaux des classes supérieures, et il voit qu'il y a toujours
alternance entre les contractions du ventricule et les contrac-
tions de l'oreillette (3). 11 reconnaît que l'oreillette devient pale
et se vide quand elle se contracte, et qu'au moment où le sang
est ainsi expulsé de sa cavité , le ventricule situé au-dessous se
(1) Caput ni : Arteriarwn motus (1621). — J. Riolani filii Anthropoiira-
qualis exvivorum dissectione. (P. 2U phia, lib. IU, cap. xn.p. 372 (1626).
et 25.) (3) Caput iv : Motus cordis et au-
(2) G. Bauhini Theatrum anato- ricularum qualis ex vivorum dissec'
micum, lib. XI , cap. xxi, p, 225 iione. (P. 25 à 29.)
28 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
relâche et se remplit. Enfin, par une expérience très simple,
Harvcy montre qu'il n'y a pas seulement coïncidence entre ces
faits, mais que l'entrée du sang dans le ventricule est déterminée
par la systole de l'oreillette. En effet, d'un coup de ciseaux il
enlève la pointe du cœur et ouvre largement le ventricule; le
sang contenu dans cette poche charnue s'en échappe , mais un
nouveau jet se produit chaque fois que l'oreillette se contracte.
Harvey constata aussi que, chez les Animaux dont le cœur
est pourvu de deux ventricules et de deux oreillettes, les choses
se passent de la même manière : les deux ventricules se con-
tractent à la fois, et, pendant les instants de repos qui suivent
ce battement, les deux oreillettes se contractent à leur tour.
Ainsi , ajoute ce grand et prudent physiologiste , tout nous
conduit à penser que l'oreillette , abondamment remplie par le
sang des veines, dont elle est pour ainsi dire le réservoir, se con-
tracte d'abord et pousse ce liquide dans le ventricule ; que
celui-ci , rempli à son tour, se contracte aussi et envoie dans
les artères le sang qu'il a reç.u de l'oreillette ; que le ventricule
gauche envoie ainsi le sang dans tout le corps par le moyen de
l'aorte et de ses branches , et que le ventricule droit l'envoie
aux poumons par le vaisseau appelé veine artérieuse, lequel, par
sa structure et ses fonctions, est en réalité une artère (1).
Vous remarquerez que Harvey ne présente toutes ces vérités
que comme des choses probables; et avant d'apporter de nou-
veaux arguments à l'appui de ses conclusions, il achève l'exposé
de ses vues, et examine ce que devient le sang lancé par le cœur
dans ces deux systèmes d'artères, question dont la solution,
ajoute-t-il, aurait été depuis longtemps résolue si les anatomistes
avaient donné à l'organisation des Animaux inférieurs la même
attention qu'ils accordent à la structure du corps de l'Homme (2).
Et j'insiste sur cette pensée , non-seulement parce qu'elle est
(1) Caput v : Cor dis motus actio et (2) Op. cit., p. 32.
functio. (P. 29.)
TRAVAUX DE HARVEY. 29
vraie en elle-même , mais parce qu'elle s'applique également
bien à beaucoup d'autres sujets et n'a fait jusqu'à ce jour que peu
de progrès.
Aussi est-ce chez les Poissons que Harvey cherche d'abord à
se rendre compte du cours du sang. Là, dit-il, aucune difficulté
ne se présente, et il suffit de quelques vivisections pour recon-
naître que le sang, reçu d'abord dans un sac membraneux
analogue à l'oreillette du cœur de l'Homme, est poussé par cet
organe dans un ventricule unique qui , à son tour, l'envoie
dans un tube ou artère chaque fois qu'il vient à battre , c'est-
à-dire à se contracter. Chez les Grenouilles , les Lézards , les
Serpents et d'autres Animaux analogues qui ont des poumons,
le passage du sang des veines clans les artères est également
facile à constater, car les deux ventricules du cœur de l'Homme
n'y sont représentés aussi que par un ventricule unique. Le
même résultat s'obtient de la même manière chez l'embryon
des Animaux supérieurs , car avant la naissance un grand trou
de forme ovalaire fait communiquer l'oreillette droite avec
l'oreillette gauche , et le sang qui vient du système veineux
peut arriver ainsi dans cette dernière cavité sans pouvoir ensuite
rebrousser chemin, à cause du jeu d'une valvule membraneuse
dont cet orifice est garni. Une autre voie est également ouverte
au sang veineux pour arriver dans les artères au moyen d'un
vaisseau qui s'étend de l'origine de la veine artérieuse ( ou
artère pulmonaire) à l'aorte , de sorte que cette grande artère
semble naître par deux racines des deux ventricules du cœur.
Mais, après la naissance, ces deux routes ne restent pas libres,
et il faut alors que le sang de la veine cave passe du ventricule
droit dans l'artère pulmonaire , puis traverse ces organes pour
revenir ensuite parles veines pulmonaires jusque dans le ven-
tricule gauche, et de là dans l'aorte (1).
(1) Caput vi : Quibus viis sanguis ventriculo cordis in sinistrum defe-
èvena cava in arterias, vel è dextro ratur. [V. 32 à '61).
30 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
Harvey s'applique donc à prouver que le sang peut effecti-
vement filtrer à travers la substance du poumon pour passer de
l'un des systèmes de vaisseaux pulmonaires dans l'autre ; il
invoque , à l'appui de son opinion , le sentiment du « savant et
habile anatomiste » Columbus, dont j'ai déjà exposé les vues;
et ce qui est plus important, il explique, mieux que ne l'avait
fait Galien, comment les trois valvules sigmoïdes placées à l'en-
trée de l'artère pulmonaire empêchent le sang qui a été poussé
dans ce vaisseau par la contraction du ventricule de retourner
en arrière pour refluer dans cette cavité, et le forcent de couler
sans cesse vers les poumons (1).
Mais il ne suffisait pas de savoir que du sang est porté de la
sorte de la veine cave jusque dans l'aorte, en suivant la voie
détournée du double système des vaisseaux pulmonaires ; Harvey
dut se demander aussi quelle est la quantité de ce liquide qui
traverse sans cesse le cœur et les poumons , et c'est l'étude de
cette question qui le conduit à trouver qu'il doit nécessairement
y avoir dans l'organisme , non-seulement distribution , mais
circulation du sang (2).
Jusqu'alors on pensait , avec Galien , que le sang se forme
dans le foie, et que les veines naissent de cet organe pour aller
porter ce liquide ait cœur. On pouvait donc croire que de nou-
velles quantités de liquide arrivaient sans cesse dans le ventri-
cule droit et servaient à entretenir le flux du suc nourricier,
qui , après avoir traversé le poumon et le ventricule gauche
du cœur, se répandait par les artères dans toutes les parties du
corps. C'était là, en effet, l'idée la plus simple et celle que
paraissent avoir eue d'une manière plus ou moins complète
(1) Caput vn : Sanguinem de di'x- (2) Caput vni : De copia san-
tro ventriculo cordis per pulmonum guinis transeuntis per cor è vents
parenchyma perrneare in arteriam in arterias , et de circulari motu
venosam et sinistrum ventriculum. sanguinis. [Op. cit.,]). /il.)
{Op. cit., p. 37àZiO.)
TRAVAUX DE HARVEY. 31
tous les prédécesseurs et les contemporains de Harvey. Mais,
en observant la quantité de liquide qui , dans un temps donné,
est lancée dans les artères par les contractions du cœur, Harvey
comprit' que les choses ne pouvaient se passer de la sorte ; que-
tout ce sang ne saurait être sans cesse fourni par les sucs ali-
mentaires ; que les veines se videraient bientôt si elles ne pui-
saient qu'à cette source, et que , d'autre part, les artères ne
pourraient, sans se rompre, recevoir à chaque instant de nou-
velles charges de liquide, si ces tubes membraneux ne le lais-
saient s'écouler par leur extrémité opposée. Il arriva donc à
penser que le sang des artères devait pouvoir passer dans les
veines, et se mouvoir ainsi sans cesse dans un cercle fermé.
Effectivement , il constata bientôt que le sang envoyé du ven-
tricule gauche du cœur dans toutes les parties de l'organisme, par
l'aorte et les branches de ce vaisseau, revient par les veines dans
les cavités droites du cœur, de la même manière que ce liquide
est ensuite transmis du ventricule droit aux poumons et des pou-
mons aux cavités gauches du cœur par les artères et les veines
pulmonaires. Le sang revient donc à son point de départ, pour
parcourir de nouveau la route qu'il a déjà suivie et exécuter un
mouvement circulaire.
§ 11. — L'idée de la circulation du sang se trouvait donc
complétée et exprimée de la manière la plus nette , je dirai
même de la manière la plus poétique ; car, pour mieux rendre
sa pensée , Harvey emprunte à Aristote une grande et belle
comparaison. De même que les planètes circulent dans l'espace
en parcourant toujours la même orbite , qui n'a ni commence-
ment ni fin, l'eau circule entre la terre et le ciel quand, après
être tombée sous la forme de pluie ou de rosée pour humecter
et féconder le sol , elle s'évapore sous l'influence des rayons du
soleil, et va former des vapeurs destinées bientôt à se condenser
et à descendre de nouveau. C'est aussi, dit Harvey, en parcourant
un cercle analogue, que le sang nourricier de l'organisme se
32 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
répand du cœur dans toutes les parties du corps pour y porter
la chaleur et la vie , puis, refroidi et vicié par son contact avec
ces parties, il revient au cœur y reprendre ses qualités premières,
et retourne ensuite encore une fois aux organes d'où il était
venu. Pour compléter ce tableau, il manquait à Harvey de
connaître le rôle des poumons et l'influence de l'air dans cette
restauration des propriétés excitantes du sang ; il attribue à tort
cette action au cœur, qu'il considère comme la source de la
vie ; mais néanmoins l'image qu'il nous offre du mouvement
des fluides nourriciers dans l'intérieur de l'économie animale
est vraie, complète et saisissante.
Cependant cette idée d'une circulation du sang n'était encore
qu'une vue de l'esprit, et, pour l'élever au rang d'une vérité
scientifique, il fallait démontrer qu'en effet le fluide nourricier
coule sans cesse du cœur aux organes, puis des artères dans les
veines , et des veines dans les artères , en passant de nouveau
par le cœur et les poumons. C'est ce que Harvey ne manqua
pas de faire, et ici encore l'excellence de sa méthode et la droi-
ture de son jugement se révèlent à chaque pas.
Aujourd'hui il serait inutile de développer tous les arguments
dont ce grand physiologiste lit usage pour étayer sa doctrine ;
mais, pour prouver que le sang circule, en effet, comme Harvey
le dit , je crois devoir citer quelques - unes des expériences
auxquelles il eut recours.
§ 12. — Les Reptiles peuvent vivre très longtemps après
qu'on leur a ouvert largement le corps et qu'on a mis leur
cœur à nu. Harvey profita de cette circonstance pour étudier
expérimentalement la marche du sang dans les gros vaisseaux
qui avoisinent cet organe. Il ouvrit donc la cavité viscérale d'un
Serpent vivant , et observa les mouvements du cœur ; puis il
comprima avec des pinces, à quelque distance au-dessous de
cet organe, la veine cave qui va y déboucher, et il vit qu'au
bout de quelques instants la portion du vaisseau située au-dessus
travaux de karvey. 33
du point ainsi oblitéré devint vide de sang ; le cœur perdit en
même temps sa couleur rouge intense et ses mouvements s'af-
faiblirent ; mais , en faisant cesser l'obstacle qui s'opposait au
cours du sang veineux vers le cœur, tous ces accidents ces-
sèrent, et les phénomènes de la circulation se produisirent de la
manière ordinaire. Ensuite il comprima de la même façon l'ar-
tère aorte à quelque distance du cœur, et vit que ce vaisseau, au
lieu de se vider comme l'avait fait la veine, se gonfla beaucoup
au-dessus du point oblitéré ; enfin , le cœur prit en même
temps une teinte plus foncée , et parut comme surchargé du
sang qui s'accumulait dans son intérieur.
D'autres expériences tirent voir que le sang arrivait dans les
membres par les artères et retournait au cœur par les veines.
Si l'on place une ligature autour du bras d'un Homme et qu'on
la serre fortement , le pouls cesse de se faire sentir au poignet
et dans toutes les artères situées au-dessous du point comprimé;
mais, immédiatement au-dessus de ce point, c'est-à-dire du
côté du cœur, il en est tout autrement ; les artères battent avec
plus de force que d'ordinaire, et se gonflent comme si le flux du
sang dans leur intérieur venait heurter l'obstacle qui s'oppose à
son passage. La main et l 'avant-bras conservent leur couleur
ordinaire, ne se gonflent pas, et semblent seulement s'engourdir
et se refroidir. Mais si l'on vient alors à relâcher un peu la liga-
ture, cet état de choses change complètement : le pouls se rétablit
au-dessous du lien et cesse d'avoir une intensité insolite au-des-
sus ; le sang reprend évidemment son cours dans ces vaisseaux,
qui sont logés profondément dans le membre, et il se distribue
dans l'avant-bras et dans la main, comme d'ordinaire. Mais les
veines superficielles du bras sont encore comprimées par la
ligature, et le sang qui arrive dans le membre par les artères,
ne pouvant plus retourner au cœur par l'intermédiaire de ces
mêmes veines, s'accumule en partie au-dessus du lien ; la main
se gonfle et ces derniers vaisseaux deviennent saillants et gorgés
m. 3
34 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
de sang. Entre la ligature et le cœur rien de semblable ne se
voit. Enfin, vient-on à enlever le lien qui oblitérait ces veines,
on les voit se dégorger aussitôt , et tout signe de tuméfaction
disparaît dans les parties inférieures du membre (1).
Ainsi l'oblitération de ces deux ordres de vaisseaux déter-
mine des phénomènes inverses. Dans l'artère, le sang s'accu-
mule entre le cœur et l'obstacle ; dans la veine, c'est du côté
opposé , c'est-à-dire au delà du point obstrué , que le sang
s'amasse. On en peut donc conclure que dans les artères le
sang coule du cœur vers les extrémités ; dans les veines , des
extrémités vers le cœur.
Enfin, l'anatomie vint fournir à Harvey une dernière preuve
de la direction constante et nécessaire du sang des extrémités
vers le cœur, dans l'intérieur de ces vaisseaux. Il étudia le jeu
des valvules , dont son maître , Fabricius d'Aquapendente ,
avait fait connaître l'existence dans la plupart des veines, et il
vit que ces replis membraneux étaient toujours disposés de
façon à permettre le passage du sang vers le cœur, mais à
empêcher le reflux de ce liquide en sens contraire. Pour en
fournir la preuve, dit Harvey, il suffit de serrer médiocrement
le bras d'un Homme , ainsi que cela se pratique pour l'opéra-
tion de la saignée ; les veines de l'avant-bras se gonflent et leurs
valvules y produisent l'apparence de nœuds. Si alors on presse
avec les doigts sur la portion d'une de ces veines sous-cutanées
comprises entre deux de ces étranglements , de manière à la
vider, et si l'on maintient la pression sur l'extrémité inférieure
de l'espace ainsi déprimé , on voit que le sang ne rentre pas
dans la veine restée vide , bien que l'entre-deux des valvules
suivantes soit gorgé de liquide ; mais le vaisseau se remplit dès
qu'on permet au sang de remonter par le bas (2). 11 est facile
de se convaincre aussi, par des expériences du même genre,
(1) Harvey, Op. cit., cap. xi. (2) Op. cit., cap. xm.
TRAVAUX DE HARVEY. 35
qu'on peut faire marcher le sang de bas en haut dans une veine,
mais que les valvules arrêtent le liquide quand on cherche à le
pousser en sens contraire , c'est-à-dire du cœur vers les extré-
mités. J'ajouterai que, dans une publication subséquente,
Harvey rendit compte d'une autre expérience encore plus dé-
cisive. Quand sur un Animal vivant on coupe en travers une
artère , la carotide , par exemple , le sang continue à couler
avec force de la portion des vaisseaux qui est en communication
avec le cœur, mais cesse presque aussitôt de sortir du tronçon
qui a été de la sorte séparé de cet organe d'impulsion. Yient-on
à couper de la même manière une veine , le sang coule au con-
traire pendant longtemps de la portion inférieure du vaisseau ,
et le tronçon situé du côté du cœur n'en fournit que peu ou
point (1).
Ainsi, quelle que soit la manière dont on attaque la question,
on arrive toujours au même résultat : toujours on voit que, dans
les artères, le sang va du cœur aux membres ; dans les veines,
des membres vers le cœur.
§ 13. — Si j'avais à faire ici l'histoire des erreurs de la
science, tâche qui serait aussi fatigante qu'inutile, il me fau-
drait parler de l'opposition vive et opiniâtre que la doctrine de
la circulation rencontra pendant longtemps. On nia d'abord le
fait ; puis, quand la vérité ne pouvait plus être voilée par les
sophismes, on chercha à dépouiller l'illustre Harvey de la gloire
que lui donnait sa découverte : on l'accusa de plagiat. Mais,
ainsi que l'observe avec raison un des historiens de cette
découverte , le grand mérite est toujours probe , et le nom de
Harvey est sorti pur de tous ces débats. La faculté de médecine
de Paris se montra particulièrement contraire à ces idées nou-
velles , mais elles eurent pour défenseurs Descartes , qui les
approuva (2), et Louis XIY, qui, pour les propager, institua au
(1) Harvey, Exercitatio altéra ad (2) En 16Zi/j, Descartes écrivait à
J. Riolanum. (Opéra omnia, p. 120.) Beverwick : « Je suis entièrement
36 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
Jardin des plantes médicinales une chaire spéciale (1) ; aussi ne
tardèrent-elles pas à être généralement reçues. Aujourd'hui il
peut sembler presque oiseux d'en discuter les bases (2).
» d'accord avec. Harvaeius touchant la
» circulation du sang, et je le regarde
» comme le premier qui ait fait cette
» admirable découverte des petits pas-
» sages par où le sang coule des ar-
» tères dans les veines, qui est, à mon
» sens, la plus belle et la plus utile
» que l'on pust faire en médecine. »
(Lettres de M. Descartes, in-&, Paris,
1657, p. /i38.) Pour la date de cette
lettre, voyez l'édition de M. Cousin,
t. IX, p. 158.
(1) Cet établissement scientifique,
appelé aujourd'hui le Muséum d'his-
toire naturelle, fut fondé en 1635, et
la chaire d'anatomie instituée spécia-
lement pour la propagation des dé-
couvertes nouvelles date de 1673 ;
elle fut occupée par Dionis , dont les
leçons eurent un grand succès et con-
stituèrent la base d'un ouvrage publié
sous le titre à'Anatomie de l'Homme
suivant la circulation, etc.
(2) Lorsque la découverte de la cir-
culation du sang fut annoncée au
public, elle fut qualifiée d'absurdité
par presque tous les médecins, et
bientôt un des disciples du célèbre
anatomiste de Paris, J. lUolan, se ren-
dit l'écho des critiques dont elle était
l'objet (a). D'autres ouvrages, tombés
depuis longtemps dans un juste oubli,
parurent aussi contre les idées de
Harvey (b) ; mais sa doctrine ne tarda
pas à avoir des partisans, parmi les-
quels on doit citer en première ligne
Ent à Londres (c), Rolfink à Iéna (d),
et Slegel à Hambourg (e). Harvey
lui-même prit aussi la plume pour
défendre ses opinions (f), et peu a peu
la vérité se fit jour. Enfin, l'illustre
Descartes vint déclarer que la circu-
lation du sang avait été si clairement
prouvée par Harvey, qu'elle ne pouvait
plus être mise en doute « que par ceux
» qui sont si attachés à leurs préjugés
» ou si accoutumés à mettre tout en
» dispute, qu'ils ne savent pas dis-
» tinguer les raisons vraies et cer-
» laines d'avec celles qui sont fausses
» et probables (g). »
Mais alors était déjà commencée la
(a) Primirose, Exercitationes et animadversiones in librum llarvei de motu cordis et circula-
tione sangidnis. In-4, Londini, 1 630.
(6) ^Emylius Parisanus, Lapis Lydius de motu cordis et sangidnis. Venetiis, 1635.
— Veslingius, Observ. anatom. et epist.med. Hafniaî, 1G64.
— J. Riolan, Enchiridium anatomicum et pathologicum, 1648, et Manuel anatomique Ctpd*
thologigue, Paris, 1653.
Pour plus de détails au sujet de cette discussion, on peut consulter le chapitre relatif à la decou*
verte de la circulation dans l'Histoire de la médecine par Sprengel, trad. franc., t. IV, p. 85.
(c) Ent, Apologia pro circulatione sangidnis. In-8, Londini, 1641.
(d) Piolfinkius , Epist. duce ad Th. Bartholinum de motu chyli et sangidnis, 1641.
(e) Slegel, De sangidnis motu commentarius . In-4, Hamburgi, 1650.
(f) Descartes, De la formation du fœtus (Œuvres, édit. de M. Cousin, t. IV, p. 451).
Cet ouvrage ne fut publié qu'après la mort de Harvey, en 1644 ; mais, ainsi que Cuvier l'a fait
remarquer dans ses Leçons sur l'histoire des sciences , Harvey eut le bonheur de voir ses idées
adoptées de son vivant par ce grand philosophe, car, dès 1644, dans une lettre adressée à Jean dô
Beverwick, il s'était prononcé nettement à cet égard (Lettres, n° 76, p. 438).
(g) Harvey, Exercitationes duce anatomicœ de circulatione sangidnis ad Johannem Riolctnum fil,
Botcrodami, 1649, 1671.
OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES. 37
Je ne m'arrêterai donc pas davantage sur ce point; mais Passage du sang
. r> vi • i \ dans
je terai remarquer qu il manquait une chose importante a les capillaires.
la démonstration de la grande vérité découverte par Harvey :
c'était une preuve directe du passage du sang des artères dans
les veines.
§ \h. — Du reste, cette preuve ne manqua pas longtemps, observations
et nous la devons à Malpighi. En examinant au microscope le Maip^iu.
poumon d'une Grenouille vivante , il vit le sang circuler dans
les vaisseaux de cet organe, et passer des artères dans les veines
par une multitude de canaux d'une ténuité extrême qui sont
seconde phase de la discussion : ne
pouvant plus nier le fait, les adver-
saires de Harvey prétendirent qu'il
n'avait rien de nouveau , et l'on tor-
tura de toutes les manières les écrits
des anciens ou des prédécesseurs
immédiats de ce grand physiologiste
pour en faire sortir l'idée d'une circu-
lation du sang. Les uns prétendirent
la trouver dans les ouvrages d'Hippo-
crate, d'autres dans les écrits de Salo-
mon ou de Platon ; d'autres encore
l'attribuent à un auteur du ive siècle
de l'ère chrétienne, Nemesius, évêque
d'Émèse; à Michel Servet, à Césalpin,
ou à Scarpi(a) ; on a argué de quelques
passages de pièces de Shakespeare pour
prouver que c'était du domaine pu-
blic (6), et, de nos jours encore,
l'auteur d'une histoire de l'anatomie,
Portai, affirma que l'un des disciples
de Vésale, Vasseur (ou le Vasseur),
en savait presque autant que nous au
sujet de ce phénomène (c). Mais tous
ces dires ne sauraient résister à un
examen impartial et approfondi. Sé-
nac fit justice des prétentions de plu-
sieurs des détracteurs de Harvey, et
les historiens les plus récents de la
science, tout en faisant à Servet et à
Césalpin une large part de gloire, re-
connaissent que Harvey fut le premier à
prouver que le sang circule. « Lorsque
Harvey parut , dit M. Flourens, tout,
relativement à la circulation, avait
été indiqué ou soupçonné, rien n'était
établi. » J'ajouterai : Oui 1 tout avait
été indiqué ou soupçonné , mais rien
n'avait été compris. En effet, si Michel
Servet avait compris ce qu'est la circu-
lation du sang, il n'aurait pas imaginé
que les artères, en se terminant , de-
viennent des nerfs, disposition qui au-
rait rendu toute circulation impossible ;
et Césalpin, qui faisait aller la chaleur
des artères dans les veines , supposait
que les veines portent le sang au
foie et aux intestins. M. Flourens fait
remarquer aussi avec raison que Fa-
bricius d'Aquapendente, qui est venu
longtemps après Césalpin, et qui a si
bien étudié la structure des valvules
veineuses , ne connaissait cependant
pas la circulation du sang.
(a) Voyez Haller, Elementa physiologiœ, t. II, p. 240 et suiv.
(b) T. Ninimo, In the Shakespeare Society's Papers, vol. II, p. 109.
(c) Voyez Flourens, Histoire de la découverte de la circulation du sang, p. 26.
38 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
tout à la fois les ramu seules terminaux des premiers et les
racines des seconds. Il fut témoin du même spectacle en obser-
vant le mésentère de ces Animaux , et peu de temps après ,
Leeuwenhoek , en se servant également du microscope, vit le
sang circuler comme un torrent rapide dans les vaisseaux
de l'aile de la Chauve-Souris , de la queue des Têtards et de
la nageoire de divers Poissons (1).
La circulation du sang, que Harvey n'avait pu apercevoir
qu'avec les yeux de l'esprit, est devenue dès lors visible pour
les yeux du corps , et la découverte de Malpighi est venue cou-
ronner dignement l'œuvre de son illustre devancier. Le mou-
vement impétueux du sang, qui, poussé sans relâche parles
battements du cœur, parcourt les artères et se précipite ensuite
dans les veines, pour retourner à son point de départ et recom-
mencer bientôt après le même trajet , est un des phénomènes
physiologiques les plus beaux à contempler. ïl faut le voir pour
se former une idée de la grandeur du spectacle que nous offrent
ainsi des organes trop petits pour être aperçus à l'œil nu, et,
en l'observant, on est tenté de répéter ces mots que les ento-
mologistes ont pris pour devise : Natura maxime miranda in
minimis.
Ainsi, dès lors, il fut établi de la manière la plus évidente que
(1) La découverte de la circulation tout de 1700 à 1709 (h). Le spectacle
capillaire, par Malpighi (a), date de de la circulation du sang, vu au mi-
1661. Les premières observations de croscope, fut ensuite vulgarisé par
Leeuwenhoekparaissent avoir été faites Molyneux (c) , Cowper (d) , Chesel-
en 1669, mais furent multipliées sur- den (e), Baker (f), etc.
(a) Malpighi, De pulmonibus epistola II (Opéra omnia, t. II, p. 141).
(6) Leeuwenhoek , Letter concerning the Circulation of the Blood in Tadpoles [Philos. Trans ■
1700, t. XXII, P. 447).
• — Circulation of the Blood in Butts ( loc. cit., p. 552 ).
— Circulation of the Blood in Fishes (Op. cit., t. XXVI, p. 250 et 444).
■ — Voyez aussi Arcana Naturœ, t. IV, epist. 65 et 67.
(c) W. Molyneux, A Letter concerning the Circulation ofthe Blood (Philos. Trans., 1685, t. III,
p. 1236).
(d) W. Cowper, An Account of diverse Schemes of Arteries and Veins , etc. (Philos. Tram.,
1702, t. XXIII, p. 1182).
(e) Cheselden, Anatomy ofthe Human Body, pi. 30, fig. 3.
(f) Baker, The Microscope, ruait easy, 1742, p. 120 et suiv.
OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES. 39
chez l'Homme et tous les Animaux qui s'en rapprochent le plus
par leur organisation, c'est-à-dire chez tous les Vertébrés, le
sang circule dans un système de vaisseaux qui le portent tour
à tour dans les organes de la respiration, où ce fluide entre en
relation avec l'atmosphère, et dans les diverses parties de l'éco-
nomie, où siègent la nutrition, la sensibilité et le mouvement ;
que le cœur est l'agent moteur qui détermine cette circulation ;
que les artères servent à conduire le sang des cavités du cœur
dans les diverses parties du corps ; que les veines le ramènent
au cœur ; que ces deux ordres de vaisseaux se continuent les
uns avec les autres à l'aide de canalicules d'une grande ténuité
qui se trouvent dans la substance de tous les organes, et que l'on
nomme des vaisseaux capillaires ; enfin, que le cœur, les
artères , les capillaires et les veines, ne forment qu'un seul et
même système de conduits qui représente un cercle , car il
fait retour sur lui-même et n'a ni commencement ni fin.
§ 15. — A l'époque dont je viens de parler, l'étude anato- Preuves
... , fournies par les
inique de ce vaste assemblage de tubes îrrigatoires présentait injections
de grandes difficultés. Effectivement , après la mort les artères
se vident, et lorsqu'on disséquant les veines on vient à couper
les ramuscules qui en dépendent, le sang dont elles sont rem-
plies s'écoule, et alors elles s'affaissent , de façon qu'elles de-
viennent , de même que les petites artères , peu distinctes des
parties molles circon voisines. Mais , vers la fin du xyne siècle,
on inventa des procédés de démonstration qui permirent de
suivre tous ces vaisseaux jusque dans leurs plus petites divi-
sions, et de rendre bien visibles sur le cadavre les communica-
tions capillaires qui les relient entre eux. Depuis longtemps ,
on avait imaginé de pousser de l'eau ou d'insuffler de l'air dans
le système vasculaire de diverses parties dont on voulait exa-
miner la structure , et quelques anatomistes contemporains de
Malpighi substituèrent à ces fluides des matières qui, liquéfiées
par la chaleur, peuvent être introduites de la même manière
/jO HIST01BE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION,
dans les canaux sanguifères, mais qui, en se refroidissant ensuite,
reprennent leur état solide, et maintiennent par conséquent les
vaisseaux distendus : de la cire, par exemple ; et, afin de rendre
la détermination des diverses parties de l'appareil circulatoire plus
facile, on eut soin de colorer diversement les matières dont on rem-
plissait ainsi les artères et les veines. Bientôt l'art des injections
anatomiques fut porté très loin par Swammerdam et par
Ruysch (1); on en fit usage journellement dans les écoles, et
l'on s'en servit même pour démontrer la continuation directe
(1) Ces deux anatomistes, dont j'ai
déjà eu l'occasion de parler dans le
cours de ces Leçons (a), portèrent à
un haut degré de perfection l'art des
injections angiologiques, qui était pres-
que ignoré avant eus ; mais quelques-
uns de leurs prédécesseurs avaient
fait utilement usage de procédés ana-
logues (6). Ainsi Galien paraît s'en être
servi dans ses études sur la structure
du foie, et Bérenger de Carpi, qui
vivait au commencement du xvi" siè-
cle, avait eu recours à l'injection de
l'eau au moyen d'une seringue, pour
mieux observer la disposition des
veines des reins. Eustachi , Willis,
Glisson, de Graaf, et quelques autres
anatomistes du xvne siècle, employè-
rent aussi des liquides diversement co-
lorés pour en remplir certaines veines
dont ils voulaient suivre le trajet, et
J. Riolan, le contemporain de Harvey,
avait su tirer un bon parti de l'insuf-
flation de ces vaisseaux. Bellini paraît
s'être servi de matières fusibles pour
les injections, et vers la même époque
(c'est-à-dire 1660), de Graaf employa
le mercure à des recherches analo-
gues. Mais Swammerdam fut le pre-
mier à faire avec habileté des pièces
de démonstration à l'aide des injec-
tions colorées; il se servait de cire,
et ses préparations excitèrent à un
haut degré la curiosité et l'admira-
tion parmi ses contemporains. Son
compatriote Ruysch acquit dans cet
art une habileté plus grande en-
core, et contribua davantage à mettre
en honneur ce procédé d'investiga-
tion (c). Depuis lors, tous les anato-
mistes en ont fait usage, et, parmi les
auteurs dont les injections fines ont
contribué à nous faire connaître la
disposition des vaisseaux capillaires
(a) Voyez tome I, p. 42 et p. 115.
(b) Voyez Fontenelle, Éloge de Ruysch (Hist. de l'Acad. des sciences, 1731, p. 102).
— Haller, Methodus studii medici, Hermani Boerhaave, 1751, t. I, p. 251 et 433.
■ — Portai, Hist. de l'anatomie, t. III, p. 265.
(c) Fréd. Ruysch naquit à la Haye en 1638 , et professa l'anatomie à Amsterdam; il mourut en
1731 . Ses préparations anatomiques étaient si bien faites et conservées avec tant d'art, que Fonlenelle
en. parla clans les termes suivants : « Tous ces morts , sans dessèchement apparent , sans rides , avec
» un teint fleuri et des membres souples, étaient presque des ressuscites ; ils ne paraissaient qu'endor-
» mis, tout prêts à parler quand ils se réveilleraient. Les momies deM. Ruysch prolongeaient en quelque
» sorte la vie, tandis que celles de l'ancienne Egypte ne prolongeaient que la mort. » .( Fonlenelle,
Éloge de Ruysch, dans Hist. de l'Acad. des sciences, 1731, p. 103.) Malheureusement Ruysch fit de
ses procédés d'injection un secret qui n'a pas été révélé.
TRAVAUX SUBSÉQUENTS. /jl
des artères dans les veines. En effet, si l'on pousse dans une
artère une de ces injections convenablement préparée , on fait
parvenir celle-ci non-seulement dans les divisions capillaires
qui terminent les ramifications de ce vaisseau , mais aussi dans
les veines qui naissent de ces capillaires, et qui se réunissent
successivement entre elles comme les racines d'un arbre se
réunissent pour en constituer le tronc. A l'aide de ce procédé
d'investigation, on arriva peu à peu à constater que les artères
sanguins, je dois citer surtout Albinus, fraîches la disposition des petits vais-
Lieberkûhn , Prochaska et Berres (a). seaux. Dans le premier cas, on emploie
Les préparations de Ruysch ont été généralement de la cire mêlée à de la
achetées par le czar Pierre Ier et trans- graisse en diverses proportions, ainsi
portées à Saint-Pétersbourg; celles de qu'à de l'essence de térébenthine, et
Lieberkiïhn et de Prochaska sont con- colorée par du vermillon ou du bleu
servées dans le cabinet de Vienne, et de Prusse parfaitement broyés; mais
sont si parfaites, que, dans ces der- pour remplir les capillaires, le vernis
nières années, elles ont pu servir donne de meilleures résultats. L'im-
aux recherches histologiques de mersion des petites pièces ainsi in-
M. Henle (b). jectées dans du baume de Canada , ou
Divers écrits ont été publiés sur dans quelque autre liquide résineux,
Part des injections angiologiques (c). donne aux tissus de la transparence,
Les procédés à employer doivent va- et permet de mieux voir, sous le mi-
rier suivant qu'on veut faire des pré- croscope, le trajet des capillaires. Pour
parafions destinées à être conservées, les travaux de recherches, les injec-
ou bien que l'on ne* cherche qu'à tions à la gélatine ou au saindoux sont
mettre en évidence sur des pièces plus commodes, et quand il s'agit
(a) Albinus, Academicarum annotalionum liber tertiiis, 1756.
— Lieberkiihn, Disser.t. de fabrica et actione villorum intestinorum tenuium, 1760.
— Prochaska, Disquisitio anatomico-physiologica organisant corporis humani ejusque proces-
sus vitalis. Vienne, 1812, chap. IX, p. 92 et suiv.
— Berres, Anatomia microscopica corporis humani. Vienne, 1837, in-fol.
(6) Voyez Henle, Traité d'anatomie générale, trad. par Jourdan, t. II, p. 3.
(c) Homberg, Sur les injections anatomiques (Hist. de l'Acad. des sciences, 1 699, p. 38).
— Rouhault, Sur les injections anatomiques (Mém. de l'Acad. des sciences, 1718, p. 219).
— Vater, De inject. cerœ. coloratœ utilit. ad viscerum struct. genuinam deteg., 1731.
— Monro, An Essay on the Art of Injecting (Edinb. Med. Essays, t. I) , et Tentamina circa
methodum partes animantium affaire injiciendi, 1741.
— Lieberkiihn , Sur les moyens propres à découvrir la construction des viscères (Mém. de
l'Acad. de Berlin, 1748, p. 28).
— Duméril, Essai sur les moyens de perfectionner l'art de l'anatomiste. Paris, 1803.
— Bogros, Quelques considérations sur la squelettopée ; des injections et de leurs divers pro-
cédés. Thèse de concours, 1819.
— Lauth, Nouveau Manuel de l'anatomiste, 1827, 8" sect., chap. v, p. 693 et suiv.
— Voyez aussi, à ce sujet, Berres, Op. cit., p. 17 et suiv.
■ — Straus, Traité d'anatomie comparative, t. I, p. 90.
■ — Harting, Het Mikroscoop, t. 11, p. 171, et Monlhl'j Joum. of Med. Sciences, 1852, 3° série,
t. XIV, p. 245.
l\2 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION,
se distribuent dans toutes les parties du corps humain , sauf
quelques couches membraniformes dont la vitalité est obscure,
telles que l'épiderme, et que partout elles s'y résolvent en un
système de tubes capillaires dont naissent les veines ; de sorte
que dans tous les points de l'organisme il y a continuité directe
entre les vaisseaux qui apportent le sang du cœur et ceux qui
sont chargés d'effectuer le retour de ce liquide (1).
observations Les travaux accomplis de la sorte sur la constitution de
sur l
les Animaux l'appareil circulatoire portèrent d'abord presque exclusivement
inférieurs. l l l
sur l'Homme et les Quadrupèdes qui s'en rapprochent le plus.
Déjà dans le xviie siècle, Swammerdam , Willis (2) et quelques
autres anatomistes étendirent, il est vrai , leurs recherches aux
Animaux inférieurs. Leurs successeurs multiplièrent les inves-
tigations de ce genre; mais c'est de nos jours seulement , et
de mettre en évidence les vaisseaux salines dont le mélange, dans l'inté-
d'un petit calibre, on obtient souvent rieur des vaisseaux, donne naissance à
d'excellents résultats en employant, un précipité : par exemple, le chro-
soit de la peinture à l'huile bien broyée mate de potasse et l'acétate de
avec une certaine quantité d'essence plomb (a).
de térébenthine, soit un précipité de (1) Un anatomiste hollandais, E.
chromate de plomb récemment formé : Blancard , de Middelbourg, paraît
car la^ matière colorante tenue ainsi avoir été le premier à prouver, au
en suspension dans l'eau est d'une moyen des injections , que les der-
grande ténuité et pénètre très bien nières artérioles communiquent avec
dans les capillaires ; mais, par le re- les premières veinules (6). Des résul-
pos, les particules salines s'agglomè- tats analogues furent obtenus par
rent entre elles, et le précipité ne peut J.-C. Lange (c), W. Cowper (d), Jan-
plus servir aussi utilement. Dans ces kins (e) et plusieurs autres anato-
dernières années, quelques anato- mistes.
mistes ont eu recours aussi à l'injec- (2) Th. Willis , médecin anglais
tion successive de deux dissolutions d'une grande célébrité, naquit en 1622,
(a) Krause. Voyez Mandl, Manuel d'anatomie générale, p. 193.
— Doyère, Sur un nouveau procédé d'infections anatomiques (Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1841, t. XIII, p. 75).
(6) Blancard , De circulatione sanguinis per fibras, 1667 (voyez Sprengel, Hist. de la médecine,
t. IV, p. 134).
(c) Langii Dissert, de* circulatione sanguinis. Lipsise, 1680.
(d) W. Cowper, Anatomy of Human Bodies, 1697.
(e) G. Jankins, De ratione venas corporis humani angustiores inprimis cutaneas ostendendi ,
1762 (E. Sandifort, Thésaurus dissertationum, t. II, p. 237, pi. 4).
TRAVAUX SUBSÉQUENTS. 43
sous l'influence de la puissante impulsion imprimée aux études
zootomiques par le génie de Cuvier, que l'on est arrivé à con-
naître la manière dont la circulation du sang s'effectue chez les
Mollusques, les Vers, les Crustacés et les Insectes, qui forment
à eux seuls plus des neuf dixièmes du Règne animal. Cepen-
dant, pour acquérir une idée complète de la circulation et de
ses instruments , il ne suffit pas de connaître l'anatomie et la
physiologie de l'Homme , il faut avoir étudié de la même ma-
nière tout le vaste ensemble des Êtres animés.
§ 16. — ■ Jusque dans ces derniers temps, on admettait variations
/ i ... , , , i dans
généralement qu il existe une dépendance nécessaire entre k constitution
toute fonction physiologique et l'organe à l'aide duquel cette circulatoire.
fonction s'exerce ; de telle sorte que la présence de la faculté
suppose l'existence de l'organe , et que l'absence de l'organe
entraîne la disparition de la faculté. Or, le cœur, les artères et les
veines étant, comme nous venons de le voir, les instruments
de la circulation, les physiologistes devaient donc penser que
là où ces organes viennent à manquer en totalité ou en partie,
la circulation ne doit plus avoir lieu.
Chez divers Animaux invertébrés, les Insectes, par exemple,
les recherches les plus attentives faites par les anatomistes les
plus habiles n'ont amené la découverte ni de veines ni d'artères.
On en a conclu d'abord que chez ces êtres il ne pouvait y
avoir une circulation de sang, et que les fluides nourriciers
devaient être en repos dans l'organisme ou ne s'y mouvoir
que par un phénomène d'imbibition lent et incomplet.
Cette opinion a été professée par Cuvier (1), et chez tous les
et publia en 1672 un ouvrage intitulé travaux importants sur l'anatomie du
De anima brutorum, contenant les cerveau. Il mourut à Londres en 1675,
résultats de ses recherches sur l'ap- et, quelques années après, une édition
pareil circulatoire de l'Écrevisse, de complète de ses œuvres fut publiée à
l'Huître et de quelques autres Ani- Genève par les soins de Blasius.
maux inférieurs. On lui doit aussi des (1) Mémoire sur la manière dont
lacunaire.
kk HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
Animaux où l'existence d'une circulation ne pouvait être révo-
quée en doute , les anatomistes ont supposé qu'ils devaient
nécessairement découvrir des veines et des artères aussi bien
qu'un cœur.
Mais il me sera facile de montrer que la Nature ne s'astreint
pas à ces règles , et que le grand phénomène physiologique
découvert par Harvey est plus général qu'on ne le supposait ;
que la circulation du sang peut avoir lieu dans des organismes
où les veines, les artères et le cœur lui-même viennent à man-
quer successivement ; que l'appareil circulatoire peut s'obtenir
à moins de frais, et que les fonctions dévolues à ces divers agents
peuvent être remplies à l'aide d'instruments d'emprunt d'une
grande simplicité,
circulation Je démontrerai, en effet, que chez des Animaux d'une struc-
ture moins parfaite que ceux étudiés par Harvey, les espaces
ou lacunes qui existent entre les diverses parties solides de l'éco-
nomie tiennent souvent lieu de vaisseaux sanguins, et que les
seules conditions à remplir pour l'établissement de la circulation
sont, d'une part, la communication libre entre toutes les par-
ties du système de cavités où le fluide nourricier se trouve
logé , et, d'autre part , la présence d'un organe moteur quel-
conque susceptible de déterminer dans ce liquide des courants
généraux.
Lorsque mes études sur les Crustacés , les Insectes et les
Mollusques m'eurent conduit à émettre pour la première fois
cette opinion , je la vis repoussée de toutes parts (1) ; on la
se fait la nutrition dans les Insectes que j'ai publiés en 4 8A5 sur la circu-
(Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Pa- lation (a) ; pour la critique de mes
ris, an VII (1798), p. 3U). opinions, on peut consulter divers
(1) Voyez, à ce sujet, les Mémoires articles insérés dans le journal de
(a) Milne Edwards , Du mode de distribution des fluides nourriciers dans l'économie animale
(Ann. des sciences nat., 3" série, t. III, p. 257).
— Observations et expériences sur la circulation chez les Mollusques (loc. cit., p. 289).
— Milne Edwards et Valençiennes , Nouvelles observations sur la constitution de l'appareil
circulatoire chez les Mollusques ( loc. cil., p. 307).
TRAVAUX SUBSÉQUENTS. Ù5
disait d'abord contraire à tous les principes d'une saine physio-
logie, et aujourd'hui encore, bien qu'elle soit adoptée parla
plupart des naturalistes qui. ont fait des Animaux inférieurs une
étude spéciale, elle semble inadmissible aux yeux des anato-
mistes qui ont borné leurs investigations à la structure du corps
de l'Homme ou des Animaux les plus rapprochés de nous par
leur mode d'organisation. Mais je ne crains pas d'affirmer que
c'est l'expression de la vérité , et en ce moment je ne m'ar-
rêterai pas à réfuter les arguments dont on a fait usage
pour me combattre, soit directement , soit d'une manière dé-
tournée.
Un simple exposé des faits suffira, je pense, pour convaincre
tous ceux qui veulent voir, et ce serait, messieurs , faire un
mauvais usage de votre temps et du mien que d'entrer dans
des discussions qui aujourd'hui portent sur les mots plutôt que
sur les choses. En effet, on ne dit plus que l'appareil circula-
toire se compose toujours, et nécessairement, d'un double sys-
tème de tubes membraneux et ramifiés, tels que le sont nos
veines et nos artères, et l'on reconnaît que chez les Animaux
inférieurs le sang peut se mouvoir dans de grandes cavités où
se trouvent également inclus les viscères , les muscles , les
nerfs, etc., cavités qui se prolongent dans tous les interstices
que les lamelles ou les fibres constitutives de ces organes
laissent entre elles ; mais on dit que ces cavités ne sont autre
chose que des veines ou des artères d'une forme particulière ,
des sinus, et que par conséquent les faits dont j'arguë n'ont
M. Guérin («), et un rapport très éîen- Je discuterai les points en litige à
du fait par AI. Robin sur le phlébenté- mesure qu'ils se présenteront dans le
risme, sujet du reste tout à fait étran- cours de ces Leçons,
ger à l'objet qui nous occupe ici (b).
{a) Revue Cuviérienne, 4844, p. 418 et suiv. ; 1845, nB 2, p. 69, etc.
(6) Robin, Rapport sur les communications de M. Souleyet , relatives à la question désignée
ious le nom de phléhentérisme (Mém. de la Soc. de biologie, 1852, t. IV, p. 167 et suiv.).
46 HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE DE LA CIRCULATION.
rien de nouveau. C'est là, comme on le voit, une simple dis-
pute sur les mots ; pour l'écarter, il me suffira , je le répète ,
d'exposer les faits, et c'est ce que je commencerai à faire dans
la prochaine Leçon.
VINGT ET UNIEME LEÇON.
De l'irrigation physiologique chez les Zoophytes; appareil gastro-vasculaire des
Acalèphes et des Coralliaires. — Circulation cavitaire chez les Molluscoïdes de la
classe des Bryozoaires. — Circulation semi-vasculaire chez les Tuniciers.
§ 1 . — Lorsqu'on réfléchit aux phénomènes généraux de la Nécessité
nutrition, à l'accroissement de volume que subit tout corps physiologique.
vivant pendant une période considérable de son existence , et
à la nécessité où sont tous les êtres animés d'introduire du
dehors et d'incorporer à leurs organes des matériaux nou-
veaux, assimilation qui est une condition de cet accroissement,
on comprend aussitôt la nécessité non moins impérieuse d'un
fluide nourricier pour tous les Animaux , ne fut-ce que pour
distribuer dans les diverses parties de l'économie les matières
que celles-ci doivent s'assimiler, car les fluides seuls jouissent
de la mobilité indispensable à une translation de ce genre.
Toujours, en effet, la nutrition s'exerce à l'aide d'un liquide
qui tient en dissolution ou en suspension des matières assimi-
lables , et nous avons déjà vu que ce liquide est aussi le véhicule
à l'aide duquel l'oxygène nécessaire à l'entretien de la combus-
tion respiratoire est introduit dans les profondeurs de l'orga-
nisme. Chez tous les Animaux il y a un liquide nourricier, mais
cet agent physiologique n'est pas toujours de même nature :
tantôt c'est l'eau qui arrive directement du dehors dans les
cavités intérieures de l'organisme , et qui est chargé seulement
de matières alimentaires plus ou moins élaborées par le travail
digestif; d'autres fois, au contraire, c'est un suc particulier
dont la composition et les propriétés nous sont déjà connues :
c'est le sang.
Sous le rapport qui nous occupe ici, il y a donc une première Différences
,.. . \/it ■• -, dans le mode
distinction a établir entre les Animaux dont 1 irrigation physio- d'irrigation.
gastrique.
48 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
logique s'établit directement à l'aide des liquides alimentaires,
et ceux où elle s'effectue au moyen du liquide spécial qui porte
le nom de sang ; et à cette différence en correspond une autre
qui dépend de la nature des organes ou instruments affectés au
service de cette portion du travail nutritif. Dans le premier cas,
l'appareil d'irrigation n'est autre que l'appareil digestif lui-
même; dans le second, c'est un système de cavités qui ne com-
munique pas directement au dehors, et qui reçoit les matières
nutritives par l'intermédiaire des organes de la digestion.
irrigation Occupons-nous d'abord du premier de ces deux modes de
distribution des sucs nourriciers , de celui que j'appellerai
l 'irrigation gastrique.
Le moment n'est pas encore venu pour nous d'étudier l'ap-
pareil digestif considéré dans ses rapports avec ses fonctions
principales, qui sont l'élaboration des matières alimentaires;
mais il nous faut l'examiner ici comme servant de réservoir au
fluide" nourricier et effectuant le renouvellement de ce fluide
dans les diverses parties de l'organisme.
Zoophytes § 2. ~ C'est dans l'embranchement des Zoophytes seule-
ment que la cavité gastrique et ses dépendances cumulent les
fonctions digestives et irrigatoires , et ce caractère d'infériorité
physiologique ne se rencontre même pas chez tous ces Ani-
maux, mais est général dans la grande division des Cœlen-
térés , qui comprend la classe des Coralliaires et celle des
Acalèphes (1).
Le nom d'Animaux parenchyrnateuoc, que Cuvier appliquait
à tort à certains Vers, conviendrait parfaitement à ces Zoophytes,
car leur cavité digestive est creusée directement dans la sub-
(1) Cette division a été établie par exposé ailleurs les raisons qui me
MM. Frey et Leuckart («) , et j'ai portent à l'adopter (6).
(a) Êeitràge z-ur Kenntniss Wlrbelloser Thière des Norddeutschen Mceres, 18-17, p. 37;
(b) Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, t« I, p. 3,
Cœlentérés.
CHEZ LES ZOOPHYTES. ^9
stanee de leur corps ; il n'existe autour des parois de ce réservoir
aucun espace vide où les liquides de l 'organisme puissent s'accu-
muler, et c'est par un phénomène d'imbibition seulement que
ces substances peuvent pénétrer de son intérieur dans la profon-
deur des tissus voisins. Aussi occupe-t-elle presque tout le corps,
et l'épaisseur des parties solides qui l'entourent n'est jamais con-
sidérable. Du reste, sa disposition varie, et les modifications qui
s'y remarquent entraînent des différences importantes dans la
manière dont s'opère l'irrigation nutritive.
La forme la plus simple de cet appareil à double fonction sertuianens.
se voit chez ces Animaux singuliers, que depuis longtemps les
zoologistes connaissaient sous le nom de Sertulariens, et que
Ton rangeait dans la classe des Polypes, mais que l'on sait aujour-
d'hui être les individus nourriciers ou représentants agames du
type Acalèphe. Une cavité cylindrique occupe toute la longueur
de leur corps et communique librement au dehors par la bouche,
qui est située au centre de la couronne de tentacules dont leur
extrémité antérieure et contractile est garnie. L'eau de la mer,
où ces Zoophytes vivent , pénètre dans cette cavité, et y porte
des matières alimentaires qui paraissent y être digérées, car
elles s'y réduisent en particules fort ténues ; d'autres corpus-
cules qui semblent provenir des parois de la cavité y flottent
également, et le liquide nourricier ainsi constitué est agité par
des courants rapides. On le voit monter d'un côté pendant
qu'il descend de l'autre, et circuler ou plutôt tourbillonner dans
toutes les parties du corps.
Cavolini , zoologiste napolitain , à qui l'on doit beaucoup de
recherches intéressantes sur la physiologie des Zoophytes, fut
le premier à étudier ce mode d'irrigation (1). Spallanzani
(1) Ces courants paraissent avoir Loeffling (a) et par Ellis (6); mais Ca-
ëlé vaguement aperçus dès 1755 par volini fut le premier à les faire réelle-
fa) Loeffling, Beschreib. Zwoer xarten Cora'len (Abhandlunuen der Schwedischen Akad., 1 752,
t, XIV, p. 122).
(6) Ellis , Essai sur l'histoire naturelle des CoralHnes, irad. franc., 1156, p. 1i7,
111. k
50
CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
l'observa vers la même époque, et depuis lors un grand nombre
d'autres naturalistes en ont été témoins ; mais on n'est pas
encore bien fixé sur la cause de ces courants. M. Grant les
ment connaître. Voici comment il
s'exprime à ce sujet : « Un fenomeno
» assai singolare nella economia délie
» Sertolare si è un movimento che si
» osserva nel interiore del corpe corne
» in un proprio tubo. L'esteriore cor-
» neo invoglio ordinariamente trans-
» parente chieude e veste il corpo
» molle dell' animale, il quale si vede
» essere formato corne di un ammasso
» granelloso. fn mezzo di questo cor-
» pore per una linea a lungo si vede
» che una simile granellatura venga
» transporlata con motto vorlicoso da
» un fluido, che non si arriva a dis-
n tinguere : mei ce di questa agitazione
» se vede che quelle bricciolette di
» materia ora vengono porlate in
» giro , ora in una corrente salgono
» in sopra , or discendono : e questo
» fenomeno accade cosi nel tronco
» principale, che nei rami, fino a toc-
» care gli organi polipiformi : e dura
» ciô finchè viva la Sertolara, ancor-
» chè i suoi organi siano stretlamente
» retirati. Io primo pensava poter
» questo essere il cibo, che per questa
» agitazione si rompa edeverisca per
» distribuirsi in alimento al Polipo,
» sicome nel suo Polipo vede il Trem-
» blay. Ma ora son porlato a credere
» essere quello canale un posto a lungo
» del corpore, che faccia l'ufficio di
» cuore, siccome cora di semigliante
» nelle ruche si osserva : e nel salire
» e scendere di quel fluido, salgono e
» discendono ancora quelle briccio-
» letle, le quale sono il materiale da
» servire per l'accrescimento del cor-
» pore delT animale (a). »
Spallanzani n'a ajouté rien d'impor-
tant aux faits constatés par Cavolini (6).
Mais depuis une vingtaine d'années, ce
curieux phénomène a été étudié d'une
manière plus complète, et l'on a pu re-
dresser quelques erreurs commises à
ce sujet par ce dernier observateur.
En effet, Cavolini pensait que la
cavité cylindrique où ces courants ont
leur siège ne communiquait pas avec
la bouche (c), et un voyageur allemand,
à qui l'on doit la connaissance de
beaucoup de faits curieux, M. Meyen,
a adopté la même manière de voir (d);
mais, ainsi que MM. Fleming (e),
Ehrenberg (f) et Lister s'en sont con-
vaincus^), cela n'est certainement pas,
et c'est une seule et même cavité qui
fait office d'estomac et de système
irrigatoire en même temps qu'elle
sert à la respiration (h).
M. Van Beneden résume, dans les
Polipi marini. In-4, Napoli, 1785, p. 4 20.
269.
(a) Cavolini, Memorieper servire alla storià de'
(b) Spallanzani, Viaggi aile Due-Sicilie, t. IV, p
(c) Cavolini, Op. cit., p. 197.
\d) Meyen, Vêler Polypen (Nov. Act. Acad. Cœs
Suppl. 1 , p. 187 elsuiv.).
(e) Fleming, Observ. on the Natural History
Philos. Journ., 1820, vol. II, p. 82).
(f) Ehrenberg, Die Corallenthiere desRothen M
(g) Lister, Some Observations on the Structure
and of Ascidiœ (Philos . Trans., 1834, p. 305).
(h) Milne Edwards, Observ. sur la circulation (Ann. des sciences nat.. 1845, 3e série, t. III,
p. 266, et Voyage en Sicile, 1. 1, p. 67).
. Leop. Car. Nalurœ curiosorwn, 1834, t. XVI,
of the Sertularia gelatinosa of Pallas (Edinb.
eeres, p. 7 5. Berlin, 1834.
and Functions of Tubular and Cellular Polype
CHEZ LES ZOOPHVTES. 51
attribue à la présence de ciîs vibrantes sur quelques parties de
la surface interne de l'espèce de tube organisé qui constitue
le corps de ces Animaux , et il me semble très probable
qu'il en est ainsi , car nous verrons bientôt que, chez d'autres
termes suivants, l'état de nos con-
naissances à ce sujet :
« Pour peu que l'on observe de ces
Polypes en vie, on voit distinctement
celte communication. Gavolini a donc
eu tort, dans ce sens, de comparer ce
liquide au sang des Animaux supé-
rieurs, et M. Lister n'a pas été plus
heureux en le comparant à la circu-
lation des Chara. Pour qu'il y ait ana-
logie avec la circulation des Chara, il
aurait fallu que la cavité fût close de
toutes parts, et M. Lisier savait ce-
pendant que cela n'est point. Du
reste, c'est une question très difficile
à résoudre que celle de la significa-
tion du liquide charrié dans la sub-
stance commune. La cavité qui con-
tient le liquide est en communication
directe avec l'estomac, et le liquide
peut passer de l'estomac dans la ca-
vité et retourner dans l'estomac, et
même ressortir par la bouche.
» D'après cela, îa cavité serait plu-
tôt une dépendance de l'estomac, ou
plutôt un appareil digestif commun,
comme le pense M. Milne Edwards.
Mais, d'un autre côté, le liquide est
chargé de globules comme le sang'des
Animaux supérieurs. Ces globules
ont à peu près la même forme et le
même volume. Quand on les voit en
mouvement pour la première fois, on
croit avoir sous les yeux un vaisseau
d'un Animal vertébré. On voit quel-
quefois le sang dans les capillaires
des Animaux supérieurs, après avoir
coulé dans tel sens, s'arrêter tout à
coup ou rebrousser chemin, ce qui se
produit de même dans ces tiges de
Polypes ; seulement les globtdes, dans
les Polypes, semblent doués d'une
aclivité propre beaucoup plus pro-
noncée que celle que l'on observe
chez les Vertébrés. iNous ne pouvons
attribuer le mouvement de ce liquide
à l'action péristaltique, les parois res-
tant dans une immobilité absolue.
Xous n'avons pas remarqué que le
mouvement du liquide fût régulier,
comme le dit M. Lister : il est, au con-
traire, sujet à de grandes irrégularités.
» Ce sont donc là les principaux
phénomènes de la circulation qui se
produisent ici dans les Polypes, et l'on
ne doit pas s'étonner que Gavolini ait
comparé le liquide en mouvement des
Polypes au sang rouge des Vertébrés.
D'après ce que nous venons de dire,
ce mouvement circulatoire représente
à la fois, et le cours des aliments, et la
circulation du sang. Aussi est-ce là la
signification que nous croyons devoir
lui donner. Nous voyons les divers
appareils se fondre, si l'on peut s'ex-
primer ainsi, les uns dans les autres
chez les Animaux inférieurs, et il
n'est pas étonnant de voir ceux-ci
conserver des caractères de l'un et de
l'autre appareil (a). »
(a) Van Beneden , Mém. sur les Campanulaires des entes d'Osiende , p. 17 (Mém. de l'Acad. de
Bruxelles, t. XVII).
52 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
Zoophytes , tels sont en effet les agents moteurs des fluides
nourriciers ; mais jusqu'ici on n'est point parvenu à bien
démontrer l'existence de ces cils (1).
Dans la plupart des Sertulariens , où les individus se multi-
plient par bourgeonnement et restent unis entre eux de façon
à constituer des touffes ou des ramuscules , la cavité gastro-
irrigatoire du Polype souche se continue dans l'axe du corps
de tous les Polypes qui en dérivent , et le fluide nourricier qui
s'y trouve est commun à tous les membres de ces singulières
associations. Les courants irrigatoires passent librement d'un
individu à un autre . et par conséquent il y a non-seulement un
transport rapide des sucs nourriciers dans toutes les parties de
l'organisme de chacun de ces petits Zoophytes , mais une sorte
de circulation générale pour tout le groupe formé par ces Ani-
maux agrégés, et les matières alimentaires ingérées dans l'es-
tomac de l'un d'eux profitent à toute la colonie.
Je dis une sorte de circulation. En effet, le phénomène qui
s'observe dans le fluide nourricier des Sertulariens ne mérite
pas tout à fait le nom de mouvement circulatoire : c'est plutôt
un tourbillonnement qui tantôt s'établit sur un point assez
limité, d'autres fois devient général, et donne naissance à des
courants circulaires comme ceux que l'on détermine dans l'eau
d'un vase en y imprimant une impulsion rotatoire. En général,
(1) Quelques observateurs attri- du corps de ces Zoophytes m'ont tou-
buent ces courants à des contractions jours paru peu ou point contractiles ;
des parois molles de la cavité irriga- et bien qu'il m'ait été impossible de
toire des Sertulariens : MM. Ehren- voir des cils vibratiles dans Tinté-
berg [a) et Lôven, par exemple (6). rieur de la cavité gastrique, je suis
Mais je ne partage pas cette opinion : persuadé qu'ils y existent , ainsi que
les parois de la portion non protractile M. Grant le suppose (c).
(a) Ehrenbèrg, loc. cit.
(b) Lijven, ISidrati till Kdnnedomen af Slârjtena Campanularia och Syncoryna (Vetenskaps-Acd'
demiens Handlingar, 1835, p. 205), et trad. dans les Annales des sciences naturelles, 1841,
2' série, t. XVIII, p. 100.
(c) Grant, Qutlints of Comparative Anatomy, 1841, p. 314,
CHEZ LES ZOOPHYTES. 53
le courant monte d'un côté du tube gastrique et redescend de
l'autre côté ; mais les particules en mouvement ne reviennent
pas nécessairement à leur point de départ, et il n'y a rien de
iixe, ni dans la direction suivie par le liquide, ni dans le trajet
qu'il parcourt (1).
Ce tourbillonnement irrigatoire a été observé chez la plupart
des Serlulariens (2), mais parait manquer dans quelques espèces
où les cavités digeslives des divers individus d'une même co-
lonie ne communiquent pas librement entre elles : ainsi M. Yan
Beneden , qui a fait une étude attentive de ces Animaux , n'a
aperçu aucun phénomène de ce genre chez les Corynes et les
Hydractinies (3).
(1) M. Loven a insisté avec raison tion ; mais cette opinion n'est pas
sur le caractère irrégulier de ces cou- admissible (c).
rants, et a observé aussi que les parti- (2) La disposition de la cavité tu-
cules qui flottent dans le fluide nour- bulaire où ces courants s'observent
ricier semblent parfois être animées a été très bien représentée par
d'un mouvement propre (a). M. Van M. Lister chez les Tabulaires et les
Beneden a constaté la persistance de Sertulaires (d), et se voit mieux en-
ces mouvements dans les globules core dans les planches qui accom-
après leur sortie du corps des Campa- pagnent les Mémoires de M. Van
nulaires (6), et il me paraît probable Beneden. Ce dernier a étudié cette
qu'ils sont produits par des portions circulation avec beaucoup d'attention
de l'épithélium vibralile délachéesdes dans les Tubulaircs proprement dits,
parois de la cavité irrigatoire de ces les Eudendrium et les Campanu-
Zoophytes. laires (e).
M. Meyen, qui a étudié ce mouve- M. Allman a observé le mêmephé-
ment chez les Campanulaires, le con- nomène dans une espèce d'eau douce
sidère comme étant une oscillation à laquelle il a donné le nom de Cor-
comparable à la circulation alternante dylophora lacustris (/").
des Salpa, dont il sera bientôt ques- (3) M. Van Beneden n'a pas observé
(a) Lôven, Observations sur le développement et les métamorphoses des genres Campanulaire
et Syncoryne (Ann. des sciences nat., 1841, 2° série, t. XV, p. 161).
(6) Van Beneden, Mém. sur les Campanulaires, p. 19.
(c) Meyen, Beitrâge zur Zoologie gesammell auf einer Reise um die Erde (Nova Acta Acad.
Cœs. Leop. Carol. Natures curiosorum, vol. XVI, Suppl. 1, 1834, p. 192).
(d) Lister, Op. cit. (Philos. Trans., 1834, pi. 8, fig. 1 ; pi. 9, fig. c2.
(e) Van Beneden, Recherches sur V embryologie des Tubulaires ( Mém. de V Acad. de Bruxelles,
t. XVII, pi. 1, fig. 2 et 7 ; pi. 4, fig. 7).
— Mém. sur les Campanulaires (loc. cit., pi. 1, Gg. 3, 4).
(f) Allman , On Vie Anatomy and Physiology of Cordyhphora (Philos. Trans., 1853, p. 367,
pi. 25, fig. 2 et 3).
54 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
§ 3. — Dans les Stéphanomïes , les Physophores et les
autres Aealèphes que Cuvier désignait sous le nom d'Hy-
drostatiques , mais que la plupart des naturalistes actuels
considèrent comme étant des colonies ou agrégats de petits
Zoophytes fort voisins des Sertulariens, la disposition du sys-
tème irrigatoire ne diffère que peu de celui dont je viens
de parler (1). L'estomac de chaque individu se prolonge en
de courants dans le liquide nourricier
dans ces deux genres (a).
(1) L^s individus astomes (que je
désignais jadis sous le nom d'organes
pyriformes) communiquent avec le
canal commun de la même manière
que le font les individus nourriciers
(ou organes proboscidi formes), et c'est
principalement à l'extrémité de la
grande cavité dont ils sont creusés
que les cils vibratiles destinés à mettre
le fluide nourricier en mouvement
sont très développés. La disposition
générale de ce système gastro-vascu-
laire se trouve indiquée dans le Mé-
moire que j'ai publié en 18/rl sur la
Stephanomia conforta (b) , et clans
l'ouvrage plus récent de M. Sars (c),
mais a été étudiée d'une manière
beaucoup plus complète par M. Vogt,
dans son beau travail sur les Sipho-
nophores de la mer de Mce (d).
Chez les Physalies, la disposition de
cet ensemble de cavités est encore à
peu près la même, si ce n'est que le
canal commun des Stéphonomies est
remplacé par un vaste réservoir com-
pris entre les deux lames de la grande
vessie hydrostatique , à la face infé-
rieure duquel tous les individus poly-
piformes prennent naissance. La com-
munication entre les estomacs ou
suçoirs et l'espace qui entoure la ves-
sie aérienne avait été indiquée par
01 fers (e) et Eschwald (/"), et a été ob-
servée de nouveau par M. de Qualre-
fages((/). Lesson dit avoir souvent vu
ce réservoir du fluide nourricier rem-
pli d'une matière d'apparence chy-
meuse , de couleur rouge (h).
(a) Van Beneden, Recherches sur l' embryologie des Tributaires (Mém. de l'Acad. de Bruxelles,
t. XVII).
(6) Milne Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes , etc.
(Ann. des sciences nat., 184.1, 2* série, t. XVI, p. 217).
(c) Sars, Fauna littorulis Norvegiœ, 184(5, p. 33 et suiv.
(d) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 1854, 1" partie, p. 45,
64, 70, 81, 89, etc., pi. 11, 14, cte.
Voyez aussi Leuckart , Zoologische Uiitersuchungen ; erstes Heft. Siphonophoren , 1853,
p. 13.
(e) Olfers, Ueber die grosse Seeblase (Mém. de l'Académie de Berlin , 1831, p. 159).
(f) Eschwald, Observ. nonnullœ circa fabricant Physaliœ (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg,
1824, t IX, p. 433).
(g) Qualrefages, Mémoire sur l'organisation des Physalies (Ann. des sciences nat., 1854,
4* série, t. II, p. 122 et 134, pi. 3, fig-. 1).
— Voyez aussi Leuckart , Ueber den Bau der Physalien ( Zeitschrift fur wissenschaftlichc
Zoologie, 185! , Bd. III, p. 189), et Annales des sciences naturelles, 1852, 3" série, t. XVIII,
p. 202).
(h) Lesson, Voyage de la Coquille, t. II, p. 17, et Histoire des Aealèphes, p. 541.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 55
manière de tube , pénètre dans la tige commune à laquelle
tous ces individus sont suspendus , et s'y continue avec un
canal commun situé dans l'épaisseur de cette tige ; et ici ,
de même que chez les Sertulariens , on distingue un fluide
en mouvement qui charrie des corpuscules d'une grande
ténuité.
§ !i. — Mais chez les Zoophytes qui naissent des Sertulariens, Acaièphes.
et qui constituent les représentants parfaits ou sexués du type
Acalèphe , le système cavitaire se complique davantage, et la
division du travail tend à s'y introduire quant aux fonctions
digestives et irrigatoires. Une portion vestibulaire et centrale
de l'appareil devient plus spécialement chargée de l'élaboration
des matières alimentaires et constitue un estomac bien délimité,
tandis que la portion périphérique devient inapte à recevoir des
matières solides d'un volume un peu considérable, et ne laisse
passer que les liquides plus ou moins nourriciers qui ont été
préparés dans la cavité digestive.
Le premier pas vers cette séparation entre la portion gastrique
et la portion irrigatoire de cette cavité à fonctions multiples
résulte du développement d'un certain nombre de cloisons
membraneuses dans son intérieur. Ces cloisons se portent ,
comme autant de rayons, de la circonférence de la cavité com-
mune vers le centre, de façon à diviser sa portion périphérique
en autant de loges ; mais elles ne s'étendent pas jusqu'à
l'axe du corps , et laissent au-dessus de la bouche un espace
libre dans lequel les aliments pénètrent facilement du dehors.
Lorsqu'il n'y a que peu de ces cloisons , les loges qui entou-
rent l'estomac central sont très grandes, et les substances ali-
mentaires non digérées peuvent y arriver aussi bien que les sucs
déjà élaborés ; mais , à mesure que le nombre des divisions
augmente , les parties reculées du système cavitaire se rétré-
cissent de plus en plus , et , tout en se laissant pénétrer par les
liquides renfermés dans l'estomac et par les particules solides
56 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
de petites dimensions que ces liquides peuvent charrier , elles
se refusent au passage des aliments dont le volume serait plus
considérable.
Gomme exemple de ce mode d'organisation, je citerai d'abord
la Carybdée marsupiale , Médusaire en forme de cloche, où la
cavité digestive occupe toute l'étendue du corps , mais se trouve
divisée en deux portions : l'une, centrale et libre, qui commu-
nique directement avec le dehors par l'intermédiaire de la
bouche; l'autre périphérique et subdivisée en quatre loges de
moindre capacité qui entourent l'estomac vestibulaire dont elles
sont la continuation , et ne reçoivent guère que des matières
liquides ou pulpeuses dans leur intérieur (1).
Chez les Pélagies, cette disposition se perfectionne davan-
(1) Pendant mon séjour à Nice, en
18/|0, j'ai eu l'occasion de disséquer
de nouveau quelques Carybdées, et
de reconnaître que, chez les indivi-
dus adultes, la portion périgastrique
de la cavité digestive occupe tonte
la largeur de l'ombrelle de ces Mé-
duses , et se trouve séparée seule-
ment en quatre grandes loges par
autant de lignes d'adhérence de la
paroi inférieure de cette cavité avec
sa paroi supérieure. Ces loges ont par
conséquent une grande largeur, et
c'est du milieu de leur bord externe
ou inférieur que naît le canal dont
est creusé le centre de chacun des ten-
tacules marginaux du disque. Dans
un individu que j'avais observé à
Naples en 1827, il m'avait semblé que
ces quatre loges périgaslriques élaient
beaucoup plus étroites et laissaient
entre elles un espace plein assez con-
sidérable, comme on peut le voir
dans la figure jointe à ma note sur la
structure de ces Médusaires (a). Cette
particularité dépendait peut-être d'une
différence d'âge ou d'espèce ; mais
je n'oserais pas affirmer qu'il n'y ait
pas eu à ce sujet quelque erreur de
ma part.
Le mode d'organisation décrit ci-
dessus ressemble beaucoup à ce qui
existe dans les Cunina, Esch., et les
autres genres dont M. Gegenbauer,
d'Iéna , a formé la petite famille des
JEginidœ. Chez ces Médusaires, l'es-
tomac central est très grand et se
prolonge tout autour de sa circonfé-
rence, sous la forme de six, huit ou
même seize loges radiaires dont la
cavité communique avec les canaux
creusés dans l'axe des tentacules mar-
ginaux (6).
(a) Milne Edwards, Observ. sur la structure de la Méduse marsupiale (Ann. des sciences nat.,
1833, t. XXVIII, p. 253, pi. 12, fig. 1, et Règne animal de Cimer, Zoophytes, pi. 55, fur. 1 a.
(b) Gegenbauer, Versuch eines Systems der Mednsen ( Zeitschr. fur wissenschaft. Zoologie,
1856, Bd. VIII, p. 259, pi. 10).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 57
tage; car les cloisons qui divisent de la sorte les parties pro-
fondes du système cavitaire commun se multiplient, et autour
de l'estomac central, situé au-dessus de la bouche, il existe seize
loges longues et étroites qui conduisent le fluide nourricier
jusqu'au pourtour de l'espèce de disque formé par le corps de
ces Acalèphes, et le transmettent même à des canaux creusés
dans l'épaisseur des filaments tentaculaires dont le bord de ce
disque est garni (1).
Chez d'autres Médusaires , la délimitation entre la portion
digestive et la portion irrigatoire de ce système de cavités se
prononce davantage; la multiplicité de ces divisions loculaires
est portée si loin, que l'estomac central semble être entouré par
un système de canaux radiaires plutôt que par des chambres
périphériques, comme chez les Acalèphes dont il vient d'être
question. Ainsi, chez les Équorées, la portion centrale de-
meure libre et reçoit les aliments non digérés, comme chez les
espèces précédentes ; mais la portion périphérique affecte la
(1) J'ai représenté celle dispo- qu'un liquide coloré injecté dans l'es-
sition avec beaucoup de détails dans lomac par la bouche se répand aussi-
dès planches relatives à l'anatomie de tôt dans les cellules périgastriques
la Pelagia noctiluca, Pér. et Les., qui jusqu'au bord de l'ombrelle, et pénètre
font partie de l'atlas de la grande édi- jusqu'à l'extrémité des huit tentacules
tion du Règne animal de Cuvier. marginaux.
Chacune des loges périgastriques se Dans les Cyanées, la disposition de
termine par deux prolongements co- l'appareil gustro-vasculaire est à peu
niques, et, dans l'angle formé par la prèsla même que chez les Pélagies(6).
réunion de ces deux branches, il y a, Dans le genre Polyxenia, d'Esch-
de deux en deux loges, un orifice scholtz , l'appareil gastro-vasculaire
servant d'entrée à un canal creusé paraît être également disposé comme
dans Taxe du filament tentaculaire chez les Pélagies (c).
qui naît de ce point (a). 11 en résulte
(a) Zoophvtes du Règne animal de Cuvier (édition Masson), pi. 45, fig. i et 46, fig. 1, 1 a
et! b.
— Voyez aussi mon Voyage en Sicile, t. I, p. 69, pi. 1, fig. 1, représentant le système cavitaire
injecté en rouge.
(b) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 47, fig. 1 a.
(c) Eschsclioltz, System dev Acalephen, 18"29, p. 118.
— Forbcs, Op. cit., p. 32, pi. 4, fig. 2.
58 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
forme de canaux étroits propres seulement au passage de l'eau
plus ou moins chargée de matières nutritives, et constitue un
appareil vasculaire plus ou moins bien développé (1).
Enfin la séparation entre la portion gastrique et la portion
irrigatoire de la cavité commune des i\calèphes devient encore
plus distincte chez un grand nombre d'autres espèces où l'esto-
mac central, au lieu de se prolonger vers le bord de l'ombrelle
en forme de loges ou de caecums , est en communication avec
un système de vaisseaux parfaitement caractérisés. Ces canaux
prennent toujours naissance tout autour de l'estomac central ,
et se portent vers le bord du disque , où ils communiquent
entre eux. Leur disposition varie, du reste : tantôt elle est très
simple ; d'autres fois elle se complique davantage, et permet
une véritable circulation des liquides nourriciers.
Dans sa forme la plus simple , cet appareil gastro-vasculaire
consiste en un réservoir central qui n'est autre chose que l'es-
tomac, et en quatre canaux centrifuges disposés en croix et
allant déboucher dans un canal circulaire situé près du bord du
disque, et donnant à son tour naissance à une série de petits
canaux creusés dans l'axe des tentacules marginaux. Les
Océanies , les Sarsies et les Thaumantias nous offrent ce mode
d'organisation (2).
(1) Dans VÉquorêe violacée de la moser entre elles de façon à constituer
Méditerranée, j'ai compté soixante- un canal marginal annulaire (a).
quatorze de ces canaux radiaires qui M. Huxley a fait connaître un mode
parlent de l'estomac et se dirigent vers de structure très analogue chez les
le pourtour du corps en suivant la Médusaires du genre Oceania, et il a
face inférieure du disque ou ombrelle. remarqué que chez les jeunes indi-
C'est le long de la paroi inférieure de vidus les canaux radiaires sont étroits,
ces loges tubulaires que sont suspenr mais s'élargissent par les progrès de
dus les organes reproducteurs. A leur l'âge (b).
extrémité, elles m'ont paru s'anasto- (2) La disposition de ce système
(a) Milne Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, etc.
(Ann. des sciences nat., 1841, 3* série, t. XVI, p. 196, pi. 1, fig. 1 a, 1 b).
(b) Huxley, On the Anatomy and Affinities of the Family of the Méduses (Philos. Trans., 1849,
p. 421, pi. 37, fig. 11, 12 et 15).
CHEZ LES ZOOPHYTES.
59
Chez les Bérénices de Pérou et Lesueur (1) , et chez les
Médusaires dont Forbes a formé le genre Willsia, cet appareil
se complique un peu plus : les canaux périgastriques sont au
gastro-vasculaire, très simple, a été
fort bien représentée chez les Sarsies
et les Tiaropsis par M. Agassiz (a),
et chez les Thaumantias , etc., par
E. Forbes , naturaliste très distingué
d'Edimbourg , qui est mort récem-
ment (6). Dans le genre Circé, de
Mertens (c), le nombre de ces vais-
seaux radiaires est de huit, et ils nais-
sent vers la partie inférieure de la
cavité gastrique centrale, de façon à
remonter le long des parois du pé-
doncule central pour gagner la face
inférieure du disque (cl).
La conformation du système gastro-
vasculaire paraît être, sous ce der-
nier rapport, à peu près la même chez
l'Acalèphe que M. Délie Chiaje a figuré
sous le nom de Di.anaea luculana;
seulement cet anatomiste a repré-
senté chacun des canaux radiaires,
ainsi que le canal marginal , comme
étant formé de deux tubes parallèles,
disposition qui, probablement, n'existe
pas(e). Une forme intermédiaire entre
celle de l'appareil gastro-vasculaire
des Circés et des Thaumantias, etc.,
se voit dans le genre Hippocrene de
M. Agassiz (/").
Dans le genre Stomobrachium, de
M. Brande, les canaux périgastriques
naissent , comme chez les Thau-
mantias , immédiatement sous le
disque , mais sont au nombre de
huit , ainsi que cela a été constaté
par M. Sars chez son Oceania octo-
costata (g) , espèce que M. Ehren-
berg a décrite ensuite sous le nom
de Melicertum complanulatum (h),
et que Forbes a appelée Stomobra-
chium octocostatum (i), ou de douze,
comme cela se voit chez le Stomo-
brachium lenticulare (j).
On compte six de ces rayons gastro-
vasculaires dans une espèce que
M. Agassiz a considérée comme une
variété de son Sarsia mirabilis (k).
(1) Péron et Lesueur, Tabl. des
caract. gén. des Méduses (Arch. du
Muséum, 1809, t. XIV, p. 326).
(a) Agassiz, Contributions to the Natural History of the Acalephœ of North America (Mem. of
the American Acad. of Arts andScience, 4850, t. IV, p. 239, pi. 4, fig. 1, 2 ; pi. 6, fig. 4).
(6) Forbes , A Monograph of the British Naked-Eyed Medusœ , p. 4, p. 15, fig. 1, pi. 8 ,
fig. 2 a, etc.
(c) Brandt, Ausfùhrliche Beschreibnng der von G. H. Mertens, auf seiner Weltumsegelung beo-
bachteten Schirmquallen (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 1838, 6* série, t. II, p. 358,
pi. 3, fig. 7).
(d) Forbes, Op. cit., p. 34, pi. 1, fig. 2.
(e) Délie Chiaje , Descrizione e natomia degli Animali invertebrati délia Sicilia citeriore ,
pi. 142, fig. 1 et 2.
(f) Agassiz, loc.cit., p. 262, pi. 1, fig. 1.
(g) Sars , Beskrivelser og iagttagelser over nogle mœrkelige eller nye i havet ved den Ber-
genske kyst levende Dyr. ln-4. Bergen, 1835, p. 24, pi. 4, fig. 9a, 96.
(h) Ehrenberg, Ueber die Akalephen des Rothen Meeres <Mém. de l'Académie de Berlin, 1835,
I.XXII, p. 255, pi. 8, fig. 6).
(i) Forbes, loc. cit., p. 31, pi. 4, fig. 1 a, 1 6.
(j) Forbes, Op, cit., pi. 20, fig. la, 16, le.
(k) Agassiz, loc. cit., pi. 4, fig. 1.
60
CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
nombre de six et se dichotomisent deux fois, de sorte que
vers le bord de l'ombrelle ils constituent trente-deux branches
qui vont déboucher dans le canal marginal (1).
Chez d'autres Médusaires , les ramifications de la portion
périphérique du système gastro-vasculaire deviennent beaucoup
plus nombreuses, et s'anastomosent entre elles de façon à con-
stituer dans le voisinage du bord de l'ombrelle un réseau à
mailles assez serrées (2). Cette disposition est très remarquable
chez une espèce de Médusaire très commune sur nos côtes ,
que Cuvier a désignée sous le nom de Rhisostome, à raison
(1) Forbes, Op. cit., p. 20, pi. 1,
fig. la, lb, Ie.
(2) Les Géronies présentent une
structure intermédiaire entre ces deux
formes. Dans le jeune âge leur appa-
reil gastro - vasculaire est organisé
comme chez les Thaumantias,etc. Six
canaux radiaires simples se rendent
de la cavité centrale au canal annu-
laire du bord de l'ombrelle ; mais
M. Gegenbauer vient de constater que,
par les progrès de l'âge, il part de ce
dernier canal un certain nombre de
vaisseaux centripètes qui s'avancent
dans l'épaisseur de l'ombrelle, au mi-
lieu de l'espace compris entre les ca-
naux radiaires primitifs (a). Dans les
individus observés par ce naturaliste,
ces canaux secondaires étaient termi-
nés en cul-de-sac; mais il est pro-
bable que par les progrès du déve-
loppement, ils s'anastomosent entre
eux, et que le tronc principal de chaque
groupe va déboucher dans l'estomac
ou cavité centrale, de façon à ressem-
bler alors en tout à l'appareil gastro-
vasculaire des Aurélies.
Ces canaux centrifuges se voient
très bien dans la figure que Péron et
Lesueur ont donnée de la Geronia
heœaphylla (b) ; mais la nature n'en a
été bien connue que depuis la publi-
cation des recherches de M. Gegen-
bauer.
Il est à noter, du reste, que des
transformations analogues s'obser-
vent dans l'appareil gastro-vasculaire
des Aurélies pendant le très jeune
âge, comme on peut le voir par les
figures dont M. Sars a accompagné
son Mémoire sur le développement de
ces Animaux (c), et je ne comprends
pas comment l'existence de tous ces
vaisseaux ait pu être révoquée en
doute par un naturaliste d'Edim-
bourg, M. Reid (d).
(a) Gegenbauer, Versuch eines Systems der Medusen (Zeitschr. fur wissench. Zool., 1856,
Bd. VIII, p. 255, pi. 8, fig. iG).
(6) Voyez l'Atlas de la grande édition du Règne animal, Zoophytes, pi. 52, fig. 3.
(c) Sars , Ueber die EntwiekelUng der Médusa aurita und der Cyanea capillata ( Archiv fur
Naturgeschichte, 1841, Bd. 1, 9" série, tab. 2 et 3).
(d) Reid, Observ. on the Development of the Médusa: (Ami. and Mag. ofNat. Hist., 1848, 2' série,
vol. I, p. 32).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 61
d'une anomalie singulière de l'appareil digestif dont nous aurons
à nous occuper plus tard (1).
Enfin, chez les Aurélies, qui abondent aussi sur quelques
parties de notre littoral , les canaux périgastriques forment
également un lacis vasculaire assez riche dans toute la portion
périphérique de l'ombrelle , et il y a un degré de plus dans la
division du travail irrigatoire. En effet, chez les divers Aca-
lèphes dont j'ai parlé jusqu'ici, ce sont les mêmes canaux qui
paraissent servir indifféremment pour l'aller et le retour du
fluide nourricier, et l'irrigation physiologique semble s'effectuer
par des mouvements de fluctuation irréguliers plutôt que par
une véritable circulation. Mais chez les Aurélies, on voit partir
de la cavité centrale du système gastro-vasculaire deux ordres
de canaux qui communiquent entre eux à leur extrémité péri-
phérique par l'intermédiaire du canal marginal. Les uns se
ramifient et forment par l'anastomose de leurs branches un lacis
de vaisseaux presque capillaires qui se terminent tous dans le
(1) Bien qu'il n'y ait pas, comme de leur étendue, mais donnent ensuite
d'ordinaire, une bouche centrale entre naissance à une foule de branches la-
ies bras du Rhizostome , l'estomac létales qui s'anastomosent irréguliè-
est situé de la même manière que rement entre elles et constituent un
chez les autres Médusaires, clans l'axe réseau vasculaire dont les mailles sont
du corps , et constitue une grande d'autant plus serrées qu'elles sont si-
cavité qui se prolonge en forme de tuées plus près du bord de l'ombrelle,
quatre loges au-dessus des racines des D'autres canaux, au nombre de huit,
bras, et donne naissance à seize ca- naissent de la partie inférieure de la
naux périphériques qui occupent la cavité gastrique , autour du point où
face inférieure du disque et irradient se trouve d'ordinaire la bouche , et
vers le bord de cet organe. Un de ces descendent, en se ramifiant, dans les
canaux naît assez près de l'axe du bras ou tentacules labiaux, où plu-
corps, au-dessus de chacun des qua- sieurs de leurs branches se terminent
tre ovaires, et trois autres du bord par des orifices buccaux , disposition
externe de chacun des prolongements qui a valu à ces Zoophytes le nom de
delà cavité gastrique centrale ; tous Rhizostomes [a).
sont simples dans la première moitié
(a) Milne Edwards, Voyage en Sicile, pi. 0, Gg. i, et Zoophytes du Règne animal de Cuvief,
pi. 50, représentant un Rliizoslome injecté.
62 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
canal circulatoire creusé dans le bord du disque ; les autres se
portent en ligne droite, et sans se diviser, de ce canal marginal
à l'estomac central, et paraissent servir de préférence au trans-
port des sucs qui de l'estomac se rendent dans les diverses
parties de l'organisme , tandis que les canaux rameux sem-
blent destinés à opérer le retour du fluide nourricier vers cette
cavité.
Dans la famille des Béroïdiens , ou Acalèphes Ciliobran-
ches (1), on trouve des représentants des principales formes
du système irrigatoire dont les Médusaires viennent de nous
offrir des exemples ; mais chez quelques espèces cet appareil se
perfectionne davantage , et le perfectionnement porte tantôt sur
la distinction des rôles entre les canaux efférents et afférents
au réservoir central constitué par l'estomac , d'autres fois sur
la division plus complète du travail entre la portion digestive et
la portion vasculaire de l'ensemble de cavités dont le corps de
ces Zoophytes se trouve creusé.
Comme exemple de la première de ces modifications, je citerai
(1) Ces deux sortes de canaux, péri- dépendants de chacune de ces cavités;
gastriques alternent entre eux. Les les quatre autres partent de la portion
canaux simples sont au nombre de centrale de l'estomac, au-dessus de
huit, et naissent des angles des loges l'origine des tentacules labiaux et en-
de la cavité gastrique qui sont situées tre les bras de l'espèce de croix formée
entre les racines des bras et qui cor- par l'origine des quatre loges péri-
respondent aux ovaires. Les autres, gastriques. Le tronc médian de chacun
en même nombre, sont également deceshuit systèmes rameux va débou-
simples à leur origine, mais ne tardent cher dans le canal marginal, en face
pas à donner naissance latéralement à du point oculifonne. Enfin, ce canal
deux grosses branches rameuses, puis marginal donne à son tour naissance
à quelques ramuscules de moindre à une multitude de canaux simples et
importance. Quatre de ces canaux ra- capillaires qui occupent l'axe des fila-
meux naissent du milieu des loges ments marginaux dont le disque est
gastriques dont il vient d'être ques- garni (a). M. Ehrenberg, qui a fait un
tion, entre les deux canaux simples excellent travail sur l'organisation de
(a) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. T, p. 10, pi. 10, fig. 1 a, et Zoophytes du Règne animal
de Guvier, pi. 48, fig. 1 a.
CHEZ LES ZOOPHTTES. 63
les Béroés proprement dits, dont j'ai fait connaître le mode d'or-
ganisation il y a environ quinze ans (1) . Chez ces Acalèphes, l'es-
tomac est situé au sommet de l'espèce de bourse ovalaire formée
par le disque ou corps de l'Animal, et donne naissance, comme
chez les Médusaires , à des canaux radiaires qui , au nombre
de huit , suivent les huit ambulacres ou côtes frangées dont la
surface du disque est garnie. Ces canaux vont déboucher dans
un vaisseau marginal annulaire, et, chemin faisant, ils fournissent
de chaque côté une multitude de branches transversales qui ,
chez les jeunes individus, sont peu ramifiées et se terminent en
cul-de-sac , mais qui, par les progrès du développement , s'a-
vancent de plus en plus dans les espaces intercostaux et s'y
anastomosent entre elles de façon à constituer un réseau capil-
laire très riche. Deux autres canaux, que j'appelle des vais-
seaux périgastriques inférieurs , naissent, également de l'esto-
mac et vont se terminer dans le vaisseau annulaire du bord
du disque ; mais ils suivent la face interne ou inférieure de
l'espèce de cloche formée par celui-ci , et ils fournissent laté-
ralement un grand nombre de branches transversales dont
ces Médusaires , a vu que chez les nent avec les vaisseaux rnmeux, se-
jeunes individus les ramifications des raient bifurques vers le bout (6).
canaux périphériques sont beaucoup Dans Y Aurélia limbata, observée
moins nombreuses que chez les indi- par Mertens, le système gastro-vas-
vidusplus avancés en âge. On lui doit culaire offre les mêmes caractères que
aussi de très bonnes figures de Pap- chez V Aurélia aurita ; mais le réseau
pareil gastro-vasculaire (a). formé par les anastomoses des canaux
La disposition de ces canaux péri- ramifiés est beaucoup plus riche (c).
gastriques paraît être à peu près la (1) Milne Edwards , Observations
même dans le genre Sthenonia d'Esch- sur la structure et les fonctions de
scholtz, si ce n'est que les vaisseaux quelques Zoo phy tes, etc. (Ann. des se.
simples qui, chez les Aurélies, alter- nat., 18M , 2e série, t. XVI, p. 207).
(o) Ehrenberg, Ueber die Akalephen des Rothen Meeres und den Organismus der Medusen des
Ostsee [Abhandlungen der K. Akad. der Wissenchaften zu Berlin, 1835, p. 181, pi. 1, %. 1 ;
pi. a, fig. 1 à 12 ; pi. 3, fig. 1 à 5).
(b) Eschscholtz, System der Akalephen, p. 59, pi. 4, fig-. 1.
(c) Brande, Op. cit. (Mém. de l'Académie de Saint-Pétersbourg , 1838, 6* série, t. II, pi 10
fig- 2).
64 CIRCULATION DES fluides nourriciers
les ramuscules s'anaslomosent avec le réseau capillaire super-
ficiel dépendant des vaisseaux costaux ou périgastriques supé-
rieurs (1).
Ces Béroés , de même que les autres Acalèphes, sont d'une
transparence si parfaite, qu'en les observant à l'état vivant, il
est facile de voir tout ce qui se passe dans l'intérieur de leur
corps, et, en les étudiant de la sorte , j'ai eu souvent l'occa-
sion de constater l'existence de courants rapides dans les
diverses parties de ce système irrigatoire et d'y reconnaître
une véritable circulation du fluide nourricier, marquée par le
déplacement des globules que ce fluide tient en suspension. Je
voyais le courant se diriger de l'estomac vers les diverses par-
ties du corps dans les deux canaux profonds , et remonter en
sens inverse du vaisseau annulaire jusque dans l'estomac, par
les huit canaux sous-costaux. L'estomac est donc ici le réservoir
central de l'appareil irrigatoire, et le fluide nourricier circule
dans le double système de canaux qui est en communication
avec cette cavité.
Chez les autres Acalèphes Cténophores, l'appareil irrigatoire
ne présente plus les réseaux capillaires dont les Béroés sont
pourvus , et se trouve réduit aux gros troncs qui naissent de
l'estomac ou qui longent les bords des parties analogues au
disque; mais, sous un autre rapport, il est au contraire plus
parfait, car il est disposé de façon à pouvoir fonctionner sans
le concours de l'estomac. En effet, la partie centrale du système
gastro-vasculaire se trouve divisée en deux portions par un
étranglement contractile ; une première portion vestibulaire re-
çoit les aliments et les digère, puis les fait passer dans la portion
profonde ou post-stomacale qui est en communication directe
avec les canaux irrigatoires.
(1) toc. cit., p], 6, fig. 1 et h. et Zoophytës du Règne, animal de Cuvief,
pi. 56, fig. 1.
CHEZ LES ZOOPHYTES. . 65
Ce mode d'organisation , que j'ai rencontré d'abord dans un
petit Acalèphe de la Méditerranée, dont j'ai formé le genre
Lesueuria, se retrouve, à peu de chose près , non- seulement
dans les genres Eucharis et Chiaia , mais aussi chez les
Cestes (1). Dans les Cydippes (ou Pleurobrachies) , la démar-
(1) Dans les Lesueuria (a), la pre-
mière portion du système gastro-vascu-
laire, ou chambre pharyngienne , qui
communique librement au dehors par
la bouche, située à son extrémité infé-
rieure, est très grande et occupe l'axe
du corps. Elle fait l'office d'un estomac,
et communique par son extrémité su-
périeure avec une seconde chambre
que je désigne sous le nom de ventri-
cule chylifère. Cette cavité s'élève
verticalement jusqu'à la face supé-
rieure du corps où se trouve le sys-
tème nerveux central ; elle s'y termine
en cul-de-sac, et son entrée est garnie
de cils vibratiles. Deux ordres de ca-
naux naissent de sa partie inférieure:
les uns, au nombre de quatre, s'élè-
vent en divergeant, et ne tardent pas
à se bifurquer pour former les huit
canaux costaux dont la disposition est
à peu près la même que chez les
Béroés, sauf qu'ils ne donnent pas
naissance à un réseau intermédiaire.
A leur extrémité inférieure, ces vais-
seaux verticaux contournent le bord
des lobes dont le corps est garni laté-
ralement, et se réunissent deux à deux
près du point d'insertion des quatre
tentacules situés à la base de ces ap-
pendices. Là ils donnent chacun nais-
sance à un petit vaisseau qui longe en
dessous le tentacule correspondant, et
à un vaisseau marginal qui suit le bord
inférieur du corps et communique à son
tour avec les canaux périgastriques in-
férieurs. Enfin, ces derniers, au nom-
bre de deux paires, remontent en lon-
geant l'estomac, et vont déboucher à la
partie inférieure du ventricule chyli-
fère , de façon à constituer le second
ordre de canaux dont il a été question
ci-dessus comme dépendant de ce ré-
servoir central. Les courants ne sont
pas réguliers dans ce système irriga-
toire, mais ils m'ont paru avoir la
même direction que chez les Béroés.
La disposition de l'appareil gastro-
vasculaire est à peu près la même dans
le genre Chiaia. La figure que M. Délie
Chiaje a donnée d'un de ces Acalèphes
sous le nom d'Alcinoe papillosa man-
que d'exactitude (6). Les principales
différences, comparativement à ce qui
se voit chez le Lesueuria , tiennent :
1° au mode d'origine des canaux cos-
taux intermédiaires qui appartiennent
aux petites côtes ambulacraires, et qui
naissent d'un tronc périgastrique situé
vers le tiers de leur longueur, tandis
que les canaux costaux externes, de
même que tous ceux des Lesueuria, se
continuent avec les troncs périgastri-
ques par leur extrémité' supérieure;
2° à l'existence d'une multitude de pe-
tites branches latérales qui se terminent
(a) Milne Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophyles (Ann.
des sciences nat., 2" série, t. XVI, p. 203, pi. 3 et 4, fig. 1).
(b) Délie Chiaje, Memoria sulla storia e notomia degli Animali senza vertèbre del regno di
Napoli, t. IV, p. 7, pi. 51, fig. 1 et 2, et Descriz. e notom. degli Anim. invert., pi. 150, fig. 1
et 2.
m.
66 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
cation entre l'estomac et la portion irrigatoire du système gastro-
vasculaire est encore plus prononcée. Mais la portion vasculaire
de ce système est moins développée , et le mouvement de va-
et-vient du fluide nourricier s'effectue à la fois dans chaque
canal.
Chez les Vélelles, que les recherches récentes de plusieurs
naturalistes tendent à faire considérer comme des Acalèphes
composés dont l'individu central aurait seul un appareil digestif,
et les autres ne serviraient qu'à la reproduction , le système
en caecums, et qui correspondent aux
lignes d'insertion des rangées trans-
versales de filaments locomoteurs (a).
Dans les Acalèphes que M. Agassiz
a décrits sous le nom de Bolina alata,
la conformation du système gastro-
vasculaire paraît être la même que
chez le Lesueuria , bien que ce na-
turaliste ne fasse pas mention des
deux paires de canaux longitudi-
naux intermédiaires qui existent chez
ce dernier (6). Il paraît que M. Agas-
siz ne connaissait pas les observations
dont ce Zoophy te avait été l'objet ; car
il dit qu'avant lui on ignorait complè-
tement la disposition de ces vais-
seaux (c).
Si l'on jugeait de l'organisation des
Cestes par les figures que MM. Esch-
scholiz (d) et Délie Chiaje (e) en ont
données, on croirait que l'appareil
gastro - vasculaire de ces Acalèphes
diffère beaucoup de celui des Le-
sueuries et des Chiaies ; mais il n'en
est pas ainsi. La disposition de la
cavité gastrique, du ventricule chyli-
fère et des deux ordres de canaux
périgastriques est essentiellement la
même. (/) En effet , le sommet de la
cavité stomacale qui occupe l'axe du
corps se continue avec une cavité
cylindrique grêle et verticale qui va
se terminer en cul-de-sac sous la fos-
sette dorsale, et qui donne naissance
inférieurement à quatre canaux péri-
gastriques ascendants. Ceux-ci s'élè-
vent en divergeant de façon à simuler
les quatre côtés d'une pyramide ren-
versée, et se divisent chacun en deux
branches, dont l'une monte jusqu'au
bord supérieur du corps, et se recourbe
ensuite en dehors pour suivre en des-
sous l'ambulacre ou rangée de franges
ciliaires dont ce bord est garni ; l'au-
tre se recourbe en bas, et descend jus-
que vers les deux tiers de la face laté-
rale du corps, où il se recourbe brus-
quement en dehors pour marcher
(a) Milne Edwards, Note sur l'appareil gastro-vasculaire de quelques Acalèphes Cténophores
(Ann. des sciences nat., 1857, 4° série, t. VII, pi. 14).
(b) Agassiz, Contributions to the Nalural History of the Acalephœ of North America, part. 2,
p. 357, pi. 7 et 8 (Mem. of the American Acad., t. II, 1850).
(c) hoc. cit., p. 356.
(d) Eschscholtz, System der Acalephen, p. 14, pi. 1, R§. 1 a, 1 6.
(e) Délie Chiaje, Memorie sulla storia e notomia degli Animali senza Vertèbre di Napoli, t. IV,
p. 14, pi. 52, fig. 2.
(f) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1857, t. VII, pi. 15).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 67
irrigatoire est également une dépendance de l'estomac, mais
toute sa portion vasculaire acquiert un développement sans
exemple chez les Zoophytes que nous venons de passer en
revue. Un des naturalistes les plus habiles de la Suisse ,
M. Vogt, en a fait récemment une étude approfondie, et a trouvé
que les canaux rameux qui partent de l'estomac se répandent
dans les diverses parties du disque commun , et font commu-
niquer entre eux tous les individus agastriques , ou organes
reproducteurs de ces singuliers Zoophytes (1).
parallèlement à la précédente jusqu'à
l'extrémité des lobes latéraux ou ailes,
bien qu'il n'y ait sur son trajet au-
cune trace d'ambulacres. Parvenus à
l'extrémité pointue des ailes qui , en
s'allongeant excessivement, donnent à
ces Acalèpbes la forme d'un ruban, ces
deux vaisseaux se réunissent et débou-
chent dans un vaisseau marginal infé-
rieur qui longe le bord frangé infé-
rieur et se réunit à son congénère
sur le devant de la bouche. Enfin, un
canal vertical, appelé vaisseau péri-
gastrique inférieur, se dirige de ce
point vers la base du ventricule chy-
lifère en longeant l'estomac, et com-
plète sur cbaque face du corps le
cercle circulatoire.
Dans le genre Pleurobrachie de
Fleming (ou Cydippe d'Escbschollz),
la cavité centrale donne également
naissance à deux séries de vaisseaux
dont les uns sont ascendants et vont
s'ouvrir dans les huit canaux costaux ou
ambulacraires, et dont les autres, au
nombre de deux seulement, descendent
le long des ^organes appendiculifères
et représentent les vaisseaux périgas-
triques inférieurs des Béroïdiens ordi-
naires; mais il n'existe pas de canal
marginal inférieur pour relier entre
elles les extrémités inférieures de tous
ces vaisseaux verticaux, qui se termi-
nent par conséquent en culs-de-sac. Il
est aussi à noter que tous ces vais-
seaux, au lieu d'être étroits et cylin-
driques comme dans les espèces pré-
cédentes , sont très larges , et que
dans l'intérieur de chacun d'eux , on
voit à la fois deux courants en sens
contraire, dirigés l'un du centre à la
circonférence du système irrigatoire,
l'autre de la circonférence vers la ca-
vité centrale (a).
(1) Ces divers canaux périgastriques
sont tapissés d'un tissu qui a tous le3
caractères d'un organe sécréteur, et
qui pourrait bien remplir les fonctions
d'un appareil hépatique. Xous revien-
drons avec plus de détail sur ce su-
(a) Voyez, au sujet de l'appareil gastro-vaseulaire de ces Animaux : -
Audouin et Milne Edwards , Observ. sur le Beroe pileus, insérées par Cuvier dans la 2* édition
de son Règne animal, 1830, t. III, p. 2S1.
— Milne Edwards, Zoophytes de l'Atlas delà grande édition du Règne animal, pi. 56, fig, 3 6,
et Note sur l'appareil gastro-vaseulaire de quelques Acalèphes Cténophores (Ann. des sciences
nat., 1857, -ie série, t. Vil, pi. 16, fig. 2).
— Agassiz, Contributions to the Nat. Hist. of the Acalephm of North America, p. 313,
pi. 2 à i.
68 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
Les organes moteurs qui déterminent les courants irriga-
toires chez les Acalèphes sont faciles à découvrir chez beaucoup
d'espèces et paraissent être partout les mêmes. Ce sont des
cils vibratiles qui garnissent la surface interne d'une portion
plus ou moins considérable des canaux gastro-vasculaires. Chez
les Béroés, par exemple, ces filaments épithéliques se trouvent
en grand nombre dans le canal marginal et dans les parties
voisines du lacis vasculaire (1). On les distingue également
chez les Lesueuries et les Cydippes , mais ici les contractions
générales du corps viennent aussi en aide à la circulation , et
je suis porté à croire que les mouvements de systole et de
diastole qui se remarquent dans le disque des Médusaires et
qui servent à la natation concourent au même but (2).
jet , lorsque nous étudierons les or-
ganes.de la digestion, et je me borne-
rai à ajouter ici quelques mots relatifs
à la disposition de ces canaux.
On trouve au fond du sac fusiforme
central qui constitue l'estomac de la
Vélelle deux rangées d'ouvertures qui
conduisent dans des canaux larges et
sinueux. Ceux-ci se dirigent vers le
bord du disque en se ramifiant et en
s'anastomosanl entre eux, de façon à
former un réseau épais et serré sous
sa face inférieure. La masse brune
et spongieuse ainsi constituée sur-
monte les individus astomes qui en-
tourent l'individu nourricier , et ces
canaux sont en communication directe
avec la cavité dont chacun de ces
corps polypiforme est creusé. Enfin,
le réseau vasculaire se prolonge dans
le limbe du disque, et ses rameaux
remontent jusque sur les côtés de la
lame verticale dont ce disque est sur-
monté. MM. Délie Chiaje, Hollard et
Krôhn, n'ont connu que la portion
centrale de ce système gastro-vascu-
laire, et l'ont considérée comme étant
le foie ; M. Vogt l'a fait connaître
d'une manière plus complète (a).
(1) Mil ne Edwards , Observations
sur la structure de quelques Acalè-
phes (Ann. des se. nat., 1841, 2e sér.,
t. XVI, p. 213).
(1) C'est par des contractions péri-
slaltiques de la membrane dont les
canaux gastro-vasculaires sont ta-
pissés que M. Elirenberg explique
les courants non - seulement chez les
(a) Délie Chiaje, Descriz. e Notomia degliAnim. senza vertèbre, t. IV, p. 106.
— Hollard, Recherches sur l'organisation des Vélelles (Ann. des sciences nat., 18-45, 3" série,
t. m, p. 251).
— Rrôhn , Notiz ùber die Anivesenheit eigenthùmlicher Luftkanàle bel Yelella und Porpita
(Erichson's Archiv fur Naturgeschichte, 1S48, Bd. I, p. 30).
— Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, Impartie, Genève, 1854,
p. 17 et suiv., pi. 1, fig. 4, 8 et 9; pi. 2, fig\ 12, 1 5 et 16.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 69
Je dois ajouter qu'un naturaliste allemand, M. Will, pense
que tous les vaisseaux en communication avec la cavité digestive
sont renfermés dans un autre système de canaux qui les accom-
pagneraient partout et qui serviraient à contenir un fluide nour-
ricier spécial ; mais cette opinion paraît être dénuée de fonde-
ment , et l'appareil gastro-vasculaire est le seul qui , chez les
Acalèphes , semble pouvoir servir à l'irrigation nutritive de
l'organisme (1).
§ 5. — La classe des Coralliaires (ou Polypes proprement
dits) nous offre une série de termes correspondants aux princi-
pales formes de l'appareil irrigatoire que nous venons de passer
en revue chez les Acalèphes.
Ainsi le mode d'organisation que nous avons rencontré, dans
Classe
des
Coralliaires.
Aurélies , mais aussi chez les Bé-
roes, etc. (a). J'avouerai n'avoir jamais
pu voir ces mouvements péristaltiques,
et je suis au contraire certain du rôle
actif des cils vibratiles dont j'ai eu sou-
vent l'occasion d'étudier le jeu chez
les Béroés.
M. Buscli a vu aussi les courants du
liquide, nourricier être produits par
l'action de cils vibratiles chez les Mé-
dusaires du genre Sarsia ; mais il
y a, indépendamment de cela , des
mouvements irréguliers qui dépen-
dent, soit de l'injection d'une nouvelle
quantité de liquide de l'estomac dans
les vaisseaux, soit des contractions
partielles du corps. D'après M. Busch,
la direction des courants irrigatoires
se renverserait d'une manière pério-
dique , à peu près comme chez les
Tuniciers (6).
(1) Suivant Will, les vaisseaux gas-
tro-vasculaires des Béroés et des- Mé-
duses seraient bordés par un espace
libre contenant un liquide, ou plutôt
se trouveraient logés dans un canal
que cet auteur considère comme étant
un véritable vaisseau sanguin (c) ;
mais il n'a pu jamais y apercevoir de
courant, et les anatomistes qui ont
cherché à vérifier ses observations
sont tous arrivés à des résultats né-
gatifs (d).
(a) Ehrenberg, Ueber die Akalephen des Rothes Meeres (Acad. de Berlin, 1835, et Ann. des
sciences nat., 2* série, t. IV, p. 295).
(b) Busch , Beobachtungen iiber Anatomie und Entwickelung einiger Wirbellosen Seethiere ,
•1852, p. 3.
(c) Will, Horaz Tergestinœ, p. 34.
— Siebold cl Stannius, Nouveau Manuel d' anatomie comparée, 1. 1, p. G4.
(d) Voyez Frey et Leuckart , Beitràge S!«' Kenntniss Wirbelloser Thiere , mit besonderer
Berûcksichtigung der Fauna des Norddcutschen Meeres, 1847, p. 38.
— Forbes, A Monogr. of Ihe Brit. Naked-Eyed Médusa:, p. 6.
— Milne Edwards, Note sur l'appareil gastro-vasculaire de quelques Acalèphes (Ann . des sciences
nat., 1857, 3e série, t. VII).
70 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
les générations sertulariennes des Acalèphes se retrouve chez
l'Hydre d'eau douce , devenue célèbre par les expériences
curieuses de Tremblay.
La disposition dont les Médusaires du genre Pélagie nous ont
offert un exemple existe, à peu de chose près, chez les Lucer-
naires, les Actinies et la plupart des autres Zoanthaires.
Enfin la ressemblance est également frappante entre l'appa-
reil gastro-vasculaire des Aurélies ou des Rhizostomes, et le
système à la fois* digestif et irrigatoire de presque tous les
Alcyonaires.
Effectivement, chez l'Hydre, que la plupart des zoologistes
rangent clans cette classe (1), le corps de l'animal est trans-
formé en une sorte de gaine cylindrique, et la cavité stomacale
qui en occupe tout l'intérieur sert à la fois à la digestion des
(1) La cavité stomacale de l'Hydre tentaculaires se terminaient dans un
se rétrécit inférieurement, mais s'étend anneau vasculaire placé autour de la
jusque dans le pied de l'animal, et bouche (d). Mais M. Ehrenberg a
envoie des prolongements cylindriques trouvé qu'ils débouchent directement
dans l'intérieur des brasou tentacules dans la cavité stomacale, et a donné une
dont la bouche est entourée. Corda (a), très belle figure où cette disposition se
Laurent (6), Erdl (c) et plusieurs au- voit (e). Les observations de M. Siebold
très naturalistes avaient remarqué des confirment celles de M. Ehrenberg, et
mouvements oscillatoires dans le li- le premier de ces naturalistes, dont
quide dont ces canaux tentaculaires l'habileté comme micrographe est bien
sont remplis, mais n'avaient aperçu connue , assure que le mouvement du
aucun phénomène analogue dans l'es- liquide n'est pas dû seulement aux
tomac, ni aucune communication contractions générales du corps, et
directe entre ces parties. Gruithuisen dépend en partie de l'action de cils
avait même supposé que les canaux vibratiles d'une grande ténuité (/").
(a) Corda, Anatome Hydrœ fuscœ (Acta Academiœ Cœsareœ Leopoldino-Carolinœ Naturœ curio-
sorum, t. XVIII, et Ann. des sciences nat., 1837, 2» série, t. VIII, p. 364).
(b) Laurent, Recherches sur l'Hydre et l'Eponge d'eau douce [Voyage de la Bonite, Hist. nat.,
4844, Zoophytologie, p. 55).
(c) Erdl, Ueber die Organisation der Fangarme der Polypen (Miiller's Archiv fur Anat. und
PhysioL, 1841, p. 431).
(d) Gruithuisen, Einleitung in das Studium des Arzneykunde, 1824, p. 154 (Isis, 1828, t. XXI,
p. 506).
(e) Ehrenberg, Ueber das Massenverhâllniss der jetât lebenden Kiesel-Iafusorien, etc. (Mém. de
l'Acad. de Berlin pour 1836, p. 154, pi. 2, fig. 1).
(f) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 42.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 71
matières alimentaires et à la distribution des fluides nourriciers
dans l'ensemble de l'organisme (1).
Chez les Lucernaires, la bouche, qui est entourée d'un voile
labial prolongé en manière de trompe, donne dans une grande
cavité digestive, dont la partie supérieure se prolonge dans le
disque oral jusqu'à l'extrémité des bras, mais s'y trouve divisée
en quatre loges par autant de cloisons périgastriques radiaires ;
disposition qui rappelle tout à fait ce qui existe chez les Péla-
gies (2).
Chez les Actinies ou Anémones de mer, ainsi que chez les
autres Zoanthaires, le bord labial de la cavité générale du corps
(1) D'après son mode d'organisation,
ce Zoophyte semble cependant avoir
plus d'analogie avec la forme sertu-
larienne du type Acalèphe, et devoir,
par conséquent, prendre place dans la
classe précédente ; mais cette question
d'appréciation des affinités zoologi-
ques ne saurait être traitée ici (a).
(2) Les figures que j'ai données de
la structure interne de la Lucernaria
auriculata (b) s'accordent très bien,
sous ce rapport , avec les observations
publiées quelque temps après par
M. Sars sur le Lucernaria quadri-
cornis (c).
Plus récemment, M. Owen a décrit
un système de canaux qui longeraient
la cavité digestive et se bifurqueraient
dans les bras ; mais les parties que cet
anatomiste a prises pour des tubes sont,
suivant toute apparence, les quatre
pilastres qui garnissent les parois de la
cavité générale et font saillie dans
l'intérieur de celle-ci (d). Depuis la
publication de la note de M. Owen,
j'ai eu l'occasion d'examiner de nou-
veau la structure des Lucernaires, et
je me suis assuré de l'exactitude des
figures que j'avais publiées quelques
années auparavant.
Il est aussi à noter que la descrip-
tion que MM. Frey et Leuckart ont
donnée des loges périgastriques du
disque des Lucernaires n'est pas
exacte. Ils pensent que les cloisons qui
séparent entre elles ces loges corres-
pondent au milieu de chaque bras ou
lobe tentaculaire, et qu'il y a huit de
ces loges en forme de caecums (e), tan-
dis qu'eu réalité le nombre de ces
prolongements de la cavité générale
n'est que de quatre, et les cloisons
radiaires qui les séparent correspon-
dent à la base des angles rentrants
formés par la réunion de deux tenta-
cules conjugués avec leurs voisins.
(a) Voyez Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, t. I, p. 3.
(6) Milne Edwards, Zoophytes de i'Allas du Règne animal, pi. 63, fig. 1 s, 1 c.
(c) Sars, Fanna littoralis Norwegiœ, 1846, p. 22.
(d) Owen, On Lucernaria inauriculata (Report of the 19th Meeting of the Brit. Assoc. for the
Advanc. of Science, 1849, Trans., p. 78).
(e) Frey et Leuckart, Beitrdge zur Kenntniss Wirbelloser Thiere, 1847, p. 11.
72 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
se renverse au contraire en dedans, à peu près comme nous
l'avons vu chez les Pleurobrachies , et forme une sorte de ves-
tibule gastrique tabulaire suspendu au centre de cette cavité.
La digestion tend à se localiser dans ce premier estomac, et ce
sont principalement les sucs nourriciers, mêlés à de l'eau de
mer, qui pénètrent plus loin dans la seconde chambre.
Celle-ci peut donc être comparée au ventricule chylifère des
Béroïdiens, mais son mode de conformation rappelle davantage
celui de l'estomac des Équorées. En effet, une multitude de
cloisons partent de ses parois pour se diriger vers l'axe du
corps, mais n'y arrivent pas et laissent au-dessous de l'estomac
un espace libre, tandis que tout à l'entour elles divisent la cavité
commune en une série de loges étoilées dont le fond se prolonge
en forme de tube dans l'intérieur des tentacules correspon-
dants (1). Nous étudierons plus en détail la structure de cet
appareil, lorsque nous nous occuperons des organes de la
digestion , et je me bornerai à ajouter ici que les parois de
ce système de cavités sont garnies de cils vibratiles qui font
naître des courants dans les fluides nourriciers dont il est
rempli. Mais ces courants ne constituent pas, à proprement
parler, une circulation, et déterminent plutôt des tourbillonne-
ments partiels (2).
(1) A ce sujet, on peut consulter ('!) La découverte de ces cils vibrâ-
tes recherchesde Lesueur, MM. ïeale, tiles chez les Actinies est due au pro-
Delle Chiaje, Dana, Hollard, Haitne, fesseur Sharpey, de l'université de
etc. (a). Londres (6), et ce physiologiste a
(a) Lesueur, Obs. on Several Species of the Genus Actinia (Joum. of the Acad. ofNat. Sciences
of Philadelphie!,, vol. I, p. 180, pi. 8, fig. 1, 4, 5, 8).
— Teale, On the Anatomy of Actinia coriacea ( Trans. ofthe Leeds Philos. Soc, vol. I). Voyez
Johnston, Hist. ofthe British Zoophytes, 1847, vol. I, p. 184).
— Délie Chiaje, Descri%ione e Notomia degli Anim. Invert, délia Sicilia citeriore, t. IV, p. 127
et 130, pi. 152, fig- 11, et pi. 154, fîg\ 1).
— Dana, Zoophytes, p. 34 (United States Exploring Expédition under Capt. Wilkes, 1846).
— Hollard, Monographie analomique du genre Actinia (Ami. des sciences nat., 3e série, t. XV,
p. 256).
— Haime, Hé moire sur le Cérianthe (Ami. des sciences nat., 1° série, t, I, p. 371, etc.).
(b) Sharpey, Edinburgh Médical and Surgical Journal , vol. XXXIV.
CHEZ LES ZOOPHYTES. 73
Ce mode d'organisation est plus facile à comprendre chez les
Alcyonaires , parce que là les diverses parties de l'appareil
gastro-irrigatoire sont plus nettement séparées ; mais en général
cet appareil s'y complique aussi davantage.
Prenons pour exemple l'un des Polypes de ces Zoophytes
agrégés que j'ai trouvés sur les côtes de l'Algérie et que j'ai
désignés sous le nom d' A Icyonides (1). Le corps presque cylin-
drique et très allongé de l'Animal est creusé dans toute son
étendue d'une grande cavité au sommet de laquelle se trouve
suspendu le tube gastrique, formé par le renversement en dedans
du bord labial de la bouche. Cet estomac communique directe-
ment avec la cavité générale par son extrémité inférieure,
mais cette extrémité est garnie d'un sphincter ou anneau mus-
culaire, qui, en se resserrant, la transforme temporairement en
un sac lorsque les aliments y arrivent du dehors et doivent y
être digérés, mais qui se relâche et rend le passage libre quand
ces matières ont été désagrégées par le travail digestif et doivent
pénétrer dans la cavité située au-dessous ('2). La portion cen-
trale de celle-ci est libre et constitue un vaste réservoir analogue
donné également une très bonne des- que l'on puisse suivie au microscope
cription du système cavitaire de ces les mouvements du fluide nourricier
Animaux (a). 11 a vu aussi que des dans leur intérieur (6).
courants rotatoires s'établissent parfois (1) Ce nom, ayant été employé pré-
d'une manière indépendante dans les cédemment dans une autre acception,
tentacules et dans l'estomac central. n'a pu être conservé, et j'y ai subsli-
Des phénomènes du même genre ont tué celui de Paralcyonium (c).
été observés avec plus de détail par (2) Pour suivre cette description, .il
M. deQuatrefagescbezlesEdvvardsies, serait utile d'avoir sous les yeux les
Actiniens dont presque toutes les figures que j'ai données de l'organisa-
parties sont assez transparentes pour tion des Alcyonides {d), ou d'y substi-
(a) Sharpey, article Cilia (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Pliysiology, 1836, t. I, p. 614»
%. 297).
(6) Quatrefages, Mém. sur les Edwardsies , nouveau genre de la famille des Actinies (Ann. des
sciences nat., 2° série, t. XVIII, p. 99, pi. 2, fig. 12, etc.).
(c) Milne Edwards, Histoire des Coralliaires, t. I, p. 129.
(d) Milne Edwards, Mém. sur un nouveau genre de la famille des Alcyoniens, le genre Alcvo
nide {Ann. des sciences nat., 1835, 2* série, t. IV, p. 323, pi. 12, fig. 3 et i).
7/j. CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
au ventricule chylifère des Béroïdiens ; mais, vers le dehors,
elle est subdivisée en huit loges ou gouttières longitudinales par
autant de cloisons membraneuses qui donnent attache aux
organes génitaux, et qui, dans leur portion supérieure, vont se
fixer tout autour de l'estomac tabulaire dont il a été déjà ques-
tion. Les espaces intercloisonnaires ainsi circonscrits forment
donc autour de l'estomac huit canaux verticaux disposés en un
faisceau, et l'extrémité de chacune de ces loges périgastriques se
prolonge non-seulement dans l'intérieur du tentacule circum-
buccal correspondant, mais jusqu'à l'extrémité de chacun des
appendices digitiformes ou franges dont ces tentacules sont
garnis. Il en résulte donc que, pendant la contraction de l'ori-
fice inférieur de l'estomac, le corps de ces Animaux est occupé
par un vaste système de cavités closes qui renferme le fluide
nourricier en mouvement et qui se compose d'une chambre
centrale ou réservoir principal ( le ventricule chylifère), et de
huit loges périphériques dont la partie supérieure se continue
en forme de canal autour de l'estomac et jusque dans l'intérieur
des tentacules. C'est donc là un appareil irrigatoire bien com-
plet, mais qui est en continuité avec l'estomac, et communique
librement avec le dehors par l'intermédiaire de cet organe,
quand le sphincter pylorique vient à se relâcher (1).
Ce mode d'organisation est, pour ainsi dire, la reproduction
tuer celle d'un des polypes du Co- vement circulatoire du fluide nourri-
rail (a) ou du genre Gorgone (6), ou cier a été observé dans l'intérieur des
bien encore une Cornulaire (c). canaux périgastriques par M. Erdl,
(1) Chez les Vérétilles, où l'organi- qui le considère comme étant produit
sation de l'appareil gastro-vasculaire uniquement par l'action de cils vibra-
est à peu près le même que chez les tiles situés sur les parois de ces ca-
Alcyonaires cités ci-dessus, le mou- vités (d).
(a) Milne Edwards, Zoophytes du Règne animal de Cuvier, pi. 80, fig. 1 b.
(6) Idem ( loc. cit., pi. 19, fig. la, 16).
(c) Idem (loc. cit., pi. 65, fig. 3 6).
(d) Erdl, Ueber die Organisation der Fangarme der Polypen (Mdller's Archiv fur Anat. und
Physiol, 1841, p. 425).
CHEZ LES ZOOPHYTES. 75
de ce que nous avons vu chez les Béroïdiens du genre Pleuro-
brachie ; mais chez la plupart des Alcyonaires l'appareil gastro-
vasculaire se complique davantage, afin de mieux assurer la
distribution du fluide nourricier dans l'épaisseur de la portion
basilaire du corps dont le développement donne lieu à la for-
mation de ce que l'on nomme un Polypier. Effectivement, chez
tous ces Coralliaires, le système gastro-vasculaire ne se compose
pas seulement du réservoir central et des canaux périgastriques
simples dont il vient d'être question, mais, de même que chez
les Béroés, se prolonge sous la forme de vaisseaux rameux dont
les branches se répandent partout dans la substance du tissu
sclérenchymateux et y constituent, par leurs anastomoses, un
lacis capillaire très serré (i).
(1) J'ai étudié ce système vasculaire les Gorgones (c), les Cornulaires (d),
avec beaucoup d'attention chez les etc., et semble avoir été vaguement
Alcyons ou Lobulaires. On trouve sur indiqué par M. Délie Chiaje dans son
les parois de la cavité commune, ou Mémoire sur le système aquifère des
ventricule cbylifère (surtout vers le Animaux invertébrés; mais presque
fond), un nombre assez considérable tous les canaux dont cet anatomiste
de petits orifices distribués irréguliè- parle ne sont évidemment autre chose
rement, qui sont l'origine d'autant de que le réservoir central et les conduits
tubes capillaires, et ceux-ci se ramifient périgastriques des Polypes (e). Le
dans la substance du sclérenchyme , même auteur en dit aussi quelque
et s'anastomosent fréquemment entre chose dans un ouvrage plus récent (/").
eux, de façon à établir un réseau in- Enfin Will a publié également quel-
termédiaire percé de quelques pores ques observations à ce sujet , et a
et commun à tous les individus agrégés découvert des cils vibratiles dans l'in-
dont se compose une même colonie (a). térieur des canaux gastro-vasculaires
Un mode d'organisation analogue se des Alcyons ; mais je ne saurais ex-
voit chez le Corail proprement dit (6), pliquer que par des erreurs d'obser-
(«) Milne Edwards, Observ. sur les Alcyons proprement dits (Ann. des sciences nat. , 1835,
2= série, t. IV, p. 338, pi. 15, %. 7 et 9 ; pi. 16, ûg. 4 et 0).
(6) Milne Edwards, Notes de la deuxième édition de l'Histoire des Animaux sans vertèbres , par
Lamarck, 1836, t. II, p. 469, et Zoophytes de V Atlas du Règne animal, 1838, pi. 8, fig. 1, la
et 16.
(c) Annot. de l'ouvrage de Lamarck, Hist. des Anim. sans vertèbres, t. II, p. 464.
(d) Milne Edwards, Zoophytes de V Atlas du Règne animal, pi. 65, fig-. 3 b.
(e) Délie Chiaje , ilemorie sulla storia e notomia degli Animait sen%a vertèbre del regno di
Napoli, 1828 , t. II, p. 2"Ï3.
(f) Délie Chiaje, Bescri%. e notomia degli Anim. invertebrati délia Sicilia citeriore , 1841, ou
plutôt 1846, t. IV, p. 32, etc.
76 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
On voit, par tout ce qui précède, que chez les Âlcyonaires
la division du travail est bien près de s'établir entre la portion
digestive et la portion irrigatoire du système de cavités com-
munes qui, chez les Zoophytes inférieurs, tient lieu à la fois
d'un estomac et d'un appareil circulatoire. Pour que la sépa-
ration soit complète, il suffirait de l'occlusion permanente de
l'orifice inférieur du vestibule gastrique ; car ce système de
cavités se trouverait alors divisé en deux parties : une poche
digestive et une chambre viscérale servant à loger cette poche,
ainsi que les autres viscères, et renfermant le fluide nourricier
qui, déjà élaboré par l'action de l'estomac, doit être distribué
dans toutes les parties de l'organisme.
Cette disposition ne se réalise jamais chez les Zoophytes des
deux classes dont je viens de parler, mais se rencontre chez
une foule d'autres Animaux invertébrés.
Embranchement § 6. — Afin de ne pas interrompre ici l'enchaînement
Mollusques, naturel de ces modifications organiques, je laisserai de côté,
pour le moment, les Zoophytes supérieurs dont se compose la
division des Échinodermes, et je choisirai mes exemples dans
l'embranchement des Mollusques.
Chez tous les animaux de cette grande division zoologique ,
de même que chez les Échinodermes , les Annelés et les Ver-
tébrés, la cavité digestive est distincte de la cavité générale ou
viscérale et n'y débouche plus.
vation ce que ce dernier naturaliste seaux verticaux externes n'est proba-
dit d'un système de vaisseaux qui , blement pas autre chose que la ligne
par le bas, seraient en communication de rencontre du bord externe de ces
avec le réseau vasculaire du scléren- cloisons avec les parois cylindriques
chyme et suivraient les deux bords du corps, et ses vaisseaux internes
des cloisons périgastriques pour ga- sont, suivant toute apparence, des
gner la base des tentacules et s'y ra- dépendances de l'appareil de la gé-
mifler. Ce qu'il a pris pour les vais- nération (a).
(a) Will, Blutgefàsssy stem von Alcyoniiim palmatum (Froriep's Neue Notixen, 1843, Bd. XXVIII,
n- 599, p. 68).
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 77
Les Bryozoaires (1), animaux qui ont été jusque dans ces ciasse
derniers temps confondus avec les Coralliaires , sous le nom Bryozoaire
de Polypes, mais qui doivent occuper les rangs inférieurs de la
division des Mollusques, nous offrent ce mode d'organisation
réduit à sa plus grande simplicité. Le tube intestinal , en
forme d'anse, est suspendu par ses deux extrémités au milieu
d'une grande cavité viscérale qui est remplie d'un liquide
nourricier en mouvement, et ici, de même que chez les Coral-
liaires, ce sont principalement des cils vibratiles fixés aux parois
de ce réservoir commun qui déterminent les courants dont
ce liquide est agité (2). Il existe donc chez ces Animaux un
(1) Les zoologistes anglais désignent
cette classe de Molluscoïdes sous le nom
de Polyzoa , parce que cette expres-
sion avait été introduite dans la science
par Thompson (a), plusieurs années
avant la publication du Mémoire dans
lequel M. Ehrenberg lit usage pour la
première fois du terme Bryozoa (b).
Les datés ont été très bien établies
par M. Busk (c), et l'on est générale-
ment d'accord aujourd'hui pour ad-
mettre que les questions de ce genre
doivent être décidées par la chrono-
logie; de telle sorte . que pour les
classes et les familles , aussi bien que
pour les espèces, le nom le plus an-
cien doit toujours prévaloir. On pour-
rait donc croire que j'ai tort de per-
sister dans l'emploi du nom donné à
ma division des Polypiers tuniciens par
M. Ehrenberg ; mais les auteurs qui
y substituent le mot Polyzoa n'ont pas
remarqué que Thompson n'a jamais
donné ce nom à une classe, mais à un
animal (ou tout au plus à un genre),
et que ce naturaliste n'a jamais songé
à l'appliquer aux Flustres, aux Es-
chares , aux Cristatelles , etc. Pour
s'en convaincre, il suffit de lire le titre
du Mémoire de Thompson : On Poly-
zoa, a new Animal discovered as an
inhabitant of some Zoophytes ; toith
the Description of thenewly institu-
ted Gênera Pedicellaria, Vesicularia
and their Species. C'est donc un nom
générique que l'on a transformé en
un nom de classe, et cette transfor-
mation n'ayant été faite que postérieu-
rement à l'introduction du nom Bryo-
zoa pour désigner la classe compre-
nant les Polyzoa de Thompson, ainsi
que les Polypes à panaches des an-
ciens naturalistes, les Eschares, etc.,
n'a aucun droit d'ancienneté sur celui
dont je me sers ici.
(2) Les courants qui s'établissent
(a) Thompson, Zoological Researches and Illustrations. Cork, 1830, cart. 5.
(6) Ehrenberg , Beitrdge zur Kenntniss der Covallenthiere des Rot lien Meeres, 1833, et
Symboles physlcœ, Animalla evertebrata, 1831.
(c) Busk, On the Prlority of the Term Polyzoa for the Âscidian Polypes (Ann. and Mag. ofNat.
Hist., 1852, 2« série, t. X, p. 352).
78 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
système particulier de cavités interorganiques pour servir à
l'irrigation nutritive ; mais cette cavité n'est autre chose que
l'analogue de la chambre viscérale, ou abdomen des Animaux
supérieurs.
L'appareil digestif flotte au milieu du liquide nourricier, qui
baigne directement aussi les muscles, les téguments et les autres
dans le liquide cavitaire chez ces Ani-
maux n'avaient pas échappé à l'atten-
tion des anciens micrographes. Trem-
blay fait mention des mouvements
que révèlent les corpuscules tenus en
suspension dans ce liquide chez le
Polype à panaches des eaux douces, ou
Lophopus cristallinus (a) ; mais ces
courants n'ont été réellement décrits
que dans ces dernières années par
Dumortier, de Bruxelles. Ce zoologiste,
en parlant de ces Bryozoaires, s'ex-
prime "dans les termes suivants :
« Il n'existe dans les Lophopes ni
cœur, ni artères, ni vaisseaux, et ce-
pendant la circulation y est aussi réelle
que dans les Animaux supérieurs.
L'espace contenu entre le système
cutané et les intestins de chaque in-
dividu forme une grande cavité com-
muniquant avec la cavité générale et
remplie d'un liquide incolore : ce li-
quide est le sang, qui occupe, par
conséquent, tout le vide laissé par les
viscères. Dans le sang sont contenus
des globules de forme et de grandeur
différentes déjà observés par Tremblay
et par Carus (6), et des globules de
mucus qui, entraînés par le sang, en
montrent la circulation. En examinant
au microscope un Polype bien déve-
loppé, on voit le sang monter dans la
cavité individuelle, se porter vers les
bras et redescendre de l'autre côté,
tandis qu'une partie entre dans les
bras, s'y met en contact avec le sys-
tème respiratoire, s'y oxygène, et re-
descend ensuite dans le torrent de la
circulation. Celte circulation ne res-
semble en rien au phénomène de la
circulation animale , telle que nous
l'observons dans les Animaux supé-
rieurs, puisqu'elle a lieu dans la cavité
générale, et elle rappelle entièrement
la cyclose des végétaux aquatiques;
comme chez ces derniers , c'est un
mouvement de rotation imprimé au
fluide respiratoire. Mais ce qui est
encore bien plus remarquable, c'est
que la circulation est commune à tous
les Polypes formant le Polypier, et que
le sang élaboré par l'un d'eux profite
à tous les autres. C'est ce qu'il est fa-
cile de déterminer avec certitude , en
suivant attentivement les globules
contenus dans le sang ; alors on verra
que le sang se porte d'un individu
dans l'enveloppe générale, et ensuite
dans tous les autres (c). »
Une circulation analogue a été con-
(a) Tremblay, Mém. pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes à bras, 1744, 3e mémoire,
t. II, p. 146.
— Pour la synonymie très embrouillée de ces Animaux, voyez Van Beneden , Recherches sur les
Bryozoaires fluvialiles de la Belgique ( Mém. de l'Académie de Bruxelles , 1848, t. XXI, p. 23).
(6) Carus, Anatomie comparée, t. II, p. 301, et Tab. illustr., fasc. 3, p. 8.
(c) Dumortier , Recherches sur V anatomie et la physiologie des Polypes composés d'eau douce
{Bulletin de l'Académie de Bruxelles, 1835, t. II, p. 435).
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 79
organes, et qui se répand dans Ions les interstices ou lacunes
que les fibres ou les lamelles constitutives de ces parties laissent
entre elles.
§ 7. — Dans la classe des Tuniciers, et chez les Mollusques Classe
proprement dits, de même que chez tous les Animaux supé- Tuniciers
rieurs des deux embranchements dont nous aurons bientôt à
statée dans les autres genres de Bryo- pense qu'il en existe sur la face ex-
zoaires d'eau douce dont se compose terne du tube digestif aussi bien que
l'ordre des Hijppocrepes de M. Ger- sur la face interne de la cavité viscé-
vais (a), soit par MM. Van Beneden raie. Mais M. Allman, qui vient de
et Dumortier, soit par d'autres na- publier un travail très étendu sur les
turalistes (6) , et des phénomènes Bryozoaires d'eau douce de la Grande-
du même ordre ont été observés chez Bretagne, pense que ces appendices
divers Bryozoaires infundibulaires , épithéliales ne se trouvent que sur
tels que les Flustres, les Tendras, les cette dernière surface (/).
Vésiculaires , les Pédicellines , etc., Divers faits ont porté quelques na-
par MM. Farre, Nordmann , Van Be- turalistes à penser que cette cavité
neden, etc. (c). périgastrique peut communiquer di-
Les cils vibratoires qui remplissent rectement au dehors par Pintermé-
le rôle d'organes moteurs dans ce diaire d'une ou de plusieurs petites
système d'irrigation sont difficiles à ouvertures (g) , et l'on en a conclu
distinguer, et ont échappé aux investi- qu'ici, de même que chez les Coral-
gations de la plupart des naturalistes, liaires et les Acalèphes, l'eau doit
de M. Nordmann , par exemple (d); pouvoir y arriver directement de
mais leur existence a été constatée par l'extérieur et s'y mêler au fluide
M. Van Beneden (e) . Cet observateur nourricier. Mais les choses ne parais-
fa) Gervais, Recherches sur les Polypes d'eau douce (Ami. des scienccsnat., 1837, t. VII, p. 77).
(b) Gruithuisen, Einleitung in das Studium der Arxneykunde, 1 824, p. -1 54 (Isis, i 828, t. XXI,
p. 506).
— Von Heyden, Beobachtungen ûber deii Kreislauf in den Fangarmen der Pluraatella cristata
[Isis, 1828, t. XXI, p. 505).
— Nordmann, Mikrographische Beilrâge %ur Naturgesch. der Wirbellosen Thiere, 1832, Bd.II,
p. 75. — Recherches microscopiques sur l'anatomie et le développement de la Plumatella cam-
panulata ( Voyage dans la Russie méridionale, par M. A. de Demidoff, 1840, t. III, p. 721).
(c) Farre, Obs. on the Minute Structure of someofthe Higher Formes ofPolypi (Philos. Trans.,
1837, p. 387, dans le Valkeria cuscuta, Flem., p. 403).
— Nordmann , Voyage de Demidoff, t. III, p. 699, et p. 723.
— Van Beneden, Recherches sur l'anatomie, la physiologie et le développement des Bryozoaires
qui habitent la côte d'Ostende, p. 10 (extrait des Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. XVIII, dans le
genre Laguncula et dans le genre Pedieellina, p. 74. Mém., t. XIX). -
(d) Nordmann, Op. cit. (Voyage, t. III, p. 722).
(e) Van Beneden, Quelques observations sur les Polypes d'eau douce (Bulletin de V Académie des
sciences de Bruxelles, 1839, t. VI, p. 276, et Ann. des se. nat., 2e série, t. XIV, p. 222).
— Dumortier et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes composés d'eau douce (extrait de»
Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1850, t. XVI, p. 84).
(f) Allman, A Monograph of the Fresh Water Polyzoa (Ray Society, 1856).
(g) Siebold, Nouveau, Manuel d'anatomic comparée, 1. 1, p. 43.
80 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
nous occuper, la division du travail physiologique fait un pas
de plus : les canaux d'irrigation ne sont pas chargés à la fois
de conduire le fluide nourricier et de le mettre en mouvement ;
leur rôle est borné à la première de ces fonctions, et un agent
moteur spécial détermine le courant circulatoire. Nous verrons
ailleurs que la Nature constitue parfois l'organe moteur en em-
pruntant aux canaux conducteurs un tronçon de tube qu'elle
élargit et qu'elle rend contractile ; mais, chez les Tuniciers, ce
n'est point par adaptation ou par voie d'emprunt que cet instru-
ment est obtenu ; c'est une création spéciale, une partie de l'or-
ganisme qui n'avait pas de représentant chez les Molluscoïdes
inférieurs. Un tissu nouveau, que l'on appelle musculaire,
concourt alors à la formation de l'appareil circulatoire, et y
constitue une espèce de pompe foulante qui remplace avec
avantage les batteurs représentés par les cils vibra tiles.
En effet, on trouve chez les Tuniciers un réservoir spécial à
parois contractiles qui communique avec les canaux d'irriga-
tion ; qui, en se remplissant, reçoit une portion du sang contenu
dans une partie de ce système, et qui, en se vidant, lance ce
liquide dans une direction opposée; ou, en d'autres mots, un
cœur proprement dit.
Les premières conséquences de ce perfectionnement sont
faciles à prévoir, L'action des cils vibratiles, qui sont les prin-
sent point se passer de la sorte, et les facilement dans l'estomac, mais dont
orifices destinés à livrer passage aux aucune parcelle n'arrivait dans la
œufs , dont nous aurons à parler plus cavité périgastrique (a). Le même
tard, ne semblent pas permettre l'en- résultat a été obtenu par M. Van
trée des fluides ambiants dans Tinté- Beneden (6). M. Allman a répété
rieur du système cavi taire. En effet, ces expériences , et il pense que les
Dumortier a fait vivre des Alcyonelles orifices dont MM. Mayen (c) et Van
dans de l'eau chargée de diverses Beneden font mention étaient acci-
matières colorantes qui pénétraient dentels (d).
(a) Dumortier, Op. cit. (Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, t. II, p. 438).
(6) Dumortier et Van Beneden, Hist. nat. des Polypes composés d'eau douce, p, 107.
(c) Mayen, Naturgeschichte der Polypen (Isis, 1828, p. 1225),
(d) Allman, Op. cit., p. 23.
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 81
cipaux agents moteurs de l'appareil d'irrigation chez les Coral-
liaires, les Acalèphes et les Bryozoaires, ne peut être que très
faible, et les courants excités de la sorte sont vagues et irrégu-
liers. Le cœur, à raison de la grandeur de sa capacité et de la
rapidité de ses mouvements de systole et de diastole, lance le
liquide avec bien plus de force et imprime aux courants qu'il
produit des directions constantes. Mais ces améliorations ne
sont pas les seuls changements que la création d'un cœur
entraîne à sa suite, et pour bien saisir la série de modifications
qui vont se dérouler sous nos yeux dans la structure du système
circulatoire, il est nécessaire de tenir compte de l'influence
exercée par tout le liquide en mouvement sur les parties voi-
sines de l'organisme, et dans cette étude la pathologie viendra
à notre aide.
§ 8. — Les chirurgiens ont remarqué depuis long- vues
temps que clans les cas où , chez l'Homme , un liquide suriHormaiion
irritant, du pus ou de l'urine, par exemple, se fraye acci- vaisseaux.
dentellement une route entre les organes pour se porter au
dehors, la voie qu'il parcourt consiste d'abord en une série
de lacunes irrégulières préexistantes dans le tissu conjonctif
interorganique ; mais que, sous l'influence du liquide en mou-
vement, ce tissu ne tarde pas à se condenser tout à l'en tour, à
endiguer pour ainsi dire le courant et à se transformer en une
membrane adventive tout à fait distincte des parties voisines.
Dans les fistules anciennes le trajet parcouru par le liquide
irritant se trouve ainsi régularisé et transformé en un canal à
parois propres, ou tube excréteur accidentel.
Les phénomènes pathologiques sont des phénomènes du
même ordre que les phénomènes physiologiques normaux, et
par conséquent nous devons nous attendre à voir apparaître
quelque chose d\analogue aux conduits tabulaires de ces fis-
tules chez les Animaux où le fluide nourricier répandu dans
l'ensemble de lacunes ou espaces que les divers organes
m. 6
82 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
laissent entre eux, se trouve mis en mouvement par un organe
d'impulsion puissant et à effet constant. Nous devons nous
attendre, dis-je, à voir les courants s'endiguer; les lacunes
que ces courants traversent, se régulariser et se transformer
en canaux à parois propres ; en un mot, le système irrigatoire
se constituer en un vaste ensemble de vaisseaux sanguins ayant
une existence indépendante des parties voisines et pourvus
de tuniques particulières. Ce ne seront plus des réservoirs
dont la forme est déterminée par les organes d'alentour ; ce
seront des tubes qui s'isoleront de plus en plus. Mais si les
choses se passent de la sorte, la transformation du système
lacunaire en un système vasculaire ne doit pas s'effectuer par-
tout avec la même facilité , et nous devons trouver entre ces
deux formes extrêmes une multitude d'états intermédiaires
dans lesquels le cercle circulatoire sera constitué en partie
par des lacunes, en partie par des vaisseaux à parois indépen-
dantes ; nous pourrons prévoir aussi quelles sont les portions
de la route suivie par le sang qui doit subir d'abord cette
transformation, et quelles sont les parties où le caractère pri-
mitif et imparfait de l'appareil irrigatoire se conserveront le
plus longtemps.
Or les faits fournis par l'anatomie comparée sont en parfait
accord avec ces vues théoriques. La Nature ne s'est pas
astreinte à ne produire des vaisseaux sanguins qu'à l'aide de
procédés de ce genre, et je montrerai plus tard que souvent
elle en crée de toutes pièces ; mais dans les organismes nais-
sants, et dans la plupart des Animaux inférieurs, tout se présente
à nous comme si le système irrigatoire était formé par l'en-
semble des cavités ou lacunes interorganiques dont une portion
de plus en plus considérable subirait des modifications ana-
logues à celles dont je viens de parler, et se transformerait en
vaisseaux par le fait du développement d'une tunique membra-
neuse particulière dans les points de contact des courants avec
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 83
les tissus d'alentour, tunique qui ne serait d'abord représentée
que par une lamelle de tissu hyalin revêtue d'une simple couche
d'épithélium plus ou moins rudimentaire , mais qui se perfec-
tionnerait peu à peu et finirait par constituer un tube indépen-
dant des parties circonvoisines.
§ 9. — J'ignore si c'est réellement par un mécanisme de conséquences
ce genre que les vaisseaux sanguins se constituent chez la plu- cette théorie.
part de ces Animaux, et c'est seulement en traitant de leur
embryologie que nous pourrons discuter cette question ; mais
quoi qu'il en soit à cet égard, l'état final du système irrigatoire
se présente tel qu'il devrait être si l'hypothèse que je viens
d'exposer était l'expression de la vérité, et cette hypothèse nous
permet non-seulement de coordonner les faits et les relier entre
eux, mais de prévoir ce que l'observation va nous révéler. Elle
présente donc tous les caractères qu'on est en droit de deman-
der à une théorie scientifique, et en la prenant ici pour guide,
nous faciliterons singulièrement l'étude des modifications nom-
breuses dont l'appareil circulatoire des Mollusques, des Insectes
et des Crustacés va nous fournir des exemples.
D'après cette théorie de la formation des vaisseaux sanguins
aux dépens des lacunes interorganiques, il faut admettre que la
facilité plus ou moins grande avec laquelle cette métamorphose
pourra s'effectuer sera subordonnée à trois conditions variables
suivant les espèces et suivant les parties de l'organisme : 1° la
rapidité et la régularité du courant sanguin dans un point donné ;
2° le degré de la puissance excitante du liquide en mouve-
ment; 3° le degré d'excitabilité des tissus que le courant
traverse.
Toutes choses étant égales d'ailleurs, ce sera donc dans le
voisinage du cœur et autour des courants formés par le liquide
nourricier lancé de cet organe vers les dernières parties du
corps, que les vaisseaux devront commencer à se substituer
aux lacunes. Le système artériel devra donc précéder le système
$ll CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
veineux dans la série des perfectionnements successifs introduits
dans l'appareil irrigatoire des Animaux. Les parois des artères
devront aussi arriver partout à un plus haut degré de dévelop-
pement que les parois des canaux par lesquels le sang revient
lentement au cœur.
Si l'intensité du courant était la même dans tout le cercle
circulatoire, et si les tissus parcourus par ce courant étaient
partout également aptes à donner naissance à des membranes
nouvelles, ce serait dans le segment de ce cercle occupé par le
sang fraîchement chargé d'oxygène, que le développement des
parois vasculaires devrait s'effectuer de préférence ; car nous
savons que le sang qui a respiré jouit d'une puissance vivifiante
bien plus grande que le sang veineux, à l'aide duquel la nutrition
des organes s'est déjà effectuée. Ce seraient donc les canaux
sanguins de l'appareil respiratoire et ceux par lesquels le sang
artérialisé sort de cet appareil, qui revêtiraient les caractères de
vaisseaux tubulaires , avant que les portions du cercle circula-
toire, occupées par le sang veineux, eussent éprouvé des modi-
fications du même ordre.
Ainsi, imaginons pour un instant un système irrigatoire
constitué à l'aide des espaces ou lacunes interorganiques, et
dans lequel le courant sanguin, tout en suivant la même route,
changerait périodiquement de direction, et, en partant du cœur,
irait tantôt dans un sens, tantôt en sens inverse, mais où la
respiration serait localisée , les vaisseaux devraient se constituer
d'abord dans l'appareil respiratoire tant cutané qu'interne, et
pourraient exister sans qu'il y eût ni artères ni veines. Mais si
le courant se dirigeait toujours dans le même sens et allait
des branchies au cœur, par exemple , ce serait les artères et
les canaux branchio - cardiaques qui acquerraient des parois
propres avant les canaux veineux. Enfin, lorsque cette dernière
portion du cercle circulatoire se canaliserait à son tour et affec-
terait la forme de vaisseaux, ce serait la grande lacune périgas-
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 85
trique ou cavité viscérale qui persisterait le plus longtemps sous
sa forme primitive de réservoir du fluide nourricier.
Or ce sont précisément là les divers degrés par lesquels nous
allons voir passer l'appareil de la circulation à mesure que nous
nous élèverons des Bryozoaires vers les Mollusques les plus
parfaits, ou bien encore des Insectes aux Animaux articulés,
qui, sous ce rapport, sont les mieux organisés.
§ 10. ■ — En effet, la première forme de l'appareil irriga- circulation
. / alternante
toire, moitié lacunaire, moitié vasculaire, que nous avons chez
. , ., . ' i- / i i •««- 11 les Timicicrs.
imagine il y a un instant, se trouve réalisée chez les Mollus-
coïdes de la classe des Tuniciers. Là, en effet, il y a un cœur;
mais le courant circulatoire que cet organe détermine se ren-
verse périodiquement à des intervalles très courts, et le sang,
qui change alternativement de direction, est contenu dans des
vaisseaux tabulaires près de la surface du corps, ainsi que dans
l'appareil branchial; mais dans le reste de l'économie il circule
dans la cavité abdominale et dans les lacunes interorganiques.
Ce curieux phénomène du changement périodique dans la
direction du courant circulatoire a été observé d'abord chez les
Biphores ou Salpa , par un voyageur hollandais, Van Hasselt,
et se voit chez tous les Tuniciers (1) ; mais c'est chez quel-
(1) C'est en 1821, étant dans les après, Eschscholtz, sans avoir eu com-
mers de l'Inde, que Van Hasselt fit munication des observations de ce
connaître ces singuliers changements naturaliste, constata le même fait (6).
dans la direction du courant circula- MM. Quoy et Gaimard l'observent
toire chez les Salpa ; il en donna une aussi chez quelques Animaux de la
bonne description, mais ne comprit même famille pendant leur deuxième
pas bien le mode de constitution du voyage de circumnavigation (c);Meyen
système irrigatoire [a). Peu d'années également {<!). M. Lister a aperçu un
(a) Extrait d'une leltrede Van Hasselt, datée do Builenzorg, Java, le 12 août 1821, et publiée
dans Y Algemeene Konst-en-l.etterbode (Bulletin des sciences naturelles de Férussac, 1824, t. IT,
p. 212, et Ann. des sciences nat., t. III, p. 78).
(b) Eschscholtz , Bericht iiber die zoologische Ausbeute wâhrend der Reise von Kronstadt bis
S. Peter und S. Paul (Isis, 1825, t. XVI, p. 738).
(c) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, part, zool., 1834, t. III, pi 561.
(d) Meyen, Beilràge zur Zoologie gesammelt auf einer Reise van die Erde. Erste Abth. iiber dis
Salpen (Nova Acta Naturœ curiosorum, 1832, p. XVI, p. 37G),
86 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
CircheziGn ques Asci(lies dont ]a portion abdominale du corps prend un
les Ascidies, plus grand développement, les Clavelines de nos côtes, par
exemple, qu'il est le plus facile à étudier. Je choisirai donc une
de ces Ascidies à long pédoncule pour en faire ici la démons-
tration.
§ 11. — Le cœur des Clavelines (1) est situé à la partie
phénomène du même ordre chez une
Ascidie composée dont on a formé
plus récemment le genre Pérophore [a).
Enfin je l'ai constaté chez les Ascidies
simples aussi bien que chez les Cla-
velines, les Botrylles, etc., et chez les
Pyrosomes (6).
Plus récemment , la circulation al-
ternante a été observée chez le Salpa
par MM. Krohn (c) , Van Beneden ,
Huxley (d). J'en ai été souvent témoin.
Enfin , M. Vogt en a fait une étude
très approfondie (e).
(1) L'existence d'un cœur chez les
Ascidies simples a été constatée par
Cuvier(/"), et Savigny a entrevu cet
organe chez quelques Ascidies com-
posées (g) ; mais ces anatomistes émi-
nents, n'ayant étudié la structure de
ces Animaux que sur des individus
conservés dans l'alcool , n'ont pu en
connaître l'appareil circulatoire que
d'une manière très imparfaite, et gui-
dés par les idées régnantes à cette
époque, ils ont cru apercevoir des
artères et des veines qui n'existent pas.
Carus (h) a pris le sillon du sac bran-
chial pour une aorte , et M. Délie
Chiaje, qui avait peut-être mieux ob-
servé que ses devanciers la disposition
du réseau vasculaire du sac branchial,
est tombé dans des erreurs non moins
graves touchant les vaisseaux qu'il
suppose partir du cœur. Je crois même
devoir dire que la figure qu'il donne
du système circulatoire d'une Ascidie
simple de nos mers (le Cijnthia mi-
crocosmus, Sav.) est tout à fait fan-
tastique (i). Des injections faites au
mercure lui avaient fait croire aussi à
l'existence de valvules qui perme t-
taient le passage du sang dans une
direction seulement, disposition qui
ne saurait exister chez des Animaux
(a) Lister, .Some Observ. on the Structure and Functions of Tnbular and Cellular Polypi and
ofAscidiœ (Philos. Trans., 1834, p. 381).
(b) Milne Edwards, Observ. sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, 1841, p. 6 et
suivantes (extrait des Mém. del'Acad. des sciences, t. XVIII , et Ami. des sciences nat., 1840,
2" série, t. XIII, p. 76).
— ■ Sur la circulation du sang chez les Pyrosomes (Ann. des sciences nat., 1839, 28 série,
t. XII, p. 375).
(c) Krohn, Observ. sur la génération des Biphores {Ann. des sciences nat., 1846, 3e série,
t. VI, p. 128).
(d) Huxley, Observ. on the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma (Philos. Trans., 1851,
p. 572).
(e) Vog-t, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 2' mémoire, p. 32.
(f) Cuvier, Mém. sur les Ascidies et leur anatomie (Mém. du Muséum, 1815, t. 11, p. 10, et
Mém. pour servir à l'histoire des Mollusques, in-4, 1817).
(g) Savigny, Mém. sur les Animaux sans vertèbres, 1816, 2« partie.
(h) Carus, Beitrâge zur Anatomie und Physiologie der Seescheiden (Ascidiœ) (Mcckel's Deulsches
Archiv fur die Physiologie, 1816, Bd. II, p. 578).
(i) Délie Chiaje, Mem. sulla storia e notomia degli Animali senza vertèbre ciel regno di Napoli,
1828?, t, III, p. 193, pi. 46, fig-. 13.
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 87
inférieure de la masse viscérale, et se trouve renfermé, de même
que l'estomac, l'intestin et les organes générateurs, dans l'es-
pèce de sac formé par la tunique interne ou péritonéale (1).
C'est un tube musculaire, élastique, recourbé en forme d'anse
et ouvert près de chacune de ses extrémités. Ses fibres, dispo-
sées comme autant d'anneaux, se contractent successivement
et produisent ainsi une série de rétrécissements ou étranglements
qui commencent à une des extrémités de l'organe, et s'avancent
rapidement vers l'extrémité opposée, de manière à rappeler les
contractions vermiculaires d'un Lombric, ou mieux encore les
mouvements péri stal tiques de l'intestin grêle d'un Mammifère.
Chacune de ces constrictions ambulatoires pousse devant elle
le liquide dont la cavité du cœur est remplie, et l'expulse au
dehors par l'extrémité à laquelle ces mouvements vont aboutir;
pms la portion du tube située en arrière reprend sa forme pre-
mière et se remplit de nouveau par son extrémité opposée.
Pendant un certain temps les contractions se succèdent dans le
même sens, d'arrière en avant, par exemple, et chaque étran-
glement pousse une nouvelle ondée de sang dans la portion du
cercle irrigatoire où la première est déjà arrivée, de façon à
produire un courant assez rapide dans toutes les parties de l'or-
ganisme. Mais, après quelque temps, ce mouvement péristal-
où le courant circulatoire se renverse firme les résultats auxquels j'étais
périodiquement, ainsi que cela se voit arrivé.
chez tous les Tuniciers. C'est en étu- (1) Voyez les figures anatomiques
diant ces Mollnscoïdes à l'état vivant, de la Claveline lépadiforme que j'ai
que j'ai pu découvrir la véritable na- données dans mon Mémoire sur les
ture de leur appareil circulaloire (a), Ascidies composées des côtes de la
et les observations faites plus ré- Manche (pi. 2, fig. 1), et dans l'Atlas
cemment sur le même sujet par des Mollusques de la grande édition
M. Van Beneden (6) et quelques au- du Bègne animal de Cuvier (pi. 127,
1res zoologistes ont pleinement con- fig. 2«).
(a) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées des cotes de la Manche, in-4, 1841
(Mém. de l'Acad. des sciences, t. XVIII).
(b) Van Beneden, Recherches sur l'embryologie, l'anatomie et la physiologie des Ascidies simples
(Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1847, t. XX, p. 22).
88 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
tique s'alanguit,puis s'arrête complètement, et la circulation se
trouve interrompue; bientôt cependant il se ranime de nou-
veau, mais en sens inverse, c'est-à-dire en commençant à l'ex-
trémité du cœur, où il allait se terminer, et en se propageant vers
l'extrémité opposée. Le sang est alors poussé d'avant en arrière,
et la circulation se rétablit inversement à ce qui se voyait
l'instant d'avant : le courant qui partait du cœur, et que l'on
aurait appelé un courant artériel, est remplacé par un courant
afférent ou veineux, et la portion du cercle irrigatoire qui
envoyait le fluide nourricier au cœur représente maintenant le
système efférent ou artériel. Puis les contractions vermicu-
laires qui se dirigent ainsi d'avant en arrière s'arrêtent, pour
être suivies d'une nouvelle série de contractions s'effectuant
d'arrière en avant, et à chacun 'de ces changements de direc-
tion correspond un changement semblable dans toutes les
parties du flux circulatoire, de façon que périodiquement le
sens du courant se renverse.
Ce cœur tubulaire est suspendu, comme je l'ai déjà dit, au
fond de la cavité abdominale, et ses deux extrémités correspon-
dent aux deux côtés opposés de cette cavité qui est occupée
par le sang, ainsi que par les viscères. Il en résulte que les
contractions péristaltiques du cœur, lorsqu'elles se dirigent
d'arrière en avant, déterminent, dans l'espace compris entre
la masse viscérale et la paroi ventrale du corps, un courant
ascendant et font naître par voie d'appel, du côté dorsal de la
même cavité, un courant descendant. Or la cavité viscérale qui
est le siège de ces courants se continue supérieurement avec
deux larges canaux situés sur les deux faces opposées du sac
pharyngien ou respiratoire dont la structure nous est déjà
connue, et ces sinus communiquent entre eux par les canaux
transversaux et les autres vaisseaux dont les parois de cet
appareil branchial sont garnies (1). Il en résulte donc que le
(1) Voyez tome U, p. 19.
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 89
courant circulatoire , en partant de l'extrémité antérieure du
cœur, remonte par la partie antérieure de la cavité abdominale
dans le sinus branchial antérieur, traverse l'appareil respira-
toire d'avant en arrière, puis redescend dans la cavité abdomi-
nale dont il longe la face dorsale, et rentre dans le cœur par
l'extrémité opposée à celle dont nous l'avions vu sortir. Mais,
ainsi que je l'ai déjà dit, cette circulation s'arrête bientôt et ne
tarde pas à s'établir en sens inverse, c'est-à-dire que le courant
monte le long de la partie dorsale de la grande lacune périgas-
trique, traverse l'appareil branchial d'arrière en avant , et des-
cend par le sinus antérieur et la portion correspondante de la
cavité viscérale jusqu'au cœur (1).
§ 12. — La circulation régulière du fluide nourricier dans
l'intérieur de la grande chambre viscérale, et sans le concours
d'aucun vaisseau ni artériel, ni veineux, est facile à constater
chez les Ascidiens dont je viens de parler, car il existe un espace
considérable entre la masse viscérale et les parois de la cavité
où le sang se trouve répandu, et, à raison de la transparence
parfaite des téguments, on peut voir au microscope les mouve-
ments du liquide et suivre de l'œil les globules dans tout le
trajet que je viens d'indiquer (2).
§ 13. — Chez beaucoup d'Ascidies composées, telles que les
(1) Si les observations de Meitens ce rapport, ils ne diffèrent pas des
sur la circulation chez les Appendi- Ascidiens ordinaires,
culaires qu'il a décrits sous le nom (2) Il y a aussi une autre circon-
(VEikopleura sont exactes, le renver- stance qui facilite singulièrement la
sèment périodique du courant sanguin constatation du fait important de la cir-
n'existerait pas chez tous les Tuni- culation lacunaire dans toute la région
ciers (a); mais il paraît que les mou- abdominale du corps chez ces Mollus-
vemenls du liquide nourricier sont coïdes : c'est que le sac péritonéal
difficiles à bien voir chez ces Ani- qui limite la cavité abdominale donne
maux (6), et il est probable que, sous souvent naissance à des prolonge-
(a) Mertens, Beschreibung der Eikopleura (ilém. de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 6« sériei
Sciences math.phys. nat., 1831, t. I, p. 213).
(b) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 2e mémoire, p. 79.
90
CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
Amourouques et les autres Polycliniens, la disposition de l'appa-
reil irrigatoire est la même que chez les Clavelines ; mais, dans
quelques genres Voisins, l'abdomen se raccourcit et se confond
davantage avec la portion thoracique du corps où se trouve
l'appareil respiratoire, et il en résulte quelques légères diffé-
ments comparables à des doigts de
gant , et ces appendices, en se dé-
veloppant, constituent des tubes mem-
braneux qui occupent Taxe des fila-
ments radiciformes ou stolons par
lesquels ces Animaux adhèrent à
leur base de sustentation et se multi-
plient par bourgeonnement. Or, le
sang passe librement de la cavité ab-
dominale dans chacun de ces caecums
et y circule comme dans le reste du
corps, en changeant de direction cha-
que fois que les contractions péri-
staltiques se renversent (a). Le phé-
nomène de la circulation extra-vas-
culaire est là d'une telle évidence, que
si les physiologistes de cabinet, qui se
refusent encore à admettre mes vues
à ce sujet, voulaient étudier avec un
peu d'attention les Clavelines dont on
trouve un grand nombre sur les côtes
de la Bretagne ainsi que sur le litto-
ral de la Méditerranée, ils cesseraient,
je présume, de discuter sur ce point.
La connaissance de ce mode de cir-
culation lacunaire permet de com-
prendre facilement un phénomène fort
curieux que M. Lister avait observé
chez les Pérophores quelque temps
avant la publication des faits dont je
viens de parler, mais qu'il avait ex-
pliqués d'une manière erronée : c'est
le passage du sang d'un individu à un
autre de la même colonie par l'inter-
médiaire des stolons radiciformes sur
lesquels ces Ascidiens sociaux pren-
nent naissance. M. Lister avait con-
staté l'existence de deux courants en
sens contraires dans l'intérieur de ces
prolongements, et il avait supposé que
des vaisseaux partant du cœur se por-
taient d'un individu à un autre pour
servira cette circulation commune (6).
Mais une étude attentive de l'organi-
sation de ces Ascidiens m'a convaincu
que ces canaux sont simplement les
caecums péritonéaux qui se prolon-
gent dans les stolons, et qui, au lieu
de s'oblitérer par les progrès du dé-
veloppement des jeunes individus nais-
sant à leur extrémité, restent perméa-
bles, et établissent ainsi une commu-
nication permanente entre les cavités
viscérales de tous les individus pro-
venant d'une même souche , à peu
près comme cela se voit chez les Ser-
tulariens et chez les Coralliaires du
genre Paralcyonium (c). Or la cavité
viscérale étant elle-même un réser-
voir du fluide nourricier, et ce fluide
circulant dans toutes les parties inoc-
cupées de cette chambre, on com-
prend facilement que celui-ci doit
pénétrer non-seulement dans les pro-
longements tubuliformes qui naissent
de la poche péritonéale, comme cela se
(a) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, p. 10,
45, etc.
(b) Lister, Op. cit. {Philos. Trans., 1834, p. 380, pi. xi, fig. 2 et 3).
(c) Voyez ci-dessus, page 73.
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 91
renées clans la position du cœur et dans la direction des espaces
interorganiques qui servent de canaux pour le passage du sang
entre ce réservoir contractile et les vaisseaux de l'appareil
respiratoire (1).
Je dis vaisseaux de l'appareil respiratoire. En effet, là les
voit chez les Clavelines , mais doit
passer dans les dilatations terminales
de ces tubes qui constituent la cavité
abdominale d'autres individus.
(1) Le cœur est logé dans un péri-
carde mince et transparent. Chez les
Polycliniens , il est très allongé et se
trouve au-dessous de l'intestin et de
l'ovaire, à l'extrémité inférieure de
l'abdomen. Chez les Didémiens, il est
logé, avec l'ovaire, dans l'anse formée
par l'intestin, et chez les Botrylliens
il est remonté auprès de l'estomac,
contre le fond du sac branchial.
Chez les Ascidies simples, il occupe
aussi une position analogue et se com-
pose d'un long tube fusiforme, légère-
ment courbé, qui se contracte d'arrière
en avant, assez souvent de suite, quel-
quefois cent quatre-vingts fois (a) ,
puis se repose et recommence bientôt
ses contractions en sens inverse. Lors-
que le mouvement péristaltique se
dirige de la bouche vers l'anus, le
sang m'a paru entrer dans le cœur
principalement par une fente siluée
vers les deux tiers antérieurs du sac
respiratoire et y arriver du sinus
branchial antérieur , ainsi que des
vaisseaux voisins du système tégu-
mentaire, puis remonter à côté de la
masse viscérale et de l'anus dans le
sinus dorsal, pour traverser ensuite
les canaux branchiaux ainsi que le
réseau de l'enveloppe tégumentaire, et
rentrer dans le sinus ventral. Il m'a
semblé aussi que, lorsdu renversement
du mouvement circulatoire, le courant
suivait partout une direction inverse,
comme cela se voit chez les Clavelines ;
mais Mi Van Beneden pense que chez
les espèces d'Ascidies simples dont il
a étudié la circulation, ce renverse-
ment détermine seulement dans les
canaux du sac branchial un mouve-
ment de va-et-vient, et que pendant les
contractions d'avant en arrière le sang
traversait celte portion de l'appareil
irrigaloire d'avant en arrière pour
aller s'accumuler dans les franges
tentaculiformes situées du côté opposé
du sac branchial (6). C'est un point qui
me paraîtrait devoir être examiné de
nouveau.
Dans l'espèce d'Ascidie simple voi-
sine des Boltenies dont M. W. Mac-
leay a formé le genre Cijstingia, il
pai'aît que le cœur présente quatre
orifices (c).
D'après les observations de M. Busch ,
on aurait pu croire que dans le
genre Appendiculaire (dont il a dé-
crit une espèce sous le nom d'Eu-
rycercus pellucidus ) le cœur serait
(a) Milne Edwards, Sur les Ascidies composées, p. 6, pi. 3, fig. 1 ; pi. 7, fig. i.
(b) Van Beneden , Recherches sur l'embryologie , Vanatomie et la physiologie des Ascidies
simples ( Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1847, t. XX, p. 23).
(c) W. Macleay, Anatomical Observations on ihe Natural Group of Tunica ta {Trans. of the
Lïnnean Soc, 1825, vol. XIV, p, 545).
92 CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
canaux ne paraissent pas être de simples lacunes ménagées entre
les parties voisines, mais des tubes réguliers constitués par une
tunique membraneuse. Nous en avons déjà étudié le mode de
distribution, et par conséquent je ne m'arrêterai pas davantage
sur ce sujet ; mais je dois ajouter que chez les Ascidies simples,
où l'organisme semble se perfectionner davantage, les canaux
par lesquels le sang se distribue dans les téguments près de la
surface extérieure du corps paraissent avoir acquis également
des parois membraneuses et constituer des tubes vascu-
laires indépendants (1). Là où nous pouvons supposer l'exis-
tence d'une respiration diffuse accessoire, nous voyons donc
l'organisation de l'appareil d'irrigation se modifier comme dans
l'appareil branchial , tandis que dans les parties profondes où
les tissus doivent être moins vivement excités par l'influence
vivifiante de l'oxygène absorbé, les cavités parcourues par le
sang, conservent le caractère de simples lacunes comme chez
les Molluscoïdes les plus dégradés,
circulation § 14. — La disposition de l'appareil circulatoire est à
les pyrosomes peu près la même chez les Pyrosomes (2) ; mais chez les
les Bières. Biphores (3) elle diffère davantage de ce que nous venons de
voir chez les Ascidiens , ce qui du reste était facile à prévoir,
d'après ce que nous savons déjà du mode d'organisation de l'ap-
traversé par l'œsophage à peu près (2) Voyez Huxley, On the Anat. of
comme il l'est par le rectum chez Salpa and Pyrosoma (Phil. Trans.,
les Acéphales (a) ; mais M. Vogt a 1851, p. 582, pi. 17, fig. 1).
reconnu que cette disposition n'existe (3) Voyez les figures de l'appareil
pas (6). circulatoire des Biphores que j'ai des-
(1) M. Délie Chiaje a très bien re- sinées à Nice en 18^0, et que j'ai pu-
présenté ces vaisseaux sous-cutanés bliées dans la grande édition du flé-
chez YAscidia mentula ou Phallusia gne animal de Cuvier ( Mollusques ,
mamillata, Sav. (c). pi. 122, fig. 1, 23).
(a) Busch , Deobacht. ilber Anat. uni, Entwick. einiger Wirbellosen Seethiere, p. H 8, pi. 16,
fig. 9.
(b) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée , 2e mémoire, p. 77.
(c) Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Anim. invertebr., pi. 84, fig. 2.
CHEZ LES M0LLUSC01DES.
93
pareil respiratoire de ces Animaux (1). Effectivement, le cœur
est situé, comme d'ordinaire, au-dessous de la masse viscérale,
et son extrémité antérieure communique directement avec un
grand sinus longitudinal qui occupe la ligne médiane inférieure
du corps, tandis que son extrémité opposée débouche dans le
sac péritonéal ou cavité de l'abdomen (2). Des canaux transver-
saux qui simulent les vaisseaux branchiaux des Ascidies vont
de ce sinus inférieur à un sinus analogue qui est situé du côté
opposé de la grande cavité pharyngienne, et celui-ci commu-
nique à son tour avec les canaux dont la branchie est creu-
sée (3). Enfin ces derniers débouchent postérieurement dans la
(1) Voyez tome II, p. 21.
(2) Cet organe est tabulaire comme
chez les autres Tuniciers , mais se
trouve divisé en trois ou un plus grand
nombre de chambres par des étran-
glements, de façon à ressembler beau-
coup à ces petits instruments de verre
composés de trois boules que Ton em-
ploie dans les analyses organiques
pour faire barboter les gaz dans un
liquide absorbant, et que l'on appelle
laveurs de Liebig. Ce cœur est logé
dans un sac ou repli membraneux que
l'on doit considérer comme un péri-
carde et y est suspendu par une mem-
brane qui en occupe un des côtés.
Meyen a décrit deux de ces rétré-
cissements chez le Salpa micro-
nata (a) ; M. Eschricht en a trouvé
trois chez le Salpa cordiformis (b).
Je dois faire remarquer ici que
j'appelle côté dorsal du corps des Bi-
phores celui où se trouve le ganglion
nerveux central qui est surmonté d'un
organe oculiforme , et qui peut, par
conséquent, être considéré comme
l'analogue du cerveau des Mollusques
proprement dits. Mais divers zoolo-
gistes, se fondant sur d'autres con-
sidérations, appelaient cette partie du
corps la face ventrale : M. Huxley, par
exemple.
(3) M. Huxley pense que la branchie
n'est creusée que par un grand sinus
simple régnant dans toute sa lon-
gueur ( Op. cit. , p. 570 ) ; cela paraît
être chez les jeunes individus. Mais ,
chez l'adulte, j'ai constaté l'existence
d'une disposition plus complexe , et
mes observations ont été confirmées
par celles de M. Vogt. Il existe
dans la bande branchiale , outre le
sinus médian, deux canaux margi-
naux , et toutes ces cavités commu-
niquent entre elles par des branches
verticales (c).
(a) Meyen, Uebei' die Salpen (Nova Acta Acad. Nat. eurios., t. XVI, p. 376).
(6) Eschricht, Anatomisk-Physiologiske Undersôgelser over Salpeme , 1840, p. 26 (Mém. de
l'Acad. de Copenhague, t. VIII).
(c) Voyez mes planches dans le Règne animal de Cuvier , MOLLUSQUES , pi. 122 , fig. 1, et la
description que M. Vogt donne dans son deuxième Mémoire, p. 34.
9/t CIRCULATION DES FLUIDES NOURRICIERS
cavité abdominale, de façon que lorsque les contractions du
cœur s'établissent d'arrière en avant, c'est en passant par ces
dernières voies que le sang expulsé de cet organe y revient (1) ;
et , quand les contractions se dirigent en sens contraire , ce
liquide se répand d'abord dans l'espace compris entre les vis-
cères et les parois membraneuses de la cavité abdominale,
pour aller de là dans la branchie , puis gagne l'extrémité
antérieure du sinus dorsal, descend par les canaux transver-
saux dans le sinus inférieur, et rentre dans le cœur par l'extré-
mité antérieure de cet organe (2). Mais, indépendamment de
ces canaux principaux, il y en a de secondaires, et les uns et
les autres donnent naissance à une multitude de brandies dont
les anastomoses forment un lacis capillaire très riche dans toute
(1) Dans les Biphores observés par
Meyen, le nombre des pulsations qui
se succédaient dans un même sens
était de douze (à).
M. Vogt a vu le changement de di-
rection se faire avec une grande régu-
larité de deux minutes en deux mi-
nutes (6).
(2) La présence du sang dans la
cavité abdominale des Biphores est
surtout facile à constater chez les
espèces où le corps est garni posté-
rieurement de grands prolongements
spiniformes, et où la poche péritonéale
forme dans la base de ces prolonge-
ments des culs-de-sac ; car les viscères
ne pénètrent pas dans ces portions
appendiculaires de la chambre viscé-
rale, et le sang circule seul dans leur
intérieur, où il forme deux grands
courants.
Les canaux transversaux qui unis-
sent les deux sinus longitudinaux
entre eux correspondent pour la plu-
part aux bandes musculaires dont la
chambre pharyngienne est entourée,
et leur direction varie un peu suivant
que ces bandes sont parallèles et peu
distantes, ou bien que celles des deux
ou trois paires antérieures se réunis-
sent supérieurement vers le sommet
de la branchie. M. Huxley pense que
ces canaux sont tous des lacunes pro-
duites par la non-adhérence des deux
tuniques entre elles sur certains points
et leur soudure sur d'autres (c). Mais
M. Vogt combat cette opinion, et a re-
connu que c'est dans l'épaisseur même
de la tunique interne qu'ils sont creu-
sés (d). Du reste, ces deux zoologistes,
ainsi que M. Leuekart (e), s'accordent
à considérer ces canaux comme étant
(a) Meyen, Op. cit. (Nova Acta Nat. cur., t. XVI, p. 377).
(b) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 2° mémoire, p. 32.
(c) Huxley, Observ. on Vie Anat. and Physiol. of Salpa, etc. (Philos. Trans.. 1851, p. 570).
(d) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 2e mémoire, p. 32.
(e) R. Leuekart, Zoologische Untersuchungen, 1854, Bd. II.
CHEZ LES MOLLUSCOÏDES. 95
l'étendue de la surface du corps (1). Quant à la nature de ces
canaux, ils paraissent être des cavités creusées dans le tissu de
la tunique du corps, et ne pas avoir de tuniques propres bien
distinctes des tissus voisins. Du reste, quoi qu'il en soit de
ce dernier point , nous voyons donc que chez les Biphores,
de même que chez les autres Tuniciens, l'appareil circulatoire
se compose en totalité ou en partie de simples lacunes , et que
toujours la grande lacune périgastrique, ou cavité abdominale,
forme ici, comme chez les Bryozoaires, le principal réservoir
du fluide nourricier.
dépourvus d'une tunique propre, et leurs parois sont revêtues d'une mera-
comme étant, par conséquent, des la- brane indépendante des parties voi-
cunes simples, mais non des vaisseaux sines.
proprement dits. Cela me paraît évi- (1) M. Leuckart a trouvé que chez
dent pour plusieurs ; mais quelques- les Biphores très jeunes ce réseau est
uns sont si réguliers et si nettement beaucoup plus simple (a).
définis, que je suis porté à croire que
(a) Rud. Leuckart, Zoologische Untersuehungen, 2 Heft, p. 43.
VINGT-DEUXIEME LEÇON.
De la circulation du sang chez les Mollusques.
Cone'nSeis°ns § ^ — ^ans la dernière leçon, nous avons vu que le sys-
tème irrigatoire, confondu avec l'appareil digestif chez la plu-
part des Zoophytes, en devient distinct chez les Malacozoaires
inférieurs , et présente chez les Tuniciers quelques perfection-
nements ultérieurs.
En effet, chez les Bryozoaires , qui constituent la première
classe de la division des Molluscoïdes , nous avons vu les
mêmes organes servir à contenir le fluide nourricier et à le
mettre en mouvement , tandis que chez les Tuniciers l'impul-
sion circulatoire est donnée par un organe spécial ; mais la
direction du courant ainsi déterminée n'est pas constante , et
chaque portion du système de cavités que le sang traverse rem-
plit tour à tour les fonctions d'une artère et celles d'une veine.
Mais dans le sous-embranchement des Mollusques propre-
ment dits dont l'étude va maintenant nous occuper, on trouve
d'ordinaire un degré de plus dans la division du travail irriga-
toire ; ce ne sont plus les mêmes canaux qui servent tour à
tour à la distribution du fluide nourricier mis en mouvement par
le cœur, et au retour de ce fluide des diverses parties du corps
à l'organe central d'impulsion ; il y a partage des rôles : le
cercle circulatoire se divise en deux moitiés distinctes, l'une
artérielle, l'autre veineuse, et ce résultat important est obtenu
par l'introduction de quelques replis membraneux disposés en
manière de soupapes autour des orifices du cœur. Mais ce n'est
pas tout. Ces valvules, en ne permettant au sang de se mouvoir
que dans une direction donnée, paraissent augmenter l'influence
CIRCULATION DU SANG CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 97
excitante des courants afférents sur les tissus que ces courants
traversent, car on voit en même temps ceux-ci s'endiguer, et
les canaux qu'ils parcourent se revêtir de parois membraneuses
dont l'existence est parfaitement indépendante de celle des
organes circonvoisins.
Ainsi se trouve réalisé un nouveau perfectionnement que la
théorie nous avait conduit à prédire : le système circulatoire
se compose en grande partie de tubes ou vaisseaux propres qui
servent à la distribution du fluide nourricier, tandis que le
retour de ce liquide ne s'effectue encore en totalité ou en partie
que par l'intermédiaire de voies empruntées aux parties voisines,
c'est-à-dire à l'aide des espaces ou lacunes interorganiques
revêtues seulement d'une légère couche membraniforme dont
la formation semble être partout une conséquence du contact
du fluide nourricier avec les tissus vivants.
Chez les Mollusques proprement dits , il existe , en effet ,
des artères qui reçoivent le sang mis en mouvement par le
cœur; mais, ainsi que nous le verrons bientôt, ces tubes ne
se constituent parfois que dans le voisinage de cet organe
d'impulsion, et, dans certaines parties éloignées de l'économie,
ce sont encore des lacunes irrégulières qui en tiennent lieu. Cet
état imparfait de la portion artérielle du cercle circulatoire est,
en effet, facile à constater chez quelques grosses espèces de Gas-
téropodes de nos côtes, lesHaliotides, par exemple, et donne, ce
me semble, un nouveau degré d'intérêt aux vues théoriques
qui nous guident en ce moment.
Nous rencontrerons aussi chez les Mollusques une multitude
de nuances analogues dans l'état de la portion veineuse du
cercle circulatoire : tantôt elle ne se composera que de lacunes
interorganiques, et, d'autres fois, une portion plus ou moins con-
sidérable de ce système de cavités se sera canalisée d'une manière
régulière et revêtue même d'une tunique membraneuse bien
distincte des parties circonvoisines, de façon à constituer des
in, 7
98 CIRCULATION DU SANG
tubes ou vaisseaux sanguins -, mais je ne connais pas encore
d'exemple d'une transformation complète de ces trajets veineux
en veines proprement dites, et toujours dans ce grand embran-
chement le système veineux est constitué en partie par les
lacunes ou espaces interorganiques.
Pour bien saisir l'enchaînement des faits anatomiques que
nous allons passer en revue, il est nécessaire de tenir également
compte d'une autre tendance de la Nature dans le perfectionne-
ment des organismes, savoir, la centralisation des forces ou la
substitution d'un instrument unique et puissant à deux ou plu-
sieurs instruments similaires et faibles.
Ces principes posés, faisons-en l'application à l'étude de l'ap-
pareil circulatoire dans chacune des grandes divisions ou classes
du sous-embranchement des Mollusques , et occupons-nous
d'abord du type le moins parfait, celui des Acéphales (1).
§ 2. — Cette classe, comme nous l'avons déjà vu en faisant
les Acéphales l'histoire des organes de la respiration , se compose de deux
abrancnes. ° r 1 l
groupes principaux, les Brachiopodes et les Lamellibranches.
Mais il faut y rapporter aussi un petit groupe de Mollusques
qui ne peut prendre place ni dans l'une ni dans l'autre de ces
divisions naturelles, et qui mérite cependant de fixer un instant
notre attention : c'est le genre Dentale. On y trouve un état de
(1) Willis, médecin anglais du xvne lusques de la classe des Acéphales,
siècle, a fait connaître d'une manière Son ouvrage (6) est accompagné de
passablement exacte la disposition du magnifiques planches ; seulement il
cœur et des gros troncs artériels chez est à regretter que les figures ana-
l'Huître(a); mais c'est à Poli, habile tomiques qu'il donne aient été des-
anatomiste napolitain de la fin du sinées d'après des modèles en cire,
siècle dernier, que la science est re- au lieu d'être faites d'après nature,
devable de presque tout ce que nous La plupart de ces pièces anatomi-
savons touchant le mode de confor- ques se trouvent dans les collections
mation de cette portion de l'appareil du Muséum d'histoire naturelle à
circulatoire chez la plupart des Mol- Paris.
(a) Willis, De anima Brutorum. în-4, 1672, p. 39, pi. 2, fig. 1.
(b) Poli , Teslacea utrlusque SicUiœ eorumque historia et anatome, tabulis œneis illustrata,
1791-5, 2 -vol. in-folio ; suivi d'un fascicule posthume formant le commencement du tome III, publié
par M. Délie Chiaje avec la date de 1826, et resté inachevé.
Circulation
chez
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 99
dégradation de l'appareil circulatoire dont je ne connais pas
d'autre exemple chez les Mollusques proprement dits , et c'est
par voie d'emprunt seulement que la Nature paraît y avoir
pourvu aux instruments mécaniques destinés à donner l'impul-
sion au courant circulatoire. En effet, les recherches récentes
de M. Lacaze, professeur à la faculté des sciences de Lille,
nous ont appris que les Dentales n'ont pas de cœur propre-
ment dit ; mais , dans la région anale , vers le point où cet
organe contractile se trouve chez les autres Acéphales, on voit
un réservoir ou sinus sanguin qui est traversé par le rectum, et
cette portion terminale du tube digestif est animée de mouve-
ments pulsatiles qui doivent avoir pour conséquence de dilater
ou de rétrécir l'espace circonvoisin occupé par le sang. Par
conséquent , ce sinus anal , quoique privé de mouvements
propres, doit être apte à remplir les fonctions d'un cœur et à
pousser le fluide nourricier dans le vaste système de cavités où
la circulation doit s'effectuer (1).
(1) Les Dentalks , comme nous sinus abdominal qui occupe la ligne
l'avons déjà vu , sont des Mollusques médiane, et qui me semble pouvoir
Acéphales abranches qui respirent être comparé à une immense oreillette
principalement au moyen du manteau impaire dans laquelle une multitude de
cutané dans lequel corps est engaîné, canaux latéraux viendraient aboutir,
en partie à l'aide de l'eau introduite Antérieurement le sinus anal com-
dans le rectum (a) ; et c'est autour de munique avec un grand sinus pe-
la poche formée par cet instrument dieux ; et sur les côtés , il est en con-
accessoire de respiration que se trouve tinuité avec deux gros vaisseaux qui
le sinus sanguin tenant lieu du cœur se rendent au manteau et s'y réunis-
des Acéphales lamellibranches ordi- sent sur la ligne médiane pour consti-
uaires (6). La portion dilatée et puisa- tuer un tronc impair, lequel s'étend
tile de l'intestin ainsi disposée avait jusqu'à l'extrémité postérieure du
été prise pour un véritable cœur par corps, et a reçu le nom de vaisseau
quelques conchyliologistes (c). En ar- palléal inférieur.
rière , ce sinus anal ( ou péri-anal, Un autre vaisseau médian , relié au
Lacaze) communique avec un grand précédent par un réseau intermé-
(a) Voyez tome II, p. 92.
(6) Lacaze-Duthiers, Histoire de l'organisation et du développement du Dentale, vr partie (Ann.
des sciences nat., 1857, 4* série, t. VII, p. 8, pi. 2, fig. 1, 2 et i).
(c) Clark, On the Animal of Dentalium Tarentinum (Ann. of Nat. Hist., 1849, 2e série,
vol. IV, p. 323 et suiv.)
100 CIRCULATION DU SANG
L'appareil irrigatoire des Dentales offre une autre particu-
larité dont nous trouverons quelques exemples chez les Mol-
lusques plus élevés en organisation , mais dont l'existence est.
également un indice d'imperfection physiologique. Le système
de cavités dont se compose l'appareil irrigatoire n'est pas com-
plètement fermé, et communique en dehors à l'aide de certains
orifices à lèvres contractiles. 11 en résulte que l'eau ambiante
peut y pénétrer directement, et se mêler au sang quand, pour
le service de la locomotion , l'Animal a besoin de gonfler la
portion abdominale ou pédieuse de son corps, et qu'une partie
diaire , occupe la face dorsale de la
portion antérieure du manteau, et va
déboucher dans un sinus sus-pha-
ryngien qui se trouve entre les tenta-
cules et qui renferme dans son inté-
rieur les ganglions cérébroïdes. Ce
réseuvoir, de petite dimension, com-
munique à son tour avec le sinus anal
par deux canaux latéraux (a).
Enfin il existe aussi un grand sinus
sanguin qui entoure la niasse linguale,
et qui communique en arrière avec
une série de lacunes comprises entre
les lobules du foie, et, par leur inter-
médiaire, avec le sinus abdominal.
Tous ces vaisseaux et sinus sont en
connexion avec des cavités intermé-
diaires plus étroites qui forment par
leur réunion un réseau, mais qui sont
de simples lacunes inlerorganiques
plutôt que des vaisseaux proprement
dits , ainsi que l'a fort bien établi
M. Lacaze.
Dans l'état actuel de la science, il
serait difficile de se former une idée
nette du trajet suivi par le sang dans
cet appareil irrigatoire, car la direc-
tion des courants n'a pas été consta-
tée. M. Lacaze a vu chez l'embryon
des contractions brusques se déclarer
dans la portion postérieure du sinus
pédieux, ainsi que dans le sinus abdo-
minal et le sinus anal , mais il n'a
aperçu aucun vestige de valvules; de
sorte que le mouvement des liquides
est probablement oscillatoire.
C'est sur la face inférieure du sinus
anal que M. Lacaze a trouvé de chaque
côté un petit orifice en forme de bou-
tonnière, qui est pourvu de muscles
dilatateurs et qui établit une commu-
nication directe enlre ce réservoir
sanguin et l'extérieur (b). Cet anato-
miste m'a rendu témoin des expé-
riences dans lesquelles, en introdui-
sant quelques gouttes d'un liquide
coloré par une de ces ouvertures , il
fait passer l'injection dans les sinus
sanguins.
Je dois ajouter que l'organe signalé
plus anciennement par M. Deshayes
comme étant le cœur du Dentale pa-
raît être une dilatation pharyngienne
du tube digestif [c).
(a) Lacaze, Histoire du Dentale (loc. cit., pi. 3, fig. 1 et 2 ; pi. i, fîg. 1 et 2).
(b) Laca/e, loc. cit., pi 2, fig. \, 2 et 3.
(c) Deshayes, Anat, et Monogr. du genre Dentale (Mém. de la Soc. d'hist. nat. de Paris, 4825,
t. H, p. 333).
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 101
du fluide nourricier ainsi étendue peut s'écouler à l'extérieur
quand l'Animal est obligé de diminuer considérablement de
volume. Cette disposition rappelle ce que nous avons déjà vu
chez un grand nombre de Zoophytes , et montre que chez les
Dentales la valeur physiologique du sang doit être beaucoup
moindre que chez les Mollusques ordinaires; mais, lorsque nous
étudierons le mécanisme des mouvements dans cette grande
division zoologique , nous verrons que les forces mises en jeu
pour l'accomplissement de ces actes sont très souvent emprun-
tées à l'appareil circulatoire.
§ 3. — Je ne m'arrêterai que peu sur l'histoire des Brachio- ordre
des
podes , parce que nous ne connaissons encore que d'une BracMopodes
manière très imparfaite la structure de leur appareil circula-
toire. En effet, c'est principalement sur des individus conservés
dans l'alcool que l'anatomie de ces petits Mollusques a été
faite, et dans ces circonstances il est très difficile d'arriver
à des résultats certains, relatifs au mode de distribution des
canaux que l'on rencontre ou à la détermination des fonctions
des réservoirs en communication avec ces conduits. Aussi les
zoologistes sont-ils fort divisés d'opinion sur ce sujet, et je ne
saurais résoudre la question en litige, n'ayant jamais eu l'occasion
de disséquer un de ces Animaux. Je me bornerai donc à dire
que chez ces Mollusques, ainsi que Cuvier l'a découvert chez
les Lingules (1), et que M. Owen l'a constaté ensuite chez les
Orbicules (2) et chez les Térébratules (3), il existe de chaque
(1) Cuvier, Mémoire sur l'anatomie (3) Owen, Lettre sur l'appareil
de la Lingule (Mémoire sur les Mol- de la circulation chez les Mollusques
lusques, et Ann. du Mus., t. I, 180'J). de la classe des Brachiopodes (Ann.
('2) Owen, On the Anatomy of Bra- des se. nat., 3e sér., 18i5, t. III,
chiupoda and more especially of the p. 315).
Gênera Terebratula and Orbicula — On the Ànatomy of Terebratula,
(Trans. of the ZooL Soc.of London, in Davidson's Brilish fossil irachio-
1835, vol. i, p. 1/|5, pi. 2_ et 23 ; — poda {Palœontological Society of
Ann. des sciences naturelles, 2e sér., London, 1853, p. lli).
1S35, t. III, p. 52,.
102 CIRCULATION DU SANG
côté du corps une poche d'apparence charnue qui a été consi-
dérée par ces anatomistes comme étant un cœur. On y distingue
une portion principale nommée ventricule , et une portion
accessoire ou vestibulaire qu'on appelle Y oreillette. On admet
assez généralement aussi que le sang veineux, répandu dans
un vaste système de cavités de forme irrégulière, dont la por-
tion principale entoure les viscères, pénètre dans ces oreillettes,
puis dans les ventricules qui, par leur extrémité antérieure,
donneraient naissance à une artère dont les branches se distri-
bueraient d'une part dans l'épaisseur du manteau, d'autre part
dans les muscles et les viscères, d'où ce fluide reviendrait par
des canaux veineux vers les oreillettes. Mais je dois ajouter que
les observations les plus récentes tendent à faire donner une
autre interprétation à ces dispositions organiques. Suivant
M. Hancock, dont j'ai eu souvent à citer avec éloge les tra-
vaux sur l'anatomie des Mollusques , les organes considérés
jusqu'ici comme des cœurs n'appartiendraient pas à l'appareil
circulatoire, et le principal organe moteur du sang serait une
vésicule appendue au tube digestif et assez semblable au cœur
des Tuniciers. Mais cela me paraît peu probable (1).
(1) M. Owen , dont j'examinerai palléal; ceux-ci se réunissent, à leur tour
plus tard les opinions touchant la pour constituer une cavité veineuse
nature des cavités veineuses chez les dorsale , qui communique aussi avec
Brachiopodes, décrit de la manière une autre série de sinus veineux, les-
suivante l'appareil circulatoire des quels occupent la chambre abdominale
Térébratules : et ressemblent à la cavité péritonéale
Chaque ventricule fournit deux ar- des autres animaux. Enfin le sinus
tères, dont l'une, la plus petite, se commun ainsi formé communique
distribue aux viscères et aux muscles, avec les oreillettes, qui présentent l'ap-
et l'autre répand ses branches sur la parence de deux entonnoirs à parois
moitié voisine des deux lobes du man- plissées et débouchent dans les ventri-
teau, où ces vaisseaux vont se termi- cules correspondants par leur som-
ner dans un sinus veineux marginal met. Les parois de toutes ces cavités
dont les branches centripètes, en se paraissent être revêtues d'une tunique
réunissant, concourent à former de membraneuse d'une délicatesse ex-
chaque côté du corps un grand sinus trême , qui remplirait à la fois les
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 103
§ k. — Du reste , la duplicité des organes moteurs et des ordre
des Acéphales
vaisseaux distributeurs du sang , qui , suivant Cuvier et lamellibranches.
M. Owen , serait générale dans l'ordre des Brachiopodes , se
rencontre indubitablement chez certains Acéphales lamelli-
branches ; mais, dans cette grande division zoologique, elle ne
se présente que d'une manière exceptionnelle , et la tendance
évidente de la Nature dans la constitution de ce dernier type
de Mollusques , est de centraliser , de fondre ces parties
similaires sur la ligne médiane, de façon à remplacer par un
instrument unique ces instruments pairs qui, chez les Bra-
chiopodes, semblent se répéter à droite et à gauche du corps
de l'animal.
Le Lamellibranche qui présente ce mode d'organisation se
fonctions d'un péritoine et d'une poche la disposition des sinus qui , chez les
veineuse (a). M. Owen a vu aussi que Térébratules , conduirait le sang aux
ce sinus abdominal se continue, entre oreillettes ; il pense que ces cavités ne
les lobes du foie et les masses glandu- reçoivent que le sang artérialisé dans
laires de l'appareil reproducteur, et il les lobes du manteau, mais il n'expli-
ajoute que les œufs, ainsi que les cel- que pas comment , dans cette hypo-
Iules spermatiques, se développent le thèse, la circulation s'accomplirait dans
long des canaux veineux formés par le reste de l'organisme (d).
des prolongements du sinus viscéral; Tel était l'état de nos connaissances
de sorte que les produits du travail à ce sujet, lorsque M. Huxley entreprit
reproducteur sont baignés par le sang de nouvelles recherches sur la structure
dans l'intérieur de ces dépendances des Brachiopodes, et émit des doutes
des réservoirs péritonéaux ou grands sur la nature des organes qui sont géné-
sinus veineux, comme la première ralement considérés comme étant les
portion de l'appareil reproducteur l'est cœurs de ces Mollusques. Il a cru voir
dans cette cavité elle-même (6). Chez que ces poches s'ouvrent au dehors
les Lingules, la disposition des cavités par un petit orifice et ne sont pas en
veineuses est à peu près la même (c). continuité avec des vaisseaux arté-
Je dois ajouter que M. Gratiolet riels, comme le pense M. Owen. Enfin
n'est pas d'accord avec M. Owen sur M. Huxley, dans un des genres de la
(a) Owen, On the Anatomy of Terebratula (Davidson's British fossil Brachiopoda, p. 15). -
(6) Owen, Lettre sur la circulation chez les Mollusques Brachiopodes (Ann. des sciences nat.,
1845, 3- série, t. III, p. 316).
(c) Vogt, Anat. der Lingula anatina (Neue Denkschr. der Allgem. Schiveizer Gesellsch., 1843,
t. VII).
(d) Gratiolet, Recherches sur l'anatomie de la Térébratule australe, pour servir à l'histoire
des Brachiopodes (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1853, t. XXVII, p. 47).
104
CIRCULATION DU SANG
conformation trouve très communément dans la Méditerranée, et les zoolo-
du cœur. . ,
gistes le désignent sous le nom & Arche de Noé. Poli nous en
fait connaître la structure, et il nous apprend que deux cœurs
latéraux, composés l'un et l'autre d'une oreillette et d'un ven-
tricule, donnent chacun naissance à une artère principale qu'il
appelle une aorte, mais que ces deux troncs , avant de distri-
famille des Térébratules , nommé
lihynchonella , a trouvé deux paires
de ces mêmes parties latérales en
communication avec les cavités péri-
gastriques (a).
Au moment de mettre cette feuille
sous presse , je reçois l'analyse d'un
Mémoire de M. Hancock (b) sur le
même sujet, et , si les observations
de cet anatomisle sont exactes , on
sera conduit à modifier beaucoup
les idées que l'on avait touchant la
structure de l'appareil circulatoire
de ces Animaux. En effet , d'après
M. Hancock , le véritable cœur des
Brachiopodes serait une vésicule py-
riforme et musculaire attachée à la
face dorsale de l'estomac et en com-
munication avec deux ordres de ca-
naux ; quatre de ceux-ci, faisant fonc-
tions d'artères , conduiraient le sang
aux organes de la reproduction , au
manteau et au tube alimentaire, et le
cours du fluide y serait accéléré par
l'action d'un certain nombre de vési-
cules pulsatiles en connexion avec leur
tronc. Une partie de ce sang passerait
ensuite dans un système de lacunes
superficielles logées dans les lobes du
manteau ainsi que dans les parois de
la chambre viscérale, puis reviendrait
par deux canaux particuliers dans un
autre système de lacunes interviscé-
rales, qui la transmettrait au cœur par
l'intermédiaire des lacunes dont l'œso-
phage est entouré. Une autre portion
du sang arriverait également des ca-
naux artériels par des lacunes situées
dans l'intérieur des bras, et reviendrait
aussi au cœur par les grands sinus
péri -œsophagiens. Quant aux réser-
voirs qui entourent la masse viscé-
rale, et qui sont en communication
avec les sinus rameux du manteau,
ainsi qu'avec les organes considérés
généralement comme étant les cœurs
latéraux , M. Hancock pense que ce
sont des cavités aquifères comparables
aux poches membraneuses en com-
munication avec la chambre respira-
toire des Céphalopodes et servant pro-
bablement à l'excrétion des produits
urinaires. Le travail de M. Hancock
n'a pas encore été publié d'une ma-
nière complète , et , dans l'état actuel
de la question, il me semblerait témé-
raire de se prononcer sur les questions
qu'il soulève. Mais, quoi qu'il en soit,
le caractère général de l'appareil cir-
culatoire des Brachiopodes paraît être
toujours à peu près le même que chez
les autres Mollusques, et s'accorder
très bien avec les vues développées
dans le texte de ces Leçons.
(a) Huxley, Contributions to the Anatomy of the Brachiopoda (Proceedings of the Roy. Soc. of
Loridon, 1854, t. VII, p. 106).
(b) Hancock, On the Organisation of Brachiopoda (Procced. of the Roy. Soc, 1857, t. VIII,
d. 467).
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 105
buer leurs branches aux organes où ils doivent porter le fluide
nourricier, se réunissent entre elles, sur la ligne médiane
du dos, pour constituer un système de vaisseaux médians et
impairs (1).
Chez tous les autres Mollusques du même ordre, la centrali- Rapports
, , . . . -in ^u cœur
sation est portée plus loin et atteint les ventricules du cœur avec ie rectum.
aussi bien que les artères. On leur trouve, en effet, un ventri-
cule unique donnant naissance à un système de vaisseaux arté-
riels impairs. Mais, ici encore, ce ventricule médian semble
résulter du rapprochement et de la fusion de deux cavités laté-
rales qui auraient rencontré sur leur route une portion de
l'intestin ; car, chez presque tous les Lamellibranches, la cavité
du cœur est traversée d'avant en arrière par le rectum, dispo-
sition dont on se rendrait difficilement compte, si l'on suppo-
sait que cet organe d'impulsion était, dès le premier moment de
sa création dans l'embryon, une poche simple et impaire (2).
(1) Poli, Testacea ulriusque Sici-
ٜ, 1795, t. II, p. 132, pi. 25,
fig. 2.
(2) Pour faire bien saisir ce résul-
tat, il esl bon de se rappeler non-
seulemenl les deux états extrêmes
dont je viens de parler, mais aussi
quelques formes intermédiaires, et no-
tamment la disposition que j'ai fait
connaître chez la Pinne marine.
Il est bien évident que si les déter-
minations de Cuvier, de M. Ovven et
de M. Vogt sont exactes, les deux
cœurs latéraux de l'Arche doivent
correspondre aux deux cœurs qui
occuperaient également les côtés du
corps chez les Bracbiopodes, et que
l'artère principale qui se dirige en
avant, ou aorte antérieure , avec ses
deux racines venant de ces deux
cœurs, quoique simple et impaire dans
la plus grande partie de sa longueur,
représente les deux vaisseaux laté-
raux qui , en partant des organes en
forme de cœur, se dirigent également
en avant chez ces mêmes Brachio-
podes. Sous ce rapport, il y aurait
donc dans ces deux types unité de
plan en ce qui est fondamental, et les
différences dépendraient seulement
d'un commencement de centralisa-
tion des deux moitiés du système
irrigatoire chez l'Arche.
Mais les deux racines de l'aorte qui
se réunissent ainsi sur la ligne mé-
diane du dos de l'Arche passent sur
la face supérieure de l'intestin, et con-
stituent, par conséquent, une sorte
de pont au-dessus de cet organe. Les
deux aortes postérieures qui naissent
de l'extrémité opposée des cœurs de
ce Mollusque se réunissent de la même
manière sur un plan moins élevé, et
elles constituent ainsi, avec les aortes
Position
du cœur.
106 CIRCULATION DU SANG
Dans la grande majorité des cas, le ventricule du cœur ainsi
constitué se trouve au milieu de la région dorsale du corps,
directement sous la charnière qui réunit les deux valves de la
antérieures, une sorte de cadre ou
d'anneau au milieu duquel se trouve
comprise la portion postérieure de
l'intestin.
Maintenant, si l'on imagine un de-
gré de centralisation de plus , ces
quatre racines aortiques se raccourci-
ront, les cœurs viendront se placer de
chaque côté de l'intestin, et les racines
aortiques antérieures passant au-des-
sus de cet organe, tandis que les ra-
cines aortiques postérieures passent
au-dessous, le rectum se trouvera
serré dans un anneau vasculaire. Puis
la centralisation faisant de nouveaux
progrès dans la moitié inférieure de
cet arfneau, les deux racines aortiques
postérieures se trouveront remplacées
par un tronc médian impair, et les
deux ventricules réunis entre eux au-
dessous du rectum, tandis que l'an-
neau vasculaire dont cet intestin est
ceint continuera à être formé supé-
rieurement par les racines aortiques
antérieures.
Enfin, si la centralisation fait encore
un pas de plus, ces racines se confon-
dront avec le ventricule unique dont
elles proviennent, celui-ci les absor-
bera pour ainsi dire, et ne donnera
plus naissance qu'à une aorte anté-
rieure impaire et médiane ; mais ce
vaisseau restera toujours au-dessus
du rectum, et par conséquent l'an-
neau cardiaque, tout en se resserrant,
ne pourra pas s'effacer, et une portion
de l'intestin se trouvera entourée par
le cœur dont la paroi interne ne tar-
dera pas à s'amincir et se souder à sa
surface, de façon à cesser d'en être
distinct, ce qui complétera le mode
d'organisation propre à la plupart des
Lamellibranches.
Or , l'état intermédiaire dont la
théorie nous fait prévoir la possibilité
se trouve réalisé chez la Pinne ma-
rine (a). Le cœur proprement dit se
trouve à la face inférieure du rectum,
et c'est de la partie postérieure du
ventricule médian ainsi placé que naît
l'artère aorte postérieure dont le tronc
d'origine marche pendant quelque
temps sous cet intestin. Mais ce ven-
tricule unique donne naissance en
avant à deux aortes très grosses et très
courtes qui remontent au-dessus du
rectum et s'anastomosent aussitôt
pour former une aorte antérieure im-
paire : par conséquent , le rectum
ne passe pas encore dans la cavité du
ventricule, mais se trouve embrassé
par un cercle vasculaire dont le seg-
ment inférieur est constitué par le
ventricule et le segment supérieur par
les deux racines aortiques.
De là au mode d'organisation en
apparence si singulier de la plupart
des Lamellibranches, il n'y a qu'une
nuance, savoir, l'élargissement des ra-
cines aortiques, et leur envahissement
par le ventricule dont elles provien-
nent.
Cette théorie nous permet aussi de
ramener au type commun une dispo_
(a) Milr.e Edwards, Recherches faites pendant un voyage en Sicile, t. I, pi. 28.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 107
coquille, et il reçoit le sang de deux oreillettes qui en occupent les
côtés ; mais il est quelques espèces où la tendance à la concen-
tration modifie davantage la forme de cet organe, en déterminant
sition anormale du cœur chez quel-
ques Lamellibranches où cet organe
n'est plus traversé par le rectum et se
trouve placé au-dessus de cet organe.
Effectivement, si la centralisation
dont nous venons de parler était
accompagnée de la disparition des
aortes postérieures ou seulement de
l'atrophie de l'une des racines de cette
portion du système artériel, il est évi-
dent que le rectum ne se trouverait
plus embrassé par un anneau vascu-
laire, et que les ventricules, cédant
au mouvement qui les rapproche à la
fois de l'aorte antérieure et de la
ligne médiane, viendraient se joindre
à la face supérieure de l'intestin pour
y constituer un ventricule unique à
cavité libre.
Or, c'est là précisément ce qui s'ob-
serve chez le Taret. Le cœur de ce
Mollusque n'est pas traversé par le
rectum, comme l'est celui de presque
tous les Lamellibranches ; mais aussi il
ne fournit pas d'aorte postérieure [a).
Les Anomies forment également
une exception a la règle dominante
touchant le passage du rectum à tra-
vers le cœur des Lamellibranches, et
ici encore les artères aortiques posté-
rieures manquent (6).
Chez l'Huître (c), le cœur ne se
trouve plus dans la même région du
corps que le rectum, et la centralisa-
tion de ses diverses parties peut s'ef-
fectuer sans qu'aucun obstacle méca-
nique du même genre s'y oppose.
Aussi , chez ce .Mollusque , la cavité
du ventricule est libre comme dans
les deux genres précédents.
Ainsi, toutes ces anomalies appa-
rentes rentrent dans la loi générale.
Le passage du rectum dans l'inté-
rieur du ventricule se voit très bien
dans les figures que Poli a données de
cet organe chez la Pholade xd), la
.Moulette des peintres (e), les Solé-
curtes (/*) , les Vénus (g) , les Pé-
toncles (h), les Pectens (i) et les
Moules (/).
(a) Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. H, pi. 29, fig. 3 et 7.
(6J M. Deshayes, dans son Traité de conchyliologie, t. I, p. 54, a dit que le cœur des Tarets est
traversé par le rectum ; mais il a été, je crois, le premier à rectifier cette erreur dans son Hisl. nat.
des Mollusques de l'Algérie, 1846, t. I, p. 64, pi. 8, fig. 1 et 2.
— Frey et Leuckart, Beitrâge sur Kenntniss Wirbelloser Thiere, 1847, p. 51.
— Quatrefages, Mém. sur le genre Taret (Annales des sciences naturelles, 1849, 3' série, t. II,
p. 47, pi. 2, fig. 1).
(c) Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. H, p. 194.
■ — Garner, On the Anatomy of Lamellibranchiate Mollusca (Trans . of the Zoological Soc. of
London, 1841, vol. II, p. 91).
— Lacaze-Duthiers, Mém. sur l'organisation de l'Anomie (Ann. des sciences nat., 1854, 4* série,
t. II, p. 16, pi. 2, fig. 2).
(d) Poli, Op. cit., t. I, pi. 7, fig. 8, et pi. 8, fig. 7 et 8.
(e) Idem, ïbid., pi. 9, fig. 11 et 12.
(f) Idem, ibid., pi. 13, fig. 7.
(g) Idem, ibid., pi. 20, fig. 10.
(?i) Arcapilosa (Poli, Op. cit., pi. 26, fig. 14).
(i) Poli, Op. cit., pi. 27, fig. 12.
(j) Idem, ibid.,p\. 31, fig. 7.
Tuniques
du cœur.
108 CIRCULATION DU SANG
le rapprochement des deux oreillettes. Ainsi, chez le Pétoncle
poilu, ces deux poches sont latérales et bien distinctes entre elles
à la partie postérieure du ventricule, mais en avant elles se
rencontrent et se confondent sur la ligne médiane (1). Enfin,
chez les Huîtres, la fusion des oreillettes est encore plus com-
plète, et, au lieu d'occuper les côtés du ventricule, elles sont
refoulées au-dessus et en arrière de cet organe, où il est facile
de les reconnaître à raison de leur couleur brune (2) .
La position du cœur peut varier un peu, mais il est toujours
placé au-dessus de la base des branchies, et logé dans une cavité
dont les parois présentent la disposition qui s'observe d'ordi-
naire dans les points de l'économie animale où des parties
(1) Poli, qui a fait connaître cette
disposition chez le Pétoncle auquel il
conserve le nom linnéen iïAreq pi-
losa,° représente l'oreillette commune
s'avançant beaucoup sous l'aorte an-
térieure, et se prolongeant en arrière
du ventricule, sous la forme de deux
grosses cornes [a).
(2) Le cœur de l'Huître se trouve
refoulé vers le milieu du corps, entre
la masse viscérale de l'abdomen et le
grand muscle abducteur des valves (6).
Au premier abord, on pourrait penser
que ce déplacement doit tenir à quel-
que changement important dans le
plan général de l'organisme de ces
Mollusques comparés aux autres La-
mellibranches ; mais cela n'est pas,
et l'anomalie est facile à expliquer.
En effet, les particularités de structure
que présentent les Huîtres comparées
aux Pinnes, ou même aux Madrés,
aux Anodontes , etc. , tiennent en
partie à la disparition du muscle
abducteur antérieur des valves, qui
se trouve déjà fort réduit chez les
Pinnes , et en partie à une courbure
ou reploiement du corps du côté dor-
sal , disposition qui fait chevaucher
le muscle postérieur au - dessus de
la face supérieure de l'abdomen, et
transforme la région cardiaque en
une espèce de fosse au fond de la-
quelle le cœur se trouve entraîné
par la descente des branchies vers le
bord inférieur du corps. L'intestin ,
il est vrai, ne suit pas le cœur clans
ce déplacement ; mais, pour expliquer
la séparation entre ces deux organes,
il suffit de supposer que l'une des
deux racines aortiques qui, chez la
Pinne, s'étendent en manière de pont
au-dessus du rectum, et maintiennent
le ventricule suspendu au-dessous de
ce tube, ait avorté; car alors le cœur
pourra s'éloigner plus ou moins de la
face inférieure de l'intestin, sans que
la loi des connexions soit violée.
(a) Poli, Testaeea utriusqve Siciliœ, t. II, p. 142, pi. 26, fig. 43 et 14.
(b) Idem, ibid., pi. 29, fig. 7 et 8.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 109
mobiles frottent souvent les unes contre les autres, soit par le
jeu normal des organes, soit par l'effet d'un état pathologique.
En effet, les surfaces en contact se revêtent alors d'une mem-
brane mince et lisse qui se continue de l'une à l'autre de façon
à constituer une poche où se trouve emprisonnée une certaine
quantité de liquide. Lorsque ce sont, deux surfaces presque
planes qui frottent l'une contre l'autre, comme dans les arti-
culations des os de nos membres , il en résulte une poche
simple dont une moitié adhère à chacune de ces surfaces;
mais lorsque la friction a lieu entre la surface extérieure d'un
organe arrondi ou cylindrique qui se meut dans une cavité
où il est suspendu , le revêtement membraneux se complique
davantage et constitue une double tunique ou plutôt un sac
dont une moitié, repliée en dedans, encapuchonné l'organe et
y adhère, tandis que l'autre moitié l'entoure à distance et adhère
aux parties circonvoisines. C'est une disposition analogue en
tout à celle dont j'ai déjà eu l'occasion de parler en décrivant
la plèvre dont les poumons sont entourés (1), et que nous allons
rencontrer maintenant autour du cœur, chez tous les Animaux
où cet organe est conformé de la manière ordinaire.
La tunique ainsi constituée porte le nom de péricarde (2) ;
son feuillet interne adhère à la surface externe du cœur, et son
feuillet externe constitue une capsule lâche tout autour de cet
organe. Chez les Acéphales lamellibranches elle est bien déve-
loppée (3), mais sa cavité n'est pas toujours parfaitement close,
et. se continue parfois avec des espèces de cavernes dont un
(1) Voyez tome II, p. Zi09. parois du sac péricardique sont for-
(2) En général, quand on parle du mées.
péricarde, on ne fait allusion qu'an sac (o) Les Anomies font exception à
formé par le repli externe de cette cette règle. Le cœur de ces singuliers
double tunique, sac dans l'intérieur Mollusques, aulieu d'êtrelogé, comme
duquel le cœur semble être suspendu, d'ordinaire, dans une chambre parti-
bien qu'en réalité il soit logé dans une' culière ménagée entre ia base des
duplicalure de la membrane dont les branchies, fait saillie au dehors et se
Structure
Hu cœur.
110 CIRCULATION DU SANG
organe voisin est creusé, et, par l'intermédiaire de celui-ci,
communique même avec le dehors (1).
La structure intérieure du cœur a été étudiée avec soin chez
plusieurs Lamellibranches. Le ventricule est une poche , en
général pyriforme, dont les parois , d'une délicatesse extrême,
renferment dans leur épaisseur un grand nombre de faisceaux
musculaires (2) qui souvent font saillie et s'entrecroisent dans
sa cavité. Il communique avec les ventricules par deux orifices
qui , en général , sont situés latéralement, et ont la forme de
fentes ou de boutonnières dont les bords seraient disposés de
façon à se tendre et à se rapprocher, quand ils sont poussés
de dedans en dehors , et à s'écarter, au contraire, quand ils
voit à nu au fond de la concavité dor-
sale résultant de la courbure du
corps (a). M. Lacaze, qui a fait bien
connaître cette disposition curieuse ,
pense que le péricarde s'est peut-être
soudé au cœur, de façon à se confon-
dre avec cet organe (6) ; mais je suis
porté à croire qu'il manque complète-
ment, et que c'est un prolongement
de la peau seulement qui constitue ici
la tunique externe du cœur.
Je dois ajouter que M. Deshayes
considère le péricarde des Acéphales
comme étant, pour ainsi dire, une dé-
pression sacciforme du manteau. Mais
cette opinion ne repose sur aucun
raisonnement plausible (c).
En général, les oreillettes , aussi
bien que le ventricule, sont logées
dans le péricarde ; mais , chez les
Huîtres, ce sac n'entoure que le ven-
tricule.
(1) Cette communication entre le
péricarde et la cavité de l'appareil
urinaire, ou organe de Bojanus, a été
brièvement indiquée chez l'Anodonte
par Garner (d), mais n'a été bien dé-
montrée que tout récemment par les
recherches de M. Lacaze, qui l'a étu-
diée principalement chez l'Anodonte,
la Lutraire solénoïde, la Pholade, les
Bucardes, les Corbules, etc. Il ne l'a
pas trouvée chez les Pectens, les Spon-
dyles, la Moule et la Pinne (e).
(2) M. Deshayes dit que les parois
du cœur sont garnies de tissu fibreux;
je n'en ai pu apercevoir aucune trace,
et je présume que ce sont les muscles
propres de cet organe que ceconchylio-
logiste appelle des faisceaux fibreux,
expression qui, dans le langage ana-
tomique, a une tout autre significa-
tion (/■).
(a) Poli, Testacea utriusque Siciliœ, t. H, p. 148.
(b) Lacaze-Duthiers, Mém. sur l'Anomie (Ann. des sciences liât., 1854, t. II, p. 16).
(c) Deshayes, Mollusques de l'Algérie, t. I, p. 322, etc.
(d) Garner, On the Anat. of Lamellibr. Conchifera (Trans. of the Zool. Soc, 1841, t, II, p. 92).
(e) Lacaze-Duthiers, Mémoire sur l'organe de Bojanus (Ann. des sciences nat., k° série, 1855,
t. IV, p. 273, pi. 6, fig. 3, etc.).
{/") Deshayes, Mollusques de l'Algérie, t. I, p. 155, etc.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 111
supportent une pression même très légère en sens contraire.
Cette disposition est facile à constater par l'injection d'un liquide
coloré : si l'on pousse l'injection dans l'oreillette, on la voit
pénétrer aussitôt dans le ventricule par la voie que je. viens
d'indiquer; mais si l'on cherche à faire passer le liquide du
ventricule dans l'oreillette, on n'y parvient pas.
Les deux oreillettes, qui d'ordinaire sont parfaitement symé- conformation
triques et longent le ventricule comme une paire d'ailes, ont oreillettes.
des parois encore plus minces, mais sont également pourvues
de fibres musculaires, de façon à pouvoir se contracter et à se
relâcher alternativement, et, lorsqu'on observe ces mouvements
chez des animaux vivants, on voit qu'ils alternent avec ceux
du ventricule. Les oreillettes se resserrent donc quand le ven-
tricule devient flasque et y envoie une ondée de sang ; puis le
ventricule se contracte à son tour et expulse ce liquide, mais
ne saurait le renvoyer dans les oreillettes, à cause des val-
vules dont il vient d'être question, et ne peut que le lancer
dans les artères qui sont également en communication avec sa
cavité.
Ç 5. — Le système artériel naît ordinairement du ventricule système
° J artériel.
par deux troncs impairs qui sont situés sur la ligne médiane du
dos et qui se dirigent l'un en avant, l'autre en arrière. Pour les
désigner, on emprunte en général à l'anatomie humaine le nom
d'aorte; mais quelques naturalistes, peut-être avec raison, pré-
fèrent les appeler seulement artères principales.
Le tronc antérieur, que je nommerais artère céphalique, si
ces Mollusques n'étaient pas dépourvus d'une tête distincte,
est toujours le plus gros, et présente souvent à sa base une
petite dilatation que l'on a comparée au bulbe aortique des Ver-
tébrés inférieurs, mais qui, en général, ne paraît pas être un
organe d'impulsion (1). Ce vaisseau médian se dirige horizon-
(1) Poli a observé chez la Venus rable de l'aorte antérieure, situé à
Chione un renflement plus considé- une assez grande distance du ventri-
112 CIRCULATION DU SANG
talement en avant jusque auprès de la bouche, et, chemin fai-
sant, donne naissance à plusieurs branches dont les plus impor-
tantes sont : 1° une artère abdominale postérieure, qui des-
cend vers la partie postérieure de la masse viscérale ; 2° une
grande artère gastrique, qui distribue ses rameaux à l'esto-
mac, au foie et aux parties voisines ; 2° une artère pédieuse
antérieure, qui, chez les espèces dont le pied est très développé,
les Mactres et les Bucardes, par exemple, est la plus grosse de
toutes ; li° les artères tentaculaires, qui se distribuent aux appen-
dices labiaux et envoient également des rameaux à la partie
antérieure du manteau. Enfin, arrivée au-dessus du muscle
abducteur antérieur de la coquille, cette aorte antérieure fournit
des branches à cet organe, et se divise en deux troncs pour
descendre le long du bord libre du manteau. Le tronc aortique
postérieur longe l'intestin rectum , donne des branches au
muscle abducteur postérieur et aux muscles rétracteurs du pied,
puis se bifurque, pour embrasser la base des siphons et y distri-
buer des branches chez les espèces qui sont pourvues de ces
organes, et, dans tous les cas, pour longer le bord postérieur et
inférieur des deux lobes du manteau et s'y ramifier d'une ma-
nière variable, suivant les espèces (1).
cule, et qu'il appelle un cœur accès- pellerai les artères tergales moyen-
soire (a). La V. florida lui a pré- nés ; elles se distribuent principale-
senté le même mode d'organisa- ment dans la portion supérieure du
tion (b), mais il n'a trouvé rien de manteau qui tapisse la partie renflée
semblable dans d'autres espèces du de la coquille nommée le crochet.
même genre, savoir : les V. verru- Chez les Bucnrdes, ces artères sont
cosa, V. gallina, V. Iceta. très grosses, et chez les Pinnes (c)
(1) J'ajouterai que, chez la Mactre, elles sont remplacées par une série de
l'aorte antérieure fournit d'abord deux quatre vaisseaux de moyenne gran-
petites branches ascendantes qui se deur. Une artère ter gale antérieure
dirigent vers la charnière, et que j'ap- naît du même tronc , au-dessus du
(a) Poli, Testacea utriusque Siciliœ , t. II, p, 89, pi. 20, fig. 40.
(b) Idem, ibid., t. II, p. 98.
(c) Voyez Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 28.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. Ho
§6. — Le sang qui part du cœur se trouve ainsi distribué Terminaison
dans toutes les parties du corps, et, à l'aide d'injections fines, on artères.
peut suivre les vaisseaux artériels jusqu'à ce qu'ils se soient
muscle antérieur, et se distribue de
la même manière dans la portion voi-
sine du manteau.
L'artère abdominale postérieure
qui naît de la face inférieure de l'aorte
antérieure, à peu de distance du cœur,
n'est que peu développée chez la
Mactre et chez la l'inné, où elle ne
m'a paru se distribuer qu'aux parois
de la cavité viscérale ; mais chez la
Bucarde elle, est plus grosse et donne
des branches aux parties voisines de
l'appareil digestif. Enfin, chez la Pho-
lade, elle prend un développement très
considérable, et répand ses branches
dans toute la portion postérieure du
pied, comme on peut le voir dans la
belle figure de l'appareil circulatoire
de ce Mollusque, publiée par M. Blan-
chard. Chez les Bucardes, il y a aussi
une petite artère abdominale acces-
soire qui naît un peu plus en avant et
se distribue de la même manière.
L' artère gastrique est beaucoup
plus grosse que toutes les précé-
dentes. Chez les Bucardes, elle se
divise en trois branches principales
qui se recourbent diversement entre
les circonvolutions du tube intestinal,
pour se répandre dans la masse vis-
cérale. Chez la Mactre, deux de ses
branches seulement sont remarquables
par leur volume, et l'une suit le bord
inférieur de l'estomac jusqu'à l'extré-
mité du cul -de -sac de cet organe,
tandis que l'antre plonge entre les
intestins et les lobes du foie. Chez la
Pholade, la disposition de l'artère
gastrique paraît être à peu près la
même que chez les Bucardes. Chez
la Pinne marine, ce vaisseau est plus
grêle , et l'aorte antérieure fournit
plus en avant plusieurs petites artères
gastriques accessoires qui semblent
tenir lieu de quelques-unes de ses
branches.
Chez la Maclre et la Bucarde, Yar-
tère pédieuse est très grosse et semble
être la continuation du tronc aorlique,
dont elle n'est cependant qu'une bran-
che. Elle descend le long du bord an-
térieur de l'abdomen, puis se recourbe
en avant pour gagner l'extrémité du
pied. Pendant ce trajet, elle donne aux
faisceaux musculaires de cette région
du corps et aux organes génitaux un
grand nombre de branches, dont une,
plus grosse que les autres , peut être
distinguée sous le nom iïartère pé-
dieuse postérieure ; celle - ci se re-
courbe en arrière et se distribue dans
toute la portion inférieure et posté-
rieure du pied. Chez la Pinne, cette
dernière constitue même la continua-
tion du tronc principal , la partie
antérieure du pied étant presque rudi-
mentaire. Cette disposition se voit
aussi chez PAnodonte, où l'artère ab-
dominale antérieure fournit presque
tout le sang qui se distribue à la masse
viscérale ainsi qu'au pied (a).
Les artères tentaculaires naissent
de l'aorte antérieure, vers le même
point que la pédieuse; elles suivent
la face interne de ces appendices et
donnent des branches à chacune des
(a) Voyez Langer, Das Gefàss-System (1er Tekhmmchel (Mém. de l'Acad. de Vienne, 4855,
t. VIII, pi. 1, fig-. 1).
lit. ' 8
Syslèmc
veineux.
H Jx CIRCULATION DU SANG
divisés en ramuscules d'une grande ténuité. Mais les parois
de ces tubes membraneux deviennent d'une texture de plus
en plus lâche , et le réseau capillaire par lequel ils se ter-
minent semble ne plus avoir de parois propres et être limité
seulement par les brides du tissu connectif qui unit entre elles
les diverses lames ou fibres constitutives des organes , et qui
se revêt d'une couche extrêmement mince de tissu épithélique.
Ainsi, -.'ans le manteau, par exemple, on voit les canaux artériels
se résoudre peu à peu en un réseau de lacunes vasculiformes,
et tous les trajets artériels constituer de la sorte un lacis de
canaux sans parois tubulair.es,
En introduisant un liquide coloré dans les espaces étroits qui
existent entre les faisceaux musculaires du pied d'une Mactre ou
d'une Bucarde, ou bien encore dans les petites cavilésirrégulières
rides transversales dont ceux-ci sont
garnis.
Enfin l'aorte antérieure se termine
par plusieurs petites branches dont les
unes pénètrent dans le muscle adduc-
teur antérieur, et les autres se rami-
fient dans les parties voisines du
manteau.
L'artère aorte postérieure naît delà
partie inférieure et postérieure du
ventricule. Chez la Pinne marine, elle
se trouve direciement au-dessous du
rectum; mais, chez la Mactre, elle se
place un peu latéralement par rapport
à ce dernier organe, et d'autres fois,
chez la Pholade, par exemple, elle
remonte au-dessus ; ce qui du reste
arrive toujours à une distance plus ou
moins considérable du cœur. Il est
aussi à noter qu'immédiatement après
sa sortie de la poche péricardique, ce
tronc présente un élargissement pyri-
forme , semblable au bulbe qui se
voit à l'origine de l'aorte antérieure
chez d'autres espèces, telles que la
Pholade (a).
Chez la Pinne, ce vaisseau est grêle
et donne bientôt naissance à l'artère
du muscle adducteur postérieur et à
l'artère anale qui longe la face infé-
rieure de l'intestin jusqu'à l'anus;
puis il se recourbe en haut, et gagne
le bord dorsal du manteau, où il se
bifurque pour donner à chaque lobe
palléal une de ses branches. Enfin,
chacune des artères palléales posté-
rieures ainsi constituées fournit une
branche marginale qui suit le bord
postérieur du manteau, et une branche
inférieure qui descend derrière le
muscle adducteur et se distribue dans
la plus grande partie du manteau.
Chez la Mactre, l'aorte postérieure est
beaucoup plus grosse, et les branches
descendantes des deux artères pal-
léales postérieures contournent la base
(g) Blanchard, Op. cit., pi. 4, fig. 1 et 3.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACLTHALES. 115
qui entourent les viscères, et qui correspondent par conséquent
à l'espace périgaslrique ou chambre abdominale des Mollus-
coïdes, on voit que l'injection pénètre également dans le réseau
capillaire dont il vienl d'être question, soit directement, soit par
l'intermédiaire de canaux rameux et régulièrement tracés. On
voit aussi que ce même liquide, après avoir traversé divers
canaux ou sinus dont je parlerai avec plus de détail dans un
instant, pénètre d'autre part dans un système de vaisseaux dont
les branchies sont pourvues, et que ces vaisseaux, à leur tour,
après s'être divisés en une multitude de branches, continuent
leur route vers les oreillettes du cœur en se réunissant, comme
les racines d'un arbre, et débouchent enfin dans ces réservoirs,
de sorte que le cercle circulatoire se trouve complété (1).
D'après les résultats de cette expérience et d'après un grand
des siphons pour gagner le bord infé-
rieur du manteau ; chemin taisant,
elles donnent naissance à des branches
qui s'avancent jusqu'à l'extrémité de
ces tubes, et qui, chez les l'holades,
offrent un très grand développement.
Enfin, chez la Mactre, ce sont les
branches terminales de l'aorte posté-
rieure qui envoient leurs ramuscules
dans toute la partie inférieure du man-
teau, tandis que chez les Pholades
celte portion du manteau reçoit le
sang par l'intermédiaire des branches
de l'aorte antérieure.
Dans les Tarets, où l'aorte posté-
rieure, manque, les artères palléales
postérieures naissent de l'aor;e anté-
rieure, à peu de distance de l'artère
gastrique, et leurs branches margi-
nales, qui sont extrêmement longues,
se dirigent directement en arrière en
passant au-dessus du cœur (a).
On remarquera peut-être que dans
cette description du mode de distribu-
tion des artères chez les Lamelli-
branches, je ne renvoie pas aux tra-
vaux que M. Desliayes a publiés sur
l'anatomie de ces Mollusques, dans le
grand ouvrage sur l'Algérie publié
aux frais de l'État. La raison en est
que M. Deshayes ne paraît avoir jamais
disséqué une portion quelconque de ce
système vasculaire ; il s'est borné à
représenter des fragments de l'orga-
nisme dans diverses positions, et d'or-
dinaire il ne fait voir ni d'où viennent
les branches artérielles que son peintre
a dessinées, ni où elles vont. Les nom-
breuses figures qu'il a données ne me
semblent donc pouvoir être, sous ce
rapport, d'aucune utilité aux anato-
misles.
(1) Mes premières expériences à ce
sujet portèrent sur la Pinne marine, la
(a) Quatrefages , Mém. sur les Tarets (Ann, des sciences nat., li
fig. 1).
), 3* série, t. XI, pi.
116 CIRCULATION DU SANG
nombre d'auiresfaitsqu'il serait trop long d'exposer ici, je conclus
que chez ces Mollusques la portion veineuse du système irriga-
toire est encore dans un état d'imperfection analogue à celui que
nous avons déjà reconnu chez les Tuniciers et chez les Dentales;
qu'il est constitué essentiellement par les lacunes ou espaces
que les organes ou les éléments constitutifs des organes laissent
entre eux; que ces espaces tendent à se régulariser de plus
en plus sous la forme de canaux arborescents et que ces canaux
tendent à s'endiguer, pour ainsi dire, par suite de la consolida-
tion croissante du tissu connectif qui les entoure et du dévelop-
pement d'une membrane tubulaire qui revêt leurs parois; mais
que cette transformation n'est jamais complète, et que les
vides interorganiques de diverses parties du corps constituent
toujours une portion importante du système de cavités que le sang-
traverse pour retourner des branches terminales des artères
jusqu'aux organes de la respiration, qui, à leur tour, le ren-
voient au cœur. Je sais que tous les physiologistes ne partagent
pas ma manière de voir à cet égard : les uns nient les faits dont
j'arguë, les autres y donnent une interprétation différente ; ce-
pendant j'ai la conviction que je suis dans le vrai (1). La ques-
Mactre et l'Huître (a); celles que j'ai des autres parties du corps, un tissu
faites ensuite avec M. Valenciennes conjonctif qui ne laisse subsister que
avaient pour objet les Bucardes, les des lacunes très étroites, et qui res-
Vënus et les Solens (6J. semble à une substance spongieuse.
(1) L'étude de cette question pré- Ces cavités irrégulières sont occu-
sente chez les Lamellibranches beau- pées par le sang, et servent d'intermé-
coup plus de difficultés que chez la diaire entre les ramuscules terminaux
plupart des autres Mollusques, parce des artères et les canaux plus ou
que la chambre viscérale n'est pas moins vastes qui conduisent ce liquide
libre, et qu'il existe dans le pied, ainsi vers des réservoirs, d'où il passe dans
que dans l'épaisseur du manteau et le cœur, soit directement , soit par
(a) Mi'oe Edwards, Rapport sur des recherches faites en Sicile (Moniteur universel du 47 no-
vembre i 844, et Observ. et expériences sur la circulation chez les Mollusques (Ann. des sciences
nat., 4845, 3" série, t. III, p. 304).
(b) Milne Edwards et Valenciennes,. Nouvelles observations sur la constitution de V appareil cir-
culatoire chez- les Mollusques (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4845, t. XX, p. 750,
et Ann. des sciences nat., 3" série, t. III, p. 307),
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 117
tion me semble assez importante pour devoir être discutée à
fond dansées Leçons; mais, pour pouvoir juger sainement de la
valeur des raisons alléguées de part et d'autre, il est nécessaire
l'intermédiaire de l'appareil rénal et
des appendices branchiaux. La ques-
tion en litige est donc celle-ci : Faut-il
considérer ces cavités comme des
veines proprement dites qui se se-
raient développées d'une manière
énorme et qui auraient perdu en
même temps la forme de tubes pour
emprunter celle des lacunes inter-
organiques, ou bien doit-on les regar-
der comme étant formées essentielle-
ment par ces lacunes dont les parois,
constituées à l'aide des organes ou
portions d'organes circonvoisins , se-
raient restées à nu ou se seraient
revêtues d'une couche mince de tissu
hyalin ou même épithélique ?
M. Robin a adopté la première de
ces interprétations , et il se fonde
principalement sur l'existence d'une
couche mince de tissu homogène qui,
dans les branchies de l'Anodonte, ta-
pisse les capillaires, mais qu'il recon-
naît ne pas être isolable des parties
voisines (a) , et qu'il appelle a une
sorte de vernis » (b).
Les conclusions que M. Keber a
tirées de ses recherches intéressantes
sur la structure de l'appareil circula-
toire de l'Anodonte sont également
en opposition avec ce que je dis ici
touchant la nature lacunaire du sys-
tème veineux des Lamellibranches ;
mais les faits qu'il a observés me
semblent , au contraire, venir à l'ap-
pui de l'opinion que je soutiens. En
effet, chez l'Anodonte, il n'y a pas
de cavité viscérale libre, et les fais-
ceaux musculaires du pied sont unis
à la surface externe du tube alimen-
taire et des glandes adjacentes par un
tissu spongieux de couleur jaunâtre,
qui se continue avec la tunique interne
des vaisseaux tubulaires ; un tissu
analogue se trouve dans l'épaisseur
du manteau et tapisse toutes les ca-
vités occupées par le sang veineux.
M. Keber en conclut que ces cavités
sont des veines ordinaires à parois
propres (c). Mais elles ne me parais-
sent pas avoir ce caractère , et cet
anatomiste reconnaît qu'elles vont
déboucher dans un sinus situé à la
partie supérieure de l'abdomen , et
renferment les principaux centres ner-
veux, de façon que les ganglions et
leurs connectifs baignent dans le sang
veineux. II a trouvé aussi que le ré-
servoir ainsi constitué est en continuité
avec les gaines des principaux nerfs.
Quant au tissu jaunâtre dont tout ce
système de cavités est tapissé, il est
extrêmement mince et adhère intime-
ment aux parties circonvoisines , de
façon qu'il n'affecte que rarement la
forme tubulaire. La plupart des es-
paces occupés par le sang veineux me
paraissent donc être chez l'Anodonte,
comme chez les autres Mollusques,
des lacunes interorganiques , sur les
(a) Robin, Rapport sur le phlébentérisme, p. 120 (Mém. de la Soc. de biologie, 1851, t. III).
(6) Loc.cit., p. 122.
(c) Keber , Beitrage %ur Anatomie und Physiologie der Weichthiere. Kônigsbcrg, 1851, p. 27
et suivantes.
118 CIRCULATION DU SANG
d'avoir sous les yeux l'ensemble des faits, et cet ensemble nous
manque encore : nous ne le posséderons que lorsque nous
aurons étudié le mode de circulation chez les autres Mol-
lusques, ainsi que chez les Insectes et chez les Crustacés, et
par conséquent je renverrai cette discussion à une de nos pro-
chaines leçons.
§ 7. — Du reste, quels que soient les noms que l'on donne
aux réservoirs et aux canaux par lesquels le sang veineux re-
vient des artères vers le cœur, qu'on les appelle des lacunes ou
des sinus, on est assez généralement d'accord pour admettre
que chez tous les Mollusques Acéphales dont l'étude nous
occupe en ce moment, les espaces qui entourent les viscères
reçoivent le sang veineux et le transmettent, soit directement
aux oreillettes, quand il n'y a pas d'appareil spécial pour la res-
piration , comme cela a lieu chez les Brachiopodes, soit par
parois desquelles une couche de tissu
épithélique s'est constituée comme
dans l'intérieur des gros troncs vascu-
laires, plutôt que des vaisseaux propre-
ment dits, qui se seraient développés
de façon à revêtir tous les organes
et à renfermer dans leur intérieur le
système nerveux.
Quoi qu'il en soit , M. Keber a
trouvé aussi que, dans le point où les
principaux canaux veineux débou-
chent dans le sinus situé vers le haut
de l'abdomen , près de la base des
branchies , il y a un petit appareil
musculaire disposé de façon à pouvoir
empêcher le passage du sang et à dé-
terminer la turgescence du pied et des
bords du manteau.
La structure de l'appareil circula-
toire de PAnodonle a été étudiée aussi
dans ces derniers temps par un natu-
raliste autrichien, M. Langer. Cet au-
teur a constaté beaucoup de faits inté-
ressants relatifs à la disposition des
canaux veineux qui se ramifient dans
les glandes de Lîojanus avant de ver-
ser le sang dans les oreillettes du
cœur, et il a trouvé sur les parois des
intestins un certain nombre de veines
proprement dites qui se rendent au
sinus médian; mais il n'a ajouté que
peu de choses aux observations de
M. Keber sur les autres parties du
système veineux. Il considère, il est
vrai, la substance spongieuse, dont
les interstices servent au passage du
sang veineux, soit dans l'épaisseur du
manteau, soit dans le pied, comme
étant un tissu vasculaire particulier
auquel il applique , comme l'avait
déjà fait M. lïohin , le nom de tissu
é'reclile ; mais la description et les
figures qu'il en donne prouvent que,
loin d'être des tubes capillaires ana-
stomosés entre eux, et indépendants
des parties voisines, c'est un assem-
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 119
l'intermédiaire des branchies, lorsque ces organes existent,
comme chez tous les Lamellibranches.
Je ne pourrais, sans entrer dans une multitude de détails
fatigants à suivre, décrire ici la disposition de toutes les cavités
irrégulières qui constituent ainsi le système veineux de ces
Mollusques ; mais il est deux points sur lesquels je crois devoir
insister avant de passer à l'examen des vaisseaux branchiaux : communication
le premier est relatif aux voies par lesquelles une portion du
fluide nourricier retourne au cœur sans traverser les bran-
chies; le second touche à la manière dont le sang se distribue
dans l'appareil rénal en se rendant des principaux réservoirs
veineux vers le système des vaisseaux branchiaux.
Chez les Brachiopodes , où la respiration est cutanée et
s'effectue principalement à la face interne du manteau, la plus
grande partie du sang traverse cet organe, et, en rentrant dans
directe
du système
veineux
avec le cœur.
blage confus de cavités polymorphes,
irrégulières , comparable aux mailles
du tissu conjonctif ou cellulaire des
Animaux supérieurs, et dont les pa-
rois se confondent avec la substance
des organes adjacents. La plupart des
canaux veineux que M. Langer a dé-
crits ne ressemblent guère davantage
à des vaisseaux proprement dits. Ce
sont des sinus plus ou moins dendri-
formes dans lesquels les lacunes d'a-
lentour débouchent directement et
dans lesquels on n'aperçoit pas de pa-
roi tabulaire indépendante du tissu
spongieux sanguilére qui se continue
dans Tépaisseurde tous les organes(a).
Quant à la continuité d'une couche
épilhélique , depuis l'intérieur des
vaisseaux proprement dits jusque sur
la paroi de toutes les petites cavités
veineuses microscopiques dont se
compose ce système intermédiaire ,
je n'en vois aucune preuve suffisante,
et lors même que tous ces méats se
tapisseraient de la sorte, je n'y verrai
pas moins les représentants des es-
paces interorganiques ordinaires, car
nous savons que ces espaces acquiè-
rent un revêtement de ce genre par-
tout où ils doivent servir à contenir
des liquides et à être le siège de frot-
tements : autour du cœur et des pou-
mons , par exemple.
Lés points en discussion ici ont été
discutés récemment avec beaucoup
de soin par M. Lacaze, à l'occasion de
ses recherches sur l'organisation du
Dentale , et cet analomisle partage
complètement mon opinion à ce su-
jet [b).
(a) Langer, Das Gefâss-System der Teichmuschel, II Abth., p. 2, pi. 1, fig. 1 ; pi, 2, fig. 16
(extrait des Mém. de l'Acad. de Vienne, 1850, l. XII).
(b) Voyez Annales des sciences naturelles, 1857, 4e série, t. VII, p. 14 et suiv.
l'20 CIRCULATION DU SANG
les oreillettes, s'y mêle avec le sang veineux qui a circulé dans
les parties intérieures du corps et qui n'a pas reçu le contact
du fluide respirable ; puis une portion de ce mélange retourne
aux organes par les artères, et une autre portion passe de nou-
veau dans le manteau pour se mettre encore une fois en rapport
avec l'oxygène (1).
conduits Chez les Lamellibranches, une grande partie du sang qui a
du'mànieau. circulé dans le manteau revient aussi d'une manière directe
dans les oreillettes par des canaux particuliers (2) ; mais ici le
manteau n'est plus l'organe principal de la respiration , ce sont
les branchies; une portion du fluide nourricier accomplit donc
le cercle circulatoire et rentre dans le cœur sans passer par ces
organes ; tandis que l'autre portion, celle qui se rend aux viscères
et qui reste à l'étal de sang veineux chez les Brachiopodes, suit
une autre route , et, en passant par les branchies pour aller au
cceuF, s'y artérialise d'une manière complète. Par conséquent,
il y a encore ici quelque chose de très analogue au fait physio-
(1) Voyez ci-dessus, page 102. manteau va déboucher dans le vais-
(2) M. Garhera été le premier à an- seau branchio-cardiaque, dans le voi-
noncer qu'une partie du sang veineux sinage du cœur (6). Chez la Mactre, je
rentre dans les oreillettes sans avoir tra- n'ai pas trouvé d'anastomoses de ce
versé les branchies , mais il n'indique genre, mais j'ai vu un tronc veineux
pas quelle est la partie de l'organisme qui vient directement de l'organe de
qui la fournit (a), et ce fait, dont la cou- Bojanus déboucher de la même raa-
naissance était nécessaire pour arriver nière dans les canaux branchio-car -
à des idées justes, touchant le mode diaques, entre les branchies et les
de circulation chez ces Mollusques, a m-eillettes. Dernièrement , M. Langer
été nettement établi par les injections a vu aussi que , chez l'Anodonte, une
que j'ai pratiquées il y a une quinzaine portion considérable du sang qui a
d'années sur la Pinne marine. J'ai fait circulé dans le manteau arrive aux
voir que le tronc formé de chaque côté oreillettes du cœur sans avoir traversé
du corps par les principales veines du l'appareil branchial (c).
(a) Garner, On ihe Anatomy of Lamellibranchiate Mollusca (Trans. of the Zool. Soc. ofLondon,
1841, vol. 11, p. 91).
(6) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 28.
(c) Langer, Das Gefdss-System der Teichmuschel, Il Abtheil., p!. 1, fig. 2, pi. 2 (extrait des
Mm. de l'Acad. de Vienne, 1856, t. XII).
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. ï"21
logique que nous offrent les Brachiopodes ; si ce n'est que ce
résultat est obtenu d'une manière inverse. Le sang qui arrive au
cœur est toujours un mélange de sang qui a traversé l'appareil
respiratoire et de sang qui provient directement des veines ;
mais, dans cet ordre, c'est le sang des viscères qui s'artérialise
" complètement au lieu de rester veineux, et c'est le sang du man-
teau qui, au lieu d'être devenu essentiellement artériel, échappe
à l'action des instruments spéciaux de la respiration (1).
§ 8. — Il est également essentiel de noter que chez les Passage
. du sang dans
Lamellibranches la plus grande partie du sang qui revient des î-organe
, -, - i t ' - i i • i ~ i ^e Bojanus.
viscères et des autres parties de la région abdominale du corps
ne se rend pas directement aux branchies, mais traverse d'abord
un organe sécréteur qui paraît remplir les fonctions d'un appa-
reil urinaire. On doit la connaissance de ce fait important à un
anatomiste de Wilna, Bojanus (2), et l'on donne souvent le nom
(1) Pour se rendre compte de la ma- neux du manteau sont moins bien ca-
nière dont le retour du sang s'effec- ractérisés , et le sang veineux passe
tue, je renverrai à la figure du système directement des cavités du tissu spon-
circulatoire de la Pinne marine que gieux qui occupe toute l'étendue de cet
j'ai dessinée pendant mon voyage en organe tégumentaire dans les oreil-
Sicile (a) : on y voit que, sur la partie lettes du cœur (6).
postérieure de chacun des lobes du (2) Bojanus, dont j'ai déjà eu l'oc-
manteau, les branches de l'artère pal- casion de citer le beau travail sur
léale sont accompagnées d'une veine l'anatomie de la Tortue, pensait que
qui, dans le voisinage du cœur, reçoit l'organe urinaire des Anodontes était
une branche venant de la portion anté- un poumon, et c'est à l'appui de cette
rieure du manteau, et que le tronc singulière opinion qu'il a fait connaître
commun ainsi constitué, après avoir le passage du sang veineux dans cette
côtoyé pendant quelque temps le vais- glande. Son Mémoire sur la circula-
seau branchio- cardiaque correspon- tion chez ces Mollusques fut publié
dant, y débouche tout près de sa ter- d'abord en allemand , mais reproduit
minaison dans l'oreillette. en français avec des commentaires
Chez l'Anodonte, les canaux vei- par Blainville (c).
(a) Milne Edwards, Recherches anatomiques et jihysiologiques faites pendant un voyage en
Sicile, t. 1, pi. 28.
(6) Langer, Op. cit., pi. 2, fig. 8.
(c) Bojanus, Mém. sur les organes respiratoires et circulatoires des Coquillages bivalves en
général, et spécialement sur ceux de l'Anodonte des cygnes (Joum. de phys., de chim. et d'hist.
nat., 1819, p. 108, pi.).
122 CIRCULATION DU SANG
de ce savant à la glande dont je viens de parler ; mais c'est sur-
tout par les recherches récentes d'un des anciens disciples de
cette école , de M. Xacaze , que ce point de l'histoire physio-
logique des Mollusques a été bien fixé.
M. Lacaze a vu que chez la Lutraire le sang veineux venant
de la masse viscérale par les canaux ou les lacunes qui existent
entre les diverses parties renfermées dans l'abdomen , se rend
dans des canaux veineux dont la réunion constitue un gros
vaisseau impair placé entre les deux muscles postérieurs du
pied, et appelé sinus médian inférieur. Cette cavité est sur-
montée par l'organe de Eojanus ; et, quand on l'ouvre, on voit
que ses parois sont criblées d'une multitude de pertuis qui
débouchent dans les parties voisines de cet appareil sécréteur.
Enfin, vers son extrémité postérieure, le sinus médian se con-
tinue sous la forme de quatre branches qui se contpurnent vers
le haut pour aller se ramifier dans d'autres portions de l'organe
de Bôjanus. Là tous ces canaux veineux se résolvent en capil-
laires qui, peu a peu, se réunissent entre eux pour former, vers
la surface de la glande, des canaux efférents dont deux princi-
paux, situés latéralement, communiquent d'autre part avec les
vaisseaux des branchies et peuvent être désignés sous le nom
de sinus branchiaux (1).
La disposition de ce système de canaux est à peu près la
même chez les autres Mollusques Lamellibranches (2) , et elle
(1) Souvent on donne à ces canaux fausses, et je préfère le nom de sinus
le nom d'artères branchiales, m y branchial employé par. M. Lacaze (a),
étendant l'expression empruntée à (2) Chez les Pectens, le résultat phy-
ranalomie humaine et employée pour siologique est le même, mais la dis-
désigner les vaisseaux qui portent le posilion des voies par lesquelles le
sang du cœur aux branchies des Pois- sang arrive des viscères à l'organe de
sons. Mais l'emp'oi de ces termes Bojanus est un peu différenie ; les
ne peut donner ici que des idées lacunes inteilobulaires du l'oie donnent
(a) Lacaze, Mém. sur l'organe de Bojanus [Ann. des sciences nat., 1855, 4° série, t. IV, pi. 6,
fig. 2).
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 123
ressemble d'une manière frappante à celle que nous aurons
bicnlôt à étudier dans la portion de l'appareil circulatoire des
Vertébrés, et que l'on connaît sous le nom de système de la
veine porte.
Mais la totalité du sang veineux de la masse viscérale ne
traverse pas l'organe de Bojnnus. Les lacunes veineuses, situées
près des muscles abducteurs des valves, donnent naissance à des
canaux qui communiquent directement avec les sinus bran-
chiaux (1).
Cet ensemble de canaux veineux ne revêt jamais d'une ma-
nière complète le caractère vasculaire , et dans une portion plus
naissance à deux veines bien consti-
tuées qui gagnent la base de la partie
intérieure du pied, puis plongent dans
la substance du corps de Bojanus et
s'y ramifient. Le sang venant de la
portion postérieure de l'abdomen, où
se trouvent les organes génitaux, est
recueilli aussi par des veines arbores-
centes qui le versent dans la glande de
Bojanus (a).
Chez l'Anodonle, le sinus médian,
dont MM. Keber et Langer ont fait
connaître la disposition (b) , reçoit le
sang de la masse intestinale par des
veines tabulaires et dendriformes très
bien constituées (c). C'est un réceptacle
cylindrique situé sous le péricarde,
entre les deux corps de Bojanus, aux-
quels il envoie des branches. Celles-
ci se ramifient dans les parois de ces
organes à la manière des lacis vascu-
laires que l'on désigne communément
sous le nom de rete mirabile , et les
canaux efférents de ce système vont
déboucher dans les oreillettes du
cœur (d).
(1) Cette communication directe des
cavités veineuses d'une portion du
manteau et des muscles avec les sinus
veineux des branchies est facile à
constater chez la Pinne marine, où je
l'ai signalée en 1845 (e). Plus récem-
ment M. Lacaze a constaté des faits du
même ordre chez la plupart des Mol-
lusques lamellibranches,'/'), et M. Lan-
ger a très bien représenté ces com-
munications entre les sinus branchiaux
et les cavités lacunaires dépendantes
de ce qu'il appelle le réseau érectile
du manteau {g) ; mais, d'après les
recherches de VI. Lacaze , il paraît y
avoir des variations assez grandes
dans la disposition de ces canaux sui-
vant les espèces.
(a) Lacaze, Mém. sur l'organe de Bojanus (Ann. des sci:nces nat., 1855, t. IV, pi. 6, fig. 1).
(b) Vojcz ci-dessus, |'age 1t~.
(c) Langer, Uns Gefâss-System der Trichmusch l, 2" partie, pi. 1, fig. 1.
(d) Langer, loc iil.; pi. I, fig. 2, ni pi. 2, lig. 7.
(ej Milne Edwards, Voyage en Sale, t. I, p. 159.
(f) Lacaze, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1855, t. IV, p. 232 et suiv.),
(g) Langer, Op. cit., pi. 2, fig. 8.
124
CIRCULATION DU SANG
imperfection ou moins étendue de son parcours il est constitué par les
dveiSneutme lacunes ou espaces qui existent entre les muscles du pied , les
circonvolutions des intestins, les lobes du foie, ou qui entourent
ces viscères, de sorte qu'en poussant au hasard un liquide coloré
dans une partie quelconque de la cavité abdominale, on est
presque sûr de voir l'injection pénétrer jusque dans les sinus
qui conduisent vers les branchies. Ce fait a été établi par les
expériences que j'ai publiées il y a une dizaine d'années ou que
j'ai faites peu de temps après, en commun avec M. Valen-
ciennes (1). Le même résultat ressort pleinement aussi des
recherches entreprises plus récemment par M. Quatrefages sur
les Tarets (2), et par M. Lacaze sur un grand nombre des Acé-
phales de nos côtes (3). Quelquefois même la totalité du système
(1) Voyez ci-dessus , page 116.
(2) Voici en quels termes M. Quatre-
fages s'est exprimé à ce sujet : « En
injectant un Tarel par le cœur, on
voit les artères se dessiner nettement, et
sur quelques unes de mes préparations
j'ai injecté des ramuscules qui avaient
certainement 1/50 de millimètre au
plus. Mais si l'on continue de pousser,
quelque faible que soit la pression em-
ployée, on voit bientôt la matière à
injection se répandre dans les inter-
valles (lacunes) qui séparent les or-
ganes. Nulle part on n'aperçoit rien
qui ressemble à des vaisseaux veineux
nettement circonscrits. Je n'oserais
dire d'une manière absolue qu'il
n'existe pas une seule veine propre-
ment dite dans les Tarets, c'est-à-dire
pas un seul vaisseau apportant du
sang veineux des organes vers l'artère
branchiale. Toutefois des expériences
très nombreuses, faites en variant le
mode d'injection autant que possible,
m'autorisent jusqu'à présent à penser
qu'il en est ainsi. En injectant par le
cœur, avec tous les ménagements pos-
sibles, j'ai rempli toutes les lacunes
de la masse viscérale. En injectant
d'arrière en avant par l'artère bran-
chiale, j'ai rempli de même toutes les
lacunes de ces mêmes organes. En in-
jectant dans une des lacunes elles-
mêmes, je remplissais le système
entier et j'arrivais dans l'artère bran-
chiale (a). »
(3) Les passages suivants suffisent
pour faire connaître les résultats ob-
tenus à. ce sujet par M. Lacaze :
« Dans la Lutraire, comme dans
l'Anodonte, la Mulette des peintres et
beaucoup d'autres, on trouve, en in-
jectant et poussant un liquide au
hasard dans la masse splanchnique,
un système de lacunes qui finit par se
résoudre en quelques veines, lesquelles,
par leur réunion, donnent naissance à
quelques gros troncs, dont la fusion
(a) Quatrefages, Mém. sur les Tarets (Ann. des sciences nat., 1849, 3° série, t. XI, p. 54).
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 425
veineux ne semble être formée ainsi que par des lacunes irré-
gulières. Mais, d'autres fois, les principaux canaux efférents,
soit aux branchies, soit aux organes de Bojanus, se canalisent,
et se revêtent même d'une tunique tabulaire, de façon à con-
stituer de véritables vaisseaux. 11 y a donc ici divers degrés de
perfectionnement dans la constitution du système veineux ,
mais les espaces périgastriques et d'autres lacunes interorga-
niques concourent toujours à le former.
Cette portion veineuse de l'appareil circulatoire des Lamelli- Corai«a,i01'
branches paraît offrir aussi parfois, sinon toujours , une autre rextérieiir-
particularité remarquable analogue à celle que j'ai déjà signalée
chez les Dentales, et que l'on assure exister également chez les
Térébratules (1) : savoir, des communications plus ou moins
directes avec l'extérieur par des orilices au moyen desquels ce
liquide peut venir se mêler au sang, ou bien une portion de celui-
ci être évacuée au dehors. En effet, nous avons déjà vu que chez
beaucoup d'autres Mollusques Acéphales l'espèce de caverne ou
de vestibule logé dans chacun des corps de Bojanus communique
non-seulement avec l'extérieur par des orifices situés sur le
trajet du courant branchial efférent , mais aussi avec la cavité
du péricarde (2). Or, M. Langer assure avoir bien constaté
l'existence d'autres orifices qui de cette même cavité péricar-
dique conduiraient dans la partie voisine du système vasculaire,
et il pense que c'est à l'aide de l'eau introduite par cette voie
dans la portion spongieuse ou érectile de l'appareil circulatoire
que le pied de ces Animaux se gonfle quand cet organe est
produit bientôt un dernier vaisseau ramifient à la manière habituelle au
médian, c'est-à-dire le sinus mé- milieu des lobules du foie. » {Loc. cit.,
dian (a), p. 288.)
» En poussant le liquide par les la- (1) Voyez ci-dessus, pages 100 et
cimes périjécorales, il est facile d'in- 10Zi.
jecter les vaisseaux veineux, qui se (2) Voyez ci- dessus, page 110.
(a) Lacaze, Mém. sur l'organe de Bojanus (Ann. des sciences nat., &' série, t. IV, p. 283),
126
CIRCULATION DU SANG
appelé à agir comme instrument de locomotion. Quelques
analomistes avaient attribué ces phénomènes de turgescence à
l'action d'un système particulier de vaisseaux aquifères ; mais
j'ai depuis longtemps constaté que les canaux décrits sous ce
nom ne sont en réalité qu'une portion du système des lacunes
veineuses. Si les observations de M Langer sont exactes (et je
suis disposé à croire qu'il n'a pu se tromper à cet égard), il en
résulterait donc que chez les Mollusques Acéphales l'appareil
irrigatoire ne serait pas fermé et communiquerait directement
avec le milieu ambiant, ainsi que cela a lieu chez la plupart
des Zoophytes , où cet appareil ne se compose que d'instru-
ments d'emprunt (1).
(1) On sait depuis longtemps que la
plupart des Mollusques Acéphales ont
la faculté de gonfler très rapidement
leur pied, et, lorsqu'on comprime cet
organe pendant qu'il est dans cet état
de turgescence, on voit souvent s'é-
chapper de sa surface des gouttelettes
ou même des petits jets de liquide.
M. Délie Chiaje a attribué ce phéno-
mène à l'existence d'un système de
vaisseaux aquifères analogues à ceux
dont il croyait avoir constaté la pré-
sence chez les Mollusques supérieurs;
mais il ne donna aucune description
anatomique de ces canaux (a). Vers la
même époque, M. Baer remarqua sur
le pied des Anodonles et des Mou-
lettes des pores qui paraissaient servir
à l'entrée de l'eau dans les cavités
dont le pied est creusé (6). M. Délie
Chiaje a représenté aussi plus récem-
ment une série de petits pores à l'ex-
trémité de cet organe chez le Solen
siliqua et le Solecurtus strigula-
tus (c). Gainer a observé aussi un
orifice analogue chez les Psammobies
et les Bucardes (d). Enfin M. Siebold
considère comme des vaisseaux aqui-
fères en communication avec ces ori-
fices certains canaux sous - cutanés
qu'il a insufflés chez la Pinna nobi-
lis (e), et une cavité dont Treviranus
avait mentionné l'existence dans le
pied du Solen ensis (/"). Les recher-
ches que je fis sur le système cir-
culatoire des Mollusques, en 1844,
me parurent décisives pour établir
que les canaux dits aquifères de ces
(a) Délie Chiaje, Descrizione di un nuovo apparato di canali acquasi scoperto negli Ànimali
invertebrali [Mem. sulla sloria e nolom. degli Anim. senza verteb., t. II, p. 208).
(6) Baer, Bemerk. ùber die Enlwickel. der Muscheln und ùber ein System von Wassergefiïssen
in diesen Thieren (Froriep's Notizen, 1827, t. XIII, p. 5).
(c) Délie Cliiaje, Descriz. e nolom. degli Anim. inverleb., t. III, p. 60, pi. 90, fig. 1 et 2.
(d) Garner, On ihe Anat. of the Lamellibranchiate Conchifera (Trans. of the Zool. Soc. t. II,
p. 100, pi. 48, fig. 2 et 3).
(e) Sielold et Stannius, Nouveau Manuel d'anat. comp., 1. 1, p. 277.
(/) Treviranus, Die Erscheinungen und Cesetze des Orgcmischen Lebens, 1831, t. I, p. 276.
CHEZ LES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 127
Les sinus veineux des branchies, clans lesquels le sang de la
région abdominale arrive après avoir traversé les glandes de
Bojanus, sont situés parallèlement de chaque côté du corps
et longent la base de l'appareil respiratoire. Ils offrent en
général la structure de vaisseaux proprement dits, et envoient
à chacun des replis verticaux des branchies un canal afférent
qui y porte le sang destiné à subir l'influence de la respi-
ration (1). Des ramuscules qui se détachent à angles droits
de ces vaisseaux veineux vont s'anastomoser avec d'autres tubes
capillaires dirigés en sens inverse, c'est-à-dire du bord libre
vers le bord adhérent ou base de la branchie, et là ces canaux
afférents ou vaisseaux branchio-cardiaques s'ouvrent à leur
tour dans un grand vaisseau placé parallèlement au sinus
Vaisseaux
branchiaux.
Animaux ne sont en réalité qu'une
portion du système veineux général;
et depuis lors ce résultat a été dé-
montré de nouveau par les expériences
de M. AgasMz sur les .Maetres, et les
recherches récentes de M. Langer sur
les Anodontes. Mais M. Agassiz a vu
sur les côlés du pied des ftjaclres une
rangée de pores qui lui ont paru s'ou-
vrir dans ces cavités, et non-seule-
ment livrer passage à l'eau que
l'animal introduit dans cet organe de
locomotion, mais aussi laisser échap-
per cette eau mêlée de sang, quand le
pied se contracte avec violence (a).
M. Langer pense que ces orilices
étaient accidentels et le résultat de
ruptures (6); mais si ses observations
relatives à la communication du sys-
tème circulatoire avec l'extérieur, par
l'intermédiaire du péricarde et de la
cavité de l'organe de Bojanus , chez
l'Anodonle , sont exactes, il n'y aurait
rien d'improbable dans l'existence d'o-
rilices analogues dans d'autres parties
du corps. A l'époque où je taisais mes
recherches sur la circulation des Mol-
lusques, j'ai été souvent trappe delà
rapidité avec laquelle le liquide aqueux
accumulé dans le pied des Phoiades
s'en échappe ; mais il me semblait que
c'était un phénomène de transsudalion
dû au relâchement des tissus, et ana-
logue à ce que l'on obtient sur le ca-
davre humain dans des expériences
d'hydrotomie suivant le procédé de
Lacauchie , plutôt qu'une évacuation
localisée et s'etlectuantpar des ouver-
tures particulières. Nous aurons bien-
tôt à revenir sur ce sujet à l'occasion
du prétendu système aquifère des
Gastéropodes.
(t) Ce système de vaisseaux affé-
rents de l'appareil respiratoire atteint
son plus haut degré de développement
chez les espèces où les deux feuillets
(a) Agassiz, Ueber das Wassergefàsssystem der Mollusken (Zeitschr. fur wissenschaft. Zool von
Siebolu und Kôliiker, 1856, t. VII, p. 17G).
(6) Langer, Das Gefàss-System der Teichmuschel, 2 Ablh., p. 19 et suiv.
128 CIRCULATION DU SANG
veineux de la branchie de chaque côté du corps, et communi-
quant par sa face interne avec l'oreillette correspondante.
Ainsi se trouve complété le cercle circulatoire. En effet, le
sang, poussé par les contractions des ventricules du cœur, pé-
de chaque branchie sont écartés entre
eux pour fournir à l'appareil repro-
ducteur des chambres incubatrices ,
comme cela se voit chez les Ano-
dontes , les Pinries , etc.
Chez ces derniers , chacune des
quatre branchies est pourvue d'un
grand vaisseau longitudinal qui occupe
le bord correspondant de la face supé-
rieure ou basilairede l'appareil, et qui
donne naissance non -seulement aux
veines branchiales descendantes qui se
ramifient pour constituer le réseau
respiratoire, mais à un égal nombre de
branches transversales qui longent le
bord des cloisons interlocutoires et vont
s'anastomoser avec leurs congénères
provenant de la branche voisine, ou
bien débouchent dans un sinus veineux
prébranchial qui, dans toute la moitié
postérieure de l'appareil respiratoire,
marche entre les deux grands canaux
veineux disposés ainsi de chaque côlé
du corps et recouvre le vaisseau effé-
rent ou canal branchio-cardiaque (a).
Chez les Anodonles, la disposition
de ces vaisseaux est un peu différente
et se complique davantage. Les troncs
veineux qui sortent du corps de Boja-
nus forment de chaque colé un tronc
longitudinal qui suit le bord supérieur
de la ligne de soudure des feuillets
adjacents des deux branchies entre
elles , et donne naissance à une série
de branches descendantes comparables
à des dents de peigne ; celles-ci se
dirigent vers le bord inférieur de la
branchie et fournissent , chemin fai-
sant , une foule de ramuscules qui
s'en détachent à angles droits et s'ana-
stomosent entre eux par des capil-
laires verticaux, de façon à constituer
un treillis vasculaire à la face interne
des loges ménagées entre les deux
feuillets de chaque branchie. Un autre
vaisseau longitudinal situé au-dessous
du précédent reçoit des branches qui
naissent d'un réseau superficiel étendu
sur les surfaces adjacentes des deux
branchies (par conséquent, la face
externe de la branchie interne et la
face interne de la branchie externe ).
Ce tronc longitudinal profond est un
vaisseau efférent ou branchio - car-
diaque et se déverse dans l'oreillette
correspondante du cœur. Un autre
tronc efférent, dont les branches pec-
tiniformes sont disposées de la même
manière à la surface du feuillet inté-
rieur de la branchie interne, longe le
bord supérieur de celui-ci et va dé-
boucher dans la partie antérieure de
l'oreillette correspondante. Enfin un
troisième vaisseau efférent reçoit les
branches ascendantes du réseau su-
perficiel du feuillet externe de la bran-
chie externe et longe la ligne d'attache
de cette branchie au manteau. Il
communique librement avec le réseau
veineux du manteau , ainsi qu'avec
l'oreillette. Cette partie de l'apparei'
circulatoire , dont une portion seule-
fa) Milne Edwards, Voyage en Sicile, 1. 1, pi. 28,
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 129
notre dans les artères et se distribue à toutes les parties du
corps, puis passe dans le réseau lacunaire général, d'où il re-
vient, par les méats ou canaux interorganiques plus larges, vers
le cœur, en suivant à la fois trois routes principales. La plus
grande partie est versée par des sinus ou par des veines dans
le réseau capillaire de l'appareil urinaire, pour aller de là aux
branchies ; une seconde portion se rend directement aux organes
respiratoires, et, de même que la portion précédente, traverse
les réseaux capillaires de cet appareil qui le déversent à leur tour
dans les canaux branclno-cardiaques ; enfin, la troisième por-
tion du sang veineux, après avoir passé dans le manteau, arrive
également dans les vaisseaux branchio-eardiaques, et s'y mêle
au sang artériel qui vient des branchies , puis le tout entre dans
l'oreillette correspondante qui le rend au ventricule, d'où nous
l'avions vu partir.
§9. — Dans la classe des Gastéropodes, le mode de con- ciasse
stitution de l'appareil circulatoire est, au fond, le même que Gastéropodes
chez les Acéphales, mais revêt le plus souvent des caractères
secondaires un peu différents (1). Ainsi, nous n'y trouvons
ment avait été vue par Bojanus et par d'Éolidiens , on n'a pu jusqu'ici aper-
M. Robin (a), a été étudiée derniè- ce voir aucune trace de l'existence d'un
rement avec beaucoup de soin par cœur , et chez les larves des Gastéro-
M. Langer (6). podes, en général, cet organe n'appa-
Chez les Tarets , au contraire , le raît qu'assez tard. 11 serait donc pos-
système des canaux afférents est fort sible qu'il y eût clans cette classe une
simplifié, et consiste en deux sinus qui dégradation plus grande de l'appareil
longent les côtés de l'abdomen, puis, circulatoire, qu'on ne l'admet généra-
plus en arrière , se réunissent entre lement ; mais, d'après l'ensemble des
eux pour constituer un vaisseau bran- faits connus aujourd'hui, il me paraît
chial impair et médian (c). peu probable que le cœur puisse uian-
(1) Dans quelques petites espèces quer complètement chez aucun Gasté-
(a) Bojanus, Op. cit. (Isis, 1819, et Journal de plujsique, 1 819, p. 116, Gg. 3 et i).
■ — Robin, Rapport sur le phlébentérisme, p. 120 {Mémoires de la Société de biologie, 1851,
t. ni).
(6) Langer, Das Gefàss-System der Teichmuschel, 1 1 Abth., p. 10 et suiv., pi. 1, fig. 2 ; pi. 2,
fig. 7 à 11 (extr. des Mém. de l'Acad. de Vienne, t. XII).
— Voyez Carus, Icônes zootomieœ, pi. 19, fig. 6.
(c) Quatrefages, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 3' série, t. XI, pi. 2).
m. y
130 CIRCULATION DU SANG
aucun exemple de cette dispersion des forces motrices qui
existe chez les Acéphales inférieurs , où deux cœurs sem-
blables en tout entre eux , mais situés sur les côtés du corps ,
concourent à pousser le sang dans un même système d'artères.
cœur. Ici le cœur est toujours centralisé et ne présente qu'un ventri-
cule unique qui , d'ailleurs , n'est presque jamais traversé par
l'intestin ou par aucun autre organe. Quant aux oreillettes, nous
retrouverons les mêmes modifications que dans la classe pré-
cédente ; seulement la disjonction et la duplicité, qui étaient le
cas le plus ordinaire chez les Acéphales, ne se présenteront (pie
rarement à notre observation chez les Gastéropodes , et la
fusion de ces organes en une oreillette unique sera le cas le
plus ordinaire.
ropode adulte. Quoi qu'il en soit , pode, le cœur est facile à reconnaître
parmi les espèces chez lesquelles la et ne présente aucun indice de dégra-
recherche en a été jusqu'ici infruc- dation (c).
tueuse , je citerai les Amphorines et II est aussi à noter que chez les
les Zéphirines de M. de Quatre- Limnopontia de Johnston (ou Chalais,
fages (a) , ainsi que le Rhoclope Ve- de Quatrefages), qui paraissent ne dif-
ranii décrit par M. Kôlliker (b). férer que très peu des précédents, le
Quant aux petits Mollusques appelés cœur est conformé comme d'ordi-
Actéonies , chez lesquels le cœur a naire (cl).
échappé aux recherches de M. de Le Sagitta bipunctata, que la plu-
Quatrefages, je considère la question part des zoologistes rangent dans l'oi'-
comme résolue par les observations dre des Mollusques Gastéropodes, mais
de Souleyet sur un genre très voisin que d'autres considèrent comme étant
nommé Âctèon par Oken et Èlysie un Annélide, paraît être dépourvu de
par Risso. Chez ce dernier Gastéro- tout organe comparable ù un cœur (c)s
(a) Quatrefages, Mëm. sut' les Gastéropodes phlëbentcrés (Ann. des sciences nat. > i 844, 2" série,
t. I, p. 136, 150, 167, etc.).
(b) Kôlliker, Rhopode, nuove gênera di Gasleropodi (Giornale deW Inslilitto LOmbardO, 1847,
t. XVI).
(c) Allmann, On the Anatomy of Actiuon (Ann. of Nat. llisl., 1845, vol. XVI; p. 148).
— Souleyet, Voyage de la Bonite (Ihst. nat., t. II, p. 485, pi. 24 D, fig'. 4).
— Idem, Mèm.surle genre Actèon (Journal de conchyliologie, 1850, t. I, p. 5).
(d) AMer et Hancock, On a Proposed New Order of Gastcropodous Mollusca (Ann. of Ndt. UiSl.,
2' série, vol. I, p. 413, pi. 20, fig. 7).
(e) Darwin, Observ.sur la structure et sur la reproduction du genre Sagitta (Ann. des sciences
nat., 1844, 3" série, t. I, p. 362).
— Krohn, Anat. Beobacht. iiber die Sagitta bipuilclata, p. 8, et Observations analomiques el
physiologiques sur -le Sagitta (Anm des sciences nat., 1845, 3« série; l. III, p. 108).
CHEZ LES MOLLI SOLES GASTÉROPODES. 131
De même que chez les Acéphales, le cœur des Gastéropodes
est placé dans la région dorsale de l'abdomen, mais il n'occupe
que très rarement la ligne médiane du corps et se trouve d'or-
dinaire rejeté obliquement vers le côté, soit à droite , soit à
gauche , suivant la position des branchies. Le ventricule a des
parois charnues d'une épaisseur assez grande et bat avec rapi-
dité (1 j. Les ouvertures qu'il présente sont toutes garnies de
valvules , de façon que le sang ne peut en sortir que pour aller
dans l'aorte et ne saurait y rentrer par la même voie. Enfin le
péricarde est en général complètement fermé , mais ici encore
sa cavité communique parfois avec une poche membraneuse
qui me parait correspondre à la cavité dont l'orga'ne de Bojanus
est creusé chez les Lamellibranches (2).
§ 10. — C'est chez les Ormiers ou Haliotides que la confor- système artériel
mation du cœur des Gastéropodes se rapproche le plus de ce HailoUdes.
qui existe d'ordinaire chez les Acéphales. Effectivement, chez
ces Gastéropodes on trouve deux oreillettes placées symétrique-
ment sur les côtés du ventricule , et celui-ci embrasse le rec-
tum (3). Il est situé un peu à gauche, au-dessus du fond de la
chambre respiratoire , près de la base des deux branchies que
(1) M. Troschel a compté de 30 à que le péricarde est ouvert de la sorte,
ZiO battements du cœur par minute et nous reviendrons bientôt sur l'in-
chez les Limnées (a). terprétation qu'il convient de donner
Binny évalue le nombre de ces pul- à ce fait,
salions à environ 55 chez les Coli- (3) Cette disposition a été constatée
maçons lorsque le temps est chaud, et par Cuvier (b) ; mais tout ce qui suit
y a remarqué une diminution quand est tiré de mon travail sur la cir-
il irritait l'animal (b). culation du sang chez les Mollus-
(2) C'est principalement dans la fa- ques (d).
mille des Doris et chez les Iléléropodes
(a) Troschel, De Llmnaceis «w Gasleropodis pulmonalis quoi noslris in aquis vivunl, Disseil.
inaug'. Berol., 1834, p. 18.
(6) Amos Binny, The terreslrial Air Breathing Mollusks of the United States, vol. I, p. 238.
(c) Cuvier, Mém. sur l'Haliotide, ou Oreille de mer {Mém. sur les Mollusques).
(d) Milne Edwards, Mém. sur la dégradation des organes de la circulation chez les Patelles
et les Haliotides (Voyage en Sicile , t. I , p. 1(53, pi. 26 et 27, et Ami, des sciences nat., 1847,
3« série, t. VIII, p. 37).
lo2 CIRCULATION DU SANG
nous avons vues garnir la voûte de cette cavité (1 ) . Un tronc arté-
riel principal naît de ce ventricule et correspond à l'aorte anté-
rieure des Lamellibranches; mais il se dirige d'abord en arrière
vers la paroi postérieure et inférieure du péricarde. Presque
aussitôt son passage en dehors de cette poche , il se recourbe
en avant et fournit une grosse artère viscérale qui envoie ses
branches aux divers organes contenus dans l'abdomen (2).
L'aorte donne ensuite au manteau, à l'estomac et aux parties
voisines divers rameaux d'une moindre importance, mais ne
change pas notablement de diamètre jusqu'à son arrivée au-
dessus de la masse charnue de la bouche. Jusque-là ses parois
membraneuses sont bien constituées , sa forme est cylindrique
comme d'ordinaire, et sa structure ne diffère en rien de celle
de tout autre vaisseau sanguin bien conformé ; mais dès son
passage à travers une cloison qui sépare la cavité abdominale
de la région céphalique du corps, elle change complètement de
caractère ; ses parois se confondent avec la couche membra-
niforme dont est tapissée la grande cavité qui occupe la portion
postérieure de cette région et qui loge le pharynx, les muscles
de la langue et même le cerveau. Le sang artériel se répand
donc dans cette cavité , baigne tous ces organes, pénètre dans
les lacunes qu'ils laissent entre eux, et s'avance, entre les parois
delà bouche et celles de la chambre péristomienne, jusque dans
les lèvres.
(1) Voyez tome U, page 64. lobes, et donne naissance à de nom-
Ci) L'aorte postérieure des Lamelli- breux rameaux («). Ainsi les princi-
branches me paraît être représentée pales différences entre la disposition
par un vaisseau grêle cpii se dirige en du cœur et des gros vaisseaux chez
avant, donne des branches au rectum, les Haliotides comparées aux Lamelli-
et s'avance dans l'épaisseur du man- branches semblent dépendre du ren-
teau jusqu'à la fente interbranchiale versement de la portion postérieure
qui sépare cet organe en deux lobes. du tube intestinal et du cœur en avant
Là cette artère palléale se bifurque et au-dessus de la portion antérieure
pour longer les bords de ces deux du dos.
(a) Milne Edwards, Voyage en Sicile, pi. 26, fig1. i.
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 133
Dans la tête de l'Haliotide , le tronc aortique se trouve donc
remplacé par les méats interorganiques qui entourent l'extré-
mité antérieure du tube digestif et qui deviennent ainsi un
réservoir sanguin (1). Mais si le système artériel emprunte de
la sorte à l'appareil de la digestion des cavités pour le passage
du sang, il fournit à son tour un lieu de refuge à une partie des
organes dont cet appareil se compose. En effet, si l'on ouvre
longitudinalement la portion antérieure du tronc aortique, on
voit que ce vaisseau sert de gaine à la base de la langue lorsque
celle-ci se rétracte. Je reviendrai plus tard sur cette disposition,
quand je ferai connaître le mode d'organisation de l'appareil
buccal des Mollusques ; mais j'insiste dès aujourd'hui sur ce
fait anatomique , car il nous fournit un nouvel exemple de la
tendance de la Nature à satisfaire aux besoins nouveaux des
organismes en voie de perfectionnement à l'aide d'emprunts
avant que d'avoir recours à des créations spéciales.
C'est par l'intermédiaire du grand sinus céphalique que le
sang artériel parvient de l'aorte dans le canal sanguin, qui se
dirige d'avant en arrière dans l'épaisseur du pied charnu de
l'Haliotide, et qui représente l'artère pédieuse des Lamellibran-
ches, mais qui n'a pour parois qu'un tissu membraniforme très
mince , et qui, dans la plupart de ses divisions, mérite à peine
le nom de vaisseau proprement dit.
Lorsqu'en poussant un liquide coloré dans le cœur d'une
Haliotide vivante , je vis pour la première fois l'injection rem-
plir le tronc aortique, ses branches, et jusqu'à des capillaires
d'une grande délicatesse dont les parois de l'estomac , des
intestins et du manteau sont pourvues, puis se répandre tout
à coup dans toutes les lacunes interorganiques dont le cerveau
et le pharynx sont entourés , je pensai que quelque rupture de
(1) Voyez les figures 2, pi. 26, et 1, rèil circulatoire, des Haliotides, cité
pi. 27, de mon Mémoire sur l'appa- ci-dessus.
13/i CIRCULATION PU SANG
vaisseau avait déterminé un épanchement accidentel. Mais en
renouvelant mes injections avec les précautions nécessaires
pour éviter toute déchirure des parois vasculaires , j'arrivai
toujours au même résultat : toujours le liquide coloré se
répandait dans les espaces irréguliers dont je viens de parler
et allait baigner les muscles du pharynx , le cerveau et les
parties voisines, et, en faisant alors une autre expérience, je
vis que ce singulier phénomène ne dépendait d'aucun accident,
mais représentait au contraire ce qui doit avoir lieu dans la cir-
culation normale du sang artériel de ce Mollusque. Effective-
ment, en poussant l'injection au hasard dans une des lacunes
situées autour de l'arrière-bouche, je vis avec non moins de
régularité le liquide coloré continuer, d'une part, sa route ordi-
naire pour remplir les canaux artériels du pied, et remonter,
d'autre part, dans l'aorte jusqu'au cœur, ainsi que dans les
branches latérales de ce grand vaisseau sanguin. Or, un résultat
semblable ne saurait s'expliquer par l'hypothèse d'une déchirure
des parois des méats dans lesquels l'injection était introduite,
et d'ailleurs le fait de la présence de l'appareil lingual dans la
cavité du tronc aortique, dont j'ai déjà fait mention, ne pouvait
laisser aucun doute touchant l'existence d'une communication
normale et libre entre la portion vasculaire et la portion lacu-
naire du système de cavités ainsi injectées. J'en conclus donc
que dans la région céphalique du corps, qui n'existait pas chez
les Mollusques inférieurs et qui commence à se développer
chez les Haliotides, le système artériel est dans un état d'imper-
fection comparable à celui que le système veineux nous a offert
chez les Acéphales et que le système irrigaloire presque tout
entier nous présente chez les Tuniciens ; qu'il ne s'est pas
encore constitué sous la forme de vaisseaux ou tubes membra-
neux, et que c'est par l'intermédiaire des lacunes ou espaces
interorganiques que la distribution du sang s'effectue.
ïl parait que quelques anatomistes préfèrent expliquer autre-
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 135
ment cet état de choses, et supposent que le vaisseau artériel,
en arrivant dans la tète de l'Haliotide, au lieu de se résoudre en
lacunes interorganiques, se dilate et se complique de façon à
former un vaste sinus à parois membraneuses, dont les branches
se prolongeraient dans tous les interstices que les organes
circumbuccaux laissent entre eux ou que les faisceaux constitu-
tifs des muscles pharyngiens circonscrivent. Mais c'est là une
hypothèse qui ne me semble guère admissible, et qui, de proche
en proche, nous conduirait à ne voir dans tout le système cavi-
taire des Bryozoaires ou des Zoophytes qu'une aorte arrivée au
maximum de son développement et servant à loger dans sa
cavité tous les viscères. Ce singulier abus de mots ferait donc
naître les idées les plus fausses touchant la structure des Ani-
maux inférieurs ; mais c'est m'arrêter trop longtemps sur des
discussions de ce genre, et je me hâte de revenir à l'exposé pur
et simple des faits que nous offre l'étude anatomique et physio-
logique des Mollusques Gastéropodes.
Pour ne pas interrompre l'examen des parties dont la com-
paraison me semble nécessaire à faire, je laisserai de côté pour
le moment l'histoire du système veineux de l'Haliotide , et je
passerai tout de suite à l'étude des canaux artériels chez les
autres Gastéropodes.
§11. — Par la conformation du cœur, ainsi que par plu- Fissureiies.
sieurs autres particularités de structure , les Fissureiies res-
semblent beaucoup aux Haliotides, et il est probable que leur
système artériel présente les mêmes caractères ; mais c'est là
un point que l'observation n'a pas encore décidé.
Les Patelles, que Cuvier rangeait dans un autre ordre, mais système artériel
que l'on devrait rapprocher davantage des Haliotides dans nos PaSes.
classifications zoologiques, ressemblent aussi à ces dernières
par l'état de dégradation de leur système artériel ; leur aorte est
même plus incomplète, car presque aussitôt après sa naissance
elle perd le caractère vasculaire , et sa cavité se confond avec
136 CIRCULATION DU SANG
les lacunes péripharyngiennes avant qu'il ait donné naissance
à la grande artère viscérale. La disposition de ces méats inter-
organiques est, du reste, essentiellement la même que chez l'Ha-
liotide, seulement ils sont plus vastes, et la cloison qui les sépare
de la cavité abdominale, au lieu d'être simplement bombée, se
prolonge en arrière, de façon à constituer une longue poche ter-
minée en cul-de-sac et servant de gaine à la base de l'appareil
lingual, lequel, au lieu de se loger dans l'intérieur de l'aorte ,
comme dans le genre précédent, est pourvu d'un organe pro-
tecteur spécial. Mais cette gaine linguale vient à son tour en
aide au système artériel, et constitue un vaste réservoir sanguin
dont naissent non-seulement les artères du pied , mais aussi
l'artère gastrique. C'est même par cette voie qu'on arrive le
plus facilement à injecter la totalité du système artériel de ces
Mollusques , tant sont libres et faciles les communications entre
la chambre céphalique et les vaisseaux destinés à porter le sang
du cœur à tous les organes (1).
système artériel L'état d'imperfection du système artériel que j'ai fait con-
oicabrions, etc. naître chez les Haliotides et les Patelles a été retrouvé aussi ,
quoique à un moindre degré , chez les Oscabrions et chez
divers Hétéropodes (2) ; mais chez tous les autres Gastéropodes
(1) Chez ce Mollusque, le cœur se même gaîne que naissent les artères
trouve sur la région dorsale, immé- gastrique et pédieuse (a).
diatement derrière la chambre pal- (2) Chez les Firoles , ce mode de
léale, du côté gauche. Le ventricule est terminaison des troncs artériels s'ob-
placé obliquement en travers derrière serve non - seulement dans la tête ,
l'oreillette, et l'aorte qui en part plonge comme chez les Haliotides, les Pa-
immédiatement dans la cavité abdo- telles et les Oscabrions , mais aussi
minale située au-dessous, fournit une dans le pied et dans la région caudale
petite branche viscérale, et va débou- du corps. Ces Mollusques sont d'une
cher dans la cavité péripharyngienne transparence hyaline si grande, que
sur le côté de la base de la gàîne lin- partout, excepté dans le petit sac
guale. C'est du côté opposé de cette pyriforme logeant l'appareil hépatique,
(a) Milne Edwards, Voyage en Sicile, pi. 27, frg. 4.
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES.
137
dont la structure est suffisamment connue (1) , il en est autre-
ment, et l'aorte revêt la forme d'un tube à parois propres
jusque dans ses dernières divisions.
Les Oscabrions , qui , par l'ensemble de leur organisation ,
s'éloignent beaucoup des précédents , et même de tous les
autres Gastéropodes , ressemblent cependant encore aux Halio-
tides par le nombre et la position des oreillettes dont le cœur
est pourvu ; mais ils offrent dans la disposition de ces cavités
l'estomac, etc. , et appelé nucléus a&-
dominal , 011 peut voir à travers les
téguments la disposition des organes
intérieurs ainsi que les mouvements
du fluide nourricier. Or, M. Huxley
a constaté de la sorte que la grande
artère aorte , en traversant d'arrière
en avant la cavité générale du corps,
donne naissance à une artère pédieuse
qui, après avoir fourni à la rame cau-
dale une branche dite métapodiale ,
pénètre dans la nageoire pédieuse et
s'y termine brusquement par un ori-
fice béant (a). M. R. Leuckart a con-
firmé l'exactitude de cette observa-
tion, et a reconnu de plus que l'artère
métapodiale se termine d'une manière
analogue, et que l'aorte céphalique,
parvenue sous la masse buccale , s'é-
largit en forme de trompette et perd
ses parois propres en se confondant
avec celles de la lacune péripharyn-
gienne. Des fibres musculaires dis-
posées en manière de sphincters
garnissent ces embouchures, et c'est
seulement avec des espaces interorga-
niques ou un réseau lacunaire que ces
vaisseaux se continuent (6).
Je suis porté à croire que chez la
Cannai re l'aorte céphalique se perd
aussi dans un sinus péripharyngien.
(1) Peut- être cependant serait-ce
d'une disposition de ce genre, moins
étendue que chez les trois Gastéro-
podes dont il vient d'être question,
que dépendrait une particularité ana-
tomique observée chez les Doris par
MM. Aider et Hancock. On lit en effet
dans le bel ouvrage de ces auteurs sur
les Mollusques Nudibranches de l'An-
gleterre, que chez les Doridiens il
existe au-dessus de la masse buccale
un organe d'apparence glandulaire qui
reçoit souvent beaucoup de sang de
l'aorte, et qui semblerait être analogue
à une des glandes vasculaires sans
canal excréteur, telles qu'on en trouve
chez les Animaux supérieurs. Celte
dernière supposition me paraît peu
probable, et je suis d'autant plus porté
à croire à l'existence d'un réservoir
lacunaire dans ce point, que MM. Ai-
der et Hancock ne paraissent pas avoir
eu recours à des injections pour s'é-
clairer sur la nature de la partie dont
ils ont signalé la présence (c).
(a) Huxley, On the Morphology of Cephalous Mollusca, as illustrated by the Anatomy of certain
Heteropoda and Pteropoda (Philos. Trans., 1853, p. 32, pi. 2, fig. 1 et G).
(6) Rud. Leuckart, Der Ban der Heteropoden (Zoologische Untersuchungen , Heft II F, p. 5,
pl. 4, fier. 1).
(c) Aider et Hancock, Monogr. of the British iS'vdibranchiate Mollusca, p. 1C.
138 CIRCULATION DU SANG
une anomalie singulière : savoir, une double communication
avec le ventricule (1).
système artériel § 12. — - Chez les autres Gastéropodes, le système artériel ne
Gastéropodes présente aucune particularité assez importante pour que nous
ordinaires. A. ... ,. p
nous y arrêtions ici, L aorte antérieure fournit toutes les branches
destinées aux divers organes ; sa structure est partout tubulaire
et son mode de distribution ne varie que peu : aussitôt après sa
sortie du péricarde, elle donne naissance à une grande artère
viscérale qui se ramifie dans le foie, les organes reproducteurs
et les parois de l'intestin. L'aorte traverse ensuite d'arrière en
avant la portion antérieure et libre de la cavité abdominale ;
fournit, chemin faisant, des branches aux parois de cette cavité
et au manteau, ainsi qu'à l'estomac et aux organes voisins ;
donne naissance aux artères pêcheuses dont la marche est tou-
jours récurrente; enfin va se terminer sous la masse buccale
par des ramifications destinées soit à l'appareil pharyngien, soit
(1) L'appareil circulatoire des Osca- M. Middendorff, naturaliste russe ,
brions, ainsi que Cuvier l'a constaté, à qui l'on doit une très bonne mono*
diffère beaucoup, sous certains rap- graphie anatomique d'une grande es-
ports, de celui des autres Mollusques. pèce d'Oscabrion nommée Chiton Stel-
Le cœur, parfaitement symétrique et lerî, a constaté que, dans le voisinage
situé sur la ligne médiane, à la partie de la masse buccale, l'aorte se termine
postérieure du dos, se compose d'un dans un grand sinus péripharyngien
ventricule et de deux oreillettes , qui est évidemment analogue au sinus
comme chez la plupart des Mollusques céphalique des Haliotides et des Pa-
inférieurs. Ces oreillettes débouchent telles. C'est de ce sinus que naissent la
chacune dans la première de ces ca- grande artère viscérale dont la direction
vités par deux orifices (a). Dans l'état est récurrente, et une paire de canaux
de contraction , la portion du ventri- latéraux qui entourent la base du pied
cule située entre ces paires d'orifices et me paraissent tenir lieu d'artères
se resserre de façon à ressembler à un pédieuses. Le sinus artériel de la tète
vaisseau, et il part de l'extrémité anté- communique aussi , comme nous le
rieure du cœur une artère principale verrons bientôt, avec les canaux affé-
ou aorte qui se porte en ligne droite rents de l'appareil branchial (6).
jusque dans la région céphalique.
(a) Cuvier, Mém. sur l'Hallotide, etc., pi. 5, %. 10 et 14 (Mém. sur les Mollusques).
(b) Middendorff , Beitrâge %u einer Malacozoologia Rossica (Mém. de l'Acad. des sciences de
Saint-Pétersbourg, 6e série, Sciences nat-i t. VI, p. 132, pi. 8, fig. 5, etc.).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 139
aux téguments de la région céphalique du corps (1). Le ventri-
cule du cœur n'offre aussi dans sa structure et sa forme que peu
de variations ; mais il n'en est pas de même pour l'oreillette,
§ 13. — Je ferai remarquer d'abord que la position de cet
organe relativement au ventricule varie. Chez les Gastéropodes
que j'ai réunis dans l'ordre des Prosobranches, de même que
Système
branchio-car-
diaque,
(1) Cette description sommaire s'ap-
plique surtout au Buccin et aux genres
voisins, ainsi qu'au Colimaçon, dont
j'ai représenté avec beaucoup de dé-
tails l'appareil circulatoire dans les
planches d'un de mes ouvrages (a).
L'arbre aorlique se divise à peu près
de même aussi chez les Limaces (6) ;
mais chez quelques autres Gastéro-
podes, la disposition du système arté-
riel est un peu différente.
Ainsi , chez I'Aplysie (c) , Tarière
gastrique provient, commed'ordinaire,
de l'origine de l'aorte , fournit non-
seulement des branches à l'intestin,
au foie, etc., mais donne naissance,
dans le même point, à une grande
artère œsophagienne dont les ramu-
scules forment un riche réseau sur
les parois de l'estomac et de l'œso-
phage, où elles tiennent lieu des ar-
tères que ces parties reçoivent direc-
tement de l'aorte chez les genres dé-
crits ci-dessus. Aussitôt après avoir
fourni ce vaisseau , et avant de sor-
tir du péricarde , l'aorte se courbe
brusquement sur elle-même et se di-
late latéralement pour constituer une
poche en forme de crête , dont les
usages ne sont pas connus. Aussitôt
après être sortie du péricarde , l'aorte
donne naissance à plusieurs petites
artères destinées au rectum et aux
parties voisines ; puis elle traverse la
cavité abdominale sans fournir aucune
branche, jusqu'à ce qu'elle soit arri-
vée près du cerveau. Là elle donne à
droite et à gauche une paire d'artères
pédieuses situées l'une au-devant de
l'autre , et elle traverse , de concert
avec l'œsophage , l'anneau nerveux ,
pour aller se ramifier dans les or-
ganes copulateurs aussi bien que dans
les diverses parties de la tête. Il est
aussi à noter que les deux grandes
artères pédieuses, en se portant en
arrière sur les côtés de la cavité
abdominale, fournissent chacune une
grosse branche aux lobes latéraux du
corps qui , chez les Aplysiens , tient
lieu de manteau.
Le développement énorme du voile
céphalique, chez les Téthys, a amené
aussi une modification correspondante
dans les branches céphaliques du sys-
tème artériel chez ce Mollusque. Une
artère médiane, qui se ramifie dans la
portion inférieure de ce voile , repré-
sente l'aorte céphalique de I'Aplysie,
et une paire de gros vaisseaux, qui
se distribuent dans la portion frontale
de ce même voile, paraissent corres-
(a) Recherches faites pendant un voyage en Sicile, t. I. (La planche 25 représente l'appareil
circulatoire du Triton, et les planches 20, 21 , celui du Colimaçon.)
(6) Pouchet, Recherches sur l'anatomle et la physiologie {les Mollusques. Tn-4, 1842, 1" livr.,
p. 14.
(c) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 23,
\[[0 CIRCULATION DU SANG
chez les Pulmonés et les Hétéropodes, l'oreillette est située
devant le ventricule, tandis que chez ceux dont j'ai formé le
groupe naturel des Opisthobranches, c'est d'arrière en avant
que le sang arrive de l'oreillette dans le ventricule, et cela
quelle que soit la position de l'appareil respiratoire par rapport
au cœur (1).
pondre aux petites artères tentaculaires
de ce dernier Gastéropode (a).
Dans le genre Jands, dont M. Blan-
chard a fait connaître l'organisation,
les artères sont distribuées à peu près
comme chez les Aplysies ; mais l'aorte
ne présente à sa base ni courbure ni
dilatation cristiforme (b). La même
disposition se voit chez les Éolides
proprement dits (c).
Chez les Carinaires (d) , le même
plan préside encore à la distribution
des -vaisseaux artériels ; seulement
l'artère gastrique est très courte et
l'aorte d'une longueur remarquable.
L'artère pêcheuse, après s'être bifur-
quée , va se terminer dans la portion
postérieure du corps , qui me paraît
être l'analogue du pied des Gastéro-
podes ordinaires , et fournit près de
son origine une branche impaire pour
la nageoire ventrale, que l'on compare
généralement à ce pied , mais qui me
paraît correspondre plutôt à une por-
tion du voile labial des Téthys et des
larves de la plupart des Gastéropodes.
Du reste, il est probable que chez les
Carinaires , de même que chez les
Firoles, dont il a déjà été question (e),
la portion terminale du système arté-
riel est constituée par des trajets lacu-
naires seulement.
Je dois ajouter que si la figure
que M. Délie Chiaje a donnée du
système artériel du Pleur obranchi-
dium Meckelii est exacte, il y au-
rait chez ce Mollusque une aorte pos-
térieure qui fournirait des branches
aux tentacules aussi bien qu'aux deux
côtés de toute la région abdominale
du corps if). Mais je crois qu'il doit y
avoir là quelque erreur d'observation.
D'après le peu de mots que Berke-
ley et Hoffmann ont dits du système
circulatoire chez les Cérithes, on voit
que la disposition du cœur et des ar-
tères doit être à peu près la même que
chez le Triton {g).
(t) Ce caractère anatomique permet
de classer les Mollusques Gastéropodes
d'une manière bien plus naturelle que
ne l'avait fait Cuvier, en se fondant
sur les modifications de l'appareil
branchial (h).
(a) Milne Edwards, Op. cit., pi. 24, fig. 2.
(6) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Mollusques Gastéropodes de l'ordre des Opistho-
branches (Ann. des sciences nat., 1849, 3e série, t. XI, p. 84, pi. 3, fig. 2).
(c) Aider et Hancock, Monogr.ofthe British Nudibranchiate Mollusca, Fam. 3, pi. 8, fig. 1.
(d) Milne Edwards, Observations sur la structure et les fonctions de quelques Zoophytes, Mol-
lusques et Crustacés des côtes de la France {Ann. des sciences nat., 1842, 2e série, t. XVII!,
p. 325, pi. 11, fig. 1).
(e) Voyez ci-dessus, page 136.
\f) Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Anim. senza vertèbre, pi. 52, fig. 14.
(g) Berkeley et Hoffmann, Descript. of the Anat. Structure of Cerithium telescopium (Zoolog.
Journal, vol. V, p. 433).
(h) Milne Edwards, Note sur la classification naturelle des Mollusques Gastéropodes (Ann. des
sciences nat., 1848, 3° série, t. IX, p. 102, et Voyage en Sicile, 1. 1, p. 181).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 1/|1
L'oreillette des Gastéropodes peut être définie par sa position
à l'intérieur du péricarde, mais parfois ce vestibule du cœur
se confond presque avec les cavités qui y amènent le sang
de l'appareil respiratoire. Ce caractère d'infériorité organique
se rencontre, par exemple, chez beaucoup d'Éolidiens, où un
grand canal branchio-cardiaque en forme de poche membra-
neuse, atténué postérieurement et élargi en avant , occupe la
ligne médiane du dos et se continue avec l'oreillette unique
située à son tour derrière le ventricule (1). Une disposition
(1) Cette disposition a été constatée
par Souleyet, chez VÉolide de Cuvier,
où les angles antérieurs de l'oreillette
se continuent également avec une
paire de sinus branchio - cardiaques
antérieurs. Il en résulte que l'oreillette
est ici en quelque sorte le carrefour
où les trois canaux branchio-cardia-
ques se réunissent pour constituer le
vestibule du cœur (a).
11 est probable que les portions de
l'appareil circulatoire que M. Quatre-
fages a décrites chez son Éolidine , et
qu'il a considérées comme étant deux
oreillettes en forme d'entonnoir s'ou-
vrant dans la cavité générale du corps,
ne sont autre chose que les parties
latérales du fond de la poche mem-
braneuse constituant le sinus branchio-
cardiaque médio -dorsal et l'oreil-
lette (6).
Dans d'autres espèces où le sinus
branchio-cardiaque est disposé de la
même manière sur la partie médiane
du dos , un étranglement correspon-
dant au point de rencontre de ce sys-
tème avec le péricarde sépare ce ré-
servoir de l'oreillette , qui est alors
arrondie , disposition qui a été très
bien constatée par MAI. Hancock et
Embleton chez VEolis papillosa (c).
Il est aussi à noter que chez les
Phyllirhoés, l'oreillette, qui est unique
et en forme d'entonnoir , paraît se
confondre avec les cavités que le sang
traverse pour rentrer dans le cœur ;
mais la respiration n'étant pas loca-
lisée chez ces Gastéropodes A bran-
ches , il n'y a pas de sinus branchio-
cardiaque (d).
J'ajouterai que chez d'autres Hété-
ropodes, notamment chez les Firoles,
l'oreillette paraît avoir des parois in-
complètes , de façon que le sang ré-
pandu dans la chambre péricardique
pénétrerait directement dans sa cavité
par des permis situés entre ses fais-
ceaux charnus (e).
(a) Souleyet, Voyage delà Bonite, Zool., t. II, p. 427, Atlas, Mollusques, pi. 24 B, ûg. i.
(b) Quatrefages , Mém. sur l'Éolidine ■paradoxale (Ann. des sciences nat., 1843, 2e série,
t. XIX, p. 290, pi. ll.fig. 3).
(c) Hancock et Embleton, On the Anal, of Eolis (Ann. of Nat. Hist., new séries, 1848, vol. I,
p. 99, pi. IV, fig. 4).
(d) H. Mùller et Gegenbaur, Ueber Pliyllirhoe buceplialum (Zeilschr. fur vjissenschaftl. Zoologie,
1854, t. V, p. 365).
(e) R. Leuckart, Op. cit. (Zoolo(jische Untersuchungcn, Heft III, p. 5).
Î42 CIRCULATION DU SANG
très analogue se voit chez les Téthys, où un vaste sinus
branchio-cardiaque pyriforme s'étend sur tout le milieu du dos,
depuis le cœur jusqu'à l'extrémité postérieure du corps (1).
Mais, chez d'autres espèces de la même famille, les canaux
branchio -cardiaques ne se réunissent pas en un sinus commun
derrière le cœur, et arrivent séparément à l'oreillette, qui alors
est mieux délimitée (2).
Enfin la distinction entre l'oreillette et les cavités qui y ver-
sent le sang devient tout à fait nette chez les Tritons, les Hélices
et. les autres Gastéropodes où l'appareil respiratoire se localise
le plus et où le canal branchio-cardiaque revêt la forme d'un
(1) Chez les Téthys, les branchies
ne se prolongent pas sur la région
céphalique du corps , ainsi que cela
a lieu chez les Éolidiens , dont je
viens- de parler, mais s'arrêtent au
niveau du cœur ; aussi le sinus
branchio - cardiaque n'offre pas les
deux prolongements antérieurs en
forme de cornes qui , chez les précé-
dents, s'avancent de chaque côté du
ventricule , et il n'est représenté que
par le sac situé en arrière de l'oreil-
lette {a).
(2) Ainsi, dans le Janus, M. Blan-
chard a trouvé que les vaisseaux effé-
rentsdes branchies se réunissent entre
eux pour constituer un nombre consi-
dérable de canaux branchio-cardia-
ques , et, en définitif, quatre troncs,
dont deux postérieurs , qui ramènent
le sang du tiers postérieur de l'appa-
reil respiratoire, et pénètrent dans la
partie postérieure de l'oreillette, et
deux antérieurs qui reçoivent le sang,
de toutes les branches répandues sur
la portion moyenne et antérieure du
corps; ces troncs débouchent sur les
côtés de l'oreillette, et s'y confondent
avec ce réservoir, de façon à lui don-
ner la forme d'an croissant (6).
Chez les Tritonies, cet organe ne
reçoit plus que deux sinus branchio-
cardiaques qui sont très larges , et il
se confond avec eux , de façon à res-
sembler à une besace placée en travers
sur le dos de ces Mollusques, et tenant
au cœur par le milieu de son bord
antérieur. Chacun de ces sinus vesli-
bulaires se continue à son tour avec
deux canaux branchio cardiaques qui
longent les côtés du dos, l'un en
avant, l'autre en arrière, et reçoivent
le sang apporté par les vaisseaux effé-
rents des branchies. Cuvier a donné
une très bonne ligure de l'appareil
circulatoire des Tritonies (c).
(a) Miluc Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 24, fig. 2.
(b) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Opisthobraiiches (Ami. des sciences liai., IS-i-3,
3' série, t. XI, p. 85, pi. 3, fig. 1).
(c) Cirvier, Mém. sur le genre Tritoma (Ann. du Muséum, 1802, 1. 1, p. 480).
— Voyez aussi Aider et Hancock, Bril. Nudibr. Nollusc., Faim 2, pi. 1 , fig1. 1.
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. l/lO
vaisseau tubulaire jusqu'à son entrée dans l'oreillette, dont le
volume est cependant très considérable (1).
§ lli. — Les voies par lesquelles le sang revient des ramus- système rànan
cules terminaux du système artériel vers les organes respira- Gastéropodes.
toires, ou bien directement vers le cœur, varient également,
mais sont toujours fournies principalement par les espaces
interorganiques dont les parois se revêtent peu à peu d'une
couche membraniforme de plus en plus complète, et tendent à
se transformer ainsi en tubes indépendants des organes voi-
sins. Une partie de ce système de cavités veineuses est formée
par la chambre viscérale, et, comme la portion antérieure de
cette chambre est d'ordinaire beaucoup plus grande que les
viscères qui s'y logent, elle forme un réservoir veineux d'une
capacité considérable. La portion postérieure de cette même
chambre est au contraire si complètement garnie par l'intes-
tin, le foie et les glandes génératrices, que le sang ne trouve
inoccupés que des espaces étroits, sinueux et canaliculi formes,
entre les bords de ces organes, et que, pour donner à ces lacunes
la forme de vaisseaux proprement dits, il suffit du développe-
(1) Chez les Haliotides, où le cœur réunissent en un tronc commun où
est pourvu de deux oreillettes , les aboutissent beaucoup d'autres fa-
deux branchies portent chacune à muscules venant soit de la voûte de
leur face externe un vaisseau branchio- la cavité pulmonaire, soit de l'organe
cardiaque qui se rend directement à sécréteur qui est situé au fond de cet
cet organe (a); mais chez les Gastéro- appareil près du cœur , et qui me
podes à une seule oreillette , tels que semble être l'analogue de l'organe de
le Triton (6), il n'y a aussi qu'un seul Bojanus; La disposition générale du
tronc branchio - cardiaque. Chez le réseau vasculaire du poumon de ces
Colimaçon , ce vaisseau naît d'un ré- Gastéropodes a été assez bien repré-
seau pulmonaire très beau dont les sentée par Treviranus (c) , mais se
branches principales , au nombre de voit plUs distinctement dans les figures
trois, sont disposées comme les bar- que j'en ai données (d).
bules et les barbes d'une plume, et se
(a) Milno Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 2G, fig\ 1 et 2.
(6) Milne Edwards, Op. cit., pi. 25.
(c) Treviranus, Beobachtungen aus der Zootomle und Physiologie, t. 1, pi. 8, fig. 5S.
(d) Milhe Edwards, Voyage en Sicile, t. I, pi. 20, fig-. 1 et 2 ; pi. 21, fig-. 1 et 2.
lllll CIRCULATION DU SANG
ment d'une tunique membraneuse aux dépens du tissu con-
nectif d'alentour.
sySiè,ne veineux U n'est aucun Gastéropode où ce mode de constitution du
l'Apte, système veineux soit plus facile à constater que chez l'Aplysie.
Là, excepté peut-être dans la masse assez compacte formée
par le foie et les autres viscères vers l'arrière de l'abdomen,
il n'existe aucun trajet veineux ayant la forme tubulaire, et
c'est par des lacunes irrégulières ménagées entre les faisceaux
musculaires du pied ou du manteau que la plus grande partie du
sang revient des branches terminales des artères dans la cavité
abdominale. Lorsqu'on dissèque seulement des individus qui
ont séjourné longtemps dans de l'alcool ou quelque autre liqueur
conservatrice, cette grande chambre périgastrique qui s'étend
des bords de la bouche jusque vers les deux tiers postérieurs du
corps semble être tapissée par une membrane péritonéale par-
faitement continue ; mais quand on examine des individus frais,
on voit que le tissu de cette tunique est très lâche et se com-
pose d'une multitude de brides ou de iilaments entrecroisés
dans toutes les directions, de façon à constituer une couche
feutrée dont les vides disparaissent par la pression, mais livrent
facilement passage aux liquides. Le vaste réservoir veineux
ainsi formé se continue postérieurement sous la forme d'un
canal qui contourne le côté gauche de la masse viscérale res-
serrée sous la coquille de l'animal, et qui va déboucher clans
le vaisseau afférent de la branchie.
Ce sinus branchial, que les anatomistes ont comparé tantôt à
une veine cave, d'autres fois à une artère branchiale, est tapissé
d'une tunique membraniforme plus parfaite que dans le reste
du système de cavités veineuses: mais ses parois sont encore
criblées d'une multitude de permis qui établissent autant de
communications avec les lacunes sous-cutanées ou interfibril-
laires des parties voisines. L'existence de ces ouvertures et des
communications entre l'abdomen et la branchie par l'intermé-
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 1^5
diairede ce canal n'avait pas échappé à Cuvier; mais cet ana-
tomiste illustre ne soupçonnait pas que le sang y arrivait par la
cavité générale du corps, et pensait que les pertuis dont, je viens
de parler servaient seulement à l'absorption des liquides épan-
chés et au mélange de ces liquides avec la masse du sang en
circulation dans les veines (1). Le fait est cependant que les
(1) Je fois menlion ici des observa-
tions de Cuvier et de l'interprétation
qu'il donnait à ces faits analomiqucs ,
parce que plusieurs auteurs , après
avoir repoussé sans examen préalable
mes vues touchant le mode de consti-
tution de l'appareil circulatoire des
Mollusques, ont voulu, lorsqu'ils se
trouvaient obligés d'en reconnaître
la justesse, les attribuer à d'autres.
Ainsi , on a dit que la circulation
veineuse extra - vasculaire , chez les
Aplysies , était connue de Cuvier ;
mais tous ceux qui examineront d'une
manière impartiale la question, recon-
naîtront que cela n'est pas; que Cuvier
pensait que les pertuis dont il avait
constaté l'existence dans les parois du
grand canal afférent à la branchie
étaient des espèces de bouches absor-
bantes à l'aide desquelles ces canaux
pouvaient recevoir de la cavité abdo-
minale, non pas du sang , mais les
liquides épanchés destinés à être mê-
lés au sang; de sorte , ajoute-t-il, que
les veines font ici l'office de vaisseaux;
absorbants ; enfin , pour rendre sa
pensée plus clairement encore, il ter-
mine en disant : « C'est [d'après ces
» faits que j'ai pensé que le système
» absorbant cesse entièrement dans
» les Mollusques (a). »
Duvernoy s'est expliqué non moins
nettement dans le passage suivant ,
dans les Leçons d'anatomie comparée
de Cuvier : « Nous rappellerons en-
» core ici ces parties centrales de
» l'arbre dépurateur qui, dans l'Aply-
» sie, sont percées d'ouvertures très
» sensibles dans la portion qui tra-
» verse la cavité viscérale, ouvertures
» qui permettent l'absorption par le
» tronc ou la souche de l'arbre nu-
» tritif. Cependant on peut dire que,
» dans ce type, le système vasculaire
» sanguin est complet , que les deux
» arbres nutritifs et dépurateurs» (ex-
pression que Duvernoy emploie pour
désigner le système artériel et le
système veineux) « sont liés par un
» réseau capillaire, et que le fluide ne
» s'épanche point dans les lacunes ;
» il reste renfermé et circule dans
» l'ensemble de ses réservoirs , qui
» forment encore ici un système de
» vaisseaux clos {b). »
M. Van Bencden était probablement
arrivé plus près de la connaissance de
la vérité , car, en 1835 , il a dit :
« Après des recherches minutieuses
» sur les organes de la circulation
» dans les Aplysies , je crois avoir
» reconnu une véritable fusion avec le
» système aquifère de Délie Chiaje (c). »
[Mém. sur les Mollusques, et Ann. du
(a) Cuvier, Mém. sur le genre Aplysie, p. 14 et 15
Muséum, 1802, t. I).
(6) Duvernoy, Additions aux Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, 2° édition, 1839, t. VI,
p. 538.
(c) Van Bencden, Résultais d' un voyage fait sur les bords de la Méditerranée {Comptes rendus
de i Académie des sciences, 1835, 1. 1, p. S"30).
m. 10
l/l6 CIRCULATION DU SANG
veines proprement dites manquent partout ou presque partout
dans le corps de l'Aplysie, et que c'est par le moyen des
méats interorganiques, méats au nombre desquels il faut ranger
la cavité abdominale elle-même, que le sang arrive à la branchie
pour y subir le contact de l'air, et après avoir traversé les
canaux capillaires dont cet organe est pourvu, regagner le cœur
par l'intermédiaire du vaisseau branchio-cardiaque.
systèmeveineux Une expérience très facile à faire, et que je répète souvent
colimaçons, dans mes leçons publiques, prouve qu'il en est à peu près de
même chez le Colimaçon (1). En effet, si l'on détermine un
commencement d'asphyxie chez un de ces Mollusques, atin de
l'empêcher de contracter son corps d'une manière fâcheuse, et
qu'ensuite on injecte un liquide coloré dans la grande cavité
viscérale où flottent l'estomac , les organes copulateurs , les
principaux nerfs et beaucoup d'autres organes, on verra bientôt
ce liquide pénétrer dans les lacunes qui avoisinent le manteau,
Mais il m'est impossible de voir clans plus singulières. J'ai prouvé, au con-
certe conclusion , restée dix ans sans traire, que la prétendue exception est.
autre développement, un titre sérieux la règle commune pour tout l'embran-
à la découverte de la circulation lacu- chement des Mollusques,
naire, ni chez l'Aplysie ni chez aucun (1) Pour plus de détails au sujet de
aulre Mollusque. ces expériences, voyez mon Mémoire
Je ferai voir aussi, dans quelques sur la circulation, inséré au Compte
instants, que les droits de M. Pouchet rendu des séances de l'Académie des
à cette découverte ne sont pas mieux sciences du 3 février 18/i5, et publié
établis , et, lorsqu'en 18/i3, M. Qua- aussi dans les Annales des ^sciences
trel'ages annonça que chez les Éoli- naturelles (c)c J'ai fait voir que les
diens le sang circule dans la cavité communications en question entre les
abdominale (a), ainsi que je l'a vais con- vaisseaux sanguins et les cavités lacu-
staté quelques années auparavant chez naires sont assez libres pour laisser
beaucoup de Molluscoïdes (6) , on nia passer des matières solides aussi bien
généralement le fait , ou bien on le que des liquides,
considéra comme une anomalie des
(a) Quatrefages, Mém. sur i'Eolidina (Ann. des seienc.nat., 4843, 2« série, t. XIX, p. 190).
(&) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies ( Mém. de L'Acad. des sciences, t. XVIII, et
Comptes rendus, 1839, t. IX, p. 591).
(c) Observations et expériences sur la circulation chez les Mollusques (Ann. des sciences
vat., 3° sério, t. Ht, p. 289, et Voyage en Sicile, 1. 1, p. 89).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 147
puis arriver dans les vaisseaux pulmonaires, les remplir et
passer souvent dans les conduits afférents de l'appareil respira-
toire, peut-être même jusque dans le cœur (1). A l'aide d'in-
jections pratiquées de la sorte, on voit aussi que le grand réser-
voir veineux formé par la cavité périgastrique communique
en arrière avec les espaces qui existent entre les lobules du
foie et les autres organes resserrés dans la portion postérieure
du sac péritonéal et occupant la région du corps appelée,
à raison de sa forme , le tortillon. Ces espaces figurent
souvent des arborisations, et on les prendrait volontiers pour
des vaisseaux rameux, si la dissection ne venait montrer que
ce ne sont pas des tubes à parois indépendantes des parties
voisines, mais de simples lacunes limitées par la lame périto-
néale à tissu lâche dont les viscères voisins sont revêtus (2).
(1) L'existence de communications tion par les vaisseaux lymphatiques
entre le système vasculaire et la cavité chez les Animaux vertébrés. Aussi
abdominale avait été aperçue chez la M. Pouchet n'a-t-il jamais revendiqué
Limace , en 18Zi2 , par M. Pouchet , l'idée que je crois m'appartenir, et ce
professeur de zoologie à Rouen ; mais sont seulement quelques commenta-
ce naturaliste supposait que les per- teurs qui ont voulu la lui attribuer,
tuis en question constituaient un sys- Je crois devoir ajouter que des faits
tème absorbant, et servaient à l'entrée du même ordre avaient été aperçus,
des liquides extra vases dans les veines mais d'une manière moins complète ,
aussi bien qu'à l'exhalation opérée par en 1816, par Erman (6).
les artères (a). D'après sa manière de (2) M. Erdl a décrit un réseau vei-
voir, le passage des liquides dans la neux dans l'appareil digestif du Coli-
cavité générale du corps était un phé- maçon (c) , et la figure qu'il en donne
nomène collatéral au mouvement cir- a été reproduite par Carus et Otto (d) ;
dilatoire, à peu près comme l'épan- mais , ainsi que le fait remarquer
chement de la sérosité dans le tissu M. Siebold, les vaisseaux en question
cellulaire d'un membre et sa résorp- paraissent être des artères (e).
(a) Pouchet, Recherches sur l'anatomie et la physiologie des Mollusques. In-4, Paris, 1842.
Cet ouvrage a été interrompu à la page 24, à l'endroit où l'auteur aborde la description du système
veineux.
(6) Erman, Wahmehmungen ùbtr das Blut einiger Molluskcn (Mém. de l'Acad. de Berlin,
1819, t. VI, p. 199).
(c) Erdl, Dissert, inaug. de Helicis Algirœ vasis sanguiferis, 1840 (d'après Siebold).
(rf) Carus et Otto, Tab. Anat. corn]}, illustr., pars vr, pi. 2, flg._5.
(e) Siebold et Slannius, Nouveau Manuel d'analomie comparée, t, I, p. 325.
illS CIRCULATION DU SANG
Un canal qui longe le bord concave de l'abdomen est mieux
endigué et conduit beaucoup de sang vers la branchie ; mais
tout en ayant la forme d'un vaisseau tabulaire, il en mérite à
peine le nom, tant sont faciles les communications de sa cavité
avec les lacunes d'alentour (1). Enfin on voit aussi par ces
mêmes injections, poussées au hasard dans la cavité abdomi-
nale, que tout le sang n'est pas obligé de traverser l'appareil
respiratoire pour retourner au cœur, car une partie peut y
arriver par un système de canaux et de vaisseaux disposés
comme ceux de l'organe de Bojauus , chez les Lamelli-
branches (2).
Une observation qui date de 1822 et qui est due à Gaspard,
mais qui avait complètement échappé à l'attention des physio-
logistes jusqu'au moment où la discussion des expériences
dont je viens de parler eut occupé divers écrivains, trouve ainsi
une. explication facile. Gaspard avait vu que lorsque le Coli-
maçon étend le pied pour ramper, le sang s'épanche librement
dans la cavité abdominale et vient baigner les viscères (3) . En
effet, ce liquide y afflue alors en plus grande quantité que
d'ordinaire; mais ce réservoir n'est pas seulement un diver-
ticulum, il fait partie du cercle circulatoire.
(1) Tous ces canaux et méats vei- considère comme appartenant à une
neux ont été injectés de la sorte dans poche pulmonaire, est l'analogue du
les préparations qui sont représentées système vasculaire rénal des Colima-
dans les planches 20 et 21 de mon çons, des Haliotides, etc. (a).
Voyage en Sicile. (3) Voici dans quels termes Gaspard
Cet appareil vasculaire est encore s'exprime : « Le sang de l'Escargot
plus développé chez les Haliotides » mérite de fixer un moment notre
{Op. cit., pi. 26, fig. 1 et 2). » attention. Il est contenu, non-seule-
(2) Je suis porté à croire que le ré- » ment dans les organes de la circu-
seau vasculaire que Souleyet a trouvé » lation , mais il est encore épan-
à l'arrière de l'oreillette , chez l'Ac- » ché, principalement quand l'Animal
téon ou Élysie , et que ce naturaliste » voyage , dans la cavité où sont les
(a) Souleyet, Voyage de la Bonite (Hist. nat.t t. II, p. 484, pi. 24 D, fig 4 et 5).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 149
Chez le Triton, la disposition du système veineux est à systèm^eux
peu de chose près la même que chez le Colimaçon, si ce n'est Tntons, etc.
que les canaux afférents de l'appareil respiratoire se rendent à
des branchies au lieu d'aller à un poumon, et que les vaisseaux
qui portent le sang de la cavité abdominale dans l'appareil qui
me semble devoir être assimilé à l'organe de Bojanus, et con-
sidéré comme une glande urinaire , sont développés d'une
manière énorme (1).
La transformation des lacunes veineuses en tubes vasculaires système veineux
, j \ des Dons.
à parois indépendantes des parties voisines tait plus de progrès
chez d'autres Gastéropodes. Ainsi j'ai trouvé dans le manteau
de l'Haliotide des veines très bien délimitées, et il m'a semblé
en apercevoir aussi dans diverses parties de la masse viscérale
de ce Mollusque. Chez lesDoris, MM. Hancock et Embleton
ont observé dans le foie un système de veines bien caracté-
risées qui conduisent le sang de cet organe aux branchies ;
mais dans les autres parties de l'organisme ils n'ont pu décou-
vrir rien de semblable, et il leur a paru que le retour du
fluide nourricier s'y effectue par les lacunes interorganiques
seulement.
D'après ces anatomistes , il y aurait aussi chez les Doris
exagération d'une disposition dont j'ai déjà eu l'occasion de
signaler l'existence chez les Lamellibranches, et que j'ai con-
statée également chez les Haliotides, les Tritons et les Colima-
çons : savoir, le passage direct d'une portion du sang veineux
» viscères digestifs et génitaux , qui » point contenu et épanché de la
» nagent dans ce sang , de manière » même manière. Ce phénomène m'a
)) qu'en incisant la paroi qui sépare » singulièrement frappé, et je ne con-
» la trachée et le ventre, on l'en voit » nais rien d'analogue dans les autres
» sorlir par un jet abondant et con- » Animaux (a). »
» tinu. Lorsque l'Animal est retiré et (1) Voyez mon Voyage en Sicile,
» caché dans sa coquille, le sang n'est t. I, pi. 25.
(a) Gaspard, Mémoire physiologique sur le Colimaçon (Journal de physiologie do Magendie,
4822, t. II, p. 337),
150 CIRCULATION DU SANG
dans le canal branchio-cardiaquc, et son mélange avec le sang
artériel qui arrive de l'appareil respiratoire pour pénétrer dans
le cœur et être distribué par cet organe dans toutes les parties
de l'économie. En effet, MM. Hancock et Embleton tirent de
leurs nombreuses observations sur ces Mollusques celte conclu-
sion, un peu exagérée peut-être , que le sang apporté aux sinus
veineux des branchies par les veines hépatiques est la seule
portion du fluide nourricier en circulation qui passe dans ces
organes, et que tout le sang des autres viscères, des muscles et
des parties superficielles de l'économie, après avoir traversé un
système de cavités lacunaires sous -cutanées creusées dans le
manteau, est versé directement dans l'oreillette par deux canaux
latéraux. Ici la respiration cutanée remplirait donc un rôle plus
considérable que chez la plupart des autres Gastéropodes (1).
Les auteurs que je viens de citer ont été conduits aussi à
considérer comme un cœur accessoire une vésicule pulsatile
qui se trouve dans le voisinage du cœur et qui est en commu-
nication avec un système de canaux rameux dont nous aurons
à parler par la suite. MM. Hancock et Embleton pensent que
ces canaux s'anastomosent avec les branches hépatiques de
l'artère aorte, et que ce système, qu'ils comparent à une veine
porte , déboucherait dans le péricarde. Mais dans l'état actuel
de nos connaissances à ce sujet , cette opinion ne me paraît pas
admissible , et je suis porté à croire que la vésicule en question,
ainsi que son canal de communication avec le péricarde, sont
des dépendances de l'appareil rénal, car nous avons vu aussi le
péricarde s'ouvrir dans une poche ou vésicule de Bojanus,
chez les Lamellibranches (2).
Quant aux variations d'une importance secondaire qui se
(1) Aider et Hancock, Monogr. of (2) M. Leuckart interprète aussi de
the British Nudibr. Moll. ( voyez les la sorte les observations de MM. Han-
septième et huitième pages du texte cock et Embleton , et considère le sac
relatif aux planches 1 et 2, Fam. 1). pulsatile en question comme l'ana-
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES, i 51
remarquent dans la disposition du système de lacunes, de ca-
naux ou de vaisseaux dont se compose le segment veineux du
cercle circulatoire chez les divers Gastéropodes , je crois inutile
de m'y arrêter ici, et je me bornerai à indiquer quelques-unes
des sources où il faudrait puiser pour obtenir de plus amples
renseignements à ce sujet, ou pour trouver une description plus
complète des autres parties de l'appareil irrigatoire de ces Mol-
lusques.
On doit à M. Huxley, professeur de zoologie à l'École des système veineux
mines, en Angleterre, des observations intéressantes sur la cir- Fh-oics.
culation lacunaire chez les Firoles et les Atlantes, où la transpa-
rence des tissus permet de constater de visu la route suivie par
le sang dans l'organisme vivant (1). 31. Leuckart est arrivé à
des résultats analogues en étudiant divers Mollusques de la
même famille , et ce naturaliste distingué a reconnu que l'ap-
pareil circulatoire n'affecte la forme tubulaire que dans la por-
tion basilaire du segment artériel (2).
logue du réservoir urinaire dont il ces singuliers Mollusques , et le tube
sera question ailleurs (a). alimentaire, ainsi que le système ner-
(1) Chez les Firoles, le mode de veux, y baigne. M. Huxley a vu aussi
distribution des artères est à peu près très distinctement le sang circuler
le même que celui indiqué ci-dessus dans tous les espaces existants entre
chez la Carinaire ; mais , ainsi que je les intestins et les parois de la cavité
l'ai déjà dit, les principaux vaisseaux, viscérale; il n'a pu découvrir nulle
au lieu de se ramifier comme d'ordi- part la moindre trace de veines, et il
naire, sont tronqués et se terminent ajoute : « Fiioloides ihen alTords the
par des orifices contractiles d'où le sang » most complète ocular démonstration
s'échappe dans les lacunes voisines, » of the truth of M. JMilne Edwards's
disposition qui semble devoir offrir de » views with regard to the nature of
l'analogie avec celle que l'aorte ce- » the circulation on the Mollusca that
phalique nous a présentée chez les » can possibly be desired (6). »
Haliotides , etc. Le sang veineux tra- (2) M. Leuckart a confirmé le fait
verse librement la grande cavité qui de la circulation du sang à travers
occupe la presque totalité du corps de la grande cavité du corps et dans les
(a) R. Leuckait, Op. cit. (Zool. Untcrsuch., Heft III, p. 55).
(ft) Huxley, On the Moi-phology of the Cephalous Mollusca as illustrated by the Anatonuj o\
certain Heteropoda and Pteropoda collected during the Voyage of H. M. S. Rattlesnake in 1846-
1850 (Philos. Trans., 1853, p. 32).
^52 CIRCULATION DU SANG
systèm™e„x , Les observations de M. Quatrefages sur l'état plus ou moins
Éoiides. dégradé de l'appareil circulatoire chez les Éolidiens ont été le
point de départ de beaucoup de recherches anatomiques sur ce
groupe de Mollusques et sur les genres voisins (1). Un jeune chi-
rurgien de la marine de beaucoup de mérite, M. Souleyet, a
fait voir que cette dégradation est moins grande qu'on ne le
pensait d'abord, et a très bien décrit le système de canaux
branchio-cardiaques qui chez ces Animaux ramène le sang des
organes de la respiration au cœur ; mais à son tour il est tombé
dans des exagérations contraires, lorsqu'il a affirmé que le
système veineux des Éolidiens était composé de vaisseaux
semblables à ceux des Animaux supérieurs (2). Eniin, le même
lacunes intcrorganiques de la niasse
viscérale , chez les Firoles ; mais ce
naturaliste pense qu'une portion du
sang rentre de ces cavités clans le
cœur sans aller aux branchies, et qu'il
ne fait qu'osciller dans ces derniers
organes , où il n'y aurait qu'un seul
vaisseau (a).
Dans le genre Atlante , qui appar-
tient aussi à l'ordre des Hétéropodes,
la disposition du cœur et des artères
est à peu près la même que chez les
Carinaires, et M. Huxley a vu le sang
veineux revenir vers le cœur en tra-
versant la cavité, viscérale, dont la ca-
pacité est très considérable (6).
(1) M. de Quatrefages a été le pre-
mier à signaler l'existence d'une cir-
culation extra-vasculaire chez les Gas-
téropodes, et, bien qu'il ait cru d'abord
à une dégradation plus grande que
celle existant réellement chez les Éoli-
diens, le service qu'il a rendu ainsi à
la science est très considérable.
(2~) Dans un de ses premiers écrits
sur ce sujet, Souleyet avait annoncé
l'existence de veines qui porteraient
le sang des viscères, etc., aux bran-
chies , et notamment la présence de
deux de ces vaisseaux qui rappor-
teraient le sang de la masse buc-
cale et qui seraient des satellites de
Tarière aorte (c) ; mais l'examen
des préparations anatomiques sur
lesquelles il se basait m'a convaincu
que ces prétendus vaisseaux san-
guins n'étaient en réalité que des
brides membraneuses. MM. Hancock
et Embleton décrivent sous le nom de
veines les vaisseaux branchio - car-
diaques ; mais ils reconnaissent que
dans le système sous-tégumentaire
(a) Leuckart, Zoologische Untersuchungen, drilles Heft, 1854, p. 53 et 54.
(6) Huxley, Op. cit. (Philos. Tram.', 4853, p. 37, pi. 3, fig. 2, 3, 4).
(c) A. von Nordmann, Versuch einer Monographie des Tergipes Edwardsii (Mém. de l'Acad.
des sciences de Saint-Pétersbourg , Savants étrangers, t. IV, et Ami. des sciences nat., 1846 ,
3« série, t. V, p. i-10).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 153
sujet a été traité par M. Nordmann (1) et par M. Blanchard,
dont j'ai déjà eu l'occasion de citer les travaux (2).
ces canaux communiquent avec les
sinus interorganiques (a). Enfin, dans
leur dernier ouvrage, MM. Hancock
et Aider disent qu'il leur a été impos-
sible de bien déterminer la roule sui-
vie par le sang pour aller des artères
dans ces vaisseaux branchio-cardia-
ques (qu'ils nomment toujours des
veines ) , mais qu'ils sont convaincus
que cela a lieu comme chez les autres
Nudibranches (b). Or, voici comment,
dans le même ouvrage, ils s'expliquent
sur ce mode de circulation : « Chez
» les Éolidiens, disent-ils, tout le sang
» envoyé aux divers organes passe
» dans 1rs grands sinus abdominaux
» ou espaces interviscéraux, et de là
» pénètre dans le tissu cellulaire de la
)) peau pour aller en partie aux pa-
» pilles branchiales, et retourner en-
» suite au cœur par des veines effé-
» renies qui se réunissent pour former
» trois gros troncs . lesquels débou-
» client dans l'oreillette et reçoivent
» aussi le sang qui arrive des sinus au
» tissu cellulaire sous- cutané aussi
» bien que le sang qui a respiré dans
» les branchies (c). »
Ainsi tous les observateurs, à l'ex-
ception de M. Souleyet, sont aujour-
d'hui d'accord pour admettre que
chez les Éolidiens le sang veineux
passe dans les lacunes interorganiques,
question que la commission chargée
de l'examen des travaux de MM. Qua-
trefages et Souleyet avait cru devoir
laisser indécise (cl).
(1) M. Nordmann se prononce de
la manière la plus positive sur le fait
de la circulation veineuse lacunaire
chez son Tergipes Edwardsii ; mais,
en citant ses observations sur ce point,
je dois faire toutes réserves au sujet
des opinions émises par ce zoologiste
sur le mécanismede la circulation et sur
plusieurs autres points de la physiolo-
gie et de l'anatomie des Éolidiens (e).
(2) Voici dans quels termes cet ana-
tomiste si habile dans l'art des injec-
tions s'exprime a ce sujet , en parlant
des Éolidiens du genre Janus : « Le
» sang conduit aux organes par les ar-
» tères, s'épanche ici, comme chez tous
» les Gastéropodes, dans la cavité gé-
» néraledu corps et dans tous les méats
» intermusculaires. Il pénètre ainsi
» dans les cirrhes branchiaux, où il
» existe un véritable canal, le rameau
» hépatique. Mais ce canal afférent des
» branchies , très distinct du réseau
» quand l'injection y a pénétré, offre
» sur tout son trajet des branches qui
» ne sont limitées également que par
» les muscles et tous les tissus envi-
» ronnants. Le sang, ayant de la sorte
» pénétré dans les organes respira-
» loires , est repris ensuite par un
» système de vaisseaux efférents (/"). »
(a) Souleyet, Observations anatomiques sur les genres Actéon, Eolide, etc. (Comptes rendus,
1845, t. XX, p. 81).
(b) Hancock et Embleton, On the Anatomy of Eolis (Ann. of Nat. Hist , 1848, new séries,
vol. I, p. 101).
(c) Aider et Hancock, Monogr. of the Brit. Nitdibr. Moll., Fam. 3, genre 13 ; 6° page du texte
dépendant de la pi. 7, fam. 3.
(d) Op. cit., p. 15.
(e) Is. Geoffroy Saint-Hilairc, Rapport sur plusieurs Mémoires, etc., relatifs aux Mollusques
Gastéropodes dits Phlébentérés (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1851, t. II, p. 41).
(f) Blanchard, Organisât, des Opisthobranches (Ann. des se. nat., 1849, 3° série, t. XI, p. 85).
des
Oscabrions,
Planorbes, etc.
154 CIRCULATION DU SANG
> - Le système irrigatoire des Oscabrions a été étudié avec
beaucoup de soin par M. Middendorff (1).
Le professeur von Siebold s'est également convaincu de
l'absence de veines à parois propres chez l'Agrion (2), et
M. Moquin-Tandon a observé directement la circulation du
fluide nourricier dans la cavité abdominale des Planorbes ,
ainsi que la manière dont les viscères y baignent (3). Enfin,
on doit aussi à M. Franz Leydig un travail approfondi sur l'ap-
pareil circulatoire de la Paludine vivipare , et la figure sché-
matique qu'il en a donnée montre mieux peut-être que toute
autre l'ensemble de vaisseaux et de lacunes à l'aide desquels
l'irrigation physiologique s'effectue chez les Gastéropodes (4).
(1) Les recherches de M. Midden-
dorff sur les Oscabrions (a) sont éga-
lement confirmatives des résultats que
j'avais publiés quelques années aupa-
ravant sur l'état lacunaire d'une por-
tion plus ou moins considérable du
système veineux chez tous ces Ani-
maux. Il a trouvé que le grand sinus
artériel de la tête communique non-
seulement avec l'artère gastrique et
les canaux latéraux du pied, mais
débouche aussi directement dans deux
grands canaux veineux situés parallè-
lement aux précédents, à la base des
branchies, et fournissant le sang à ces
organes. De grandes lacunes veineuses
s'élèvent aussi en forme d'arcs trans-
versaux des sinus latéraux sur la ré-
gion dorsale du corps , et dans toutes
ces cavités les parois paraissent être
formées, non par une membrane con-
tinue et distincte des parties voisines,
mais par celles-ci et le tissu connectif
qui les revêt. Le sang, après avoir tra-
versé les blanchies qui occupent les
deux côtés du corps , passe dans un
canal branchio- cardiaque, puis dans
les oreillettes , et chacun de ces or-
ganes , comme nous l'avons déjà dit,
le verse dans le ventricule unique par
deux orifices, l'un antérieur et l'autre
postérieur.
(2) Siebold et Stannius, Nouveau
Manuel d'anat. comp. , t. I, p. 325
et 326.
(3) Moquin-Tandon, Observ. sur le
sang des Planorbes (Ann. des sciences
nat., 1851, 3e série, t. XV, p. U9).
{Il) Leydig, Ueber Paludina vivi-
para, ein Beitrag zur nahern Kennt-
niss dièses Thieres in embnjologis-
cher , anatomischer and histologis-
cher Beziehung ( Zeitschr. fur wis-
sensch. Zoologie, 1850, Bd. II, p. 169,
pi. 13, fig. 69).
J'ajouterai que , d'après les figures
et la description un peu vague que
M. Délie Chiaje a données de l'appareil
circulatoire du G aster opter on Mec-
kelii, il est probable que les canaux
(a) Middendorff , Op. cit. (Mm. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 6e série, Sciences naturelles,
t. VI, p. 133, pi. 8,%. 5, etc.).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 155
§ 15. — Cet état lacunaire du système veineux, et Hmper- c™ication
fection que nous avons rencontrée parfois dans la portion ter- systèmevemeux
minale du système artériel, ne sont pas les seuls indices de l'extérieur.
dégradation qui se remarquent dans l'appareil circulatoire des
Gastéropodes; d'après des observations qui deviennent chaque
jour plus nombreuses , il n'est guère permis de douter de
l'existence de communications directes entre les réservoirs san-
guins et l'extérieur chez plusieurs de ces Mollusques, commu-
nications à l'aide desquelles une certaine quantité d'eau pour-
rait pénétrer directement dans ces cavités et s'y mêler au
Huide nourricier, ou bien une portion de celui-ci s'échapper de
l'organisme quand l'Animal éprouve le besoin de diminuer
considérablement le volume total de son corps, Des phéno-
mènes de cet ordre ont été vus chez des Gastéropodes dont les
tissus sont assez transparents pour permettre à l'observateur
de suivre de l'œil tous les mouvements du sang dans l'intérieur
de l'organisme, et la communication du système irrigatoire
avec l'extérieur a été constatée expérimentalement chez d'au-
tres espèces dont les téguments opaques s'opposent au genre
d'exploration dont je viens de parler.
Ainsi MM. H. Millier et Gegenbaur ont trouvé chez les
Phyllirhoés, Mollusques pélagiques de l'ordre des Hétéropodes,
dont les tissus sont d'une grande transparence et dont l'organi-
sation est très simple, un vaste sac membraneux et contractile
qui paraît être l'analogue du corps de Bojanus, ou appareil
urinaire dont il a été déjà question chez les Lamellibranches ,
et qui communique, d'une part, avec l'extérieur, à l'aide d'un
veineux du pied de ce Mollusque sont des figures de ces canaux, mais sans
pour la plupart de simples lacunes préciser davantage le trajet suivi par
et débouchent dans la cavité abdo- le sang (b).
minale (a). Souleyet a donné aussi
(a) Délie Chiaje, Bescriz. et nolom. degli Anhn. invertebr., t. 11, p. 87, pi. 55, 0e, 4.
(6) Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., t. 11, p. 46:>, pi. 26, %. 13.
156
CIRCULATION DU SANG
orifice contractile, et, d'autre part, avec la chambre péricar-
dique : or, ils ont reconnu que cette dernière cavité fait partie
du grand système de réservoirs veineux (1).
M. R. Leuckart a aperçu une disposition analogue chez les
Firoles , où un sac contractile, situé tout à côté du cœur, com-
munique avec l'extérieur par un grand orifice cilié , et exécute
(1) Ce sac bojanien, que MM. Quoy
et Gaimard avaient considéré comme
élant probablement un utérus (a), et
que Souleyet a décrit sommairement
comme étant un sinus veineux dorsal
analogue au sinus branchio-cardiaque
des Éolidiens (6), débouche au dehors
par un orifice garni de cils vibratiles
entouré de fibres musculaires annu-
laires et situé sur le côté du corps, à
quelque distance de l'anus. Antérieu-
rement il se termine par un col étroit
qui est également pourvu tant de
fibres musculaires constricteurs que
de cils vibratiles, et qui débouche à la
partie postérieure du sac péricar-
dique. Cette disposition, signalée par
M. R. Leuckart (c), a été étudiée avec
beaucoup de soin par MM. H. Millier
et Gegenbaur. Ce grand réservoir
a des mouvements pulsatiles qui ne
correspondent pas à ceux du cœur, et
il est rempli d'un liquide aqueux dans
lequel on n'aperçoit pas de corpuscules
organiques semblables aux globules
du sang. Le sac péricardique , dans
lequel il débouche, est au contraire
occupé par du sang, et communique
sur divers points avec la cavité géné-
rale du corps, laquelle est aussi un
sinus veineux. Le cœur baigne donc
dans le sang (ainsi que cela se voit
aussi chez les Crustacés ) , mais il
n'existe aucune communication directe
entre son intérieur et celle du sinus
péricardique , de sorte que l'eau qui
arrive directement du dehors dans le
sac bojanien, et qui passe de cet or-
gane dans le péricarde, où elle se mêle
avec le sang, ne pénètre pas immé-
diatement dans le système artériel ,
et ne peut que se répandre dans les
lacunes veineuses voisines ou dans le
grand réservoir formé par la cavité
générale du corps. MM. Gegenbaur
et II. Millier considèrent ce sac comme
étant un organe excrétoire compa-
rable à l'appareil urinaire des autres
Mollusques , mais servant aussi à in-
troduire de l'eau du dehors dans les
cavités veineuses (d).
J'ajouterai que ces naturalistes n'ont
aperçu aucune trace de vaisseaux pro-
prement dits pour effectuer le retour
du sang distribué au loin dans l'éco-
nomie par les artères qui partent du
ventricule du cœur, et qui paraissent
être disposées à peu près comme chez
les Firoles.
[ (a) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Zool., 1830, t. II, p. 405, pi. 28, iig. 10.
(b) Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., t. II, p. 403, pi. 24, fig. 3.
(c) R. Leuckart, Nachtrdgliche Bemerkungen ûber den Bau von Phyllirhoe (Archiv fur Natur-
geschichte, 1853, t. I, p. 250).
(d) H. Millier et Gegenbaur, Ueber Phyllirhoe bucephalura (Zeitschrift fur wissenschaftliche
Zoologie, 1854, t. V, p. 364 et suiv., pi. 19, fig. 1 et 5).
CHEZ LES MOLLUSQUES GASTÉROPODES. 157
souvent des mouvements de diastole et de systole, niais qui
d'ordinaire, tout en recevant de l'eau à chaque dilatation , n'en
expulse pas au dehors au moment de sa contraction. M. Leuc-
kart pense que ce sac est, de même que le réservoir bojanien
desPhyllirhoés, un organe bojanien dont la cavité communique
avec la poche péricardique et verse de l'eau dans les sinus Vei-
neux avec lesquels cette cavité communique (1).
Un mode d'organisation qui se rapproche beaucoup de ce
que nous venons de voir chez ces divers Hétéropodes, a été
découvert chez un Gastéropode ordinaire par M.' Leydig. Cet
anatomiste a trouvé que le sac bojanien qui est logé sous la
voûte de la chambre respiratoire, et qui y débouche par un
orifice particulier, est aussi en connexion avec les cavités vei-
neuses voisines du cœur (2).
Enfin , dans cette classe , de même que dans celle des Mol-
lusques Acéphales, des communications entre le système irriga-
(1) Le sac bojanien des Firoles est sphincters. Cet anatomiste a reconnu
situé entre le rectum et le cœur ; il se des globules du sang dans le liquide
contracte et se dilate alternativement, aqueux dont le réservoir en question
et se remplit à chaque instant d'eau est rempli, et il a vu que les injections
qui y pénètre par un orifice placé du à la gélatine y arrivent très facilement
côté droit du corps , et il baigne dans du système des cavités veineuses ;
le sang veineux (a). M. Leuckart enfin il a vu aussi les vaisseaux san-
pense que ce réservoir contractile guins voisins se vider brusquement
communique intérieurement avec le quand on vient à ouvrir ce réser-
cœur , dont l'oreillette a des parois voir (c).
trouées (b). Il est aussi à noter qu'en injectant
(2) Je reviendrai ailleurs sur cet le système veineux lacunaire des Do-
appareil rénal , et je me bornerai à ris , j'ai souvent vu le liquide coloré
ajouter ici que, d'après M. Leydig, il sortir par le pore rénal; mais je
y aurait au fond du sac bojanien plu- m'expliquais ce fait en supposant que
sieuis orifices donnant dans la cham- quelque rupture s'était produite dans
bre péricardique et garnis de fibres les parois des canaux veineux de la
musculaires disposées en forme de glande urinaire.
(a) Huxley, Op. cit. (Philos. Trans., 1853, p. 33, pi. 2, ûg. 2, 3 c;.
(b) Louckart, Beitr. zur Naturgesch. de)' Cephalophoren (Zool. Untersuchujigen, t. III, p. 57),
(c) Leydig, Ueber Paludina vivipara (Zeitschi'. fur wissensckaftl- Zool., 1850, t. II, p . 176).
158 CIRCULATION DU SANG
toire et l'extérieur paraissent pouvoir s'établir quelquefois par
d'autres voies. Ainsi M. Agassiz a reconnu que le pore situé
vers le milieu du pied, chez les Gastéropodes du genre Pyrule,
est l'orifice d'un canal rameux en continuité avec le système
veineux général (1).
îl paraîtrait donc que chez divers Gastéropodes, de même
que chez certains Mollusques Acéphales et beaucoup de
Zoophyles, l'appareil irrigatoire n'est pas complètement fermé
et peut communiquer plus ou moins directement avec l'exté-
rieur, disposition dont l'existence a été annoncée il y a une
douzaine d'années par un naturaliste très habile de la Belgique,
M. Van Beneden, mais n'avait pas été suffisamment prouvée par
cet auteur (2). Le nom de système aquifère , que M. Délie
Chiaje a donné à une portion du système veineux, se trouve
donc justifié jusqu'à un certain point ; mais, dans l'état actuel
de la science, je ne vois aucune raison pour admettre avec ce
naturaliste distingué qu'il y ait chez les Mollusques un système
particulier de tubes destiné à contenir l'eau absorbée ainsi du
dehors (3).
(1) Cet orifice pédieux est assez de M. Délie Chiaje » , et que l'eau
grand pour recevoir un tuyau de peut pénétrer dans les réservoirs vei-
plume , et les ramifications du canal neux (notamment la grande cavité
qui en part se terminent librement péri-intestinale) par des orifices di-
dans la cavité abdominale. M. Agassiz rects situés clans diverses parties du
s'est assuré qu'une injection colorée corps , par exemple dans l'organe de
introduite par cette voie pénètre très Bojanus. Ces vues, présentées sous
facilement dans les autres parties du forme de propositions, n'ont pas été
système veineux (a). développées par cet auteur (6).
(2) M. Van Beneden a été conduit à (3) Il règne dans les écrits des natu-
penser qu'il y avait cliez divers Mol- ralistes une grande confusion au sujet
lusques « une véritable fusion du sys- de ce que M. Délie Chiaje nomme
tème veineux avec le système aquifère l'appareil aquifère ou hydropneuma-
(a) Agassiz, Ueber dus Wassergefâss-System der Mollusken (Zeilschrift fur whsenschafll. Zoo ■
loyie, 1856, t. VII, p. 176).
(b) Van Beneden, Sur la circulation dans les Animaux inférieurs (Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, 1845, t. XX, p. 517).
Classe
des
CHEZ LES MOLLUSQUES PTÉROPODES. 159
§ 16. — Nous ne savons que peu de chose au sujet de la
circulation du sang chez les Ptéropodes. On a trouvé chez tous ptérop'odes
ces petits Mollusques Pélagiens un cœur composé d'un ventri-
cule et d'une oreillette situés un peu sur le côté, vers la partie
tique des Mollusques; et, pour pou-
voir discuter utilement la question de
l'existence ou de l'absence de commu-
nications directes entre le système
sanguin et l'extérieur , il est néces-
saire d'en dire quelques mots.
Vers 1825, M. Délie Chiaje annonça
l'existence d'un système de canaux
aquifères dans le corps de quelques
.Mollusques Gastéropodes, et notam-
ment du grand Triton de la Méditer-
ranée , et quelques années après il
publia un Mémoire spécial sur cet
appareil chez les Annélides et les
Zoophytes, aussi bien que chez les
Mollusques; puis il revint sur le
même sujet, d'abord dans son Manuel
d'anatomie comparée, et ensuite dans
son grand ouvrage Sur les Animaux
sans vertèbres de Naples , où il mo-
difie en partie ses premières vues (a).
Ce qu'il appela le système aquifère
du Triton et des autres Gastéropodes
consiste en deux choses : 1° des ca-
naux qui sont creusés dans la masse
charnue du pied et qui communiquent
avec la cavité abdominale (6) ; 2° en
une cavité qui débouche au dehors
par un orifice situé sous l'intestin
rectum, et qu'il supposait conduire
également dans la cavité abdominale.
Mais les canaux du pied ne sont autre
chose qu'une portion du système vei-
neux , et l'orifice extérieur dont il
vient d'être question en dernier lieu
est celui du sac membraneux qui
renferme les organes urinaires ou
analogues du corps de Bojanus. Or,
chez le Triton, je crois pouvoir affir-
mer que ce sac ne débouche point
dans la cavité abdominale et se trouve
fermé au bout, absolument comme la
poche que Cuvier a appelée le sac de
la viscosité chez le Colimaçon.
Là, par conséquent, il n'existe pas
de système hydropneumatique; mais
nous venons de voir que chez les
Firoles, les Phyllirhoés, et peut-être
aussi chez les Limnées , des dépen-
dances de ce réservoir rénal ou sac
bojanien paraissent communiquer avec
le système veineux, de façon à consti-
tuer la portion vestibulaire d'un ap-
pareil hydraulique dont la portion pro-
fonde serait représentée par le système
irrigatoire sanguifère.
L'appareil aquifère ou respiratoire
interne de l'Aplysie , que M. Délie
Chiaje signale dans son premier Mé-
moire , et qu'il décrit avec plus de
détails dans son dernier ouvrage ,
n'est autre chose que la cavité abdo-
minale et la portion périphérique du
système veineux lacunaire de ces Mol-
(a) Dcllc Chiaje, Su di un nuovo apparato di canaliper la circolazione dell'aque nelle interne
vie del corpo dei Molluschi Gasteropodl Testacei (Giorn. medico Nap., 1825).
■ — Memorie sulla stona e notomia degli Anim. sema vertebr. del regno diNapoli, t, II, p. 259
<ît suiv., 1825 (ou plutôt 1828).
— Inslituzioni di anatomia e physiologia comparativa, 1832, t. I, p. 278.
[b) Iielle Chiaje, Memorie, t. II, p. 260.
160 CIRCULATION DU SANG
postérieure du dos , donnant naissance par sa partie anté-
rieure à une artère aorte, et recevant le sang des organes res-
piratoires par un vaisseau branchio-cardiaque bien constitué.
Enfin, d'après quelques expériences faites sur des Pneumo-
dermes conservés dans l'alcool , il paraîtrait qu'ici, de même
que dans les autres classes de Mollusques dont j'ai déjà parlé,
la cavité abdominale fait partie du système veineux et commu
nique librement avec les canaux afférents des brancbies (1). La
lasques. En 1835 , M. Van Beneden
avait annoncé qu'il croyait avoir re-
connu une véritable fusion du sys-
tème veineux de l'Aplysie avec le sys-
tème aquiière de M. Délie Chiaje (a).
Mais ce dernier anatomiste n'adopta
pas celte opinion ; il décrit toujours
la cavité abdominale de ces Animaux
comme appartenant à leur système
aquifère, et, quant au mode de circu-
lation du sang chez les Mollusques ,
il déclare formellement ne pouvoir se
l'expliquer : « La circolazione venosa
» délie Aplisie , dit-il , e stata (inora
» un problema ed ancora per me
» d'impossibile soluzione (b). » Or,
j'ai fait voir ci-dessus que la chambre
viscérale de ces Gastéropodes fait par-
lie intégrante du système veineux (c) ,
et, quant aux communications directes
de ce système avec l'extérieur, je n'en
vois aucune trace.
Le système aquifère que M. Délie
Chiaje décrit sur les Téthys (d) , et
qu'il considère comme distinct du
système circulatoire , n'est aussi
qu'une portion du réseau lacunaire
veineux (e).
Enfin, les parties que ce naturaliste
considérait comme représentant son
système aquifère chez les Acéphales,
sont, d'une part, les lacunes vei-
neuses du pied chez les Lamelli-
branches, et, d'autre part, la cavité
pharyngienne et le cloaque chez les
Salpa (f).
Quant aux divers organes que
M. Délie Chiaje désigne sous le nom
d'appareil aquifère , chez les Cépha-
lopodes, nous y reviendrons à la fin
de cette Leçon.
(1) Lorsque M. Valenciennes et moi
avons annoncé ce résultat, nous n'a-
vions pu étudier l'appareil circulatoire
des Ptéropodes que sur quelques indi-
vidus conservés dans l'alcool (g) ;
mais, plus récemment, M. Uuxley a
eu l'occasion d'observer plusieurs de
(n) Van Beneden, Résultats d'un voyage fait sur les bords de la Méditerranée (Comptes rendus
de l'Acad. des sciences, 1835, t. I, p. -230).
(b) Délie Chiaje, Descrizione e notomia degli Animali invertebr. délia Sicilia citeriore, t. II, p. 71 .
(c) Voyez ci-dessus, page 126.
{d) Délie Chiaje, Op. cit., t. II, p. 36.
(e) Milne Edwards, De l'appareil circulatoire de la Téthys (Voyage en Sicile, t. I , p. 1 40 et
sniv ).
(f) Délie Chiaje, Memorie sugli Animali s enza vertèbre, t. II, p. 269.
(y) Milne Edwards et Valenciennes , Nouvelles observations sur la constitution de l'appareil
circulatoire chez les Mollusques (loc. cit.).
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 161
constitution de l'appareil circulatoire des Ptéropodes semble
donc être la même que chez les Gastéropodes (1). C'est chez
les Hyales que la disposition des gros troncs artériels a été le
mieux observée (2).
§ 17. — Dans la classe des Céphalopodes, l'appareil de la
circulation offre , en général , un nouveau degré de perfection-
nement. Chez tous les Mollusques dont il a été question jus-
qu'ici , le sang mis en mouvement par les contractions du cœur
Classe
des
Céphalopodes.
ces Mollusques à l'état vivant , et il
n'a pu apercevoir aucune trace de
veines proprement dites (a).
(1) Souleyet pense que chez les
Cléodores , les Cuviériës et les Spi-
nales, l'oreillette communique avec
une poche pyriforme qui adhère au
manteau et qui serait une espèce
de diverticulum destiné à recevoir le
sang pendant que le premier de ces
organes est en repos (b) ; mais je crois
qu'il doit y avoir là quelque erreur
d'observation , et que la poche en
question ne communique qu'avec le
péricarde, comme cela se vo.it pour la
poche de Bojanus chez les Lamelli-
branches et la poche hyaline des Hété-
ropodes, et le sac pulsatile des Doris,
mentionné ci-dessus (page 156). En
efièt, ce réservoir ne me paraît pas
devoir être autre chose que la poche
diaphane observée par M. Huxley, la-
quelle débouche dans la cavité du
manteau par un petit orifice (c), et
communique en général , d'autre
part , avec la cavité du péricarde.
M. Gegenbaur a trouvé que chez tous
les Ptéropodes, excepté les Pneumo-
dermes , la disposition de cet organe
est essentiellement la même que chez
les Hétéropodes (d).
(2) Cuvier a constaté l'existence
d'un cœur chez VHyale, à droite, vers
le tiers postérieur de l'abdomen (e).
M. Van Beneden a vu que cet organe
se compose, comme d'ordinaire, d'une
oreillette et d'un ventricule; il a ajouté
aussi quelques détails sur la direction
de l'aorte et des vaisseaux branchio-
cardiaques (f). Enfin Souleyet a donné
de cet appareil une figure meilleure
que celles publiées par les deux ana-
tomistes que je viens de citer [g).
Dans le Clio, le cœur est placé à
peu près de même et donne naissance
à une aorte que Cuvier a décrite sous
le nom de veine branchiale (h). Il est
aussi à noter que le réseau vasculaire
(a) Huxley, Op. cit. (Philos. Trans., 1853, p. 42).
(b) Souleyet, Voyage de la Bonite (Hist. nat., t. II, p. 62).
(c) Huxley, Op. cit. (Philos. Trans., 1853, p. 42).
(d) Gegenbaur, Kolliker et H. Millier, Bericht ûber einige im Herbste 1 852 in Messina angestellte
vergleichend-anatomische Untersuchungen (Zeilschr. furwissensch. Zool., 1853, t. IV, p. 309).
(e) Cuvier, Mém. concernant l'anatomie de l'Hyale, p. 5 (Mém. sur les Mollusques, et Ann. dit
Muséum, 1-804, t. IV).
(f) Van Beneden, Mém. sur l'anatomie des genres Hyale, Êliodore. et Cuviérie (Exercices
zootomiques, p. 43, pi. 3, fig. 1 , et Mém. de l'Acad. de Bruxelles, t. Xlt).
(g) Souleyet, Op. cit., t. II, p. 120, Atlas, Mollusques, pi. 9, fig. 3 et 4.
(h) Cuvier, Mém, sur le Clio borealis, p. 8 (Mém. sur les Mollusques, et Annales du Muséum
1802, I. I).
III.
11
162 CIRCULATION DU SANG
est envoyé dans toutes les parties du corps. Ce cœur est donc,
pour me servir du terme communément employé par les phy-
siologistes, un cœur artériel , et le passage du fluide nourricier
dans l'appareil branchial n'est assuré que par un effet indirect
ou secondaire de cet agent. Mais, chez la plupart des Cépha-
lopodes, il n'en est plus de même : la division du travail s'établit
entre la portion nourricière et la portion respiratoire de l'appa-
reil de la circulation ; le sang est toujours mis en mouvement
dans les canaux irrigatoires de l'ensemble de l'économie par le
cœur artériel ; mais un autre organe d'impulsion vient accélérer
et régulariser sa marche à travers chacune des branchies. 11
y a donc là des cœurs branchiaux aussi bien qu'un cœur aortique.
Mais cette complication nouvelle de l'organisme n'existe que
chez les Céphalopodes dibranchiaux qui , du reste , sont les
principaux représentants de ce type ivlalacologiquc , et chez les
Nautiles il n'y a , de même que chez les Gastéropodes , qu'un
cœur aortique.
Il est essentiel de noter aussi que, dans la classe des Cépha-
lopodes, le système veineux est constitué d'une manière beau-
coup plus parfaite que chez les autres Mollusques ; une portion
de ce système est toujours formée par des méats interorga-
niques, mais dans la plus grande partie de son étendue il revêt
la forme de tubes membraneux à parois indépendantes des
que cet anatomiste avait cru aper- avait cru apercevoir un renflement
cevoir dans les nageoires de ce Mol- en forme de bulbe sur le trajet de
lusque ne consiste, comme l'a constaté l'aorte (6); mais, d'après les obser-
M. Eschricht, qu'en une réunion de valions deSouleyet, cette disposition
faisceaux musculaires (a). Les véri- n'existerait pas (c). Chez les Cléodores,
tables vaisseaux branchio-cardiaques le ventricule du cœur est situé devant
sont situés , comme d'ordinaire, der- l'oreillette (d).
rière l'oreillette. M. Van Beneden
(a) Eschricht, Analomische Unlersuchungen iiber die Clione borealis. In-4, Copenh., 4 838 .
(6) Van Beneden, Rech. ahat. sur le Pneumoderme violacé (Exercices zootomiques, p. 49, ci
Mém. de l'Acad. de Bruxelles, l. XI).
(c) Sonleyet, Voyage de la Bonite(Hist. Mai., t. II, p. 264).
(d) Huxley, Morphol. of Cephalous Mollusca (Philos. Trans., IRTi.0., p. 42).
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPOPES. 1C3
parties voisines , et se compose par conséquent de vaisseaux
proprement dits.
Le cœur artériel, que l'on peut toujours considérer comme le cœur artériel,
centre de l'appareil irrigatoire, est situé dans une poche mem-
braneuse (t) sur la ligne médiane, et occupe la face inférieure
de la région abdominale du corps. En se rappelant la position
de cet organe chez les Lamellibranches , on pourrait donc
croire au premier abord qu'ici ses connexions anatomiques
ne sont plus les mêmes que chez ces Mollusques inférieurs;
mais les différences sont plutôt apparentes que réelles et dé-
pendent seulement de la manière dont le corps est recourbé.
Nous avons déjà vu que pour ramener le plan organique des
Gastéropodes à celui de ces Lamellibranches, il fallait supposer
le corps de ceux-ci recourbé obliquement en dessus, de façon
à placer le rectum et l'anus au-dessus du dos (2). Chez les -
Céphalopodes, c'est le contraire : la courbure s'est effectuée du
côté vertical, et c'est à la face inférieure de l'abdomen que le
canal intestinal vient aboutir. Or, le cœur semble avoir suivi le
mouvement opéré par le rectum, et par suite de ce déplace-
ment, sans changer ses rapports avec cet organe, être venu se
(1) Le péricarde des Céphalopodes est vrai, n'avait trouvé aucune sépa-
est intimement uni aux lames mem- ration entre eux, chez le Nautile (a);
braneuses qui constituent le péritoine mais les recherches plus récentes de
et qui forment les deux grandes poches M. Valenciennes montrent que la
urinaires que Cuvier désignait sous le chamhre péricardique est complète-
nom de sacs veineux, parce que les ment fermée (6) et ne se continue
corps spongieux des troncs veineux y pas dans le siphon qui traverse les
sont logés. Il ne paraît pas y avoir, diverses chambres dont la coquille de
comme chez quelques Lamellibran- ce Céphalopode est pourvue, ainsi que
ches et plusieurs Gastéropodes, des l'avait supposé Buckland (c).
communications entre ces sacs et la (2) Voyez tome II, page 80.
cavité du péricarde. M. Owen , il
(a) Owen, Mem. on the Pearly Nautilus, p. 32.
(6) Valenciennes, Nouvelles recherches sur le Nautile flambé (Archives du Muséum, t. II, p. 283
et 301).
(c) Bucktaml, Geology and MinerdloQV considérai with Refermée io Kalwal Thêèlogy vol. 1,
p. 317.
lf)& CIRCULATION Dl SANG
loger au-dessous de sa portion terminale, à la face inférieure
de l'abdomen.
§ 18. — Le ventricule forme, comme d'ordinaire, la partie
principale du cœur: mais c'est à tort que beaucoup d'auteurs
le considèrent comme étant privé d'oreillettes. Si l'on dissèque
seulement des Animaux conservés dans l'alcool, on n'aperçoit,
il est vrai, aucune trace de ces derniers organes, et le ventri-
cule parait ne recevoir le sang que par une ou deux paires de
grosses veines branchiales ; mais si l'on étudie l'organisation
de ces Mollusques sur des individus vivants, sur une Seiche,
par exemple., il est facile de voir que ces canaux, dans leur état
normal, se dilatent en manière de réservoirs, et que leurs parois,
garnies de fibres musculaires, se contractent fréquemment pour
envoyer le sang dans le ventricule. Ce sont, par conséquent,
des oreillettes ; mais , en général, ils sont peu développés et
affectent la forme de gros vaisseaux. Chez le Nautile, où ces
canaux sont au nombre de quatre, ils ne paraissent pas suscep-
tibles d'une grande dilatation. Chez les Céphalopodes dibran-
chiaux, ils ne sont qu'au nombre de deux et sont souvent très
renflés, ce qui les rend fusiformes (1). Quoi qu'il en soit, ils
(1) Chez la Seiche , ces sinus vesti- Dans le Poulpe, ces réservoirs sont
bulaires, ou oreillettes, sont très déve- fusiformes et assez vastes (e).
loppés , et ont été désignés sous ce Dans l'Argonaute , ils ont la même
dernier nom par Swammerclam (a-), forme que chez le Poulpe (/").
Hunter (6) et plusieurs autres natu- Enfin, chez les Calmars, ils sont tout
ralisles (c) ; mais Cuvier les appelle àfaittubulaires; mais on y voit, chez les
veines pulmonaires (d). très jeunesindividus, despulsations(#).
(a) Swammerdam, Iliblia Naturœ, 1738, t. II, p. 892, pi. 52, %. 1.
(6) Hunter, in The Descript. and Illustrated Catalogue of the Physiol. Séries of Camp. Anat.
contained in the Muséum of the Collège of Surgeons, vol. II, p. 143, pi. 21.
(c) Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Anim. invertebr., t. I, pi. 42.
— Mayer, Analecten fur vergleichende Anatomie, 1835, pi. 5, fig, 1.
(d) Cirvier, Sur les Céphalopodes, et leur anatomie, p. 45 (Mém. sur les Molhisques).
(e) Monro, Anatomy of Fishes, 1785, pi. 42.
— Dolle Cliioje, loc. cit.
— Milne Edwards, Voyage en Sicile, pi. 11.
(/") Poli, Testacea utriusque Sicilien, 182G, t. III, p. 21, pi. 43, fig-, 4.
(g) Idem, Op. cit., pi. 18, p. 135.
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 165
se dirigent transversalement de la base des branchies vers le
ventricule , sur les côtés duquel ils débouchent. Les orifices
auriculo-ventriculaires sont toujours garnis de replis valvulaires
qui empêchent le retour du sang vers les branchies, et des
soupapes de même nature sont placées à l'origine des grosses
artères qui partent du ventricule. Ce dernier organe est très
développé et varie un peu dans sa forme ; mais il ressemble au
cœur des Lamellibranches plus qu'à celui des Gastéropodes, et,
de même que chez les premiers, il donne naissance à deux artères
principales : une aorte antérieure et une aorte postérieure. En
général, ses fibres musculaires se prolongent un peu sur la base
légèrement renflée de ces vaisseaux, qui se trouvent ainsi pour-
vus d'un bulbe contractile (1).
(1) Chez les Calmars, le ventricule
artériel est un peu fusiforme et dis-
posé d'une manière presque symé-
trique , suivant la ligne médiane du
corps. De chaque côté , il reçoit un
des troncs auriculaires , et , par ses
deux extrémités antérieure et posté-
rieure, il donne naissance aux deux
aortes : à l'aorte antérieure par devant,
et à l'aorte postérieure par derrière (a).
Mais, chez d'autres Céphalopodes, sa
conformation devient très irrégulière,
et les particularités que l'on y remar-
que semblent dépendre principale-
ment d'un mouvement de torsion par
suite duquel cet organe s'est placé
obliquement en travers, de telle sorte
que l'aorte postérieure naît du bord
antérieur du cœur entre l'insertion
des deux troncs auriculaires, et l'aorte
antérieure se trouve rejetée tout à fait
de côté. Ici le tronc auriculaire gau-
che, l'aorte postérieure, le tronc auri-
culaire droit, puis l'aorte antérieure,
naissent donc à peu près sur la même
ligne transversale , et le ventricule
s'élargit en dessous en forme de
panse (6).
Dans la Seiche, on remarque aussi
une courbure très forte du ventricule,
qui prend presque la forme d'une
cornemuse ; mais il n'y a pas de tor-
sion, comme chez le Poulpe, et l'aorte
postérieure naît, comme chez le Cal-
mar, du bord postérieur de cet or-
gane , ainsi que cela se voit très bien
dans la figure dessinée par Hunier et
publiée dans le Catalogue descriptif
du Musée du Collège des chirur-
giens de Londres (c) , après avoir
été insérée par E. Home dans un de
ses Mémoires {d).
(a) Voyez Treviranus, Beobacht. ans der Zootomie und Physiol., -1839, t. I, pi. 8, lig. 52.
— Voyez aussi la planche 19 de mon Voyage en Sicile, t. 1.
(b) Voyez le même ouvrage, pi. 11, ou l'Atlas du Règne animal, Mollusques, pi. 1 c.
(c) Hunter, in The Descriptive and Illustrated Catalogue of the Physiological Séries of Cpmp.
Anat. contained in the Muséum of the R. Collège of Surgeons in London, 1834, vol. II, pi. 22.
(d) Home, An Account of the Circul. in Vernies (Phil. Trans., 1817, pi. 1 et 2, et Lectures on
Comp. Anat., t. IV, pi. 44 et 45).
16G CIRCULATION Uli SANG
Ancres. § 19. — L'aorte antérieure, qui est la principale artère du
corps , fournit une paire d'artères palléales , puis plonge dans
la cavité abdominale à côté de l'estomac , longe ensuite l'œso-
phage, donne des ramuscules à ces organes, ainsi qu'au foie
et à l'entonnoir, pénètre dans la tête, et se bifurque pour se
terminer par autant de branches qu'il y a de bras ou tentacules
insérés autour de la bouche. L'aorte postérieure, qui est très
développée chez le Calmar, fournit des rameaux à l'intestin et
à la partie postérieure du manteau ; chez le Poulpe, elle est
au contraire très grêle , et il existe à la partie postérieure du
cœur un troisième tronc ou aorte accessoire qui se rend direc-
tement aux glandes reproductrices.
vaisseaux § 20. — Les canaux ou sinus auriculaires se continuent
branchio-car- , . , -, , , -, i • 1 • • 1
diaques. latéralement avec la veine branchiale , gros vaisseau qui longe
le bord inférieur et libre de la branchie dans toute son étendue,
et reçoit de chaque côté les branches efférentes fournies par
les nombreuses rangées de touffes vasculaires dont cet organe
se compose.
Dans le Nautile, le ventricule esta fices auriculo-ventriculaires sont for-
peu près quadrilatère et disposé sy- mées de deux replis semi-lunaires qui
métriquement , les deux paires de se renflent et se rapprochent quand
troncs auriculaires ou branchio-car- le fluide circulatoire les pousse de
diaques y débouchant latéralement ; dedans en dehors , mais se rabattent
mais le renversement est d'ailleurs quand le courant tend à s'établir des
complet, car c'est de son bord pos- branchies vers le cœur. Dans le Poulpe,
térieur que naît l'aorte antérieure, et deux valvules sigmoïdes semblables
l'aorte postérieure, ou petite aorte, aux précédentes garnissent l'entrée
part de son bord antérieur, comme on de la grande aorte (b) ; mais, chez les
peut s'en assurer par l'inspection des Calmars et les Onycoteuthes , on n'y
belles planches anatomiques publiées trouve qu'une valvule unique. La
par M. Owen (a). même disposition existe à l'orifice de
Les valvules qui garnissent les ori- l'autre tronc aortique (c).
(a) Owen, Memoir on the Pearly Nautilus. In-4, i 832, pL 5 et G (et aussi dans les Annales des
sciences nat., 1833, t. XXVHI, pi. 3, fig-. 1 et 2).
(6) Cuvier, Mém. sur les Céphalopodes, et leur anatomie, p. 22, pi. 3, fig-. 4 (Mêm. sur les
', Mollusques).
(c) Owen, Cephalopoda (Todd's Cyclop. of Anal, and Physiol., vol. I, p. 542, fig-. 227).
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 167
§ 21. — La disposition du système veineux des Céphalo- système
* veineux.
podes offre moins d'uniformité.
Chez le Poulpe (1), il existe à la face externe de chaque bras p«»ipe.
deux grosses veines sous-cutanées qui sont des tubes mem-
braneux pourvus de tuniques parfaitement distinctes des tissus
d'alentour. Ces vaisseaux , après avoir reçu beaucoup de bran-
ches sous-cutanées et s'être anastomosés entre eux à l'aide de
canaux transversaux, se réunissent deux à deux à la base des
espaces inter-tentaculaires, et les huit troncs ainsi formés s'ana-
stomosent à leur tour pour constituer de chaque coté de la tête
une veine faciale , laquelle se joint à sa congénère pour don-
ner naissance à un gros tronc médian. La veine céphalique
impaire ainsi formée passe au-dessus de l'entonnoir, dont elle
reçoit des rameaux, et longe la paroi inférieure de l'abdomen
jusque dans le voisinage du cœur aortique, où, après avoir reçu
une paire de gros vaisseaux sur la disposition desquels je revien-
drai bientôt, elle se divise en deux branches, appelées ajuste titre
veines caves, qui se recourbent en dehors pour aller gagner la
base des branchies et y déboucher dans les cœurs branchiaux.
De grosses veines venant des glandes génitales et du manteau
se rendent au même point, de sorte que tout le système cutané
se trouve abondamment pourvu de veines proprement dites (2).
Mais le sang veineux des parties profondes des bras, de la tête
et de toute la portion antérieure de l'abdomen, suit une autre
route. Il arrive par les méals intermusculaires dans un grand
sinus qui entoure la bouche, traverse la cavité céphalique et ses
(1) Pour suivre avec facilité la des- postérieure de la veine céphalique ;
cription du système veineux de ces que des veines propres aux parois du
Animaux, il serait utile d'avoir sons cœur se rendent directement à la
les yeux les sept planches qui le re- veine cave gauche , et que c'est dans
présentent dans mon travail sur la les tubes péritonéaux que vont s'ou-
circulation chez les Mollusques. vrir les veines génitales dont la por-
(2) J'ajouterai qu'une grosse veine tion supérieure est renflée en forme
hépatique débouche dans la partie de sinus.
168 CIRCULATION DU SANG
dépendances, de manière à baigner la masse musculaire de la
bouche , le cerveau et la plupart des autres parties de la tête ;
puis, en passant, entre l'œsophage et les parois de la gaine péri-
tonéalc qui entoure ce conduit, arrive dans une énorme poche
qui n'est autre chose que la chambre viscérale limitée, comme
chez les Animaux vertébrés , par une membrane séreuse ana-
logue en tout au péritoine. Les glandes salivaires postérieures ,
le jabot , l'estomac proprement dit, le caecum pylorique, l'aorte
antérieure , et d'autres parties encore, sont renfermées dans
cette même cavité et y flottent dans le sang veineux ainsi emma-
gasiné dans cette sorte de grande lacune périgastrique. Au
delà du sac péritonéal que je viens de décrire, la tunique viscé-
rale adhère aux parois de l'intestin, de façon à ne laisser aucun
vide pour le passage du sang. Mais le fond de ce sac est ouvert
de chaque côté , et verse son contenu dans deux gros tubes
membraneux qui contournent la masse viscérale et vont débou-
cher à l'extrémité postérieure de la grande veine céphalique.
En effet, ces émonctoires abdominaux sont précisément les
deux, grosses veines dont il a déjà été question comme venant
s'anastomoser avec le tronc céphalique immédiatement au-
dessus de l'origine des deux veines caves. Quelques anato-
mistes, avant de connaître leur mode d'origine dans la chambre
viscérale, les désignaient sous le nom de veines caves antérieures;
mais, afin de rappeler leur caractère spécial, je préfère les
appeler tubes péritonéaux (1). Ainsi, la totalité du sang veineux
(1) Ainsi que je me suis toujours voir sanguin qui occupe toute la re-
plu à le reconnaître , c'est à M. Délie gion dorsale du corps de ces Mol-
Chiaje, le digne élève et successeur de lusques (a). Mais M. Délie Cliiaje
Poli, qu'appartient le mérite d'avoir n'avait pas reconnu l'existence des
constaté cette communication directe communications qui relient cette ca-
entre les tubes péritonéaux, ou veines vite au système lacunaire de la tôle,
caves antérieures, et le grand réser- et il la considérait comme étant seu-
(a) Délie Clnajc, Descrh. e notom. degli Auimali inverlcbrali, vol. I, p. 47.
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 169
se trouve amenée, soit par le système des veines sous- cutanées
et leurs dépendances , soit par le système lacunaire de la tête
et la cavité abdominale, aux deux veines caves qui, à leur tour,
versent ce liquide dans les cœurs branchiaux.
Les deux veines caves et les deux tubes péritonéaux dont il
vient d'être question présentent dans leur structure une parti-
cularité fort remarquable. Ces gros vaisseaux sont garnis d'une
multitude d'appendices qui ressemblent à des végétations et qui
se laissent gonfler par le sang. Nous examinerons dans un
autre moment quelles peuvent être les fonctions de ces singu-
liers corps spongieux , et je me bornerai à ajouter ici qu'ils
sont suspendus librement dans deux poches membraneuses
situées sur les côtés du péricarde , et commençant au dehors
par des ouvertures spéciales pratiquées à la voûte de la cavité
respiratoire.
Les deux cœurs veineux dans lesquels les veines caves vont cœurs veineux,
déboucher sont situés à la base des branchies, et consistent
chacun en un sac ovoïde simple, à parois charnues, et remar-
quable par sa teinte brunâtre (1). L'entrée de ces réservoirs con-
tractiles est garnie d'une valvule bilabiale qui s'oppose à la sortie
du sang , et à l'extrémité opposée naît le vaisseau afférent de
la branchie qui porte à bon droit le nom d'artère branchiale.
Celle-ci monte le Ions- du bord externe et adhérent de la brail-
lement un sinus veineux, tandis que un petit appendice en forme de poche ;
j'ai fait ypk qu'elle n'est autre chose quelques anatomistes l'ont considéré
que la chambre viscérale elle-même comme une oreillette (6), mais à tort,
et qu'elle fait partie nécessaire du sys- car il ne constitue pas une pompe
terne circulatoire (a). vestibulaire entre la veine cave et le
(1) Chez la Seiche et chez le Cal- ventricule branchial. M. Owen pense
mar, on remarque au bord inférieur que c'est le représentant de la seconde
de chacun de ces cœurs branchiaux branchie des Nautiles (c).
(a) Milne Edwards, Voyage en Sicile, t. I, p. 123.
(b) Mayer, Analeclen fur vergleichende Anatomie, p. 61.
(c) Descript. and Illuslr. Catalogtie of the Mus. of the Coll. ofSurg., vol. II, p. 144.
— Owen, Mem. on the Pearly Nautilus, p. 31.
170 CIRCULATION DU SANG
(.'hic, et se comporte de la même manière que le vaisseau affé-
rent situé sur le bord opposé, c'est-à-dire donne naissance à
une double série de branches destinées à se ramifier dans les
feuillets vasculaires dont cet organe se compose et à s'y anasto-
moser avec les ramuscules du vaisseau cfférent , de façon à
Résumé, former avec ceux-ci un réseau capillaire continu. Le cercle
circulatoire se trouve ainsi complété ; et en résumé nous voyons
que le sang veineux, pressé par les contractions des cœurs
branchiaux et ne pouvant rentrer dans les veines caves à raison
du jeu des valvules dont l'entrée de ces cœurs est pourvu,
monte par les artères branchiales dans l'appareil respiratoire ,
et y devient artériel , puis arrive dans les veines branchiales ,
qui, en se dilatant, constituent des sinus auriculaires et versent
ce liquide dans le cœur aortique ; que ce second organe d'im-
pulsion envoie le sang dans toutes les parties du corps par un
système complet de vaisseaux artériels; enfin, que le sang,
redevenu veineux en traversant les divers tissus de l'économie,
est ensuite ramené vers les cœurs branchiaux par un système
mixte de tubes membraneux ou veines proprement dites et de
méats ou espaces interorganiques dont la cavité céphalique et
la cavité péritonéale font partie.
système veineux La disposition du système veineux est la même dans les
îles
calmars genres Élédone et Argonaute ; mais, chez les Calmars et les
et tl6S SbicIigs.
Seiches , on y remarque une modification! importante. La
chambre viscérale s'oblitère dans toute la portion antérieure
de l'abdomen aussi bien que dans les parties plus profondes du
sac péritonéal , et il en résulte que l'espace libre dont le sang-
veineux peut profiter pour revenir de l'extrémité antérieure de
l'animal vers les cœurs branchiaux se trouve resserré dans
la région céphalique. Dans toute la portion post-cervicale du
corps, le système veineux se trouve donc constitué à l'aide de
tubes membraneux à parois propres; mais, dans la tête, le
système lacunaire existe toujours et prend même plus d'impor-
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. 171
tance que chez les Poulpes , car c'est par son intermédiaire que-
presque tout le sang des tentacules et des autres organes eépha-
liques revient dans le tronc, et la grosse veine céphalique qui
longe en dessous la paroi du ventre pour aller constituer les
deux veines caves , au lieu de naître d'un système de veines
sous -cutanées, sort directement de la cavité céphalique vers la
base du cou. Cette disposition entraîne quelques autres modifica-
tions dans le mode de distribution des veines viscérales , mais
ces particularités n'ont pas assez d'importance pour que nous
nous y arrêtions ici.
Dans l'ordre des Céphalopodes tétrabranchiaux , dont nous système veineu
, . du
ne connaissons aujourd'hui qu'un seul représentant, le Nautile, Nautile,
la disposition du système veineux parait se rapprocher beaucoup
de ce qui existe chez le Calmar et la Seiche, sauf que les veines
caves se divisent chacune en deux troncs pour se rendre direc-
tement aux branchies correspondantes et y constituer les ana-
logues des artères branchiales , puisque les cœurs veineux
manquent chez ces Mollusques; mais il est à noter qu'ici, de
même que chez les Seiches , il y a un appareil valvulaire placé
à l'entrée du vaisseau afférent de chaque branchie, de façon à
empêcher le reflux du sang.
M. Owen et M. Yalenciennes, qui, l'un -et l'autre, se sont
occupés de l'analomie des Nautiles , ont constaté aussi que la
veine céphalique n'est pas complètement fermée dans sa portion
sous-abdominale, mais que ses parois sont percées d'un nombre
considérable de pertuis qui donnent directement dans la cavité
abdominale située au-dessus et qui doivent laisser passer le
sang (1). Ainsi , suivant toute probabilité, la chambre viscé-
(1) M. Owen a décrit et figuré une constaté l'existence chez les Aply-
quinzaine de ces orifices et les a corn- sies (a). M. Valenciennes en a compté
parés aux pertuis dont Cuvier avait davantage , et a remarqué que la dis-
fa) Owen, On the Pearly Nauïûus {Ann. des se. na'., t. XXVIII', pi. 3, fig-. 2).
172 CIRCULATION DU SANG
raie fait partie du système veineux chez ce Mollusque aussi
bien que chez les Céphalopodes dibranchiaux.
Il est aussi à noter que les gros troncs veineux qui se rendent
aux branchies sont garnis de corps spongieux comme chez les
Céphalopodes dibranchiaux, et que ces organes sont logés dans
des poches ouvertes extérieurement ; mais rieu ne nous auto-
rise à penser que l'eau, en arrivant du dehors dans ces cavités,
puisse trouver dans ces grappes vasculaires des orifices pour
pénétrer directement dans le système circulatoire (1). Les
position des fibres musculaires entre
lesquelles ces trous sont pratiqués est
telle, qu'en se contractant, celles-ci
doivent pouvoir ouvrir ou fermer le
passage entre la veine et la cavité
abdominale (a).
(t) Les corps spongieux qui gar-
nissent les grosses veines chez tous
les Céphalopodes varient un peu dans
leur structure et leur disposition.
Chez les Nautiles, leur mode d'or-
ganisation paraît être assez simple.
Ils adhèrent aux quatre vaisseaux
que j'appelle les veines caves, mais
que M. Owen nomme artères bran-
chiales , et y forment des masses
ovoïdes composées d'une multitude de
follicules ou petits caecums membra-
neux réunis en houppes et creusés
de cavités qui débouchent dans la
veine correspondante (6). M, Valen-
ciennes distingue dans chacune de ces
agglomérations glanduliformes deux
portions , l'une frisée et d'un aspect
plus spongieux , l'autre composée de
follicules simples (c). C'est probable-
ment à cause de ces différences, ob-
servées d'abord sur les veines de la
paire supérieure seulement , que
M. Owen ne compte de chaque côté
que- trois de ces corps glanduliformes,
tandis que , d'après M. Valenciennes ,
il y en aurait quatre paires. Le corps
spongieux de chacune des quatre
veines en question se trouve logé dans
un compartiment spécial de la poche
membraneuse qui les renferme, et ces
poches communiquent avec la cavité
branchiale par un pore situé un peu
en avant et en dedans de la base
des branchies antérieures.- M. Owen
avait pensé que ces poches étaient en
continuité avec la chambre péricar-
dique, mais M. Valenciennes a reconnu
qu'elles en sont distinctes et complè-
tement aveugles.
Chez les Céphalopodes dibran-
chiaux, cet appareil glanduliforme est
plus développé et s'étend sur les
veines abdominales ou tubes périto-
néaux, ou même jusque sur les veines
palléales postérieures. Chez les Loli-
gopsis , il ne consiste cependant qu'en
trois pairesdegrappes spongieuses bien
(a) Valenciennes, Recherches sur le Nautile flambé (Archives du Muséum, t. 11, p. 287).
(b) Owen, Mem. on the Pearly Nautilus, p. 32, pi. 6, fig. 1.
(c) Valenciennes, Op. cit. (Arch. du Muséum, t. II, p. 286, pi. 10, fvg. 2),
CHEZ LES MOLLUSQUES CÉPHALOPODES. lJo
liquides étrangers à l'économie ne peuvent arriver dans le sang
que par voie d'absorption , comme chez les Animaux supé-
rieurs, et bien que ce passage de l'extérieur à l'intérieur par
imbibilion s'opère parfois très rapidement chez ces Mollusques,
tous les faits les mieux avérés tendent à montrer que le système
de cavités irrigatoires où le sang circule est fermé de toutes
parts.
§ 22. — En terminant l'étude de l'appareil circulatoire des La circulation
est complète
Céphalopodes , je ferai remarquer aussi que chez ces Animaux, chez iM
Céphalopodes.
délimitées et appartenant, l'une aux
veines abdominales , la deuxième à la
terminaison de la veine céphalique, et
la troisième à la portion externe des
veines caves (a).
Chez le Poulpe , ces appendices vei-
neux garnissent les tubes péritonéaux
et les veines caves dans presque toute
leur étendue , et consistent en une
multitude de poches d'un aspect fram-
boise , ou plutôt d'arbuscules mem-
braneux à rameaux courts et gros, qui
se laissent facilement gonfler par le
sang ou par les injections colorées
que l'on pousse dans le système vei-
neux. Pour donner une idée de l'as-
pect de ces corps ainsi remplis , je
renverrai aux planches de mon Mé-
moire sur la circulation chez les Mol-
lusques, et, pour montrer leur dispo-
sition dans l'état de vacuité , je citerai
les figures données par M. Délie
Chiaje (6) et Mayer (c).
Chez l'Argonaute, ils sont beaucoup
moins nombreux et développés que
chez le Poulpe {cl).
Chez les Calmars, ces corps spon-
gieux sont plus courts et moins dila-
tables , mais s'étendent sur la portion
terminale de la grande veine cépha-
lique et sur les veines palléales aussi
bien que sur les quatre vaisseaux dont
il vient d'être question (e).
Enfin, c'est chez les Seiches que cet
appareil atteint son plus haut degré
de développement; il recouvre toutes
les grosses veines qui avoisinent les
cœurs branchiaux, et il se compose
d'une multitude de prolongements
membraneux en forme de poches
branchues et irrégulièrement fron-
cées (/■).
il est aussi à noter que ces corps
spongieux sont très contractiles et
présentent souvent des mouvements
rhythmiques de systole et de diastole.
Quand on les comprime , ils laissent
suinter un liquide blanchâtre ou jau-
(a) Grant, On the Structure and Characters of Loligopsis (Trans. of the Zool. Soc. of London,
vol. I, p. 25, pi. 2, fig. 8).
(b) Délie Chiaje, Descris,, e notom. degli Anim. invertebr.,p\. 19, fig. 1
(c) Mayer, Anakcten fur vergl. Anat., pi. 5, fig. 1.
(d) Van Beneden, Mém. sur l'Argonaute, pi. 3, fig. 5 (Exercices zootomiques, et Mëm. de l'Acad.
de Bruxelles, t. XI).
(e) Voyez mon Voyage en Sicile, t. I, pi. 18.
(/") Hunter, voyez Cat. du Mus. du Coll. des Chirur,, t. Il, pi. 11 et 12.
174 CIRCULATION DU SANG
non- seulement le sang doit passer plus régulièrement et plus
vite à travers l'appareil respiratoire , mais que la totalité de la
masse de ce fluide est obligée de suivre cette voie pour retour-
ner des divers organes vers le cœur aortique. Chez les Mol-
lusques des autres classes, une portion de ce liquide revient
aux artères sans avoir traversé les branchies, et par conséquent
on peut dire que chez ces Animaux la respiration est incom-
plète; mais ici ce n'est plus un mélange de sang artériel et de
sang veineux qui arrive à l'aorte, c'est du sang artériel pur.
Nous verrons plus tard que des différences du même ordre se
rencontrent parmi les Vertébrés.
Résumé. Nous voilà donc conduits, par des transitions graduées, depuis
l'appareil irrigatoire grossier et incomplet des Zoophytes infé-
rieurs, jusqu'à un système hydraulique dont presque toutes
les parties semblent avoir été créées à seule fin de servir au
transport du fluide nourricier du siège de la respiration dans
tous les organes et de ces organes à l'appareil respiratoire.
nâtre qui ne ressemble pas du tout au aux organes dont j'ai fait connaître
sang et qui est évidemment le produit la disposition chez le Triton (d), et
d'une sécrétion. Les naturalistes ne me semblent devoir être considérés
sont pas encore fixés sur les fonctions comme les analogues de l'organe de
de ces corps spongieux : les uns les Bojanus chez les Mollusques lamelli-
considèrent comme une sorte de di- branches.
verticulum destiné à emmagasiner Je dois ajouter que, dans l'opinion
temporairement une portion du sang de M. Van tieneden, ces corps spon-
veineux quand le passage de ce fluide gieux , ainsi que le corps de Bojanus,
dans les branchies se trouve gêné (a) ; serviraient à établir une communica-
d'aulres y voient des branchies accès- lion directe entre les cavités veineuses
soires (b). Mais, d'après diverses con- de l'organisme et l'extérieur, de façon
sidérations dont il sera question ail- à permettre l'entrée de l'eau du de-
leurs , je suis porté à croire avec hors et son mélange avec le fluide
M. Mayer (c) que ce sont des glandes nourricier à peu près de la même
urinaires. Us ressemblent beaucoup manière que cela a lieu chez les Po-
(a) Owen, Mem. on the Pearly Nautilus, p. 32.
(b) Valenciennes, Op. cit. (Arch. du Mîiséum, t. II, p. 286).
(c) Mayer, Analecten fur vergleichende Anatomie, 1835, p. 54.
(d) Milne Edwards, Voyage en Sicile, i. 1, pi. 4 8.
CHEZ LES MOLLUSQUES. 175
A chaque pas nouveau vers ce but, nous avons vu la division
du travail physiologique s'établir davantage et les instruments
d'emprunt céder la place à des instruments spéciaux.
Ainsi, chez les Acalèphes et les Polypes, nous avons vu un
seul système de cavités servir à la fois comme appareil digestif
et comme appareil irrigatoire.
La séparation, déjà essayée d'une manière temporaire, et
pour ainsi dire avec timidité, chez quelques-uns des Zoophytes
dont je viens de parler , devient complète chez les Bryo-
zoaires ; mais c'est la cavité commune seulement qui sert à
la fois à abriter tous les organes intérieurs et à contenir
le fluide nourricier en mouvement. Là il n'existe aucun
organe spécial d'impulsion pour assurer la distribution de ce
liquide dans les diverses parties du corps, et ce sont des cils
vibratiles, agents qui, chez les Animaux les plus simples, ser-
vent à effectuer la locomotion , la préhension des aliments et le
types et les Médusaires , où la cavité ques. Mais ce sont, je le répète, des
digestive est confondue avec le sys- cavités terminées en cul-de-sac qui
tème irrigatoire (a). Mais je ne saurais ne se prolongent pas dans tout le
partager cette manière de voir, et chez corps, comme le suppose M. Sie-
les Mollusques Céphalopodes le sys- bold, et qui ne méritent pas plus le
tème de cavités dans lequel le sang nom d'un système aquifère que ne
circule ne me semble avoir aucune le mériterait la vessie urinaire d'un
communication directe avec Texte- Poisson.
rieur. Les orifices qui se voient sur la tête
Il est aussi à noter que les poches de quelques Céphalopodes , tels que
membraneuses dans lesquelles cetap- VOctopus Verany (d),le Tremoctopus
pareil glandulaire se trouve suspendu violaceus (e) , ne me paraissent pas
constituent la majeure partie de ce davantage constituer un appareil aqui-
que M. Délie Chiaje (b) et M. Sie- fère ; ils donnent seulement dans des
bold (c) décrivent comme formant un poches cutanées sans communication
appareil aquifère chez ces Mollus- avec les cavités intérieures.
(a) Van Bencden, Sur la circulation dans les Animaux inférieurs (Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, 1845, t. XX, p. 519).
(b) Délie Chiaje, Deseriz. e notom. degli Anim. invertebr., t. I, p. 53 (Apparalo aquoso o idro°
pneumatico) .
(c) Siebold el Slannius, Nouveau Manuel d'anat. comp., 1. 1, p. 389.
(d) Wagner, Zeitschr. fur die organische Physik, 1828, t. 11, p. 225.
(e) Délie Chiaje, Descrix-. e notom. degli Animait invertebrati, pi. 11, fig-. 10.
1 7G CIRCULATION DU SANG
renouvellement du fluide respirable , qui y déterminent des
courants faibles et irréguliers.
Dans la classe des Tuniciers, nous avons vu la division du
travail faire un pas de plus : un organe spécial d'impulsion, un
cœur, est chargé de faire circuler le sang; mais il le fait tantôt
dans un sens, tantôt dans un autre , et ce sont les mêmes voies
qui servent tour à tour au passage du sang artériel et du sang-
veineux.
Dans la classe des Acéphales, la circulation cesse d'être alter-
nante, et, comme conséquence d'un perfectionnement dans la
structure du cœur, dont les orifices se garnissent de valvules,
la distinction s'établit entre les conduits artériels et les conduits
veineux. Nous avons vu en même temps ces conduits se rendre
en partie indépendants des organes d'alentour et se constituer
partiellement en tubes à parois propres.
Chez les Gastéropodes , nous avons vu ce système d'endi-
guement des courants circulatoires faire de nouveaux progrès,
et les forces motrices de la circulation se centraliser davantage.
Enfin , chez les Céphalopodes , la division du travail s'est
introduite dans le mécanisme de la circulation. Le cœur aortique,
qui , chez les Mollusques moins élevés en organisation , suf-
fisait à pousser le sang à travers le réseau capillaire de l'ap-
pareil de la respiration aussi bien que dans les canaux nour-
riciers de l'organisme, reste chargé de ce dernier rôle seule-
ment, et une nouvelle pompe foulante se trouve appelée à lancer
le sang dans les vaisseaux respiratoires.
Nous avons vu aussi que ces perfectionnements successifs
ont porté d'abord sur les organes d'impulsion , puis sur les
canaux distributeurs du fluide nourricier ou les canaux qui
amènent au cœur le sang artérialisé. La portion veineuse du
cercle circulatoire n'a participé que plus tard à ce changement,
et c'est peu à peu, par petites portions, qu'elle a été pourvue
de tuyaux de conduite à la place des vides interorganiques à
CHEZ LES MOLLUSQUES. 177
travers lesquels le sang se mouvait d'abord. Chez les Mol-
lusques supérieurs , la presque totalité du cercle circulatoire
se trouve ainsi composée de tubes membraneux qui lui appar-
tiennent en propre; mais chez aucun Animal de cet embran-
chement la substitution des vaisseaux sanguins aux méats
interorganiques ne s'achève, et toujours une portion plus ou
moins considérable du système veineux se trouve constituée à
l'aide de ces cavités d'emprunt; toujours aussi la chambre vis-
cérale fait partie du système irrigatoire et constitue un vaste
réservoir pour le sang veineux.
Chez les Vertébrés, nous trouverons que de nouveaux per-
fectionnements ont été introduits dans la constitution du sys-
tème circulatoire; mais, avant d'en aborder l'étude, il nous faut
redescendre vers les Animaux les plus inférieurs, et passer en
revue les divers états de ce même appareil dans la grande divi-
sion des Entomozoaires ou Animaux annelés.
Nous aborderons ce sujet dans la prochaine Leçon.
II. 12
VINGT-TROISIEME LEÇON.
De la circulation du sang chez les Crustacés , les Arachnides et les Myriapodes.
considérations § l'« — Lorsqu'on veut se rendre bien compte d'un grand
préliminaires. ensemble fle faits , il est bon de ne pas les envisager toujours
au même point de vue et de parcourir en divers sens le champ
que l'on se propose d'explorer. Aussi, sacrifiant l'arrangement
symétrique des matières de ces Leçons à l'utilité pratique,
je me propose de ne pas suivre aujourd'hui la marche que j'ai
adoptée jusqu'ici pour l'étude des modifications de l'organisme
chez les divers Animaux, et, au lieu de procéder du simple au
composé , je prendrai pour point de départ ceux des Entomo-
zoaires dont l'appareil irrigatoire est le plus complet, et j'en
étudierai ensuite la dégradation progressive. Cela aura aussi
l'avantage de rendre plus directes les comparaisons entre les
choses connexes , car ce sont les Animaux articulés les plus
perfectionnés sous ce rapport, dont le système irrigatoire res-
semble davantage à celui des Mollusques supérieurs , que nous
avons étudiés dans la dernière Leçon.
Les Entomozoaires , ou Animaux annelés , forment deux
grandes divisions naturelles : celle des Vers et celle des
Arthropodaires , ou Animaux articulés. Le mode de constitu-
tion de l'appareil circulatoire diffère beaucoup dans ces deux
groupes. Mais dans la seconde de ces sections, comprenant les
Insectes , les Myriapodes , les Arachnides et les Crustacés , ce
système offre la plus frappante analogie avec tout ce que nous
venons de rencontrer parmi les Malacozoaires.
En effet, si nous examinons d'abord le système irrigatoire
dans la classe des Crustacés, nous y reconnaîtrons toutes les
crustacés, dispositions fondamentales que nous avons rencontrées chez la
Appareil
circulatoire
des
CIRCULATION DU SANG CHEZ LES CRUSTACÉS. 179
plupart des Gastéropodes et des Lamellibranches, ainsi que chez
quelques Céphalopodes, c'est-à-dire dans l'immense majorité
des Mollusques.
Prenons d'abord les Crustacés les plus élevés en organisa-
tion : les Décapodes, qui ont pour représentants principaux
les Crabes, les Homards, les Écrevisses et les Langoustes.
On sait depuis longtemps qu'il existe chez ces Animaux , sur Appareil
1 *-> i A r.ircntafmre
circulatoire
la ligne médiane du dos, vers le milieu de la région du corps , <*<*
° 7 u x Décapodes.
que les entomologistes appellent le thorax , un organe charnu
et puisa tile qui est le cœur (1). On sait aussi que des tubes mem-
braneux et ramifiés partent de cet organe pour se répandre au
loin dans l'économie. Ces faits ont été constatés par les recher-
ches de Swammerdam sur le Bernard l'Ermite, singulier
Crustacé qui se blottit dans la coquille vide de certains Mol-
lusques et qui abonde sur nos côtes ; par les dissections du
Homard, faites il y a deux siècles par Willis, et parles obser-
vations de quelques autres anatomistes. Mais, il y a trente ans,
on ignorait encore quelle est la direction suivie par le sang
dans l'organisme de tous ces Animaux, et quelles sont les voies
par lesquelles ce liquide, après avoir servi à nourrir les tissus
vivants, revient à l'appareil respiratoire (2). En 1827, désireux
de combler ces lacunes , je m'associai à un de mes amis ,
(1) L'existence du cœur chez les dam (d) et des autres naturalistes
Palémons ou Salicoques a été consta- qui ont étudié l'appareil circulatoire
tée par Harvey au commencement du des Crustacés antérieurement à l'é-
xvi]e siècle (a) , et la circulation du poque indiquée ci - dessus , je ren-
sang a été observée d'abord par Leeu- verrai à l'introduction historique du
wenhoek, puis par Baker (6). Mémoire sur ce sujet que j'ai publié
(2) Pour plus de détails sur les en commun avec V. Audouin (e .
travaux de Willis (c), de Swammer-
(à) Harvey, Exercitatio anatomica de motu cordis, 1628, p. 29.
(b) Leeuwenhoek, Arcana Naturœ, t. IV, epist. 84 et 86.
— Baker, The Microscope made Easy, p. 129 (1742).
(c) Willis, De anima brutorum. In-4, London, 1672, p. 43, pi. 3, fig. 1.
(d) Swammerdam, Biblia Naturaz, t. I, p. 204.
(e) Audouin et Milne Edwards , Recherches anatomiques et physioloyiques sur ta circulation
dans les Crustacés (Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 283).
180 CIRCULATION DU SANG
Victor Audouin, observateur habile dont les travaux sur la
structure des Insectes font époque dans l'histoire de l'entomo-
logie (1 ), et, par les recherches auxquelles nous nous livrâmes
en commun , nous obtînmes les résultats dont je vais rendre
compte.
Direction §2. — On savait que le cœur est situé dans l'espace corn-
du courant , i i i • i * « i t
circulatoire, pris entre les branchies dont les flancs de ces Crustacés sont
garnis , mais on ne savait pas si le sang mis en mouvement par
les contractions de cet organe se rendait aux diverses parties
de l'économie ou se dirigeait vers l'appareil respiratoire, ou,
en d'autres mots , on ne savait pas si ce cœur était veineux
ou artériel, et l'on ignorait dans quelle direction le mouvement
circulatoire s'effectuait. Or, pour comprendre le mécanisme de
l'irrigation nutritive chez les Crustacés, il fallait nécessaire-
ment être fixé sur ce point, et, pour résoudre la question, nous
eûmes recours à des expériences qui sont faciles à répéter (2).
En étudiant l'appareil de la respiration, nous avons vu que,
chez les Crabes, les branchies en forme de pyramides feuille-
tées dont les côtés du thorax sont garnis présentent sur leurs
faces opposées deux gros canaux longitudinaux qui se rétrécissent
en allant delà base au sommet de ces organes (3), et qui commu-
(1) V. Audouin naquit à Paris en (2) Ces expériences, faites d'abord
1797, et mourut en 1841. Il s'occupa sur le Maia squinado, grande espèce
principalement d'entomologie, et fut de Décapode Brachyure qui est corn-
le premier à étudier d'une manière mune sur les parties rocheuses des
philosophique la structure de la char- côtes de la Normandie et de la Bre-
pente solide des Insectes. Pour plus tagne , furent ensuite répétées sur
de détails sur sa vie et ses travaux , les Homards et sur un grand nom-
on peut consulter les articles nécrolo- bre d'autres Crustacés du même
giques insérés dans les Annales des ordre (6).
sciences naturelles et dans le Recueil (3) Voyez tome If, page 128.
de la Société d'agriculture (a).
(a) Serres, Chevreul et Milne Edwards, Discours sur V. Audouin (Ann. des sciences nat., 1841,
•2' série, t. XVI, p. 356).
— Milne Edwards, Notice sur la vie et les travaux de V. Audouin (Séance annuelle de la
Société centrale d'agriculture, 1850).
(b) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. (Ami. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 303).
CHEZ LES CRUSTACÉS. 181
niquent entre eux par des réseaux capillaires pratiqués dans
l'épaisseur de chacune des lamelles branchiales. Ces canaux
sont des vaisseaux sanguins , et le premier point à déterminer
était la direction suivant laquelle le sang les parcourt. Pour
nous en assurer, nous coupâmes en travers une des pyramides
branchiales sur un Crabe vivant, et, après qu'une certaine
quantité de sang se fut écoulée par l'extrémité tronquée des
deux vaisseaux ainsi ouverts , nous aspirâmes , à l'aide d'une
pipette, le liquide qui restait dans chacun d'eux. Le vaisseau
situé à la face interne de la branchie ne nous fournit de la sorte
que peu de sang et demeura ensuite complètement vide, avec
sa lumière béante. Le vaisseau situé sur la face externe de
la branchie donna, au contraire, du sang en abondance, et, à
peine vidé , se remplit de nouveau.
Cette expérience , répétée souvent et variée de diverses ma-
nières, donna toujours le même résultat, et prouva jusqu'à l'évi-
dence que le canal externe est le vaisseau afférent qui apporte
le sang veineux à la branchie , et que le canal interne est le
vaisseau efférent par lequel le sang, devenu artériel, sort de
l'appareil respiratoire pour aller de nouveau entretenir l'exci-
tation vitale dans tous les tissus de l'organisme.
Mais le sang qui arrive ainsi aux branchies vient-il du cœur
et va-t-il ensuite directement se distribuer aux diverses parties
de l'économie? ou bien est-ce sur le trajet du sang artériel que
se trouve placé l'organe moteur de l'appareil circulatoire?
En d'autres mots, le cœur, dont l'existence et la position étaient
connues depuis si longtemps, est-ce un cœur veineux ou un
cœur artériel? ou bien encore cet organe reçoit-il un mélange
du sang qui arrive des diverses parties de l'économie à l'état
veineux et du sang qui sort des branchies à l'état artériel?
Toutes ces hypothèses avaient été professées tour à tour, et des
expériences nouvelles pouvaient seules trancher la question.
Ayant enlevé la carapace de manière à mettre à découvert le.
482 CIRCULATION DU SANG
cœur d'un grand Crabe vivant, nous ouvrîmes , comme dans
l'expérience précédente, le vaisseau externe ou afférent de l'une
des branchies, et, au lieu d'y puiser du sang à l'aide de notre
pipette, nous y insufflâmes de l'air ; mais nous ne vîmes aucune
bulle de gaz arriver dans le cœur. Nous incisâmes ensuite le
vaisseau interne ou efférent, et, à peine avions-nous poussé un
peu d'air dans ce canal, que des bulles se montrèrent dans
l'intérieur du cœur.
Ce résultat , convenablement vérifié , nous apprit donc que
le vaisseau efférent de la branchie est en communication directe
avec le cœur, et que le vaisseau qui apporte le sang veineux à
l'appareil respiratoire ne , l'est pas. Donc, c'est du sang arté-
riel , et non du sang veineux , qui traverse le cœur. Par con-
séquent aussi ce cœur est, non un cœur veineux, mais un
cœur aortique , et les vaisseaux que l'on en voit partir pour se
ramilier dans les diverses parties du corps sont, non pas des
veines, mais des artères.
Ainsi chez les Crustacés , de même que chez les Mollusques,
le sang poussé par les contractions du cœur pénètre dans un
système de vaisseaux distributeurs de ce liquide, c'est-à-dire
clans les artères , revient à l'état veineux de tous les points de
l'organisme vers les branchies , traverse l'appareil respiratoire
de dehors en dedans , et , après y avoir repris le caractère de
sang artériel, retourne au cœur pour recommencer de nouveau
le cercle que je viens de décrire.
La totalité du sang qui arrive au cœur pour être distribuée
dans l'organisme a-t-elle passé ainsi dans l'appareil respiratoire?
ou bien le sang artériel qui sort de cet appareil se mêle-t-il au
sang veineux qui aurait suivi quelque autre route, et est-ce un
mélange de ce genre qui pénètre dans le cœur ? Cette question
ne se trouve pas décidée par les expériences dont je viens de
parler, et, pour la résoudre d'une manière simple, il faut exa-
miner de plus près que nous ne l'avons fait jusqu'ici la consti-
CHEZ LES CRUSTACÉS. 183
tution du système circulatoire des Crustacés. Avant de nous en
occuper, étudions donc l'anatomie de cet appareil.
§ 3. — Le cœur des Crustacés décapodes est une poche Cœur
charnue de forme presque quadrilatère, dont les fibres muscu- des DecaP°des-
laires sont disposées de façon à déterminer alternativement, par
leurs contractions , des mouvements de systole et de diastole.
Le premier de ces deux effets résulte du raccourcissement des
faisceaux charnus qui vont d'un point à un autre sur les parois
de cet organe; le second, par l'action des fibres qui, tout en
se terminant d'un côté dans ces mêmes parois , vont prendre
leur point d'appui au dehors sur les parties voisines de la char-
pente solide du corps. A l'aide de ces dernières insertions mus-
culaires et des vaisseaux qui partent du cœur, cet organe se
trouve suspendu dans un espace libre qui est limité par une
membrane délicate et qui a été considéré par quelques anato-
mistes comme étant une oreillette servant à contenir le ventri-
cule , mais qui n'est en réalité autre chose qu'une chambre
péricardique. Les canaux branchio-cardiaques y débouchent de
chaque côté , et par conséquent le sang se répand librement
dans l'espace compris entre ses parois et la surface externe du
cœur. Ce dernier organe baigne donc dans le sang, et c'est en
passant par des orifices pratiqués dans ses parois que ce liquide
arrive dans la cavité contractile dont il est creusé (1). Deux de ces
(1) Les premières recherches faites Lors de la publication de ce travail,
par Audouin et moi sur la constilu- nous pensions aussi que les tuniques
tion de l'appareil circulatoire des membraneuses du cœur se prolon-
Crustacés nous avaient conduits à geaient sans interruption dans toute
penser que les canaux branchio-car- l'étendue de cette surface, et que les
diaques se continuaient jusqu'aux deux paires d'orifices supérieurs dont
orifices situés sur les côtés du cœur, l'existence avait été déjà signalée par
et que le sang ne se répandait pas sur M. Lund (6) n'étaient que des fossettes
la face supérieure de cet organe (a). à fond imperforé. Mais, peu de temps
(a) Audouin et Milne Edwards , Recherches sur la circulation dans les Crustacés (Ami. des
sciences nat., 1827, t. XI, p. 353).
(6) Lund, Zweifel an dem Daseyn eines Circulationssystems bei den Crustaceen (Isis, 1825,
t. XVI, p. 593).
iSll CIRCULATION DU SANG
orifices occupent les côtés du cœur vis-à-vis de la terminaison
des canaux branchio-cardiaques ; les autres, au nombre de
quatre, sont placés par paires à sa face supérieure, et tous sont
garnis de valvules bilabiées qui sont disposées de façon à livrer
facilement passage au fluide ambiant quand celui-ci les presse de
dehors en dedans, mais qui se resserrent et se ferment quand la
pression s'exerce en sens opposé (1). Lors du mouvement de
après, les observations de M. Straus-
Durkheim sur le cœur des Limules (a),
ainsi que les recherches de M. Krohn
sur les Écrevisses (6), et de MM. Lund
et Schultz sur les Crabes, vinrent jeter
un nouveau jour sur ce sujet (e), et un
examen plus approfondi de la struc-
ture de cet organe chez le Tourteau,
les Homards et les Squilles , me con-
vainquirent de l'erreur dans laquelle
nous étions tombés relativement au
mode de communication du cœur avec
la chambre péricardique et les canaux
branchio-cardiaques (d).
M. Straus considère cette chambre
comme étant une oreillette ; mais cette
détermination ne me semble pas ad-
missible. On ne donne pas le nom
d'oreillette à un simple sinus ou ré-
servoir sanguin servant de vestibule
au ventricule du cœur, mais à une
poche contractile, une sorte de cœur
accessoire, qui fonctionne à la manière
d'une première pompe foulante pour
alimenter le jeu de la pompe ventri-
culaire, ou cœur principal, en injec-
tant, à chaque contraction, une nou-
velle quantité de sang dans celui-ci.
Or, la cavité péricardique est bien
un réservoir vestibulaire, mais non
un cœur accessoire ou organe d'im-
pulsion, et par conséquent, sous le
rapport physiologique, il ne saurait
être assimilé à une oreillette. Au point
de vue anatomique, cette détermina-
tion ne me semble pas plus acceptable,
car l'oreillette, quand elle existe, pré-
cède le ventricule et ne loge jamais
celui-ci dans son intérieur.
(!) Les auteurs qui ont décrit le cœur
de ces Crustacés ne sont pas d'accord
sur le nombre et la position des ori-
fices afférents du cœur. Hunter, qui
les mentionne sous le nom d'orifices
veineux, en admet quatre paires, une
paire à la face supérieure de cet or-
gane (e) , et trois paires sur les cô-
tés (f). D'après M. Lund, il n'y en
aurait que deux paires situées l'une et
l'autre à la surface supérieure du
cœur (g)., et dans le premier travail pu-
blié par Audouin et moi sur ce sujet,
(a) Straus, Consid. gén'.jiur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 346 (1828).
(6) Krohn, Vêler das Gefdss-System des Flusskrebses {Isis, 4834, p. 524).
(c) Lund et Schultz, Fortgesetzte Unters. ùber das System des Kreislaufes bei den Crustaceen
(Isis, 1830, t. XXIII, p. 1222).
(d) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p. 103 (1834), et article Crustacés ,
dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle, t. IV, p. 399 et suiv. (1844).
(e) Descript. and Illustr. Catalogue of the ihiseum of the Collège of Surgeons, vol. II, p. 136,
pi. 15, fig. 1.
(f) Op. cit., p. 137, pi. 16, fig-. 1.
{g) Lund , Op. cit.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 185
diastole, déterminé par la contraction des faisceaux musculaires
qui , en partant du cœur, \ont prendre leur point d'appui sur
les parties voisines du squelette tégumentaire , le sang pénètre
donc de la chambre péricardique dans l'intérieur du cœur, en
passant par les orifices dont il vient d'être question ; et lors de la
systole résultant de la contraction des muscles intrinsèques du
cœur, le liquide ainsi introduit se trouve comprimé , mais il
ne peut plus retourner dans le réservoir formé par la cavité
péricardique, et il s'échappe par les autres ouvertures dont le
cœur est pourvu. Ces dernières constituent l'entrée du système
artériel , et leurs bords sont garnis de valvules dont le jeu est
l'inverse de celui des valvules des orifices afférents , car elles
permettent la sortie du liquide , mais ne le laissent pas rentrer.
A chaque battement du cœur, une ondée de sang est donc lancée
dans le système artériel, et, dans le mouvement de dilatation qui
y fait suite , cet organe se charge d'une nouvelle quantité de
liquide , puisée dans le réservoir au milieu duquel il se trouve
suspendu.
§ k. — Le système artériel, qui naît du cœur, se compose système anériei
de trois parties, une antérieure et céphalique, une moyenne et Décapodes,
viscérale , une postérieure et inférieure.
La portion antérieure consiste en un tronc médian que l'on
a nommé artère ophthalmique, mais qu'il serait préférable d'ap-
peler artère céphalique, et de deux vaisseaux latéro-antérieurs,
une paire d'orifices latéraux avait été tomie'a été faite jusqu'ici, les ouver-
la seule aperçue (a). Enfin M. Owen tures en question sont au nombre de
parle de deux paires de ces orifices : trois paires : deux paires à la face
une supérieure et une latérale (b) ; supérieure du cœur, et une paire sur
mais de nouvelles recherches m'ont le côté et un peu en dessous, en face
convaincu que toutes ces indications de l'embouchure des canaux branchio-
sont plus ou moins fautives, et que cardiaques,
chez tous les Décapodes dont l'ana-
(a) Recherches sur la circulation dans les Crustacés (loc. cit., t. XI, p. 357).
(6) Owen, Lectures on the Comp. Anat. of Invertebr. Animais, 1843, p. 174, fig. 91.
186 CIRCULATION DU SANG
ou artères antennaires, qui représentent une première paire de
branches de ce tronc médian , mais qui naissent à côté de sa
base, et tirent leur origine directement de la portion antérieure
du cœur (1).
L'artère céphalique occupe la ligne médiane, passe au-des-
sus de l'estomac , aux parois duquel elle fournit quelques
branches , gagne la région frontale de la tête , et y envoie une
branche impaire , puis donne naissance à une paire de vais-
seaux qui sont les artères ophthalmiques proprement dites., et
qui pénètrent dans les pédoncules oculaires pour se distribuer
aux différentes parties de l'appareil de la vision. L'artère cépha-
lique se recourbe ensuite en bas, devient récurrente , fournit
des ramuscules au cerveau , et va se terminer au-devant de
l'œsophage, près de la lèvre supérieure.
Les artères antennaires sont d'un calibre plus fort, et se
portent obliquement en avant et en dehors sur les côlés de
l'estomac , vers le bord antérieur de la carapace , pour se ter-
miner dans les antennes externes , après avoir fourni plusieurs
grosses branches à l'estomac, au système tégumentaire, etc. (2).
(1) Le mode de distribution de ces que côté du corps la cavité branchiale;
artères est à peu de chose près le 3° une artère gastrique qui se répand
même chez le Tourteau (a) et chez le sur les parties latérale et postérieure
Maia squinado (b) , parmi les Déca- de l'estomac ; W une grosse artère
podes Brachyures. cutanée antéro- supérieure, qui se
(2) Chez le Tourteau, par exemple, recourbe en dehors, au-dessus des
chacune des artères antennaires four- organes de la génération et du foie,
nit : 1° une petite branche interne gagne les côtés du thorax , et se
destinée à la portion voisine de l'ap- recourbe en arrière jusque sur la par-
pareil génital ; 2° une grosse artère tie postérieure et latérale de la ré-
dorsale qui donne des branches aux gion branchiale de la carapace ; 5° une
faisceaux musculaires placés entre le artère mandibulaire qui distribue ses
sommet de la voûte des flancs et la branches aux muscles des mandibules
carapace, puis se ramifie dans la por- et aux parties voisines du derme ;
tion du derme qui recouvre de cha- 6° une artère antennulaire qui se di-
(a) Milne Edwards, Allas de la grande édition du Règne animal de Cirvier, Crustacés, pi. 1.
(b) Audouin et Milne Edwards, Rech, sur la circulation dans les Crustacés (loc. cit., pi. 24).
CHEZ LES CRUSTACÉS, 187
Une paire d'artères hépatiques naît de la face inférieure du
cœur, vers le tiers antérieur de cet organe, et ces vaisseaux
distribuent leurs branches dans toutes les parties du foie (1).
La portion postérieure du système artériel naît sous la forme
d'un tronc unique qui part de la partie postérieure et inférieure
du cœur et se divise presque aussitôt en deux vaisseaux impairs,
dont l'un se dirige directement en arrière au-dessus de l'in-
testin , et a été désigné sous le nom d'artère abdominale supé-
rieure; l'autre, appelé artère sternale, plonge entre les viscères
pour gagner la face inférieure du thorax , y donne naissance à
une artère abdominale inférieure , puis se recourbe en avant
et fournit les artères pédieuses et maxillaires; enfin, à la ren-
contre de l'œsophage , il se divise en deux branches pour
se terminer dans la partie antérieure et inférieure de la tête.
rige en dedans, sous le front, donne entre l'estomac et la région branchiale
des branches aux muscles gastriques pour se ramifier dans la portion cor-
antérieurs et se termine dans les pe- respondante du foie, et une brandie
tites antennes ; 7° une branche eu- postérieure qui se distribue dans la
tanée antéro-inférieure. portion latérale et moyenne du même
Chez le Maia squinado , la dis- viscère. Puis les deux troncs s'ana-
position des artères antennaires est à sîomosent sur la ligne médiane, don-
peu près la même (a). Mais chez le nent naissance à une branche impaire,
Homard, où ces vaisseaux acquièrent et forment un gros tronc médian qui
un très grand développement , ils se porte en arrière sous l'intestin, se
descendent sur les parties latérales bifurque en avant de l'artère sternale,
de la région céphalique et se 1er- et se ramifie dans la portion posté-
minent dans l'intérieur des antennes rieure du foie,
externes par des troncs très gros (6). Chez le Homard, les deux artères
(1) Chez le Maia squinado , la hépatiques restent distinctes , et le
disposition de ces artères £St assez tronc impair dont il vient d'être
remarquable (c). Elles plongent verli- question se trouve représenté par une
calement dans le foie et donnent nais- paire de branches postérieures (d). Il
sance chacune à deux grosses bran- en est de même chez l'Écrevisse (e).
ches : une antérieure , qui s'avance
(a) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. (Aiin. des sciences nat., 1827, t. XI, pi. 24).
: ib) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. (Ibid., pi. 29, fig. 1).
(e) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. (Ibid., pi. 26, fig. 1).
(d) Audouin et Milne Edwards, loc. cit., pi. 28, fig. 2.
(e) Schlemm, De hepate de bile Crustaceorum et Molluscoriim quorumdam [Dissert: iïiaug.).
Berolini, 1854, p. 10, pi. I, fig. i.
188 CIRCULATION DU SANG
Chez les Décapodes brachyures, les artères abdominales supé-
rieures et inférieures sont très grêles , tandis que l'artère ster-
nale est d'un calibre très fort; mais, chez le Homard et les
autres Décapodes macroures , l'artère abdominale supérieure
offre au contraire un développement très considérable, et l'ar-
tère sternale semble en être une branche (1).
cœur et artères § 5. — Dans l'ordre des Stomapodes , la conformation du
squiiies. cœur et le mode de distribution des artères diffèrent un peu
de ce que nous venons de voir chez les Décapodes , mais la
manière dont le sang circule est toujours la même. En effet,
chez les Squilles, le cœur, au lieu d'être ramassé dans la por-
tion moyenne du thorax , s'étend , sous la forme d'un gros
vaisseau contractile, depuis l'estomac jusqu'à l'extrémité posté-
rieure de l'abdomen, et l'on remarque à sa face supérieure
cinq paires d'orifices par lesquels le sang dont la chambre
péricardique est remplie pénètre dans son intérieur (2). Un
(1) Le tronc commun de l'artère aux deux dernières paires de pattes
abdominale supérieure et de l' art ère thoraciques (d).
sternale présente chez le Homard un (2) Dans la première figure qui a été
léger renflementen forme de bulbe (a). donnée de cet organe par Audouin et
Le premier de ces vaisseaux , que moi d'après une Squille qui avait sé-
Hunter a appelé Vaorte descen- journé longtemps dans l'alcool, les
dante (6) , longe la face supérieure deux premières paires de ces orifices
de l'intestin et donne naissance à une sont masquées par des fragments de
paire de grosses branches latérales matières albumineuses coagulées qui
vers le tiers postérieur de chaque an- simulaient des vaisseaux (e) ; mais
neau de l'abdomen (c). V artère sler- leur véritable disposition a été repré-
nale descend vers la face inférieure du sentée dans les planches que j'ai
thorax, au niveau delà troisième paire insérées dans la grande édition du
de pattes thoraciques, et c'est de l'ar- Règne animal de Cuvier (/"), ainsi que
tère abdominale inférieure que nais- dans mon ouvrage sur les Crusta-
sent les artères pédieuses destinées ces (g).
(a) Audouin et Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XI, pi. 28, fig. 1).
(&) Voyez Descript. and Illustr. Catalogue of the Mus. of the Collège of Surgeons, vol. II, p. 126,
pi. 15, fig. 1 et 2; pi. 16,fig. 1.
(c) Audouin et Milne Edwards, loc. cit., pi. 29, fig. 1.
(d) Loc. cit., pi. 29, fig. 1.
(«) Audouin et Milne Edwards, Recherches sur la circulation (loc. cit., pi. 32)
\f) Milne Edwards, Atlas du Règne animal. Crustacés, pi. 55 bis.
(g) Milne Edwards, Histoire des Crustacés, t. II, p. 514, pi. 9, fi'g\ 10.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 189
seul tronc cephaliqiie naît de l'extrémité antérieure de cet
organe, et fournit successivement les artères antennaires et an-
tennulaires aussi bien que les artères ophthalmiques. Le cœur
donne à chaque anneau du corps une paire d'artères trans-
versales qui, après avoir distribué des branches aux viscères,
aux muscles du tronc et aux téguments, pénètrent dans les
pattes ou autres appendices analogues. Enfin, l'artère sternale
et l'artère abdominale inférieure ne se trouvent représentées
que par un vaisseau médian extrêmement grêle (1).
On voit donc qu'ici le système artériel est fort simplifié.
Chez quelques autres Crustacés , tels que les Limules (2) et les
(1) Ce vaisseau est accolé à la face in-
férieure de la chaîne ganglionnaire, et
fournit dans chaque anneau une paire
de petites branchies qui se rendent
aux muscles voisins, mais ne consti-
tuent pas, comme chez les Décapodes,
les artères pédieuses (a).
(2) Le cœur des Limules est allongé
comme celui des Squilles, mais beau-
coup plus large et plus charnu. Il est
suspendu aussi dans une chambre
péricardique qui fait fonction de réser-
voir sanguin, et il présente à sa face
supérieure plusieurs paires d'orifices
afférents dont la forme est celle de
petites boutonnières transversales (6).
M. Vander Hôven en a donné une
figure, et a compté sept paires de ces
ouvertures qui sont pourvues cha-
cune de deux petites valvules semi-
lunaires (c).
A l'extrémité antérieure du cœur,
située vers le milieu du céphalo-
thorax , nait une artère céphalique
impaire qui se dirige en avant et se
bifurque bientôt. Enfin , de chaque
côté, le cœur fournit sept paires de
vaisseaux transversaux dont le mode
de distribution n'a pas encore été étu-
dié d'une manière sufiisan te.
Chez les Branchipes, dont Bénédict
Prévost a étudié le mode d'organisa-
tion, le cœur a la forme d'un gros
vaisseau dorsal étendu depuis la tête
jusque dans le pénultième anneau de
l'abdomen, au-dessus de l'intestin, et
se trouve subdivisé par une série d'é-
tranglements correspondants aux di-
vers segments du corps (d). Toutes les
loges ou ventricules ainsi constitués
(au nombre de dix-huit ou dix-neuf)
se contractent simultanément et lais-
sent voir pendant la diastole deux
échancrures latérales. Bénédict Pré-
vost n'a pas osé se prononcer sur les
fonctions de ces boutonnières; mais
ÎM. Budge a vu que ce sont, en effet,
des orifices afférents garnis de valvules.
(a) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Gwtier, Crustacés, pi. 5G, fig. 1.
(b) Straus, Considérations sur l'anatomie des Animaux articulés, p. 346.
(c) Vander Hôven, Recherches sur l'histoire naturelle et l'anatomie des Limules. Leydc, 1838,
p. 19, pi. 2, fig. 9.
(d) B. Prévost, Mém. sur le Chirocêphale (Hist. des Monocles, parL. Jurine, 1820, p. 222).
190 CIRCULATION DU SANG
Branchipes , le cœur est disposé à peu près de même que chez
les Squilles ; mais, en général, il tend à se concentrer davan-
tage, et l'on trouve ainsi beaucoup de formes intermédiaires
entre les deux termes extrêmes que je viens de décrire (1).
système § 6. — Le sang artériel est distribué dans toutes les parties de
des Décapodes, l 'économie par ces vaisseaux, dont les parois sont membraneuses
et dont les ramifications atteignent un grand degré de finesse;
mais le retour du fluide nourricier vers l'appareil respiratoire,
où il doit reprendre ses qualités vivifiantes, n'est pas assuré
Ce dernier observateur a aperçu aussi Chez les Isopodes, cet organe a
une valvule à l'extrémité postérieure également la forme d'un vaisseau dor-
du cœur (a). sal, mais il n'occupe que la région ab-
La disposition du cœur est à peuples dominale du corps, et dans le thorax
la même chez VArtemia, petit Crustacé il se rétrécit de façon à représenter
branchiopode très voisin du précé- une artère céphalique seulement. Celte
dent (6); ainsi que chez VIsaura (c), disposition a été observée par Tre-
et chez les Limnadies, qui appartien- viranus chez l'Aselle d'eau douce
nent au même ordre (d). {Asellus vulgaris, Latr.) et cbez le
(1) Ainsi, chez I'Apus cancrifor- Porcellio scaber (f). MM. Brandt et
mis, qui appartient au même ordre Ratzburg ont mieux représenté les
que les Branchipes et les Artémies, vaisseaux qui en partent chez cette
MM. Berthold, Krohn et Zaddacb, ont dernière espèce (g). Enfin il a été
constaté que le cœur affecte aussi la décrit avec un peu plus de détail par
forme d'un gros vaisseau dorsal sub- M. Lereboullet dans son travail sur les
divisé en une série de loges par des Cloportides. Le cœur proprement dit
étranglements incomplets , mais que s'étend depuis le cinquième anneau
cet organe ne s'étend que depuis le du thorax jusqu'à la base du dernier
céphalothorax jusque auprès du dou- segment abdominal, et se trouve en
zième segment thoracique (e). connexion latéralement avec quatre
(a) Budge, Bemerkungen ûber Branchipus paludosus (Verhandhmgen des Naturhistorischen
Vereines der Preussischen Rheinlande, 1846, p. 93).
(b) Joly, Histoire d'un petit Crustacé (Artemia salina) auquel on a faussement attribué la
coloration en rouge des marais salants méditerranéens , Montpellier, 1840, p. 20, pi. 3, fig. 1,
et Afin, des sciences nat., 2" série, t. XIII, p. 239.
(c) Joly, Recherches %oologiques, analomiques et physiologiques sur t'Isaura cycladoides (Ann.
des sciences nat., 1842, 2' série, t. XXVII, p. 323).
(d) Lereboullet, Obs. sur le eccur et la circul. dans la Limnadie de Hermann, etc. (Institut,
1848, t. XVI, p. 328).
(e) Berthold, Beitrage %ur Anatomie des Krebsartigen Kiefenfusses, Apus cancriformis (Isis,
1830, t. XXIII, p. 690).
— Krohn, Ueber ein gegliedertes Herz im Blattfusse (Froriep's Notix-en, 1836, t. XLIX,
p. 305, fig. 1 et 2).
— Zaddach, De apodis cancriformis anatome et historia evolutionis (Dissert, inaug1.). Bonnœ,
1841, p. 17, pi. 2, fig. 10, etc.
(/■) Tre\iranus , Vermischte Schriften, 1816, Bd. I, p. 58, etc., pi. 8, fig. 46, et pi. 9, fig. 55.
(g) Brandt und Ratzeburg, Medizinische Zoologie, 1833, Bd. II, p. 75, pi. 15, fig. 38.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 191
de la même manière, et ne s'effectue pas à l'aide d'un système
de tubes comparables aux artères. Le sang veineux se répand
dans les espaces de forme irrégulière que les divers organes
laissent entre eux , et c'est en passant par ces lacunes qu'il
arrive à l'entrée des canaux afférents des branchies. Les por-
tions de la cavité abdominale qui sont inoccupées par les vis-
cères font toujours partie de ce système de méals veineux, et
constituent même , chez beaucoup de Crustacés, les principaux
réservoirs où ce liquide s'accumule avant de pénétrer dans
paires de canaux qui paraissent y ap-
porter le sang de l'appareil bran-
chial. Antérieurement, il se continue
sous la forme d'un vaisseau plus
étroit qui longe l'intestin en dessus
jusqu'à l'estomac , où il se divise en
trois branches, savoir : une artère
céphalique médiane qui passe sur l'es-
tomac, et deux artères latérales. Le
cœur proprement dit fournit égale-
ment par son extrémité antérieure une
paire d'artères viscérales. Chez les
jeunes Cloportes , M. Lereboullet a
vu sur les côtés du cœur des bou-
tonnières munies de valvules, mais il
n'a pu distinguer aucune trace de
vaisseaux transversaux dont il avait
aperçu les parois chez des individus
adultes. Il a reconnu aussi l'existence
d'une valvule à l'entrée de l'artère
qui naît de l'extrémité antérieure du
cœur, vers la partie postérieure du
thorax (a).
Chez les Daphnies, le cœur est au
contraire très ramassé et a la forme
d'une poche musculaire arrondie si-
tuée à la partie antérieure du thorax,
et présente au-dessus un orifice affé-
rent (b). Schaeffer avait cru que cet
organe, dont les battements sont très
précipités et s'élèvent parfois à plus de
deux cents par minute, était divisé en
deux loges (c). Mais M. Straus a reconnu
que'-sa cavité est en réalité simple (d),
et la poche que Gruithuisen a décrite
comme étant un cœur veineux situé
au-dessous du cœur artériel est pro-
bablement une simple dilatation de la
chambre péricardique (e). Perty a
cru apercevoir un. second cœur situé
au-dessous de l'intestin, près de la
tête, chez ces petits Crustacés (f) ;
mais rien de semblable n'a été vu par
les autres naturalistes qui ont étudié
la structure de ces Animaux.
Jurine a fait connaître la position
et la forme du cœur chez les Cyclops.
Cet organe consiste en une poche
(a) Lereboullet, Mèm. sur les Crustacés de la famille des Cloportides, p. 102, figi 150, pi. 7, et
fig. 151, pi. 8 (exlr. des il/cm. de la Soc. d'hist. nat. de Strasbourg, 1853).
(b) Lereboullet, Obs. sur le cœur des Limnadies et des Daphnies [Institut, 1848, t. XVI, p. 328).
(c) Schaeffer, Von den geschwanzten xackigen 'W'asserflohen (Abhandlungeii von Insecten, 1764
Bd. I; p. 274).
— Voyez aussi Jurine, Histoire des Monocles, p. 193.
(d) Straus, Mém. sur les Daphnies (tient, du Muséum d'hist. nat., t. V, p. 412).
(e) Gruithuisen, Ueber die Daphnia simiatMitZ ihren Blutkreislauf (Nov. Acta Acad. Nat. curios
t. XIV, p. 404, pi. 22, fig. 6).
(f) Perty, Beitrage %ur Kenntniss der Fauna monacensis (Isis, 1832, t. XXV, p. 725).
192 CIRCULATION DU SANG
l'appareil respiratoire. Le sang baigne donc les muscles , le
système nerveux et les viscères, dont il n'est séparé que par
une couche mince de tissu connectif analogue à celui dont tous
les organes sont d'ordinaire revêtus ou par une sorte de vernis
épithélique.
Ainsi, chez les Homards et les Écrevisses, l'espace qui
occupe la portion moyenne et inférieure de l'abdomen, qui loge
la chaîne ganglionnaire, et qui se trouve limité en dessus et sur
les côtés par les muscles de la queue, et en dessous par les
téguments communs, estrempli de sang veineux et communique
librement avec les vaisseaux des branchies. Pour s'en assurer,
il suffit d'un petit nombre d'expériences que j'ai souvent répétées
devant le public.
Si l'on fait une petite piqûre à la membrane tégumentaire
de la face inférieure de l'abdomen, de façon à ouvrir la cavité
en question, on voit s'écouler en abondance un liquide qui
bientôt se coagule spontanément, et qui est évidemment du
sang.
Si, au lieu de faire sortir du sang hors des cavités qui sont
destinées à le contenir, on en détermine la coagulation à l'aide
de la chaleur, et qu'ensuite on ouvre le corps de l'animal, on
trouve un magma albumineux qui est bien reconnaissable et qui
occupe la portion libre de la cavité abdominale, ainsi que les
autres lacunes interorganiques.
ovalaire qui repose sur l'intestin, im- il a aperçu une poche pyriforme qui
médialement sous la division située lui semble devoir jouer le rôle d'une
entre le deuxième et le troisième seg- oreillette (a).
ment du squelette tégumentaire ; il M. Nordmann a trouvé un cœur de
bat de 112 à 120 fois par minute, forme ovalaire dans le premier seg-
et sa cavité paraît être simple. Jurine ment thoracique du corps de TErga-
a cru en voir sortir deux vaisseaux ce- silius, petit Crustacé parasite qui res-
phaliques , et au-dessous de ce cœur semble beaucoup aux précédents (6).
{a) L. Jurine, Histoire des Monocles, 1820, p. 57, pi. 4, fig. 2 ; pi. 5, fig. 4.
(6) Nordmann, Nikrogr. Beitr., 1832, Bd. H, p. H.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 193
Enfin, si après avoir fait sortir le sang par une ponction de
la cavité viscérale, on injecte dans cette même cavité un liquide
coloré, on voit celui-ci se répandre dans les espaces intermus-
culaires, et bientôt après remplir tout le système des vaisseaux
afférents de l'appareil branchial.
Chez les Squilles, la grande lacune médiane ainsi limitée
règne dans presque toute la longueur du corps et constitue le
principal réservoir veineux (1). Mais, chez les Décapodes, des
espaces ménagés entre les muscles de la base des pattes thora-
ciques et les téguments communs constituent de chaque côté
du corps une série de sinus d'une capacité encore plus consi-
dérable qui communiquent directement avec les vaisseaux affé-
rents des branchies situées immédiatement au-dessus. Chez
les Décapodes Brachyures, ces réservoirs, auxquels on a donné
le nom de sinus branchiaux, constituent même la portion la
plus importante du système veineux et présentent une disposi-
tion curieuse, mais qu'il serait trop long de décrire ici (2).
Ç 7 . — Les vaisseaux qui distribuent le sang veineux aux vaisseaux
u * . " branchiaux.
organes respiratoires, et qui naissent de ces sinus latéraux, occu-
pent la face externe des pyramides branchiales , et , ainsi que
(i) II ne faut pas confondre ce pro- poche formée par la tunique séreuse
longement médian de la cavité viscé- de cette glande à moitié vidée par la
raie qni sert de réservoir veineux avec putréfaction que Duvernoy a prise pour
ce que Duvernoy a décrit sous le nom un sinus veineux; enfin, l'humeur
de grand sinus veineux des Squilles, laiteuse qu'il dit y avoir trouvée , et
et qu'il dit entourer l'intestin. Les re- qu'il considère comme du sang coa-
cherches de cet anatouiiste avaient été gulé, n'était en réalité que les détri-
faites sur des individus qui avaient tus laissés par le tissu hépatique (a),
macéré pendant longtemps dans de (2) Pour plus de détails à ce sujet,
l'alcool trop affaibli et dont le foie je renverrai au Mémoire publié par
s'était réduit à l'état d'une matière Audouin et moi il y a trente ans (6).
pultacée semi-liquide. Or , c'est la
(a) Duvernoy, Mém. sur quelques points d'organisation concernant les appareils d'alimentation
et de circulation et l'ovaire des Squilles (Ann. des sciences nat., 2' série, t. VIII, p!. 2, fig. 4).
(b) Audouin et Milne Edwards , Recherches sur la circulation chez les Crustacés (Ann. des
scisnces nat., 1827, t. XI, p. 355 et suiv., pi. 26, fig. 2 et i ; pi. 27, fig. 1 ; pi. 30, fij. i et 2).
m. 13
19/| CIRCULATION DU SANG
nous l'avons déjà vu, fournissent de chaque côté des branches
qui se ramifient dans les feuillets ou les filaments dont ces or-
ganes se composent. Le réseau capillaire, ainsi constitué, donne
naissance du côté opposé à des vaisseaux efférents qui se
réunissent d'une manière semblable dans les canaux verticaux
situés à la face interne de chaque branchie (1). Enfin, ces der-
niers conduits, qui, à raison de leurs fonctions aussi bien que
de leurs rapports anatomiques, sont appelés canaux branchio-
cardiaques, pénètrent dans le thorax, au-dessus des sinus bran-
chiaux, se recourbent en haut, suivent la face externe de la
voûte des flancs, et vont s'ouvrir tous ensemble de chaque côté
du cœur, dans la chambre péricardique.
sinus Cette cavité, comme nous l'avons déjà vu, est séparée de la
p ncardlque. ^^j.g vjscéraie située au-dessous par un plancher mem-
braneux, et elle est fermée de toutes parts, excepté là où les
canaux branchio-cardiaques y débouchent (2). Chez les Déca-
podes Brachy ures, elle est limitée postérieurement par le bord
(1) On doit à Treviranus quelques ce sinus est en forme de cul-de-sac ;
observations sur la circulation du sang mais vers le milieu des cinq premiers
dans les organes respiratoires des anneaux abdominaux , il reçoit , de
Crustacés, et ce physiologiste pense chaque côté, un canal branchio-car-
que les deux courants en sens con- diaque qui vient de la branchie corres-
traire qui se voient au microscope pondante et qui monte de la base de la
dans chaque brin des houppes bran- fausse patte jusque sur le dos, en con-
ciliâtes des Squilles sont contenus tournant la face latérale du corps (6).
dans un seul et même, canal (a). Chez les Décapodes , les canaux
(2) Chez les Squilles, la chambre branchio-cardiaques occupent la ré-
péricardique s'étend depuis le bord gion thoracique du corps , et varient
postérieur de l'estomac, situé vers le un peu quant à leur nombre et à leur
tiers postérieur de la carapace, jus- conformation, suivant le nombre et le
qu'au bord antérieur du dernier seg- mode d'insertion des branchies ; mais
ment abdominal, et occupe presque le toujours il ne s'en trouve qu'une seule
tiers de la largeur de la face dorsale paire par segment, et ils suivent l'an-
du corps. Dans sa moitié antérieure, gle rentrant formé par la rencontre de
(a) Treviranus, Beobachtungen aus der Zootomie und Physiologie, 1839, t. I, pi. G, fig. 38.
(6) Milne Edwards , Histoire naturelle des Crustacés, pi. 9, %. 2 et 3, et Crustacés de l'Atlas
du Règne animal de Olivier, pi. 56, fig. 1 a et 1 c.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 195
du premier segment abdominal qui s'avance assez loin dans
l'intérieur du thorax, et, par conséquent, elle n'est guère plus
grande que le cœur; mais, chez les Macroures, elle s'étend
jusque sous le bord postérieur de la carapace, et chez les
Squilles, elle occupe toute la longueur de l'abdomen.
Ainsi, chez tous les Crustacés supérieurs, la totalité du sang
qui arrive au cœur a traversé préalablement l'appareil respira-
toire, et si quelques anatomistes admettent que chez ces Ani-
maux le sang veineux se mêle au sang artériel pour être ensuite
repris par la pompe cardiaque et lancé dans les artères, c'est
parce qu'ils. n'ont pas connu l'existence du plancher membra-
neux qui sépare complètement la chambre péricardique des
sinus veineux situés au-dessous. Cette cloison est en effet très
facile à rompre, et lorsqu'on fait des injections sans observer
toutes les précautions convenables, il arrive souvent qu'elle se
l'épimérite, qui y constitue la voûte trois ou quatre vaisseaux efférents
des flancs, et l'apodème, qui se détache débouchent dans chacun d'eux (a).
de celle-ci en manière de cloison, Chez les Brachyures, les canaux
pour former la rangée supérieure des branchio-cardiaques ne sont qu'au
cellules thoraciques dont je ferai con- nombre de cinq de chaque côté du
naître la structure lorsque je traiterai corps, et ils s'anastombsent de façon
du squelette tégumentaire de ces Ani- à se terminer dans le sinus péricar-
maux. dique par deux ou trois orifices fort
Chez le Homard et la plupart des rapprochés , ainsi que cela se voit
autres Macroures, on compte, de cha- chez le Tourteau (6 1 , le Maïa (c) , etc.
que côté, six canaux branchio-car- La tunique membraneuse qui les
diaques qui s'élèvent en convergeant revêt est très mince, mais bien dis-
entre eux et se réunissent de façon à tincte, et se continue avec celle qui
déboucher presque au même point tapisse la chambre péricardique. Cette
dans la partie latérale du sinus péri- dernière adhère supérieurement au
cardique. Quelques-uns de ces canaux derme situé au-dessus ; mais elle reste
ne reçoivent donc que le sang venant isolée en passant sous le cœur, et y
d'une ou de deux branchies , mais constitue une cloison complète , quoi-
dans la partie moyenne du thorax que très délicate.
(a) Audouin el Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, pi. 31 , fig\ 1 et 2)
(6) Milne Edwards, Crustacés de V Atlas du Règne animal, pi. 1.
(c) Audouin et Milne Edwards, loc. cit., pi. 26, fig-, 3.
circulatoire
chez
les Crustacés
inférieurs.
196 CIRCULATION DU SANG
déchire, lésion qui établit aussitôt une communication anormale
entre le cœur et la portion veineuse du cercle circulatoire et
en impose aisément à l'expérimentateur; mais des dissections
bien conduites ne laissent, ce me semble, aucune incertitude
sur la clôture complète de ce réservoir sanguin (1).
Appareil §8. — Chez tous ces Crustacés le système artériel est bien
complet et se trouve constitué par des vaisseaux à parois propres ;
le passage du sang de l'appareil respiratoire jusque dans la
chambre péricardique s'opère à l'aide de tubes membraneux, et
c'est seulement dans la portion veineuse du cercle circulatoire,
c'est-à-dire entre le réseau terminal des artères et les branchies,
que les vaisseaux sanguins manquent et sont remplacés par les
espaces lacunaires interorganiques dont les parois sont formées
essentiellement par les muscles, les viscères ou les téguments
circonvoisins, et sont tapissées seulement par une couche mince
de ce tissu connectif qui se retrouve presque partout dans l'éco-
nomie, et que les anthropotomistes désignent d'ordinaire sous
le nom de tissu cellulaire. Mais, chez les Crustacés inférieurs,
l'appareil irrigatoire paraît se dégrader beaucoup plus , et la
(i) C'est delà sorte que je m'expli- toure le cœur, disposition qui entraî-
que l'erreur commise par un illustre nerait le mélange du sang veineux
anatomiste anglais, J. Hunter, et ac- arrivant des diverses parties du corps
cueillie avec confiance par plusieurs avec le sang artériel venant de l'appa-
auteurs plus récents. rcil respiratoire par les canaux bran-
Dans un travail qui est resté en chio -cardiaques {a). Aussi MM. Owen
portefeuille pendant plus de quarante (6) et Carpenter (c) assignent-ils ce
ans après la mort de son auteur, et caractère mixte à la circulation chez
qui a été publié par les soins de les Crustacés, et ce dernier la compare
M. Owen en 183Zi, Hunter représente sous ce rapport à ce qui existe chez
les lacunes veineuses du thorax comme les Reptiles. Mais le mélange en ques-
se confondant avec l'espace qui en- tion n'a pas lieu.
(a) Descriptive and Illustrated Catalogue ofthe Physiol. Séries ofComp. Anat. Contained in tht
Mus. of the Collège of Surgeons in London, 1834, vol. II, p. 138 et suiv., pi. 17, fig. 1 ; pi. 18,
%. 4.
(6) Owen, Lectures on the Comparative Anatomy and Physiology of the Invertebrate Animais,
1843, p. 179.
(c, Carpenter, Principles of Comparative Physiology, 1854, p. 244.
CHEZ LES CRUSTACÉS. 197
plupart des observateurs qui ont étudié attentivement les phé-
nomènes de la circulation chez les Branchiopodes , les Ento-
mostracés et les Siphonostomes , s'accordent à penser que les
courants artériels, aussi bien que les courants veineux, s'éta-
blissent dans un système de lacunes ou de canaux endigués
seulement par les organes circonvoisins (1).
(1) Les recherches de MM. Frey et
Leuckart tendent à établir que l'appa-
reil circulatoire des Mysis se compose
seulement d'un cœur cylindrique éten-
du dans toute la longueur du thorax
et percé de trois paires d'orifices effé-
rents, d'un vaisseau céphalique mé-
dian ouvert à son extrémité anté-
rieure, et d'un système de lacunes
interorganiques (a).
D'après les observations de Zin-
ker {b) et celles qui lui sont propres,
M. Siebold pense que chez les Am-
phipodes, le système artériel est très
rudimentaire, et que, dans la presque
totalité de son trajet, le sang circule
dans des lacunes ou espaces inter-
organiques dépourvus de parois pro-
pres (c). Le cœur de ces Crustacés,
des Crevettes {Gammarus), par exem-
ple, a la forme d'un vaisseau dorsal,
et occupe la portion thoracique du
corps. M. Caspary y a observé une
série d'étranglements situés vers le
milieu des troisième, quatrième, cin-
quième et sixième anneaux du thorax,
et a vu qu'il se contracte avec beau-
coup de rapidité; il a compté plus de
deux pulsations par seconde (d).
Le même mode d'organisation a été
observé chez la Chevrolle (Caprella
linearis) par MM. Frey et Leuckart.
Le cœur a la forme d'un vaisseau dor-
sal étendu depuis la tête jusqu'à l'ori-
gine du tubercule abdominal, et pré-
sente cinq paires d'orifices afférents
garnis de valvules. Une artère cépha-
lique (ou aorte) naît de l'extrémité
antérieure du cœur ; mais ces au-
teurs n'ont pu découvrir aucun autre
vaisseau sanguin afférent , et dans
toutes les autres parties du corps les
courants formés par le sang se trou-
vent dans les lacunes interorgani-
ques (e). Ce que M. Goodsir a dit des
artères et des veines qui se verraient
dans les antennes de ces petits Crus-
tacés s'applique évidemment aux deux
courants en sens opposés qui se voient
facilement dans les divers appen-
dices (/■).
M. Zaddach, qui a fait une étude
très approfondie de l'organisation de
TApus cancriforme, pense que chez
(a) H. Frey et R. Leuckart , Beitrcige %uv Kenntniss wirbelloser Thiere des Norddeutschen
Mètres, 1847, p. 421, pi. 2, 6g. 14.
(6) Zinker , De Gammari pulicis historia naturali atque sanguinis circuitu commentât™.
lente, 1832.
(c) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, vol. I, p. 452.
(d) Gammarus puteanus beobachtet von R. Caspary (Verhandl. des Naturhist. Vereines der
Preussischen Rheinlande und 'Westphaliens , 1849, p. 44, pi. 2, fis?. 19).
(«) Frey et Leuckart, Beitr. zur Kenntniss wirbelloser Thiere des Norddeutschen Meeres, p. 1 04,
pi. 2, fiç. 20.
(/") H. Goodsir, On a New Genus and Six Neiv Species of Crustacea (Edinburgh New Philosoph.
Journal, 1842, vol. XXX1I1, p. 184).
198 CIRCULATION DU SANG
Chez la plupart des Crustacés inférieurs, où la respiration
est cutanée et diffuse, il ne parait y avoir aucune distinction
bien nette entre le sang artériel et le sang veineux. Le même
courant traverse successivement diverses parties du corps, et
c'est dans le voisinage immédiat du cœur seulement qu'on peut
reconnaître si ce courant s'éloigne ou se rapproche de cet
ce Crustacé le système artériel est
confondu avec le système veineux,
et que la presque totalité du cercle
circulatoire est formée par des ca-
naux lacunaires seulement. En lais-
sant de côté quelques particularités
de nomenclature adoptées par ce na-
turaliste, on voit que le cœur est
suspendu dans une cavité péricar-
dique faisant fonction de sinus san-
guin , et que de l'extrémité anté-
rieure de cet organe le courant se
répand dans la région céphalique ,
gagné la face slernale du corps, passe
en partie dans les pattes branchiales ,
en partie dans un système d'anses vas-
culaires creusées à la face interne de la
carapace ; puis revient dans un grand
sinus ventral , gagne la partie posté-
rieure de l'abdomen, et rentre dans
le cœur par la cavité péricardique ,
dont la portion postérieure est cloi-
sonnée en dessous par une membrane,
mais dont la portion antérieure se
continue avec la région céphalique
de la cavité viscérale (a).
M. Budge a observé aussi la circu-
lation lacunaire chez les Branchipes:
les courants sanguins, dit ce physio-
logiste, ne sont pas renfermés dans des
vaisseaux, mais sont libres entre les
organes, bien qu'ils offrent une régu-
larité remarquable (6).
Gruilhuisen a décrit avec beaucoup
de soin la route suivie par les princi-
paux courants sanguins dans le corps
des Daphnies ; mais il n'a pu aperce-
voir des vaisseaux à parois propres
que dans le voisinage immédiat du
cœur ; dans les parties périphériques
du système circulatoire, ainsi que dans
les trajets veineux, il n'a pu découvrir
aucune trace de parois tubulaires (c).
L'absence de vaisseaux proprement
dits dans une grande partie du corps
de TArgule foliacé avait été depuis
longtemps signalée par Jurine (ils (d).
Les observations plus récentes de
M. Vogt rectifient des erreurs commises
par ce naturaliste relativement à la po-
sition du cœur, et tendent à établir que
dans quelques parties de l'organisme
le sang circule dans des vaisseaux tu-
bulaires. Mais , dans d'autres parties ,
M. Vogt n'a pu découvrir aucune trace
de parois propres autour des cavités
qui renferment ce liquide (e).
Suivant M. Nordmann, la circula-
fa) B.-G. Zaddach , De Apodis cancriformis anatome et historia evohitionis. In-4 , Bonnse ,
1841, p. 15 et suiv., pi. 1 et 2, fig. 10 à 17.
(b) Budge , Bemerkung ûber Branchipus paludosus ( Verhandl. des Naturhist. Vereines der
Preussischen Rheinlande, 1840, p. 94).
(c) Gruithuisen, Ueberdie Daphnia simiawnd ihren Blutkreislauf (Nova Acta Acad. Nat. curios.,
t. XIV, p. 399, pi. 24,%. 6).
(d) Jurine fils, Mém. sur VArgule foliacé (Ann. du Muséum, "1806, t. VII, p. 439).
(e) Vogt , Beitràge zur Naturgeschichte der schweizerischen Crustaceen (Neue Denkschrift .
der Allgem. Schiveizer Gesellsch. fur die gesammten Naturwissenschaften, 1843, Bd. VII).
CHEZ LES CRUSTACÉS. 499
organe. Ainsi la division du travail physiologique et la spé-
cialité des instruments paraît diminuer de plus en plus à mesure
que l'on descend dans la série Carcinologique; mais ici la dé-
gradation ne paraît être jamais portée aussi loin que chez les
Molluscoïdes inférieurs, car le cœur semble ne manquer chez
aucun représentant de ce type (1). Nous voyons également que
tion du sang est complètement lacu-
naire chez les Siphonostomiens, dont
il a composé le genre Achthères. Le
cœur de ces Crustacés parasites est
placé dans la partie antérieure du
céphalothorax , et a la forme d'un sac
allongé, étroit en avant et élargi en
arrière. Le sang, mis en mouvement
par les contractions de cet organe , se
meut librement dans la cavité générale
du corps ainsi que dans des sillons ou
lacunes ménagées dans d'autres par-
ties , et l'on ne saurait y établir au-
cune distinction analogue à celle qui
existe d'ordinaire entre les artères et
les veines (a).
Dans le Dichelestiox, le cœur pa-
raît avoir la forme d'un vaisseau na-
viculaire qui s'étend depuis le ganglion
cérébroïde situé au milieu du bouclier
céphalique jusque vers le milieu du
second anneau thoracique. M. Rathke
n'a pu découvrir chez ce Crustacé
aucun autre vaisseau sanguin (6).
MM. Pickering et Dana , à qui l'on
doit une très bonne monographie ana-
tomique du Caligus americanas , ont
très bien vu le mouvement circula-
toire du sang chez ce petit Crustacé ,
mais ils n'ont pu distinguer le cœur.
D'après le jeu de quelques valvules
qu'ils ont remarqué, il est cependant
probable que cet organe se trouve
placé, comme d'ordinaire, sur le dos,
entre le milieu de la région céphalique
et le premier anneau thoracique.
Quant aux courants circulatoires, ils
s'établissent dans les espaces inter-
musculaires et autres lacunes ; souvent
ils deviennent oscillatoires (c).
On ne sait encore que fort peu de
choses relativement à l'appareil circu-
latoire des Cirripèdes. Poli a reconnu
l'existence d'un cœur situé vers la
partie postérieure de la région thora-
cique du corps, chez les Analifes (cl) ;
mais ni Cuvier (e) , ni M. Martin
Saint-Ange (f), n'ont pu voir distinc-
tement cet organe , et ce dernier ana-
tomiste pense que les canaux avec
lesquels il communique ne sont pas
de véritables vaisseaux sanguins, mais
des cavités creusées dans la substance
même des organes.
(1) Chez les Pycnogonides , où,
jusqu'en ces derniers temps, l'appareil
ur Naturgeschichte der wirbellosen Thiere, 1832,
(a) Nordmann , Mikrographische Beitrdge
Bd. II, p. 73.
(6) Rathke, Bemerkungen ùber den Bau des Dichelestium Slurionis und der Lernae Apoda stellata
(Nova Acla Acad. Nat. curios., vol. XIX, p. 153).
(c) Pickering- and Dana , Description of a Species of Caligus (American Journal of Science and
Arts, 1838, vol. XXXIV).
(d) Poli, Testacea utrmsque Siciliœ, t. I, p. xlviii, pi. i, fig. 13.
(e) Cuvier, Mém. sur les Animaux des Anatifes et des Balanes, p. 12 (Mém. sur les Mollusques,
et Mém. du Muséum, t. II).
(f) Martin Saint-Ange, Mém. sur l'organisation des Cirripèdes, 1835, p. 18 (tiré des Mém. des
Sav. étrang., Acad. des sciences, t. VI).
200 CIRCULATION DU SANG
cet organe occupe toujours la ligne médiane dorsale, et que,
dans les espèces où la respiration est localisée, il se loge dans
la région du corps où les branchies ont leur siège. Ainsi, il est
placé dans le thorax chez les Décapodes et les Amphipodes,
tandis que chez les Squilles et les Isopodes , où les organes
respiratoires sont relégués à l'arrière du corps, il se loge en
majeure partie dans la région abdominale. Enfin, je rappellerai
aussi que partout où la distinction entre le sang artériel et le
sang veineux est possible à établir, on voit que c'est sur le
trajet du sang artériel que cet organe d'impulsion se trouve
placé. C'est donc un cœur aortique ou artériel qui existe chez
les Crustacés aussi bien que chez les Mollusques.
Disposition § 9. — Dans la classe des Arachnides, le mode de cir-
générale , . , , , A
de l'appareil culation du sang est , a peu de chose près, le même que
chez e chez les Crustacés. Chez les espèces les plus dégradées du
les Arachnides. .-, ., -i \ n • t 1 i -, r
premier de ces groupes, 1 appareil a 1 aide duquel ce phéno-
mène s'accomplit est peut-être plus incomplet encore que nous
ne l'avons trouvé chez les Crustacés inférieurs; mais dans les
espèces dont l'organisation est au contraire le plus perfec-
tionnée , nous rencontrons un ensemble d'instruments physio-
logiques semblables, en tout ce qui est essentiel , au système
circulatoire avait échappé aux recher- qui est divisé en une série de trois
ches des naturalistes, et où le mouve- loges, et qui reçoit le sang dans son
ment des fluides alimentaires dans les intérieur par son extrémité postérieure
appendices tabulaires de l'estomac est ainsi que par deux paires d'ouvertures
très remarquable (a), le cœur est con- latérales (c). Cet organe ne paraît
formé de la manière ordinaire (6). donner naissance à aucune artère;
C'est une poche cylindrique placée mais on en voit partir de grands cou-
au-dessus de l'intestin, qui s'étend de- rants sanguins qui se répandent dans
puis la base de la tète jusqu'au bord les diverses parties du corps,
antérieur du tubercule abdominal ,
(a) Quatrefâges, Mém. sur l'organisation des Pycnogonides (Ami. des sciences nat., 1845,
3° série , t. IV, p. 76).
(6) Zinker, Untersuchungen ùber die Pycnogoniden (Arch. fur Anatom. und Phys. von Millier,
1852, p. 383).
(c) Krohn, Ueberdas Herz und den Blutumlauf in den Pycnogoniden ( Archiv fur Naturge
schichte, 1855, Heftl, p. 6, pi. 1, fig\ 3).
CHEZ LES ARACHNIDES. 201
circulatoire des Crustacés, savoir : un cœur aortique pour
mettre le sang en mouvement , des vaisseaux artériels par-
faitement développés pour distribuer ce liquide à tous les
organes , des canaux constitués aux dépens des espaces inter-
organiques et servant à ramener le sang veineux des diverses
parties de l'économie vers les organes respiratoires , puis enfin
des tubes membraneux ou vaisseaux pneumocardiaques qui le
conduisent de ces organes au cœur. Cette ressemblance avait
été nettement indiquée il y a environ vingt ans par Audouin ,
mais a été surtout mise en lumière par les recherches ré-
centes de l'un de nos anatomistes les plus habiles , M. E. Blan-
chard.
Dans la description de l'appareil circulatoire des Arachnides
que je vais présenter ici, je prendrai comme exemple principal
le Scorpion, parce que l'organisation de cet Animal, étudiée
successivement par Treviranus, Newport, M. Léon Dufour et
M. Blanchard, est aujourd'hui mieux connue que celle de toute
autre espèce de la même classe (1).
(1) Les premières recherches de question ci-dessus , fut le premier à
quelque importance dont l'appareil en donner l'explication qui est ad-
circulatoire des Arachnides ait été mise aujourd'hui (6). Vers la même
l'objet, sont dues à Treviranus et époque, Dugès arriva à un résultat
datent de 1812 (a). Mais les zoologistes analogue (c). Newport fit faire des
restèrent encore pendant plus de vingt progrès nouveaux et très importants
ans sans avoir des idées justes et nettes à l'histoire anatomique de cette fonc-
relativement à la route parcourue par tion chez les Arachnides, bien que les
le sang dans l'organisme de ces Ani- vues physiologiques de cet auteur
maux, et Audouin, éclairé par les soient loin d'être toutes admissibles (d).
découvertes relatives à la circulation Enfin, à une époque encore plus lé-
chez les Crustacés dont il a été cente, M. Léon Dufour apporta de
(a) Treviranus , Ueber den innem Bau der Arachniden. In-4, 1842.
(6) Audouin, article Arachnida (Todd's Cyclopœdia of Anatomy and Physiology, 1836, vol. I,
p. 206).
(c) Dugès, Traité de physiologie comparée, \ 836, 1. 1, p. 443, et Observations sur les Aranéides
(Ann. des sciences nat., 2» série, t. VI, p. 483).
(d) Newport , On the Structure , Relations and Development of the Nervous and Circulatory
Systems in Myriapoda and Macrourous Arachnida (Philos. Trans., 1843, p. 243).
Cœur
du Scorpion.
202 CIRCULATION DU SANG
§ 10. — Le cœur du Scorpion est un gros vaisseau longi-
tudinal qui se trouve sur la ligne médiane du côté dorsal du
corps, et qui occupe la portion élargie de l'abdomen dans toute
son étendue. Il est renfermé dans un sac péricardique en forme
de gaine qui repose sur le foie, et il est recouvert immédiatement
par la peau. Les parois de ce cœur sont très charnues (1), et une
série d'étranglements le divisent en huit loges ou chambres
qui semblent être autant de petits cœurs élémentaires ou ven-
triculites placés à la file (2). Effectivement, ils se répètent
exactement quant à leur organisation , et sont pourvus chacun
d'une paire d'expansions musculaires en forme d'ailes et d'une
nouvelles observations à l'appui de
l'opinion qui lui est propre (a). Mais
nous ne connaissons d'une manière
satisfaisante l'appareil circulatoire de
ces Animaux que depuis la publi-
cation du beau travail de M. Blan-
chard (b).
(1) Les fibres musculaires intrinsè-
ques du cœur forment deux couches ;
les unes sont longitudinales, les au-
tres circulaires.
(2) Les étranglements qui divisent
ainsi le cœur du côté dorsal ne sont
que peu marqués pendant la vje ou
quand cet organe est distendu, mais
deviennent très prononcés après la
mort ainsi que pendant les fortes con-
tractions. M. Léon Dufour, qui criti-
que vivement le nom de chambre ou
ventricule appliqué à ces portions du
cœur, a beaucoup insisté sur cette
circonstance (c). Mais la tendance à la
répétition sérialaire ne dépend pas
seulement des rétrécissements dont il
vient d'être question. Chaque com-
partiment ou ventriculite est pourvu :
1° d'une paire d'ailes charnues ou ex-
pansions musculaires qui vont se fixer
à la paroi dorsale du squelette tégu-
mentaire, et qui se composent cha-
cune de deux paires de faisceaux char-
nus ; 2° une paire d'orifices afférents
en forme de boutonnières, situés à la
face dorsale de l'organe ; 3° d'une
paire de valvules placées dans sa ca-
vité et formées chacune par un repli
de la tunique interne. Ces valvules
sont situées latéralement ; leur bord
interne est libre , et , en se rabattant
contre les parois du cœur, elles recou-
vrent et bouchent complètement les
orifices afférents situés auprès.
M. Blanchard (d) a donné de ces cla-
pets des figures plus vraies que ne
l'avait fait Newport (e),
(a) Léon Dufour, Histoire anatomique et physiologique des Scorpions (Mêm. de l'Académie des
sciences, Savants étrangers, t. XIV, p. 294 et suiv.), et Observations sur l'anatomie des Scorpions
(Ann. des sciences nat., 1851, 3° série, t. XV, p. 249).
(b) Blanchard, L'organisation du Règne animal, classe des Arachnides, 1856, p. 74 et suiv.
(c) Léon Dufour, Histoire anatomique des Scorpions (loc. cit., p. 599).
(d) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, pi. 5, fig. 2, 3, 4.
(e) Newport, On the Struct., etc., of Myriopoda and Macrourous Arachnida (Philos. Trans.,
1843, pi. 15, fig. 33-37).
artériel.
CHEZ LES ARACHNIDES. 203
paire d'orifices afférents. Ces ouvertures sont placées à la face
dorsale du cœur, et dans l'intérieur de cet organe on voit tout
auprès de chacun d'eux un repli membraneux disposé en
manière de valvule, qui laisse le passage libre quand le fluide
ambiant le presse de dehors en dedans , mais qui se rabat et
ferme l'entrée du ventriculite quand le courant tend à s'établir
en sens inverse.
Le système artériel, qui naît du cœur, chez ces Arachnides, système
se compose de deux vaisseaux médians, l'un antérieur, l'autre
postérieur, qui semblent être la continuation de cet organe lui-
même, et d'une paire de vaisseaux latéraux dépendants de cha-
cun des ventriculites ou chambres cardiaques.
L'artère impaire qui naît de l'extrémité antérieure du cœur
est communément désignée soits le nom d'aorte. Elle pénètre
dans le céphalothorax en descendant obliquement vers le cer-
veau, et, parvenue à cet organe, se bifurque pour entourer
l'œsophage et gagner la face ventrale du corps. Chemin faisant,
elle fournit de chaque côté les artères pédieuses , antennaires,
cérébrales,- ophthalmiques et plusieurs autres qui se distribuent
aux viscères, aux muscles et aux téguments de la région céphalo-
thoracique. Enfin les deux crosses aortiques se réunissent au-
dessous du tube alimentaire pour constituer un vaisseau impair
qui se porte en arrière en longeant en dessus la chaîne nerveuse
ganglionnaire. Cette artère récurrente , que les uns appellent
une aorte abdominale , d'autres une artère spinale , est très
grêle , mais fournit plusieurs branches aux organes placés à la
face sternale du corps (1).
(1) Newport, à qui l'on doit la con- résultats si rapprochés de la vérité,
naissance de tous les faits les plus M. Blanchard, qui a fait ses recher-
importants relatifs au mode de distri- ches sur des individus vivants, et a
bution de ces artères, n'a eu l'occasion injecté tous les vaisseaux, dont il a
de disséquer que des Animaux con- donné de très beaux dessins, a con-
servés dans l'alcool, et il est surpre- firme la plupart des faits annoncés
nant qu'il ait pu arriver ainsi à des par cet habile observateur. Il est bien
204 CIRCULATION DU SANG
L'artère médiane postérieure , qui naît de l'extrémité posté-
rieure du cœur, est désignée par la plupart des auteurs sous le
nom à'artère caudale. Elle repose sur l'intestin et règne dans
toute la longueur de la portion étroite ou caudiforme de l'abdo-
men, où elle fournit à chaque segment une paire de branches
latérales.
Enfin les artères qui naissent par paires des parties laté-
rales du cœur, et qui sont désignées sous le nom & artères
hépatiques , se ramifient dans le foie. On en compte huit
paires (1).
Tous ces canaux sont des tubes membraneux à parois minces
et assez résistantes (2) ; ils se ramifient dans la profondeur des
divers organes et y forment comme un chevelu d'une grande
finesse qui se continue avec une multitude d'interstices ou espaces
étroits compris entre les fibres musculaires et les autres par-
ties constitutives de l'organisme. Ces lacunes forment l'origine
système du système veineux , et elles sont tapissées par une couche de
tissu hyalin qui endigue pour ainsi dire le courant sanguin.
Des canaux veineux plus gros et produits de la même manière
font suite à ce réseau capillaire , et , dans les points où le sys-
tème tégumentaire , en se soulevant pour former des crêtes ,
laisse un vide entre sa face interne et la masse musculaire ou
viscérale sous-jacente, la circulation emprunte ces espaces pour
à regretter que Newport n'ait pas vécu m'en convaincre par l'examen de ses
assez longtemps pour donner suite à injections.
ses grands travaux : il est mort en (2) M. Blancbard pense qu'ils sont
185/j. pourvus de trois tuniques, savoir :
(1J Pour plus de détails sur le mode une tunique musculaire qui, dans les
de distribution des artères du Scor- gros troncs, présenterait des fibres
pion, je renverrai à l'ouvrage de longitudinales aussi bien que des fi-
M. Blanchard, intitulé : De l'organi- bres circulaires; une tunique mem-
sation du Règne animal. Cet anato- braneuse interne et une tunique mem-
miste en a fait une étude minutieuse braneuse externe d'une délicatesse
et des plus exactes, ainsi que j'ai pu extrême (a).
(a) Blanchard, Op. cit., p. 77.
veineux.
CHEZ LES ARACHNIDES. 205
en faire, soit des canaux, soit des réservoirs ou sinus vei-
neux (t).
Les voies ouvertes ainsi au sang veineux et empruntées au
système général des méats interorganiques s'endiguent de plus
en plus complètement à mesure que les courants qui les tra-
versent deviennent plus puissants , et quelques-uns des gros
troncs se trouvent même revêtus par une couche membrani-
forme et un épithélium assez distinct. Enfin , les principales
rigoles veineuses ménagées de la sorte entre les muscles et les
téguments communs , ou entre les lobes du foie , commu-
niquent souvent entre elles et vont verser leur contenu dans
deux grands réservoirs longitudinaux situés à la face ventrale
de la portion renflée de l'abdomen , et formés par la tunique
commune des organes pulmonaires (2). Cette enveloppe mem-
braneuse et résistante constitue un sac qui se continue par ses
deux extrémités avec les canaux veineux du céphalothorax, d'une
part, et de l'abdomen, de l'autre, et qui est resserré entre chaque
poumon , de façon à représenter une série de quatre poches
arrondies (3). Le tissu aréolaire, condensé en manière de
(1) La portion veineuse du cercle disposition anatomique fort remarqua-
circulatoire avait entièrement échappé ble à l'aide de laquelle le passage du
aux investigations de Newport , qui sang en sens inverse de la direction
cherchait à expliquer le retour du sang normale ne peut avoir lieu des ré-
des diverses parties du corps vers les servoirs veineux thoraciques dans les
poumons par des vaisseaux qu'il assi- canaux veineux des membres. Les
milait au système de la veine porte muscles extenseurs et fléchisseurs des
des Animaux supérieurs (a). pattes sont placés de façon à fermer
C'est à M. Blanchard que l'on doit le passage quand ils viennent à se
la connaissance des canaux veineux contracter fortement ou qu'ils sont
des Arachnides, dont l'existence avait pressés de bas en haut par le liquide
été soupçonnée, mais pas constatée, contenu dans le tronc,
par Audouin et Dugès (6). (3) Ces quatre sinus pulmonaires, qui
(2) M. Blanchard a fait connaître une communiquent librement entre eux de
(a) Newport, Op. cit. (Philos. Trans., 1843, p. 293).
(6) Blanchard , De l'appareil circulatoire et des organes de la respiration dans les Arachnides
Ami. des sciences nat., 1849, 3' série, t. XII, p. 325).
206 CIRCULATION DU SANG
membrane dont les parois de ces sinus pulmonaires sont compo-
sées, manque sur les points où naissent les replis qui forment
les lamelles constitutives des poumons , et par conséquent le
sang veineux , en arrivant dans ce point, pénètre dans les es-
paces intermembranulaires que ces expansions foliacées offrent
dans leur intérieur. Ces dernières lacunes débouchent du côté
opposé dans un système de canaux pneumocardiaques dont la
disposition est en tout comparable à celle des vaisseaux bran-
chio-cardiaques des Crustacés , et plus particulièrement des
Squilles. Ceux-ci contournent les flancs et vont s'ouvrir à leur
tour dans le sinus vestibulaire formé par le péricarde. On en
compte sept paires, dont trois naissent des poumons de la pre-
mière paire , une de chacun des deux poumons suivants , et
deux du poumon postérieur (1). Enfin leur embouchure supé-
rieure correspond aux sept paires d'orifices pratiqués , comme
nous l'avons déjà vu, à la paroi dorsale du cœur, et le sang-
artériel qu'ils versent dans la chambre péricardique pénètre
par ces fentes jusque dans l'intérieur du ventricule aortique.
Résumé. § 11. — En résumé, nous voyons donc que le sang contenu
dans le cœur dorsal est pressé parla contraction de cet organe,
mais ne pouvant en sortir par les orifices dorsaux, à raison du
jeu des valvules, s'engage à la fois dans trois directions diffé-
rentes , en avant par l'aorte , en dessous par les artères hépa-
tiques, et en arrière par l'artère caudale. Distribué par les
chaque côté du corps, sont reliés aussi imparfaitement vus par Treviranus,
les uns aux autres par une série deçà- qui les prenait pour des artères (b).
naux veineux transverses. M. Blanchard Audouin et Dugès (c) en ont mieux
en a donné d'excellentes figures (a), apprécié les fonctions ; M. Blanchard
(1) Les canaux pneumocardiaques a été le premier à les faire bien con-
des Arachnides n'avaient été que très naître (d).
(a) Blanchard, Organisation du Règne animal, Arachnides, pi. 6, fig. 1, 2.
(6) Treviranus, Ueber den innern Bau der Arachniden, p. 10, pi. 1, fig. 7.
(c) Audouin, Arachnida (Todd's Cyclop., 1836, vol. I, p. 206).
— Dugès, Traité de physiologie comparée, 1838, t. II, p. 445.
(d) Op. cit.
CHEZ LES ARACHNIDES. 207
branches de ces vaisseaux dans toutes les parties du corps ,
le liquide nourricier passe dans les. canaux veineux empruntés
aux méats interorganiques, et parvient dans les sinus pulmo-
naires placés de chaque côté, à la face ventrale de l'abdomen.
De là le sang veineux s'engage dans les conduits dont les lames
respiratoires des poumons sont creusées (.1) , et , en sortant de
celles-ci à l'état de sang artériel, il est reçu par les vaisseaux
pneumocardiaques qui le versent dans le sac péricardique.
Enfin de ce dernier réservoir il rentre dans le cœur, d'où nous
l'avions vu partir, et, sous l'influence des contractions de
cet organe d'impulsion, il parcourt de nouveau le même cercle
circulatoire.
Le cœur, à raison de la disposition de sa tunique muscu- Mécanisme
laire et des points d'attache qu'une partie de ses fibres charnues ia circulation.
prennent au dehors sur le squelette tégumentaire, agit non-
seulement comme une pompe foulante pour chasser le sang
dans les artères , mais exerce aussi une aspiration sur le sang
qui le baigne , et , à mesure qu'il enlève au sinus péricardique
des ondées de liquide , il se fait un mouvement d'appel corres-
pondant dans les canaux pneumocardiaques qui alimentent ce
réservoir. Le passage du sang à travers l'appareil respiratoire
s'effectuerait donc à l'aide de ce seul mécanisme, mais pourrait
ne pas être assez rapide pour satisfaire toujours aux besoins
physiologiques des Arachnides, et la Nature a assuré cette por-
tion du service delà circulation d'une manière plus complète, à
l'aide d'un mécanisme fort curieux dont nous devons la con-
naissance à M. Blanchard. Des ligaments qui s'étendent de la
face inférieure du péricarde à la voûte des poches pulmonaires,
sont disposés de façon à comprimer celles-ci chaque fois que le
(1) L'existence de ces canaux ca- avait été soupçonnée, plutôt que con-
pillaires dans l'épaisseur des parois statée, par ïreviranus (a).
des feuillets respiratoires du Scorpion
(a) Treviranus, Beobachtungeîi ans der Zootomie uni Physiologie, 1839, t. I, p. 28, pi 6
fij. 42.
208
CIRCULATION DU SANG
cœur bat, et la pression ainsi exercée fait affluer le sang dans
les vaisseaux pneumocardiaques. Il est aussi à noter que les mou-
vements généraux de l'Animal tendent aussi à accélérer le cours
du sang veineux en comprimant ou en dilatant alternativement
les espaces qui sont ménagés entre les muscles et qui font
office de conduits veineux , de sorte que l'abord de ce fluide
dans l'appareil respiratoire se trouve facilité précisément dans
les moments où la revivification doit en être la plus active.
§ 12. — Les mêmes caractères généraux se retrouvent dans
l'appareil circulatoire des autres Arachnides pulmonaires ; mais
on remarque cependant dans la conformation de quelques-unes
de ses parties des modifications qu'il importe de signaler.
Ainsi dans les Télyphones, où le cœur et l'aorte ressemblent
extrêmement à ce que nous venons de voir chez le Scorpion,
Télyphones l'artère médiane postérieure ou caudale est réduite à un état
presque rudimentaire (1).
Chez les Araignées du genre Épéire, ce dernier vaisseau est
encore plus dégradé (2) , et chez les Mygales , il manque com-
plètement, de façon que le système artériel tout entier dépend
soit de l'aorte , soit des artères hépatiques (3).
Chez ces Aranéides, on voit aussi le cœur se centraliser
davantage ; il a toujours la forme d'un gros vaisseau dorsal
incomplètement subdivisé en plusieurs chambres successives;
mais le nombre de ces compartiments et des orifices qui donnent
accès au sang dans son intérieur diminue. Ainsi, chez les Mygales,
on ne trouve plus que quatre paires de ces boutonnières (4).
Aranéides
ordinaires.
(1) Blanchard , Organisation du
Règne animal , Arachnides , pi. 10,
fig. 1.
(2) Blanchard, Sur l'appareil cir-
culatoire des Arachnides (Annales des
sciences naturelles , 1849 , 3e série,
t. XII, pi. 6).
(3) Blanchard, Organis. du Règne
anim., Arachnides, pi. 15.
(Û) D'après les observations de
M. Leydig, les jeunes Lycoses n'au-
raient qu'une paire de ces orifices , et
la portion périphérique du système
artériel serait fort dégradée (a).
(a) Leydig, Zvrfeinem Bau der Arthropoden (Miiller's Archiv fur Anat., 1855, p. 455, pi. 13,
fig. 15).
CHEZ LES ARACHNIDES. 209
Chez les Ségestries, où nous avons vu l'appareil respira- ségesiries.
toire composé à la fois de poumons et de trachées (1), les sinus
sanguins qui accompagnent ces organes présentent une modi-
fication très remarquable.
Les réservoirs veineux formés par les poches pulmonaires de
la première paire sont disposés comme chez le Scorpion et les
Aranéides ordinaires; mais dans ceux delà seconde paire, qui,
au lieu de renfermer des poumons , entourent des trachées , la
cavité occupée par le sang semble se continuer sans interrup-
tion dans un espace libre ménagé entre les deux (uniques de
ces tubes aérifères et se ramifier ainsi au loin dans l'économie.
En effet, M. Blanchard a constaté qu'un liquide coloré injecté
dans les sinus pulmonaires pénètre dans l'épaisseur des parois
des trachées et entoure d'une couche mince le tube dont la face
interne est en contact avec l'air (2). On ne sait pas encore bien
comment le sang, qui, suivant toute probabilité, doit occuper
de la même manière les lacunes intermembranulaires des tra-
chées , s'y renouvelle ; s'il s'échappe par l'extrémité rameuse
de ce système de vaisseaux aérifères pour se répandre dans les
méats veineux des organes , ou s'il revient, dans le réservoir
pulmonaire pour passer ensuite dans les canaux pneumocardia-
ques, et de là dans le cœur. Mais, quoi qu'il en soit à cet égard,
M. Blanchard pense que c'est principalement par l'intermé-
diaire de cette portion du fluide nourricier que la respiration
s'effectue.
§13. — Chez les Arachnides trachéennes, cette portion péri- Appareji
trachéenne du système lacunaire veineux parait acquérir plus de5irci
d'importance, et sa perméabilité aux liquides a été constatée par
M. Blanchard chez le Phalangium ou Faucheur, dont le cœur
et le svstème artériel se trouvent au contraire fort réduits.
,1) Voyez lome II, page 147. piration dans les Arachnides (Ann.
(2) Blanchard, De l'appareil de la des se. nal., 1849, 3' série , t. XII,
circulation et des organes de lares- p. 330'.
ni. 14
Arachnides
trachéennes.
210
CIRCULATION DU SANG
Jadis on pensait qu'il n'existait point d'appareil circulatoire
chez les Arachnides trachéennes (1). Chez le Faucheur, cepen-
dant, ce système ne diffère que peu de ce que l'on trouve chez
les Araignées pulmonées (2). Il est probable que chez les
Galéodes la disposition de l'appareil circulatoire doit être à peu
près la même , et qu'il y a aussi un cœur chez la plupart des
Arachnides trachéennes inférieures ; mais, chez ces dernières, le
système artériel paraît se réduire de plus en plus, et dans quel-
ques représentants dégradés de ce type les investigations les
plus attentives n'ont encore conduit à la découverte d'aucun
organe spécial pour le service de l'irrigation physiologique.
Ainsi, chez les Tardigrades , qui doivent être rapportés à cette
classe d'Animaux , M. Doyère a pu décrire minutieusement les
moindres filaments nerveux , mais il n'a pu apercevoir aucune
trace, ni de vaisseaux sanguins, ni même de cœur, et le fluide
nourricier lui a paru être contenu seulement dans les lacunes
interorganiques (3).
(I) Latreillc s'exprime de la manière
la plus nelte à ce sujet dans le Règne
animal de Cuvier (a) et ailleurs; tout
en admettant l'existence d'un cœur
rudimenlaire, il ajoute qu'à raison du
défaut de circulation , ces Animaux
pourraient constituer dans nos sys-
tèmes zoologiques une classe particu-
lière (b).
(2) Le cœur des Phalangiens est si-
tué de même que chez les autres
Arachnides, mais il est très grêle et
divisé seulement en trois "chambres
pourvues chacune d'une paire d'ori-
fices afférents. En avant, il se continue
sous la forme d'une artère aorte qui
fournit des branches gastriques, oph-
thalmiques, etc. ; mais on n'a pu le
suivie jusqu'à la face inférieure du
corps, ni en voir naître des artères
pédieuses. Le cœur fournil aussi quel-
ques branches latérales analogues aux
artères hépatiques, et à son extrémité
postérieure on trouve un vaisseau
médian qui paraît être le représentant
des canaux pneumocardiaques (c).
(3) M. Schuhze avait cru apercevoir
chez le Macrobioïus un vaisseau dor-
sal et des vaisseaux latéraux (d). Mais
M. Doyère a reconnu que les cavités
(a) Seconde édition, t. IV, p. 272.
(b) Latreillc, Familles naturelles du Règne animal, 1825, p. 317.
(c) Blanchard, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1849, t. XII, p. 335, pi. 8, fig. 1).
(d) C.-A. Schultze, Macrobiotus Huflqndii. In-4, Berlin, 1834.
CHEZ LES MYRIAPODES. 211
§ lli. — L'étude que nous venons de faire de l'appareil circu- APPami
latoire chez les Crustacés et les Arachnides nous permettra de danïia classe
des
passer rapidement sur l'examen de ce système chez les Myria- Myriapodes.
podes , car nous ne rencontrerons chez ces Animaux aucune
disposition organique particulière, à noter. On ne connaît pas
bien les voies par lesquelles le sang revient des diverses parties
du corps vers le cœur ; mais il y a tout lieu de croire que c'est
au moyen de canaux empruntés au système lacunaire que ce
transport s'effectue comme chez les autres Arthropodaires, car
on n'a pu découvrir aucune trace de veines proprement dites (1).
Quant au système artériel, il ressemble extrêmement à ce que
nous venons de trouver chez les Scorpions, avec cette différence
cependant que le cœur ou vaisseau dorsal règne dans presque
toute la longueur du corps, et, se trouvant divisé en autant de
ventriculites qu'il traverse d'anneaux, le nombre de ces petites
chambres cardiaques est très considérable (2) . Ainsi Newport
en a compté plus de 160 chez quelques espèces de Scolopen-
drides, et chacune de ces divisions est pourvue d'une paire .
décrites sous ce dernier nom ne sont bres cardiaques, ou ventricules, son!
que des lacunes interorganiques (a), au nombre de :
et ni ce zoologiste, ni M. Siebold, n'ont 15 chez les Lithobies et les Scutîgéfes
pu trouver aucune trace d'un vaisseau 21 chez les Scolopendres.
* , , . . .,. 46 chez le Mecistoceplialus maxillaris.
dorsal chez ces Animaux (6). 73 chez le SpiroboluS.
(1) Ce que M. Kutorga appelle une 160 chez les Gonibregmatus.
veine cave n'est autre chose que le Ces divisions du cœur sont séparées
vaisseau dorsal ou cœur des Myria- par des étranglements et des replis
podes, et ce qu'il a considéré comme membraneux internes. Elles sont
une artère aorte est le vaisseau récur- beaucoup plus prononcées chez les
rent qui est désigné ici sous le nom Scolopendriens ou Myriapodes Chilo-
d'artère spinale (c). podes que chez Jes Iulides ou Chilo-
(2) Newport a trouvé que les cham- gnathes (a").
(a)Doyère, Mém. sur les Tardigrades (Ami. des sciences nat., 1840, 2« série, t, XIV, n. 309
et 310).
(b) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'amtomie comparée. 1. 1, p. 517,
(c) Kutorga, Scolopendres morsitantis anatome, 1834.
(d) Newport, Op. cit., p. 274 et suiv.
212 CIRCULATION DU SANG
d'orilices afférents situés latéralement (1). Un sinus péricardique
formé par une gaine membraneuse entoure ce long vaisseau
dorsal, et y fournit le sang que ses contractions doivent envoyer
dans les artères auxquelles il donne naissance. Celles-ci con-
sistent essentiellement eu une paire de branches transversales
(1) La structuré du cœur et du
système artériel des Scolopendres a été
étudiée avec beaucoup de soin par
Newport. Cet habile observateur a
trouvé que cet organe est logé dans un
sac membraneux ou péricarde qui
adi«*ii à chaque ventricule sur la
ligne médiane, tant en dessus qu'en
dessous, et qui laisse de chaque côté
un espace libre pour servir de sinus
veslibulaire. Des prolongements qui
en partent de chaque côté , d'anneau
en anneau, paraissent être les ana-
logues-des canaux pneumocardiaques
des Arachnides.
Le cœur lui-même est formé : i " d'une
tunique séreuse externe qui est en
continuité avec le péricarde; 2° d'une
l unique membraneuse interne, et
'6"ùg deux tuniques musculaires, l'une
externe, dont la contraction se fait
principalement dans le sens longitu-
dinal, et une interne, composée en
partie de libres longitudinales , mais
surtout de fibres transversales. Enfin,
des faisceaux charnus disposés en
forme d'ailes triangulaires partent des
côtés de chaque division du cœur
pour aller s'insérer aux parties voi-
sines de la voûte dorsale du système
tégumentaire ; chacune de ces ailes se
compose de deux faisceaux muscu-
laires : l'un , antérieur, se dirige un
peu en avant, pour se fixer au bord
antérieur du tergite correspondant;
l'autre, plus petit, va prendre son
point d'attache au bord postérieur de
la même pièce du squelette tégumen-
taire. De même que chez les Arach-
nides , ces ailes ou muscles extrinsè-
ques servent à dilater le cœur, tandis
que les muscles intrinsèques de cet
organe produisent la systole quand ils
se contractent.
Les ventriculites , au nombre de
vingt et un, comme cela a été déjà dit,
sont un peu dilatés et arrondis vers
leur extrémité postérieure , rétrécis
vers le milieu et élargis encore à
leur extrémité antérieure, mais moins
qu'en arrière ; des étranglements très
prononcés les séparent entre eux, et
c'est au point de réunion de chacun
de ces détroits avec la chambre car-
diaque suivante , que sont situés les
orifices afférents , lesquels sont placés
par paires , un peu obliquement, sur
la face dorsale de l'organe. A l'inté-
rieur, des replis en forme de valvules
établissent aussi une séparation entre
les chambres, qui se succèdent ainsi et
paraissent s'opposer au reflux du sang
d'avant en arrière. Enfin chacune de
ces chambres cardiaques donne nais-
sance latéralement à une paire d'ar-
tères transversales dont les branches
se distribuent aux viscères et aux par-
ties latérales du corps.
L'aorte, qui fait suite au cœur en
avant , pénètre dans la tête et va se
terminer près du cerveau, dans la
région frontale , où elle fournit les
artères ophthalmiques, etc. A sa base,
on en voit naître deux crosses qui
CHEZ LES MYRIAPODES. 213
fournie par chaque ventricuïite, et en une aorte d'où naît une
artère céphalique et deux crosses qui embrassent l'œsophage
pour constituer à la face inférieure du tube digestif une artère
spinale récurrente, comme chez les Scorpions.
En résumé, nous voyons donc que, chez tous les Animaux
articulés de la division des Gnathopodaires, l'appareil circula-
toire présente les mêmes caractères généraux, et se compose
d'un cœur aortique dorsal, d'un système de vaisseaux artériels
et d'une série de cavités interorganiques tenant lieu de veines.
sont les analogues des artères latérales
fournies par chacune des chambres
cardiaques précédentes, et qui forment
autour de l'œsophage un collier vas-
culaire. Cet anneau fournit latérale-
ment une paire d'artères mandibu-
laires, et sur la ligne médiane sternale
une artère spinale antérieure et une
artère spinale récurrente ou posté-
rieure , laquelle donne une paire de
branches dans chaque segment du
corps et distribue le sang aux par-
lies voisines ainsi qu'aux muscles des
pattes, etc.
Chez les Lithobies , la disposition
de l'appareil circulatoire est à peu près
la même que chez les Scolopendres,
sauf un peu d'inégalité dans le volume
des ventriculiteset une réduction dans
leur nombre, qui est en accord avec
celui des segments du corps.
Il en est encore de même chez les
Scutigères ; mais ici les ventriculiles
n'acquièrent leur développement com-
plet que de deux en deux , et les
chambres intermédiaires sont très ré-
duites , mode de conformation qui
semble conduire vers celui des Iules.
Chez ces derniers Myriapodes, chaque
segment du corps , ainsi que nous le
verrons plus tard, résulte de la fusion
de deux anneaux ou zoonites, et porto
deux paires de pattes. Un seul ventri-
cuïite y correspond , mais chacune de
ces chambres cardiaques paraît résul-
ter de la fusion des parties qui, chez
les Scolopendrides , constituent deux
ventriculiles < car on en voit partir
deux paires d'artères transversales au
lieu d'une seule.
Pour plus de détails sur le mode de
distribution du système artériel des
Myriapodes, je renverrai au mémoire
de Newport, dont la plupart des faits
précédents sont lires. (Philos. Trans.,
1843.)
VINGT -QUATRIEME LEÇON
De la circulation du sang chez les Insectes,
Découverte
du vaisseau
dorsal.
§ 1. — Vers le milieu du xviï siècle, Malpighi ù Bologne,
et Swammerdam à Utrecht, observèrent l'un et l'autre, chez
divers Insectes à l'état de larves, un organe pulsatile qui occupe
la ligne médiane du dos, et qui leur sembla devoir être un
cœur (1). Mais, bientôt après, Lyonnet, dont les recberches
délicates sur l'anatomie de la chenille du Cossus excitèrent l'ad-
miration générale , éleva des doutes sérieux sur la nature de
(1) Malpighi observa les mouve-
ments de systole et de diastole du
vaisseau dorsal chez le Ver à soie, et
Il considéra cet organe comme étant
formé par une série de petits cœurs (a).
Swammerdam eu donna une descrip-
tion plus détaillée chez l'Abeille , la
chenille des Vanesses , la larve de
l'Orycte nasicorne et du Strationrys ;
il en signala aussi l'existence chez
plusieurs autres Insectes (6). Réau-
mur crut avoir trouvé, un vaisseau
analogue à la face ventrale du corps ,
chez les larves de Tenthrédines, et
se demanda si ce ne serait pas un
tronc veineux (c). Bonnet, qui paraît
avoir vu aussi les mouvements du
sang , en conclut qu'il devait y avoir
chez les Insectes des veines aussi
bien que des artères , et il regarda
comme très probable l'existence d'une
maîtresse veine à la face inférieure
du cœur (d).
Enfin Comparetti, induit sans doute
en erreur par quelque apparence mal
interprétée , et se laissant entraîner
par son imagination , a affirmé qu'il
existe chez les Insectes un double sys-
tème vasculaire complet (e).
limiter, qui ne s'était pas trompé
sur les fonctions du vaisseau dorsal
des Insectes, paraît avoir pris les ailes
flbro-musculaires de cet organe pour
un système artériel (/").
(a) Dissertatio epistolica de Bombyce, 1669 (Optra omnia, 1686, vol. H, p. 15).
(6) Swammerdam , Biblia Natures , etc., p. 467, pi. 19, fig. 1 (Abeille) ; p. 311 , pi. 27, fig. 3
(Oryctes); p. 577, pi. 34, fig. 6 (Vanesse), etc.
(c) Réaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, 1740, t. V, p. 103.
(d) Bonnet, Contemplation de la Nature {Œuvres, 1781, t. IV, 1" partie, p. 90 et 301).
(e) Comparetti , Dinamica animali degli Insetti, p. 237 et suiv. (1800).
(f) Voyez Descript. and lllustr. Catalogue of the Physiological Séries of Comp. Anat, in the
Muséum of the Collège of Surgeons in London, 1834, vol. II, p. 31.
CIRCULATION DU SANG CHEZ LES INSECTES. 215
ce vaisseau dorsal (i) , et, à la fin du siècle dernier, Georges
Cuvier , après avoir fait de cette question une étude spéciale ,
acquit la conviction de l'absence de toute circulation propre-
ment dite dans la classe des Insectes (2).
L'autorité de Cuvier était si grande, et son opinion paraissait
si bien fondée, que tous les naturalistes n'hésitèrent pas à
adopter cette manière de voir, et l'on citait le défaut de cir-
culation chez les Animaux à respiration trachéenne comme un
exemple éclatant de la juste pondération des instruments phy-
siologiques dont les êtres vivants sont pourvus. En effet, on
disait que le. sang des Insectes ne circulant pas dans l'orga-
nisme et ne pouvant aller chercher l'air dans un point déter-
miné de l'économie, tel qu'un poumon ou une branchie , il
fallait que l'air allât chercher le sang, et que, par conséquent,
l'existence de trachées était commandée en quelque sorte par
l'absence d'un cœur et de vaisseaux sanguins (3), Aujourd'hui
(1) Lyonnet fit une étude très atten-
tive du vaisseau dorsal de la chenille
du Cossus , et décrivit minutieuse-
ment les faisceaux musculaires dont
cet organe est pourvu ; mais n'ayant
pu découvrir ni artères ni veines en
communication avec la cavité dont il
est creusé, il fut conduit à penser que
le liquide contenu dans son intérieur
ne servait pas à la nutrition. Lyonnet
continua cependant à donner à ce tube
le nom de cœur (a).
(2) Cuvier chercha, tantôt par l'in-
jection du mercure ou d'un liquide
coloré, tantôt par l'insufflation, à dé-
couvrir si le vaisseau dorsal donnait
naissance à quelques ramifications, et,
s'étant convaincu de l'absence de tout
système vasculaire périphérique, il en
conclut que cet organe ne pouvait être
un cœur (6).
(3) M. Marcel de Serres, qui publia
en 1819 un travail spécial sur le vais-
seau dorsal des Insectes, adopta comme
un principe incontestable : « qu'un
cœur ne peut point exister sans vais-
seaux sanguins, tout comme les vais-
seaux sanguins sans cœur » , et il
s'appliqua à prouver que ce vaisseau
n'est point un organe de circulation,
mais un organe destiné à élaborer la
graisse (c).
Celte opinion a été réfutée par Hé-
rold , qui cependant n'a pas mieux
(a) Lvonnel, Traité anatomique de la Chenille du saule, 1762, chap. XI, p. 412 à 428, pi. 12,
fig. 1.
(6) Cuvier, Mémoire sur la manière dont se fait la nutrition chez les Insectes (Mém. de la
Soc. d'hist. nat. de Paris, 1798, an vn, p. 34).
(c) Marcel de Serres, Suite des observations sur les usages du vaisseau dorsal (Mém. du
Muséum, 1819, t. V, p. 59).
Absence
d'arlères
et de veines,
216 CIRCULATION DU SANG
encore quelques entomologistes pensent que la respiration tra-
chéenne implique la non-existence d'une circulation du sang, et
que, chez les Insectes, le fluide nourricier ne se répand dans
l'organisme que de proche en proche , par imbibition.
Découverte §2. — Cependant l'observation directe des phénomènes de
do la circulation i . ... , , T . ,■
chez la nutrition , chez des Insectes vivants , a renverse toutes ces
idées, et a montré que, non-seulement le sang circule dans le
corps de ces Animaux , mais y circule avec rapidité.
Cette découverte appartient à M. Carus. Quelques anciens
micrographes , il est vrai, avaient aperçu des courants dans
diverses parties du corps de trois ou quatre Insectes , dans les
pattes de la Puce ou les ailes des Sauterelles , par exemple (1);
mais leurs observations, restées incomplètes , ne suffisaient pas
pour prouver que le sang circule dans l'organisme de ces Ani-
maux , et n'avaient pas fixé l'attention des physiologistes. Aussi
apprécié les fonctions du vaisseau « Animalculo ita constituto, contenta
dorsal des Insectes. Il attribue à cet » ejus omnia, potissimum vero san-
organe une action analogue sur les » guis, quam forlissime agilantur;
sucs nourriciers répandus dans l'ab- » sanguis fermentescensper vasa san-
domen, et leconsidèrecomme servant » guinea e corde in alas propelletur,
à agiter ces liquides sans y déterminer » simulque aer e pulmonibus eu adi-
un mouvement circulatoire [a). » getur (b). »
(1) Ce phénomène avait été aperçu Backer a dit aussi quelques mots
par Swammerdam chez des Papillons de courants qu'on peut apercevoir
qui , près d'achever leur métamor- dans les pattes des Punaises et les
phose, ont encore les ailes dans un état ailes des Sauterelles (c). Enfin, des
de mollesse très grande ; mais, d'après mouvements analogues avaient été si-
la manière dont il le décrit, on n'aurait gnalés chez la larve de la Puce pal-
pas été fondé à en déduire l'existence Rôsel (d), et dans les pattes de cet in-
d'une véritable circulation du sang. secte à l'état parfait par Lyonnet (e).
En effet, voici tout ce qu'il en dit :
(a) Herold, Physiologische Untersuchungen iiber das Rùckengefdss der Inseclen {Schriften der
Gesellschaft «tir Bejorderung der gesammten Naturudssenschaflen «m Marburg, 1 823 , Bd. J,
p. 41).
(b) Swammerdam, Biblia Naturœ, vol. 11, p. 5S9.
(c) Backer, The Microscope made Easy, 1742, p. 130.
(d\ Rôsel, Die %u der Monatlich herausgekommenen Insecten-Belusligung gehôriqe Sammlung
der Milcken und Schecken, Bd. II, p. 1 5.
(e) Lesser, Théologie des Insectes, avec des remarques, par Lyonnet, 1742, t. Il, p. 84.
CHEZ LES INSECTES. 217
lorsque M. Carus, en étudiant des larves d'Éphémères, vit des
courants sanguins parcourir tout le corps et revenir sans cesse
à leur point de départ en suivant une route déterminée , ce
naturaliste éminent iit , je le répète , une véritable décou-
verte (1).
(I) Les premières observations de
Carus sur la circulation chez les In-
sectes furent faites sur de petites lar-
ves de VAgrion puella et l'Éphé-
mère (a). Dans un second Mémoire, le
même auteur étendit sa découverte et
constata le mouvement circulatoire
chez des Insectes à l'état adulte aussi
bien que chez des larves (b).
Les observations de M. Carus furent
confirmées par celles de M. Wa-
gner sur les Nèpes , etc. (c) , et de
M. Ehrenberg sur des Mantes, proba-
blement au moment de la dernière
mue (d).
En 1833, la circulation du sang
chez les larves des Éphémères fut
étudiée et représentée avec beaucoup
de soin par M. Bowerbank (e).
En 1835, M. Tyrrell observa la cir-
culation chez la Mouche domestique
aussi bien que chez divers Névro-
ptères , tels que les Phryganes , les
Hémérobes , etc. if).
Dugès a constaté l'existence du
même phénomène chez des larves de
Dytisques (g) ; plusieurs autres natu-
ralistes ont fait des observations ana-
logues, et j'ajouterai qu'à diverses
reprises j'en ai fait l'objet de démons-
trations publiques dans mon cours
d'entomologie au Muséum (h). Enfin,
M. Verloren a multiplié encore da-
vantage les faits du même ordre, et a
donné une liste de quatre-vingt-dix
espèces réparties dans toutes les gran-
des divisions de la classe des Insectes
où les courants circulatoires avaient
été vus soit par lui-même, soit par
ses devanciers {%).
Aujourd'hui, tous les naturalistes,
excepté M. Léon Dufour, admettent
donc l'existence d'une circulation du
sang chez les Insectes, et attribuent ù
(a) Carus, Entdeckung eines einfachen vom Herzen aus beschleunigten Blutkreislaufes in den
Larven netzfluglicher Insecten. Leipzig, 1821.
(b) Carus , Fernere Untersuchungen iïber Blutlauf in Kerfen (Nov. Acta Acad. I.eop. Naî.
curios., 1831, vol. XV, pars 2, p. 3, pi. 51).
(c) Wagner, Beobachtungen uber den Kreislavf des Blutes und den Bau des Rûckengefdsses
beiden Insecten (Isis, 1832, p. 320 et 778, tab. 2).
(d) Humboldt, Bericht ûber die naturhist. Reisen von Ehrenberg und Hemprich, 1826, p. 22.
(e) Bowerbank, Observ. on the Circulation of Blood in Insects (Enlomological Magazine, 1833,
vol. I, p. 239, pi. 2).
(f) J. Tyrrell, On the Circulation of the Blood in Insects {Abstracts of the l'apers prînted in
the Philosoph. Trans., 1835, t. III, p. 317).
(g) Dugès, Traité de physiologie comparée, t. II, p. 441.
(h) Voyez Ann. des sciences nat., 1845, 3e série, t. III, p. 270, et les Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1849, t. XXVIII, p. 33.
(i) Verloren , Mém. en réponse à la question suivante : Eclairer par des observations nouvelles
le phénomène de la circulation dans les Insectes (Mémoires couronnés de l'Académie de Bruxelles,
1847, t. XIX).
— Von den Ernàhrungs Functionen bei den Insecten (Holldndische Beilrage von den dnatom.
vnd physiol. Wissensrhaften, 1S48, Vd. I, p. 303).
218 CIRCULATION DU SANG
Ces jeunes Insectes, dont la vie est aquatique, ont les tégu-
ments si minces et si transparents , qu'en les plaçant sous le
microscope on peut voir dans l'intérieur de leur corps , et , en
les observant de la sorte à l'état vivant , M. Carus reconnut
que le sang se meut avec rapidité dans leur organisme, et forme
sur la ligne médiane du dos un large courant dirigé d'arrière
en avant. Il vit ensuite le liquide nourricier serpenter entre les
organes contenus dans la tête, et former sur les parties latérales
et inférieures du corps de grands courants dirigés d'avant en
arrière, puis rentrer dans le courant dorsal à l'extrémité pos-
térieure de l'abdomen. D'autres courants secondaires formaient
pour ainsi dire des anses dans diverses parties du corps, telles
que les appendices caudaux et les feuilles respiratoires. En un
mot, il y trouva tout ce qui constitue une véritable circulation du
sang, mais une circulation dont la plus grande partie se faisait
la petitesse ou à la rareté des globules crois, en principe, que dans les Ani-
charriés par ce liquide l'impossibilité maux où il y a une circulation gé-
où l'on se trouve quelquefois d'aper- nérale d'air, celle-ci remplace ou
cevoir au microscope ce mouvement exclut la circulation générale du sang
des fluides nourriciers. M. Léon Du- ou d'un liquide analogue. Ces deux
four a mis une grande persévérance systèmes circulatoires sont incompa-
à soutenir les opinions de Cuvier à ce libles (a). »
sujet. Dans son travail sur l'anatomie M. Léon Dufour développe les mê-
des Hémiptères, il désigne le cœur des mes vues en traitant des Ortho-
Insectes sous le nom de cordon dor- plères (.6). Il reconnut que chez les
sal , parce qu'il lui refuse même le Bourdons le vaisseau dorsal est tubu-
caractère d'un vaisseau, et chez la leux ; mais il soutint qu'il ne renfer-
Corée bordée, par exemple, il le dé- niait aucun liquide (c). Enfin , dans
crit comme n'offrant aucune cavité une publication plus récente, il dé-
intérieure ; enfin il résume de la ma- clare que, dans son opinion, ce pré-
nière suivante l'ensemble de ses re- tendu vaisseau dorsal est un organe
cherches : « C'est un fait établi , je sécréteur (d).
(a) Léon Dufour, Recherches anatomiques et "physiologiques sur les Hémiptères, 1833, p. 275
el 27G (extrait des Mémoires des Savants étrangers, t. IV).
(b) Recherches anatomiques et physiologiques sur les Orthoptères , les Hyménoptères el les
Nêvroptèrts, p. 23 (extrait des Mémoires des Savants étrangers, 1841, t. VII).
(c) hoc. cit., p. 120.
(d) Léon Dufour, Etudes anatomiques et physiologiques sur une Mouche, p. 57 (extrait de*
Mémoires des Savants étrangers, 1845, t. IX ).
CHEZ LES INSECTES. 219
sans le concours de tubes de conduite et par l'intermédiaire
seulement des espaces libres laissés entre les divers organes
de l'économie.
Bientôt les résultats annoncés par M. Carus furent pleine-
ment confirmés par les observations de plusieurs naturalistes;
et ils sont , en effet, très faciles à vérifier chez tous les Insectes
dont les téguments sont suffisamment transparents pour per-
mettre l'emploi d'un microscope puissant , et les globules du
sang suffisamment gros et opaques pour rendre le mouvement
du liquide qui les charrie saisissable à l'œil.
Peu de temps après la publication de la découverte impor-
tante due à M. 'Carus, la structure du vaisseau dorsal nous fut
plus complètement dévoilée par les recherches délicates de
M. Straus-Durkheim sur l'anatomie du Hanneton (1), et dès
ce moment les physiologistes purent se former une idée nette
des caractères les plus importants du mode de circulation du
sang chez les Insectes.
§ 3. — Le vaisseau dorsal, comme je l'ai déjà dit . occupe vaisseau dorsal
-ii > -i i ii -, nu cœur.
la ligne médiane du dos , et s étend dans toute la longueur du
corps. Il se trouve presque immédiatement sous la peau, et,
lorsque les téguments sont à demi transparents, on en aperçoit
le contour et les mouvements sans ouvrir l'Animal. Lorsqu'on
le met à nu par la dissection, on voit qu'il ne présente pas la
même structure dans toute son étendue, et qu'il se compose de
deux.portions bien distinctes : l'une, antérieure, qui est simple-
ment tubulaire et qui ne se contracte pas ; l'autre, postérieure,
qui est plus large, plus compliquée dans sa structure, et qui est
animée d'un mouvement intermittent régulier. Cette dernière
portion constitue donc plus particulièrement le cœur des Insectes.
(1) L'ouvrage de .\!. Straus porte .sur l'anatomie comparée des Ani-
essentiellernent sur Tanatomie des maux articulés. Il fut publié eu 1828,
Hannelons à l'état parfait, mais est et renferme une série de planches
intitulé : Considérations générales magnifiques.
220 CIRCULATION DU SANG
Chez le Hanneton, où sa structure a été décrite avec le plus
grand soin par l'anatomiste que je viens de citer, elle occupe,
de même que chez la plupart des autres Animaux de cette classe,
toute la longueur de l'abdomen, et se trouve fixée à la voûte du
squelette tégumen taire de cette région par sept paires d'expan-
sions membraniformes que l'on désigne généralement sous le
nom d'ailes du cœurii). Ces appendices latéraux naissent chacun
par une espèce de tendon du bord antérieur de l'anneau cor-
respondant de l'abdomen, et vont en s'élargissant vers le cœur,
où ils constituent deux lames, une supérieure, qui s'insère sur
les côtés de cet organe, l'autre inférieure, qui se porte en dessous
et va se réunir à son congénère de façon à y former une sorte
de plancher qui sépare le cœur delà cavité viscérale. Un espace
libre, mais fermé en dessus comme en dessous, se trouve ainsi
ménagé de chaque côté de la portion cardiaque du vaisseau
dorsal par la réunion de ces expansions membraniformes , et
elle constitue la poche péricardique , où le sang se répand
pour baigner le cœur et pénétrer ensuite dans l'intérieur de
cet organe (2). Ici ce réservoir vestibulaire mérite donc mieux
(1) M. Straus considère ces ailes longemenls triangulaires sonl en pelit
comme étant formées uniquement de nombre , et, d'après les observations
lanières fibreuses réunies de manière récentes de MM. Cornaliaetde Filippi,
à constituer une membrane [a) ; mais ils sont entremêlés de filaments jau-
je pense qu'elles renferment, comme nàtres et ramifiés qui seraient creux
chez les Crustacés et les Myriapodes, et tubiformes (c).
des fibres musculaires fournies par (2) Cette disposition, qui n'avait élé
les muscles extrinsèques du cœur. qu'imparfaitement saisie par M. Straus,
Lyonnet, qui a donné une très bonne a été très bien observée par Kewport.
ligure de ces parties chez la chenille C'est la chambre péricardique ainsi
du Cossus, les considère aussi comme constituée qui donne naissance à l'es-
étant essentiellement musculaires (6). pace clair remarqué par ce natura-
Dans le Ver à soie, les faisceaux liste de chaque côté du vaisseau dor-
musculaires dont se compose ces pro- sal chez les Asiles, les Bourdons (d).
(a) Straus, Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 357.
(b) Lyonnet, Traité anatomique de la Chenille du saule, p. 414.
(c) Cornalia , Monografta del Bombice del gelso, p. 137, pi. 8, fi g. 102 (1856).
(d) Newport, art. Insf.cta (Todd's Cyclop. nfAnat. and Physiol, vol. II, p. i)78, fïg\ 434).
CHEZ LES INSECTES. 221
que chez les Crustacés le nom d'oreillette du cœur, sous lequel
on le désigne souvent , car, à raison de la disposition des fibres
musculaires des ailes cardiaques, il semble pouvoir agir comme
un instrument d'impulsion et pousser le sang dans le ventricule
ou cœur proprement dit.
Celui-ci est en général un peu fusiforme (1) et présente une
série d'étranglements plus ou moins marqués qui se prononcent
surtout au moment de la contraction et qui le divisent en un
certain nombre de segments ou ventriculites. Ce qui caracté-
rise principalement ces petites chambres cardiaques , ce sont
les orifices afférents qui, disposés par paires, en occupent
les parties latérales , et des replis membraneux intérieurs qui
en divisent la cavité et qui sont disposés comme des portes
d'écluses.
Le nombre des orifices afférents ou auriculo-ventriculaires
du cœur des Insectes paraît être le plus ordinairement de huit
paires , mais se trouve parfois réduit à cinq ou six , ou même
davantage encore ; et , lorsqu'ils ne régnent pas dans toute la
longueur de l'abdomen , c'est à la partie postérieure de cette
(1) Eu général, chez les Insectes genre Chironomus (b). Chez la larve
adultes, cette portion cardiaque du du Pompilius viaticus , M. Verloren
vaisseau dorsal est un peu fusiforme, a trouvé une dilatation analogue, mais
sa partie moyenne étant légèrement moins forte (c).
renflée (a) ; mais M. Verloren a re- Ce mode de conformation est au
marqué que, chez les larves, sa plus contraire plus prononcé chez quelques
grande ampleur est à l'arrière du Insectes aptères. Ainsi, chez le Meno-
corps. Près de son extrémité pos- pon pallidum , M. VVedl a trouvé
térieure, on y remarque même, chez l'extrémité postérieure du vaisseau
quelques espèces, une dilatation très dorsal dilatée en une poche contrac-
prononcée : par exemple , chez les tile ovalaire , à laquelle il réserve le
larves aquatiques des Diptères du nom de cœur {d).
(a) Exemples : Hanneton. Voyez Straus, Op. cit., pi. 8, Car. 7 et 9.
— Lucanus cervas. Voyez Newport, Insecta (Todd's Cyclopœdia, vol. II, p. 977, fig. 433).
(b) Verloren, Sur la circulation dans les Insectes, p. 31, pi. 2, fïg. 1 à 4 ; pï. 3, fig. 5 à 7.
(c) Loc. cit., pi. 6, fig. 22.
(d) Wedl, Ueber das Herz von Menopon pallidum (Silïiuujsbericht dev Alcad. der Wissmçhafteh
su Wien, 1855, t. XVII, p. 173, fig.).
222 CIRCULATION DU SANG
région qu'on les rencontre (1) : ils sont placés chacun vers le
milieu de l'anneau abdominal correspondant , et dirigés à peu
près verticalement ; mais leurs deux lèvres , au lieu de se ter-
miner par un bord libre , comme on pourrait le croire à la
(1) L'existence de huit paires de ces
orifices a été constatée chez le Han-
neton par M. Straus (a), et chez les
Sphinx et divers autres Lépidoptères
par Newport (6), chez le Rhyncho-
phore par M. Verloren (c), chez la
Sauterelle verte par M. Blanchard (d),
chez la larve du Corethra plumiformis
par M. Wagner (e).
Mais , dans le Lucane cerf-volant ,
Newport n'a pu en trouver que sept
paires.
Le même naturaliste n'en a trouvé
que cinq paires chez le Bourdon ter-
restre (/"). Chez les larves de Caloso-
mes, il paraît n'exister que quatre
paires (g), ainsi que chez les Mou-
ches (h).
Enfin, chez les Phasmes , on n'en
distingue qu'une seule paire (i).
Du reste, la détermination du nom-
bre exact de ces orifices présente
souvent de très grandes difficultés, et
dans beaucoup de cas il est impos-
sible d'être sûr qu'aucun d'entre eux
n'ait échappé à l'œil. M. Verloren
pense qu'il y a toujours une paire
d'ouvertures pour chacun des seg-
ments de l'abdomen occupés par la
portion cardiaque du vaisseau dorsal,
ce qui donnerait aussi huit paires pour
les larves du Chironomus, puisque ce
physiologiste a pu s'assurer de leur
présence dans les onzième et dou-
zième segments, et que la portion
abdominale du corps se compose de
six autres anneaux.
D'après cette méthode d'évaluation,
M. Verloren attribue neuf paires de
ces orifices à la . larve du Pompilus
viaticus, et, du reste, il a constaté
directement ce nombre chez la larve
de l'Éphémère (j).
D'un autre côté, il me paraît évi-
dent que chez les Phasmes il n'y a
qu'une paire d'orifices afférents et une
paire d'ailes, ce qui suppose une seule
chambre cardiaque , et , d'après les
observations de M. | Nicolet , la même
structure se rencontrerait chez les
larves du Cyphon lividus (k).
(a) Straus , Considérations sur l'anatomie comparée des Animaux articulés, p. 356, pi. 8,
fig. 7).
(b) Newport, Insecta (Todd's Cyclop. of Anat. and PhysioL, vol. II, p. 977).
(c) Verloren, Op. cit., p. 45.
(d) Blanchard, Op. cit. (Ann. des se. nat., t. IX, p. 386 et 392).
(e) Wagner, Ueber Blutkôrperchen der Regenwût'mern, Blutegeln und Dipterenlarven (Mùller's
Archiv fur Anat. und Pays-, 1835, p. 312, pi. 5, fig. 14).
(f) Newport, loc. cit., p. 977.
(g) Burmeister, Handb. der Entomologie, p. 165.
(h) Blanchard, loc. cit., p. 397.
(i) Miiller, Ueber die Enlwick. der Eier und des Ruckengefàsses bei den hisecleil ( Nova Acta
Acad. Nat. cunos., t. XII, pi. 50, fig. 2).
(j) Loc. cit., p. 46.
(k) Nicolet , Sur la circulation du sang che& les biseetes (Comptes rendus de l'Académie det
sciences, 1849, t. XXVIII, p. 540).
CHEZ LES INSECTES. 223
première vue, se replient en dedans et en avant, de manière
à s'avancer comme un bec de flûte dans l'intérieur du cœur.
Les doubles replis membraneux ainsi constitués de chaque
coté du vaisseau dorsal ont une forme semi- lunaire et s'écar-
tent l'un de l'autre quand cet organe se dilate ; mais , lors du
mouvement contraire , le voile constitué par la lèvre anté-
rieure de chaque orifice s'applique contre le voile correspon-
dant formé par le prolongement de la lèvre postérieure , et
ferme le passage.
A l'aide de cet appareil valvulaire , dont le jeu parait être le
même chez tous les Insectes, le sang peut donc pénétrer du ves-
tibule péricardique dans le cœur, mais ne peut pas refluer du
cœur dans ce réservoir (1).
Il est aussi à noter qu'en s'avançant obliquement l'une vers
l'autre, les deux valvules bilabiales d'une même paire divisent
intérieurement le cœur en autant de compartiments ou loges
qui communiquent entre elles par l'espace médian ou fente
comprise entre ces replis latéraux. Or, cette disposition vient
encore en aide au mouvement circulatoire.
En effet, quand le cœur s'est rempli de sang par les voies
dont il vient d'être question , il se resserre; mais les contrac-
tions de ses divers segments ont lieu d'une manière successive
d'arrière en avant , et les clapets intérieurs que je viens de
décrire s'opposent au retour du liquide du ventrieulite qui
bat dans celui qui a cessé de se contracter, et l'obligent à se
diriger en totalité vers la tête (2 .
(1) La découverte de ces valvules valvulaires manquent complètement
est due à M. Straus, qui a très bien dans le vaisseau dorsal du Bombyx
indiqué leurs principaux, caractères; du mûrier (6).
mais leur jeu a été mieux décrit par (2) Des opinions contradictoires sur
M. Verloren (a). les fonctions de ces replis valvulaires
M. Cornalia pense que ces replis intérieurs du vaisseau dorsal des ln-
[a) Sur la circul. dans les Insectes, p. ~ii et suis. [Mém. cour, de l'Acad. de Briucelles, l. XIX),
(b) Cornalia, Monografia del Bombke del yelso, p, 135.
22/t CIRCULATION DU SANG
§ II. — La portion antérieure ou aortique du vaisseau dorsal
ne présente ni expansions latérales en forme d'ailes, ni orifices, et
constitue un simple tube membraneux. Chez les larves et quel-
ques Insectes adultes, tels que les Spectres, où le corps est
tout d'une venue, ce vaisseau se prolonge en ligne droite de
l'abdomen dans le thorax , et ne s'infléchit que pour pénétrer
dans la tête. Mais', dans la plupart des Insectes adultes, le
thorax étant séparé de l'abdomen par un étranglement, le
vaisseau dorsal est obligé de se courber pour suivre la direction
de la voûte dorsale du squelette tégumentaire , et forme un
coude plus ou moins prononcé en arrivant au thorax. Il est
facile de voir qu'il n'y donne naissance à aucune branche.
Arrivé dans l'intérieur de la tête et sous le ganglion cérébroïde,
il s'accole à la face supérieure de l'œsophage et débouche dans
le système lacunaire interorganique , soit directement par son
extrémité tronquée, soit par l'intermédiaire de deux ou d'un
plus grand nombre de divisions très courtes.
système § 5. — La totalité du sang mis en mouvement par les con-
lacunaire. " . , , . .
tractions de la portion cardiaque du vaisseau dorsal traverse
donc la portion aortique de cet organe et se déverse dans la
cavité de la tête. Mais , soit que ce tube artériel se bifurque
avant de s'ouvrir ou qu'il se termine brusquement par une extré-
sectes ont été émises par M. Straus triculaires). M. Verloren a fait retnar-
tl'une part, et M. Verloren de l'autre. cpier avec raison que cette théorie du
Le premier (a) pense que la diastole mécanisme de la circulation du sang
delà pénultième chambre cardiaque a chez les Insectes n'était pas en accord
lieu au moment de la contraction de avec les faits (6) ; mais il est tombé, ce
la dernière de ces loges, et ainsi de me semble, dans l'exagération oppo-
suite; en sorte que chaque veniri- sée , en n'accordant aucune influence
cule se remplirait à la fois par son à ces replis membraneux, si ce n'est
extrémité postérieure, c'est-à-dire par pour diriger le courant afférent en
le détroit interventriculaire, et par avant pendant la diastole,
les orifices latéraux (ou auriculo-ven-
(«) Straus, Considér. sur l'anat. comp. des Anim. articulés, p. 558.
(b) Veiiorcu, Op. cil., p. 5-2 et suiv. (Mém. couronnés de l'Acad. de Bruxelles, t. XIX).
CHEZ LES INSECTES. 225
mité béante, on voit le sang qui s'en échappe circuler ensuite
dans les espèces de canaux irréguliers formés par les espaces
vides que les divers organes circonvoisins laissent entre eux,
et il me parait bien démontré que l'aorte ne donne naissance à
aucun système vasculaire rameux à l'aide duquel ce liquide
serait transporté de la tête dans les autres parties de l'orga-
nisme (1). Ce sont les portions inoccupées de la grande cavité
viscérale qui servent de conduits pour le sang et qui sont par-
courues par les maîtres courants que l'on aperçoit sur les parties
latérales et inférieures du corps, d'où ces courants vont gagner
la partie postérieure de l'abdomen , et rentrer dans le cœur
après avoir baigné les divers organes placés sur leur route.
(1) Les observations de AI. Bovver-
bank sur la circulation cliez la larve
de l'Éphémère concordent très bien
avec celles de M. Carus touchant le
fait du déversement du sang de l'ex-
trémité antérieure du vaisseau dorsal
dans la cavité de la tète ; mais ce mi-
crographe pense que les grands cou-
rants latéraux qui se dirigent vers
l'extrémité postérieure du corps sont
renfermés dans des canaux distincts
de la grande cavité abdominale, bien
qu'en communication libre avec cette
cavité au point de jonction des divers
anneaux (a).
M. Millier a considéré comme étant
des vaisseaux sanguins certains fila-
ments qui, chez les Phasmes, s'étendent
de la portion aortique du vaisseau dor-
sal au sommet des ovaires [b), opinion
qui a été partagée par Newport (e).
Mais des recherches ultérieures prou-
vent que ce ne sont que des trachées
accompagnées de brides cellulaires,
et que le vaisseau dorsal ne donne
naissance à aucune branche dans cette
partie du corps (d).
Newport pense qu'il existe un ca-
nal vasculaire le long de la face su-
périeure de la portion abdominale de
la chaîne ganglionnaire; il le désigne
sous le nom de vaisseau sus-spi7ial, et
il soupçonne qu'il provient de l'extré-
mité antérieure du vaisseau dorsal de
la même manière que naît l'artère
récurrente sus-spinale chez les Scolo-
pendres (e). Mais toutes les observa-
tions des autres naturalistes tendent
à faire rejeter cette opinion.
(a) Bowerbank, Obs. on the Circul. ofthe Blood in Insects (Entom. Mag., 1833, vol. I, p. 2-iI).
(b) J. Miiller, Ueber die Entivickclung der Eier in Eierstock bei den Gespenstheuschrecken
und eine neuendeckte Verbindung des Rïtckengefdsses mit den Eierstôcken bei den Insecten (Nova
Acta Acad. Nat. curios., 1825, vol. XII, p. 553, pi. 50, fig-. 2).
(c) Newport, Insecta (Todd's Cyclop., vol. II, p. 979).
(d) Blanchard, De la circulation dans les Insectes (Ann. des sciences nat., 1848, 3" série, t. IX,
p. 368).
(e) Newport, Insecta (Todd's Cyclop., vol. II, p. 980).
III.
15
226 CIRCULATION DU SANG
Ces canaux principaux sont en continuité avec d'autres lacunes
ménagées entre les muscles ou entre les faisceaux dont ces
muscles se composent, ou bien encore au milieu de la masse
viscérale, et les grands courants envoient dans le réseau ainsi
constitué des branches secondaires qui , après s'être ramifiées
à leur tour et avoir serpenté entre les diverses parties solides
de l'organisme , rentrent dans quelque courant principal pour
regagner le vaisseau dorsal (1).
Dans les parties transparentes du corps on voit le sang cir-
culer ainsi dans une multitude de canaux interorganiques plus
ou moins bien endigués, pénétrer dans les pattes (2), parcourir
(1) M. Blanchard pense que le sang
arrive dans l'espace péricardique au
moyen d'un certain nombre de canaux
transversaux à parois mal définies par
du tissu cellulaire condensé qui se por-
tent en forme d'arcades en suivant la
face interne de l'arceau dorsal des di-
vers segments abdominaux du sque-
lette tégumentaire , et qui avaient été
signalés par Newport chez les Sphinx
à l'état de nymphes (a), mais qui sont
plus distincts chez les Dytisques (6).
Ce sont les analogues des canaux
branchio-cardiaques des Crustacés et
des canaux pneumocaidiaques des
Arachnides.
(2) La circulation du sang, dans les
pattes de quelques Insectes, est aidée
par l'action de faisceaux musculaires
qui sont situés près de l'articulation de
la jambe avec la cuisse, et qui, en se
contractant d'une manière régulière,
impriment un mouvement plus vif au
courant dont cette partie est traversée.
M. Behn a découvert ce phénomène
chez de jeunes Notonectes, et l'a con-
staté aussi dans les genres Corixa ,
Plea, Naucora, Nepa et Remettra.
Il croit l'avoir aperçu aussi chez les
Keduves et les Ilydromètres ; mais il
n'a pu rien voir de semblable chez
d'autres Hémiptères , tels que les
Pucerons (c). Il attribuait les batte-
ments à une espèce de valvule mem-
braneuse ; mais M. Léon Dufour pense
que le mouvement en question est dû
aux muscles ordinaires des jambes.
Du reste, ce dernier analomiste n'ad-
met pas l'existence des courants cir-
culatoires observés par M. Behn (c/).
M. Verlohren a constaté ce phéno-
mène dans les pattes du Tettigonia
{a) Newport, art. Insecta (Totld's Cyclop. of Anat. and Physiol., vol. II, p. 979).
(6) Blanchard, De la circulation dans les Insectes (Ann. des sciences nat., 3» série, t. XV,
p. 381).
(c) Behn, Découverte d'une circulation du fluide nutritif dans les pattes de plusieurs Insectes
Hémiptères, circulation qui est indépendante des mouvements du vaisseau dorsal et se trouve
sous la dépendance d'un organe moteur particulier {Ann. des sciences nat., 1835, 2- série, t. IV,
p. 5, et Mûller's ArcKiv fur Anat. und Physiol., 1835, p. 554, pi. 13, fig. 13 et 14).
(d) Léon Dufour, Lettre sur le mouvement observé par M- Behn dans les pattes des Insectes
Hydrocorises {Ann. des sciences nat., 1835, t. IV, p. 313).
CHEZ LES INSECTES. 227
les ailes quand ces appendices membraneux ne sont pas des-
séchés (1), en un mot, se répandre partout; et si, à l'aide d'in-
jections colorées, on étudie les connexions qui existent entre
les cavités où la présence des courants sanguins a été con-
statée et le reste de l'économie, il est facile de voir que le
système imgatoire ainsi constitué pénètre dans la profondeur
de tous les organes et doit pouvoir permettre le renouvellement
rapide du fluide nourricier dans tous les points où le travail
vital rend le passage de ce liquide nécessaire.
§ 6. — Les recherches de M. Blanchard tendent même
à établir qu'à l'aide de certaines parties de ce système lacu-
naire, les relations entre le fluide nourricier et le fluide res-
pirable sont rendues plus directes et plus régulières qu'on ne
le soupçonnait. Il a vu que si l'on pousse un liquide coloré
soit dans le vaisseau dorsal , soit dans la cavité abdominale,
non-seulement les diverses lacunes intermusculaires et inter-
viridis {a), des larves d'Éphémères, avec ceux de l'organe pulsatile dont
etc. il vient d'être question , et ne parais-
II est probable que quelque chose sent pas dépendre de ceux du vaisseau
d'analogue existe chez certains Dip- dorsal.
tères , car Degeer parle de battements (1) La circulation du sang dans les
analogues à ceux d'une artère dans ailes de l'Hémérobe perle a été très
les pattes des Ornithomyies (6). bien étudiée par M. Bowerbauk. Les
Quant aux courants qui se voient principauxcourantssuiventladirection
dans les pattes de ces divers Insectes, des grandes nervures de la base vers
M. Behn pense qu'ils ne sont pas limités le sommet de ces organes et revien-
par des parois propres. L'un de ces nent le long de la nervure marginale ;
courants,situé près du bord postérieur ils sont situés dans des canaux au
de la jambe, se dirige du tronc vers centre desquels se trouvent les troncs
l'extrémité du membre ; l'autre , qui trachéens (c).
marche en sens inverse , en occupe M. Mcolet a étudié le même phé-
le bord antérieur ; enfin, ils sont sac- nomène dans les élytres des Cocci-
cadés, et leurs mouvements coïncident nelles {d).
(a) Verloren, Op. cit. (Mém. couronnés de l'Acad. de Bruxelles, t. XIX, p. 82, pi. 7, %. 26).
(6) Degeer, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. 287.
(e) Bowerbank , Observ. on the Circulation of the Blood and the Distribution of the Tracheœ
in the Winy ofChrysopa Perla (Entomol. Magaz., 1837, vol. IV, p. 179, pi. 15, fig. 1-4).
(d) Nicolet, Note sur la circulation du sang chez les Coléoptères (Ann. des sciences nat., 1847,
3» série, t. V, p. 60).
228 CIRCULATION DU SANG
viscérales s'en remplissent aussitôt , mais que les trachées
se teignent dans toute leur longueur. L'injection, quand elle
est bien laite , ne pénètre pas dans l'intérieur de ces tubes
aérifères , mais se répand en couches minces dans l'espace
compris entre leurs tuniques. Or, suivant toute probabilité ,
le sang doit pouvoir pénétrer là où pénètre l'injection, et par
conséquent il est à présumer qu'une portion du fluide nour-
ricier s'introduit dans l'épaisseur des parois des trachées, dont
la tunique externe constituerait un canal rameux occupé à la
fois par un cylindre creux de sang et un cylindre central formé
par l'air et séparé du premier par la tunique trachéenne in-
terne.
Si cette couche de sang interposée était en repos, sa présence
n'influerait d'une manière notable ni sur la respiration, ni sur
la circulation; mais s'il se renouvelle rapidement, et s'il y a là
un courant, comme le pense M. Blanchard, le service de l'irri-
gation se trouverait assuré d'une manière bien plus parfaite
qu'on ne le supposait, et nous aurions là un nouvel exemple des
ressources que la Nature peut trouver dans la simple adaptation
d'instruments d'emprunt à des fonctions nouvelles ; car ces
conduits péritrachéens, qui fourniraient des arborisations non
moins touffues ni moins bien circonscrites que celles résultant
d'un système vasculaire spécial, ne seraient encore que des
dépendances du système lacunaire général. Du reste, dans
l'état actuel de la science, il serait difficile de se prononcer
quant à l'importance du rôle que les espaces péritrachéens peu-
vent remplir. L'existence de courants dans ces lacunes tubi-
formes n'a pas encore été constatée, et nous ne savons pas bien
comment les liquides répandus dans la cavité viscérale y pé-
nètrent ou en sortent (1).
(1) Les extraits suivants feront con- « Souvent, à l'exemple de mes de-
naîtreles observations de M.Blanchard vanciers, dit ce naturaliste, j'avais
et les conséquences qu'il en déduit : examiné par transparence des larves
CHEZ LES INSECTES. 229
Quoi qu'il en soit, nous voyons que chez les Insectes il y a
en réalité une circulation active, bien qu'il ne paraisse y avoir
chez ces Animaux ni ramifications artérielles, ni veines, et. que
de Névroplères et de Diptères. Comme
eux, je m'étais convaincu de l'existence
du mouvement circulatoire, des mou-
vements du vaisseau dorsal, du mou-
vement et de la direction des cou-
rants dans les espaces interorganiques.
J'étais convaincu de l'exactitude de
leurs observations sous ces divers
rapports. Mais je ne pouvais ra'em-
pècher de soupçonner qu'il existât
quelque chose de plus... »
Il eut donc recours aux injections
avec du bleu de Prusse délayé dans
de l'essence de térébenthine, et en
procédant de la manière suivante :
<• Mon premier soin, dit-il, était
d'ouvrir l'animal par la partie supé-
rieure et de dégager le vaisseau dor-
sal dans toute sa longueur. Celte pré-
paration achevée, je pratiquais une
ouverture dans l'une des chambres
postérieures, et tout aussitôt j'y faisais
pénétrer l'injection... En disséquant
la tète d'individus ainsi injectés, en
mettant à nu les ganglions cérébroïdes,
je distinguai sans peine la portion aor-
lique du vaisseau dorsal passant sous
ces centres nerveux, s'élargissant un
peu et fournissant quelques branches
fort courtes. M. Newport avait déjà
vu cette terminaison chez la Vanesse
de l'ortie. Mais, sous le poids de l'in-
jection, l'extrémité du vaisseau et les
petites branches qui en dérivent se di-
lalent considérablement. On voit de
la manière la plus distincte les parois
vasculaires devenir de plus en plus
minces, ou de moins en moins résis-
tâmes. Ces branches s'évasent alors
vers leur extrémité et retiennent dif-
ficilement le liquide injecté. Enfin, on
voit que le vaisseau dorsal se termine
dans la portion supérieure de la tête,
que là ses parois finissent. Cette ex-
périence répétée un grand nombre
de fois sur les espèces les plus diffé-
rentes, il n'y avait plus moyen d'en
douter: Le vaisseau dorsal ne pré-
sente point de branches sur son trajet ,
et ses divisions antérieures ne sont
en réalité que des indices de bran-
ches; elles ne se prolongent pas même
jusqu'à la partie tout à fait antérieure
de la tète. Continuant à injecter des
Insectes par leur vaisseau dorsal, je.
m'attachai à y faire passer une assez
grande quanlité de liquide. L'injec-
tion se répandait naturellement dans
la cavité de la tête, puis dans celles du
thorax. »
Mais ce n'était pas tout : ayant
placé la préparation dans l'eau, l'in-
jection répandue dans ces lacunes s'en
échappa , et ces cavités se vidèrent :
mais le système trachéen resta coloré
par le liquide injecté. M. Blanchard
acquit la conviction que cette colora-
tion n'était due ni à la teinture de la
surface externe des parois de ces tubes
aérifères, nia l'introduction de l'injec-
tion dans l'intérieur de ceux-ci, mais à
sa présence entre les deux tuniques
membraneuses de ces conduits, et cela
jusqu'aux extrémités les plus déliées.
» L'injection, ajoute M. Blanchard,
a suivi ici le trajet que suit le fluide
nourricier. Traversant le vaisseau
dorsal, elle s'est répandue dans toutes
les lacunes inlerorganiques. Parvenue
dans les lacunes avoisinant l'origine
230 CIRCULATION DU SANG
le sang , mis en mouvement par les contractions du cœur et
porté dans la tête par la portion aortique du vaisseau dorsal,
ne trouve, pour se distribuer dans les diverses parties de l'éco-
des tubes respiratoires, elle s'est in-
troduite entre les deux tuniques tra-
chéennes (a). »
Il obtint le même résultat en pous-
sant l'injection directement dans les
lacunes interorganiques, dans la cavité
abdominale, par exemple.
Enfin, M. Blanchard donna, dans
la grande édition du Règne animal
de Cuvier, plusieurs belles figures
représentant le système trachéen co-
loré de la sorte (b).
Ces résultats furent vivement com-
battus par divers naturalistes. Ainsi
M. Léon Dufour les repousse : d'abord
parce que, suivant cet auteur, il n'y
aurait pas de circulation chez les In-
sectes ; en second lieu , parce que le
vaisseau dorsal ne lui paraît pas mé-
riter ce nom ; et troisièmement, parce
qu'en injectant des liquides colorés
dans l'abdomen de divers Insectes , il
n'a pas vu les trachées se colorer (c).
M. Joly partage l'opinion de M. Léon
Dufour, et conclut de ses recherches
à ce sujet, d'abord que l'espace inter-
membranulaire dans lequel M. Blan-
chard pense que le sang, ainsi que
l'injection, pénètre, n'existerait pas, et
que les deux membranes qui consti-
tuent les gros troncs trachéens sont
contiguës l'une à l'autre; secondement,
que c'est dans l'intérieur même des
trachées, c'est-à-dire dans le canal
aérifère lui-même, que les injections
de M. Blanchard auraient pénétré par
suite de la déchirure de ces vais-
seaux (d).
M. Dujardin nie également l'exis-
tence d'un espace libre entre les tu-
niques des trachées, et s'est élevé aussi
contre les conclusions que M. Blan-
chard avait tirées de ses injections au
sujetd'une circulation péritrachéenne.
Il pense que la couche externe de ces
tubes est formée par une substance
sarcodique que sécréterait la tunique
interne ou épidermique, dont le fil en
spirale ne serait qu'un simple épais-
sissement, et qui serait en contact
direct avec cette tunique interne (e).
M. Nicolet a fait aussi quelques ob-
servations qui ne sont pas favorables
à l'existence d'une circulation péri-
trachéenne, et ajoute :
« En présence de lacunes toujours
pleines de sang, et dans lesquelles il
se meut sans cesse , l'infiltration de
(a) Blanchard, Sur la circulation dans les Insectes (Ann. des sciences nat., 1848, 3* série,
t. IX, p. 372 à 376).
(b) Atlas, Insectes, pi. 76, fig, 1 et 2 ( Sauterelle verte ); pi. 87, fig. 1 (Pentatoma grisea) ;
pi. 100, fig. 1 et 2 (.■Eshna forcipata); pi. 107, fig-. 1 (Abeille); pi. 160, fig. 1 (Musca vomi-
toria).
(c) Léon Dufour, Sur la circulation des Insectes (Actes de la Société Linhéenne de Bordeaux,
1849, t. XVI, et Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1849, t. XXVIII, p. 28, 101 et 163).
(d) Joly, Mém. sur l'existence supposée d'une circulation péritrachéenne chez les Insectes
(Mém. de l'Acad. des sciences de Toulouse, et Ann. des sciences nat., 1849, 3" série, t. XII,
p. 306).
— Joly, M. Blanchard, et Circulation péritrachéenne des Insectes. Réfutation de cette théorie
antiphysiologique (Gaz. méd. de Toulouse, février 1852).
(e) Dujardin, Résumé d'un Mémoire sur les trachées des Animaux articulés et sur' la prétendue
circulation péritrachéenne (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1849, t. XXVIII, p. 674).
CHEZ LES INSECTES. 231
nomie, et pour revenir ensuite au cœur, que les rigoles ou
lacunes ménagées entre les divers organes ou entre les mem-
branes et les fibres dont ces organes se composent.
ce fluide entre les membranes tra-
chéennes paraît non-seulement super-
flue, mais encore inutile et plutôt con-
traire que favorable au phénomène
de l'oxydation ; car si le but de la na-
ture, en répandant dans toute l'éten-
due du système organique des Insectes
une innombrable quantité de conduits
aérifères, a été de mettre en prompt
contact avec l'air la plus grande
masse possible de fluide nourricier,
l'exiguïté de l'espace compris entre
les membranes trachéennes, exiguïté
qui ne peut être mise en parallèle
avec l'étendue des lacunes, ne permet
pas d'y admettre l'entrée d'une suffi-
sante quantité de sang pour satisfaire
à la rapide combustion d'oxygène que
la plupart de ces Animaux doivent
nécessairement exiger (a). »
Duvernoy regarde l'existence d'un
interstice entre les deux membranes
trachéennes comme étant incontes-
table ; mais il ne croit pas que le pas-
sage du sang dans cette lacune circu-
latoire soit démontré , et à plus forte
raison la circulation de ce fluide dans
l'épaisseur des parois des vaisseaux
aérifères (6).
M. de Filippi a fait des expériences
à ce sujet, et tout en confirmant plei-
nement l'existence de l'espace en
question, il ne pense pas que le sang
y pénètre (c).
M. Agassiz reprit à son tour l'exa-
men de cette question, et arriva aux
mêmes conclusions que M. Blanchard.
M. Bassi également {d).
Enfin, M. Blanchard a invoqué , à
l'appui de son opinion touchant les
usages des lacunes intermembranu-
laires des trachées, les résultats des
expériences dans lesquelles MM. Ales-
sandrini , de Filippi , Bassi et lui-
même, avaient vu ces tubes se colorer
sous l'influence de l'injection de cer-
taines matières colorantes dans l'es-
tomac (e).
M. Blanchard a trouvé que l'indigo
et la garance étant absorbés de la
sorte, colorent le sang, et c'est à la
présence d'une couche mince de ce
sang coloré qu'il attribue la teinte
bleue ou rose constatée dans les pa-
rois des trachées (f).
M. Joly a répété ces expériences,
mais n'est arrivé qu'à des résultats
négatifs, et il en conclut que le régime
(a) Nicolet, Sur la circulation du sang chez les Insectes (Comptes rendus de l'Académie des
sciences, 1849, t. XXVIII, p. 541).
(b) Voyez les Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1849, t. XXVIII, p. 34.
(c) De Filippi, Alcune osservaxioni anatomico fisiologiche sulV Insecli in générale, ed in parti-
cularesul Bombice del gelso, p. 4 et suiv. (extrait du tome V des Annales de l'Académie d'agri-
culture de Turin, 1851).
(d) Agassiz, Note sur la circulation des fluides chez les Insectes (Ann. des sciences nat., 1851 ,
3« série, t. XV, p. 358).
— Bassi, Rapport fait au congrès de Venise sur le passage des substances introduites dans le
système trachéen des Insectes (Ann. des sciences nat., 3° série, t. XV, p. 370).
(e) Bassi, Rapport, etc. (Ann. des sciences nat., 3* série, t. XV, p. 362).
(f) Blanchard , Nouvelles observations sur la circulation du sang et la nutrition chez les
Insectes (Ann. des sciences nat., 3e série, t. XV, p. 371).
232 CIRCULATION DU SANG.
Résumé § 7. — Nous voilà donc ramenés à un état de choses fort
i.i circulation analogue à ce que nous avions rencontré dans les rangs infé-
rieurs de l'embranchement des Malacozoaires.
Nous voyons qu'ici encore l'irrigation sanguine s'effectue
essentiellement à l'aide, non pas d'un système de tubes flexi-
bles et rameux disposés en manière de cercle, mais au moyen
de canaux irréguliers dont la forme est déterminée par celle
des organes circon voisins.
Nous avons vu que chez les divers Mollusques, ainsi que
chez les Crustacés et les Arachnides, des vaisseaux propre-
ment dits se substituent à ces canaux dans une certaine éten-
due de l'appareil circulatoire, mais qu'une portion plus ou
moins considérable de cet appareil se compose toujours de ces
espaces interorganiques auxquels j'ai donné le nom de lacunes.
Nous pouvons donc maintenant mieux apprécier que nous
n'aurions pu le faire en abordant l'histoire de la circulation,
les objections faites par quelques anatomistes à la théorie
dont j'ai si souvent fait usage, aujourd'hui et dans les leçons
précédentes , pour coordonner et expliquer les modifications
diverses de l'appareil irrigatoire chez les Animaux Invertébrés.
Je ne m'arrêterai pas à discuter l'opinion de ceux qui disent :
La circulation ne peut se faire qu'à l'aide d'un appareil circu-
latoire; l'appareil circulatoire ne peut être constitué que par
un cœur, des artères et des veines : par conséquent, partout où
de la garance ou de l'indigo n'exerce sang coloré s'est interposé entre leurs
aucune action sur les trachées. Enfin tuniques (a).
il pense que lors même que ces or- J'ajouterai que M. Blanchard a ré-
ganes se coloreraient, cela s'explique- pondu à toutes ces objections par la
rait par la teinture de la surface de publication de ses observations sili-
ces tubes qui sont baignés par le sang, des faits du même ordre chez les Ara-
et ne prouverait pas du tout que le cbnides à respiration trachéenne [b).
(a) .loly, Nouvelles expériences tendant à réfuter la prétendue circulation péritrachéenne des
Insectes (Mém. de l'Acad. des sciences de Toulouse, 1852).
(6) Blanchard , De l'appareil circulatoire, etc., dans les Arachnides (Ann.*des sciences nat.,
1840, 3" série, 1. XII, p. 31$))'.
RÔLE DES LACUNES INTERORGANIQUES. 233
il y a circulation, il faut que ces vaisseaux sanguins existent.
Il y a là ce que les logiciens appellent pétition de principe, et
le vice d'un pareil raisonnement est évident. Il me semblerait
également superflu d'examiner l'argument de ceux qui disent :
La circulation ne peut s'effectuer qu'à l'aide de vaisseaux san-
guins; les Insectes n'ont pas de vaisseaux sanguins : donc ils
n'ont pas de circulation.
Je passe sur les arguments qui, réduits à leur plus simple ex-
pression et mis à nu, ne consistent que dans un raisonnement de
ce genre, et j'arrive tout de suite à la seule difficulté sérieuse (1).
(1) Dans les discussions auxquelles
la question de la circulation lacunaire
ou semi-lacunaire chez les Animaux
inférieurs a donné lieu depuis une
dizaine d'années, soit directement,
soit d'une manière indirecte, on a en
général mêlé à ce qui touche au mode
de constitution de l'appareil sangui-
fère des Mollusques beaucoup de cho-
ses qui y sont complètement étran-
gères ou qui n'influent en rien sur les
conclusions générales auxquelles je
suis arrivé. Ainsi, divers écrivains ont
supposé que cette interprétation des
faits se confondait avec la théorie dite
du phlébentérisme , dont j'aurai à
parler dans une autre partie de ce
cours. Or, ce sont des choses parfaite-
ment distinctes. Chez les Animaux les
plus dégradés, l'intestin peut se rami-
fier et tenir lieu d'un système irriga-
loire, ainsi que nous l'avons vu chez
les Acalèphes et les Coralliaires ; une
disposition analogue peut se rencon-
trer chez des Animaux plus élevés en
organisation, où la division du travail
est devenue complète entre l'appareil
digestif et le système sanguifère. Elle
peut même y venir en aide à la dis-
tribution des matières nutritives dans
les diverses parties de l'organisme ;
mais elle n'est pas liée alors d'une
manière nécessaire à tel ou tel mode
de constitution de l'appareil circula-
toire, et l'état lacunaire d'une portion
plus ou moins considérable du trajet
veineux n'est en aucune façon subor-
donné à cette forme rameuse et vas-
culaire des prolongements de l'intes-
tin. Le mot phlébentéré , appliqué par
M. de Quatrefages à des Mollusques
chez lesquels une portion de l'appa-
reil se ramifie à la manière des vais-
seaux sanguins , ne signifiait pas du
tout que ces tubes rameux représen-
taient ou tenaient lieu de veines, mais
seulement qu'ils avaient l'apparence
de vaisseaux.
Quelques écrivains, je le répète, con-
fondent entre elles toutes ces choses,
et, pour combattre les unes, s'attaquent
souvent aux autres, de façon que la
plus grande confusion a été introduite
dans une discussion qui aurait pu être
très simple et parfaitement intelligi-
ble pour tout le monde. C'est par suite
de mélange de questions non con-
nexes dans un travail de M. Robin
sur le phlébentérisme, qu'il me serait
difficile, sans consacrer a ce sujet trop
234 CIRCULATION DU SANG.
M. Audouin et moi, en faisant connaître, il y a trente ans, les
cavités veineuses qui existent à la base des branchies chez les
Crustacés supérieurs, et qui se continuent avec les espaces
ménagés entre les divers viscères , avions signalé l'existence
d'une couche mince de tissu conjonctif qui en tapisse les
parois, et qui nous a paru être de même nature que le tissu dé-
signé sous le nom de cellulaire dans la plupart des ouvrages
sur l'anatoinie humaine. Une couche membraniforme de même
nature, ou quelque chose d'analogue, tapisse aussi la cavité
abdominale des Mollusques où le sang s'accumule, et l'on en
trouve des traces plus ou moins évidentes dans tous les gros
canaux qui livrent passage à ce liquide et qui sont limités d'ail-
leurs par les muscles, les téguments, ou d'autres organes cir-
convoisins. Quelques anatomistes préfèrent donc voir dans
ces cavités, non pas des lacunes ou espaces interorganiques
employés à constituer ou à compléter le système irrigatoire ,
mais des vaisseaux proprement dits, des veines ou des artères
qui se développeraient d'une manière excessive, et qui, au lieu
d'offrir la forme de tubes membraneux, s'étendraient de façon
à se mouler sur les parties voisines et à les envelopper (1).
de place, d'examiner ici la suite de trouve séparé de leur tissu par une
raisonnements à l'aide desquels ce substance homogène et transparente
jeune analomiste arrive à conclure (6). Mais , dirait-il que le cœur ne
que l'idée d'une dégradation de l'ap- baigne pas dans la sérosité chez
pareil circulatoire est une idée fausse, un malade affecté d'hydropéricardUe,
et que ce système n'est incomplet parce qu'un feuillet du péricarde re-
chez aucun Animal (a). vêt la surface du tissu charnu de cet
(1) Le savant professeur de physio- organe, ou que la sérosité abdominale
logie de la Faculté de médecine de ne touche ni l'estomac, ni le foie, ni
Paris déclare que l'idée d'une circu- les interstices, parce qu'une lame pé-
lation lacunaire chez les Mollusques ritonéale recouvre tous ces viscères?
est une idée fausse, parce que le sang Or, chez les Mollusques, le sang oc-
ne baigne pas à nu les organes et se cupe la cavité du péritoine où ces
(a) Robin, Rapport sur les communications de M. Soulexjel, relatives à la question désignée sous
le nom de Phlébentérisme, p. 131 (Mém. de la Soc. de biologie, 1851, t. III).
(b) Bérard, Cours de physiologie, t. III, p. 399,
RÔLE DES LACUNES INTERORGANIQUES. 235
A mesure que l'on descendrait des Animaux supérieurs vers ceux
dont la structure est de moins en moins parfaite, on trouverait
donc un système veineux qui serait de plus en plus développé, et
qui , tout en conservant son caractère primitif, logerait peu à
peu dans son intérieur les viscères et tous les autres organes.
Ce serait une veine transformée en un vaste sinus qui tiendrait
lieu du sac péritonéal chez les Poulpes , les Aplysies et les
autres Mollusques où les viscères baignent dans le sang, et ce
serait un vaisseau développé de la même manière, de façon à
tapisser toutes les cavités interorganiques de l'Insecte , qui
constituerait le système irrigatoire de ces Animaux. C'est seule-
ment à la condition d'admettre ces hypothèses qu'on peut dire,
avec un des jeunes analomistes de l'École de médecine , que
organes sont suspendus, exactement
comme la sérosité occupe cette grande
lacune périgastrique chez l'Homme.
La même thèse a été longuement sou-
tenue par M. Robin dans un rapport
sur les discussions entre M. Quatre -
fages et Souleyet. M. Robin déclare
aussi que le mot dégradation doit être
rayé de la science (a).
L'expression d'appareil circula-
toire incomplet dont j'ai souvent fait
usage pour désigner un système irri-
gatoire dans lequel une portion du
cercle sanguifère me semble être con-
stituée par des réservoirs ou des
canaux empruntés aux vides inter-
organiques , et non pas des tubes ou
vaisseaux proprement dits, a été
aussi l'objet de critiques fort vives.
On m'a objecté que ces cavités étant
indiquées par une sorte de texture
membraniforme, le cercle circulatoire
est un système de cavités closes, et,
par conséquent, un système com-
plet (b). Mais, du moment que le sys-
tème cavitaire général est devenu dis-
tinct de la chambre digestive, ce sys-
tème est en général fermé, et si on le
considère comme un appareil hydrau-
lique d'irrigation , il sera cependant
d'autant plus incomplet qu'il offrira
d'une manière plus limitée le carac-
tère tubulaire. Du reste, la clôture du
système irrigatoire ne paraît pas être
une disposition aussi constante qu'on
le supposait jadis , et nous avons vu
que chez beaucoup de Mollusques où
une portion de l'appareil circulatoire
est composée de vaisseaux bien con-
stitués, il existe des voies de commu-
nication directes entre les réservoirs
sanguifères et l'extérieur (c).
(a) Robin, Rapport sur la question désignée sous le nom de Phlébentérisme (Mém. de la Soc de
biologie, 1851, t. Ht, p. 131).
(b) Voyez Bérard, Cours de physiologie, t. III, p. 599.
(c) Voyez ci-dessus, pages 100, 126, etc.
236 CIRCULATION DU SANG.
chez aucun Animal ce système circulatoire n'est incomplet, et
que le mot lacune , employé pour désigner une portion de ce
système, doit disparaître de la science anatomique.
Mais voyez où cela conduirait. La chambre viscérale serait
la cavité de la poche péritonéale quand le sang n'y pénètre pas,
et serait constituée par une veine transformée en sinus quand ce
liquide y afflue. A mesure que la circulation devient plus obs-
cure et plus incomplète, le système des vaisseaux sanguins se
compliquerait et se développerait davantage, et chez les Mollus-
coïdes inférieurs il constituerait la totalité du système cavitaire
du corps. Enfin, si nous poussons cette hypothèse jusqu'à
sa dernière limite pour en mieux faire ressortir l'inadmissi-
bilité, nous verrons que la veine, devenue sinus abdominal ou
chambre viscérale, deviendrait aussi une cavité digestive chez
les Polypes et les Acalèphes.
Il suffit, je crois, de dégager ces idées de tous les acces-
soires dont on les a entourées et d'en présenter l'ensemble
pour les faire rejeter. Les personnes qui ne se sont familiarisées
qu'avec l'anatomie de l'Homme ou des Animaux dont la struc-
ture se rapproche le plus de la nôtre, ne peuvent que difficile-
ment se résoudre à croire que dans d'autres groupes zoolo-
giques les veines ou les artères manquent et sont remplacées
tant bien que mal par les méats ou vides que les divers solides
de l'organisme laissent entre eux ; mais les naturalistes qui étu-
dient les phénomènes de la vie chez les Animaux marins des
classes inférieures ne douteront pas de l'existence de ces em-
prunts physiologiques.
Quant à l'argument tiré de l'existence d'une couche mem-
braniforme de tissu conjonctif sur les parois de ces cavités, je
ne saurais y voir un motif pour considérer ces espaces comme
des veines dilatées plutôt que des lacunes interorganiques, car
un tissu analogue se rencontre partout dans les vides laissés
par les organes, et des couches membraniformes semblables se
RÔLE DES LAGUNES liNTERORGANIQUES. 237
développent partout dans ces vides lorsqu'un liquide excitant
autre que le sang vient à s'y accumuler (1).
La manière dont j'interprète et dont je groupe les laits que
nous offre l'étude du système irrigatoire chez les Animaux inté-
rieurs me parait donc être la plus simple et la plus naturelle.
(1) M. Owen considère Ja couche
plus ou moins membraniforme dont
les sinus veineux sont revêtus comme
étant l'analogue de la tunique interne
des veines proprement dites , et , en
partant de cette idée , il arrive aux
conclusions suivantes :
« Bien que dans les grands vides de
la chambre abdominale situés entre
les viscères et les muscles, la tunique
des sinus veineux soit disposée comme
un péritoine ; qu'elle paraisse remplir
aussi les ['onctions d'un péritoine ; que
le fluide contenu dans son intérieur
ait, indépendamment de ses usages
les plus importants, à tenir lieu de
sérosité péritonéale, et qu'en outre
l'anatomiste pourrait, à raison de cette
similitude de fonctions, être autorisé
à appeler les cavités des sinus, des
lacunes inter viscérales, et les parois
de ces sinus un péritoine ; cependant,
en se guidant par des considérations
d'homologie plutôt que par l'analogie,
il devra plutôt les nommer sinus vei-
neux abdominal et tunique veineuse.
Du reste, comme question de fait, il
n'y a aucune différence réelle ou es-
sentielle entre cela et un système clos
d'artères et de veines, mais seulement
un état morphologique qui s'éloigne
du caractère typique des organes de
circulation ; qui, à la vérité, s'en éloi-
gne à l'extrême, mais qui n'égarera
que difficilement le zootomiste qui
serait préparé a des faits de cet ordre
par les découvertes de Hunter, telles
qu'on les voit par les descriptions et
les figures de ses préparations rela-
tives au système veineux dans la
classe des Tnsectes et des Crusta-
cés (a). »
Pour mieux fixer les idées à ce sujet,
M. Owen cite ensuite quelques pas-
sages tirés des manuscrits de Hunter,
mis au jour par ses soins quelques
années après la publication du travail
fait sur la circulation chez les Crusta-
cés par M. Audouin et moi. On y lit :
« Les veines des Insectes paraissent
être simplement la membrane cellu-
laire; mais ce sont des canaux régu-
lièrement formés, quoique ni aussi
distinctement cylindriques que chez
les Quadrupèdes, etc., ni se ramifiant
avec la même régularité. Elles parais-
sent être ou remplir les interstices
situés entre les flocons de graisse, les
cellules aériennes, les muscles, etc.,
et, par conséquent, on pourrait, jus-
qu'à un certain point, les appeler la
membrane cellulaire de ces diverses
parties (6). »
J'ajouterai que, dans le même ma-
(a) Owen, On the Anatomy of the Terebratula ( Davidson's British fossil Brach'wpoda, vol. I,
p. 16, Palœontogr. Soc., 1853).
(b) Hunterian MS. Catalogue (Descript. and illustn Catal. of the Physlological Séries of Comp.
Anat. coiitained in the Muséum of the P.. Collège of Surgeons m London, 1834, vol. II, p. 31).
238 CIRCULATION DU SANG.
La théorie que j'ai exposée nous a permis de lier entre eux tous
ces faits, et, souvent, de les prévoir. Malgré les objections qui
y ont été faites et qui roulent sur les mots plutôt que sur les
choses, je continuerai donc à m'en servir. Mais, tout en pen-
sant que c'est en grande partie par l'adaptation de olus en
plus complète du système lacunaire au service de l'irrigation
nutritive que le système circulatoire se constitue d'abord et se
perfectionne ensuite chez les Mollusques et les Animaux arti-
culés, je suis loin de croire que , dans tous les cas, la Nature
fasse usage des mêmes moyens pour effectuer la production
des conduits sanguifères , et ici , de même que pour la respi-
ration , dont l'étude nous a déjà occupés , nous verrons que
dans d'autres circonstances elle ne procède point par voie d'em-
prunt, et a recours, de prime abord, à des créations organiques
spéciales. Les Animaux dont nous aurons à nous occuper dans
la prochaine Leçon nous en fourniront des exemples.
nuscrit, Hunter parle d'un Ver à soie jecte, on trouve la matière à injection
qui est injecté et qui montre « les disposée principalement en grandes
grandes cavités qui tiennent lieu de masses (b). »
veines, et dans lesquelles les tubes J'ajouterai que pour avoir des no-
glandulaires filiformes flottent et s'im- tions exactes sur les cavités veineuses
bibent des matériaux pour leurs sécré- ainsi décrites par Hunter* il suffit de
lions respectives (a). » jeter les yeux sur les planches où
Au sujet des Crustacés , M. Owen ce grand anatomiste les figure chez le
cite aussi le passage suivant : Homard, et où l'injection est repré-
« Les veines* dans cette classe d'A- sentée remplissant par grandes masses
nimaux, de même que chez les in- irrégulières toutes les parties de la
sectes ailés, ont principalement la cavité viscérale et de ses annexes,
l'orme de grandes cellules irrégulières, Quanta la nature du tissu qui ta -
comme si le tissu conjonctif ou mem- pisse les lacunes sanguifères chez lés
brane cellulaire de l'animal renfer- Animaux invertébrés, je renverrai aux
niait le sang , et, lorsqu'on les in- observations de M. Leydig (c).
(a) Catalogue (loc. cit., p. 30). •
(b) Loc. cit., p. 138.
(c) Leydig, Zum feinem Bau der Arthropoden (Milliers Archiv, 485S, p. 455).
VINGT -CINQUIÈME LEÇON.
Delà circulation dans le sous-embranchement des Vers. — Mode de constitution des
vaisseaux propres de ce système. — Disposition de ces vaisseaux chez les Turbel-
lariés et les Trématodes. — Appareil circulatoire des Annélides. — Vaisseaux
rudimentaires des Helminthes et des Rotateurs. — De l'appareil circulatoire dans
la classe des Échinodermes.
§ 1. — Dans la grande division des Vers, comprenant les système
vasculaire
Helminthes , les Turbellaries , les Annélides et quelques autres indépendant.
Animaux inférieurs , la cavité générale du corps est occupée
par un liquide qui ressemble au sang des divers Invertébrés
dont l'étude vient de nous occuper ; mais d'ordinaire il existe
aussi chez ces Entomozoaires un autre fluide qui, par ses pro-
priétés physiques, diffère beaucoup du premier, et qui se
trouve renfermé dans un système de vaisseaux particuliers.
Cet appareil vasculaire est facile à distinguer chez les Vers,
où ce sang proprement dit est d'une couleur différente de celle
des autres liquides de l'organisme , et n'a pas échappé aux
recherches des premiers anatomistes qui se sont occupés de
l'étude de ces Animaux ; mais, lorsque toutes les humeurs pré-
sentent la même teinte , il est souvent difficile d'en reconnaître
la présence , et il reste encore beaucoup d'obscurité à ce sujet,
en ce qui concerne les Rotateurs et les Vers intestinaux.
Il me paraîtrait inutile de revenir ici sur l'étude du fluide
cavitaire ou de traiter d'une manière spéciale des espaces qui en
sont les réservoirs ; ce que nous savons de la disposition d'il
système lacunaire chez les autres Invertébrés nous suffit pour
en donner une idée exacte , et je m'occuperai donc immédiate-
ment de l'examen du système de vaisseaux qui , chez les Vers,
vient s'ajouter à ce système irrigatoire d'emprunt, et qui est
destiné à devenir la partie fondamentale de l'appareil circula-
toire chez les Animaux des classes élevées.
Mode
de formation
de
ces lubes.
240 CIRCULATION DU SANG
Ce système vasculaire se compose de canaux qui ne sont pas
empruntés aux espaces vides ou lacunes que les divers organes
laissent entre eux, consistent en des tubes à parois indépen-
dantes des parties circonvoisines, et qui semblent se former de
toutes pièces. Pour faire bien comprendre ce qui me paraît être
le mode d'organisation et de production de ces conduits sangui-
fères , il ne sera pas inutile de rappeler les modifications que
nous avons déjà vues s'opérer par les progrès du développe-
ment dans la disposition des canaux gastro-vasculaires des
Béroés.
On doit se rappeler que j'ai trouvé des différences très
grandes dans la conformation de cet appareil irrigatoire. Chez
les jeunes individus, les canaux radiaires qui se dirigent de
l'estomac vers le bord du disque cupuliforme pour s'ouvrir dans
le canal marginal sont simples ou ne présentent latéralement
que de petits prolongements en forme de doigts de gant; mais,
chez les individus plus avancés en âge, ces appendices csecaux
sont beaucoup plus longs, et, au lieu d'être simples, se ramifient;
enfin, chez des individus qui, à en juger par leur grande taille,
sont encore plus vieux , les branches de ces mêmes canaux ,
au lieu de se terminer toutes en culs-de-sac , se rencontrent,
s'ouvrent les unes dans les autres à leurs points de jonction,
et constituent par leurs anastomoses un réseau vasculaire dont
les mailles deviennent de plus en plus nombreuses et serrées.
Au premier abord , on pourrait croire que les canaux gastro-
vasculaires , en s'avançant ainsi dans la substance du corps de
l'Animal, seraient de simples excavations creusées dans cette
substance, et résulteraient seulement d'un phénomène de désas-
similation ou résorption qui s'effectuerait dans une direction dé-
terminée. Mais, en examinant les choses de plus près, on voit
que l'extension de ces canaux est due à un travail plu s complexe.
Les tubes gastro-vasculaires, de même que l'estomac, ont pour
parois une membrane continue qui leur appartient en propre ,
CHEZ LES VERS. 2/j.l
et le cul-de-sac par lequel chacun d'eux se termine reste fermé
jusqu'à ce qu'il ait rencontré une autre branche du même sys-
tème à laquelle il se soude avant de se perforer pour débou-
cher dans son intérieur. 11 faut donc que le tissu constitutif des
parois de ces tubes préexiste dans les points où leur allongement
s'effectue, et, pour se former une idée nette de ce phénomène
organogénique, il faut se représenter le vaisseau comme étant un
cylindre, d'abord plein, qui s'allonge à son extrémité par suite
de la production des nouvelles portions de son tissu, et qui, en
même temps, se creuse d'une cavité disposée suivant son axe.
La pression, ou quelque autre influence exercée par l'extrémité
qui s'accroît de la sorte, amène l'atrophie et la résorption de la
substance des tissus voisins, et le tube, tout en restant fermé, se
fraye ainsi une route dans cette substance jusqu'à ce qu'il ren-
contre un autre vaisseau de même nature auquel il se soude ;
puis , la cavité se creusant toujours de plus en plus dans la
même direction, et un travail analogue s'effectuant en sens
opposé dans le tube auquel il s'est uni, la cloison qui les sépare
se perfore et l'anastomose s'établit.
Des phénomènes organogéniques du même ordre paraissent
s'établir chez les Vers dans d'autres points de l'économie et
amener la formation d'un système de vaisseaux à parois propres
qui ne débouchent ni dans l'appareil digestif ni dans le système
lacunaire général , et qui est complètement clos, sauf les com-
munications que la perméabilité de ses parois permet avec les
cavités d'alentour.
C'est de la sorte que les vaisseaux sanguins proprement dits
semblent se constituer chez les Annélides, par exemple. Ainsi,
chez les jeunes Térébelles , le service de l'irrigation physiolo-
gique se fait pendant les premiers temps de la vie à l'aide de la
cavité générale du corps et des autres parties du système lacu-
naire qui contient un fluide nourricier, comme nous l'avons
déjà vu chez les Mollusques et les Animaux articulés ; mais,
m. 16
Vaisseaux
sanguins
des
Turbellariés.
242 CIRCULATION DU SANG
à une période plus avancée de leur développement, on com-
mence à distinguer dans l'organisme de ces petits Vers marins
un certain nombre de vaisseaux dont le contenu est différent, et
ne tarde pas à acquérir la teinte rouge qui rend le sang propre-
ment dit si facile à reconnaître chez la plupart des Animaux de
cette classe (1). Ces vaisseaux sanguins, indépendants du sys-
tème cavitaire, sont d'abord en petit nombre, et ne paraissent
fournir que peu de branches ; mais , par les progrès du travail
organogénique, ils se développent beaucoup, et finissent par
former un appareil très complexe dont les diverses parties se
dessinent nettement par tout le corps, à raison de la couleur
particulière du fluide renfermé dans leur intérieur.
§ 2. — Chez les Némertiens , qui prennent place dans la
classe des Turbellariés fondée par M. Ehrenberg, il existe,
indépendamment de l'appareil irrigatoire constitué par la cavité
viscérale (2), un système circulatoire vasculaire bien distinct,
(1) J'ai constaté l'apparition tardive
des vaisseaux sanguins chez beaucoup
de jeunes Annélides , et ce fait me
semble avoir une certaine importance
pour la zoologie ; car chez les Verté-
brés la formation du système circula-
toire est un des premiers résultats du
travail embryogénique (a).
(2) Chez les Némertiens , la cavité
générale du corps qui loge les viscères,
et qui contient un fluide nourricier
commun, est tapissée par un tissu
membraniforme et subdivisée en qua-
tre portions principales. Une première
partie, ou chambre céphalique, est
limitée en arrière par une cloison
transversale ou diaphragme membra-
neux incomplet, et loge les ganglions
cérébroïdes ainsi que les parties an-
térieures de l'appareil digestif et du
système vasculaire. La portion post-
céphalique de la cavité générale s'é-
tend dans toute la longueur du corps
et se trouve incomplètement divisée
par des cloisons verticales membra-
neuses auxquelles sont fixés les vis-
cères : un de ces compartiments con-
stitue une chambre médiane et loge
dans une portion de son étendue l'ap-
pareil digestif; les deux autres, situés
latéralement, renferment les organes
reproducteurs. Un liquide, en général
incolore, mais tenant en suspension
des corpuscules organisés et compa-
rables aux globules du sang (6), est
répandu dans les chambres cépha-
lique et médiane de ce système, et y
remplit tous les espaces qui ne sont
(a) Milne Edwards, Observ. sur le développement des Annélides (Ann. des sciences nat,, 1845,
8* série, t. 111, p. 157 et suiv.).
(6) Voyez ci-dessus, tome I, page 106.
CHEZ LES VERS. 243
mais d'une grande simplicité, et qui rappelle beaucoup ce qui se
voit chez les jeunes Animaux dont il vient d'être question,
quand leurs vaisseaux sanguins commencent à se montrer.
Ainsi chez les Cérébratules à sang rouge dont M. de Quatre- Némertiens
fages a étudié la structure avec beaucoup de soin, on distingue
facilement trois troncs longitudinaux situés immédiatement
sous les téguments et placés, l'un sur la ligne médiane du dos,
les autres sur les côtés du corps. Ces vaisseaux plus ou moins
flexueux ont des parois membraneuses bien distinctes et offrent
partout à peu près le même diamètre. Ils s'anastomosent direc-
tement entre eux à l'extrémité postérieure du corps. Dans la
région céphalique, ils sont également en communication di-
recte, mais d'une manière un peu moins simple : chaque tronc
latéral se divise en deux branches , l'une que j'appellerai
frontale, continue à se porter en avant et se réunit à son con-
génère sur la ligne médiane, de façon à former une grosse
anse vasculaire marginale ; l'autre, que je nommerai branche
cérébrale, contourne les ganglions cérébroïdes du système ner-
veux, et, après avoir décrit ainsi la figure d'une c/a, se joint à
la fois à son congénère et au vaisseau médian dorsal qui se
termine en ce point (l).1
pas occupés par les viscères , les touristes ; mais jusqu'en ces derniers
muscles ou d'autres organes; il pa- temps on a généralement confondu
raît pénétrer aussi dans les chain- avec ces organes le système nerveux,
bres latérales ou génitales , et les qui est souvent coloré en rouge ou
mouvements généraux du corps le en jaune dans toute sa portion cen-
ballottent dans divers sens. Mais , traie.
jusqu'ici, on n'y a pas aperçu distinc- M. Rathke a reconnu l'erreur dans
tement des courants circulatoires ré- laquelle ses prédécesseurs étaient tom-
guliers (a). bés à ce sujet (b) ; mais, tout en resli-
(1) L'existence de vaisseaux sali- tuant au système nerveux les parties
gains chez les Némertiens a été con- qui y appartiennent , il n'a donné
statée par un grand nombre d'ana- que fort peu de détails sur les vais-
(a) Quatrefages, Mém. sur la famille des Némertiens ( Voyage en Sicile, t, II, p. 151 et suiv., et
Ann. des sciences nat., 3= série, t. VI).
(&) Rathke, Deilrâge mr vergleichenden Amtomie und Physiologie, 1842, p. 103.
2/j/j CIRCULATION DU SANG
Il paraît y avoir aussi chez la plupart des Némertiens deux
autres troncs longitudinaux moins développés , qui sont logés
plus profondément et suivent les côtés de la cavité digestive.
Les injections faites par M. Blanchard montrent que ces vais-
seaux s'anastomosent aussi avec les précédents par leur extré-
mité antérieure ; mais, de même que le vaisseau dorsal, ils ne
se ramifient pas. Les vaisseaux sous-cutanés latéraux sont unis
entre eux de distance en distance par des canaux transversaux,
mais on n'a pu apercevoir chez ces Vers presque aucune trace
de ces ramifications dendroïdes, ni de ces lacis capillaires qui,
chez les Animaux à circulation puissante, servent à conduire
les fluides nourriciers dans la profondeur de toutes les parties
de l'organisme (1).
seaux sanguins proprement dits, et il cœurs les ganglions cérébroïdes en-
n'a pas expliqué la cause de la fausse tourés d'une anse ou d'un sinus vas-
détermination adoptée par MM. Délie culaire (d); mais tous les observateurs
Chiaje , Dugès, Ebrenberg et John- qui ont parlé de ces organes comme
son (a); aussi M. OErsted a-t-il per- les centres de l'appareil circulatoire
sisté a considérer les ganglions céré- se sont accordés à dire que jamais on
broïdes comme des cœurs (h). M. de n'y aperçoit de pulsations.
Quatrefages a établi nettement la dis- (1) M. Blanchard a représenté ces
tinction entre ces divers organes, et vaisseaux injectés chez le Cerebra-
a été le premier à faire bien connaître tulus liguricus ; on voit les troncs
les principales dispositions du sys- latéraux se terminer dans une lacune
tème vasculaire des Némertiens en ovalaire qui loge de chaque côté de
général (c). M. Williams, qui a écrit l'extrémité antérieure du canal diges-
plus récemment sur le même sujet, tif un des ganglions cérébroïdes, et qui
continue à désigner sous le nom de se continue en avant, sur les côtés du
(a) Délie Chiaje, Mem. sulla storia e notomia degli Animali senza vertèbre del regno di Napoli,
t. II, p. 408.
— Dugès , Aperçu de quelques nouvelles observations sur les Planaires et plusieurs genres
voisins (Ann. des se. nat., 1830, t. XXI, p. 75, pi. 2, fig. 5).
— Ehrenberg, Symbolce Physicœ : Animalia Evertebrata, dec. 1.
— Johnson, Miscellanea %oologica [Magazine of Zoology and Botany, 1837, t. 1, p. 533,
pi. 17, fig. 6).
(6) A. -S. Œrated, Entwurf einer systematischen Eintheilung und speciellen Beschrelbung der
Plattwùrmer auf mikroscopischen Untersuchungen gegrûndet, 1844, p. 17.
(c) Quatrefages, Études sur les types inférieurs, Mém. sur la famille des Némertiens (Milite
Edwards, Quatrefages et Blanchard, Voyage en Sicile, t. II, p. 174 et suiv., pi. 18, fig. 1 et 1 a,
pi. 16, fig. 1 ; pi. 21, fig. 1).
(d) T. Williams, Report on the British Annelida (Rep. of the British Associât, for Ihe, Advan™
cernent of Science, vol. XXI, 1852, p. 189).
CHEZ LES VERS. 9/l5
La disposition de l'appareil irrigatoire paraît être essentielle-
ment la même chez tous les Némertiens, et le sang renfermé
dans ce système de grands canaux y est mis en mouvement par
la contraction des parois des divers vaisseaux dont il vient
d'être question. Mais les courants ainsi déterminés sont inter-
mittents et irréguliers dans leur direction, de sorte que la
circulation est oscillatoire et que le fluide poussé tantôt d'ar-
rière en avant par l'action de l'un des troncs latéraux, passe
dans les vaisseaux longitudinaux voisins , tandis qu'à d'autres
moments les contractions de l'un de ces derniers le font couler
en sens contraire. Il est aussi à noter que chez les Némertiens
ces vaisseaux sanguins ne présentent sur aucun point de leur
trajet des réservoirs contractiles qui puissent être considérés
comme faisant fonction de cœurs. Beaucoup de zoologistes , il
est vrai, ont décrit sous ce nom certaines parties de la tête des
Némertiens, mais M. de Quatrefages a fait voir que ces pré-
tendus cœurs ne sont en réalité que les ganglions cérébroïdes
autour desquels s'appliquent les branches internes des vais-
seaux latéraux (1).
Nous voyons donc que chez ces Vers le sang se meut dans
un cercle de tubes fermés et doit revenir sans cesse à son
point de départ. On peut donc dire que chez ces Animaux la
circulation est complète ; mais on doit remarquer que le sys-
tème vasculairc dont ils sont pourvus, considéré comme appa-
reil irrigatoire, n'est guère qu'une simple ébauche et ne saurait
fonctionner que d'une manière très imparfaite.
bulbe pharyngien. Il y a donc ici en tion avec l'anse vasculaire céplialique
tout cinq vaisseaux longitudinaux («). sont évidemment les anses circum-
(1) Dugès a observé la contractilité ganglionnaires décrites ci-dessus, ou
des vaisseaux sanguins chez le Pro- les analogues des lacunes figurées par
stoma armata; mais les poches pel- M. Blanchard (6).
lucides qu'il dit être en communica-
(a) Blanchard , Recherches sur l'organisation des Vers (Voyage en Sicile, t. III, p, 305. pi 6
fig. 5).
{b) Dugès, Op. cit. (Ann. des sciences mt., 1830, t. XXI, p. 75),
Planaires.
Classe
des
Nématoïdes.
246 CIRCULATION DU SANG
§ 3. — Chez d'autres Turbellariés , les Planaires par
exemple, le système vasculaire est bien plus rudimentaire, et,
quoique les canalicules dont il se compose se ramifient dans
les diverses parties de l'organisme et s'anastomosent parfois
entre eux , il n'offre pas dans son ensemble une disposition
circulaire, et le liquide qui s'y trouve inclus n'est animé proba-
blement que de quelques mouvements oscillatoires obscurs (1).
§ k> — Chez les Vers intestinaux de la classe des Néma-
toïdes , tels que les Strongles et les Ascarides , on ne trouve
aussi que des vestiges d'un appareil circulatoire composé de
quelques canaux très grêles et sans réservoir pulsatile bien
caractérisé (2); mais, dans la classe des Annélides, au con-
(1) Les organes que Dugès et quel-
ques autres observateurs ont décrits
comme constituant le système vascu-
laire des Planaires (a) appartiennent
en majeure partie au système ner-
veux" de ces Animaux (6). Mais
M. Blanchard a reconnu l'existence
de canaux qui suivent le trajet de
nerfs, ainsi que d'une espèce de réser-
voir ou de lacune qui entoure la masse
ganglionnaire céphalique. Toutes ces
parties se laissent injecter, et les rami-
fications de ces vaisseaux forment
même un réseau capillaire assez
riche (c) ; mais, d'après leur mode de
distribution , il me paraîtrait difficile
qu'il pût y avoir là une véritable cir-
culation des fluides nourriciers, et il
me semble probable qu'ils ne sont le
siège que de mouvements oscillatoires,
car ils ne font pas retour sur eux-
mêmes , et ils sont trop grêles pour
que l'on puisse supposer l'existence
d'un double courant dans l'intérieur
de chacun d'eux. Il est aussi à noter
que chez les Planaires, aussi bien que
chez les autres Vers auxquels Cuvier
donnait le nom de parenchymateux, il
existe une cavité viscérale qui sert de
réservoir à un liquide albumineux, et
qui joue probablement un rôle impor-
tantdans l'irrigation physiologique (d).
(2) Chez les Ascarides, on trouve à
la face interne du système musculaire
sous-cutané deux bandes longitu-
dinales de structure spongieuse qui
constituent chacune un tube (e) dans
l'intérieur duquel se trouvent deux
(a) Dugès, Recherches sur l'organisation et les mœurs des Planaires (Ann. des sciences nat.,
1828, t. XV, p. 161).
— Idem, Aperçu de quelques observations nouvelles sur les Planaires, etc. (Ann. des sciences
nat., 1830, t. XXI, p. 85).
— Merlens, Ueber den Bail, verschiedener an der See lebender Planarien (Mém. de l'Acad. de
Saint-Pétersbourg, 1833, 6e série, t. II, p. 1).
— Schulze, De Planariarum Vivendi ratione et structura penitiori (Dissert, inaug.). Berol., 18 30 .
(6) Quatrefages, Mém. sur quelques Planaires marines (Voyage en Sicile, t. II, p. 72 et suiv.) .
(c) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Vers (Op. cit., t. III, p. 77, pi. 6, fig. 1).
(d) Quatrefages, loc. cit., p. 52.
(e) Ce sont ces tubes longitudinaux qui ont été considérés comme des vaisseaux circulatoires par
M. Cloquet (Anatomie des Vers intestinaux, 1824, p. 38, pi. 1, fig. 2 ; pi. 2, fig. 3).
CHEZ LES VERS. ^47
traire, les organes d'irrigation se développent et se perlée»
tionnent beaucoup.
§5. — Chez presque tous les Annélides, l'irrigation orga-
nique s'effectue aussi à l'aide de deux appareils : le système
cavitaire général et ses annexes , où se trouve un liquide séro-
sanguin , et un système vasculaire où circule le sang propre-
ment dit. Ces deux appareils ne communiquent pas entre eux, et
Appareil
circulatoire
des
Annélides.
vaisseaux, l'un superficiel, l'autre pro-
fond. Les vaisseaux profonds situés
ainsi de chaque côté du corps s'ana-
stomosent directement entre eux au
niveau de l'œsophage , de façon à y
former une arcade dont une des
branches est légèrement dilatée de
manière à constituer une très petite
ampoule . qui communique aussi par
des canaux anaslomotiques avec les
vaisseaux sous -cutanés superficiels.
Enfin , ceux-ci communiquent égale-
ment avec les vaisseaux profonds ou
internes vers l'extrémité postérieure
du corps (a). M, Blanchard a constaté
que les injections passent des uns dans
les autres, et qu'ils constituent un
cercle dans lequel le fluide peut se
mouvoir d'une manière continue ;
mais ce système de canaux ne paraît
pas donner naissance à des ramifica-
tions vasculaires, si ce n'est peut-être
dans la région pharyngienne ; par con-
séquent son rôle dans l'irrigation phy-
siologique ne peut être que très faible,
et il est à présumer que la distribu-
tion des fluides nourriciers s'effectue
principalement par l'intermédiaire du
système cavitaire général et de ses
dépendances.
Cet anatomiste a trouvé la même
disposition dans les vaisseaux des
Strongles ; mais, chez les Spiroptères
ou Spirures, il a constaté l'existence
de branches anaslomotiques transver-
sales et de ramifications extrêmement
grêles (b).
M. Blanchard est parvenu à injec-
ter un système de vaisseaux sous-
cutanés très fins chez les Échino-
rhysqces. Ce sont des canaux longi-
tudinaux, au nombre de dix-huit à
vingt, qui se trouvent reliés entre eux
par une multitude de branches trans-
versales simples, de façon à repré-
senter un treillis fort régulier (c). Il
existe aussi à la face interne de la
grande cavité viscérale de ces Ani-
maux deux tubes longitudinaux d'un
calibre très considérable qui se lais-
sent facilement injecter et qui ressem-
blent beaucoup aux vaisseaux latéraux
des Némertes (d) ; à leur extrémité
postérieure ils se terminent en culs-
de-sac, et en avant ils se bifurquent
pour envoyer une branche à la base
(a) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Vers {Voyage en Sicile, t. III, p. 224, pi. 18,
fig. In).
(6) Idem, loc. cit., p. 288, pi. 20, ûg, 1 a.
(c) Idem, loc. cit., p. 294, pi. 24, fig. 5 e.
(d) Cloquet, Anal, des Vers intestinaux, 1824, p. 85, pi. 5, jîg; 3, pi G, fig-. 13.
Voyez aussi :
— YYestrumb, De Helminthibus acanthocephalis comment, hist. anat., p. 48 (1821).
— Burrow, Echmorhynchi strumosi anatome, 183G, (ig. 1 et 8.
Système
cavi taire.
l2h& CIRCULATION DU SANG
l'on remarque en général que le développement de l'un est en
raison inverse de l'importance acquise par l'autre.
Ainsi que nous l'avons déjà vu en traitant de la respiration,
c'est essentiellement par l'intermédiaire du premier de ces sys-
tèmes irrigatoires que les relations entre l'organisme et l'atmos-
phère s'établissent chez plusieurs Animaux de cette classe (1).
Le liquide cavitaire est alors fortement chargé de globules;
il est mis en mouvement par des cils vibratiles , et il occupe
des réseaux de canaux capillaires sous-cutanés aussi bien que
de la trompe, et l'autre au cou ; mais
ils ne paraissent pas donner naissance
â des ramifications (a). Enfin, ils sont
remplis par un liquide albuminëux.
Les helminthologistes sont incertains
quant aux usages de ces canaux. Il
est aussi à noter que les bandelettes
ou lemnisques qui flottent dans la
cavité" du corps de ces singuliers Vers
intestinaux renferment un canal lon-
gitudinal à branches rameuses (6), et
que divers auteurs rapportent aussi
ces vaisseaux à l'appareil circula-
toire (c) ; mais on n'est pas parvenu
à les injecter, et, suivant Mehlis, cha-
cun de ces organes communiquerait
au dehors par un pore venuciforme ,
ce qui ferait supposer qu'ils sont des
instruments de sécrétion (d).
L'organe rubani forme qui se voit
chez le Filaire des poissons présente
une structure d'apparence vasculaire
comme celle des lemnisques de PÉchi-
norhynque (e).
Enfin, parmi les Vers que l'on con-
fond généralement sous le nom de
Filaires ou Gordius, il en est qui, par
leur mode d'organisation, se rappro-
chent davantage des Annélides de la
famille des Nais, et qui ont, comme
celles-ci, un vaisseau dorsal et un ou
deux vaisseaux abdominaux. Berthold
a décrit un appareil de ce genre
chez le Gordius aquaticus (/"). Mais
M.Blanchard, sans vouloir en con-
tester l'existence, n'est point parvenu
à le retrouver (g). Les Filaires des
Corneilles décrits par Ecker ont aussi
un vaisseau dorsal dont la partie an-
térieure ou pharyngienne est pulsatile,
et un collier vasculaire qui ressemble
beaucoup à ce que l'on voit chez cer-
tains Annélides (h).
(1) Voyez tome fi, p. 99 et suiv.
(a) Blanchard, Rech. sur l'organisation des Vers ( Voyage en Sicile, t. III, p. 293).
(6) Goeze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidwurmer, p. 1417.
— Rudolphi, Entozoorum historia naturalis, t. I, p. 254.
— Cloquet, Anat. des Vers intestinaux, p. 83.
(c) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anut. comp., t. I, p. 134.
(d) Creplin, Novae observ. de Entozois, mit Bemerkungen von Mehlis (Isis, 1831, p. 82).
(e) Siebold, Helminthologische Beitràge (Archiv fur Naturgesch., 1838, t. I, p. 311).
(f) Berthold, Ueber den Bau des Wasserkalbes : Gordius aquaticus. Gcettingue, 1842, p. 12.
(g) Blanchard, loe. cit., p. 280.
(h) Ecker, Ueber das Gefâss-System in eingepuppten Filarien (Archiv fur Anat. und Physiol.
von Muller, 1845, p. 506, pi. 15, %. 3 et 4).
CHEZ LES VERS. 2/|9
l'espèce de réservoir formé par la chambre viscérale. Chez les
Branehclîions, par exemple, la cavité abdominale communique
librement avec des canaux pratiqués dans l'épaisseur des parois
du corps, et notamment dans les appendices foliacés qui recou-
vrent le dos et constituent des organes respiratoires. Ces canaux
se ramifient à la manière des vaisseaux sanguins dans les bran-
chies des Crustacés ou des Mollusques, et ils sont pourvus aussi
de parois membraneuses distinctes (1). Ce sont par conséquent
des vaisseaux à sang blanc en communication directe avec le
système lacunaire général, de la même manière que nous avons
vu le système artériel se continuer avec les méats ou espaces
interorganiques chez beaucoup d'autres Invertébrés ; et M. de
Quatrefages, qui a été le premier à faire bien connaître cette
disposition, y voit les vestiges d'un appareil vasculaire par-
ticulier dont tous les Animaux supérieurs à sang rouge sont
pourvus, savoir, le système des vaisseaux lymphatiques . Nous
reviendrons sur ces analogies lorsque nous étudierons spécia-
lement les vaisseaux blancs des Vertébrés , et je me bornerai
à ajouter ici que les arborisations vasculaires dont il vient d'être
question sont également très développées chez plusieurs Anné-
lidessétigères, les Phyllodocés, par exemple (2), et que dans
(1) Lorsqu'on pousse un liquide moire de M. de Quatrefages sur l'ana-
coloré dans le réseau dendroïde de tomie et la physiologie de ces Sang-
l'une de ces feuilles branchiales, on sues branchifères [a).
voit l'injection se répandre autour de Déjà, en 1849, M. de Filippi avait
l'appareil digestif et pénétrer dans indiqué l'existence d'un système lacu-
tous les autres appendices respira- naire sans parois membraneuses aussi
toires. J'ai déjà eu l'occasion de parler bien que d'un système vasculaire pro-
des fonctions de ce système lacunaire prement dit chez quelques Hirudi-
lorsque je faisais l'histoire de la res- nées : les Clepsines, par exemple (b).
piration, et pour plus de détails à ce (2) Les arborisations vasculaires qui
sujet, je renverrai à l'intéressant Mé- se remarquent sur les branchies folia-
(a) Quatrefages, Etudes sur les types inférieurs de l'embranchement des Annelés (Ann. des
sciences nat., 1852, 3" série, t. XVIII, p. 306 et suiv.).
(b) F. de Filippi, Observ. sopra un nuove génère (Hsementeria) di Anellidi délia famiglia délie
Sanguesughe, p. 8 (extr. délie Memorie délia R. Acad. délie Scienze di Torino, 1849, 2° série,
t. X).
250 CIRCULATION DU SANG
quelques cas le liquide cavitaire qui y circule et qui occupe
aussi la chambre viscérale est coloré (1). Chez les Lombrics ,
les espaces libres qui entourent les viscères sont très réduits,
et par conséquent la portion lacunaire du système irrigatoirc
n'offre que peu d'importance. Enfin, chez les Sangsues, ces
espaces sont presque entièrement oblitérés, et par conséquent
ce sont les vaisseaux sanguins proprement dits qui, seuls ou
presque seuls , effectuent le transport des fluides nourriciers
dans l'intérieur de l'organisme.
Syst. vascuiaire § 6. — Le système vasculaire proprement dit qui se trouve
Annéiides. surajouté à l'appareil irrigatoire lacunaire des Annélides, et qui
cées de ces Vers furent prises d'abord
pour des vaisseaux sanguins (a). Mais
M. Williams a constaté que ce sont
des dépendances du système cavitaire
général, et que les vaisseaux sangui-
fères ne pénètrent pas dans ces ap-
pendices (6).
Les ramifications dendroïdes creu-
sées dans l'épaisseur des lamelles bran-
chiformes dont les rames pédieusesdes
Néréides sont garnies à leur extrémité
sont également des canaux parcourus
par le liquide cavitaire seulement;
mais ici on trouve à la base des pieds
un réseau vasculaire à sang rouge qui
sert aussi à la respiration (c).
Enfin les canaux qui occupent le
centre des appendices tentaculiformes
dont l'extrémité céphalique est garnie
chez les Térébelles {d) appartiennent
aussi au système lacunaire général, et
ces organes sont dépourvus de vais-
seaux à sang rouge (e).
(a) Audouin etMilne Edwards, Annélides des côtes de la France [Ann. des sciences nat., 1833,
t. XXIX, p. 247, pi. 1 G, %. 3).
(b) Williams, Report on the British Annelida (Report of the 21 st Meeting of tlie British Associa-
tion for the Advancement of Science, 1851, p. 198, pi. 4, jig. 15).
(c) Williams, loc. cit., p. 197, pi. 4, fig. 14.
(d) Milne Edwards, Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 1 6.
(e) Williams, loc. cit., p. 194.
(f) Idem, ibid., p. 172.
(1) M. Williams a constaté l'exis-
tence d'un liquide péritonéal ou cavi-
taire chargé de corpuscules rouges
chez le Glycera alba. Le sang pro-
prement dit, ou liquide intra- vascu-
laire , est d'une teinte rougeàtre
moins intense et ne charrie pas de glo-
bules. La cavité commune ou viscé-
rale se prolonge dans la base des
pieds, et de là se continue dans l'axe
des appendices branchiaux qui sont
fixés sur ces membres. M. Williams
s'est convaincu de l'absence complète
de vaisseaux sanguins proprement
dits dans les parois de l'espèce de
caecum ainsi constitué par chacune de
ces branchies, et il a vu que le liquide
cavitaire circule dans leur intérieur
sous l'influence d'un épithélium vi-
bratile dont les parois de cette por-
tion du système lacunaire sont gar-
nies (/).
CHEZ LES VERS. 251
renferme le sang coloré en rouge chez la plupart de ces Vers,
se compose de tubes à parois propres dont les plus gros sont
toujours pourvus de fibres musculaires , de façon à pouvoir se
contracter et se relâcher alternativement. C'est par l'effet de
ces contractions que le sang est mis en mouvement ; mais les
courants ainsi déterminés n'ont pas une direction constante, et,
bien qu'il n'y ait pas ici le renversement périodique et régulier
dont les Tuniciers nous ont offert le singulier spectacle, la cir-
culation est souvent oscillatoire , et parfois le sang parcourt
alternativement les mêmes vaisseaux en sens inverses.
Un seul et même plan fondamental semble avoir présidé à la
constitution de l'appareil circulatoire de tous les Annélides ;
on remarque, il est vrai , dans le nombre et la disposition des
vaisseaux, des différences très considérables ; mais ces modifi-
cations , qui , au premier abord , masquent souvent le tracé
typique, ne le rendent pas méconnaissable, et, pour saisir les
rapports qu'elles ont entre elles , il suffit de les analyser.
En procédant de la sorte, on voit que les différences dépendent
principalement de trois tendances organiques dont l'influence
se fait sentir de plus en plus fortement à mesure qu'on s'élève
des espaces inférieurs vers ceux dont la structure a été perfec-
tionnée au plus haut degré.
L'une de ces puissances modificatrices du plan organique de
l'appareil circulatoire des Annélides est la tendance des parties
congénères à se montrer d'abord isolément sur les côtés du
corps , puis à se rapprocher entre elles et à se confondre sur la
ligne médiane.
Une seconde cause de diversité est la centralisation croissante
des agents moteurs de la circulation et la tendance de la Nature
à établir la division du travail entre les conduits de distribution
et les réservoirs distributeurs.
Enfin, la troisième circonstance dont nous aurons à tenir
compte en cherchant à expliquer les modifications de l'appareil
252 CIRCULATION DU SANG
sanguifère des Annélides , est l'extension progressive des
branches de chacun des troncs principaux , d'où résulte des
communications anastomotiques de plus en plus nombreuses
entre toutes les parties de cet appareil , ainsi que l'abondance
croissante . des rameaux irrigatoires et la richesse du réseau
vasculaire produit par leurs divisions terminales.
Les principaux matériaux employés à la constitution de cet
appareil hydraulique sont un certain nombre de gros tubes
longitudinaux de chacun desquels partent des branches trans-
versales en plus ou moins grande abondance. Les uns appar-
tiennent essentiellement aux téguments de l'Animal , les autres
sont surtout en relation avec le canal digestif, et ils forment
ainsi deux systèmes que j'appellerai le système cutané et le sys-
tème viscéral.
Le système cutané se compose tantôt de deux vaisseaux lon-
gitudinaux situés sur les flancs de l'Animal, plus ou moins
rapprochés entre eux à la face inférieure du corps ; tantôt d'un
tronc unique et médian que l'on désigne sous le nom de
vaisseau ventral, et que l'on peut considérer comme le résultat
de la fusion des deux canaux dont je viens de parler. Dans la
forme la plus simple de ce système , ces deux troncs latéraux
ne communiquent entre eux que par les ramifications terminales
de leurs branches internes; mais , chez les espèces dont l'orga-
nisation est plus perfectionnée , ils sont unis directement par
une série de tubes transversaux qui occupent la face ventrale
du corps et qui peuvent être appelés les vaisseaux commissu-
raux inférieurs. Enfin les troncs eux-mêmes se rapprochent
et s'anastomosent par leurs deux extrémités de façon à former
un cercle vasculaire ; puis, ce rapprochement s'effectuant dans
toute leur longueur, les deux moitiés du système se trouvent
représentées par un vaisseau central impair et médian.
Pour bien comprendre la série de modifications qui se ren-
contrent dans la disposition de la portion viscérale de l'appa-
CHEZ LES VEP.S. 253
reil circulatoire, il faut y distinguer deux systèmes de vais-
seaux , l'un dorsal , l'autre sous-intestinal , et se représenter
chacun de ces systèmes comme étant composé virtuellement ,
sinon en réalité , de deux moitiés placées symétriquement à
droite et à gauche de la ligne médiane et tendant à se rappro-
cher pour se confondre entre elles.
Les deux troncs dorsaux, là où ils sont séparés l'un de
l'autre, communiquent entre eux par une série de branches
transverses auxquelles je donnerai le nom de vaisseaux com-
missuraux supérieurs.
Les deux moitiés du système vasculaire sous-intestinal pré-
sentent une disposition semblable, et sont reliées aussi au tronc
dorsal par des canaux verticaux qui passent sur les côtés du
tube digeslif et qui peuvent être appelés les vaisseaux commis-
suraux profonds. Yers l'extrémité antérieure du corps , ces
branches anastomotiques latérales sont souvent au moins aussi
développées que les troncs dont elles partent, de façon que le
vaisseau dorsal semble se continuer sans interruption avec le
vaisseau sous-intestinal et former autour de l'œsophage un gros
collier vasculaire.
Enfin le sang passe aussi des vaisseaux sous-cutanés dans
le système dorsal, ou de celui-ci dans les premiers, par des
branches transversales (ou latéro-dorsales ) , et toutes les par-
ties de l'appareil circulatoire se trouvent ainsi en communication
plus ou moins facile les unes avec les autres.
En résumé, cet appareil se compose donc généralement de
trois portions principales plus ou moins indépendantes, ou sys-
tèmes de vaisseaux : un système cutané latéral ou ventral ; un
système dorsal ou sus-intestinal , et un système abdominal ou
sous-intestinal.
Voyons maintenant l'emploi que la Nature fait de ces divers
matériaux organiques chez les différents Animaux de cette
classe.
Système
vasculaire
des
Hirudinces.
254 CIRCULATION DU SANG
§ 7. — Dans l'ordre des Hirudinées, ou Sangsues (i), les
deux moitiés du système vasculaire cutané sont toujours dis-
tinctes , tandis que la centralisation est au contraire complète
dans le système vasculaire viscéral.
On trouve donc toujours -chez ces Annélides un tronc dorsal
médian et deux troncs latéraux.
Chez un petit nombre d'entre eux , les Malacobdelles , par
(1) L'appareil vasculaire des Sang-
sues a été l'objet de beaucoup de tra-
vaux anatomiques. Les principaux
troncs superficiels ont été signalés par
Dillenius (a), Bibiena(è) et Cuvier(c).
Ce dernier a injecté les branches ana-
stomotiques qui unissent entre eux
les vaisseaux latéraux, mais il n'a
pas découvert les relations qui exis-
tent entre ceux-ci et le vaisseau dor-
sal. De nouvelles observations sur ce
sujef furent faites ensuite par Tho-
mas (d), Home (e), Johnson (/"), liaus-
mann (g), Bojanus (h) et quelques
autres naturalistes, mais sans qu'il en
résultât aucun progrès bien notable.
M. Délie Chiaje fut, je crois, le pre-
mier à bien faire connaître le tronc
ventral qui est en connexion avec le
système nerveux ; mais, tout en con-
statant les anastomoses des branches
de ce vaisseau avec celles du vaisseau
dorsal, il ne saisit pas les relations
de cette portion de l'appareil vascu-
laire avec celles dont les troncs laté-
raux constituent la partie fondamen-
tale, et il ne put, par conséquent, se
former une idée juste de la circula-
tion chez ces Annélides (i).
En 1828, la disposition des vais-
seaux sanguins de la Sangsue fut étu-
diée d'une manière plus approfondie
par M. J. Millier (/) et par Weber (k),
ainsi que par Dugès, de Montpellier {l),
et encore que ce dernier n'ait pas bien
interprété tous les faits qu'il avait
constatés, on lui doit beaucoup d'ex-
cellentes observations. Peu de temps
après, M. Brandt donna une descrip-
tion et des figures plus complètes de
(a) Dillenius, De Hirudine (Ephem. Acad. Nat. cur., 1719, cent, vn et vin, p. 338).
(b) Bibiena , De Hirudine sermones quinque (Comment. Instit. Bonon., 1791, t. VII, p. 55,
pi. 2).
(c) Cuvier, Sur les Vers qui ont le sang rouge [Bulletin de la Soc. philom., 1802, p. 121).
i — Leçons d'anatomie comparée, 1805, t. IV, p. 413.
(d) Thomas, Mémoires pour servir à l'histoire naturelle des Sangsues. In-8, 1806, p. 56 et
suiv.
(e) Home, Lectures on Compar. Anat., t. IV, pi. 39, fig. 3.
(/■) Johnson, A Treatise on the Médicinal Leech. In-8, 1816, p. 115.
(g) Hausmann, Anatomische-physiologische Untersûchungen uber den Blutegel. Berllner, 1817.
(Il) Bojanus, Bau des Blutegels (Isis, 1817, p. 881, et 1818, p. 2089).
(i) Délie Chiaje, Memorie sulla storia e notomia degli Animali senza vertèbre del regno di
Napoli, 1823, t. I, p. 20, pi. 1, fig. 1.
(j) J. Millier, Ueber den Kreislauf des Blutes bei Hirudo vulgaris (Meckel's Archiv fur Anatomie
iind Physiologie, 1828, p. 22, pi. 1, fig. 1 et 2).
(k) E. Weber, Ueber die Enlwickelung des Medicinischen Blutegel (Meckel's Archiv, 1828 ,
p. 400 et suiv.).
(I) Dugès, Recherches sur la circulation, la respiration et la reproduction des Annélides
Abranches (Ann. des sciences naturelles, 1828, t. XV, p. 309, pi. 8, fig. 2).
CHEZ LES VERS. 255
exemple , le système viscéral est peu développé et ne paraît
consister que dans le vaisseau dorsal et ses branches ; l'appa-
reil vasculaire ne se compose alors que de trois troncs longitu-
dinaux , l'un supérieur et adhérent au canal digestif, et deux
latéraux , placés sous la peau : le système sous-intestinal
manque (1).
Mais, dans la grande majorité des cas, l'appareil circulatoire
l'ensemble de cet appareil (a), et plus
récemment, de nouveaux éclaircisse-
ments sur divers points ont été ob-
tenus par les recherches de MM. de
Qnatrefages, Gratiolet et Williams (6).
Pour l'historique des travaux faits
sur ce sujet pendant la première par-
tie du siècle actuel, on peut consulter
les ouvrages de M. Otto (c) et Moquin-
Tandon [d), ainsi qu'un article de
Oken (g).
Depuis quelques années, l'appareil
circulatoire a été étudié aussi avec
soin chez plusieurs autres Hirudinées
dont il sera parlé ci-dessous.
(1) Chez les Malacobdelles, le sang
est incolore, et par conséquent les
vaisseaux sont plus difficiles à distin-
guer. Mais M. Blanchard est parvenu
à les injecter et en a donné de très
belles figures. Le vaisseau dorsal suit
les sinuosités de l'intestin à la face
supérieure duquel il adhère, et fournit
en arrière quelques rameaux à la ven-
touse anale ; mais il n'a point de bran-
ches dans les deux tiers de sa lon-
gueur : vers l'extrémité antérieure du
corps, il envoie aux téguments des
ramifications nombreuses, et il se ter-
mine en avant par deux branches qui
embrassent la ventouse buccale, mais
ne forment pas de collier œsophagien
et ne donnent pas naissance à un vais-
seau sous-intestinal. Les troncs laté-
raux occupent les côtés de la face in-
férieure du corps, et fournissent en
dedans, ainsi qu'en dehors, des bran-
ches rameuses en assez grand nombre,
maisilsne s'anastomosent directement
entre eux, ni par leur extrémité, ni
par des vaisseaux commissuraux (f).
D'après les observations de M. Odier,
la dégradation de l'appareil circula-
toire serait beaucoup plus considé-
rable chez les Branchiobdelles, petites
Hirudinées qui vivent sur les bran-
chies des Écrevisses. En effet, cet au-
teur n'a pu y découvrir qu'un vaisseau
(a) Brandt et Ilalzebourg, Medicinische Zoologie, 1829, Bd. I, p. 261, pi. 29 B, %. 8, 9, 10
et 11.
(b) Quatrefages , Planche analomique inaérée dans l'Atlas de la grande édition du Règne animal
de Clavier (ArraÉLiDES, pi. 24, fig. 1, 1 a).
— Williams, Reports on the British Annelida (Rep. of the Brit. Associât, for the Advanc.
of Science, 1851, p. 159).
— Gratiolet, Mém. sur le système vasculaire de la Sangsue médicinale et de l'Aulastome vorace
(Ann. des sciences nat., 1850, 3" série, t. XIV, p. 169, et Comptes rendus, t. XXXI, p. 699).
(c) Otto, Der Medicinische Biutegel. Weimar, 1835, p. 65 et s.uiy.
(d) Moqmn-Tandon, Monographie de la famille des Hirudinées, 2' édit., 1846, p. 133 et suiv.
(e) Oken, Amnerkungen zu vorstehender Abhandlung Délie Chiaje's (Isis, 1832, p. 635).
\f) Blanchard, Second Mémoire sur l'organisation des Malacobdelle's ( Ann. des sciences nat.,
1849, 3" série, t. XII, p. 268, pi. 5, fig. 1 et 2).
256 CIRCULATION DU SANG
des Hirudinées se complète davantage , et l'on trouve aussi un
système vasculaire sous-intestinal dont les deux moitiés se
confondent sur la ligne médiane de façon à entourer la chaîne
ganglionnaire du système nerveux comme une sorte de gaine
vasculaire. Il y a donc, chez ces Annélides suceurs, quatre
troncs longitudinaux, un médio-dorsal , un médio-ventral et
deux latéraux.
Les branches qui partent de ces vaisseaux longitudinaux,
soit pour les réunir entre eux , soit pour porter le sang dans les
parties voisines, sont en petit nombre et ne se ramifient que
peu chez quelques espèces , telles que les Clepsines (1) ; mais
dorsal se recourbant autour de l'œso-
phage pour former ensuite un vaisseau
sous-intestinal ; et il n'a trouvé au-
cune trace du système vasculaire sous-
cutané (a). Les recherches plus ré-
centes de M.Henleont donné à ce sujet
les mêmes résultats (6) ; et comme les
Branchellions ont le sang rouge et les
téguments assez transparents, on peut
croire que les troncs latéraux dont
les autres espèces de la même famille
sont pourvues manquent effective-
ment ici. Les observations que j'ai eu
l'occasion de faire sur ces petits Ani-
maux tendraient également à établir
la non - existence de vaisseaux laté-
raux. Mais je conserve encore beau-
coup de doute à cet égard, parce
qu'il arrive souvent que là où le sys-
tème sous-cutané est bien développé,
il cesse d'être visible momentané-
ment, par suite de la contraction de
ses diverses parties et du reflux du
sang dans les vaisseaux du système
viscéral.
(1) M. Budge, à qui l'on doit une
monographie anatomique très étendue
du Clepsina bioculata de Savigny,
décrit de la manière suivante l'appareil
vasculaire de ce Ver (c). On y voit, de
même que chez les autres Hirudinées,
quatre troncs longitudinaux : un mé-
dio-dorsal, deux latéraux et un abdo-
minal. Le vaisseau dorsal présente
dans sa longueur quatre portions as-
sez distinctes. La portion postérieure
ou anale est un peu dilatée, surtout
vers le milieu, et reçoit : 1 ° un nom-
bre assez considérable de branches
simples, recourbées en forme d'anses,
venant de l'extrémité du vaisseau
ventral et correspondant à la ventouse
postérieure ; 2° une paire de troncs
intermédiaires qui viennent des vais-
seaux latéraux et qui, chemin faisant,
s'anastomosent avec des branches
transversales dont il sera bientôt ques-
tion. La portion suivante du vais-
seau dorsal est grêle , et correspond
à la région gastrique postérieure du
(a) Odier, Mém. sur le Branchiob délie (Mém, de laSoc. d'hist. nat. de Paris, 1823, 1. 1, p. 73).
(6) Henle, Ueber die Gattung Branchiobdella (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1835,
p. 575).
(c) J. Budge, Clepsina bioculata (Verhandïungen des naturhistorischen Vereines der Preus-
BÎschen Rheinlande und Westphaliens, 1849, Bd. VI, p. 106 et suiv.).
CHEZ LES VERS.
257
elles offrent en général un développement très considérable, et vaisseaux
, lin l'e la Sangsue.
forment chez la Sangsue médicinale un ensemble fort complexe.
Elles tendent à se répartir uniformément dans toute la longueur
du corps, et dans chacun des anneaux ou segments dont celui-
ci se compose leur disposition est à peu près la même.
Ainsi , dans la Sangsue médicinale , le vaisseau dorsal qui
adhère assez intimement à la face supérieure du canal digestif
s'étend dans toute la longueur du corps et offre d'espace en
espace de légères dilatations. Antérieurement il se bifurque , et
les branches qu'il forme ainsi représentent les deux moitiés
primitives de ce système. De chaque côté on en voit partir aussi
(ube digestif; elle s'anastomose avec
des vaisseaux qui entourent les quatre
dernières paires de caecums gastriques,
et reçoit aussi quatre paires de bran-
ches transversales venant du vaisseau
intermédiaire dont il a été fait men-
tion ci-dessus. La troisième portion
du vaisseau dorsal, correspondant à la
région gastrique antérieure, ne donne
des branches qu'à sa partie antérieure,
et se fait remarquer par les flexuosités
nombreuses qui s'y observent quand
l'Animal est dans l'état de repos. Des
étranglements se prononcent alors
aux points de courbure et divisent le
tronc en une série de quinze petites
chambres dont l'entrée, située en ar-
rière, est garnie d'une sorte de val-
vule formée par un tubercule arrondi
et attaché à la paroi par un pédoncule
très fin. La portion antérieure , ou
œsophagienne, du vaisseau dorsal est
très grêle et ne donne de branches
qu'à son extrémité antérieure, où elle
se bifurque pour aller s'anastomoser
avec le vaisseau ventral. Trois paires
de branches qui naissent de la partie
antérieure de la portion tlexueuse et
renflée du vaisseau médio-dorsal se
dirigent aussi en avant, et après avoir
formé des anses dans la région cépha-
lique du corps, vont déboucher éga-
lement dans le vaisseau ventral. Enfin,
les troncs latéraux sont unis entre eux
par un vaisseau transversal dans cha-
que anneau du corps, et, ainsi que
M. de Filippi l'a constaté par des in-
jections, ils communiquent aussi avec
le vaisseau ventral par leur extré-
mité (a). Comme d'ordinaire, le sang se
dirige en général d'arrière en avant
dans le vaisseau dorsal , et en sens
contraire dans les vaisseaux latéraux
ainsi que dans le vaisseau ventral;
mais les valvules situées dans le pre-
mier de ces troncs longitudinaux ne
s'opposent pas complètement au re-
flux de ce liquide , et parfois se ren-
versent tout à fait en arrière, de
façon à permettre au courant de s'é-
(«) De Filippi, Memoria sugll Anellidi délia famiglia délie Sanguisughe, 1837, p. 7.
— Budge, loc. cit., p. 106, pi. 0, fig. 24 à 27.
m. 17
258 CIRCULATION DU SANG
une série de branches transversales dont les unes contournent
latéralement le tube digestif pour aller s'anastomoser avec le
vaisseau abdominal , envoient leurs ramifications dans les
parois de ce tube et constituent ainsi les vaisseaux dits eommis-
suraux profonds, mais dont les autres vont rejoindre les vais-
seaux latéraux ou sous-cutanés, et représentent, par conséquent,
les vaisseaux commissuraux latéro-dorsaux. Vers le tiers posté-
rieur du corps, le tronc médio-dorsal fournit aussi une branche
impaire qui se dirige en arrière et se distribue à l'intestin. Le
vaisseau médian sous-intestinal, ou tronc abdominal, enve-
loppe , comme je l'ai déjà dit, la chaîne nerveuse (1) , et l'on
tablir d'avant en arrière dans toute
la longueur du vaisseau médio-dorsal.
Dans une première publication ,
M. de Filippi avait annoncé que chez
les Clepsines les branches transver-
sales des vaisseaux latéraux commu-
niquaient directement avec la cavité
digestive (a). Mais, plus récemment,
ce naturaliste a rectifié lui-même cette
erreur (6).
D'après M. Leydig, l'appareil cir-
culatoire de ces Hirudinées serait plus
complexe; car, indépendamment du
tronc médio-dorsal du vaisseau ven-
tral, des troncs latéraux et des bran-
ches transversales dont il a été ques-
tion ci-dessus, ce naturaliste décrit un
grand sinus ventral qui loge le canal
intestinal dans son intérieur, et qui
communiquerait, par une série de
branches anastomotiques transver-
sales, avec chacun des vaisseaux laté-
raux (c). Mais je suis porté à croire
que la compression employée pour
étendre l'animal sur le porte-objet
du microscope a pu déterminer des
ruptures intérieures, et faire commu-
niquer les vaisseaux proprement dits
avec le système lacunaire et la cavité
viscérale. M. Leydig a vu aussi les
branches anastomotiques transversales
se dilater en forme d'ampoules.
(1) On avait d'abord pensé que le
vaisseau abdominal des Sangsues était
simplement accolé au cordon ner-
veux (d) ; mais aujourd'hui tous les
anatomistes qui ont étudié d'une ma-
nière approfondie le système circula-
toire des Hirudinées s'accordent à
dire que la chaîne ganglionnaire y est
renfermée (e), disposition dont il est
d'ailleurs assez facile de trouver l'ex-
(o) De Filippi, Littera al D. Rusconi sopra l'analomia e lo sveluppo dalle Clepsine, 1839, p. 8
(extr. du Giornale dclle scienz-e medico-chirurgicale di Pavia, vol. XI, fasc. 61).
(6) Attidell ottava retmione degli scienaiati italiani. Genova, 1846, p. 522.
(c) Fr. Leydig', Zwn Circulations und Respirations-System von Neplielié und Clepsina (KôHikgr,
Zweiter Bericht von der Zootomischen Anstalt %u Wûrzburg, 1849, p. 16, pi. 2, %. 9).
(d) Dugès, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 309).
(e) Johnson, Treat. on the Médicinal Leech, p. 115.
— J. Mùller, Op. cit. (Meckel's Archiv, 1828).
»-= Moquin-Tandon, Monogr. des Hirudinées, p. 134,
CHEZ LES VERS. 259
y remarque d'espace en espace des élargissements correspon-
dants aux divers ganglions dont cette chaîne se compose ;
enfin il se bifurque antérieurement comme le vaisseau dorsal ,
et s'anastomose avec les branches terminales de celui-ci en
embrassant l'œsophage. Les troncs latéraux du système sous-
cutané sont très développés et s'unissent entre eux aux deux
extrémités du corps, de façon à former un cercle complet. Les
vaisseaux transverses ou commissuraux inférieurs (1), qui les
unissent directement entre eux d'anneau en anneau, sont aussi
d'un calibre considérable, et fournissent une multitude de bran-
ches dont les unes établissent entre ces troncs des anastomoses
directes et les autres se distribuent tant à l'appareil tégumentaire
qu'aux viscères voisins. Des branches anastomotiques latéro-
dorsales naissent aussi de ces troncs latéraux , et , ainsi que je
l'ai déjà dit , vont les relier aux branches transversales corres-
pondantes du vaisseau dorsal. Enfin il est aussi des rameaux
qui se détachent de ces mêmes troncs pour se distribuer direc-
tement dans les parties voisines de l'enveloppe générale du
corps (2) , et pour se rendre aux vésicules contractiles que
divers naturalistes avaient considérées à tort comme étant des
poches pulmonaires (3). La quantité de sang qui arrive ainsi
à ces derniers organes est souvent si considérable, qu'on les
plication si, primitivement, le système médicinale constituent un réseaubeau-
vasculaire sous-intestinal se compose, coup plus riche qu'on ne le suppo-
ainsi que la théorie nous porte à l'ad- sait (a). Le tissu spongieux que
mettre, de deux moitiés qui tendent quelques auteurs avaient considéré
à se confondre sur la ligne médiane. comme un plexus de vaisseaux hé-
(1) Branches latéro- abdominales paliques (6), paraît résulter unique-
de Dugès. ment de l'entrelacement des ramus-
(2) M. Graiiolet a fait voir que les cules variqueux de ces vaisseaux sous-
ramifications sous-cutanées fournies cutanés;
par les troncs latéraux chez la Sangsue (3) Voyez tome II, page 10/u
(a) Gratiolet, Mém. sur l'organisation du système vasculaire de la Sangsue médicinale et de
l'Aulastome vorace, pour servir à V histoire des mouvements du sang dans les Hirudinées [Ann.
des sciences nat., 3e série, 1850, t. XIV, p* 490],
(6) Moquin-Tandon, Op. cit., p. 109.
260 CIRCULATION DU SANG
prendrait facilement pour des réservoirs remplis de ce liquide,
et je suis porté à croire que cette circonstance a induit en erreur
quelques observateurs (1). En effet, il me semble probable que
les vésicules contractiles qui occupent les côtés du corps chez
les Branchellions , les Néphélis et les Piscicoles , et qui ont
été décrites sous le nom d'ampoules sanguifères ou même de
cœurs , ne sont autre chose que des organes de ce genre dont
les parois sont très riches en vaisseaux capillaires, mais dont la
cavité ne reçoit pas le sang dans son intérieur. Quoi qu'il en
soit, ces sacs pulsatiles paraissent jouer un certain rôle dans
l'acte de la respiration ainsi que dans le mécanisme de la circu-
lation (2).
(1) M. de Filippi a observé ces vé-
sicules chez les Néphélis ainsi que
chez les Sangsues et les Hœmopis ; il
les considère comme des réservoirs
sanguifères et leur donne le nom de
cœurs (a).
(2) M. Leydig, qui, le premier, a
étudié la structure intérieure des
Branchellions, ou Sangsues branchi-
fères, a signalé l'existence de ces
vésicules contractiles, et a décrit la
disposition des principaux troncs vas-
culaires de ces Annélides (b) ; mais
il n'a pas bien saisi les relations de
ce système avec l'appareil irrigatoire
lacunaire , partie très intéressante de
l'histoire des Branchellions dont on
doit la connaissance à M. de Quatre-
fages (c).
Chez le Brancheliion Orbignyensis
de ce dernier auteur, la cavité géné-
rale du corps remplit, comme nous
l'avons déjà vu, un rôle très impor-
tant dans l'irrigation physiologique
ainsi que dans la respiration (d). Le
système vasculaire sanguin est peu
développé , mais les parties princi-
pales de celui-ci sont disposées comme
dans les autres Annélides du même
ordre. On trouve par conséquent un
vaisseau médio-dorsal , deux troncs
latéraux et un vaisseau abdominal.
Ce dernier enveloppe , comme d'or-
dinaire, la chaîne ganglionnaire et est
accompagné par un vaisseau surnu-
méraire qui , à son extrémité pos-
térieure , communique directement
avec les vaisseaux latéraux. Ces der-
niers s'anastomosent également avec
le vaisseau dorsal par des branches
transversales qui ne se ramifient pas;
ils donnent aussi des branches à
l'intestin , et fournissent , du côté
externe , une série de petits troncs
(a) F. de Filippi, Memoria sugli Anellidi délia famiglia délie Sanguisughe. In-4e, Wilario, 1 837,
p. 7.
(6) Fr. Leydig, Anatomisches ùber Brancheliion und Pontobdella (Zeitschrift fur ivissenschaft-
liche Zoologie, 1851, Bd. III, p. 315).
(c) Quairefages , Études sur les types inférieurs de V embranchement des Annelés : Mém. Sur
le Brancheliion (Ann. des sciences nat., 4 852, 3° série, t. XVIII, p. 278).
[d) Voyez ci-dessus, tome II, page \ 00.
CHEZ LES VERS.
261
§ 8. — Le mouvement du sang dans l'intérieur de l'appa- Mouvement
reil vasculaire des Hirudinées dépend principalement des con- <*«
./>,,., ., i t ■ -. .les Hirudinées.
tractions qui se manifestent d une manière rhythmique dans la
plupart des gros troncs longitudinaux , et notamment dans le
qui se dirigent en dehors et se ren-
dent chacun à une ampoule à parois
musculaires logées dans un prolon-
gement de la cavité viscérale pra-
tiqué à la base de chacune des feuilles
branchiales. Là ces ampoules , qui
ressemblent à autant de petites poches
sanguifères, sont baignées par le fluide
cavitaire qui revient du réseau capil-
laire dont ces organes respiratoires
sont creusés; mais elles n'envoient
dans ceux-ci aucune branche. M. de
Quatrefages s'en est assuré à l'aide
d'injections délicates fa), et comme le
réseau sanguin cutané est peu consi-
dérable, l'action de l'air sur le sang
doit se faire principalement par l'in-
termédiaire du liquide cavitaire. L'au-
teur que je viens de citer considère
ces vésicules contractiles comme des
cœurs , et , en effet , si ce sont réel-
lement des réservoirs sanguins, ils
doivent agir comme autant de petites
pompes foulantes, et concourir à la
production du mouvement circula-
toire ; mais je conserve encore quel-
que doute à cet égard, et je suis porté
à croire que ce sont des poches à pa-
rois vasculaires analogues aux vési-
cules que Dugès avait prises pour des
poumons chez les Sangsues (voy. ci-
dessous, page 263).
Chez le Branchellion Torpedinis ,
ces ampoules sanguifères paraissent
être en moindre nombre que dans l'es-
pèce précédente, où M. de Quatrefages
en a trouvé dans chaque appendice
branchial. En effet, M. Leydig n'en a
compté que onze paires distribuées
dans les branchies de la première
paire, de la quatrième, de la septième,
et ainsi de suite , de trois ea trois ,
jusqu'à la trente et unième paire ; les
cinq derniers feuillets en étant dépour-
vus , ainsi que ceux des deuxième,
troisième , cinquième et sixième
paires, etc. (6).
M. Troschel a décrit une disposi-
tion analogue dans le système vascu-
laire des Piscicoles. Chez ces Hirudi-
nées, il existe de chaque côté du corps
onze paires de vésicules , saillantes
sous la peau, qui se contractent d'une
manière rhythmique , et qui, d'après
cet auteur , reçoivent du sang en
abondance pendant l'état de diastole.
M. Troschel les considère comme des
branchies (c).
Peut-être faudrait -il rapprocher
également des ampoules sanguifères
du Branchellion les organes contrac-
tiles en forme de vessies que M. Ley-
dig a trouvés à la partie antérieure du
corps chez les Pontobdelles ; mais ces
réservoirs contractiles, au lieu d'être
des ampoules, sont des anses dilatées.
Ils dépendent des vaisseaux latéraux
et sont logés dans les éminences ver-
fa) Quatrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XVIII, p. 303, pi. 7, %. 1, 2 et 3).
(6) Leydig, toc. cit., p. 316, pi. 9, fig. 1.
(c) Troschel , Piscicola respirans (Archiv fur Naturgeschichte , 1850, Bd. I, p. 24, pi. 2,
fig. A et/).
262 CIRCULATION DU SANG
vaisseau dorsal et dans les deux vaisseaux latéraux (1). Le
plus souvent les vaisseaux médians demeurent resserrés, et les
troncs latéraux , qui sont plus gros et plus musculaires , se
contractant alternativement, poussent le sang de droite à gauche
ou de gauche à droite ; mais, dans d'autres moments, le vais-
seau dorsal entre aussi en jeu, et le sang y coule ordinairement
d'arrière en avant (2). Chez quelques Animaux de cette famille
ruqueuses situées près du cou. On en
compte huit paires (a).
Je dois ajouter que M. Siebold et
M. Leydig ont vu, chez les Néphélis, de
chaque côté du corps, une série d'am-
poules sanguifères qui sont en com-
munication avec les vaisseaux trans-
versaux, et qui renferment dans leur
intérieur un organe particulier dont la
surface est garnie de cils vibratiles (6).
(l)C'est à tort que divers auteurs
ont annoncé l'existence d'un cœur
chez les Hirudinées. Ainsi, l'organe
dont du Rondeau a parlé sous ce nom
n'est autre chose que la matrice de la
Sangsue (c). C'est la bourse de la verge
qu'au premier abord Knolz avait* prise
pour un cœur [cl). C'est aussi une
portion de l'appareil mâle qui consti-
tue le prétendu cœur de la petite Hi-
rudinée dont Dutrochet a formé son
genre Trochète (e). D'autres anato-
mistes ont appliqué le nom de cœur
aortique au vaisseau dorsal, et celui
de cœurs branchiaux aux troncs laté-
raux (f). Mais un cœur est un réser-
voir contractile, et non un simple
tuyau de distribution à parois mus-
culaires. Or, chez les Hirudinées, de
même que chez presque tous les au-
tres Annélides, la division du travail
entre les organes d'impulsion et les
organes de distribution ne s'est pas
encore effectuée, et, par conséquent,
ce serait donner des idées fausses que
d'appeler l'un quelconque de ces vais-
seaux un cœur.
(2) Ce passage alternatif du sang
d'un vaisseau latéral dans celui du
côté opposé du corps des Sangsues
a été très bien décrit par M. J. Mill-
ier (g) , par Weber {h) et par Du-
(fl) Leydisr, Op. cit. (Zeitschr. fur Wissenschaftl. Zool., Bd. III, p. 319).
(&) Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 216.
— Leydig-, Zum Circulations uni Respirations-System von Nephelis und Clepsina (Kolliker,
Ziveiter Bericht von der Zootomischen Anstalt %u Wûrzburg, 1849, p. 14, pi. 2, fig\ 16).
(c) Du Rondeau, Mém. sur la Sangsue médicinale (Journ. de pliys., 1782, t. XX, p. 284 ;
— Mém. Acad. de Brux., 1783, t. III, p. 1 53).
(d) Knolz, Naturhistorische Abhandlung iiber die Blutegel, 1820.
(e) Dutrochet, Note sur une Annélide d'un genre nouveau (Bulletin de la Société philomatiquc,
1817, p. 130).
(f) Millier, Ueber den Kreislaufdcs Bhites bel Hirudo vulgàpis (Meckel's Archiv fur Anat. und
Phys., 1828, p. 24 et siiiv.).
— Wagner, Bemerkungen ùber Délie Chiaje's Abhandlungen (Isis, 1832, p. G35).
(g) 1. Mùller, Ueber den Kreislauf des Blutes bel Hirudo vulgaris (Meckel's Archiv fur Anat.
und Physiol., 1828, p. 22, pi. 1, fig\ 1, et par extrait dans la Physiologie de Burdach, t. VI,
p. 103).
(h) Weber, Ueber die Entwiclcelung des Medicinischen Blulegels (Meckel's Archiv fur Anat. und
Physiol, 1828, p. 399).
CHEZ LES VERS, 263
on distinguo , dans l'intérieur de ce dernier vaisseau , des
valvules pédonculées (1) ; mais le jeu de ces organes parait être
toujours très imparfait et ne pouvoir empêcher le reflux du sang
d'avant en arrière.
La circulation est donc oscillatoire et irrégulière chez les
Hirudinées. Des courants en sens inverses s'établissent alter-
nativement dans un même vaisseau , et un autre indice de
l'imperfection avec laquelle cette fonction s'y exerce nous est
fourni par le défaut d'harmonie et de solidarité dans le jeu des
différentes parties de l'appareil sanguifère. Souvent on voit le
passage du sang devenir presque nul dans une portion du sys-
tème vasculaire pendant qu'il est très actif dans d'autres, et il
est rare que le mouvement circulatoire s'effectue à la fois dans
tout l'organisme ; mais partout ce fluide parait susceptible de
passer d'un vaisseau dans un autre, et, s'il revient sur ses pas,
gès [a). Ce dernier a remarqué aussi fecluant indépendamment de la cir-
que la direction du courant est tou- culation générale dans les organes
jours en sens inverse dans les deux qu'il supposait être des poches respi-
vaisseaux latéraux . de sorte que le raioires (6). Nous avons vu ailleurs
cercle circulatoire s'établit principa- que ces poches n'appartiennent pas à
lement dans le plan horizontal et l'appareil respiratoire ( t. tl, p. 104).
suivant les bords du corps. Dugès a (1) Ces valvules en forme de mas-
vu également qu'à certains moments sue ont été observées chez le Piscicola
la circulation s'active dans les vais- geometra, d'abord par J. Léo (c),
seaux médians et dans les branches puis par M. Troschel (c/). Ainsi que je
qui se distribuent à divers viscères. l'ai déjà dit, M. Budge a observé une
Mais il a donné une interprétation er- disposition tout à l'ait semblable chez
ronée des phénomènes qui se mani- les Clepsines (e) , et AL Leydig en a
festent dans ce cas, et il a été conduit constaté aussi l'existence chez les
de la sorte à admettre une circulation Branchellions (f).
pulmonaire, oupeiiie circulation, s'ef-
(a) Dugès, Recherches sur la circulation, la respiration et la reproduction des Annclides
Abranches iAun. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 300).
(6.1 Loc. cit., p. 314, pi. 8, flg. -2.
(e) Léo, l'c'.cr einije Ausgezewhneïe anntomlschc und physiolayische Verhàllnisse der Pisci-
cola geometra (Muller's Archiv fur Anat. und Pliysiol., 1835, p. 421, pi. 11, Gg. II,.
{di Troschel, Piscicola respirons l Archiv fur Salurgesch., 1850, p. 24).
(e) J. BnHçre, Clepsinabioculata (Yerhandl. des Naturhist-. Vereins der Preussischcil Rheinlande,
1840, p. 108, pi. 2, fig. 2G et 27).
if) I-eyilig, Op. ci!. (Zeitschr. fur wïssenschapl. Zoo!., 185), l. 111, p. 317);
2G/J. CIRCUL.VTION DU SANG
ce n'est point, suivant toute probabilité, parce que le canal où il
coule se termine en cul-de-sac : c'est seulement par suite d'un
changement dans la direction des contractions ondulatoires
sous l'influence desquelles il se meut (1).
On voit donc que l'on n'est pas en droit d'appliquer aux divers
vaisseaux des Hirudinées les noms d'artères et de veines.
Effectivement, il n'y a ici aucun centre d'impulsion ou point de
départ du courant ; le sang ne se rend pas alternativement d'un
appareil artérialisateur aux divers organes sur lesquels son
action doit s'exercer et amener sa transformation en sang vei-
neux; enfin, chaque vaisseau peut être le siège d'un mouve-
ment de va-et-vient. Ce serait par conséquent donner une idée
fausse des choses que d'employer ici des termes qui supposent
une division du travail irrigatoire dont l'introduction ne s'ef-
fectue que chez des Animaux à organisation plus parfaite (2).
Appareil §9- — Dans la grande division des Annélides Chétopodes,
del Tnnïes la tenctaûce à la centralisation des deux moitiés de l'appareil
chétopodes. circuiat0ire porte sur le système vasculaire cutané aussi bien
que sur les deux systèmes vasculaires viscéraux, et amène sou-
vent la substitution d'un tronc longitudinal impair et médian
aux deux troncs latéraux, qui restent distincts chez les Biru-
(1) M. Gratiolet, n'ayant pas trouvé pareil vasculaire des Sangsues ; mais,
de communication entre les branches comme l'application en était complé-
terminales des vaisseaux sous-cutanés tement arbitraire, chacun a agi sui-
des Sangsues, a cru pouvoir en con- vant sa fantaisie, et les désignations
dure que le sang ne circule que dans les plus contradictoires ont été adop-
le système vasculaire viscéral, et ne tées. Ainsi, les uns appellent le vais-
serait animé que d'un mouvement seau dorsal une veine, les autres une
oscillatoire dans le plexus sous-cu- artère, et les mêmes divergences se
tané (a) ; mais cette opinion ne me rencontrent quant à la détermination
paraît pas fondée. des vaisseaux latéraux. 11 ne faut donc
(2) Beaucoup d'anatomistes ont fait attacher aucune importance à cett'e
usage de ces noms en décrivant l'ap- nomenclature.
[a) Gratiolet, Op , cit. (Ami. des sciences nat., 1850, 3* série, t. XIV, p. 190).
CHKZ LES VERS. 265
dinées. Mais cette tendance s'exerce d'une manière moins uni-
forme, et parfois le système dorsal, ainsi que le système sous-
intestinal, y échappent en partie. Il en résulte que nous ren-
contrerons parmi les Chétopodes des modifications beaucoup
plus nombreuses dans la disposition générale de l'appareil
sanguifère; mais, à l'aide des principes déjà posés, il nous sera
toujours facile d'y retrouver le même plan fondamental que chez
les autres Annélides.
Ainsi, de même que chez les Sangsues, le système vasculaire
dorsal des Chétopodes est toujours représenté par un tronc
impair et médian dans la portion antérieure du corps ; mais
souvent il est formé par deux vaisseaux longitudinaux et paral-
lèles dans tout le reste de son étendue.
Chez les Eunices, par exemple, il règne dans toute la por-
tion moyenne et postérieure du corps deux vaisseaux marchant
côte à côte le long de la ligne médiane du dos, au-dessus du
tube digestif, et c'est seulement dans la région pharyngienne
qu'ils se réunissent en un tronc impair (1).
Chez les Hermelles, cette dualité du système vasculaire dor-
sal se voit aussi dans la portion moyenne du corps, où les deux
troncs longitudinaux sont même beaucoup plus écartés entre
eux que chez les Eunices; mais, en arrière aussi bien qu'en
avant, on les voit se rapprocher, puis se réunir pour former un
tronc impair et médian (2).
(1) Cette disposition, que j'ai fait anneaux du corps , mais double dans
connaître chez l'Eunice sanguine (a), tout le reste de son étendue, tandis
se voit aussi chez les Polydores, Anne- que le vaisseau ventral présente une
lides de la famille des Anciens qui se disposition inverse : unique et médian
rapprochent beaucoup des Spw. M. de dans la plus grande partie du corps,
Quatrefages a trouvé que le vaisseau il se bifurque antérieurement (6).
dorsal est simple dans les premiers (2) J'ai trouvé aussi que, dans toute
(a) Milne Edwards , Recherches pour servir à l'histoire de la circulation du sang chez les
Annélides ( Ann. des sciences nat., 1838, 2e série, t. X, p. 204, et Atlas dit Règne animal de
Cuvier, Annélides, pi. 1 a, fig. 2).
(6) Quatrefages, Sur la circulation dans les Annélides {Ann. des sciences nat., 1850, 3' série,
t. XIV, p. 282).
266 CIRCULATION DU SANG
Enfin, chez les Néréides, les Néphélis, les Arénicoles, les
Térébelles, les Sabelles, etc., de même que chez les Hirudinées,
ce rapprochement s'est effectué dans toute la longueur du corps,
et le système dorsal est constitué par un tronc longitudinal im-
pair et médian (1).
Le système abdominal ou sous-intestinal nous offre des
exemples analogues de centralisation à divers degrés. Ainsi,
chez les Hermelles, on y trouve deux troncs parallèles dans la
portion moyenne du corps, et, de même que pour le système
dorsal, ces deux moitiés se confondent en un tronc longitudinal
unique vers l'extrémité céphaiique, ainsi que dans toute la por-
tion postérieure du corps.
Enfin des modifications du même ordre se rencontrent dans
la constitution du système vasculaire cutané. Tantôt il y a deux
troncs latéraux situés à la face inférieure du corps : chez les
Pléiones, par exemple (2); d'autres fois ces deux vaisseaux laté-
cette portion moyenne du système vas- (2) Hunter a été le premier à faire
culaire dorsal des Hermelles, les deux connaître cette disposition remarqua-
troncs longitudinaux sont réunis entre ble (d). Une description plus complète
eux d'anneau en anneau par des bran- de l'appareil circulatoire des Pléiones
ches commissurales transversales (a). a été donnée par M. Grube (e). Mais
M. de Quatrefages a vérifié ces observa- ni l'un ni l'autre de ces anatomistes
tions, et il a ajouté aux faits que j'avais n'ont rapproché ces faits de ceux que
constatés plusieurs résultats intéres- nous offre l'Arénicole (/). Il est aussi
sants relativement au mode de distri- à noter que Hunter signale l'existence
bution des branches de ce système (6). de plexus vasculaires très développés
(1) Voyez les figures que j'ai don- entre les vaisseaux laléro-inférieurs et
nées de l'appareil circulatoire de ces les pieds.
Animaux (c).
(a) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat , 2e série, t. X, p. 208, pi. 11, fig. 3).
(6) Quatrefages, Mémoire sur la famille des Hermelliens (Ann. des sciences nat-, 1848, 3e série,
t. X, p. 40, pi. 2, fig. 1).
(c) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2° série, t. X, pi. 10 à 13, et Annélides du
Règne animal de Cuvier, pi. 1, fig. 1 ; pi. 1 a, fig. 1 et 3 ; pi. 1 6 ; pi. 1 c, lig. 1 et 2).
(d) Voyez Descriptive and Illuslrated Catalogue of the Physiological Séries of Comparative
Anatomy containedin the Muséum of the R. Collège of Surgeons in London, 1834, vol. II, p. 135,
pi 14, fig. 10.
(e) A.-E. Grubc, De Pleione carunculata dissertatio %ootomica. In-4 , 1837, p. 19, pi. 1,
fig. 2.
(/) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., V série, t. X, p. 213, pi. 13, fig. 1 a, et
Annélides du Règne animal, pi. 1, fig. 1 a).
CHEZ LES VERS. 267
raux sont rapprochés au point de se toucher presque, disposi-
tion qui se voit chez les Néphélis (1). Mais, dans la grande
majorité des cas, ils sont confondus dans toute leur longueur
ou représentés seulement par un tronc médian simple et adhé-
rent à la paroi inférieure de la cavité viscérale : par exemple,
chez les Néréides, les Eunices, les Térébelles, les Sabelles, les
Arénicoles, etc.
Chez un petit nombre d'Annélides Chétopodes, l'appareil
vasculaire se complique davantage, par suite du développement
de quelques branches anaslomotiques secondaires qui se trans-
forment en troncs longitudinaux surnuméraires. Ainsi, chez
les Arénicoles, chacune des branches transversales latéro-dor-
sales fournit une petite branche sous-cutanée qui se porte en
arrière et se termine par un ramuscule anastomotique dans le
tronc latéro-dorsal suivant. Chez les Pléiones, ces branches
récurrentes se développent davantage, et se continuant les unes
avec les autres, forment de chaque côté du corps un tronc
longitudinal surnuméraire qui relie entre elles toutes les bran-
ches transversales du système dorsal (2). Des complications
analogues se manifestent dans le système vasculaire viscéral
des Arénicoles, et l'on rencontre aussi chez certaines Anné-
lides diverses modifications dans le mode de distribution ou
d'anastomose des branches secondaires de chacun des troncs
longitudinaux ; mais ces variations dans les détails ne changent
rien d'essentiel au plan général de l'appareil circulatoire de
ces Animaux, et n'ont pas assez d'importance pour nous ar-
rêter ici.
Il est aussi à noter que chez quelques Annélides Chétopodes,
(1; Je n'ai pas aperçu débranches (2) Voyez ci -après, page '273,
commissurales entre ces deux vais- note,
sea u (a).
(a) Milne Edwards, Annélides du Règne animal do Gitvier, pi. 1 a, fig. 3 a.
268 CIRCULATION DU SANG
de même que chez les Hirudinées inférieures , l'appareil vas-
culaire s'appauvrit et ne présente plus que deux troncs longi-
tudinaux, l'un dorsal, appartenant au système viscéral, l'autre
inférieur, et représentant le système sous-cutané. Ce mode
d'organisation se voit chez les Tubifeœ{\).
organes § 10. — Les organes moteurs dans l'appareil circulatoire des
moteurs du sang . ,,. , ~, / -. .
chez Annelides Chetopodes sont, en premier heu, les vaisseaux dis—
les Annelides .. A
chetopodes. tributeurs eux-mêmes, qui ont des parois plus ou moins mus-
culaires. Dans tous les gros troncs, et principalement dans le
vaisseau dorsal, on remarque en effet des mouvements pulsatiles
qui se propagent d'une manière péristaltique et poussent le
liquide devant eux. Chez beaucoup de ces animaux, les troncs
vasculaires qui agissent de la sorte ne présentent dans leur
conformation rien de particulier ; mais, chez d'autres, ils se
modifient, dans certaines parties du cercle circulatoire, de
façon à devenir des agenls d'impulsion plus puissants : on les
voit s'y dilater au point de constituer des espèces de poches ou
réservoirs contractiles dont la capacité est très grande relative-
ment à celle des canaux adjacents, et à chaque contraction
ils lancent alors dans ceux-ci une ondée de sang plus consi-
dérable. Enfin l'appareil circulatoire se perfectionne aussi par
la voie des emprunts physiologiques , et , dans quelques
espèces , on voit les organes respiratoires venir en aide aux
organes moteurs du sang, et contribuer par leurs contrac-
tions et leurs dilatations alternatives à y activer le courant
irrigatoire.
Comme exemple d'un appareil circulatoire dont les vaisseaux
principaux remplissent les fonctions d'organes moteurs , sans
offrir dans leur conformation aucune particularité qui soit de
nature à favoriser cette action, je citerai celui des Néréides (2).
(1) Voyez ci-après, page 275. mentaire, comme cela a lieu chez la
(2) Le vaisseau dorsal des Néréides plupart des Annelides, et se trouve
n'adhère pas à la surface du tube ali- remonté contre la voûte de la cavité
CHEZ LES VERS. 269
Le vaisseau dorsal de ces Vers ne se dilate nulle part de façon à
constituer un réservoir où le sang puisse s'accumuler, et il se
contracte successivement dans toute sa longueur pour pousser
ce liquide de la partie postérieure du corps vers la tête.
Chez les Eunices, la localisation du travail moteur se prononce
davantage, et là où les vaisseaux sont appelés à y intervenir
d'une manière puissante, non-seulement leurs parois deviennent
plus musculaires, mais leur capacité augmente ; de façon que
viscérale, de façon à être entièrement
sous-cutané. Il est assez grêle dans
toute sa longueur, et ne fournit que
peu de branches dans la région pha-
ryngienne du corps; mais au niveau
du commencement de l'œsophage il
envoie au tube digestif une série nom-
breuse de vaisseaux impairs qui ,
après un trajet assez long, vont se
ramifier dans les parois de cet organe,
et qui représentent les branches paires
ou commissn raies profondes, à l'aide
desquelles le système dorsal des au-
tres Annélides s'anastomose avec le
système sous-intestinal. Dans chaque
anneau, à partir du septième ou hui-
tième , le tronc dorsal donne éga-
lement naissance à une paire de
vaisseaux transversaux qui vont se
rendre aux pieds correspondants, et
qui représentent la portion dorsale
des vaisseaux latéraux à l'aide des-
quels le système dorsal des Uirudinées
communique avec les troncs longitu-
dinaux du système vasculaire cutané.
Mais ici ces vaisseaux transverses ne
débouchent pas directement dans le
tronc cutané inférieur correspondant
aux deux vaisseaux latéraux en ques-
tion, ils s'anastomosent seulement avec
les ramifications terminales des bran-
ches latérales que ce dernier envoie
aussi à la base des pieds. Ce vaisseau
ventral paraît tenir lieu à la fois
des deux paires de troncs longitudi-
naux qui, dans la forme typique sim-
ple de l'appareil vasculaire des Anné-
lides, occupent la face inférieure du
corps, et appartiennent, l'une au sys-
tème cutané, l'autre au système vis-
céral. En effet , ce tronc ventral
impair et médian fournit dans cha-
que segment du corps une paire de
branches transversales qui se bifur-
quent et envoient un rameau dans
l'appareil tégumentaire pour s'y ana-
stomoser avec les divisions terminales
du système dorsal, et un autre dans
les parois du tube digestif, où il s'ana-
stomose pareillement avec les bran-
ches gastriques du vaisseau dorsal.
Il est aussi à noter qu'à l'extrémité
antérieure du corps les branches ana-
stomotiques du vaisseau dorsal et du
vaisseau ventral se réunissent par
l'intermédiaire d'un réseau capillaire
extrêmement riche appartenant à
deux paires de grandes vésicules mem-
braneuses dont les usages ne sont pas
encore bien connus (a).
(a) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat-, 2e série, t. X, p. 210, pi. 12, fig. 1, et
Annélides du Règne animal, pi. 1 a, fig. 1).
270
CIRCULATION DU SANG
l'effet produit sur le courant circulatoire par chacune de leurs
contractions devient plus grand. Ainsi, dans la région pharyn-
gienne, le vaisseau dorsal est très dilaté, et constitue un gros
tube charnu fusiforme et onduleuxqui pousse avec force le sang
vers la tête, et chacune des branches transversales du vaisseau
médian sous-cutané ou ventral, avant de se rendre au pied et
à la branchie correspondante , offre un renflement en forme
d'anse pulsatile dont les contractions impriment une nouvelle
impulsion au sang destiné à ces organes (1). Si l'on voulait
(1) Pour plus de détail au sujet de
l'appareil vasculaire des Eunices, je
renverrai à mon Mémoire sur la cir-
culation chez les Annélides. Ce sont
probablement les anses vasculaires
contractiles de la région sternale du
corps que M. Délie Chiaje avait prises
pour des poches ou ampoules sangui-
fères ; mais je dois ajouter que la des-
cription donnée par cet anatomiste de
l'appareil circulatoire de l'Eunice gi-
gantesque et de VE. cuprea (a) ne
s'accorde presque en rien avec ce
que j'ai vu et figuré chez VE. san-
guinea.
Les observations plus récentes de
M. de Quatrefages s'accordent très
bien avec les miennes, et ce natura-
liste a ajouté des détails nouveaux
sur la structure des parois du vaisseau
dorsal impair auquel il donne le nom
de cœur proboscidien , parce que cet
organe d'impulsion est situé au-dessus
de la trompe pendant la rétraction
de celle-ci (6).
La description que M. Williams a
donnée de cet appareil circulatoire ne
diffère aussi en rien d'essentiel de ce
que j'en avais dit, sauf un seul point.
M. Williams croit que les dilatations
en forme d'anse dont j'ai signalé
l'existence à la base de chacun des
vaisseaux des branches transversales
du tronc abdominal sont accidentelles
et ne se rencontrent pas dans l'état
ordinaire (c). Je n'ai pas eu l'occasion
d'examiner de nouveau ce point de-
puis la publication du Mémoire de
M. Williams ; mais, d'après les sou-
venirs que m'ont laissés mes recher-
ches faites en 1837, je suis persuadé
que ses critiques ne sont pas fondées.
J'ajouterai, d'ailleurs, qu'il a mal in-
terprété ma pensée lorsqu'il suppose
que les dilatations vasculaires dont j'ai
parlé pouvaient être assimilées aux
vésicules contractiles ou au préten-
dues poches pulmonaires des Sang-
sues.
Dans le genre Siphonostoma , ou
Chlorema , il existe aussi à la partie
antérieure de la région dorsale du
(a) Délie Chiaje , Memorie sulla storia e notomia degli Animait senx-a vertèbre del regno di
Napoli, t. Il, p. 396.
(6) Quatrefages, Sur la circulation des Annélides (Ann. des sciences nat., 1850, 3e série,
t. XIV, p. 283).
(c) Williams, On Vue British Annelida (Report of the 21« Meetingofthe Brit. Associât., 1852,
p. 184).
CHEZ LES VERS. 271
donner à ces dilatations vasculaires contractiles le nom de cœur,
il faudrait donc dire que chez les Eunices il y a un cœur dorsal
dans la région céphalique, et plusieurs centaines de cœurs abdo-
minaux disposés par paires.
Chez les Térébelles, le vaisseau dorsal présente dans la por-
tion antérieure du corps une disposition analogue, et y constitue
un gros tronc médian à parois très contractiles dont l'extrémité
antérieure envoie un rameau à chacune des branchies (1). Cet
organe devient, par conséquent, comparable à un cœur pulmo-
corps un gros tronc médian qui , au
niveau de l'estomac, se bifurque pour
donner naissance à deux vaisseaux
dorsaux dont la disposition rappelle
celle du système correspondant chez
les Hermelles : car vers le milieu
du corps ils se réunissent de nouveau
pour former un tronc impair ; mais ici
une branche anastomotique impaire
se prolonge entre les deux tronçons
impairs de ce système dorsal. Un
vaisseau abdominal médian représente
le système inférieur dans la moitié
postérieure du corps, et communique
avec un collier vasculaire vers sa par-
tie antérieure ; mais depuis ce point
jusqu'aux branches dont l'extrémité
céphalique du corps est garnie , ce
système est formé par deux troncs
laléro-inférieurs (a).
(1) Le tronc dorso-branchial, ou
portion pharyngienne et musculaire
du vaisseau dorsal, qui fait ainsi l'office
de cœur pulmonaire chez les Téré-
belles, est un peu fusiforme et libre
dans presque toute son étendue, mais
se fixe au tube digestif par ses deux
extrémités. Il reçoit le sang non-seu-
lement de la portion moyenne et pos-
térieu re du vaisseau dorsal, qui est très
grêle, mais aussi d'une sorte de gros
collier vasculaire qui entoure l'origine
de l'estomac et qui résulte du dévelop-
pement considérable de la première
paire de branches anastomotiques
allant du vaisseau sous-intestinal au
vaisseau dorsal. Il est aussi à noter
qu'une branche accessoire impaire et
médiane naît du point de réunion de
ce collier avec le tronc dorsal, et s'a-
vance au-dessous de la portion car-
diaque de celui-ci en envoyant des
rameaux aux parois de la partie pha-
ryngienne du tube digestif. Enfin, les
anses formées par les branches trans-
verses du vaisseau dorsal sont très
grandes et très lâches dans toute la
portion antérieure du corps où elles
flottent dans la cavité viscérale.
Chez le Terebella nebulosa, la por-
tion gastrique du vaisseau dorsal ,
quoique grêle, est très bien consti-
(a) Qualrefages, Mém. sur la famille des Chlorémiens (Ann. des sciences nal.t 1849, 3" série,
t. XII, p. 298, pi. 9,fig. 3, et pi. 10, fig. 1).
— Max. Miiller, Observationes anatomicœ de Vermibus quibusdam maritimis (Dissert, inaug.).
Berolini, 1852, p. 11, pi. 2, fig. 16, 17.
272 CIRCULATION DU SANG
naire, et le sang qui, après avoir traversé l'appareil respiratoire,
circule d'avant en arrière dans le vaisseau abdominal et ses dé-
pendances, est poussé surtout par les contractions rhythmiques
des branchies elles-mêmes. Ces arbuscules se resserrent et se
déploient alternativement : quand ils s'étendent, le sang revenant
du vaisseau dorsal y afflue en abondance, et ils demeurent d'un
rouge vif; mais au moment de la contraction, ils deviennent
presque incolores, et la plus grande portion du sang dont ils
étaient gorgés est chassée de leur intérieur dans le système
vasculaire central.
Chez les Arénicoles, les branchies sont aussi des agents d'im-
pulsion que l'appareil circulatoire emprunte à l'appareil de la
respiration, mais les moteurs propres constitués à l'aide du
système vasculaire lui-même sont plus développés et plus puis-
sants. Le vaisseau dorsal impair qui règne dans toute la longueur
du corps est élargi et pulsatile dans sa portion moyenne, et, à la
partie antérieure de l'estomac, il forme, en se réunissant avec
les branches du vaisseau sous-intestinal, un sinus assez vaste
qui, de chaque côté, communique aussi avec le tronc sous-
cutané abdominal par un gros vaisseau descendant, sur le
trajet duquel se trouve une poche contractile de forme ovalaire.
On peut donc dire avec raison que chez les Arénicoles il existe
de chaque côté du corps, entre le système vasculaire dorsal
et le système vasculaire sous-cutané inférieur,, un véritable
cœur (1).
tuée (a) ; mais, chez le T. conchilega, de détails, mon Mémoire sur la cir-
elle tend à s'atrophier, et la presque culalion chez les Annélides et le tra-
totalité du sang qui arrive au tronc vailde M. Williams,
dorso-faranchial vient du vaisseau sous- (1) L'appareil circulatoire des Are-
intestinal par l'intermédiaire du collier nicoles, dont l'étude n'avait été faite
postpliaryngien (6). Voyez, pour plus que d'une manière très incomplète
(a) Milne Edwards, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. X, pi. 10, fig. 1, et Annélides du Règne
animal de Cirvier, pi. 1 b).
(b) Milne Edwards, Op. cit. {Ann. des sciences nat., t. X, pi. 11, fig. 1, el Annélides du Règne
animal, pi. i c, fig. 1).
CHEZ LES VERS. 273
Chez les Lombrics, on trouve à la même place une série
d'anses qui se portent du vaisseau dorsal au vaisseau sous-
cutané abdominal, et qui, à raison du mode de contraction de
leurs parois, offrent, en général, un aspect moniliforme ; ces
troncs anastomotiques remplissent les mêmes fonctions que les
deux cœurs de l'Arénicole, mais ils ne constituent pas comme
ceux-ci des réservoirs contractiles annexés aux canaux sangui-
fères, et, par conséquent, ne doivent pas être désignés sous le
même nom (1).
par Cuvier (a) , Ev. Home (6) et
M. J. Millier (c), et dont j'ai donné
une description détaillée en 1837 [d),
présente aussi dans le mode de distri-
bution des vaisseaux plusieurs parti-
cularités qu'il est bon de noter ici.
Ainsi, dans la portion antérieure et
dans la portion postérieure du corps,
les vaisseaux transversaux qui vien-
nent des flancs se rendent au système
vasculaire viscéral , et débouchent ,
comme d'ordinaire, dans le tronc dor-
sal ; mais ceux qui occupent la por-
tion moyenne du corps, et qui corres-
pondent aux branchies des sept pre-
mières paires, ne se rendent pas à ce
vaisseau , et vont s'anastomoser avec
le tronc inférieur du système vascu-
laire viscéral, ou vaisseau sous-intesti-
nal. Celui-ci s'élargit beaucoup avant
de s'ouvrir dans le sinus ou collier
vasculaire œsophagien, et se trouve
représenté dans la portion pharyn-
gienne du tube digestif par deux
branches latérales. Les branches ver-
ticales qui unissent le vaisseau sous-
intestinal au vaisseau dorsal sont très
nombreuses, et, indépendamment des
anastomoses multipliées qu'elles of-
frent entre leurs ramuscules, elles
sont reliées entre elles de chaque côté
de l'estomac par un gros vaisseau lon-
gitudinal surnuméraire qui débouche
antérieurement dans le sinus œsopha-
gien.
Jedois ajouterque, d'après M.Grube,
le vaisseau sous-intestinal ne serait
pas simple et impair comme je le
crois, mais représenté par deux troncs
contigus. Ce naturaliste admet aussi
l'existence d'un vaisseau intestinal su-
périeur qui serait accolé à la face infé-
rieure du vaisseau dorsal (e). Mais la
description que M. Williams a donnée
plus récemment de l'appareil circula-
toire de ce Ver ne diffère pas notable-
ment de ce que j'en avais dit (/").
(1) L'appareil circulatoire des Lom-
(a) Cuvier, art. Arénicole du Dictionnaire des sciences naturelles, t. II, p. 475 (1816).
(b) Home, Circul. in Vernies (Philos. Trans., 1817, pi. 3, fig. 2 et 3).
(c) Mùller, article sur la circulation, inséré dans le Traité de physiologie de Burdach, trad. franc. ,
t. VI, p. 167.
(d) Milne Edwards, Op. cit., t. V, p. 485 (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, et Ann.
des sciences nat., 1838, 2° série, t. X, p. 213, pi. 13, fig. 1, 1 a, et AnNélides du Règne animal
de Cuvier, pi. 1).
(e) A, E. Grube, Zur Anatomie und Physiologie der Kiemenwûrmer. In-4, Konigsb., 1838,
p. 10, pi. 1, fig. 1, 3 et 8.
(f) Williams, Op. cit. (Rep. of the Brit. Associât., p. 189, pi. 3. fig. 10).
III.
18
27/i CIRCULATION DU SANG
L'appareil circulatoire des Naïs et des Polyophthalmes se
rapproche davantage de celui de l'Arénicole, sous le rapport
des organes moteurs; car ceux-ci consistent principalement en
bries a été étudié successivement par un
grand nombre d'anatomistes, tels que
Willis(a),Leo(6),Dugès(c),Morren(d),
de Quatrefages (e), Williams [f). Je
n'en donnerai pas ici une description
détaillée, et je me bornerai à dire que
l'on distingue , chez ces Vers , trois
troncs principaux impairs et médians :
le vaisseau dorsal ( que M. Morren
appelle V artère aorte ) ; le vaisseau
sous-intestinal (ou artère ventrale du
même auteur) , et le vaisseau sous-
cutané abdominal (ou veine cave de
M. Morren), qui s'étendent dans toute
la longueur du corps et donnent cha-
cun naissance à une multitude de
branches transversales dont la dispo-
sition rappelle assez exactement ce
que nous avons déjà vu chez les III—
rudinées : car les arcades vasculaires
sous -cutanées descendent verticale-
ment du vaisseau dorsal au vaisseau
abdominal en donnant naissance à
une foule de ramuscules sous-cuta-
nés. Enfin d'autres branches , en
partant de ces mêmes branches dor-
sales , embrassent le tube digestif et
vont s'anastomoser avec le vaisseau
sous-intestinal , de façon à constituer
les analogues des vaisseaux commis-
suraux profonds. Dans toute la portion
moyenne et postérieure du corps ,
ces vaisseaux gastriques ne présentent
rien de remarquable ; ils sont très
grêles et se ramifient beaucoup dans
les parois du tube alimentaire. Mais
en avant , et surtout dans la portion
du corps où se trouvent les ovaires ,
ils naissent directement du vaisseau
dorsal, et constituent une série de gros
troncs indivis qui sont disposés en
manière d'arceaux verticaux et ont
des parois très musculaires : par le
fait de la contraction de leurs fibres
circulaires, ces anses œsophagiennes
( qui constituent l'appareil auquel
M. Morren a donné le nom de cœur)
s'étranglent d'espace en espace et
prennent ainsi un aspect moniliforme ;
mais elles ne sont pas réellement com-
posées d'une série de vésicules, ainsi
qu'on pourrait le supposer au premier
abord, et, pendant la vie de l'Animal,
ces étranglements se déplacent d'une
manière péristallique , de façon à
pousser le sang du système dorsal
dans le système sous-intestinal. Il est
aussi à noter que ce dernier vaisseau
donne naissance à beaucoup de bran-
ches cutanées aussi bien qu'aux bran-
ches gastriques dont il a déjà été
question , et que , par l'intermédiaire
des anastomoses capillaires ainsi éta-
blies, le sang mis en mouvement par
les contractions des anses œsopha-
giennes se porte, non-seulement d'a-
(a) Willis, De anima brutorum, p. 18, pi. i, %. 1 (1676).
(b) Léo, De structura Lumbrici terrestris (Dissert, inaug.). In-4, Kdnigsberg', 1820.
(c) Morren , De Lumbrici terrestris historia naturali neenon anatomia tractatu's. ln-4 ,
Bruxelles, 1829, p. 152 et suiv., pi. 23 et 24.
(d) Dugès, Recherches sur la circulation, etc., des Annélides Abranches (Ann. des sciences
nat., t. XV, p. 299, pi. 8, fig. 1).
(e) Voyez l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Annélides, pi. 21 bis.
(f) Williams, Rep. on the Brïtish Annelida {Brit. Ame, 1851, p. 179, pi. 3, fig. 7).
CHEZ LES VERS. 275
une paire de veinules pulsatiles situées sur les côtés de la por-
tion pharyngienne du tube alimentaire (1).
§11. — Indépendamment des modifications de l'appareil
vant en arrière dans le système sous-
intestinal , et de là dans le système
dorsal , mais aussi de ce dernier
dans les branches sous-cutanées du
vaisseau dorsal , lequel se continue
aussi directement , par son extrémité
antérieure, avec le tronc sous-cutané
abdominal qui est très contractile
dans toute son étendue. Le nombre
des anses œsophagiennes qui rem-
plissent ainsi les fonctions d'agents
moteurs principaux paraît varier sui-
vant les espèces, car les auteurs sont
loin de s'accorder à ce sujet, et il est
probable que les dissidences d'opinion
dépendent des différences spécifiques
dans les Animaux dont la dissection
a été faite , plutôt que de quelque
erreur d'observation. Ainsi M. Mor-
ren en a compté le plus ordinairement
cinq paires, quelquefois jusqu'à sept
paires ; Dugès en décrit sept à huit
paires.
(1) L'appareil circulatoire des Vais
tient à la fois de celui de l'Arénicole
et de celui du Lombric. Il ressemble
à ce dernier par la disposition géné-
rale des vaisseaux, et au premier par
l'existence d'une seule paire de gros-
ses poches contractiles qui font l'of-
fice de cœurs. M. Williams a décrit
ces organes comme appartenant, l'un
au vaisseau dorsal, l'autre au vaisseau
ventral, et occupant , l'un la face su-
périeure, l'autre la face inférieure du
corps (a) ; mais le fait est qu'ils sont
latéraux, et ils paraissent être placés,
comme chez l'Arénicole , sur le trajet
des deux gros troncs anastomotiques
qui unissent le vaisseau dorsal au
vaisseau sous-intestinal. Il est à noter
que ces poches cardiaques battent
alternativement, et que non-seule-
ment le vaisseau dorsal , mais ses
principales branches sont également
contractiles. Pour plus de détails
relatifs au trajet des vaisseaux et
de leurs anastomoses , je renverrai
aux travaux de Gruithuisen (b) , de
Dugès (c) , de M. d'Udekem (d) et de
M. P. Doyère (e), en faisant remar-
quer toutefois que les observations de
ce dernier diffèrent à certains égards
de ceux de ses prédécesseurs et au-
raient besoin de confirmation.
Chez le Naïdien dont M. Henle a
formé le genre Enchytrœus, il y a
aussi deux troncs médians, qui sont
unis entre eux antérieurement par
un collier vasculaire et par trois pai-
res de branches transversales ; mais
ce physiologiste n'a aperçu de mou-
vements pulsatiles que dans le tronc
dorsal , et il est aussi à noter qu'il
(a) Williams, Op. cit. (Brit. Associât., 1851, p. 182, pi. 3, %. 8). •
(6) Gruithuisen, Ueber Nais diaphana (Nova Acta Acad. curios. Nat., 1828, t. XIV, p. 413).
(c) Dugès, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1828, i. XV, p. 297).
(d) D'Udekem, Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, p. 20 , pi. 2, fîg. 1 à 3 (extr. des
Mém. couronnés par l'Acad. de Bruxelles, t. XXVI).
(e) P. Doycre, Essai sur l'anatomie de la Nais sanguinea, p. 10, fig. 9 et 10 (extr. des Mém.
de la Soc. Linnéenne de Normandie, 1856, t. X).
276 CIRCULATION DU SANG
circulatoire que j'ai déjà signalées comme dépendantes d'un
développement insolite de quelques parties de ce système de
vaisseaux, il en est d'autres qui sont dues à la même cause,
mais qui se lient d'une manière spéciale au perfectionnement
du travail respiratoire, et qui ont essentiellement pour but de
mieux assurer les rapports entre le sang et l'eau aérée dont
l'animal est entouré. Cette condition se trouve réalisée par
l'extension des vaisseaux sanguifères dans l'intérieur des appen-
dices membraneux qui s'élèvent à la surface du système tégu-
mentaire dans diverses parties du corps et qui naissent le plus
souvent à la base des pattes. Nous avons déjà vu que chez
quelques Annélides, tels que les Phyllodocés et les Branchel-
lions, les vaisseaux sanguins ne pénètrent pas dans l'intérieur
des appendices foliiformes qui constituent les branchies de ces
n'a pu découvrir aucune ramification antérieure de l'estomac chez les Aré-
allant de ces gros vaisseaux dans les nicoles ; un vaisseau dorsal pharyn-
parties voisines (a). gien part de ce sinus pour se rendre
Dans le genre Stylaria, qui appar- à la tête , et de chaque côté de ce
tient aussi à la famille des Naïdiens , même réservoir médian se trouve une
M. 0. Schmidt a constaté l'existence poche arrondie et pulsatile qui envoie
de trois paires d'arcs vasculaires con- le sang dans un vaisseau abdominal
tractiles analogues aux vaisseaux mo- sous-cutané ; enfin il existe aussi à la
niliformes des Lombrics (6). face inférieure du tube digestif un
Les I'olyophthalmes, dont M. de autre vaisseau impair et médian dans
Quatrefages a fait connailre le mode lequel le mouvement circulatoire s'ef-
d'organisation , sont des Annélides fectue d'avant en arrière, tandis que
Abranches qui vivent dans la mer et dans toute la portion dorsale du sys-
qui ressemblent à certains égards aux tème vasculaire le courant est dirigé
INaïdiens, mais forment une famille d'arrière en avant. M. de Quatrefages
distincte. Leur sang est d'un rouge désigne sous le nom de cœur l'en-
intense et circule dans un réseau in- semble formé par le sinus médian et
testinal très riche qui vient se ter mi- les deux poches sanguifères' laté-
ner antérieurement dans un sinus raies (c).
analogue à celui situé à l'extrémité
(a) Henle , Ueber Enchytrœus , eine Neue Anneliden-Cattung (Miiller's Ai'chiv fur Anat. Und
Physiol., 1837, p. 82, pi 6, fig. 5).
(b) Sclimidt, Beitràge zur Anatomie und Physiologie der Naïden (Miiller's Archiv fur Anat.
und Physiol., 1846, p. 412, pi. 15, fig. 3, et Ann. des sciences nat., 3° série, t. VII, p. 180).
(c) Quatrefages, Mém. sur la famille des Polyophthalmiens (Ann. des sciences nat., 1850 ,
3" série, t. X11I, p. 17, pi. 2, %. 5).
CHEZ LES VERS. 277
Vers , ou bien s'arrêtent dans la portion du système cavitaire
général qui oceupe la base de ces organes; mais, en général, ils
s'y avancent de manière à mettre le liquide qu'ils contiennent en
rapport direct avec le fluide respirable, et les canaux sanguifères
qui se répandent ainsi dans l'appareil branchial dépendent
toujours des vaisseaux transversaux à l'aide desquels le système
dorsal s'anastomose avec le système sous-cutané ou abdominal.
Tantôt ce sont des anses fort simples qui se prolongent de ces
troncs anastomotiques dans l'intérieur de chaque branchie ;
d'autres fois ce sont des ramifications plus ou moins nombreuses
qui s'interposent entre la portion ventrale et la portion dorsale
de chacune de ces mêmes branches, de façon que le sang tra-
verse un réseau capillaire respiratoire en passant de l'un de ces
systèmes vasculaires dans l'autre (1).
fl) En observant le mode de distri- reil respiratoire des Hermelles le cou-
bution des vaisseaux sanguins dans les rant afférent et le courant efférent
branchies des Hermelles , j'avais été s'établiraient dans l'intérieur d'un
conduit à penser que chacun de ces même vaisseau (a).
filaments renferme deux canaux san- Ce naturaliste a décrit un mode
guifères naissant , l'un de la branche d'organisation analogue dans les ap-
correspondante du système vasculaire pendices branchiaux des Glycères, des
dorsal, l'autre de la branche trans- Polydores , etc. Chez tous ces Ani-
versale du système cutané abdominal, maux, chaque appendice branchial ne
et s'anastomosant entre eux. Mais serait creusé que d'un seul canal san-
M. de Qualrefages, qui a étudié plus guifère terminé en cul-de-sac et com-
récemment l'organisation de ces An- muniquant par sa base avec les deux
nélides, assure que chaque appendice ordres de vaisseaux à l'aide desquels
branchial ne renferme qu'un seul le sang y arrive et en sort (6).
vaisseau d'où partent latéralement de En terminant ce qui est relatif aux
petites branches terminées en am- Annélides , j'ajouterai que M. Leydig
poules , et que ce canal unique com- a signalé une disposition très singu-
munique par sa base avec les deux Hère chez le Lumbriculus variegatus,
vaisseaux qui se portent de ce point, où le vaisseau dorsal paraît donner
l'un au tronc dorsal, l'autre au tronc naissance à des appendices terminés
abdominal ; de sorte que dans l'appa- en ampoule (c).
(a) Qualrefages, Mém. sur la famille des Hermelliens (Ann. des sciences nat., 1848, 3e série,
t. X, pi. 2, fig. 3, G et 9).
(b) Qualrefages , Sur la respiration des Annélides (Ann. des sciences nat., 1850, 3e série,
XIV, p. 292)
(c) Leydig', Lehrbuch der Histologie, p. 436.
278 CIRCULATION DU SANG
§ 12. — Quant à la structure intime des vaisseaux sanguins
des Annélides , je me bornerai à dire qu'une tunique interne
amorphe et dépourvue d'épithélium paraît tapisser partout ces
canaux et se trouve revêtue extérieurement d'une tunique
adventive formée de tissu connectif plus ou moins modifié ;
enfin, qu'entre ces deux couches on trouve dans la plupart des
petites branches, ainsi que dans les gros troncs, du tissu mus-
culaire dont les fibrilles sont dirigées longitudinalement aussi
bien qu'en travers (1).
§ 13. — En résumé, nous voyons que chez tous les Anné-
lides, le système vasculaire est disposé suivant un même plan,
bien que chez les uns il soit fort simplifié , tandis que chez
d'autres il se complique et se perfectionne beaucoup (2). C'est
(1) Pour plus de détails sur l'his-
tologie de ces vaisseaux, je renverrai
aux observations de M. Leydig portant
principalement sur les Hirudinées (a).
(2) Au premier abord, l'appareil vas-
culaire des Échiures semble s'éloigner
beaucoup de celui des autres Annélides;
mais en l'examinant attentivement, on
y retrouve le même plan fondamental
que chez les Chétopodes ordinaires.
A la face supérieure du tube digestif,
il y a un vaisseau impair et médian
qui correspond au vaisseau dorsal et
qui présente vers le milieu de la ré-
gion pharyngienne une petite dilata-
tion pulsatile. Un peu plus en arrière,
il donne naissance à une paire de
troncs descendants qui embrassent le
tube digestif en manière de collier et
débouchent dans un vaisseau sous-in-
testinal. Enfin on trouve encore sur
la ligne médiane un troisième tube
médian et impaire qui est accolé au
cordon nerveux et qui correspond au
vaisseau sous-cutané abdominal.
Mais les branches transversales
qui naissent de ces divers troncs la-
téraux sont loin de présenter la ré-
gularité qui se remarque d'ordinaire
chez les Annélides, et le caractère
segmentaire de l'organisation tend à
s'effacer. M. de Quatrefages, en décri-
vant l'appareil circulatoire de ces Vers,
a donné le nom de cœur abdominal
à une dilatation du vaisseau sous-
cutané abdominal qui se voit dans le
point où celui-ci s'anastomose avec
l'extrémité antérieure du vaisseau
sous-intestinal ; il appelle aussi cœur
intestinal une dilatation analogue de
ce dernier tronc dans le point où le
collier vasculaire du système dorsal
y débouche, et il nomme cœur dorsal
le bulbe qui se voit sur le trajet de
la portion pharyngienne du vaisseau
dorsal ; mais' ces diverses parties un
(a) Leydig, Lehrbuch dev Histologie, p. 436 (4 857).
CHEZ LES VERS. 279
chez les Arénicoles qu'il présente les caractères les plus élevés,
et nous verrons bientôt qu'il existe à certains égards une res-
semblance frappante entre le mode d'organisation de l'appareil
circulatoire de ces Vers et celui des Animaux vertébrés les plus
simples. Mais, avant d'aborder l'étude anatomique de ces der-
niers , il nous reste encore à examiner quelques Invertébrés
que jusqu'ici j'avais laissés de côté pour ne pas rompre l'en-
chaînement naturel des faits.
§l/j. — Je ne m'arrêterai que peu sur l'étude du mode
d'irrigation organique dans les autres classes de la grande
division des Vers, parce qu'il règne encore beaucoup d'incer-
titude au sujet de l'existence d'un appareil circulatoire spécial
chez ces Animaux. La plupart d'entre eux sont pourvus de
vaisseaux; mais les Helminthologistes sont partagés d'opinion
au sujet des fonctions de ces tubes, et, dans l'état actuel de
la science, il ne me semble pas possible de trancher nettement
la question.
Ainsi , dans la classe des Trématodes , dont les principaux
représentants sont les Douves ou Fasciolaires , on voit un sys-
tème complexe de vaisseaux à parois propres qui se ramifient
dans les diverses parties du corps ; on a distingué des courants
Appareil
vasculaire'
des
Trématodes.
peu élargies du système vasculaire ne
me semblent pas mériter ces noms,
car ils n'ont pas le caractère de réser-
voirs sanguins. Il est aussi à noter que
chez l'Échiure, les branches impaires
qui se portent du vaisseau abdominal
vers l'intestin, et qui se ramifient dans
le mésentère, sont très développés («).
L'appareil circulatoire des Ster.v
aspis n'est encore que très impar-
faitement connu, mais paraît avoir de
la ressemblance avec cel ui de VEchiura
Gœrtnerii (b), et la disposition géné-
rale des vaisseaux , chez tous ces
Échiurides , a une grande analogie
avec celle qui s'observe chez les Si-
ponculides dont il sera bientôt ques-
tion (c).
(a) Quatrefages, Mém. sur l'Échiure de Gœrlner (Voyage e?i Sicile, t. II, p. 230, pi. 25, fig\ 1 a,
et pi. 26, fig- & ; — Ami. des sciences nat , 1847, 3° série, t. VII, p. 324 et suiv.).
(6J Krolin , Ueber den Sternaspis Thalassemoides (Archiv. fur Anat. und Physiol 1842
p. 420).
— Muller, Observationes analomicœ de Vermibus quibusdam marinis (Dissert, inau" ) Berlin
1852, [i. 4, pi. 1, fi-. 13).
(c) Voyez ci-après, page 300.
280 CIRCULATION DU S4NG
dans leur intérieur, et M. Blanchard a pu, malgré leur petitesse,
les injecter d'une manière admirable. Ce naturaliste n'hésite
pas à les considérer comme formant un appareil circulatoire ,
et effectivement ils en offrent bien l'aspect. Mais les observa-
tions les plus récentes dont ces organes ont été l'objet ne sont
pas favorables à cette opinion , et la plupart des helmintholo-
gistes les regardent aujourd'hui comme appartenant à un appa-
reil excréteur : car ils assurent que ce système arborescent
débouche directement au dehors par un orifice particulier; que
le liquide en mouvement dans son intérieur se dirige toujours
des parties périphériques vers cette ouverture, et que souvent
on le voit sortir par cette voie. La question en litige ne porte
donc pas sur l'existence ou l'absence d'un appareil vasculaire ,
mais sur la clôture de ce système ou sa communication libre
avec l'extérieur , et sur la nature des courants dont il est le
siège (1).
§15. — Pour mieux préciser les faits, prenons quelques
exemples.
Amphistomes. Les Amphistomes , Vers intestinaux de forme conique , qui
se rencontrent assez souvent dans l'estomac du Bœuf, présen-
tent vers la partie postérieure du dos une petite poche ovalaire
que j'appellerai la vésicule de Laurer, tant pour ne rien préju-
ger quant à ses fonctions que pour rappeler le nom de l'anato-
miste qui en a fait connaître l'existence (2). Deux gros vais-
(1) Ces courants ont été observés (2) On doit à ce naturaliste une
d'abord chez le Distomum militare, bonne monographie anatomique de
par M. Ehrenberg (a) ; M. Nordmann l'Amphistome , publiée sous la forme
en a ensuite signalé l'existence chez de thèse. Les figures qui accompa-
le Diplozoon et quelques autres gnent ce mémoire sont très nettes (c).
Vers (6).
(a) Ehrenberg, Symbolœ physicce. Anim. evertebr. (decas 1, feuille 1).
(6) Nordmann, Mlkrographische Beitrâge %ur Naturgeschichte der ivirbellosen Thieren , t. I,
p. 69 (Ann. des sciences nat., d 838, i" série, t. XXX, p. 392).
(c) Laurer, Disquisitiones anatomicœ de Amphistomo conico. ln-4, Gryphiœ, 1830.
CHEZ LES VERS. 281
seaux parlent de ce réservoir, longent les branches de l'appareil
digestif, gagnent l'extrémité antérieure du corps, et, chemin
faisant , donnent naissance à une multitude de rameaux dont
les divisions se répandent dans toutes les parties voisines et s'y
terminent en culs-de-sac. Ces tubes membraneux constituent
donc un système vasculaire arborescent à branches chevelues
très fines , et , d'après Laurer, la vésicule centrale dont ils
partent communiquerait avec l'extérieur à l'aide d'un pore
dorsal ou foramen caudale ; mais M. Blanchard , qui a injecté
cet appareil et qui en a donné de très belles figures, n'a pu
y découvrir aucun orifice , et considère la poche en question
comme étant une espèce de cœur. Je suis porté à croire cepen-
dant que Laurer ne s'était pas trompé , car l'existence du
foramen caudale paraît avoir été constatée d'une manière indu-
bitable par plusieurs bons observateurs chez divers Trématodes
fort voisins des Amphistomes (1).
(1) Les premiers observateurs qui appela cisterna chijli la vésicule à
parlèrent de l'existence d'un orifice laquelle aboutissent , comme nous
caudal , ou foramen. dorsale , chez l'avons vu ci-dessus , les principaux
divers Trématodes, le prirent pour troncs (e). M. Nordmann a trouvé
un anus (a). Mehlis a réfuté celte à la partie postérieure du corps .,
opinion (b), et annoncé que le pore en chez les Diplostomes , une poche
question communique avec des vais- analogue qui s'ouvre au dehors par
seaux que Hudolphi (c) et Bojanus (d) un orifice contractile et qui expulse
avaient déjà aperçus dans le corps de temps en temps le liquide con-
de quelques-uns de ces Vers intes- tenu dans son intérieur, mode de
tinaux. Laurer, qui a étudié avec déjection que ce naturaliste a rendu
beaucoup de soin cet appareil chez apparent en plaçant ces Animaux
l'Amphistome , le considéra comme dans un liquide coloré. M. Nordmann
étant un système chylifère , et il décrit aussi un système de canaux
(a) Baer, Beitrdge %ur Kenntniss der Niedern Thiere (Acta Acad. Leop. Nat. cur., vol. XIII,
p. 536, 561, 611, et Nochein Wortilber den After der Distomen, Heusinger, vol. II, p. 197).
— Nardo, Ueber den After der Distomen (Heusinger's Zeitschrift fur die Organ. Physik, 1827,
Bd. I, p. 68).
(b) Rudolplii, Entozoorum synopsis, 1819, p. 337.
(c) Bojanus, Enthelminthica (Isis, 1821 , t. VIII, p. 162).
(d) Mehlis, Observ. anat. de Distomate hepatico et lanceolato , 1825, p. 16 et suiv.
(e) Laurer, Disquisitiones anatomicœ de Amphistomo conico , 1830, p. 10 et suiv.
282 CIRCULATION DU SANG
Distomes. Ainsi, M. Van Beneden a observé chez le Dislomum lereti-
colle une poche médiane et contractile qui est évidemment
l'analogue delà vésicule de Laurer, et qui communique directe-
ment au dehors par l'intermédiaire d'un pore caudal, car ce
naturaliste a vu le liquide de ce réservoir être excrété par cette
voie. La vésicule en question est aussi en communication avec
deux tubes qui suivent les côtés du corps et qui constituent
l'appareil dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots en
parlant des prétendues trachées aquifères de ces animaux.
Enfin, M. Van Beneden a reconnu également que les vaisseaux
rameux qui se trouvent dans le voisinage de ces tubes, et qui
avaient été décrits par d'autres helminthologistes comme un
appareil circulatoire, s'ouvrent à leur tour dans ces mêmes
tubes et n'en sont que des branches (1).
assez complexe qu'il considère comme tions seraient la conséquence d'une
étant en communication avec ce ré- perforation accidentelle (d), et que
serveir et comme constituant un ap- M. Diesing avait précédemment énon-
pareil circulatoire ; mais il me paraît ce une opinion analogue au sujet des
évident qu'une grande partie des or- Ampliistomes (e).
ganes qu'il appelle des vaisseaux ne (1) Dans un premier travail sur les
sont autre chose que les oviductes (a). Vers cestoïdes , SI. Van Beneden s'é-
M. Dujardin a observé aussi plu- tait déjà prononcé en faveur de la
sieurs fois l'orifice en question (6); non-existence d'un appareil circula-
M. Owen a eu également l'occasion toire chez les Trématodes aussi bien
d'en constater l'existence (c); et, que chez les Tœnioïdcs (/) \ mais
comme nous le verrons bientôt, l'ex- c'est surtout dans un Mémoire spé-
pulsion d'un liquide par cette voie a cial, publié postérieurement aux re-
été remarquée par plusieurs helmin- cherches de M. Blanchard , qu'il a
thologistes. Je dois ajouter cependant fait connaître les faits indiqués ci-
que, d'après M. Blanchard, ces excré- dessus (g).
(a) Nordmanii , Mikrographische Beitràge zur Natuvgeschichte der ivirbellosen Thiere , 1S32,
BJ. I, p. 37 et suiv , pi, 4, fig. 5 et G, et Ann. des sciences nat., t. XXX, p. 270 et suiv., pi. 19,
fig. 1 et 2.
(b) Owen, On tlie Anatomy ofDistuma clavatum (Trams, of the Zool. Soc, vol. I, p. 41).
(c) Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes, p. 383.
(d) Blanchard, Recherches sur l'organisation des Vers (Ann. des sciences nat., 18 17, 3° série,
t. vil, p. 110, et Voyage en Sicile, 1. 111).
(e) Diesing, Monographie der Gallungen Amphisloma und Diplodiscus ( Annalen des Wiener
Muséums der Natuvgeschichte, 183G, t. V, p. 237).
(f) Van Beneden, Recherches sur la Faune littorale de la Belgique: Vers cestoïdes, p. 48 (extr.
des Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1850, t. XXV).
(g) Van Beneden, Note sur l'appareil circulatoire des Trématodes {Ann. des sciences nat., 1852.
3' série, t. XVII, p. 23).
CHEZ LES VERS. 283
Les recherches encore plus récentes de M. Aubert, de Aspidogaster.
Breslau , sur la structure des Aspidogaster, conduisent à des
résultats analogues, et tendent à établir que tout ce système n'est
en réalité ni un appareil circulatoire, ni un organe respiratoire,
comme on l'avait supposé tour à tour, mais bien un appareil
secrétaire diffus destiné à excréter des matières dont l'organisme
doit se débarrasser, et comparable, par conséquent, à l'appareil
urinaire des animaux supérieurs (1).
Il nous paraît , en effet , très probable que les vésicules de
Laurer et ses dépendances immédiates représentent ici l'appareil
de Bojanus que nous avons déjà étudié chez les Mollusques.
Mais faut-il en conclure que tous les vaisseaux en communica-
tion plus ou moins directe avec ce réservoir appartiennent à un
système sécréteur disséminé dans toutes les parties de l'écono-
mie, et qu'il n'existe chez ces Vers aucun vestige d'un système
circulatoire? Je ne le pense pas ; souvent la disposition de ces
vaisseaux ressemble tant à ce qui existe chez divers Annélides où
leur nature n'est pas incertaine, qu'il me semblerait bien diffi-
cile de ne pas les considérer comme étant du même ordre, et
d'ailleurs les découvertes récentes faites par plusieurs analo-
mistes, relatives aux relations de l'appareil circulatoire ou de
l'appareil urinaire chez divers Mollusques, permettent de sup-
poser que l'existence de la communication entre ces vaisseaux
et l'extérieur au moyen de l'organe bojanien ne serait pas in-
(1) M. Aubert (a) a trouvé que, braneux jusque vers le tiers antérieur
chez ces Vers , le for amen caudale du corps, où il se termine en cul-de-
est tout à fait terminal, et commu- sac, mais communique latéralement
nique avec deux réservoirs ovalaires avec un vaisseau flexueux dont les
qui correspondent à la vésicule de branches se répandent dans les di-
Laurer et qui se continuent chacun verses parties de l'organisme (6).
sous la forme d'un gros tube mem-
(a) Hermann Aubert, Ueber das Wassevgefdss-System, die Geschlechtsverhdltnisse, dicEibildung
des Aspidogaster und Vergleichung anderer Trematoden(Zeitschr.fiir wissenschaftl. Zool., 1S55,
Bd. VI, p. 349).
(b) Op. cit., p. 354, pi. 14, fig-. 1 et 3.
28/l CIRCULATION DU SANG
compatible avec leurs fonctions, comme canaux d'irrigation. Je
suis donc porté à croire que la divergence d'opinion entre
M. Blanchard et les autres zoologistes que je viens de citer dé-
pend de l'existence dîme fusion, tantôt plus, tantôt moins intime
de l'appareil circulatoire des Trématodes, avec un appareil
excréteur, et que, par conséquent, la vérité se trouve entre les
deux interprétations.
§ 16. — Pour se convaincre de l'existence d'un système de
vaisseaux ayant tous les caractères essentiels de l'appareil circu-
latoire tel qu'on le rencontre chez les Annélides, il suffît, ce me
semble, de jeter les yeux sur les figures dans lesquelles
M. Blanchard a représenté ces canaux, figures dont j'ai eu sou-
vent l'occasion de constafer l'exactitude en les comparant avec
la nature.
Douves § 17. — On voit ainsi que chez la Douve du foie, par exemple,
il existe sur la ligne médiane du dos un vaisseau longitudinal
qui se divise antérieurement en deux branches, et qui, de
chaque côté, émet une multitude de rameaux dont les divisions
dendroïdes se répandent dans toute l'étendue de la surface
dorsale du corps et y constituent un lacis capillaire très riche (1).
D'autres vaisseaux disposés à peu près de la même manière,
mais beaucoup plus grêles, se voient à la face inférieure du
corps. Mehlis, à qui l'on doit la connaissance de la disposition
générale de ces divers canaux, pensait que le vaisseau dorsal
débouchait au dehors par un pore situé à son extrémité posté-
rieure ; mais M. Blanchard n'a pu trouver aucune trace de
l'existence d'un orifice de ce genre, et pense que ce système
vasculaire est complètement clos (2).
(1) Voyez le travail de M. Blan- Sicile, t. III, pi. /j, fig. 16 et le.
chard sur l'organisation des Vers in- (2) Mehlis pensait que ces vaisseaux
testinaux, avec les planches qui Tac- communiquaient non -seulement au
compagnent , dans notre Voyage en dehors par le pore caudal (a), mais
(a) Mehlis , Observationes anatomicœ de Distomate hepalico et lanceolato, p. 18. Goettingse,
1825.
CHEZ LES VERS. 285
Chez les Monostomes , le système vasculaire est non moins Monosiomes,
-1/1/ • i-D • / • Holostomes,
développe ; mais, au heu d un vaisseau dorsal médian, on voit etc.
de chaque côté un tronc qui s'atténue à ses deux extrémités et
qui donne naissance à une multitude de ramuscules déliés.
On remarque des variations assez grandes dans la disposition
de ces vaisseaux chez les diverses espèces où l'étude en a été
faite ; mais ici, de même que chez les Annélides, ces différences
ne paraissent tenir qu'à l'existence de divers degrés de centra-
lisation des deux moitiés du système qui tendent à se confondre
sur la ligne médiane, d'abord vers la partie postérieure du corps,
puis de plus en plus loin vers la tête (1). .
Quant au mouvement du liquide contenu dans l'intérieur de Courams.
aussi avec la cavité digeslive, et con-
stituaient une sorte d'appareil chy-
lifère ; mais M. Blanchard s'est assuré
que les liquides colorés poussés dans
l'estomac ne pénétraient jamais dans
le système vasculaire.
(1) Ainsi, chez les Polystomes {a),
de même que chez les Monostomes (6),
les troncs latéraux sont séparés dans
toute la longueur du corps, et, en se
réunissant par leur extrémité posté-
rieure , ne donnent pas naissance à
un tronc médian.
Chez les Amphistomes , comme
nous l'avons déjà vu, les deux moitiés
du système sont également distinctes
et écartées, sauf dans une petite éten-
due, où ils sont représentés par la
vésicule de Laurer (c).
Chez le Brachylœmus Erinacei (d),
elles sont confondues sur la ligne mé-
diane dans toute la moitié postérieure
du corps , de façon que la portion
centrale du système a la forme d'un Y.
Enhn, chez les Douves, la centra-
lisation s'étend dans les quatre cin-
quièmes de la longueur du corps , de
sorte que le tronc médian devient la
partie principale de l'appareil , et les
troncs latéraux sont courts et fort rap-
prochés l'un de l'autre , ainsi qu'on
peut le voir en consultant les figures
données par AI. Blanchard (e'.
Chez l'iloLOSTOME du Renard , la
portion centrale du système vascu-
laire qui est représentée en arrière
par un tronc médian et en avant par
deux branches, est très peu dévelop-
pée ; mais la portion périphérique est
formée par un réseau de canaux ra-
meux plus gros que d'ordinaire, et à
la face inférieure du corps on remar-
que une série de vaisseaux transver-
saux (/)..
(a) Blanchard, loc. cit., pi. 6, fig. A.
(b) Idem, ibid., pi. 6, fig. 3.
(c) Idem, ibid., pi. 10, fig. 1b, 1c.
(d) Idem, ibid., pi. 6, fig. 2.
{e) Idem, ibid., pi. 4, fig. 1.
(f) Idem, ibid., pi. 7, fig. 1 ell a.
Vers
cestoïdes.
286 CIRCULATION DU SANG
ces divers vaisseaux, il paraît être oscillatoire seulement (1), et
il y a lieu de supposer qu'en général les courants sont établis,
non par la contraction d'un réservoir sanguin ou des parois
vasculaires , mais par l'action de cils vibratiles dont les gros
troncs seraient garnis (2).
§ 18. ■ — Chez les Vers intestinaux de la famille des Cestoïdes,
M. Blanchard a trouvé un certain nombre de canaux sous-
cutanés très grêles qui semblent constituer un appareil circu-
latoire rudimentaire, mais qui suivent les espaces intermuscu-
laires sans offrir de ramifications. On ne sait d'ailleurs rien sur
le mouvement des liquides dans ce système (3).
(1) M. Nordmann pense que chez
le Diplozoon paradoxum il existe de
chaque côté du corps deux vaisseaux
longitudinaux à branches rameuses ,
dans l'intérieur desquels il indique
des "courants dirigés en sens con-
traires. 11 y aurait donc là, dans chaque
moitié du système, un cercle vascu-
laire complet.
M. Kôlliker a trouvé chez les Tri-
stuma papillorum un vaisseau médio-
dorsal qui est contractile et qui four-
nit latéralement des ramuscules. Ce
zoologiste décrit aussi sur les côtés du
corps d'autres vaisseaux rameux,
mais ceux-ci communiquent avec l'ex-
térieur par des pores, et il les consi-
dère comme constituant un appareil
respiratoire (a).
(2) M. Nordmann a remarqué que
le mouvement circulatoire est souvent
très vif, sans qu'il y ait ni contraction
ni dilatation appréciables dans les vais-
seaux (b).
M. Dujardin a constaté l'existence
de cils vibratiles placés de distance en
distance dans l'intérieur de quelques-
uns des vaisseaux , chez les jeunes
Distomes ; mais il pense que d'autres
vaisseaux en sont dépourvus et servent
au retour du liquide (c).
M. Mayer a vu aussi des cils vibra-
tiles en connexion avec les vaisseaux
latéraux chez YOctobothrium de l'A-
lose, mais il pense qu'ils ne sont pas
logés dans ceux-ci et ne produisent
pas un mouvement circulatoire {d).
(3) Chez le Taenia de l'Homme,
M. Blanchard a injecté quatre vais-
seaux longitudinaux très grêles qui
sont reliés entre eux par un grand
nombre de branches transversales et
simples, ou seulement bifurquées de
façon à représenter une sorte de
treillis fort uniforme. Ces canaux ne
paraissent avoir aucune communica-
tion avec les autres cavités du corps ,
et M. Blanchard les décrit comme.
(a) Kôlliker, Ueber Tristoma papillosum ( Zweiter Bericht von der Zootomischen Anslalt m
Wûrzburg, 1849, p. 23 et 24, pi. 2, %. 1).
(6) Nordmann, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XXX, p. 392).
(c) Dujardin, Histoire naturelle des Helminthes, 1845, p. 384.
(d) Meyer, Beitràge zur Anatomie der Entozoon, 1 841 , p. 23.
CHEZ LES VERS.
287
§ 19. — On ne sait encore que fort peu de chose au sujet des J0at^eeurs
de l'appareil circulatoire des Rotateurs; les parties qui ont été
décrites sous le nom de vaisseaux sanguins par plusieurs natu-
ralistes ne paraissent pas mériter ce nom , et il est probable
que l'irrigation nutritive s'effectue principalement, sinon exclu-
sivement, à l'aide du liquide cavitaire (1). Mais la petitesse de
ces Animaux rend la solution de cette question très difficile.
ayant des parois membraneuses dis-
tinctes. Deux des troncs longitudinaux
sont situés près clu bord latéral du
corps en dehors du tube alimentaire,
et les deux antres à peu près à égale
distance des précédents et de la ligne
médiane ; les branches transversales
sont parfois au nombre de plus de
trente par anneau (a). Chez le Tœnia
serrata, ces vaisseaux sont plus grêles
et les branches transversales moins
régulières (b). Chez le Tœnia cucu-
merina, la disposition est à peu près
la même (c).
M. Blanchard a décrit des vaisseaux
disposés à peu près de la même ma-
nière, mais avec beaucoup moins de
régularité chez le CaryophyUœus mu-
tabilis. Les troncs longitudinaux sont
au nombre de dix, et les traverses
situées à la même hauteur ne s'éten-
dent que d'un tronc à celui qui l'avoi-
sine (d).
Il est d'ailleurs à noter que jusqu'ic
aucune communication n'a été consta-
tée entre ces canalicules sous-cutanés
et les gros tubes longitudinaux qui se
voient sur les côtés du corps des Vers
Tamioïdes, et qui sont considérés par
M. Van Beneden comme étant les ana-
logues des canaux en rapport avec la
vésicule de Laurer, chez les Distomes.
Quelques auteurs ont décrit ces ca-
naux latéraux et leurs branches ana-
stomotiques comme constituant nn
appareil circulatoire (e) ; mais, suivant
la plupart des naturalistes, ils repré-
senteraient l'appareil digestif (/).
M. Van Beneden pense que ce sont
des organes sécréteurs, opinion sur
laquelle nous aurons à revenir plus
tard.
J'ajouterai que, suivant ce dernier
naturaliste, la circulation serait entiè-
rement lacunaire chez tous ces Vers
intestinaux (g).
(1) Les parties que M. Ehrenberg
a considérées comme étant des vais-
fa) Blanchard, Rech. sur l'organisation des Vers {Voyage en Sicile, t. III, p. 153, pi. 14,
%■ !)•
(b)Loc. cit., pi. 14, flg. 2.
(c) Loc.cit., p. 147, pi. 14, fig. 4.
(d) Op. cit., p. 147, pi. 7, fig. 5, 5 a.
(e) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomle comparée, 1. 1, p. 1 36.
(f) Carlisle, Observ. upon the Structure and Œconomy of those Intestinal Worms called Tœniat
(Trans. of the Linn. Soc, 1794, t. II, p. 251).
— Délie Clriaje, Mem. sulla storia e notomia degli Anim. senza vertèbre di Napoll, t. I, p. 141
et suiv. ( Il considère à tort ces canaux comme débouchant au dehors dans chaque anneau.)
— Eschricht, Anat. Phys. Untersuch. iïber die Bothryocephalen, p. 57 (extrait des Mém. de
l'Acad. des cur. de la Nat., t. XIX, supplém.).
— Owen, Lectures on the Cmnparaiive Anatomy "of the Invertebrate Animais, 1855, p. 70.
— Blanchard, Op. cit. (Voyage en Sicile, t. III, p. 152).
(g) Van Beneden, Rech. sur la faune littorale de Belgique (Vers cestoïdes), p. 39 et suiv.
238
CIRCULATION Dt SANG
Système
vasculaire
des
Eclrinodcrmes.
§ 20. — Les Vers ne sont pas les seuls Invertébrés chez
lesquels un système spécial de tubes sanguifères se trouve
ajouté au système lacunaire à l'aide duquel l'irrigation nutri-
tive s'effectue en totalité ou en partie chez tous ces Animaux.
On en voit déjà des exemples dans l'embranchement des Zoo-
phytes(l).
seaux sanguins (a) paraissent être
principalement des bandes muscu-
laires (6).
M. Udekem a décrit avec plus de
détails un réseau de filaments qui se
voient dans les lobes ciliés de la La-
cinularia socialis , et qui paraissent
être en connexion avec les tubes déjà
mentionnés sous le nom de canaux
aquifères ; il pense que ce sont des
vaisseaux et que cet ensemble de par-
ties constitue un système circula-
toire (c) ; mais les observations plus
récentes de M. Huxley (d) et de
M. Leydig ne sont pas favorables à
cette manière de voir, et ce dernier
considère le fluide contenu dans les
espaces inlerorganiques comme tenant
lieu de sang (e).
(1) Je crois inutile de m'arrêter ici
sur les suppositions que quelques na-
turalistes ont faites relativement à une
circulation du sang chez les Infu-
soires, car les moyens d'observation
dont nous disposons ne nous permet-
tent pas de constater des phénomènes
de ce genre chez ces animalcules mi-
croscopiques. On voit, il est vrai, chez
beaucoup de ces petits êtres, des vési-
cules pulsatiles, qui, chez les Kolpo-
des, par exemple, se contractent d'une
manière rhythmique , et quelques au-
teurs ont cru pouvoir les considérer
comme des cœurs (f), tandis que d'au-
tres ont pensé que ce sont des cavités
respiratoires (</), ou bien encore des
organes éjaculateurs [h). Tantôt elles
sont sphériques [i) ; d'autres fois elles
(a) Ehrenberg, Die Infusionsthierchen, 1838, p. 415.
(6) Dujardin, Histoire naturelle des Infusoires, 1841, p. 589.
■ — Rymer Jones, Hotifera (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. IV, p. 413).
— Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. 181.
(e) Udekeni, Note sur le système circulatoire de la Lacinulaire sociale (Ann. des sciences nat.,
1850, 3° série, t. XIV, p. 14G).
(d) Huxley, Lacinularia socialis. A Contribution to the Analomy and Physiol. of the Hotifera
(Trans. of the Microscopical Society, 1852, t. I, p. 1).
(e) Fr. Leydig, Ueber den Bau und die Systematische Stellung der Bàderthiere (Zeitschr. fur
tuissenschaftl. Zool., 1855, t. VI, p. 7").
(fi Wicgmann , Bericht ûber die Fortschritte der Zoologie (Archiv fur Naturgeschichte , 1835,
t. I, p. 12).
— Pouehet, Rech. sur les organes de la circulation , de la digestion et de la respiration des
Animaux infusoires, 1849, p. 3, pi. 1 , fig. 2, etc.),
— Siebold, Nouveau, Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 19.
(g) Spallanzani, Observ. et expér. sur les Animalcules (Opuscules de physique, 1. 1, p. 248).
— Dujardin , Mém. sur l'organisation des Infusoires (Ann. des sciences nat., 1838, 2* série,
t. X, p. 305).
- — Erdl, Ueber den Kreislauf der Infusorien (Mullers' Archiv, 1 841 , p. 278).
(Il) Ehrenberg, Organisation in der Richtung des kleinsten Raumes, 3e partie, 1834, elh'oiw.
rech. sur l'organisation des Infusoires (Ann. des sciences nat., 1835, 2e série, t. 111 , p. 285 et
suiv., pi. 12, fig. 10, 15, 19, etc.).
(i) Exemple -.Levcophryspatula. Voyez Elirenberg, Infusorien Thiere,fl. 32, fig. 1.
* CHEZ LES ÉCHINODERMBS. 289
En efïetigdans la classe des Échinodermes , comprenant les
Holothuries y les Astéries et les Oursins, la cavité générale du
qo/ps et ses dépendances renferment, comme je l'ai déjà ditvun
fluide qui ne paraît différer en rien du sang incolore des autres
Animaux invertébrés, et qui remplit ici, suivant toute appa-
rence, des fonctions analogues (1) . Mais on trouve en outre un
Système
vasculaire
sous-cutané.
donnent naissance à des prolonge-
ments radiaires vasculi formes ou ren-
flés en ampoule vers la base (a).
Il est aussi à noter que leur nombre
est très variable. Ainsi, chez certains
Paraméciens, on n'en voit qu'une seule,
mais on en distingue deux chez les
Trichodiens, trois ou quatre chez des
Trachéliens, et l'on en compte même
quatorze ou quinze chez les Amphi-
leptus (b).
(1) Vers la fin du siècle dernier,
Monro publia quelques observations
sur le système vasculaire des Our-
sins (c); et, dans un de ses premiers
ouvrages, Cuvier donna une descrip-
tion sommaire d'une portion de ce
système chez les Holothuries et les
Astéries (d). Konrad fit aussi des ob-
servations sur l'anatomie de ces deux
animaux (e) ; mais ce sont les tra-
vaux de M. Tiedemann , entrepris à
l'instigation de l'Académie des scien-
ces, qui ont contribué le plus au pro-
grès de cette partie de l'histoire ana-
tomique des Zoophytes (/"). M. Délie
Chiaje a publié aussi des travaux con-
sidérables sur ce sujet (g), et l'on doit
également à MM. Volkmann, Valentin,
Millier et Quatrefages des observations
intéressantes sur les vaisseaux de ces
Animaux (h) ; mais leur circulation ne
nous est encore connue que d'une ma-
nière très incomplète. En 18^0, j'avais
commencé des recherches à ce sujet,
et quelques-uns de mes dessins ont
été publiés dans la grande édition du
Règne animal de Cuvier ; mais je n'ai
pas eu l'occasion de résoudre la plu-
part des questions dont je désirais
obtenir la solution, et par conséquent
mon travail est resté inédit.
(a) Exemple : Paramecium Aurélia. Voyez Ehrenberg, Infusorien Thiere , pi. 39, fig. 6, et
Dujardin, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1838, 2« série, t. X, pi. 15, fig. E, 3).
(6) Voyez les belles planches du grand ouvrage de M. Ehrenberg [Infusorien Thiere).
(c) Monro, The Structure and Physiology of Fishes, 1785, p. 67.
(d) Cuvier, Leçons d' anatomie comparée, 1805, t. IV, p. 414.
(e) Konrad, De Asteriarum fabrica (Dissert, inaug., cum tab.). Hâte (sans date).
(f) F. Tiedemann, Anatomie der Rohren-Holothurie, des Pomeranzfarbigen Seeslerns und Steirt-
seeigels, 1816, fol.
(g) Délie Chiaje, Memorie snlla sloria e notomia degli Animali senza vertèbre del Regno di
Napoli, t. I , p. 98 et suiv. (1823) , et Descrizione e notomia degli Animali invertebrati délia
Sicilia citeriore, t. IV, p. 18 et suiv. (1841).
(h) Volkmann, Ueber das Gefdss-System der Meersterne (Isis, 1838, t. XXX, p. 513).
— Valentin, Anatomie du genre Echinus (Monographies d' Échinodermes, par Agassiz, 1841).
— Quatrefages , Mém. sur la Synapte de Duvernoy (Ann. des sciences nat., 1842, 2* série,
t. XVII, p. 58).
— Millier, Anatomischen Studien ûber die Echinodermen (Archiv fur Anat. und Physiol,
1850, p. 117).
— Idem, Ueber den Bau der Echinodermen, 1854, p. 79, 84, elc.
III.
19
290 CIRCULATION DU SANG
système de tubes à parois membraneuses qui n'a aucune com-
munication directe avec le système lacunaire, et qui constitue
évidemment un appareil irrigatoire spécial (1). Une portion de ce
système est en connexion avec le tube digestif, et l'on y remar-
que un tronc vasculaire principal dont les parois sont con-
tractiles, et dont les ondulations impriment un mouvement cir-
culatoire au fluide qui en occupe l'intérieur. D'autres canaux,
reliés entre eux par un vaisseau circumbuccal, garnissent les
parois de la grande cavité viscérale, et se prolongent dans l'in-
térieur des tentacules rameux, dont l'extrémité antérieure du
corps est entourée. Mais, jusqu'ici, on n'a pu constater d'une
(1) L'existence d'un liquide aqueux
en assez grande quantité dans la ca-
vité viscérale du corps chez les Échi-
nodermes avait conduit d'abord la
plupart des naturalistes à penser que
cette cavité devait communiquer li-
brement avec le dehors, et que c'était
de l'eau seulement qui la remplissait.
Mais les observations de M. de Quatre-
fages, de M. Williams et de quelques
autres physiologistes sur la constitu-
tion de ce liquide, tendent à établir
que c'est un suc nourricier comparable
en tout au sang qui occupe aussi la
cavité générale du corps chez les Mol-
lusques et les Animaux articulés (a).
11 est possible que dans quelques cas
des pores puissent permettre l'entrée
d'une certaine quantité d'eau qui vien-
drait se mêler à ce liquide nourricier ;
mais jusqu'ici des communications de
ce genre, quoique souvent annoncées,
n'ont pas encore été démontrées d'une
manière satisfaisante, et quoi qu'il en
soit à cet égard, il me paraît bien évi-
dent que le liquide cavitaire joue un
rôle très important dans les phéno-
mènes ordinaires de l'irrigation nu-
tritive.
La cavité viscérale qui, chez les
Échinodermes, renferme ce liquide,
ainsi que l'appareil digestif et les or-
ganes de la génération, est limitée par
le système tégumentaire, et répète par
conséquent la forme générale du corps.
Elle est donc à peu près cylindri-
que chez les Holothuries , presque
sphérique chez les Échinides, et ra-
diaire chez les Astéries. Une mem-
brane très fine, de la nature des tuni-
ques séreuses, en tapisse les parois et
porte, tantôt dans toute son étendue,
tantôt sur certains points seulement,
des cils vibratiles dont les mouve-
ments flabellaires déterminent dans le
liquide cavitaire des courants plus ou
(a) Quatrefages, Mém. sur la cavité du corps des Invertébrés (Ann. des sciences nat., 1850,
3' série, t. XIV, p. 302).
— T. Williams, On the Blood Proper and Chylaqueous Fluid of Invertebrate Animais (Philos.
Trans,, 1852, p. 605 et suiv.).
— On tht Mechanism of Aquatic Respiration {Ann. of Nat. Hist., 1853, 2- série, vol. XII ,
p. 853).
CHEZ LES ÉCHIXODERMES. 291
manière satisfaisante aucune communication directe entre ces
deux systèmes de vaisseaux, et la plupart des anatomistes pen-
sent aujourd'hui qu'ils sont complètement indépendants l'un
de l'autre. On s'accorde généralement à regarder le système
vasculaire viscéral comme étant un appareil circulatoire, et l'on
attribue le plus ordinairement au système cutané d'autres
usages. Je suis porté à croire cependant que tous ces ca-
naux sont des organes d'irrigation nutritive, et doivent être
considérés comme des ébauches d'un système circulatoire
spécial.
§ 21 . — Dans l'état d'incertitude où nous sommes sur le rôle
physiologique de la plus grande partie du système vasculaire des
Échinodermes, je ne crois pas devoir m'arrêter à en donner ici
moins vifs. M. Sharpey, qui a été le
premier à observer ce phénomène, a
vu que, dans chaque rayon de l'Étoile
de mer , il y a deux courants centri-
fuges qui occupent la ligne moyenne
de ces prolongements : l'un immédia-
tement sous les téguments de la paroi
supérieure ou dorsale, l'autre sur le
plancher ou paroi inférieure de la cavité
viscérale, et le liquide ainsi mis en
mouvement revient vers le centre du
corps en suivant les parties latérales
des rayons. D'autres courants analo-
gues lèchent pour ainsi dire la surface
des cœcums gastriques qui s'avancent
dans l'intérieur des rayons, et tous
ont une direction constante, de sorte
qu'il s'établit ainsi une véritable cir-
culation dans toutes les parties de
la cavité viscérale et de ses dépen-
dances (a).
Le mouvement ciliaire a été con-
staté aussi par M. Sharpey sur presque
toutes les parties de la cavité viscérale
des Oursins, et les courants y baignent
d'une manière très régulière les bran-
chies internes ou feuilles basilaires du
système ambulacraire, ainsi que la
surface du tube digestif, etc.
M. de Quatrefages a trouvé que
chez les Siponcles le liquide cavitaire
circule aussi d'une manière régulière
dans la cavité viscérale : im courant
sous -cutané se porte d'arrière en
avant, et le courant récurrent longe
la masse viscérale. Si l'on interrompt
la communication entre la partie an-
térieure et la portion postérieure de
la cavité commune, le mouvement
circulatoire se continue d'une manière
indépendante dans chaque portion
ainsi isolée (6).
(a) Sharpey, Cilia (Todd's Cyclopcedia of Anat. and PhysioL, 1836, vol. 1, p. 616),
(b) Quatrefages, Mém. sur la cavité du corps des Invertébrés (Ann. des sciences nat., 1850,
3* série, t. XIV, p. 317).
292 CIRCULATION DU SANG
une description détaillée, et je me bornerai à en faire connaître
brièvement les caractères principaux.
Système Le système vasculaire sous-cutané de tous les Échinodermes
sous-cutané proprement dits se compose essentiellement de cinq tubes lon-
des
Échinodermes gitudinaux qui occupent le milieu des grandes bandes muscu-
pédicGlltîs
laires, étendues d'une extrémité du corps a l'autre, et accolées
aux parois de la cavité générale où flottent les viscères. Ces
vaisseaux paraissent être fermés à leur extrémité postérieure,
mais s'ouvrent antérieurement dans un canal annulaire qui
entoure l'orifice buccal et qui envoie des prolongements dans
chacun des tentacules dont se compose la couronne labiale.
Des tubes terminés en culs-de-sac sont suspendus à ce même
anneau vasculaire, et paraissent servir de réservoir pour le fluide
qui reflue des tentacules, quand ceux-ci se contractent. Enfin,
chez la plupart des Animaux de cette classe, les vaisseaux longi-
tudinaux donnent naissance latéralement à des branches simples
qui se rendent aux vésicules ou feuillets situés à la base des ap-
pendices ambulacraires et y débouchent (1). Il est aussi à noter
que ce système de vaisseaux sous-cutanés est pourvu de cils
vibratiles qui mettent en mouvement le liquide contenu dans
son intérieur. Beaucoup de naturalistes pensent que ce liquide
n'est autre chose que de l'eau de mer qui pénétrerait directe-
ment dans le canal circumbuccal par des orifices particuliers,
et ils désignent en conséquence cette portion de l'appareil vas-
culaire sous le nom de système aquifère (2). Mais cette opinion
(1) Celle dénomination a été appli- dessus (a), tandis que le système aqui-
quée par différents auteurs à des fère dont il est quesiion dans les
choses essentiellement distinctes. Mémoires de M. Délie Chiaje est le sys-
Ainsi le système aquifère dont parle tème cavitaire général du corps (6).
M. Siebold consiste dans le système (2) M. Krohn pense que les parois
de vaisseaux sous-cutanés décrit ci- de ces feuillets sont creusées d'un vais-
fa) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anat. comp., t. I, p. 102,
(fc) Voyez ci-dessus, tome H, page 8.
CHEZ LES ÉCH1N0DERMES. 293
ne paraît pas être fondée : je n'ai jamais pu découvrir aucun
indice de l'existence d'une communication libre et directe entre
les vaisseaux sous-cutanés des Échinodermes et l'extérieur ; je
suis même très porté à croire qu'ils s'anastomosent avec le
système vasculaire viscéral, et qu'ils font réellement partie de
l'appareil circulatoire.
Les tubes sous-cutanés dont il vient d'être question ne don-
nent jamais naissance à des ramifications dendroïdes. Les vais-
seaux qui accompagnent le tube digestif fournissent au contraire Système
à cet organe une multitude de branches dont les divisions et *£££
les subdivisions successives constituent un lacis capillaire fort
remarquable.
Chez les Holothuries surtout, ce système circulatoire profond
prend un très grand développement, et présente une multitude
de houppes vasculaires qui sont enchevêtrées au milieu des
ramifications de l'appareil respiratoire ; mais il y a simplement
contiguïté entre ces vaisseaux et les trachées aquifères qui
constituent l'appareil branchial interne de ces Animaux (1), et
jamais les vaisseaux sanguins ne se ramifient dans l'épaisseur
des parois de ces organes, comme cela a lieu chez les Mollus-
ques, les Crustacés et les Animaux supérieurs. Le tronc con-
tractile qui parait tenir lieu de cœur est logé dans le repli
membraneux qui, à la manière d'un mésentère, fixe l'appareil
digestif dans la cavité viscérale. Du côté opposé du tube intes-
tinal se trouve un autre vaisseau qui peut être considéré comme
une veine, car le sang poussé par le cœur tubiforme doit s'y
rendre après avoir traversé le réseau capillaire interposé ; mais
on ne sait pas comment le fluide nourricier retourne de cette
seau marginal et de diverses ramifi- avec le système irrigatoire général (a).
cations ; mais il ne s'explique pas au (1) Voyez tome II, page 10 et sui-
sujet des relations de ces vaisseaux vantes.
(a) Krohn, Ueber die Anordnung des Nervensystems der Echiniden und Holothurien M» Allge-
mcinen (Miiller's Atchiv fur Ariat. und Physiol., 1841, p. 5, note).
29/t CIRCULATION DU SANG
veine intestinale au cœur pour recommencer le mouvement
circulatoire (1). Il serait donc possible qu'il n'y eût ici qu'une
oscillation, un mouvement de va-et-vient, au lieu d'un courant
(1) C'est chez les Holothuries que
l'appareil vasculaire est le mieux con-
nu (a). Les cinq vaisseaux longitudi-
naux que l'on peut désigner sous le nom
de vaisseaux ambulacraires princi-
paux, à raison de leurs rapports avec
les appendices locomoteurs, occupent,
comme je l'ai déjà dit, le milieu des
cinqbandes musculaires longitudinales
qui garnissent en dedans les parois de
la grande cavité viscérale formées par
les téguments et le panicule charnu
sous-cutané. Des canaux secondaires
partent à angle droit de ces troncs
principaux, et, après avoir marché
entre la peau et les muscles longitu-
dinaux, se montrent à nu sur la paroi
interne de la cavité viscérale ; ils ne
se divisent pas et ne s'anastomosent
pas ; mais chacun d'eux, parvenu à la
base de l'un des appendices ambula-
craires, y pénètre après s'être renflé
en forme de petite ampoule. Les troncs
longitudinaux dont naissent ces vais-
seaux ambulacraires secondaires se
rétrécissent peu à peu vers l'arrière
du corps, et ne m'ont paru s'anasto-
moser ni entre eux, ni avec les vais-
seaux du système viscéral. Par leur
extrémité antérieure ils pénètrent dans
l'anneau cartilagineux qui entoure le
pbarynx, et y donnent naissance à une
couronne de vaisseaux tentaculaires
qui se ramifient dans les appendices
labiaux, et à autant de tubes terminés
en culs-de-sac qui se portent en ar-
rière et flottent librement dans la
cavité viscérale. Ces derniers organes,
que M. Délie Chiaje a décrits sous le
nom de sacs foligniens (6), et que la
plupart des auteurs appellent tubes de
Poli , ont des parois contractiles , et
paraissent servir de diverticulumspour
recevoir le liquide qui reflue des ca-
naux des tentacules correspondants
lorsque ces appendices se contractent.
Les troncs ambulacraires se recour-
bent ensuite en dedans et en arrière
pour longer la partie antérieure du
tube digestif, et, d'après M. Tiede-
mann, ils s'anastomosent latéralement
entre eux dans ce point de rebrousse-
ment de façon à constituer un anneau
vasculaire labial (c). Mais M. Millier
pense qu'ils ne présentent qu'une
simple dilatation latérale, et pas de
communication directe [d). Quoiqu'il
en soit, ils ne tardent pas à se termi-
ner dans un anneau vasculaire pha-
ryngien, au côté duquel se trouve
appendu un sac membraneux à col
étroit qui fait également fonction de
réservoir, et qui est considéré par
M. Délie Chiaje comme étant une es-
(a) Voyez la figure anatomique que j'en ai donnée dans la grande édition du Règne animal
(Zoophytes, pi. 18) : — vl, vaisseaux ambulacraires principaux; — t, vaisseaux tentaculaires ; —
t', vésicules foligniennes ; — va, anneau vasculaire œsophagien ; — p, réservoir ou sae pharyngien ;
— vi, artère mésenlérique ; — vr , rete mimbile ; — vm, artère intestinale ; — ve, veine intestinale ;
— va, branche anastomotique de ce dernier vaisseau.
(6) Délie Chiaje, Descriz. enotom. degli Animait Invertebrati, t. IV, p. 21.
(c) Tiedemann, Anat. der Rôhren-Holothurie, p. 20, pi. 2, fig. 4.
(d) Muller, Anatom. Studien ûber Echinodermen (Archiv fur Anat. uni Physiol. , 1850,
p. 144).
CHEZ LES ÉCH1N0DERMES. 295
>
à direction constante. On est également dans l'ignorance au
sujet de la manière dont le fluide nourricier se meut dans les
vaisseaux longitudinaux du système sous-cutané; mais on a pu
pèce de cœur. Les parois de cet organe
sont effectivement contractiles, et je
l'ai souvent vu chasser brusquement
dans les vaisseaux pharyngiens le li-
quide dont il était rempli ; mais je
n'y ai jamais vu de pulsations, et je ne
pense pas qu'il influe d'une manière
régulière sur le mouvement circula-
toire du fluide contenu dans le sys-
tème vasculaire dont il dépend, mou-
vement qui résulte essentiellement de
l'action de cils vibratiles dont ces
canaux sont garnis intérieurement.
M. Tiedemann a ligure deux de ces
vessies pharyngiennes ; mais dans les
espèces que j'ai eu l'occasion d'exa-
miner, il n'y en avait qu'une, ainsi
que chez celles étudiées par M. Délie
Chiaje, et je suis porié à croire que
c'est le nombre normal.
Les appendices foligniens sont en
même nombre que les tentacules, et,
en général, on en trouve irois pour
chaque tronc ambulacrairc.
Le système vasculaire intestinal des
Holothuries se compose de deux
troncs principaux qui longent le tube
digestif et qui sont séparés par ce
viscère. Celui que j'appellerai , avec
M. Délie Chiaje , Vàrtère mésenté-
riqUe , est logé clans l'épaisseur du
mésentère et forme une anse. Sa por-
tion moyenne, élargie irrégulièrement
et très contractile, paraît remplir les
fonctions d'un cœur; à ses deux ex-
trémités il s'atténue extrêmement, et
tout le long de son bord intestinal il
donne naissance à une multitude de
branches qui, logées dans l'épaisseur
du mésentère, se dirigent vers le tube
digestif. Dans leur première moitié,
ces ramuscules,que l'on peut nommer
artères gastriques , ne présentent
rien de particulier ; mais les branches
qui naissent plus en arrière offrent
au contraire une disposition très re-
marquable. Chacun de ces vaisseaux
se divise en un grand nombre de ra-
muscules disposés en manière do pin-
ceau ou de houppe dont les divers
brins s'anastomosent ensuite, entre
eux pour reconstituer un vaisseau
unique. L'espèce de rete mirabile
ainsi constitué se trouve entremêlé
avec les ramifications aquifères de
l'appareil respiratoire, et les vaisseaux
qui en parlent pour se diriger vers
l'intestin vont déboucher dans une
artère intestinale qui longe la ligne
d'insertion du mésentère, et envoie à
son tour une multitude de branches
sur les parois de la portion voisine
du tube digestif. Il est aussi à noter
que cette artère intestinale se continue
en arrière beaucoup au delà de l'extré-
mité du rete mirabile. J'ai pu l'injec-
ter dans toute sa longueur, jusqu'au
cloaque; mais elle m'a paru ne plus
fournir de branches dans toute sa
moitié postérieure.
Le vaisseau auquel on peut donner le
nom Aç. veine intestinale longe le bord
libre du tube digestif dans toute son
étendue, et envoie dans les parois de
ce tube une multitude de petites racines
(|tii s'anastomosent avec les branches
terminales des artères gastriques et
intestinale-. Un gros vaisseau ana-
stomotique transversal établit une
communication directe entre le tiers
290 CIRCULATION DU SANG
observer ce phénomène dans les grands conduits dont les ten-
tacules labiaux sont creusés, et l'on a reconnu qu'un double
courant y est établi : le liquide se porte de la base au sommet
antérieur et le tiers postérieur de cette
veine, qui est assez grosse dans sa por-
tion moyenne, mais devient extrême-
ment grêle vers les deux extrémités
du tube digestif.
Les anatomistes, comme je l'ai déjà
dit, sont partagés d'opinions au sujet
des relations de ce système vasculaire
viscéral avec le système vasculaire
sous-culané.
M. Tiedemann pense qu'il n'existe
aucune communication directe entre
ces deux ordres de vaisseaux (a).
M. Délie Chiaje, au contraire, dé-
crit l'artère mésentérique et la veine
intestinale comme débouchant dans
le vaisseau annulaire œsophagien qui
appartient, ainsi que nous l'avons
déjà vu, au système sous-cutané (6).
M. Millier se prononce nettement en
faveur de l'opinion du premier de ces
naturalistes, et considère l'appareil
circulatoire comme étant formé par
le système vasculaire viscéral seule-
ment (c). Je suis porté à croire cepen-
dant qu'il existe en ce point des ana-
stomoses entre les deux systèmes ; seu-
lement les liquides ne me paraissent
pas pouvoir passer de l'anneau œso-
phagien dans les vaisseaux intestinaux,
à raison probablement de quelques
valvules, et ces divers vaisseaux sont
extrêmement grêles à leur extrémité
supérieure. Du reste, quoi qu'il en
soit de ces anastomoses, il me paraît
évident que le mouvement des liquides
doit être presque sinon complètement
indépendant dans ces deux portions
du système vasculaire, et que, par
conséquent, il n'y a chez ces Animaux
que des courants circulatoires par-
tiaux.
Chez les Synaptes , qui appartien-
nent au même ordre que les Holo-
thuries, l'appareil vasculaire est
moins compliqué. Les vaisseaux sous -
cutanés longitudinaux ne donnent pas
naissance à des branches latérales, et
il ne paraît y avoir rien d'analogue
au rete mirabile. M. de Quatrefages,
qui a été le premier à faire bien con-
naître la portion du système vascu-
laire sous-cutané qui correspond aux
troncs ambulacraires et à l'anneau
labial chez ces Zoophytes, n'avait pu
découvrir aucune trace des vaisseaux
intestinaux (d) ; mais l'existence de
ceux-ci a été constatée plus récem-
ment par M. J. Millier, qui a trouvé
aussi les sacs foligniens disposés
comme chez les Holothuries (e). On
voit, par une figure de la Fistulaire
brune donnée par MM. Quoy et Gai-
mard , que ces caecums sanguifères
(a) Tiedemann, Anat. der Ruhr en-Holothurie, p. 21.
(b) Délie Chiaje, Mém. sulla storia e notom. degli Anim. senza vertèbre, t. I, p. 100, pi. 9,
fig. 6.
(c) Miiller, Ueber den Bau der Echinodermen, p. 17 (extrait des Mém. de l'Acad. de Berlin
î>oi»*1853).
(d) Quatrefages, Mém. sur lo •■Synapte de Duvernoy (Ann. dessciene.nat., 1842, 2°se'rie, t. XVII,
p. 58, pi. 4, fig. 1, et pi. 5, fig. 5).
(e) J. Miiller, Analomische Studien ùber die Echinodermen (Archiv fur Anat. und Physiol.,
1850, p. 129).
— Ueber Synapta digitata, und ûber die Erx-eugung von Schnecken in Holothurien, 1852, p. 3.
CHEZ LES ÉCHINODERMES. 297
de ces appendices en longeant leurs parois, et revient en sens
contraire en suivant l'axe de leur cavité.
§ 22. — Dans la grande famille des Oursins , ou Échinides ,
la disposition générale de l'appareil circulatoire est à peu près
la même que chez les Holothuries, si ce n'est que la portion
viscérale de ce système est beaucoup moins développée (1).
deviennent quelquefois très longs, et
leur développement paraît être en
rapport avec celui des tentacules buc-
caux (a). Dms\e Cladolabes peruanus,
M. Millier a compté près d'une cen-
taine de ces appendices qu'il désigne
sous le nom de vésicules de Poli {b).
D'après M. Millier, le système vas-
culaire viscéral fournit des branches
aux tentacules et aux parois du corps
par l'intermédiaire d'un anneau œso-
phagien ; mais tous ces vaisseaux se-
raient parfaitement indépendants du
système cutané auquel ce naturaliste
donne le nom de système aquifère.
(1) Chez les Échinides , l'appareil
vasculaire ressemble beaucoup à celui
des Holothuries, et se compose aussi
de deux ordres de vaisseaux : d'un
système sous-cutané, et d'un système
viscéral. Le premier, comme d'ordi-
naire, consiste essentiellement en cinq
vaisseaux ambulacraires principaux
qui se portent d'un pôle du corps à
l'autre, et qui fournissent à droite et
à gauche une série de branches se-
condaires transversales, lesquelles se
rendent chacune à l'un des feuillets
sous-ambulacraires. Ces vaisseaux lon-
gitudinaux débouchent inférieurement
dans un vaisseau circumpharyngien.
Le système vasculaire viscéral est
moins bien connu. Chez les Spatan-
gues (c), un cœur constitué par un
gros vaisseau fusiforme à parois char-
nues est logé dans le mésentère, près
de la portion antérieure du tube di-
gestif. Je n'ai pu bien distinguer le
mode de terminaison de son extré-
mité postérieure ; mais en avant et à
gauche, il se prolonge en une artère
mésentérique qui, après avoir suivi
pendant quelque temps le bord interne
de l'intestin, et y avoir formé un
coude abrupt d'où partent des artères
intestinales, se divise en deux bran-
ches dont l'une, descendante, va au
côté gauche de la bouche , et m'a
paru s'y anastomoser avec l'anneau
vasculaire déjà mentionné; l'autre,
ascendante, se porte en avant, puis en
haut, et va se terminer au point de
réunion des vaisseaux ambulacraires,
près des pores génitaux. Un autre
vaisseau qui occupe le bord opposé de
la portion antérieure du tube digestif,
et qui correspond à la veine intesti-
nale des Holothuries, m'a semblé dé-
boucher aussi dans l'anneau vasculaire
circumbuccal, et je suis porté à croire
qu'il communique du côté opposé avec
l'extrémité postérieure du cœur.
JNos connaissances sont encore plus
imparfaites au sujet du mode de dis-
(a) Quoy et Gaimard, Voyage de l'Astrolabe, Zoophytes, pi. 8, fig. 3.
(b) Millier, Op. cit. (Archiv, 4850, p. 145).
(c) Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 11 bis, fig. 1, 1 a, 1 b.
298 CIRCULATION DU SANG
Les Astéries, ou Étoiles de mer, nous offrent également les
mêmes caractères essentiels; mais on remarque dans quelques
parties de l'appareil vasculaire des différences plus considé-
rables. Ainsi, dans la région dorsale du corps, on trouve un
large cercle vasculaire qui communique tout autour avec des
branches radiaires dont les ramifications se distribuent aux
tributiondes vaisseaux chez les Oursins
proprement dits, et les descriptions
qui en ont été données successivement
par MM. Tiedemann, Délie Chiaje et
Valentin, sont en désaccord sur beau-
coup de points essentiels. Le cœur
est situé à côté de l'œsophage, à peu
près comme chez les Spatangues. D'a-
près M. Délie Chiaje, cet organe ne
serait qu'une ampoule très semblable
à celle qui est appendue à l'anneau
vasculaire œsophagien des Holothu-
ries (a) ; mais M. Valentin y a trouvé
une' structure très complexe (6), et
l'on s'accorde généralement à recon-
naître qu'il en part un vaisseau qui se
dirige vers l'anus et va déboucher
dans un cercle vasculaire entourant
l'orifice terminal de l'intestin. Une
autre artère descend du cœur vers la
lanterne, ou appareil buccal, et paraît
s'y anastomoser avec un anneau vas-
culaire œsophagien. Il y a aussi une
artère intestinale qui suit l'un des
bords du tube alimentaire ; enfin, on
trouve également du côté opposé de ce
tube un autre vaisseau qui paraît cor-
respondre à la veine intestinale des
Holothuries; mais les rapports ana-
tomiques de tous ces vaisseaux sont
très obscurs. Il règne encore plus
d'incertitude au sujet des connexions
de ce système vasculaire viscéral avec
le système cutané. M. Délie Chiaje dé-
crit cinq vaisseaux pharyngiens comme
unissant l'anneau œsophagien à un
autre cercle vasculaire qui entourerait
la bouche comme chez les Holothuries ;
ils s'anastomoseraient également avec
les cinq vaisseaux ambulacraires qui
régnent tout le long du sillon médian
situé entre les deux rangées des ap-
pendices foliacés de chaque appareil
ambulacraire.
M. Valentin pense, au contraire,
que chacun de ces divers organes
est pourvu de deux vaisseaux fai-
sant fonction d'artère et de veine, et
que l'un de ceux-ci s'anastomoserait
avec l'anneau vasculaire anal , tandis
que l'autre communiquerait avec le
cercle vasculaire labial (c). N'ayant
pas eu l'occasion d'injecter les vais-
seaux des Oursins, comme je l'ai fait
pour ceux des Spatangues, je n'oserais
me prononcer sur cette question;
mais l'opinion de M. Valentin me pa-
raît peu probable.
M. Millier a constaté aussi l'ana-
stomose des troncs ambulacraires
avec le vaisseau annulaire labial, et
les communications de ceux-ci avec
les vésicules foligniens (ou vésicules
de Poli, Millier) ; mais il n'a pas vu
de connexions entre ce système de
canaux et les tentacules buccaux.
(a) Dello Chiaje, Descriz. e notnmia degli Anim. invertébr., t. IV, p. 45, pi. 124, fu\ 2.
(6) Valentin, Anat. du genre EchinOs, p. 92, pi. 7, lîg. 125, etc., 1841 ( dans Agassiz, Mono
graphie des Echinodermes vivants et fossiles).
(c) Valentin, loc. cit., p. t)3.
CHEZ LES ÉCHI1N0DERMES,
299
divers viscères sous-jacents. Un vaisseau descendant, qui paraît
faire fonction de cœur et représenter l'artère mésentérique des
Holothuries, s'anastomose aussi avec cet anneau dorsal ; mais
on n'est pas encore fixé quant aux relations de cet organe avec
le système circumbuccal (1).
§ 23. — Les Siponcles et les autres Animaux dont Cuvier a
(1) Le système vasculaire des Asté-
riks, dont M. Tiedemann a donné de
très belles figures , présente le même
plan général que celui des Holothuries;
mais ce plan est modifié quant aux
détails secondaires. Le cœur , organe
fusiforme à parois épaisses et brunâ-
tres, est placé à peu près comme chez
les Échinides, et donne naissance à un
vaisseau ascendant qui va déboucher
dans un grand cercle vasculaire dor-
sal. Cet anneau correspond au vais-
seau circum-anal des Oursins, et com-
munique : 1° avec dix vaisseaux ra-
diaires qui suivent la face supérieure
des appendices caecaux de l'estomac et
s'étendent ainsi jusqu'à l'extrémité des
cinq rayons ; 2° avec un égal nombre
de vaisseaux appartenant aux organes
génitaux, et 3° des branches gastri-
ques (a). Un anneau vasculaire œso-
phagien se trouve près de la face op-
posée du corps, et s'anastomose avec
cinq branches radiaires sous-inlesti-
nales qui se ramifient également sur
les caecums gastriques, etc. Enfin, il
existe aussi autour de la bouche un
troisième vaisseau avec lequel s'anasto-
mosent les cinq troncs ambulacraires
qui s'avancent le long de la paroi infé-
rieure des rayons et se comportent
comme les vaisseaux du même nom
chez les Échinides. La même dissi-
dence d'opinion qui existe au sujet des
connexions du système des vaisseaux
viscéraux avec les vaisseaux ambula-
craires chez les Holothuries et les
Échinides se reproduit ici. M. Tiede-
mann n'a pu découvrir aucune com-
munication entre l'anneau labial et le
système vasculaire viscéral. M. Délie
Chiaje, au contraire , assure que les
cinq vaisseaux sous-intestinaux qui
s'avancent dans les rayons à la face
inférieure des caecums gastriques en
naissent directement (6).
Il est aussi à noter que des ampoules
groupées autour de l'œsophage et
correspondantes aux sacs foligniens
des Holothuries naissent également
de l'anneau labial chez les Astéries,
et que, chez ces dernières, il paraît y
avoir aussi une communication entre
cet anneau et un organe dont les
fonctions ne sont pas connues et au-
quel on a donné le nom de sac calci-
fère ou poche à sable.
Chez les Comatules, le cercle vas-
culaire dorsal qui, chez les Oursins,
entoure l'anus, paraît être remplacé
par un réservoir central situé au
fond d'une cavité creusée dans le
calice tégumentaire du corps et don-
nant naissance aux mêmes vaisseaux
(a) Tiedemann, Anat. der Rohren- Holothurie, pi. 8.
— Voyez aussi V Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoûphytes, pi. 2, %. i .
(6) Délie Chiaje, Descriz. e notom. degli Auim. invert., pi. 13, fig. 12.
Système
vasculaire
des
Echinodermes
Apodes.
300 CIRCULATION DU SANG
formé le groupe des Échinodermes Apodes sont également
pourvus de quelques vaisseaux sous-cutanés et gastriques; mais
les premiers ne présentent pas la disposition radiaire qui se
remarque chez les Échinodermes proprement dits , ou Échino-
dermes pédicellés, et, sous ce rapport, le mode d'organisation
de ces Animaux presque vermiformes se rapproche davantage
de ce que nous avons vu chez les Annélides (i).
que nous avons vus chez les Asté-
ries (a).
(1) Chez les Sipoxcles, que la plu-
part des zoologistes rangent dans la
classe des Échinodermes, mais qui, à
beaucoup d'égards, s'éloignent consi-
dérablement du type propre à ce
groupe de Zoophytes , l'appareil vas-
culaire paraît être très réduit. Un
vaisseau longitudinal sous - cutané
longe le cordon nerveux et envoie à
droite et à gauche des rameaux aux
téguments. A l'extrémité antérieure
du corps il se recourhe pour gagner
le pharynx, et paraît s'y anastomoser
avec un vaisseau qui longe le tube
digestif, ainsi qu'avec des canaux
creusés dans les tentacules. Ce système
vasculaire a été décrit sommairement
par M. Délie Chiaje , et avec plus
d'exactitude par M. Grube (6).
Le premier de ces naturalistes a
représenté un sac folignien (ou sac de
Poli) , très grand, comme étant appendu
sous la hase des tentacules; et suivant
M. Grube, il v aurait deux de ces ré-
servoirs accolés à la partie antérieure
du tube digestif. Mais M. T. Williams,
qui a étudié plus récemment la struc-
ture de ces Animaux, assure qu'il
n'existe aucun organe de ce genre, et
que c'est la disposition variqueuse des
troncs vasculaires qui en avait imposé
à ses prédécesseurs (c).
J'ajouterai que chez les Bonellies,
comme chez les Échiures, dont j'ai eu
déjà l'occasion de parler (d), il y a un
système vasculaire. encore plus simple
qui paraît être formé sur le même
plan que celui des Siponcles, sauf
l'absence des vésicules dont il vient
d'être question. Ainsi, M. Schmarda
y a trouvé un vaisseau sous-cutané
longitudinal qui accompagne le cor-
don nerveux ganglionnaire, qui four-
nit des branches à droite et à gauche,
et qui antérieurement se divise en
deux troncs pour suivre les bords de
l'appendice proboscidiforme dont l'ex-
trémité céphalique de ces Animaux
est garnie. Un autre tronc longitudi-
nal naît de deux branches marginales
(a) Heusinger, Anatomische Untersuchung ùber Comalula mediterranea (Zeitschrift fur die orga-
nische Physik, Bd. III, p. 373).
— Miiller, Ueber den Bau des Pentacrinus caput-Medusse (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1841,
p. ï'-36, pi. 5, fig. 12).
(6) Délie Chiaje, Mem. sulla storia degli Anim. senza vertèbre di Napoli (1823, vol. I, p. 13,
pi. 1 , fig. 6).
— E. Grube, Yersuch e'mer Anatomie des Sipunculus nudus ( Miïller's Archiv fur Atiat. und
Physiol., 1837, p. 248 etsuiv., pi. 11, fig. 1-5).
(c) Williams, On the Blood Proper and Chylaqweous FLuid of Invertebrate Animais (Philos.
Trans., 1852, p. 608).
(d) Voyez ci-dessus, page 278.
CHEZ LES ÉCH1N0DERMES. SOI
§ 24. — On voit donc qu'il nous reste beaucoup à apprendre
au sujet de la disposition anatomique et des fonctions du système
vasculaire chez les Échinodermes. Pour remplir ces lacunes, il
faudrait, d'une part , avoir recours à l'injection des vaisseaux,
afin d'en rendre le trajet bien visible et d'en découvrir les
anastomoses; mais, d'autre part , ne pas négliger l'étude des
phénomènes de la circulation chez les espèces dont les tégu-
ments présentent assez de transparence pour permettre à l'ob-
servateur de voir ce qui se passe dans l'organisme pendant
l'exercice delà vie, condition qui ne se trouve réalisée que chez
les Synaptes.
Si, comme on le pense généralement, le système vasculaire
sous-cutané, dit aquifère, est indépendant du système vas-
culaire viscéral, nous aurions ici un exemple d'organes d'irri-
gation partiels et non coordonnés. En effet, des liquides qui ne
paraissent différer en rien d'essentiel, qui semblent être tous
également aptes à entretenir le travail nutritif, et qui, par con-
séquent, méritent au même degré de porter le nom de sang,
se trouvent logés dans trois systèmes de cavités : la chambre
viscérale, les vaisseaux propres du tube digestif et de ses
annexes, et les canaux sous-cutanés, dont les appendices ambu-
lacraires et les tentacules buccaux sont des dépendances. Un
de la portion terminale du même ap- chez ces Animaux, de même que chez
pendice et accompagne le tube diges- les Échiures, il y a sur le trajet des
lif, sur lequel on aperçoit aussi un deux troncs principaux, vers le tiers
troisième tronc longitudinal qui paraît antérieur du corps, un petit renfle-
être une dépendance du vaisseau sous- ment en forme de bulbe qui paraît
cutané et qui est comparable à l'artère être dénature musculaire. Ces bulbes
intestinale des Holothuries. Enfin , ont été considérés comme des cœurs
ces gros troncs se bifurquent l'un et rudimentaires; mais jusqu'ici rien ne
l'autre à leur extrémité inférieure prouve qu'Assoient des organes d'im-
pour se ramifier dans l'appareil res- pulsion (a).
piratoire. Il est aussi à noter que
(e) Schmarda, Zur Naturgeschichte der Adria (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1852, t. H, p. i\9,
pi. 5,%. \\).
302 CIRCULATION DU SANG CHEZ LES ÉCHINODERMES.
mouvement circulatoire anime ces liquides dans chacun de ces
appareils d'irrigation , et, chez la plupart des Échinodermes,
c'est principalement par l'intermédiaire du fluide contenu dans
le système de canaux superficiels ou ambulacraires que les
relations doivent s'établir entre l'organisme et le milieu respi-
rable ambiant. Mais cette multiplicité d'agents indépendants
entre eux est loin d'être un indice de supériorité physiolo-
gique; et là où le travail irrigatoire se perfectionne, nous avons
vu la centralisation des forces s'établir, et un seul système bien
constitué prendre la place de tous ces instruments grossiers.
Telle est aussi la disposition qui se rencontre chez les Ani-
maux vertébrés dont l'étude nous occupera dans la prochaine
Leçon.
VINGT -SIXIÈME LEÇON.
De la circulation chez les Animaux vertébrés. — Appareil circulatoire
des Poissons.
§ 1. — Dans l'embranchement des Vertébrés , l'appareil de Mode
la circulation atteint un degré de perfection dont on ne connaît LvlwJk
aucun exemple dans les autres divisions du Règne animal ; mais aJ v^Ss.
dans les rangs les plus inférieurs de ce groupe , il ressemble
beaucoup à ce que nous avons déjà vu dans la classe des Anné-
lides, et, dans les premiers temps de l'existence, chez tous ces
Animaux , on y remarque des dispositions organiques qui rap-
pellent, à certains égards , le mode de structure du système
irrigatoire de beaucoup d'Invertébrés inférieurs , bien qu'à
aucune époque de la vie embryonnaire, du Vertébré, il ne puisse
être considéré comme le représentant de ce système dans un
Zoophyte , un Mollusque ou un Entomozoaire quelconque.
L'hypothèse de la formation d'une série zoologique s'étendant
depuis la Monade jusqu'à l'Homme , et résultant d'une série
d'arrêts de développement dans la réalisation du plan orga-
nique d'après lequel le corps humain se constitue, est donc tout
aussi fausse quand on l'applique à cette portion de l'économie
que lorsqu'on la présente comme l'expression des ressemblances
et des différences qui existent dans l'ensemble de l'organisme
chez tous les êtres animés. Non, l'embryologie des Animaux
supérieurs n'est pas , comme vous l'entendez répéter souvent
dans une autre École, le tableau mobile de Tanatomie comparée.
Une idée pareille ne pourrait que vous égarer dans vos études ;
mais , pour acquérir des notions justes relatives au mode de
constitution de l'appareil irrigatoire dans l'ensemble de la Créa-
nt. 20
30^ APPAREIL DE LA CIRCULATION
lion zoologique , il est plus nécessaire de tenir compte des
états transitoires de cet appareil chez les Vertébrés que chez
les Animaux inférieurs , parce que les changements qu'il subit
sont plus considérables et tendent davantage à effacer les ana-
logies primordiales qui s'y rencontrent partout.
Nous avons vu que chez la plupart des Animaux inférieurs
les lacunes ou espaces libres qui se creusent dans la substance
des tissus, ou qui sont ménagés entre les organes, jouent un rôle
très important dans la constitution du système de cavités à
l'aide duquel les fluides nourriciers se répandent dans les
diverses parties de l'économie ; mais que , chez certaines
espèces , les canaux de distribution ne sont plus des instru-
ments empruntés aux parties voisines, et se forment de toutes
pièces à l'aide de matériaux qui leur sont propres. Ce dernier
procédé organogénique paraît être pour ainsi dire exceptionnel
dans le travail de développement des Invertébrés, et ne s'est
révélé à nous d'une manière bien distincte que chez les Anné-
lides; mais, dans l'embranchement des Vertébrés, il devient
prédominant , et , si l'on s'en tenait à l'étude de ceux-ci lors-
qu'ils sont parvenus à l'état adulte, on pourrait facilement croire
qu'il n'en existe pas d'autre. En effet, pour apercevoir nette-
ment chez un Vertébré des organes d'irrigation nutritive qui
soient comparables aux lacunes sanguifères des Mollusques, des
Crustacés et des Insectes , il faut remonter aux premiers temps
de la vie embryonnaire.
Lorsque l'appareil circulatoire commence à se constituer
dans le germe du Vertébré, on voit effectivement, dans l'épais-
seur de l'espèce de disque organoplastique appelé blastoderme,
dont l'être en voie de développement est alors composé, une
multitude d'espaces de forme irrégulière qui sont limités par
la substance commune de ce blastoderme et qui sont occupés
par un liquide; bientôt ces cavités, en s'étendant, viennent à
communiquer entre elles , et lorsque, par suite de la formation
CHEZ LES VERTÉBRÉS. 305
du cœur, le liquide dont elles sont remplies est mis rapidement
en mouvement, on voit les lacs et les détroits résultant de
cet assemblage de lacunes se régulariser peu à peu ; les cou-
rants principaux semblent s'endiguer; des membranes d'un
tissu particulier se développent sur leurs bords, et forment, pour
les contenir, des tuyaux à parois indépendantes des tissus
d'alentour. En un mot, on voit se produire ici, par la transfor-.
mation de ces lacunes en tubes, un système vasculairc compa-
rable , sous ce rapport , au système circulatoire de la plu-
part des Animaux inférieurs. Mais ce travail organogénique ne
donne jamais des résultats analogues à ceux obtenus chez les
Invertébrés , car il s'effectue avant que les grandes cavités qui
forment la partie principale de l'appareil irrigatoire de ces der-
niers se soient constituées ; et à aucune période de la vie
embryonnaire le système ainsi obtenu ne ressemble en rien ,'
sauf son mode d'origine, au système circulatoire lacunaire ou
semi-lacunaire de l'un quelconque des Animaux inférieurs dont
l'étude a fait l'objet de nos précédentes Leçons.
Pendant que ces canaux s'établissent dans les parties péri-
phériques du blastoderme des Vertébrés, un corps particulier
de forme cylindrique se montre dans la région centrale de l'or-
ganisme en voie de développement , se creuse d'une cavité, se
renfle en manière de bulbe, acquiert des parois contractiles, et
devient le point d'origine d'un système de vaisseaux propre-
ment dits, qui envahissent peu à peu toutes les parties de l'éco-
nomie et se mettent en communication avec les précédents,
dont l'existence ne doit être que transitoire. Les courants cir-
culatoires s'établissent alors dans l'organisme naissant, et bien-
tôt le vaisseau pulsatile central dont il vient d'être question
change de forme et devient chez tous les Vertébrés ordinaires
un cœur bien caractérisé (1).
(1) J'exposerai avec détail le mode cœur lorsque je traiterai du dévclop-
de formation de ces vaisseaux el du peinent de l'embryon des Vertébrés;
300 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Appareil § 2. — Mais il est un Vertébré chez lequel l'appareil vascu-
circubtoire ^.^ ^ jjeu ^ gyjjjj. cefje dernière métamorphose, continue
rAmphyoxus. ^ ge développer d'une manière plus uniforme, et prend ainsi
beaucoup de ressemblance avec le système circulatoire des
Annélides les plus élevés en organisation. C'est l'Amphyoxus ,
que j'ai déjà eu l'occasion de citer comme étant le représentant
le plus dégradé du type zoologique dont dérivent tous les Ver-
tébrés. Chez ce singulier Animal, la circulation s'opère à l'aide
d'un ensemble de vaisseaux sanguins assez complexe; mais la
division du travail ne s'établit pas nettement entre les agents
d'impulsion et les organes de distribution; il n'y a pas de cœur
proprement dit, et le sang est mis en mouvement par les
parois des vaisseaux eux-mêmes , qui , sur beaucoup de points,
se dilatent et deviennent contractiles. Il y a donc ici une multi-
tude de bulbes vasculaires pulsatiles très analogues à ceux que
nous avons rencontrés chez divers Annélides : les Eunices ,
par exemple; mais il n'y a pas de réservoir central agissant à
la manière d'une pompe foulante: il n'y a pas de cœur propre-
ment dit, ou, si l'on voulait donner ce nom aux portions dila-
tées et contractiles des tubes irrigatoires, il faudrait dire que
chez l'Amphyoxus il existe une centaine de cœurs répartis sur
divers points du trajet circulatoire. Effectivement, on en trouve
non-seulement à chacun des troncs principaux du système
vasculaire, mais aussi à la base de chacune des branches qui
longent les arcs pharyngiens dont se compose l'appareil respira-
toire, et, ainsi que nous l'avons déjà vu, le nombre de ces arcs
s'élève, chez les individus adultes, à plus de cinquante paires (1).
(1) C'est principalement aux obser- serves dans l'alcool, il leur avait été
valions de M. J. Millier que l'on doit impossible de se former des idées
la connaissance de l'appareil circula- justes à ce sujet, tandis que-M. Millier,
toire de VAmphyoxus. Plusieurs na- en observant au microscope de jeunes
turalistes s'étaient occupés avant lui individus à l'état vivant, a pu voir
de l'anatomie de ces Animaux; mais tous les principaux courants sanguins,
n'ayant étudié que des individus cou- à raison de la grande transparence
CHEZ LES VERTÉBRÉS. 307
Par cela seul que chez l'Amphyoxus l'appareil circulatoire
est dépourvu d'un organe central d'impulsion , on ne saurait
appliquer aux divers vaisseaux constitutifs de ce système les
noms ^artères et de veines ; car ces mots, créés pour la dési-
gnation des tubes sanguifères qui partent du cœur ou qui y arri •
des tissus (a). Ce dernier auteur dé-
signe sous le nom de cœur artériel
un gros vaisseau longitudinal qui oc-
cupe ta ligne médiane et longe en
dessous la grande cavité branchiale
ou pharyngienne, qui présente dans
toute son étendue un calibre uniforme,
et qui se contracte d'arrière en avant.
De chaque côté ce vaisseau inférieur
donne naissance à des branches ascen-
dantes (ou artères branchiales, Mill-
ier) qui remontent le long des arcs
branchiaux correspondants, et qui pré-
sentent à leur base un renflement
contractile ou bulbe qui mériterait le
nom de cœur tout aussi bien que le
tronc médian dont il vient d'être ques-
tion. Chez les jeunes individus, on voit
environ vingt-cinq de ces bulbilles de
chaque côté de l'appareil respiratoire,
mais chez les adultes il y en a cin-
quante ou davantage. A l'extrémité
antérieure de la chambre branchiale,
le vaisseau médian inférieur (au cœur
artériel) se bifurque et forme deux
arcs ascendants contractiles que
M. Mulier assimile aussi à des cœurs
(herzartige Âorlenbogeri). Ces crosses,
auxquelles cet auteur applique égale-
ment le nom de ductus Botati, se
réunissent au-dessus de la bouche
pour s'anastomoser avec un autre tronc
médian dorsal (Aorte, Millier) qui
longe la voûte de la cavité respira-
toire et communique probablement
avec l'extrémité supérieure des vais-
seaux branchiaux.
A son extrémité postérieure, le
vaisseau pharyngien inférieur, ou cœur
artériel, se recourbe et se continue
ensuite avec un autre tronc médian
qui est également contractile et qui
occupe la face supérieure de la portion
de l'appareil digestif appelée caecum
hépatique ;M. Millier lui donne le nom
de cœur de la veine cave. Enfin, à la
face inférieure du même caecum de
l'intestin, se trouve un autre tronc
médian dont les parois sont également
contractiles ; aussi M. Millier y donne-
t-il le nom de cœur de la veine porte.
En résumé, nous voyons donc que
tous les gros troncs du système vascu-
laire sont des organes d'impulsion, et
qu'aucun d'entre eux ne constituant
un réservoir contractile, ne mérite
réellement le nom de cœur. La systole
de ces différents vaisseaux se fait suc-
cessivement et ne se renouvelle que
lorsque l'ondée de sang, ainsi mise en
mouvement, a accompli le cercle cir-
culatoire tout entier. Le liquide est
poussé d'arrière en avant dans le vais-
seau pharyngien inférieur et passe de
là dans le vaisseau pharyngien supé-
rieur ou aorte, en traversant de bas en
(a) iliiller, l'eber den Bau und die Lebenserscheinungen der Brancliiosloma Lunibricum (Costa),
Amplivoxus lanceolatus (Yarrcl), 1844, p. 29, pi. 5, fig. 1.
— Voyez aussi Quairefages , Mém. sur l'Amphyoxus ( Voyage en Sicile , I. II, p. 12, pi. 13,
fig. i ).
ordinaires.
308 APPAREIL DE LA CIRCULATION
vent, ont une signification précise : ils impliquent des rapports
anatomiques qui n'existent pas ici, et ils n'ont aucune liaison avec
la nature du sang qui traverse telle ou telle portion du cercle
irrigatoire (1). Il est aussi à remarquer que tous les vaisseaux
sanguifères de l'Amphyoxus paraissent, avoir la même structure
et jouir des mêmes propriétés. La division du travail physiolo-
gique ne s'est pas encore introduite dans l'appareil circulatoire
de cet Animal, bien que déjà la direction du courant soit devenue
constante et que le même conduit ne serve pas tour à tour au
passage du fluide nourricier en sens contraire, ainsi que cela
se voit chez divers Invertébrés inférieurs.
caractères §3- — Mais, chez tous les Vertébrés ordinaires, les choses
de E™areii ne se passent pas de la sorte , et, avant même que le mouve-
îes vSébrés ment circulatoire se soit établi, l'organisme se trouve pourvu
d'un cœur ou réservoir sanguin qui, agissant à la manière d'une
pompe foulante , chasse le sang dans une portion du cercle
vasculaire et se remplit avec le fluide contenu dans l'autre por-
tion de ce même cercle irrigatoire. Ce cœur devient le centre
d'action de tout le système hydraulique, lors même que certains
haut les deux crosses, et probablement supérieurs, ce sont des artères qui
aussi la série des vaisseaux bran- portent le sang veineux du cœur au
chiaux. Dans le vaisseau sous-hépa- poumon, de même qu'elles portent le
tique (ou cœur de la veine porte , sang artériel du premier de ces or-
Miillér), le courant s'établit d'arrière ganes à toutes les parties de l'écono-
en avant, et les contractions de ce mie, et que ce sont des veines qui
vaisseau alternent avec celles du vais- rapportent le sang artériel de l'appareil
seau intestinal (ou veine cave, Millier). respiratoire aussi bien que le sang
Enfin, il existe encore d'autres veines veineux de l'ensemble de l'organisme
qui côtoient l'aorte dorsale, mais vers le cœur. Appliquer le nom d'ar-
dont les connexions n'ont pas été net- tères à tous les vaisseaux qui portent
tement constatées. Il est aussi à noter le sang artérialisé, ou celui de veines
que les contractions des gros troncs a tous ceux contenant le sang qui n'a
sont très-énergiques et te renouvol- pas encore respiré, serait donc dé-
lent dans chacun de ces vaisseaux, à tourner ces expressions de leur véri-
environ une minute d'intervalle. table acception et faire naître une
(1) En efi'et, nous avons déjà vu confusion inutile,
que chez l'Homme et tous les Animaux
CHEZ LES VERTÉBRÉS. 309
troncs de distribution continuent à être contractiles, et. y vien-
nent encore en aide pour mettre le sang en mouvement. Par
conséquent , chez tous les Vertébrés ordinaires , de même que
chez l'Homme, c'est-à-dire chez les Mammifères, les Oiseaux,
les Reptiles , les Batraciens et les Poissons proprement dits ,
l'appareil circulatoire se compose de trois parties principales ,
un cœur, des artères et des veines.
§ h. — Le cœur occupe toujours la région inférieure ou P°silion
sternale du tronc, et se trouve placé en arrière du pharynx et
au-dessous de la portion œsophagienne du canal alimentaire ,
soit dans le voisinage de la tête quand celle-ci n'est pas séparée
du tronc par un cou plus ou moins allongé , comme chez les
Poissons, soit à une distance assez grande de l'extrémité cépha-
lique dans la portion thoracique de la cavité splanchnique ,
lorsque la forme générale du corps entraîne un refoulement des
viscères vers l'arrière du tronc, ainsi que cela se voit chez les
Mammifères, chez les Oiseaux et même chez les Reptiles. Le
volume de cet organe est toujours assez considérable et ses
parois sont garnies d'une couche épaisse de fibres charnues.
Intérieurement il est divisé en deux ou plusieurs cavités, et offre
la forme d'un sac musculaire qui serait suspendu à la voûte
d'une loge particulière à l'aide des gros vaisseaux par l'inter-
médiaire desquels il est en rapport avec le reste de l'appareil
circulatoire.
La chambre cardiaque se constitue de bonne heure dans péricarde,
l'embryon par l'écartement des parties dont le cœur est entouré,
et le tissu organoplastique aux dépens duquel toutes ces parties
se développent se modifie d'une manière particulière à la sur-
face de la lacune ainsi constituée, et y donne naissance à une
membrane analogue à celle dont toutes les grandes cavités du
corps se tapissent, soit chez les Vertébrés, soit chez les Animaux
inférieurs. Cette tunique prend ici le nom de péricarde, et elle
s'étend sur la surface extérieure du cœur aussi bien que sur
310 APPAREIL DE LA CIRCULATION
P
les parois de la chambre qui loge ce viscère, de façon à y for-
mer une double enveloppe. Chez quelques Poissons, la cavité
ainsi constituée communique avec la poche péritonéale qui
tapisse l'abdomen (1) ; mais cette disposition est exceptionnelle,
et chez les Mammifères , les Oiseaux , les Reptiles, les Batra-
ciens et même chez tous les Poissons osseux ordinaires, le sac
péricardique est complètement fermé.
Chez les Poissons, des brides s'étendent souvent entre le
feuillet cardiaque et le feuillet externe de cette double tunique,
de façon à fixer le cœur par divers points dans la cavité qui le
renferme. On trouve des filaments analogues chez quelques
(1) Moni'o a découvert chez la Raie
un prolongement infunclibuliforme
qui part de la partie postérieure du
sac péricardique, et se divise bientôt
en deux tubes membraneux dont les
parois adhèrent à l'œsophage et dont
l'extrémité débouche dans la cavité de
l'abdomen. A raison de l'obliquité de
ces canaux, les liquides ne passent pas
de la cavité du péritoine dans le péri-
carde, mais ils suivent facilement la
direction inverse (a).
Meckel a constaté l'existence d'une
disposition analogue chez plusieurs
espèces de Raies, chez la Torpille, le
Marteau, l'Ange et divers Squales, de
sorte qu'il la considère avec raison
comme étant commune à tout l'ordre
des Plagioslomes (b).
M. Baer a trouvé que chez l'Estur-
geon il y a aussi une communication
entre le sac péricardique et la cavité
abdominale (c). Les Chimères présen-
tent le même caractère, et il est à
noter que chez ces Sturioniens, le
conduit péricardique est simple au
lieu de se bifurquer, comme cbez les
Plagiostomes.
Enfin, chez les Ammocètes, une
large fente établit de chaque côté cette
communication d'une manière encore
plus directe, et le péricarde ne semble
être qu'un appendice du péritoine (d);
mais lorsque le développement de ces
Poissons s'achève, cet orifice se ferme,
car chez les Lamproies le péricarde
est complètement clos (e).
Chez les Myxines, le péricarde com-
munique également avec la cavité du
péritoine par un large orifice situé à
droite, près de la dernière blanchie,
et allant déboucher dans l'abdomen, à
côté du col de la vésicule biliaire (/).
(a) Monro, The Structure and Physiology of Fishes explained, p. 23, pi. 2, n" 22 et 23, et
pi. 18, fïg. 1, n- 10 et 11.
(6) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 24G.
(c) Baer, Zweiter Bericht von der Anstalt in Kœnigsberg, 1819, p. 34.
(Y) Mùller, Vergleichende Anatomie der Myxinoiden {Mém. de l'Acad. de Berlin, 1839, p. 138,
publié en 1841).
(e) Meckel, loc. cit.
(f) Millier, Op. cit., p. 177 et suiv.
CHEZ LES VERTÉBRÉS. 31.1
Reptiles (1); mais, chez les Vertébrés supérieurs, des adhérences
de ce genre ne s'établissent que dans l'état pathologique , et
les deux surfaces en rapport sont non-seulement lisses, mais
lubrifiées par un liquide séreux qui en facilite le glissement
quand le cœur, en se contractant , change de forme et de
position.
La structure du péricarde est semblable à celle de la plèvre
et des autres membranes séreuses. On y distingue une couche
superficielle formée de tissu épithélique pavimenteux et une
(1) Ces brides, dont l'existence a
été signalée vers le milieu du xvne siè-
cle par Severini (a), sont particulière-
ment développées et nombreuses chez
les Esturgeons ; elles ressemblent à
des ligaments et vont s'attacher prin-
cipalement à la région antérieure du
ventricule (6).
Chez la grande Lamproie, on en
trouve ordinairement trois : une s'é-
tend entre le péricarde et le ventri-
cule; une autre se fixe à l'oreillette,
et la troisième, qui est très large et
ressemble moins à un ligament, se dé-
tache de la veine cave et se porte
en avant entre le ventricule et l'oreil-
lette, pour se terminer antérieurement
par un bord libre (c). Chez la Lam-
proie de rivière, ces brides sont très
grêles et échappent facilement à l'ob-
servation.
Chez les Poissons osseux, elles sont
moins communes, mais ne manquent
pas toujours; ainsi, elles ont été ob-
servées chez Y Anarrichas lupus par
Broussonnet (d); chez le Congre (Mu-
rœna conger), par Tiedemann (e), et
chez le Cobitis fossilis, ainsi que chez
l'Anguille et plusieurs autres Muré-
niens , par Meckel (/) ; mais elles
n'existent pas chez les Myxines, où
ce dernier anatomiste avait cru en
voir (</).
Des adhérences filiformes entre le
cœur et le sac péricardique se remar-
quent aussi chez les Chéloniens (h), et
paraissent exister constamment dans
l'ordre des Sauriens. Elles se retrou-
vent aussi chez beaucoup d'Ophi-
diens (*).
Chez les Oiseaux et les Mammifères,
des brides de ce genre n'existent pas
dans l'état normal.
(6)
Marcus Aurelius Severinus, Zootomia democratica, p. 169 (1045).
Baer, loc. cit., p. 32.
Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 241.
Carus, Traité d'anatomie comparée, t. II, p. 220.
Meckel, loc. cit., p. 240.
Broussonnet, Observ. sur le Loup marin (Mém. de l'Acad. des sciences, 1785, p. 169).
Tiedemann, Anatomie des Fischherzens, p. 5 (1809).
Meckel, Op. cit., p. 237.
Millier, Vergl. Anat. der Myxinoiden (Acad. de Berlin, 1839, p. 178).
Bojanus, Anat. Test. Europ., p. 152.
Meckel, Op. cit., p. 297.
Meckel, Op. cit., p. 300.
312 APPAREIL DE LÀ CIRCULATION
couche profonde composée de filaments de tissu élastique qui
adhère d'une part à la surface du cœur, d'autre part aux or-
ganes circonvoisins (1). Chez les Poissons, il tapisse une
cavité particulière qui est située au-devant de l'abdomen et
séparée de celui-ci par une cloison tendineuse à laquelle on
donne souvent le nom de diaphragme (2). Chez les autres Ver-
(1) Chez quelques Poissons, l'union
entre le feuillet externe ou pariétal du
péricarde et les parois de la chambre
cardiaque est si intime, que plusieurs
anatomisles n'en ont pas reconnu la
présence. Ainsi Perrault a cru que
cette poche manquai t chez le Squale(a) ,
et Vicq d'Azyr ne l'a aperçue chez
aucun Poisson cartilagineux (b); mais
l'erreur commise par ces auteurs a été
rectifiée par Cuvier (c).
Dans quelques cas très rares, le pé-
ricarde parait avoir avorté dans son
développement chez les Animaux su-
périeurs, et même chez l'Homme.
Ainsi, les auteurs qui ont écrit sur
l'anatomie pathologique signalent l'ab-
sence de cette membrane chez quel-
ques individus (d).
La couche fibreuse du péricarde est
très mince, mais bien distincte, et se
continue avec la tunique externe des
gros vaisseaux sanguins à l'aide des-
quels le cœur est comme suspendu.
Elle est plus développée dans la por-
tion pariétale de cette double tunique
que dans la portion réfléchie qui
adhère à la surface du cœur.
Chez les Batraciens , la couche épi-
thélique, dont la surface libre du pé-
ricarde est garnie , porte souvent des
cils vibratiles. D'après M. Mayer, ces
filaments se trouveraient chez les
Urodèles aussi bien que chez les Ba-
traciens Anoures ; mais M. Leydig
n'en a pas vu chez la Salamandre ter-
restre et le Protée, et il pense qu'ils
n'existent que chez les Anoures (e).
(2) La chambre cardiaque des Pois-
sons, qu'on appelle quelquefois le tho-
rax de ces animaux, est située immé-
diatement en arrière des branchies,
dans l'angle rentrant que les arcs
hyoïdiens postérieurs forment en gé-
néral dans la région sous-pharyn-
gienne.
Chez les Lamproies, les parois de
cette chambre branchiale sont formées
par une capsule fibro- cartilagineuse
qui termine en arrière l'espèce de
charpente externe dont l'appareil bran-
chial est pourvu (/").
(a) Terrault, Description anatomique d'un Renard marin (le Squalus vulpes, Lin.), Mêm, pour
servir à l'histoire des Animaux, t. I, p. 123.
(b) Vicq d'Azyr, Deuxième Mémoire sur l'anatomie des Poissons ( Œuvres, t. V, p. 198 et
218).
(c) Cuvier, Anatomie comparée, 2" édit. , t. VI, p. 33G.
(d) Baillie, On the Want of a Pericardium in the Human Body (Trans. of a Soc. for the
Improvem. ofMcd. and Chirurg. Knowledge, t. I, pi. 91).
— Breschet, Mém. sur un vice de conformation congénitale des enveloppes du caïur (Répertoire
général d' anatomie, t. I, p. 212).
(e) Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 412 (1857).
(f) Voyez Born, Observ. anat. sur la grande Lamproie ( Anii. des sciences nat., 1828, t. XIII,
pi. l.fig. 1).
CHEZ LES VERTÉBRÉS. SI 3
tébrés, cette poche membraneuse se trouve entre les poumons,
vers la partie antérieure de la chambre viscérale commune ou
dans l'étage supérieur de cette cavité, là où le thorax est dis-
tinct de l'abdomen. Chez les Oiseaux, elle adhère aux sacs
aériens circonvoisins (1), et , chez les Mammifères, elle est en
rapport avec les deux cloisons membraneuses qui dépendent
des plèvres et qui constituent le médiastin (2).
§ 5. — Nous avons vu, dans les Leçons précédentes , que cœur.
chez les Animaux Invertébrés le cœur reçoit toujours du sang
artériel et pousse ce liquide dans le système de vaisseaux chargés
de le distribuer dans toutes les parties de l'organisme où la
nutrition s'effectue. Chez les Vertébrés, il n'en est pas de même :
le cœur a pour fonction invariable d'envoyer directement le
sang à l'appareil respiratoire ; c'est seulement quand sa struc-
ture se complique et se perfectionne qu'il se trouve en rapport
direct avec le système artériel général. Il est, avant tout, un
cœur veineux, et le rôle qu'il remplissait toujours dans les
autres embranchements du "Règne animal est ici une annexe qui,
dans certaines classes, vient s'ajouter à son mode d'action
constant.
(1) L'espace ainsi circonscrit con- paiement à la portion fibreuse de ce
stitue ce que Cuvier appelait la cellule muscle qui porte le nom de centre
du cœur (a) , mais ne communique phrénique (c). En avant, elle est unie
pas avec les réservoirs aériens , et à la partie moyenne du sternum par
se trouve seulement accolé à ceux- du tissu conjonctif , et en arrière
ci (6). elle est séparée de la colonne verte -
(2) Ainsi, chez l'Homme, la cham- brale par l'œsophage, et les autres
bre limitée par le feuillet externe ou organes contenus dans le médiastin
pariétal #du péricarde a la forme postérieur; enfin, latéralement, elle
d'un cône dont la base est tournée en est en rapport avec les plèvres, qui la
bas, et adhère au diaphragme, princi- séparent des poumons.
(a) Cuvier, Anatomie comparée, t. VII, p. 42G.
{b) Voyez Sappey, Recherches sur l'appareil respiratoire des Oiseaux, pi. 4, fig. 3.
(c) Voyez tome II, page 407.
Mk APPAREIL DE LA CIRCULATION
Perfectionnera. La partie essentielle du cœur de l'Animal vertébré, celle qui
successifs
de cet organe ne manque jamais, est le ventricule veineux et sa pompe d'ali-
chez Jgs divers
vertébrés, mentation constituée par l'oreillette correspondante, où vien-
nent déboucher les grosses veines du corps. Le service irriga-
toire de l'appareil de la respiration se trouve donc assuré de
prime abord; et chez un grand nombre de ces Animaux, la dis-
tribution du sang artériel dans les diverses parties de l'écono-
mie, ou la circulation générale, n'est qu'une conséquence secon-
daire du flux du sang dans les vaisseaux de la petite circulation.
Mais lorsque l'organisme se perfectionne, l'impulsion imprimée
à ce liquide se renouvelle après son passage dans les poumons,
et le sang artériel, reçu dans une oreillette particulière, est lancé
directement dans le système artériel de la grande circulation
par les contractions du cœur. Ce résultat s'obtient d'abord par
voie d'emprunt, car c'est le ventricule veineux qui est alors
chargé de ce surcroît de travail ; mais bientôt une seconde
pompe ventriculaire vient s'ajouter au système d'organes mo-
teurs constitué par le cœur, et l'on voit alors réunis dans un
même organe quatre cavités contractiles qui forment en quel-
que sorte deux cœurs : un cœur artériel et un cœur veineux.
Il en résulte que l'appareil circulatoire affecte chez les Ver-
tébrés proprement dits trois formes principales.
L'un de ces types est caractérisé par l'existence d'un cœur
qui se compose de deux cavités seulement, et qui ne reçoit que
du sang veineux. Il appartient essentiellement à la classe des
Poissons.
Le second type se reconnaît à l'existence d'un cœur à trois
cavités, savoir : deux oreillettes et un ventricule où le sang
artériel et le sang veineux viennent se mêler pour être distri-
bués ensuite dans les artères de la grande et de la petite circu-
lation, mode de structure qui appartient exclusivement aux
Batraciens et aux Reptiles.
Enfin, le troisième type diffère des deux précédents par
CHEZ LES VERTÉBRÉS. 315
l'existence de quatre cavités cardiaques, la séparation complète
entre la portion artérielle et la portion veineuse du cœur, dis-
position qui fait passer le sang deux fois dans cet organe d'im-
pulsion pour compléter le cercle circulatoire, et l'indépendance
des vaisseaux qui naissent des deux ventricules , mode d'or-
ganisation par suite duquel tout mélange entre le sang rouge
vermeil qui a subi l'action de l'air, et celui qui est devenu noi-
râtre par l'effet de son emploi dans le travail nutritif, est
rendu impossible.
Cette dernière forme de l'appareil circulatoire est propre aux Résumé
Oiseaux et aux Mammifères, et c'est pour exprimer ces diffé- ces différences.
renées que les zoologistes appellent ces animaux des Vertébrés
à circulation double et complète, tandis qu'ils appellent les Pois-
sons des Vertébrés à circulation simple, et les Reptiles, des
Vertébrés à circulation double et incomplète (1).
On rencontre aussi dans cet embranchement quelques for-
mes intermédiaires, soit transitoires, soit permanentes, et
l'étude de ces passages d'un type organique à un autre est très
importante lorsqu'on veut se former une idée générale des
procédés employés par la Nature pour constituer l'appareil cir-
culatoire des Animaux vertébrés. Nous y accorderons donc une
attention sérieuse. Mais ce sont les trois formes dominantes
dont nous aurons à nous occuper principalement, et afin d'en
faciliter la description, je ne traiterai en ce moment que des
Poissons, renvoyant à la Leçon prochaine tout ce qui est relatif
aux Batraciens et aux Reptiles, et réservant l'étude des organes
(1) Ces expressions ne doivent pas vient de l'une des moitiés du système
être prises dans un sens rigoureux, et circulatoire n'est pas envoyée dans
doivent signifier seulement qu'en fai- l'autre moitié; enfin, que chez les
sant le tour du cercle irrigatoire, le Mammifères et les Oiseaux, la totalité
sang ne passe qu'une fois dans le du sang artériel et la totalité du sang
cœur chez les Poissons; que chez les veineux traversent le cœur sans se
l«eptiles il y passe en partie deux fois, mêler,
mais que la totalité du liquide qui re-
316 APPAREIL DE LA CIRCULATION
circulatoires des Oiseaux et des Mammifères pour une autre
séance.
Appareil §6. — Dans la classe des Poissons , les veines qui rap-
circulatoire „iai • i t . • n /•
des Poissons, portent le sang noir des diverses parties du corps se reunissent
à la partie antérieure de l'abdomen pour constituer un grand
réservoir ou sinus à parois membraneuses. Chez les Poissons
osseux, ce sinus est appliqué contre la cloison postérieure de
la chambre cardiaque ; mais chez les Plagiostomes il est logé
dans le péricarde (1), et, chez les uns comme chez les autres,
il débouche dans l'oreillette du cœur. Enfin, l'orifice auricu'lo-
veineux qui établit cette communication est souvent garni de
valvules disposées de façon à empêcher le reflux du sang (2).
cœur. Le cœur des Poissons, comme je l'ai déjà dit, se compose
essentiellement de deux sacs contractiles : une oreillette et un
ventricule; mais on y trouve aussi presque toujours, à la sortie
de cette dernière cavité, un autre réservoir appelé le bulbe
(1) Ainsi, chez la Raie, ce sinus est (-) Cet orifice est pourvu de deux
disposé transversalement à la partie valvules semi-lunaires chez la Carpe {d),
postérieure du sac péricardique («). la Perche (e), la Truite (/"), VOrthra-
Chez la Perche, au contraire, le ré- goriscus , la Baudroie, les Plagio-
servoir veineux précardiaque est placé stomes, l'Esturgeon, etc., mais en est
entre le péricarde et la cloison dia- dépourvu chez beaucoup de Poissons
phragmalique qui sépare !a chambre osseux (g).
cardiaque de la cavité abdominale. Un Chez les Ables (Leuciscus) et quel-
orifice pratiqué au milieu de sa paroi ques autres Poissons , ces valvules
antérieure le fait communiquer avec sont pourvues de fibres musculaires
roreillelte (6J. La position du sinus striées , et Ton remarque sur leurs
veineux est la même chez les Salmo- bords des prolongements en forme
nés (c). d'ampoules simples ou multiIobées(/i).
(a) Voyez Monro, The Struct. and Physiol. ofFishes, pi. 2, 11° 38.
(6) Guvier, Histoire des Poissons, 1. 1, p. 5H, pi. 7, fig. t.
(c) Agassiz et Vogt , Anat. des Salmonés, pi. K, fig. 2 (extrait des Mémoires dé la Société des
sciences naturelles de Neufchdtel, 1845, t. III).
(d) Owen, Lectures on the Comparative Anatomy and Physiology of the Vertébrale Animais
Fishes, p. 256.
(e) Duvernoy, Œuvres anatomiques , t. II, p. 470, pi. 0, fig. 3.
(f) Cuvicr, loc. cit.
(a) Agassiz et Vogt, Op. cit., p. 111.
(h) Lcydig, Lehrbuch der Histologie, p. 411,- fig. 163.
CHEZ LES POISSONS. 317
artériel, dont le jeu est plus ou moins semblable à celui des
deux précédents (1). Le sang, en sortant du sinus dont il vient
d'être question, traverse donc trois chambres cardiaques dis-
tribuées en enfilade, et reçoit dans chacune de ces cavités une
nouvelle impulsion qui le dirige vers l'appareil respiratoire.
Chez l'embryon, ces trois réservoirs, séparés par des étrangle-
ments, sont placés sur une même ligne droite (2), et quelquefois
ils conservent, à peu de chose près, cette position chez l'adulte (8);
mais, en général, les progrès du développement amènent un mou-
vement de rotation dans le cœur, et l'oreillette vient chevaucher
au-dessus du ventricule ou même. au-dessus du bulbe, et oc-
cupe la partie supérieure ou dorsale de cet organe au lieu d'en
constituer l'extrémité postérieure [h). Néanmoins les relations
(1) Ce bulbe manque chez les Cy- nectes rhombus), la moitié antérieure
clostomes (a), de l'oreillette recouvre la moitié pos-
|(2) Nous étudierons le mode de dé- térieuredu ventricule (e).
veloppement de cet organe lorsque Chez le Gymnarchus, il n'y a aussi
nous nous occuperons spécialement de que la moitié antérieure de l'oreillette
l'embryologie, et je me bornerai ici à qui s'avance de la sorte, mais elle re-
indiquer quelques figures où la dispo- couvre la presque totalité du ventri-
sition indiquée ci-dessus se trouve re- cule (/).
présentée (b). Chez la Carpe, l'oreillette est située
(3) Par exemple , chez les Myxi- sur la même ligue transversale que le
noïdes (c) et chez quelques Poissons ventricule, au-dessus et à gauche de
osseux, tels que le Scorpœnascrofa(d). cet organe [g).
(4) Ainsi, chez la Barbue {Pleuro- Chez la Perche (h), la Truite (i), la
(a) Miiller, Vergl. Anat. dér Myxinoiden (Acad. de Berlin, 1839, p. 192).
(6) Voyez : Rathke, Bildungs-und Entiuickelungs-Geschichte des Blennius viviparus (Abhandl.
zur Bild. und Entw. Gesch. der Menschen und Thiere, t. II, pi. 3, fig. 29, 33).
— De Filippi, Memoria sulla Sviluppo del Ghiozzo d'aqua dolce (Gobius fluviatilis) , pi. 1,
fig. 1 1 (extrait des Ann. unit), di medicina, 1841). — Sunto di alcune osseri). sulV embryologie/,
de Pesci, pi. 1, fig. 2 et 3 ; pi. 2, fig. 3, etc. (extrait du Giornate deli Islituto Lombardo, 1845,
t. XII).
— Vogt, Embryologie des Salmonés, pi. 4, fig. 89, 91, etc. (extrait de V Histoire naturelle des
Poissons d'eau douce de l'Europe centrale, par Agassiz).
— Quatrefages, Mém. sur l'embryologie des Syngnathes (Ann. des sciences nat., 1842, 2" série,
t. XVIII, pi. 7, fig. 1 et 3).
(c) Miiller, Vergl. Anat. der Myxinoiden, pi. 7, fig. 6, et 3° partie, pi. 2, fig. 6).
(d) Tiedemann, Anatomie des Fischherzens, pi. 2, fig. 20.
(e) Tiedemann, Op. cit., pli 2, fig. 23.
(/") Duverney, Note sur le Gymnarchus niloticus (Ann. des sciences nat., 3e série, t. III, pi 5>
fig. 6).
(g) Tiedemann, Op. cit., pi. 4, fig. 51 et 52.
(h) Cuvier, Histoire naturelle des Poissons, t. I, pi. 8, fig. 2, 7 et 8.
(I) Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmonés, pi. A, fig. 3.
o!8 APPAREIL DE LA CIRCULATION
physiologiques ne changent pas, et toujours c'est l'oreillette qui
reçoit d'abord le sang veineux et qui le transmet au ventricule,
d'où ce liquide passe dans le bulbe pour pénétrer ensuite dans
le système artériel,
oreillette. L'oreillette est en général plus volumineuse que les autres
parties constitutives du cœur, et déborde le ventricule de
chaque côté. Sa forme varie, et ses parois, minces et mem-
braneuses, sont garnies de faisceaux musculaires disposés en
manière de trame et faisant quelquefois saillie dans son inté-
rieur (1) ; mais sa cavité est toujours simple, et des vestiges
d'une cloison ne s'y observent que chez le Lepidosiren, animal
qui tient du type du Batracien plus encore que du type caracté-
ristique du Poisson (2) . L'orifice auriculo-ventriculaire en occupe
Lotie (et), et beaucoup d'autres espèces, de l'appareil locomoteur ; ils se rami-
l'oreillette s'avance davantage et che- fient et s'anastomosent souvent entre
vauche aussi sur le bulbe artériel. • eux ; enfin ils ne sont séparés que par
Enfin, il est d'autres Poissons où, très peu de tissu connectif intermé-
ce mouvement s'exagérant encore (la- diaire (/").
vantage, l'oreillette se trouve placée (2) Chez le Lepidosiren annectens,
entièrement ou presque entièrement l'oreillette est simple comme chez les
au-devant du ventricule et au-dessus Poissons ordinaires (g), mais chez le
du bulbe : chez les Raies (b) , les Lepidosiren paradoxa elle est divisée
Squales (c), YEsox Bellone [d), et l'Om- en deux loges par une cloison in'com-
bre ou Salmo thijmallus, Lin. (e), par plète qui est composée de faisceaux
exemple. musculaires entrecroisés. L'oreillette
(1) Chez les Poissons, de même que gauche est en communication avec les
chez les autres Vertébrés, le lissu mus- veines pulmonaires , tandis que la
culaire du cœur se compose de fibres droite reçoit les veines caves. Il y a
striées, et les faisceaux primUifs for- donc chez cet Animal deux oreillettes,
mes de ces fibres sont plus grêles et mais la cloison qui les sépare est, pour
plus granulés que dans les muscles ainsi dire, à claire-voie, et laisse par-
fa) Tiedemann, Anatomie desFischherzens, pi. 2, fig. 18.
(6) Monro, Struct. of Fishes, pi. 1 , %. 4.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 1, iîg. 1 ; pi. 2, fig. 6, elc.
(c)Idem, ïbid., pi. 2, fig. 9.
(d) Idem, ibid., pi. 3, fig. 30, 31.
(e) Idem, ibid., pi. 3, fig. 34 et 35.
(f) Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 410.
(g) Owen, Description of the Lepidosiren annectens (Trans. of the Linnean Society, vol. XVIII,
p. 34 4).
CHEZ LES POISSONS.
319
d'ordinaire le plancher, et porte des valvules dont le jeu empêche
tout passage rétrograde du sang (1).
Le ventricule a des parois charnues très épaisses. 11 a, en
général, la forme d'une pyramide dont la base est dirigée en
avant (2) ; ses fibres musculaires sont disposées sur deux plans
lout un passage assez facile d'une ca-
vité clans l'autre (a).
(1) Ces valvules sont en général au
nombre de deux, ainsi que cela se
voit chez la Perche (b) ; mais chez la
Raie , il y en a trois (c) ; et chez
VOrthragoriscus on en trouve quatre,
dont deux plus grandes et deux acces-
soires (d). Le plus ordinairement elles
ont les bords libres et sont semi-
lunaires; mais quelquefois des brides
charnues qui naissent des parois du
ventricule viennent s'y fixer. Ce mode
d'à 'tache se voit chez la Perche (e),
mais est plus développé chez l'Estur-
geon.
Chez les Squales, l'orifice auriculo-
ventricnlaire est garni d'un voile val-
vulaire unique très délicat, dont le
bord libre est attaché à son pourtour
par plusieurs points (/').
M. J. Davy compte six valvules au-
riculo-ventriculaires chez la Tor-
pille (g).
(2) Le cœur des Poissons présente
des formes très variées. Le ventricule
est globuleux chez l'Or thragoriscus {h},
l'Esturgeon (*') , la grande Roussette
(ou Scyllium canicula) (j), etc. ; ova-
laire chez la Baudroie, les Myxines,
les Bciellostomes (k); pyriforme chez
le Lépisostée (l) et le Polyptère (m) ;
en forme de losange chez le Bro-
chet (n), chez la Haie ronce (o), etc. ;
chez le Requin , il est au contraire
presque deux fois aussi large que
long (p).
M. Tiedemann a remarqué qu'en gé-
néral il existe une certaine ressem-
blance entre la forme du cœur et les
proportions du corps du Poisson (q),
mais cette règle souffre de nombreuses
exceptions (r).
Le ventricule et le bulbe offrent chez
fa) Hyrll , Lepidosiren paradoxa Monographie (Mém. de VAcad. de Bohême, 1845, 5e série,
t. V, p. 638, pi. 1, fig. 3).
(6) Voyez Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 8, fig. 7.
(c) Tiedemann, Anat. des Fischherzens, pi. 1, fig. 4, etc.
(d) Voyez Wellenberg, Observ. anat. de Orthragoriseo mola, fig. 4.
(e) Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, p. 512.
(/") Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 341.
(g) J. Davy, Exp. and Obs. on the Torpédo (Research., Phijsiol. and Anat,, t. I, p. 91).
(h) Wellenberg, Op. cit., fig. 4.
(i) Tiedemann, Anatomie des Fischherzens, pi. 2, fig. 12.
(j) Idem, ibid., Op. cit., pi. 2, fig. 9.
(ft) Miiller, Vergleichende Anatomie der Myxinoiden (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1839,
pi. 2, fig. 5).
(Z) Mûlier, Ueber den Ban und die Grenzen der Ganoiden, pi. 2, fig. 1 , et pi. 3, fig. 1 (Mém. de
l'Acad. de Berlin, 1844).
(m) Miiller, Op. cit., pi. 3, fig. 2.
(n) Tiedemann, Op. cit., pi. 4, fig. 46.
(o) Idem, ibid., pi. 1, fig. 1.
(p) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 206.
(q) Tiedemann, Op. cit., p. 18.
[r) Voyez Meckel, loc. cit.
Ventricule
du cœur.
III.
21
3b20 APPAREIL DE LA CIRCULATION
qui sont souvent très nettement séparés entre eux (!) et for-
ment intérieurement des colonnes charnues assez puissantes.
Sa cavité se contourne pour communiquer en dessus et en
arrière avec l'oreillette, en avant et en dessous avec le bulbe (2).
l'Esturgeon une disposition très sin-
gulière .qui en masque pour ainsi dire
la forme. La surface de cette portion
du cœur est garnie d'une vingtaine
de lobes arrondis qui sont séparés
entre eux par des sillons profonds
et qui ont un aspect spongieux.
Leur structure paraît être très vascu-
laire , et ils ne communiquent pas
avec l'intérieur de l'organe. Plu-
sieurs anatomistes considèrent ces
appendices comme étant de nature
glandulaire [a), et Meckel a cru pou-
voir les assimiler à un thymus (6). On
y trouve des fibres mêlées à beaucoup
de cellules nucléolées et une espèce de
lymphe contenant des granules (c).
Du reste, on ne sait rien de précis
relativement à leurs usages.
(1) La séparation entre les deux
couches musculaires du venlricule est
si marquée chez quelques Poissons,
qu'il semble y avoir une cavité acces-
soire dans l'épaisseur de ses parois.
Celte disposition a été constatée pour
la première fois par Dœllinger chez
des Cyprins, et cet anatomiste consi-
déra l'espèce de sac ainsi formé
comme étant le représentant du ven-
tricule droit du cœur des Vertébrés
supérieurs (d), opinion qui a été adop-
tée par Eschscholtz (<?), mais qui ne
paraît pas être fondée, ainsi que nous
le verrons quand nous étudierons le
mode de développement de cet or-
gane. Ce dédoublement de la tunique
musculaire a été observé aussi par Oli-
vier chez l'Espadon (/'), par M. Halhke
chez le Brochet (g), et par Meckel
chez le Saumon, etc.; mais, ainsi que
le font remarquer ces derniers anato-
mistes, elle dépend souvent d'une al-
tération cadavérique, et durant la vie,
il paraît y avoir presque toujours des
adhérences faibles entre les deux cou-
ches musculaires en question (/i).
(2) Chez le Lepidosiren paradoxa,
la cavité du ventricule est divisée par-
(a) Valsalva (Morgagni, Epistolœ anatomicœ, XV, art. 2, t. II, p. 70).
— Kuhl, Beilrâge zur Zoologie und vergleich. Anal., 1820, p. 138.
— Koelreuier, Observ. splanchnologicie ad Acipenseris rutheni anatomen spécialités (Novi
Comment. Acad. Petrop., 1771, t. XVI, p. 511, pi. 14, fig-. 1).
— Baer, Bericht von der Anat. Anst. zu Kœnigsberg, 1819.
— Carus, Tab. Anat. comp. illustr., pars VI, pi. 4, fig1. 4.
(b) Meckel, Analomie comparée, t. IX, p. 218.
(c) Stannius, Handb. der Zootomie, 2° édit., 1. 1, p. 238.
— Leydig-, Anatomische histologische Untersuchurigen ûber Fische und Heptilietij p. 35.
(d) Dœllinger, Ueber dan eigentlichen Bau des Fischherzens (Wetterauer Annalen , 1811,
t. II, p. 311, 24).
(e) Eschscholtz, Ueber die Bildung der rechten Herzkammer (Beitruge zur Naturkunde ans den
Ostsee-Provinzen Busslands von Pander, Dorpat, 1820, p. 148, pi. 2, fig. 7).
(f) Cuvier, Histoire des Poissons, 1. 1, p. 512.
(g) Ràlhke, Ueber die Herzkammer der Fische (Meckel's ArcMv fût die Physiol., 1826, t. 1;
p. 152.
(h) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 210.
- — Ralhke, loc. cit.
— Cuvier, loc. cit.
CHEZ LES POISSONS. 321
Le volume du ventricule, comparé à celui du corps de l'Ani-
mal, varie beaucoup chez les divers Poissons, et, d'après les
observations recueillies par Broussonnet, Tiedemann et Mec-
kel, il paraîtrait y avoir, en général, un certain rapport entre le
développement de cet organe et l'activité du travail respiratoire
ou le degré de puissance de l'appareil locomoteur. Ainsi, chez
les Poissons volants, qui, de tous les Animaux de cette classe,
sont ceux dont les mouvements musculaires sont les plus ra-
pides et les plus violents, le cœur, dépouillé de ses parties
accessoires, représente à peu près les ~ &n P°ids total du
corps, tandis que chez la Carpe et les autres Cyprins, ce viscère
ne constitue qu'environ -^ du même poids (1).
Le bulbe, ou chambre antérieure du cœur, consiste en un Buibe artériel.
renflement de la base du gros vaisseau qui naît du ventricule
tiellement en deux loges par une
cloison charnue qui part de sa base et
se dirige vers l'orifice auriculo-ven-
triculaire, mais ne l'atteint pas, et se
termine sur un tubercule fibro-carli-
lagiueux auquel se fixent aussi quel-
ques brides venant de la cloison auri-
culaire (a).
Il est aussi à noter que chez quel-
ques Poissons des brides charnues en
très grand nombre occupent Tinté-
rieur du ventricule et peuvent même
diviser incomplètement sa cavité en
deux étages , disposition qui a été
constatée chez les Trigles et quelques
autres espèces par Treviranus ; mais
les compartiments ainsi formés n'ont
rien de particulier clans leurs fonc-
tions et ne méritent en aucune façon
les dénominations de ventricule droit
et de ventricule gauche qui leur ont
été données par cet anatomiste distin-
gué (b).
(1) Les pesées faites par la plupart
des anatomistes sont peu comparables
entre elles, parce que tantôt l'intestin
avait été vidé ainsi que l'ovaire, tan-
dis que d'autres fois, l'abdomen était
plus ou moins chargé d'œufs ou de
matières alimentaires. Mais les re-
cherches de Meckel , qui paraissent
avoir été faites avec assez de soin,
tendent à montrer que les variations
dans le volume du cœur se lient à
certaines différences, soit dans l'âge,
soit dans la manière de vivre des
Poissons. Pour plus de détails à ce
sujet, on peut consulter la Monogra-
phie de M. Tiedemann (c) et VAnato-^
mie comparée de Meckel.
(a) Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Académie de Bohême, 1845, t. V, p. 639, pi. i, %. 3),
(b) Treviranus, Beobach. iiber die Organe des Blulumlaufs und einige andere, damit in Ver-
bindung stehende Theile bel den Âmpftibïeh, Fischen und Wirbellosenthieren (Beobachlungen
aus der Zootomie und Physiologie, 1839, t. I, p. 7, pi. 2, fig. 10 à 13).
(c) Anatomie des Fischhei'xens, p. (3.
322 APPAREIL DE LA CIRCULATION
et qui se dirige en avant. Le volume de cette troisième chambre
cardiaque est moins considérable que celui des deux autres ;
quelquefois même elle ne se développe pas (IV; mais, en
général, elle est pyriforme. Ses parois sont garnies de fibres
musculaires assez puissantes chez quelques Poissons ; chez la
plupart, cependant, elles ne présentent guère que des faisceaux
de tissu élastique, et c'est à raison de son élasticité plutôt que
de ses contractions actives que ce réservoir pousse le sang en
avant pendant que le ventricule est en repos (2).
(1) Ainsi que je l'ai déjà dit, le
bulbe manque chez les Cyclostomes.
Duvernoy a trouvé que chez la Chi-
mère arctique le bulbe artériel manque
également, ou plutôt n'est représenté
que par une légère dilatation de la
portion correspondante de l'artère qui
sort du cœur pour se rendre aux bran-
chies (a).
Chez les Plagiostomes, le bulbe est
caractérisé par la structure muscu-
laire de ses parois ; mais en géné-
ral il est cylindrique et à peine
élargi (b). Chez les Cyprins, au con-
traire, il est très renflé (c).
('2) M. Briïcke a publié récemment
des observations intéressantes sur la
structure intérieure du bulbe aortique
de divers Poissons, et il pense qu'en
général les parois de ce réservoir ne
sont pas pourvues de fibres muscu-
laires.
Celles-ci sont bien caractérisées
chez l'Esturgeon et impriment au
bulbe des mouvements de contraction
indépendants de ceux du cœur ; mais
chez les Poissons osseux le bulbe aor-
tique, après s'être laissé fortement dis-
tendre par le sang au moment de la
systole du ventricule, revient seule-
ment sur lui-même et ne paraît pas
avoir une tunique charnue bien déve-
loppée. Les fibres élastiques qui revê-
tent intérieurement ses parois sont
disposées en faisceaux entrecroisés et
font plus ou moins saillie dans son
intérieur ; quelquefois ils acquièrent
un très grand développement et y
constituent un tissu caverneux. Celle
disposition est très marquée dans les
genres Cyprinus, Tinca, Abramis et
Chondrostoma (cl) ; elle l'est aussi,
mais à un moindre degré, dans les
genres Barbus et Leuciscus (e) ;chez la
plupart des Poissons, et notamment
chez le Brochet et le Silure (f) , la
[a) Duvernoy, Sur deux bulbes artériels faisant fonction de cœurs accessoires, qui se voient
dans les artères innommées de la Chimère arctique (Ann. des sciences nat., 2e série, t. VIII,
p. 38, pi. 3 A, fig. 2).
(6) Voyez les figures du cœur de divers Squales ou Raies, dans la Monographie de Tiedemann
(Anat. des Fischher zens, pi. 1 et 2).
(c) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 4, fig. 52 et 55.
(d) Briicke, Beitrdge sur vergleichenden Anatomie und Physiologie des Gefciss -System, (Deuk-
schriften der Akad. der Wissenschaften au Wien, 1 852, t. III, p. 265).
(e) Briicke, loc.cit., pi. 25, lig. 21.
(/') Idem, ibid., pi. 25, lig. 18 et 19.
CHEZ LES POISSONS. 323
Enfin, l'orifice qui en forme l'entrée est pourvu de valvules
qui sont disposées de façon à empocher le reflux du sang (1), et
souvent on trouve des replis analogues à l'extrémité antérieure
de ce réservoir contractile, ou même dans presque toute sa
longueur.
Le premier de ces modes d'organisation est dominant chez
les Poissons osseux ordinaires; le second ne s'ohserve que chez
les Plagiostomes et les Poissons dont M. Agassiz a formé un
ordre particulier sous le nom de Ganoïdes (2). Mais il est à
structure des parois du bulbe est au
contraire assez simple.
M. Leydig a trouvé que chez les
Poissons Ganoïdes , les Chimères, les
Plagiostomes et les Lepidosiren , de
même que chez les Batraciens , le
bulbe est pourvu de fibres musculaires
striées ; tandis que chez les Poissons
osseux cet organe ne paraît avoir que
des fibres musculaires lisses dont les
contractions sont toujours lentes et ne
se produisent pas d'une manière rhytb-
mique (a).
(1) Ces valvules ventriculo-aorti-
ques manquent chez le Lepidosiren
paradoxa (6). Elles sont formées par
des replis de l'endocarde , et chez les
Ganoïdes et les Squales elles sont ren-
forcées par des fibres élastiques logées
dans leur épaisseur (c).
(2) M. 3. Millier, qui a été le premier
à appeler l'attention des naturalistes
sur ce caractère anatomique des Ga-
noïdes, le considère comme étant ab-
solu (d). Mais M. Vogt a trouvé que
l'appareil valvulaire du bulbe est
simple chez diverses espèces très
voisines de VAmia, où ces valvules
sont cependant multiples (e).
Chez la plupart des Poissons osseux
il n'existe qu'une seule paire de ces
valvules à l'entrée du bulbe arté-
riel. Ce sont deux replis semi-lunaires
de la tunique interne du cœur , dont
la concavité est dirigée en avant et
dont les bords libres se rencontrent
lorsque le sang les pousse vers le ven-
tricule. M. Tiedemann a donné de très
bonnes figures de ces organes chez la
Carpe et le Salmo hucho (f).
M. Millier a dressé une liste assez
longue des espèces où ce caractère
anatomique a été constaté (g).
Chez le Poisson lune [Orthragoriscus
mola), le cercle valvulaire se compose
de quatre replis semi-lunaires, dont
deux grands et deux petits (h).
Evrard Home a avancé que chez la
(a) Leydig, Handbuch der Histologie, p. 410.
(6) Hyrtl, Lepidosiren paradoxa (Mém. de l'Acad. de Bohême, t. V, p. 639).
(c) Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 112.
(d) Miiller, Mém. sur les Ganoïdes (Ann. des sciences nat., 1845; 3* série, t. IV, p. 13).
le) Vogt, Observ. sur les caractères qui servent à la classification des Poissons Ganoïdes (Ann.
des sciences nat., 1845, t. IV, p. 60).
If) Voyez Tiedemann', Op. cit., pi. 4, fig. 54 et 18.
(g) J. Miiller, Op. cit., p. 16.
(h) Wellenberg, Observ. anat. de Orthragorisco mola, pi. 25, fig. 4.
3"2^ APPAREIL DE LA CIRCULATION
noter que lorsque ces valvules sont très nombreuses, ainsi que
cela se voit chez le Lépisostée, où l'on en compte quinze, leurs
bords se correspondent moins exactement que là où il n'y en a
Baudroie (Lophius piscatorius) le
bulbe n'est pas organisé de la même
manière que chez les autres Poissons
osseux (a) ; mais les observations de
Hunter (6) et de Meckel (c) contredi-
sent ses assertions à ce sujet.
Dans l'ordre des Plagiostomes, les
valvules du bulbe sont multiples. Chez
quelques Poissons de ce groupe, il en
existe deux rangées, composées cha-
cune de trois replis semi-lunaires, et
placées, l'une à l'entrée, l'autre à la
sortie de cette dilatation artérielle.
Cette disposition se voit chez divers
Squales , tels que le Milandre, ou
Gallus communis (d), et la petite Rous-
sette „ ou Scyllium catulus (e) ; mais
dans d'autres espèces de la même fa-
mille, l'appareil valvulaire se com-
plique davantage, et ces appendices
membraneux forment trois cercles
placés à la file. Ce dernier mode d'or-
ganisation se voit chez la grande Rous-
sette , ou Scyllium canicula (f) , et
le Requin renard , ou Carcharias
vulpes (g).
Chez le Marteau (Zygœna malleus) ,
il y a aussi trois rangées de val-
vules ; mais celles de la rangée posté-
rieure sont au nombre de cinq, tan-
dis que celles des autres rangées sont,
comme d'ordinaire , au nombre de
trois (h).
11 est aussi à noter que chez les Pla-
giostomes le bord antérieur de ces val-
vules présente d'ordinaire un petit
renflement en forme de bouton, et
qu'une bride tendineuse s'étend sou-
vent de ce bord vers la partie anté-
rieure des parois du bulbe, de façon
à maintenir plus solidement ces replis
dans une position normale à l'axe du
canal, lorsque le sang tend à les re-
fouler en arrière.
Dans la famille des Raies, le nom-
bre des valvules devient en général
plus considérable. Quelquefois il
n'existe que trois rangées de ces re-
plis semi-lunaires: chez la Torpille (?'),
et le Céphaloptère (j), par exemple.
Mais en général il y en a davantage réu-
nis en trois ou quatre rangées, comme
dans les genres Hexanthus , Heptan-
chus , Centrophorus et Trygon (le) ;
chez les Raies proprement diles, il en
existe cinq rangées, comme cela se
(a) Home, Philos. Tram., 18] 3, p, 234.
(b) Voyez Catalogue of the Physiolog. Séries of Comp. Anat. of tlie Mus. of the Collège of
Surgeons, vol. H, p. 36.
(c) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 235.
(d) Hunter, voyez Catal. of the Mus. of the Coll. of Surgeons, t. Il, p. 39.
(e) Meckel, Op. cit., t. IX, p. 229.
(f) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 2, fig. 10.
{g) Meckel, Op. cit., t. IX, p. 229.
(h) Idem, ibid., p. 230.
(i) 1. Davy, Experiments and Observations on the Torpédo (Researches , Physiologie al and
Anatomical, t. 1, p. 91).
(j) Hunter, loc. cit., p. 38.
(k) Owen, Lectures on the Comp. Anat. ofVertebr. Animais : Fishes, p. 257.
CHEZ LES POISSONS.
325
qu'une seule paire, et par conséquent elles remplissent moins
bien leurs fonctions.
Il est aussi à noter que le cœur reçoit des filets nerveux
provenant, soit des rameaux pharyngiens des pneumogastriques,
soit du sympathique (1).
voit chez la Raie commune, ou Rata
rubus (a), et la Raie blanche, ou Baia
balis (b).
Enfin, c'est parmi les Poissons Ga-
noïdes que le nombre des valvules du
bulbe est le plus variable et s'élève le
plus haut.
Chez I'Estdrgeon (Acipenser stu-
rio) il existe trois cercles valvulaires
qui sont composés ordinairement de
quatre valvules chacun (c) ; mais quel-
quefois on trouve cinq valvules à la
rangée antérieure (d), etl'existence de
quatre rangées a été constatée chez le
Sterlet (ou Acipenser ruthenus) (e).
Chez le Polyodon, ou Spatularia, il
y a trois rangées de valvules, comme
chez l'Esturgeon (/).
Chez I'Amia, l'entrée du bulbe aor-
tique est garnie de deux rangées de
valvules sigmoïdes ; l'un de ces cercles
est composé de six valvules, l'autre de
cinq. Enfin, l'extrémité antérieure du
bulbe est garnie de deux rideaux mus-
culaires qui tiennent lieu d'une troi-
sième rangée de valvules (g).
Chez le Polypterus, M. Millier a
trouvé dans l'intérieur du bulbe trois
séries longitudinales composées cha-
cune de neuf valvules, et chez le
Lépisostée le même naturaliste a
compté cinq séries longitudinales de
huit valvules chacune (h). Il est aussi
à noter que ces valvules sigmoïdes sont
garnies de freins, excepté celles de la
rangée antérieure, qui sont les plus
développées.
Le Lepidosiren paradoxa s'éloigne
des Poissons par la structure du bulbe
aortique aussi bien que par l'existence
de deux oreillettes et d'un commen-
cement de division dans la cavité du
ventricule. En effet, cette portion ba-
silaire de l'aorte est contournée en
spirale et présente dans son intérieur
deux replis longitudinaux disposés de
la même manière, qui se rencontrent
par les bords et qui tendent à diviser
sa cavité en deux canaux, dont l'un
est en rapport avec les vaisseaux pul-
monaires, l'autre avec la portion bran-
chiale du système artériel qui en
part («). Nous verrons bientôt que
chez les Batraciens celte disposition se
perfectionne davantage.
(1) Ces nerfs s'anastomosent avec un
ganglion situé au bord de la valvule
auriculaire, et forment dans les parties
(a) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 1, fig1. 5.
(b) Meckel, Anatomie comparée, p. 231.
(c) Carus, Baer, Meckel,
(d) Hunier, Calai, of the Mus. of the Collège of Surgeons, t. II, p. 38.
(ei Kœlrcuter, Oïserv. splanch. in Aapenseris rulheni anat. (Novi Comment. Acad. Pelrop.,
t. XVI, p. 524, pi. 14, fig. 5).
(f) Yogi, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3° série, t. IV, p. 60, pi. 9, ûg. 2).
(g) J. Wùller, Ueber den Bau und die Grenzen der Canoiden , pi. 5, fig. 2 (Mém. de Berlin
pour 1844).
(h) Mùler, Mém. sur les Ganoïdes (Ann. des sciences nat., p. 14).
(i) Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Bohême, 1845, t. V, p. 640).
326 APPAREIL DE LA CIRCULATION
syst&me § 7. — Le cœur ainsi constitué donne naissance à un gros
vaisseau médian qui se dirige en avant, et qui est le tronc d'ori-
gine de tout le système artériel. Chez le Poisson adulte, il est
assez difficile de saisir au premier abord la disposition de
l'ensemble de cette portion de l'appareil circulatoire ; mais ,
chez l'embryon , cela est au contraire fort aisé, et la connais-
sance des modifications qui s'y effectuent par les progrès du
développement facilite singulièrement l'étude, non- seulement
de l'angiologie dans cette classe, mais aussi des rapports que
les vaisseaux de ces Animaux peuvent avoir avec ceux des
Vertébrés supérieurs. En effet , le système artériel affecte
d'abord la même disposition chez tous ces êtres, et c'est seule-
ment par suite des progrès du travail organique que les par-
ticularités propres aux divers types secondaires de ce grand
embranchement zoologique s'y manifestent. Cela est si vrai
que, pour acquérir les notions dont nous avons besoin en ce
moment, nous pourrions choisir comme exemple le système
vasculaire naissant d'un Reptile, d'un Oiseau ou d'un Mammi-
fère aussi bien que celui d'un Poisson, et que tout ce que je
vais dire de ce dernier est également applicable aux autres.
Mode Ainsi, chez l'embryon du Poisson, de même que chez celui
dedu05tèmè°n du Poulet, du Chien ou du Lapin (1), on voit d'abord naître de
a0chez"e l'extrémité antérieure du cœur un tronc vasculaire qui a reçu
le nom d'aorte ascendante, et qui se divise à droite et à gauche
voisines du cœur un réseau très leraent de l'organogénie des Verté-
viche (ff). brés, et je me bornerai à indiquer
(1) Nous reviendrons sur l'étude du ici quelques-unes des figures où l'on
développement des vaisseaux sanguins, peut voir la disposition décrite ci-
lorsque nous nous occuperons spécia- dessus (6).
{a) Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 413.
(&) Voyez : Baer, Untersuchungen ûber die Entwickelungsgeschichte der Fische, -1835, fig. 20
et 22.
— Rathke, Bildungs-und Entwiekehmgs-Geschichte des Blennius viyiparus (Abhandlungen %ur
Bildungs-und Entw. Gesch. des Menschen und Thiere,t. II, pi. 3, fig. 22-24).
— Vogt, Embryologie des Salmones (Histoire naturelle des Poissons d'eau douce d'Europe,
par Agassiz, pi. 3, fig. 71, 72, 86 ; pi. h, fig. 90 et 91).
l'embryon.
CHEZ LES POISSONS. 327
en un certain nombre de branches courbées en forme de crosses
ou d'arcs. Ces branches se portent en dehors , contournent
le tube digestif, et se réunissent ensuite au-dessus de cet organe,
de façon à former de chaque côté du corps du jeune embryon en
voie de formation un tronc récurrent qui va s'anastomoser avec
son congénère pour constituer, sur la ligne médiane, un vaisseau
impair situé du côté dorsal du canal alimentaire. Cette artère se
dirige d'avant en arrière, fournit des branches aux diverses
parties de l'organisme, et porte le nom d'aorte dorsale. Ainsi
la portion aortique du système artériel se compose de trois
parties : un tronc d'origine, ou aorte ascendante; un tronc
récurrent, ou aorte dorsale, et deux séries d'arcs, ou crosses,
qui réunissent ces troncs entre eux et qui sont à la fois les
branches du premier et les racines du second.
Chez quelques Poissons dont l'étude nous occupera bientôt
d'une manière plus spéciale, les crosses aortiques postérieures,
ou arcs vasculaires les plus rapprochés du cœur, ne subissent
aucune transformation ultérieure, et garnissent, chez l'adulte,
le bord inférieur des derniers arcs branchiaux. Mais chez tous
les Animaux de cette classe, plusieurs de ces branches transver-
sales, et, en général, même toutes, ne tardent guère à se garnir
de ramuscules qui se répandent dans les feuillets pectiniformes
dont l'appareil branchial se compose, et alors la communica-
tion entre la portion cardiaque des crosses aortiques et la por-
tion dorsale ou abdominale de ces mêmes crosses cesse d'être
directe , et n'a lieu que par l'intermédiaire du réseau capillaire
des branchies.
Il en résulte que dans la forme typique de l'appareil circulatoire Aorîe
1 «/ii i j. ascendante,
des Poissons, la première portion du système aortique ne dis- ™
tribue le sang que dans les branchies, et constitue un tronc ra- 1)rancliiale-
meux auquel les anatomistes donnent le nom d'artère branchiale.
§ 8. — Les variations qui s'observent dans la disposition
de cette portion cardio-branchiale du système artériel dépendent
328 APPAREIL DE LA CIRCULATION
toutes, soit du nombre des crosses aortiques, soit de l'indé-
pendance ou de la centralisation plus ou moins grande de ces
vaisseaux vers leur origine.
Arcs aoriiques, Les crosses aortiques se constituent successivement d'avant
en arrière, et l'on en compte jusqu'à sept paires (1); mais
il est rare que tous ces vaisseaux aient une existence perma-
nente, et, le plus ordinairement , les premiers formés s'atro-
phient et disparaissent avant que les derniers se soient bien
constitués; enfin d'autres fois quelques-uns de ceux-ci pa-
raissent avorter, de sorte que, chez l'Animal parfait, le nombre
de ces arcs vasculaires ne dépasse que rarement quatre ou cinq
paires (2).
arlères
branchiales
propres.
(1) En les désignant sous des numé-
ros d'ordre , je compterai par consé-
quent d'avant en arrière, et ce seront
les arcs aortiques les plus rapprochés
du cœur qui porteront les numéros
les plus élevés,
(2) L'existence de sept paires d'arcs
aortiques dans l'embryon des Poissons
osseux a été constatée chez la Brème
(Abrarnis Blicca) par M. von Baer. Le
premier correspondait au premier arc
hyoïdien, c'est à-dire aux cornes de
l'hyoïde du Poisson adulte; les quatre
suivants reposaient sur les quatre
paires d'arcs branchiaux; le sixième
appartenait à l'arc pharyngien, et le
septième embrassait la partie posté-
rieure du pharynx, un peu en arrière
des précédents (a).
M. Vogl n'a distingué que six paires
de ces arcs aortiques chez l'embryon
de la Truite palée, et la crosse hyoï-
dienne correspondante aux cornes de
l'hyoïde, qui avait été la première à
paraître, s'était atrophiée avant la for-
mation des crosses postérieures qui
correspondaient aux os pharyngiens.
Puis cette dernière paire d'arcs vascu-
laires s'est atrophiée à son tour, et le
nombre des crosses aortiques s'est
trouvé réduit à quatre paires (6).
Chez l'embryon des Lamproies, on
voit très distinctement les sept paires
d'arcs vasculaires d'abord à l'état de
crosses simples, puis se garnissant la-
téralement de franges capillaires pour
constituer les branchies (c). Là ces
vaisseaux suivent donc tous une mar-
che ascendante dans leur développe-
ment, et arrivent également à la forme
typique ; tandis que chez les Poissons
osseux, le premier et les deux der-
niers ont un mode de développement
récurrent, et finissent par disparaître
pendant que les quatre intermédiaires
se perfectionnent.
(a) Baer, Uiitersuchungen iiber die EnUvickelungs-Geschichte der Fische, p. 27.
(b) Vogt, Embryologie des Salmones, p. 226 (Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de
l'Europe centrale, par Agassiz, 1842).
(C) M. S. Schulize , Die Entwickelungs-Geschichte von Petromyzon Planeri , pi. 5, %. 3, et
pi. 6, fig. 1 (Natuurkundlge Verhandelingenvan de Hollandsche Maatschappij des Wetenschappen
te Harlem, 4 856).
CHEZ LES POISSONS.
329
Effectivement, dans la grande division des Poissons osseux,
chaque arc branchial reçoit un de ces vaisseaux, et en général
le tronc dont ceux-ci naissent ne fournit pas d'autres bran-
ches (1). Il y a par conséquent quatre paires de crosses ou
artères branchiales propres.
Chez les Plagiostomes, ou Sélaciens, ordre dans lequel le
nombre des branchies est plus considérable, on compte toujours
cinq paires de ces mêmes artères.
Enfin, dans l'ordre des Cyclostomes, il en existe six ou sept
paires (2).
(1) Chez les Esturgeons et les au-
tres Poissons de la division des Ga-
noïdes, où il existe à la face interne
de l'opercule une branchie acces-
soire {a), le Lépisoslée, par exemple,
on trouve l'analogue de la première
paire d'artères branchiales propres
des Plagiostomes, tandis que ces vais-
seaux manquent chez les Poissons
osseux ordinaires. 11 y a par consé-
quent, chez ces Ganoïdes, cinq paires
de crosses comme chez les Plagio-
stomes (6).
Il est aussi à noter que chez le Po-
lypterus bison(c) et le Spatularia(d),
qui prennent place dans le même
groupe zoologique, mais qui n'ont pas
de branchie accessoire, la disposition
du système vasculaire est encore la
même. En effet, M. Mùller a constaté
l'existence d'une branche artérielle
qui se détache de chacune des artères
branchiales propres de la première
paire pour se rendre à l'opercule, et
qui représente soit l'artère de la bran-
chie accessoire des Esturgeons, soit
la crosse aortique antérieure chez les
Sélaciens.
La Chimère arctique présente aussi
cinq paires d'artères branchiales pro-
pres (e).
(2) Chez le Pricka (Pteromyzon
fluviatilis) (/], et chez le Edellostoma
heterosoma , il y a sept de ces vais-
seaux d'un côté, et six seulement de
l'autre ((/).
Chez le Myxine glutinosa, il n'y en
a que six paires (h).
On en trouve également six paires
chez les Lepidosiren (?').
(a) Voyez tome II, p. 237.
(b) Millier, Ueber den Bau und die Grenzen des Ganoiden (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1844,
p. 133, pi. 2, fig. 1.
(c) Millier, Fernere Bemerkungen ùber den Bau der Ganoiden (Bericht der Acad. der Wissensch.
m Berlin, 1846, p. 69 et suiv.).
(d) Mùller, Ueber den Ban und die Grenzen der Ganoiden, pi. 5, fig. 3.
(e) Duvernoy, Note sur deux bulbes artériels, etc. (Ann. des sciences nat., 1837, 2« série,
t. VIII, pi. 3, fig. 2).
. (f) Railike, Bemerkungen ilber den innern Bau der Pricke, pi. .3, fig. 38 (1825).
{g) Voyez Mùller, Vergleichende Anatomie der Myxiwidcn, pi. 7, fig1. 3.
(h) Idem, ibid., pi. 7, fig'. 6.
li) Bischoff, Lepidosiren paradoxa (Ann. des sciences nat., 2e série, t. XIV, pi. 9, fig. 3).
330 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Mode Dans quelques cas , l'artère branchiale commune se bifurque
de l'artère presque aussitôt après sa naissance, et les crosses du côté droit
sont complètement séparées de celles du côté gauche ; d'autres
fois , les deux troncs longitudinaux résultant de cette bifurca-
tion ne sont distincts que dans la moitié antérieure de leur lon-
gueur, et se trouvent confondus en un vaisseau médian impair
dans leur partie postérieure ou cardiaque; mais le plus souvent
cette espèce de centralisation s'étend dans toute leur longueur,
et un seul tronc médian donne naissance à tous les arcs vas-
eulaires ou artères branchiales secondaires (1). Enfin, ces der-
nières peuvent être indépendantes dès leur origine , ou bien
se trouver d'abord réunies entre elles en nombre plus ou moins
grand, et affecter divers modes de groupement.
(1) Comme exemple de cette cen- division analogue et comme repré-
tralisation complète dont résulte un sentant un état intermédiaire entre
tronc branchial impair dans toute la les deux formes dont je viens de
longueur de la région hyoïdienne, je parler.
citerai la Myxine (a) ; tandis que chez Chez les Lepidosiren, la division
une autre espèce de la même famille , médiane de ce système de vaisseaux
le Bdellostoma helerotrema, l'artère se prolonge jusque dans le voisinage
branchiale commune n'est simple que du cœur, de sorte que le tronc aortique
dans la moitié postérieure de cette ré- basilaire ou branchial commun est
gion, et se trouve représentée anté- extrêmement court , et les arcs ou
rieurement par une paire d'artères crosses naissent presque directement
branchiales communes (6). Le mode du bulbe cardiaque (d).
d'organisation qui se remarque chez Une disposition analogue se re-
les Raies, les Squales et divers Pois- marque chez le Gymnote (e) et chez le
sons osseux , où les deux premières Gymnarchus niloticus , où le bulbe
artères branchiales propres de chaque commun donne directement naissance
côte naissent d'un tronc commun à six artères branchiales dont deux
provenant de la branchiale primi- se bifurquent de façon à constituer,
tlve ou impaire (c), peut être con- comme d'ordinaire , quatre paires de
sidéré comme une conséquence d'une ces vaisseaux {f).
(a) Miiller, Vergl. Anat. der Myxinoiden, erster Theil, pi. 7, fig. 6.
(b) Idem, ibid., pi. 7,fig. 3.
(c) Tiedemann, Op. cit., pi. 1, fig. 1 ; pi. 2, fig. 8, 9 ; pi. 4, fig. 40.
(d) Bischoff, Lepidosiren paradoxa (Ann. des se. nat., 2" série , t. XIV, pi. 9, fig. 3-5J.
(e) Délie Chiaje, Dissert suW anatom. umana comparata e pathol., t. I, pi. 46.
(f) F6rg et Duvernoy, Remarques sur l'appareil pulmonaire du Gymnarchus niloticus (yl)i?2.
des sciences nat., 1853, 3' série, t. XX, p. 154, 157, pi. 1, fig. 5 et 6).
CHEZ LES POISSONS. 331
Ainsi, chez quelques Poissons osseux, tels que les Anguilles,
toutes les crosses ou artères branchiales propres naissent sépa-
rément d'un tronc médian et impair , ou artère branchiale
commune (1).
Chez la Carpe et le Brochet, il n'en est plus de même : les
crosses des deux premières paires sont confondues à leur base,
et par conséquent l'artère branchiale commune ne donne nais-
sance qu'à trois paires de branches , savoir, les deux paires
d'artères branchiales propres destinées aux troisième et qua-
trième arcs branchiaux, et une paire d'artères branchiales in-
termédiaires qui bientôt se bifurquent pour constituer les artères
branchiales propres des deux premières paires (2).
Chez les Perches , les Saumons , les Truites et beaucoup
d'autres Poissons osseux , le nombre des divisions secon-
daires du système artériel cardio - branchial est encore le
même ; mais le mode de groupement des artères branchiales
propres est différent : celles des deux premières paires naissent
isolément, et ce sont celles des deux paires postérieures qui
(1) Ces vaisseaux, au nombre de Tarière branchiale commune, près du
quatre paires, naissent à égale dis- bulbe. Les artères branchiales propres
lance les uns des autres, et la portion de la première paire naissent beau-
indivise de l'artère branchiale com- coup plus en avant de l'extrémité an-
muneest très longue. Ghezje Chimœra térieure du tronc médian (6).
monstrosa, il y a cinq paires d'artères (2) Voyez la ligure des vaisseaux
branchiales propres qui sont toutes sanguins de la Carpe, donnée par Du-
indépendantes dès leur sortie du verney (c), et celle du cœur du Bro-
ironc médian commun (a). chet, par M. Tiedemann (cl).
Chez le Polypterus Bichir, les trois Le mode de groupement de ces
dernières artères branchiales propres vaisseaux est à peu près le même chez
de chaque côté proviennent d'un le Lépisostée.
tronc intermédiaire qui se détache de
(a)Valeirtin, Ueber lias Central-Nervensystem und die Nebenherzen der Ghimsera mousti'osa
(Mûller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1842, p. 25, pi. 2, fig. 6).
(b) Mùllcr, Ueber den Bail und die Grenzen dev GanoideniMem.de L'Acad. de Berlin, 1844,
pi. 3,fig. 2).
(c) Duverney, Œuvres analomiques, t. H, pi. 9, lig-. 18 (1761).
(d) Tiedemann, Anatomie des Fischherzens, pi. 4, fig. 46.
332 APPAREIL DE LA CIRCULATION
de chaque côté sont réunies à leur base en un tronc intermé-
diaire (1).
Enfin , chez la plupart des Poissons de la famille des Raies ,
cette jonction basilaire des crosses branchiales est portée encore
plus loin, et , bien que le nombre de ces vaisseaux soit plus
considérable, l'artère branchiale commune ne fournit de chaque
côté que deux troncs secondaires : l'un situé postérieurement
très près du bulbe aortique, et se divisant bientôt pour don-
ner naissance aux artères branchiales propres des trois der-
nières paires ; l'autre terminant le système antérieurement, el
fournissant les artères branchiales propres des deux premières
paires (2).
D'autres modifications intermédiaires se remarquent aussi
chez divers Poissons , mais n'offrent pas assez d'importance
pour que nous nous y arrêtions ici (3) .
(i) Cette disposition a été très bien (3) Ainsi, chez le Squalus mni-
représentée chez le Saumon, par cula, où, de même que chez les autres
Monro (a), et chez la Truite, par Lau- Sélaciens, il y a cinq paires d"ar-
rillard (6). tères branchiales propres , le tronc
Il est aussi à noter que chez la principal ou impair donne naissance
Truite la seconde artère branchiale à quatre paires de branches : celles
propre naît très près de l'artère de la paire antérieure se bifurquent
branchiale intermédiaire , qui fournit comme chez les Raies pour former
les artères branchiales propresdesdeux les artères branchiales propres des
paires postérieures, de façon à se con- deux premières paires ; celles de la
fondre presque avec ce vaisseau (c). paire suivante sont bien isolées à
(2) Ce mode de conformation se leur origine, mais celles des deux cler-
rencontre chez la Raie blanche (Raid nières paires naissent presque au
bâtis), dont Monro a faitl'analomie {d), même niveau , les unes au-dessus des
ainsi que chez la Raie commune (e) autres (g).
et la Torpille (f).
(a) Monro, The Structure and Physiology of Fishes, pi. 26, fis'. 1.
(6) Laurillard, Atlas des Poissons, dans la grande édition du Règne animal de Cuvier, pi. 2,
fig. 1 et 2.
(c) Voyez Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones (loc. cit., p. 116, pl.L, fig. 1).
(d) Monro, Struct. and Anat. of Fishes, pi. 1, fig. 4.
(e) Tiedeinann, Op. cit., pi. 1, fig. 1.
(f) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8.
(g) Idem, ibid., pi. 2, fig. 9.
CHEZ LES POISSONS. 333
§9. — Les artères branchiales propres suivent en général Artérioies
le bord inférieur des- arcs branchiaux correspondants, et sont "tiïSÏS!
logées dans la gouttière dont ces os sont creusés. Chemin fai-
sant , elles fournissent une double série d'artérioles destinées
aux appendices lamelliformes qui garnissent inférieurement ces
mêmes arcs ; elles diminuent de calibre à mesure qu'elles se
divisent de la sorte, et elles se terminent à l'extrémité supérieure
de l'appareil respiratoire sans y avoir aucune communication
directe avec les portions postbranchiales du système artériel.
La totalité du sang lancé par le cœur dans l'artère branchiale se
distribue donc aux feuillets branchiaux , et les artérioles qui le
contiennent forment à la surface de ces appendices un réseau
capillaire très riche à l'aide duquel la respiration s'effectue.
Ce lacis vasculaire fournit à son tour, près du bord externe de
chaque lamelle branchiale, un vaisseau récurrent qui gagne le origine
bord inférieur de l'arc branchial, et y débouche dans un système épibranchiaies,
de vaisseaux efférents à l'aide desquels le sang devenu artériel raSes
continue sa route pour gagner l'aorte dorsale et se distribuer dorsale."
dans les diverses parties de l'organisme (1). Les anatomistes
(1) Le mode de distribution des rieure de l'arc branchial, et se trouve
vaisseaux sanguins dans les feuillets par conséquent immédiatement au-
branchiaux des Poissons a été étudié dessus de la ligne de partage des deux
par Rosenthal, Dœllinger, Treviranus, séries de feuillets pectiniformes dont
M. Alessandrini, M. Hyrtl et plusieurs ces arcs sont garnis. Elle envoie à
autres anatomistes (a), chacun de ces feuillets une artériole
Chez les Poissons osseux, l'artère qui en occupe le bord interne, et qui
branchiale propre longe, comme je donne à son tour naissance à deux
l'ai déjà dit, le milieu de la face infé- séries de ramuscules. Ceux-ci s'en
(a) Rosenthal, Ueber die Structur der Kiemen (Verhandlungen der Gesellschaft Naturforschen-
dev Freunde %u Berlin, 1829, 1. 1, p. 1, pi. 1, fig. 1-4).
— Dœl'inger, Ueber die Vertheilung des Blutes in den Kiemen der Fische (ilém. de l'Acad. de
Bavière, 1837, t. II, p. 785, pi. I, ùg. 3 et 4).
— Hyrtl, Beob. aies der Gebiete der vergl. Gefdsslehre (Medicinische Jahrb. des Oesterreich.
Slaates, 1838, p. 235).
— Treviranus, Bewegung des Bluts in den Kiemen (Beobachtungen ans der Zootomie und Phy-
siologie, 1839, 1. 1, p. 8, pi. 4, flg. 17).
— Alessandrini, Observationes super intima branchianun structura Piscium cartilagineorum
{NoviComment. Acad. scient. Bonon., t. IV, p. 329).
— Agassiz et Vogt, Anat. des Salmones,p. 120, pi. 0, fig1. 1.
— Williams, Organs of Respiration (Todd's Cyclopœdia of Anat., Supplem., 1855, p. 288).
334 APPAREIL DE LA CIRCULATION
donnent en général à ces vaisseaux le nom de veines bran-
chiales, parce qu'ils sont jusqu'à un certain point comparables
aux veines pulmonaires qui, chez l'Homme et les autres Ver-
détachent presque à angle droit et
se portent parallèlement sur les deux
laces opposées du feuillet auquel ils
appartiennent, puis se divisent chacun
en deux ou plusieurs branches prin-
cipales dont les subdivisions forment
sur la surface des replis transversaux
de la membrane branchiale un lacis
de capillaires d'une grande délica-
tesse. En général, il y a une de ces
artérioles transversales pour chacun
des replis ou rides du feuillet, et, sui-
vant M. Hyrtl, ces petits vaisseaux
offriraient à leur base un renflement
bulbeux (a). Du côté opposé, c'est-à-
dire vers le bord externe du feuillet,
ce réseau vasculaire se résout peu à
peu en branches efférentes (dites vei-
neuses) qui paraissent être beaucoup
plus nombreuses que les ramuscules
artériels afférents , et qui débou-
chent dans un vaisseau situé sur le
bord externe du feuillet (b). Enfin, ce
dernier vaisseau marginal , parvenu
à la base de ces appendices , passe
sur le côté de l'artère branchiale et
va déboucher latéralement dans un
autre tronc qui marche parallèlement
à celle-ci, mais plus profondément
entre elle et l'arc branchial , et qui
est l'artère épibranchiale (ou veine
branchiale des auteurs), c'est-à-dire
le vaisseau efférent commun aux
deux séries d'appendices pectini-
formes dont la branchie se com-
pose (c).
Chez les Squales, où les deux feuil-
lets branchiaux congénères sont réu-
nis dans presque toute leur longueur
par une cloison connective , l'artère
branchiale se comporte à peu près de
même que dans les espèces précé-
dentes ; mais au lieu d'un seul tronc
efférent ou artère épibranchiale, il y
en a deux, et celles-ci se trouvent sur
les côtés de l'artère branchiale au lieu
de lui être superposées (d). 11 est aussi
à noter que les petites branches vas-
culaires qui sortent des lamelles se
réunissent par groupes de dix ou
douze pour constituer des troncs plus
gros et moins nombreux, lesquels
vont déboucher d'espace en espace
dans le vaisseau épibranchial corres-
pondant (e).
Dans VOrthragoriscus mola, où la
disposition des vaisseaux branchiaux
a été étudiée avec soin par M. Ales-
sandrini, les capillaires, au lieu de
former un réseau à mailles à peu près
quadrilatères, sont disposés en géné-
ral transversalement sur les deux sur-
faces des replis membraneux dont
chaque face des feuillets branchiaux
est garnie (/).
(«.) Hyrlt, Medicinische Jahrbûcher des Oesterreichisclien Staales, ueue Foilselz. , t. XV, 1838.
(&) Voyez Rosenthal, loc. cit., pi. 1, fig. 3.
(c) Voyez Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 8, fig. 0.
(d) Alessandrini, Op. cit. (Novi Comment. Acad. Bonon., t. IV, pi. 30, lig. 1, 2 et 3).
(ejldèm, ibid-, pi. 28 et 29.
— Alessandrini , De Piscium apparaiu respirationis, lum speciàtim Orthragorisco ( Novi
Comment. Acad. scient. Bononiensis, 1839, t. III, p. 329).
(/') Idem, ibid. (Novi Comment. Acad. scient. Bonon. , t. III, pi. 32, fig. 9).
CHEZ LES POISSONS. 335
tébrés supérieurs , reçoivent le sang après son passage dans
l'appareil respiratoire ; mais ce mode de désignation est vicieux
et doit tendre à donner une idée fausse des choses. En effet,
les vaisseaux efférents dont il est ainsi question n'ont rien de
la nature des veines et correspondent à la portion dorsale des
crosses aortiques. Ils sont en quelque sorte les racines du
système artériel général , et il me semble préférable de les
appeler artères épibranchiales.
La disposition de ces vaisseaux est assez semblable à celle
des artères branchiales propres , si ce n'est qu'ils marchent en
sens contraire et qu'ils grossissent à mesure qu'ils s'avancent
de la partie inférieure vers l'extrémité dorsale de l'appareil
respiratoire (1). Ils sont logés aussi dans le sillon creusé à la
face inférieure des arcs branchiaux, mais plus profondément,
et, lorsqu'ils sont arrivés sous la base du crâne, ils s'anasto-
mosent entre eux pour constituer les troncs d'origine de l'aorte
dorsale (2).
(1) Chez les Raies, au lieu d'un artères épibranchiales ne suivent pas
seul de ces vaisseaux épibranchiaux une marche aussi régulière, etnaissenl
accompagnant chaque artère bran- par deux branches, l'une antérieure,
chiale propre, il y en a deux qui se l'autre postérieure, qui se réunissent
réunissent en un seul tronc au mo- vers le milieu de chaque arc branchial
ment où ils sortent de l'appareil res- pour constituer un tronc ascendant,
piratoire (a). On remarque aussi chez lequel se dirige vers la base du crâne
ces Poissons des troncs anaslomoti- et va concourir à la formation de.
ques qui relient entre elles les artères l'aorte dorsale. Ceux venant des bran-
épibranchiales vers le milieu de leur ches des deux dernières paires se con-
trajet. fondent en une seule paire de racines
Chez les Myxinoïdes, ces vaisseaux aortiques, et les six vaisseaux ainsi
donnent aussi naissance à des bran- constitués se réunissent en un même
chesanastomotiqueslongiludinalesqui point pour former l'aorte dorsale,
contournent les orifices branchiaux en L'artère viscérale naît aussi de ce
forme d'anneau (6). point de rencontre des artères épi-
(2) Chç.zVOrthragoriscusmola,les branchiales.
[a) Monro, Structure and Physiology of Fishes, pi. 1 , fig. 5.
— Guider, Histoire des Poissons, 1. 1, p. 514.
(&) Miiller, Vergl. Anat. der Myxinoiden , 3e partie, pi. i , fig. 1 [Mém. de l'Acad. de Berlin
pour 1839).
m. 9 22
oob APPàREIL DE LA CIRCULATION
Disposition & 10. — La disposition que je viens d'indiquer est en général
particulière .
des commune à toutes les crosses qui établissent le passage entre
arcs aortiques
chez la portion cardiaque et la portion rachidienne du système
l'Amphipnous
etie aortique, ou, en d autres mots, entre l'artère branchiale et
Lepidosiren.
1 aorte dorsale, et chez tous les Poissons elle se rencontre
dans plusieurs de ces arcs vasculaires. Mais , dans quelques
espèces, la forme embryonnaire persiste dans une portion de
ce système de vaisseaux , et l'on rencontre quelques artères
branchiales propres qui ne se ramifient pas, et se continuent
directement jusqu'à l'aorte dorsale de façon à représenter dans
leur portion supérieure les artères épibranchiales et à ne pas
être séparées de celles-ci par un réseau capillaire, Ce sont
par conséquent des arcs aortiques simples , et nous verrons
bientôt qu'ils sont tout à fait comparables aux crosses de l'aorte
chez les Vertébrés à respiration pulmonaire.
Ainsi, chez le Cuchia du Gange (ou Amphipnous), dont j'ai
déjà fait connaître l'appareil respiratoire anormal (1), les artères
branchiales propres de la dernière paire, après avoir contourné
l'appareil hyoïdien sans y fournir aucun ramuscule , se réu-
nissent directement entre elles pour constituer sur la ligne
médiane l'aorte dorsale , tandis que les artères branchiales des
arcs antérieurs se terminent comme d'ordinaire par un lacis
capillaire respiratoire (2).
(1) Voyez ci-dessus, lome H, p. 237 postérieures, parvenues à l'extrémité
et p. 382. supérieure de l'appareil hyoïdien, se
('2) L'artère branchiale commune du recourbent en arrière, et se réunissent
Cuchia est très longue et se termine entre elles sur la ligne médiane, au-
antérieurement par trois blanches qui dessous de la dixième vertèbre, pour
sont à peu près de même calibre. Deux constituer le tronc de l'aorte dorsale,
de ces branches, qui sont paires, con- La troisième branche de l'artère bran-
slitUentles arcs vasculaires postérieurs chialc commune est impaire, et repré-
et suivent les arcs branchiaux de la sente en réalité la continuation de ce
dernière paire , lesquels, ainsi que vaisseau. Elle se porte en avant, four-
nous l'avons déjà vu, sont dépourvus hit de chaque côté des artères bran-
d'appendices pectiniformes. Ces crosses chiales propres aux arcs branchiaux
CHEZ LES POISSONS, Oo7
Un mode d'organisation analogue se rencontre chez les
Lfepidosiren , que la plupart des zoologistes rangent aussi dans
la classe des Poissons. En effet, chez ces Animaux , de même
que chez YAmphipnous, quelques-uns des arcs vasculaires qui
naissent de l'artère branchiale commune se ramifient comme
d'ordinaire à la surface des lamelles branchiales, et ne commu-
niquent avec l'aorte dorsale que par l'intermédiaire d'un réseau
capillaire dont les canaux efférents constituent les troncs épi-
branchiaux, ou veines branchiales de la plupart des auteurs ;
mais d'autres branches de celte même artère basilaire forment
des arcs continus et indivis qui débouchent directement dans
le système aortique postbranchial (1).
de la deuxième et troisième paire, qui
sont branchifères, et se termine anté-
rieurement en se ramifiant sur les po-
ches respiratoires dont les arcs bran-
chiaux de la première paire sont
garnis. De pelits vaisseaux analogues
aux artères épibranchiales ordinaires
(ou veines branchiales des auteurs) re-
çoivent le sang qui a traversé ces ré-
seaux capillaires, et vont déboucher
dans les crosses postérieures avant que
celles-ci aient quitté l'appareil hyoï-
dien pour aller constituer l'aorte (a).
(1) Chez le Lepidosiren annectens,
l'artère branchiale commune, aussitôt
sa sortie du cœur, se divise en deux
paires de gros vaisseaux qui se cour-
bent en dehors et bientôt se bifur-
quent à leur tour pour constituer ainsi
quatre paires d'artères branchiales
propres. La première de celles-ci
donne en avant une branche qui va
se ramifier dans la branchie accessoire
ou hyoïdienne, puis continue sa route
le long du bord inférieur du pre-
mier arc branchial, et va concourir
à la formation de l'aorte dorsale sans
avoir donné naissance à aucune rami-
fication branchiale. Le second arc vas-
culaire est également indivis, et se
comporte de la même manière, si ce
n'est qu'au moment de se recourber
au-dessus de l'appareil hyoïdien, il
fournil une très petite branche qui se
rend aux branchies externes. Les ar-
tères branchiales propres des deux
paires suivantes se ramifient au con-
traire dans les appendices dont les
trois derniers arcs branchiaux sont
garnis, et envoient aussi chacune un
rameau aux branchies externes. Le
réseau capillaire résultant des divi-
sions de ces deux derniers troncs
donne naissance à deux vaisseaux effé-
rents, ou artères épibranchiales, qui
vont s'anastomoser avec l'extrémité
supérieure des deux crosses précé-
dentes, et former ainsi de chaque
côté un gros vaisseau unique. Enfin,
les deux troncs ainsi constitués se joi-
(a) 3. Taylor, On the Respivatovy Organs and Air-Bladder of Certain Fishes of the Ganges
(Edinburgh Journal of Science, 1831, new séries, t. V, p. 47).
338 AFPAREIL DE LA CIRCULATION
11 en résulte que ehez les Amphipnous, de même que chez
les Lepidosiren , une portion seulement du sang lancé par le
cœur vient respirer dans les appendices branchiaux , et qu'une
portion plus ou moins considérable de ce liquide arrive dans
gnent entre eux sur la ligne médiane
pour constituer l'aorte dorsale ; mais
chacun d'eux fournit à son origine
un gros vaisseau qui se rend au pou-
mon du côté correspondant. Ainsi, le
sang qui, en parlant du cœur, traverse
les deux premiers arcs vasculaires,
arrive dans les racines de l'aorte sans
avoir respiré ; tandis que la portion du
même liquide qui s'est engagée dans
les deux arcs vasculaires postérieurs
s'y transforme en sang artériel avant
d'arriver au même point où il se mêle
au précédent, et le mélange ainsi
formé se divise de nouveau en deux
courants, dont l'un va aux poumons
et l'autre pénètre dans l'aorte dor-
sale (a).
Chez le Lepidosiren paracloxa, la
disposition de cette portion du système
circulatoire est à peu près la même,
si ce n'est que l'artère branchiale
commune ne se divise qu'en trois
paires d'arcs vasculaires, et que les
artères pulmonaires sont en continuité
directe avec les artères branchiales
propres de la dernière paire. Les deux
premières paires de crosses sont sim-
ples, et vont former 'directement les
racines de l'aorte dorsale, comme chez
le Lepidosiren annectens (6).
Quant aux veines pulmonaires qui
ramènent le sang des poumons, elles
longent le côté externe de ces organes
et se réunissent en un tronc impair,
lequel débouche dans le cœur (c).
Il est aussi à noter que chez le Po-
lyptèee les artères de la vessie nata-
toire naissent aussi des derniers vais-
seaux efférents, ou artères épibran-
chiales , avant leur réunion pour
constituer l'aorte dorsale; mais lesang
qui y arrive a traversé en totalité
le réseau capillaire branchial, et il
n'existe pas, comme chez Y Amphi-
pnous et chez les Lepidosiren , des
communications directes entre l'artère
branchiale ou aorte cardiaque et l'a-
nalogue de l'artère pulmonaire ou
l'aorte dorsale (d). Il en résulte que
cette poche, dont la disposition ana-
tomique ressemble tant à celle des
poumons d'un Lepidosiren, ne reçoit
que du sang déjà artérialisé.
(a) Voyez la figure que M. Peters a donnée de ce système vasculaire (Ueber einen dem Lepidosiren
annectens verwandten Fisch von Quellimane (Miiller's Archiv fur Anat. and Physiol., 1845, p]. 1,
fig. 3). — Les principaux vaisseaux ont été très bion représentés aussi par M. Owen (Lectures on
the Comp. Anat. of the Vertebr. Animais, 1846, p. 266, fig. 71).
(6) Bischoff, Descript. anat. du Lepidosiren paradoxa ( Ann. des sciences nat., 1840, 2" série,
t. XIV, pi. 9, fig. 5).
— Hyrtl; Lepidosiren paradoxa Monographie (Abhandl. der Bohmischen Gesellschaft der Wis-
senschaften, 1845, 5- série, t. III, p. 642, pi. 4, fig. 2).
— Duvernoy, Cours d'histoire naturelle (Revue zoologique de la Société cuviérienne, 1846,
pi. 1, fig. 1, d'après Hyrtl).
(c) Owen, Descript. ofthe Lepidosiren annectens (Trans. of the Linn. Soc, vol. XVIII, p. 348,
pi. 26, fig. 2).
(d) Miiller, Fernere Bcmerkungen ûber den Ban, der Ganoiden (Bericht. Acad. Berlin, 1846,
p. 72).
CHEZ LES POISSONS. 339
l'aorte dorsale sans avoir subi l'influence vivifiante de l'eau
aérée dont l'appareil respiratoire est baigné. Chez l'Aniphipnous,
c'est donc toujours un mélange de sang artériel et de sang-
veineux qui se distribue à l'économie , et, d'après les calibres
respectifs des vaisseaux qui arrivent à l'aorte dorsale sans
avoir traversé les branchies, et de ceux qui s'y ramifient avant
de déboucher dans cette artère , on peut voir que dans ce mé-
lange la proportion de sang veineux l'emporte de beaucoup sur
celle du sang artérialisé. Mais, chez les Lepidosiren, il en est °Tis™
r des artères
autrement, car les arcs aortiques postérieurs ne se rendent pas pulmonaires
chez Ibs
intégralement à l'aorte dorsale; chemin faisant, ils fournissent Lepidosiren.
de chaque côté une branche considérable qui va se ramifier dans
les sacs pulmonaires dont ces Animaux sont pourvus , et de la
sorte une portion considérable du sang qui coule dans leur
intérieur dévie de la route directe pour aller subir l'influence
de la respiration aérienne, puis revient au cœur à l'état de
sang artériel par l'intermédiaire de veines pulmonaires parti-
culières. Il en résulte donc que le sang veineux est déjà mêlé de
sang artériel avant de s'engager dans le système des vaisseaux
branchiaux, où une portion de ce liquide doit respirer de
nouveau et une autre passer directement dans le système irri-
gatoire général de l'organisme.
Mais ce mode de circulation est tout à fait exceptionnel dans Disposition
la classe des Poissons, et , dans l'immense majorité des cas, la epibraLiîaTes
totalité du sang veineux qui entre dans le cœur passe dans les pJSLns
les branchies , comme nous venons de le voir, et n'arrive
aux artères chargées de le distribuer dans les diverses par-
ties de l'économie que par l'intermédiaire des vaisseaux effé-
rents de l'appareil branchial. Quelquefois une portion du sang
veineux apporté à l'appareil respiratoire par les artères bran-
chiales ne traverse pas les lamelles des branchies propre-
ment dites, et se dévie un peu de la route ordinaire pour
traverser une sorte de branchie accessoire : chez YHeterotis,
ordinaires.
Origine de
l'aorte dorsale
et
autres artères
du conv?.
o/j.0 APPAREIL DE LA CIRCULATION
par exemple (1) ; mais toujours la totalité ou la presque totalité
du sang passe dans les artères épibranchiales, ou vaisseaux
efférents de l'appareil respiratoire, lesquels donnent naissance
à l'ensemble de la portion irrigatoire du système artériel.
§11. — Voyons donc maintenant commentées canaux cen-
trifuges chargés de porter le sang artériel dans tous les organes
prennent naissance et se répandent dans l'économie.
Pendant que les vaisseaux épibranchiaux sont encore logés
dans l'appareil hyoïdien, ils fournissent quelques artères qui
sont destinées à porter le sang aux parties voisines. Telles sont
les artérioles nourricières des lamelles branchiales (2), l'artère
(t) M. Hyrtl a trouvé que l'appen-
dice branchial en forme de Limaçon
placé au sommet de la cavité respira-
toire reçoit une branche de l'artère
branchiale propre de la dernière bran-
chie, et fournit un vaisseau qui va dé-
boucher dans l'artère épibranchiale
(ou veine branchiale des auteurs) cor-
respondante. Ainsi, le sang suit dans
cet organe ia même marche que dans
les branchies proprement dites (a).
Une structure analogue se retrouve
chez les Clupéacés qui possèdent ,
comme VHeterotis, une de ces bran-
chies accessoires en forme de lima-
çon (6).
J'ajouterai que chez les Poissons de
l'ordre des PLAGiosTOMES,qui à l'état
fœtal sont pourvus de branchies ex-
ternes (c), ces appendices filiformes
renferment chacun une anse vasculaire
dont les connexions varient suivant
la position de ces organes transitoires.
Dans les branchies externes qui nais-
sent directement de l'appareil hyoï-
dien et qui sont fixées au bord des
ouïes, ces vaisseaux sont en continuité
avec ceux des branchies internes , et
constituent autant d'anses anastomo-
tiques entre les artères branchiales
propres et les artères épibranchiales
correspondantes ; mais ceux qui ap-
partiennent aux branchies externes
qui naissent des évents sont fournis
par les branches du réseau admirable
dépendant de la pseudo-branchie dont
j'aurai bientôt à parler (cl).
(2) Les artères nourricières des
branchies naissent de l'artériole effé-
rente des feuillets branchiaux , et se
ramifient dans la substance de ces
appendicespectiniformes, de façon à y
former un réseau capillaire indépen-
dant de celui qui sert d'intermédiaire
entre les artères branchiales, ou vais-
seaux afférents, et les artères épibran-
(a) Hyrtl, Beitrâgt zur Anatomie von Heterotis Ehrenbergii ( Denkschriften der Akad. der
Wissensch. zu Wien, t. VIII, p. 73, pi. 3, fig. 1).
(6) Hyrtl, Ueber die Accessorischen Kiemenorgane der Clupeaceen (Op. cit., 1855, t. X, p. 47).
(c) Voyez tome II, page 215.
(d) Cornalia, Sulle branchie transitorie dei fe'ti Plagiostomi, p. 1.6, pi. 4, fig. 10, 14 , 12, etc.
(extrait du Giorn. dell' Istituto Lombarde-, t. IX, Milan, 1857).
CHEZ LES POISSONS. ol\ï
coronaire du cœur (1), et les artères hyoïdiennes, dont les bran-
ches se distribuent aux parties inférieures de la tête et des
parois abdominales, et concourent à former les organes vascu-
laires appelés pseudo-branchies, dont j'ai déjà eu l'occasion de
dire quelques mots en traitant de la structure de l'appareil
chiales, ou vaisseaux efférents. Le sang,
après avoir traversé ce réseau nourri-
cier, est ramené au cœur par les
veines de Duverney, dont il sera ques-
tion plus loin (a).
(1) L'artère coronaire naît ordinai-
rement de la pénultième artère épi-
branchiale (ou veine branchiale des
auteurs), vers la partie inférieure de
l'arc branchial, et se porte directe-
ment en bas et en arrière pour aller
se ramifier dans l'épaisseur des parois
du ventricule et des autres parties du
cœur (6). Suivant Cuvier, cette artère
naîtrait du vaisseau épibranchial an-
térieur chez la Perche (c).
J'ai remarqué que chez YOrthrago-
riscus mola , la disposition de ces
vaisseaux est moins simple ; ils pren-
nent un développement très considé-
rable, et sont au nombre de deux,
l'un antérieur et inférieur , l'autre
postérieur et supérieur. Chaque artère
épibranchiale ( ou veine branchiale
des auteurs) de la première paire ,
près de son extrémité antérieure ,
donne naissance à une artère assez
forte qui bientôt se bifurque ; une de
ses branches se porte en avant, fournit
des rameaux à la langue, puis se re-
courbe en bas et en arrière pour gagner
la mâchoire inférieure ; l'autre se re-
courbe en dedans et en arrière pour
aller s'anastomoser avec un vaisseau
analogue fourni par la deuxième artère
épibranchiale ; le tronc ainsi formé
reçoit bientôt une troisième artère
provenant de l'artère épibranchiale
suivante, et ensuite se joint avec son
congénère pour constituer un vaisseau
impair et médian qui se recourbe en
bas et en arrière, passe sous l'artère
branchiale commune, et se divise en
deux branches, dont l'une se distribue
aux muscles du cou et l'autre constitue
Vartère coronaire inférieure. Les ar-
tères épibranchiales de la quatrième
paire fournissent aussi à leur extré-
mité antérieure une paire de vaisseaux
analogues aux précédents, qui s'ana-
stomosent toutde suite sur la ligne mé-
diane, et forment ainsi une seconde
artère médiane. Celle-ci gagne aussi
la face inférieure de l'appareil hyoï-
dien, et s'y divise en deux branches,
l'une destinée aux parois de la cham-
bre respiratoire, l'autre au cœur: cette
dernière est Vartère coronaire supé-
rieure. Il est aussi à noter que les
troncs d'origine de ces vaisseaux four-
nissent plusieurs petites artères nour-
ricières aux parois des artères bran-
chiales.
(a) Miiller, Vergleichende Anatomie der Myxinoiden, dritter Fortsetz. (Mém. de l'Acad. de Berlin
pour 4839, pi. 3,fig. 1).
— Agassiz et Yogi, Anat. des Salmones, pi. 0, fig. 4.
(6) Voyez Agassiz etVogt, Anatomie des Salmones, p. 125, pi. K, fig. 2.
(c) Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, p. 514, pi. 17, fig. 1.
— Voyez aussi Laurillarrl, Atlas des Poissons de la grande édition du RPtjne animal de Cuvier,
pi. 2, fig. 1.
3/|i> APPAREIL DE LA CIRCULATION
respiratoire des Poissons (1). Elles s'y divisent en une multitude
de minuscules capillaires qui bientôt se réunissent de nouveau
entre eux pour constituer un tronc commun destiné à porter
le sang aux yeux (2).
Le mode de jonction des vaisseaux efférents des branchies
(1} Voyez tome H, p. 238.
(2) Chez les Poissons osseux ordi-
naires qui n'ont que quatre paires d'ar-
tères branchiales propres , les artères
hijoïdiennes (ou hxjoïdales d'Agassiz,
artères operculaires de quelques
auteurs ) se détachent des vaisseaux
épibranchiaux (ou veines branchiales)
de la paire antérieure , vers le tiers
inférieur de celle-ci , et côtoient l'arc
branchial correspondant jusqu'au
basihyal. Elles remontent alors le long-
dès cornes hyoïdiennes, et traversent
la joue pour pénétrer entre les muscles
élévateurs de la mâchoire inférieure.
Pendant ce trajet , chacune d'elles
fournit divers rameaux aux parties
voisines, puis rentre sous la voûte de
la chambre respiratoire pour s'y bifur-
quer et envoyer «ne de ses branches
sous le crâne, au elle s'anastomose avec
le cercle aortique ou céphalique ,
l'autre danslapseudo-branchie corres-
pondante. Ce dernier organe, comme
nous l'avons déjà vu (a) , ressemble
beaucoup aux branchies proprement
dites par sa structure, et les branches
de l'artère hyoïdienne se ramifient
dans les feuillets qui le constituent et
y forment un lacis vasculaire très
riche. Enfin, les capillaires de ce ré-
seau se réunissent entre eux pour
constituer les racines des artères effé-
rentes , dites veines pseudo - bran-
chiales, qui, après avoir gagné la voûte
du palais et s'y être anastomosées
entre elles à l'aide d'une branche
transversale, se rendent dans l'inté-
rieur des yeux, et s'y ramifient dans
les ganglions vasculaires appelés corps
rouges de la choroïde ou glandes
choroïdiennes.
Ainsi, le sang artériel qui a déjà
traversé l'appareil respiratoire, et qui
est contenu dans les artères hyoï-
diennes, traverse un système capil-
laire accessoire de la nature de ceux
que les anatomistes désignent sous le
nom de rete mirabile, avant que d'ar-
river aux yeux. On doit la connais-
sance de cette disposition curieuse à
M. J. Millier, qui en a fait l'objet de
recherches très approfondies chez le
Gadus callarias (6). MM. Agassiz et
Vogt ont trouvé cette portion du sys-
tème circulatoire disposée exactement
de la même manière chez la Truite (c).
Il est, du reste, à noter que le rete
mirabile des pseudo-branchies ne lire
pas toujours son origine des artères
hyoïdiennes. Ainsi, chez le Brochet, il
est formé par des branches du cercle
céphalique.
Chez les Ganoïdesqui sont pourvus
d'une branchie accessoire ou opercu-
laire, et qui ont par conséquent cinq
paires d'artères épibranchiales aussi
bien que cinq paires d'artères bran-
chiales propres, les artères épibran-
chiales antérieures ou accessoires don-
fa) Voyez ci-dessus, (orne II, page 238.
\u) Mûller, Vergl. Anat. der Myxinoiden {Acad. de Berlin pour i 839, pi. 3, fig\ 1 3, et pi. 4, fig. 3).
(c) Agassiz et Vogt, Anatomie des Satmones, p. ■ISO, pi. K, fig. 2, et pi. L, fig. 1, 2, 3.
CHEZ LES FOISSONS. Sftô
ou artères épibranchiales varie un peu ; mais, en général, ces
tubes sanguifères se réunissent de façon à former de chaque
côté de la base du crâne un tronc qui se dirige obliquement en
arrière et en dedans, pour aller s'unir à son congénère et con-
nent naissance de chaque côté de la tête
à l'artère operculaire ou hyoïdienne ,
laquelle se rend, comme d'ordinaire, à
la pseudo-branchie. Mais le vaisseau
efférent du plexus vasculaire formé par
ses ramuscules terminaux (ou veine
pseudo-branchiale des auteurs) ne se
rend pas directement au plexus cho-
roïdien, et pénètre dans le crâne pour
y remplir le rôle d'une carotide in-
terne (a).
Chez les Plagiostomes, la pseudo-
branchie est représentée par les replis
peclinifornes qui garnissent la partie
terminale des évents et qui reçoivent
une grosse artère provenant de la
partie moyenne de l'artère épibran-
chiale accessoire ou antérieure, et ana-
logue , par conséquent ,, à l'artère
hyoïdienne ou operculaire des Pois-
sons osseux (6). D'après M. Millier, le
tronc efférent de cette pseudo-branchie
descendrait vers la voûte palatine ,
et irait se ramifier dans l'œil et les par-
ties voisines de la face et de l'encé-
phale (c).
Des recherches récentes de M. Hyrtl
tendraient à établir que le sang ne suit
pas celte direction et reviendrait de la
pseudo-branchie vers l'aorte ; mais les
observations de cet analomiste ne me
sont pas encore suffisamment connues
pour que je puisse en apprécier la
valeur {d).
Le corps que les anatomistes dési-
gnent sous le nom de glande cho-
roïdienne est aussi un rete mirabile
ou ganglion vasculaire, logé entre le
feuillet fibreux et le feuillet vasculaire
de la choroïde où il contourne la por-
tion terminale du nerf optique (e).
Pour plus de détails au sujet du
mode de structure de ces lacis vascu-
laircs, je renverrai au grand travail
de M. Muller, inséré dans son ouvrage
sur l'anatomie comparée des Myxi-
noïdes (f), et à son second Mémoire
sur les Ganoïdes (g).
(a) Millier, Ueber den Bau und die Grenzen der Ganoiden (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1844).
(b) Le trajet de ces artères chez le Marteau a été figuré par MM. Carus et A. Otto (Tab. anat.
comp., pars vu, pi. 4, fig. 2 et 3).
(c) Miïller, Vergl. Anat. der Myxinoiden (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1839, p. 236).
(d) Hyrtl, Sur le système vasculaire des Raies (Institut, 1857, n° 1239, p. 325).
(e) Voyez à ce sujet : Eichwald , De Selachis Aristotelis spécimen inaugurale. Wilna , 1819,
p. 37.
— Owen, Gâtai, ofthe Mus. of the Coll. of Surgeons, t. III, p. 1-45.
— Wliarton Jones, On the so-called Choroid Gland of the Fish's Eye (Lond. Med. Gazette, 1837,
2" série, 1. 1, p. 651 , fig. 1).
— ïreviranus , Beobachtungen aus der Zootomie und Physiologie, t. I, p. 20, pi. 5 et 6,
fig. 32-35.
— Erdl, Bisquisitiones de Piseium glandula choroideali (Dissert, inaug., Munich, 1839, fig,).
— Millier, Vergl. Anat. der Myxinoiden (Mém. de V Acad.de Berlin pour 1839, p. 254).
(f) Miiller, Von Gefàsses-System der Nebenkiemen und accessorischen Athmen Organe und von
der Nebenkiemen der Fische (voyez les Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1839, p. 213 et suiv.).
(g) Miïller, Fernere Bemerkungenuber den Bau der Ganoiden (Bericht der Akad. der Wissensch.
zm Berlin, 184G, p. 68).
2ikk APPAREIL DE LA CIRCULATION
stituer avec lui l'artère principale du corps appelée l'aorte
dorsale (1).
Les artères épibranchiales antérieures se divisent en deux
(1) Chez la Perche, les vaisseaux
efférents des branchies postérieures
se réunissent de chaque côté à celles
de la paire précédente, avant que de
s'anastomoser avec les crosses aor-
tiques formées par la réunion des ar-
tères épibranchiales des deux paires
antérieures (a).
Chez la Truite, l'artère épibran-
chiale antérieure se réunit à la sui-
vante, et constitue de la sorte un vais-
seau assez gros qui se porte en dedans
et en arrière pour se joindre à son con-
génère et former avec lui un tronc
médian qui est le commencement de
l'aorte, et qui, à une certaine dis-
tance, reçoit de chaque côté les vais-
seaux efférents des deux branchies
postérieures, unis préalablement entre
eux, ou tout au moins fort rapprochés
l'un de l'autre (6). Ce mode de grou-
pement se voit aussi chez le Thon (c).
Chez la Baudroie, il n'y a que trois
paires d'artères épibranchiales , et
celles des deux dernières paires se
réunissent de chaque côté, en sorte
que l'appareil respiratoire ne fournit
en définitive à l'aorte que deux paires
de racines (d).
M. Hyrtl a constaté récemment une
particularité remarquable dans la dis-
position des racines de l'aorte dorsale
chez le Lépisostée. Les deux vaisseaux
afférents des branchies antérieures se
réunissent directement entre eux sur
la ligne médiane, et constituent un
premier tronc aortique impair qui se
dirige en arrière. La paire suivante des
artères épibranchiales se comporte de
même, et constitue un second tronc
aortique qui se dirige en arrière au-
dessous du précédent, et s'anastomose
bientôt avec lui. Enfin, les vaisseaux
efférents de la troisième et de la qua-
trième branchie se réunissent de
chaque côté en un seul tronc qui va se
joindre à son congénère pour former
un troisième tronc médian. Ce dernier
est plus gros que le précédent, dont il
longe la face inférieure, et, après s'être
confondu avec lui , constitue l'aorte
dorsale. lia par conséquent à la base
du crâne trois vaisseaux médians et
impairs qui sont superposés, et qui se
réunissent successivement entre eux
pour constituer l'aorte dorsale (e).
Chez les Esturgeons , les artères
épibranchiales, en quittant l'appareil
hyoïdien pour aller constituer l'aorte
dorsale, ne s'appliquent pas contre la
base du crâne, mais pénètrent dans des
cavités creusées dans la substance des
parois cartilagineuses de cette boîte
céphalique. il est aussi à noter que
(a) Voyez Laurillard, Atlas du Règne animal, Poissons, pi. 2, fîg. i.
(b) Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones, p. 119, pi. L, fig. 2.
(c) Eschricht etMiiller, Ueber die arteriosen und venosen Wundernetze {Mcm. de l'Acad. de
Berlin pour 1835, pi. 3, fig. 6).
(d) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 255.
(e) Hyrll, Ueber dus Arteriensystem des Lepisosteus (Sitzungsbericht der Aead. der Wissen
schaften von Wien, 1852, t. Vlll,p. 234).
CHEZ LES POISSONS.
345
branches au moment où elles sortent de l'extrémité supérieure artère
1 cepnalique.
de l'appareil respiratoire pour gagner la base du crâne : l'une
de ces branches se recourbe en arrière pour s'anastomoser
les troncs des deux côtés du corps
s'y croisent avant de s'anastomoser
sur la ligne médiane (a).
Chez les Sélaciens ou Plagio-
stomes, le mode de groupement des
vaisseaux efférenlsde l'appareil respi-
ratoire n'est pas tout à fait le même
que chez les Poissons osseux ordi-
naires. Il y a une artère épibrançbiale
pour chaque demi-branchie ou série
de lamelles branchiales, et ces vais-
seaux s'anastomosent entre eux deux à
deux en dehors aussi bien qu'en dedans
decbaqueloge respiratoire, de manière
à former quatre anneaux vasculaires,
suivis d'une artère épibranchiale sim-
ple qui dépend de la demi-branchie
renfermée dans la cinquième loge res-
piratoire (6). Tous ces vaisseaux s'ana-
stomosent aussi entre eux par une
série de troncs placés au-dessus des
cloisons interbranchiales, vers le mi-
lieu de leur longueur, et, du côté ex-
terne , d'autres anastomoses les font
communiquer avec une des branches
de l'artère de la nageoire. Enfin, un
tronc correspondant à chacune des
cloisons interbrancliiales naît de l'ex-
trémité interne de ces mêmes anneaux
vasculaires, et constitue lapor'ion ter-
minale du système efférent. Ces der-
niers troncs correspondent donc à la
portion sous -crânienne des artères
épibranchiales chez les Poissons os-
seux, et constituent également les
racines de l'aorte. Ils sont au nombre
de quatre de chaque côté de la tête,
et chez les Squales ils restent isolés
jusqu'au moment où ils se rencontrent
sur la ligne médiane, pour donner
naissance à l'aorte dorsale (c). Mais
chez les Raies, le premier et le second
de ces vaisseaux se réunissent pour
former un tronc commun, et par con-
séquent le nombre des racines de
l'aorte se trouve réduit à trois
paires [d).
Chez la grande Lamproie, il naît une
artère afférente de chaque demi-bran-
chie, et sauf la première et la der-
nière de chaque série, ces vaisseaux
se réunissent deux à deux avant d'aller
constituer le tronc aortique dorsal. Il
y a par conséquent de chaque côté
huit racines aortiques dont deux sont
simples et six prennent naissance dans
les moitiés contiguè's de deux sacs
branchiaux.
Lnfin, chez les Myxines, le tronc
médian dans lequel tous les vaisseaux
afférents des branchies viennent se
rendre successivement, se continue en
avant entre les deux artères céphali-
ques, où il forme une artère céphalique
accessoire, et, après avoir fourni plu-
sieurs brandies latérales etavoir beau-
coup diminué de calibre, il s'anasto-
mose avec la partie antérieure du
cercle aortique (e).
(a) Hyrtl, Op. cit. (Sitzungsbericht der Akad. der Wîssensch'. %u Wien, t. VIII, p. 236).
(b) Voyez, pour la disposition de ces branchies, la treizième Leçon, t. II, p. 244.
(c) Hyrtl, loc. cit.
{&) Monro, Structure of Fishes, pi. 1, fig\ 5.
— Marlin-Saint-Ange, Circulation considérée chez le fœhis, etc., fig. 29.
(e) Muller, Vergl. Anat. der Myxinoiden, 3" partie, pi. 1, fie;. 1.
3/|6 APPAREIL DE LA CIRCULATION
avec le vaisseau efférent de la branchie suivante, et concourir,
comme nous le verrons bientôt, à la constitution de l'aorte
dorsale ; l'autre, au contraire, se porte en avant et distribue
ses rameaux dans toute la portion antérieure et supérieure de
la tête. On la désigne ordinairement sous les noms d'artère
carotide ou ÏÏ artère céphalique, et il est à remarquer qu'en
général ce vaisseau s'anastomose avec son congénère sous la
base du crâne, de façon à clore en avant l'espèce de fourche
formée par les racines de l'aorte dorsale, et à donner ainsi
naissance à une sorte d'anneau vasculaire que les anatomistes
désignent ordinairement sous les noms de cercle artériel ou de
cercle céphalique (1).
(1) 11 existe des variations nom-
breuses dans le mode d'origine et de
division des artères de la tête des
Poissons.
Ainsi, chez les Salmonés , où la
disposition de ces vaisseaux a été étu-
diée avec beaucoup de soin par
MM. Agassiz et Vogt, V artère caro-
tide ou céphalique, formée de la sorte
par Tune des branches de la bifurca-
tion de l'artère épibranchiale anté-
rieure , ou vaisseau efférent de la
première branchie, se divise presque
immédiatement en deux troncs prin-
cipaux , savoir : une artère faciale,
ou carotide externe, et une artère
encéphalo-palatine , ou carotide in-
terne (a). Quelquefois cependant ces
vaisseaux naissent isolément.
V artère faciale accompagne le tronc
du nerf trijumeau, et envoie des ra-
meaux à l'orbite, aux fosses nasales,
aux muscles des joues, à la peau du
museau, etc. (b).
V artère carotide interne ou encé-
phalo-palatine se divise bientôt en
deux branches. Une , externe , dite
artère orbito-palatinc , qui pénètre
dans l'orbite , envoie des rameaux
aux muscles oculaires, passe ensuite
dans les fosses nasales , où elle four-
nit du sang à la membrane pitui-
taire, va de là aux coins de la bouche,
et s'y termine dans les os et les tégu-
ments de la partie antérieure de la
face. L'autre branche, dite artère en-
céphalo-oculaire, semble être la con-
tinuation de la carotide primitive, et
se réunit à sa congénère pour former
la portion antérieure du cercle ar-
tériel et donner naissance à un tronc
médian impair, lequel fournit à son
tour les artères cérébrales et les
artères oculaires.
Les artères cérébrales se bifur-
quent, et leurs deux branches, dirigées
l'une en avant, l'autre en arrière, s'a-
nastomosent sur la ligne médiane, de
(a) Exemple : la Truite (voyez Agassiz et Vogt, Op. cit., pi. L, fig. 3).
(6) Voyez Agassiz et Vogt, Op. Cit., pi. K, fig. 1 .
CHEZ LES POISSONS.
3/i7
L'aorte dorsale occupe la ligne médiane et s'étend dans toute Aorte dorsale
1 tJ et ses branches.
la longueur du corps, au-dessous de la colonne vertébrale.
Dans la région abdominale, elle est appliquée contre la face
inférieure du corps des vertèbres, ou logée dans un sillon dont
façon à constituer à la base de l'encé-
phale un rhombe artériel qui est l'ana-
logue du cercle de YVillis, dont j'aurai
à parler bientôt en traitant des Ver-
tébrés supérieurs, et qui donne nais-
sance aux artérioles de l'encéphale,
ainsi qu'à une artère impaire accolée
à la face inférieure de la moelle épi-
nière (a).
Le cercle artériel céphalique ou
aortique est mieux caractérisé chez
les Gades, comme on peut le voir
dans une très belle ligure donnée par
M. Millier (6).
Ainsi que je l'ai déjà dit, cet anato-
miste a trouvé que chez les Ganoïdes
qui sont pourvus d'une branchie ac-
cessoire, le vaisseau efférent de la
pseudo-brancliie constitue la carotide
interne, et pénètre directement dans
la cavité crânienne. Chez les Lépisos-
téesla carotide interne se résout aussi
en un réseau plexiforme, et la caro-
tide externe ou faciale naît directe-
ment de la première artère épibran-
chiale proprement dite.
11 est aussi à noter que chez le
lolyptèreM. Millier a trouvé les caro-
tides internes représentées par un
vaisseau impair qui naît du point de
jonction des artères épibranchiales et
traverse la base de l'os occipital (c).
Chez la Chimère arctique, le mode
d'origine de ces vaisseaux n'est pas
tout à fait le même que chez les Pois-
sons ordinaires. Le premier vaisseau
afférent, ou artère épibranchiale anté-
rieure, pénètre dansla cavité crânienne
pour remplir le rôle d'une carotide
interne, et le second vaisseau efférent,
qui d'ailleurs concourt comme les sui-
vants à la formation de l'aorte dorsale,
donne naissance à une artère carotide
antérieure dont les branches se distri-
buent à l'orbite [cl).
Chez la liaie, le cercle aortique n'est
pas fermé en avant et l'encéphale re-
çoit le sang par deux paires d'artères :
l'une, antérieure, qui, d'après M. Mill-
ier, naîtrait de la pseudo-branchie,
comme chez les Ganoïdes, et qui pa-
raît mériter plus particulièrement le
nom de carotide interne (e) ; l'autre
qui provient du cercle aortique en
arrière du point de réunion des ar-
tères épibranchiales de la première et
de la seconde paire, et qui est désignée
ordinairement sous le nom de carotide
interne postérieure, mais qui paraît
être l'analogue de l'artère vertébrale
des Mammifères. Parvenue dans la
cavité crânienne, cette dernière s'ana-
stomose avec sa congénère de ma-
nière à constituer un anneau vascu-
laire assez semblable au cercle de
Willis, dont l'extrémité postérieure se
(a) Agassiz et Vogt, Op. cit., pi. L, dg. 3 à 6.
(b) Miiller, Vergl. Anat. der Myxlnoiden (Mém.de l'Acad. de Berlin pour 1839, pi. 3, fig. 13).
(c) Miiller, Ferntre Bemerk. uber den Bau der Ganoiden (Bericht der Akad. zu Berlin, 184G,
p. 68).
(d) Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 112,
(«) Miiller, Vergl. Anat. der Myxinoiden [Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1839, p. 23(3).
oliS APPAREIL DE LA CIRCULATION
elles sont creusées ; mais, dans la région caudale, elle se trouve
en général engagée dans une sorte de canal à claire-voie
formé par les racines des apophyses épineuses sous-verté-
brales (1). Chemin faisant, elle fournit, au niveau de chaque
prolonge en une artère spinale mé-
diane (a).
M. Hyrtl a communiqué dernière-
ment à l'Académie de Vienne de nou-
velles observations sur la disposition
des artères céphaliques des Raies,
mais je ne connais son travail que par
l'extrait fort court qui en a été donné
par le Journal de l'Institut (b).
On retrouve encore le même plan
organique fondamental chez les Myxi-
noïdes, mais avec d'autres modifica-
tions d'une importance secondaire :
ainsi les branches qui correspondent
aux artères céphaliques sont exces-
sivement allongées et ne s'anasto-
mosent entre elles que très loin de
l'appareil branchial, tout près de la
bouche, et, ainsi que je l'ai déjà dit,
une artère médio-céphalique impaire
se voit dans l'espace qui les sépare (c).
(1) En général, l'aorte dorsale est
d'un calibre assez uniforme et se ré-
trécit graduellement d'avant enarricre;
mais, chez plusieurs Cyprinoïdes, elle
se dilate en forme de sinus sous chaque
vertèbre abdominale.
Chez les Esturgeons, ce tronc arté-
riel est logé dans une gaine cartilagi-
neuse ou un sillon plus ou moins
profond situé à la face inférieure de
la colonne vertébrale , et ses parois
y adhèrent très intimement : d'après
M. Stannius, elles ne seraient même re-
présentées que par le périchondre {cl);
un ligament fibro-élastique longitudi-
nal fait saillie dans ce canal (e). Les
Spatulaires présentent une disposition
analogue.
Chez plusieurs Squales et chez di-
vers Poissons osseux ordinaires, tels
que l'Alose, le Hareng, le Brochet et
le Silure, l'aorte ventrale est logée dans
un sillon creusé à la face inférieure de
la colonne vertébrale et n'est pourvue
d'une tunique élastique qu'à sa face
inférieure; des bandes aponévrotiques
passentd'unbord à l'autre de ce canal,
d'espace en espace, en manière de
sangles, et dans les intervalles le vais-
seau ainsi bridé en dessous se renfle.
De même que chez les Esturgeons, il
y a dans ce même canal un ligament
qui vient du crâne, et la tunique élas-
tique paraît être un prolongement de
celte bande. Lorsque l'aorte est libre,
elle n'est pas toujours placée sur la
ligne médiane du corps. Ainsi, chez
VEsox Bellone et le Sphyrœna Spel,
elle est à gauche (/"). Chez les Syn-
gnathes, ce vaisseau se trouve dans un
sillon pratiqué à la face inférieure du
rein gauche, et chez YEcheneis il
adhère au rein droit ; chez VEngraulis
(a) Voyez Monro, Structure of Fishes, pi. 1, ûg. 5.
(6) N° 1239, 30 septembre 1857, p. 324.
(c) Mùller, Vergl. Anat. der Myxinoiden, 3 Fortsetz., pi. 1, fig\ 1 (Mém. de l'Acad. de Berlin
pour 1839).
(d) Voyez Stannius et Siebold, Handb. der Zootomie, 2° édit., t. Il, p. 243.
(e) Baèr, Bericht der anatom. Anstalt zu Kœnigsberg, 1819, p. 27.
(/■) Stannius, loc. cit., p. 243.
CHEZ LES POISSONS. 3/l9
espace intervertébral, une paire d'artères intercostales qui dis-
tribuent leurs branches aux muscles du tronc et de la
queue (1). Enfin elle donne aussi naissance à un grand vais-
seau qui est chargé de porter le sang aux viscères abdomi-
naux (2), et qui fournit à la vessie natatoire une branche dont
il est logé dans la substance de cette
glande (a).
(1) Chez la Perche (b) et l'Aspe, ou
Leuciscus aspius (c) , il existe une
paire d'artères intercostales correspon-
dante à chaque vertèbre. Il en est de
même chez les Truites, dans le très
jeune âge [d) ; mais, par les progrès du
développement, ce caractère d'unifor-
mité disparaît, et l'on ne trouve qu'une
paire de ces vaisseaux pour deux
ou trois espaces intervertébraux (e).
Quoi qu'il en soit, une de leurs bran-
ches remonte le long des apophyses
épineusesdes vertèbres et va se ramifier
dans les muscles de la région dorsale du
corps, ou même dans la nageoire mé-
diane dont cette partie est garnie ;
une autre branche se porte en bas, en
suivant la direction des côtes, et se
distribue de la même manière aux
muscles et aux téguments de la por-
tion ventrale du corps. Les artères
intercostales qui se prolongent dans
les nageoires abdominales, et qui cor-
respondent par conséquent aux ar-
tères iliaques et crurales des Ver-
tébrés supérieurs, sont un peu plus
développées que les autres, mais ne
présentent du reste aucune particula-
rité importante.
Une autre série de petites branches
artérielles naît aussi de chaque côté,
soit de la face inférieure de l'aorte dor-
sale, soit des intercostales, et se distri-
bue aux reins et à la vessie natatoire.
Les artérioles qui se rendent à la
moelle épinière ont une origine ana-
logue.
(2) Chez les Poissons osseux, la plu-
part des artères destinées aux viscères
abdominaux naissent d'un tronc uni-
que qui se détache de l'aorte dorsale
presque aussitôt la naissance de celle-
ci, traverse la portion antérieure des
reins, et se montre à découvert au-
dessus de l'œsophage, pour se porter
ensuite obliquement en arrière et en
bas. La manière dont cette artère
abdominale (ou artère cœliaque, Cu-
vier) se ramifie, varie un peu suivant
les espèces. Ainsi, dans la Truite (/),
elle fournit quatre branches princi-
pales :
1° Une artère intestinale, dont les
principales divisions sont : une ar-
tère gastro - splénique, qui suit la
grande courbure de l'estomac, envoie
beaucoup de ramuscules à cet organe,
et va se terminer dans la rate ; une
artère gastro-hépatique, qui passe à
droite de l'estomac, longe la petite
courbure de cet organe, y distribue
des ramuscules , fournit au foie une
(o) Hyrtl, Das uropoëtischB System der Knochenfish. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. II, p. 23).
(b) Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 7, fig. 1.
(c) Carus et A. Otto, Tab. Anat. Comp. Illustr., pars vi, pi. 4, fig. 1.
(d) Vogt, Embryologie des Salmones, pi. 4 a, fig. 9 1.
(e) Agassiz et Yogt, Anatomie des Salmones, pi. K, fîg. 1.
(/") Voyez Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones, pi. K, fig; 2.
350 APPAREIL DE LA CIRCULATION
les ramuscules forment clans l'intérieur de cet organe les plexus
vasculaires connus sous le nom de corps rouges (1 ).
La plupart des artères ne présentent rien de bien remarquable.
Celles qui se rendent aux nageoires pectorales, et qui peuvent
artère hépatique et aux appendices
pyloriques plusieurs ramuscules, puis
se termine comme l'a précédente dans
la raie; enfin deux artères mésenté-
riques qui suivent les deux bords
opposés de l'intestin jusque dans le
voisinage de l'anus.
2° Une artère de la vessie nata-
toire, qui est très grêle et qui longe la
face inférieure de cet organe.
3° Deux artères spermatiques, qui
se logent dans le sillon pratiqué à la
face inférieure des ovaires ou des testi-
cules, et y fournissent des ramuscules
dont la disposition rappelle un peu
celle des barbes d'une plume.
Chez la Perche, le mode de distribu-
tion de ces vaisseaux est à peu près le
même (a).
Chez la RaieJ'artère abdominale est
remplacée par deux troncs impairs
qui naissent de l'aorte, à quelque dis-
tance l'un de l'autre (6). On donne gé-
néralement le nom d'artère cœliaque
au premier de ces vaisseaux, dont les
branches se distribuent principale-
ment à la valvule spirale de l'intestin,
au foie et à l'estomac. Le second, ap-
pelé artère mésentérique, fournil des
rameaux au pancréas et à l'intes-
tin (c). D'autres branches de l'aorte
naissent plus en arrière et se distri-
buenlà l'oviducte, etc. Enfin les artères
rénales, au lieu de consister en une
multitude de branches provenant des
intercostales, sont fournies par un gros
tronc qui naît de la partie postérieure
de l'aorte ventrale, s'avance le long
des reins en y donnant des ramus-
cules, fournit une branche épigaslrique
et va se terminer dans la nageoire de
l'anus (d).
(1) Voyez ci-dessus, t. II, p. 377.
Le mode d'origine et de distribu-
tion des artères de la vessie natatoire
varie beaucoup. Tantôt elles naissent
directement de l'aorte, comme nous
venons de le voir chez la Perche; d'au-
tres fois elles proviennent du tronc
cœliaque (chez la Morue, par exem-
ple), et, ainsi que j'ai déjà eu l'occasion
de le dire, elles sont quelquefois four-
nies par les artères épibranchiales
postérieures (e). M. J. Millier, qui en
a fait une étude attentive, distingue
dans leur mode de distribution quatre
formes principales. Ainsi, chez cer-
tains Poissons (la Carpe, par exemple),
ces vaisseaux se résolvent en petites
touffes de capillaires disposées en
éventail et disséminées sur presque
toute la surface interne de la vessie
natatoire. Dans le second type, leurs
ramuscules terminaux se réunissent
(a) Voyez Olivier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 7, fig. 1, et pi. 8, fig. 2 et 3.
— Laurillard, Atlas du Règne animal Je Olivier, Poissons, pi. 2, fig. 1.
(6) Voyez Monro, Op. cit., pi. 1, fig. 5.
(c) Monro, Op. cit., pi. 3.
(d) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 222 (2a édit.).
(e) Voyez ci-dessus, page 330.
CHEZ LES POISSONS. ■ 35 L
être désignées sous le nom d'artères claviculaires (1), offrent
parfois un petit renflement que plusieurs anatomistes ont con-
sidéré comme étant un bulbe contractile propre à pousser
le sang vers les parties périphériques de l'appareil circulatoire ;
en petits paquets radiés, et se localisent
plus que clans le cas précédent, de
façon à constituer des ganglions vas-
culaires rudimentaires ; mode d'orga-
nisation qui se voit chez le Brochet.
Dans le troisième type, l'artère se di-
vise en plusieurs branches et constitue
ensuite un gros rete mirabile en
forme de houppes, dont les canaux
efférents se dirigent vers le bord de
l'organe pour se ramifier ensuite au
loin (exemples :1a Morue, la Lotte, la
Perche, etc.). Enfin, le quatrième type
est caractérisé par l'existence de ré-
seaux admirables en forme de faisceaux
bipolaires, disposition qui se voit chez
les Anguilles (a).
Chez les Ganoïdes, les vaisseaux
sanguins de la vessie aérienne ne se
résolvent pas en ganglions sanguins,
mais se distribuent tout de suite dans
les parois de cet organe, sous la forme
de réseaux capillaires ordinaires.
On doit à M. Quekett de très bonnes
figures représentant le mode d'arran-
gement des vaisseaux sanguins dans
les corps rouges et les autres parties
de la vessie natatoire chez divers Pois-
sons, et plus spécialement chez l'An-
guille et la Morue (6).
(1) L'existence de ces renflements
en forme de bulbes, sur le trajet des
artères claviculaires, a été constatée
à peu près en même temps par Du-
vernoy chez la Chimère arctique (c)
et par M. J. Davy chez la Torpille (d).
Duvernoy et M. Valentin (e) ont con-
sidéré ces organes comme des cœurs
accessoires. Mais, d'après les observa-
tions récentes de M. Leydig, il paraît
que les bourrelets dont ces artères
sont entourées ne sont pas de na-
ture musculaire ( f). Du reste, lors
même qu'ils seraient contractiles, rien
ne nous autoriserait à penser qu'ils
pourraient accélérer le cours du sang.
(a) Miiller, Yergl. Anat. der Myxinoiden (Mém. de l'Acad. de Berlin pour. 1 839, pi. 5).
Voyez aussi à ce sujet : De la Roche, Observ. sur la vessie aérienne des Poissons (Ann. du
Muséum, 1809, t. XIV, p. 20-2 et suiv.)-
— Cuvier, Rapport sur le Mémoire de M. de la Roche {loc. cit., p. 176).
— Idem, Histoire naturelle des Poissons, 1. 1, pi. 7, fig. 1.
— Rathke, Zur Anatomie der Fische (Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1838, p. 413,
pi. 12, fig. 3, 4 et 9).
— Treviranus, Beobacht- aus der Anat. und Physiol., 1839, t. I,p. 19, pi. 5, fig1. 31.
— Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, t. VIII, p. 710.
(6) Quekett, On a Peculiar Arrangement of Blood-Vessels in the Air-Bladder of Fishes {Trans.
of the Microscop . Soc. of London, 1844, p. 99, pi. 12 et 13).
(c) Duvernoy, Note sur deux bulbes artériels faisant fonction de cœurs accessoires che% la
Chimère arctique (Ann. des sciences nat., 1837, 2° série, t. VIII, p. 35, pi. 3, fig. 1).
(d) J. Davy, Exp. and Observ. on the Torpédo (Research., Physiol. and Anat., 1839 ,t. I,
p. 43, pi. I, fig. 3).
(e) Valentin, Ueber das centrale Nervensystem und die Nebenherxen der Chimœra monslrosa
(Mùller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1842, p. 42, pi. 2, fig. G).
(f) Leydig, Zur Anatomie und Histologie der Chimœra monstrosa (Mùller's Archiv fur Anat.
mal Physiol., 1851, p. 256).
LU.
23
352 APPAREIL DE LA CIRCULATION
mais ces prétendus cœurs accessoires ne paraissent pas être de
nature musculaire, et lors même qu'ils seraient contractiles,
leur action aurait plutôt pour effet de retarder le passage de ce
liquide (1 ) .
Je dois faire remarquer aussi que chez le Thon les princi-
pales branches de l'artère abdominale oucœliaque présentent
une disposition analogue à celle que nous avions déjà ren-
contrée sur le trajet des artères hyoïdiennes. En effet, elles
se divisent en houppes de vaisseaux très grêles qui bientôt
se réunissent de nouveau pour constituer des troncs de dis-
tribution , et elles constituent de la sorte des lacis capil-
laires que les anatomistes désignent sous le nom de rete mi-
En eilet, Tarière ne. présente dans ce
point aucune valvule qui puisse em-
pêcher le reflux de ce liquide, et l'o-
bliger à couler vers le système capil-
laire avec une vitesse plus grande
quand le vaisseau se rétrécirait, et,par
conséquent, toute constriction de ce
genre aurait pour effet de ralentir le
courant plutôt que de l'accélérer.
(ljLes artères claviculaires (que les
anatomistes désignent aussi parfois
sous les noms d'artères scapulaires,
artères axillaires , artères innomi-
nées, etc.) naissent en général sous
la base du crâne, mais varient beau-
coup dans leur mode d'origine. En
effet, tantôt elles proviennent directe-
ment de l'aorte, ainsi que cela se voit
chez la Perche, la Baudroie et la
Raie; d'autres fois elles sortent des ra-
cines de l'aorte, chez les Gades, par
exemple (a) ; et d'autres fois encore
elles sont fournies par le tronc com-
mun des deux artères épinranchiales
antérieures, disposition qui se ren-
contre chez le Brochet. Quoi qu'il en
soit, ces vaisseauxse portent en arrière,
côtoient le bord des os de l'épaule,
et se divisent d'ordinaire en deux
branches principales, dont l'une longe
la ligne latérale du corps et l'autre
va se terminer dans la nageoire pec-
torale.
Il est à noter que, chez les Raies, ces
artères, dont le volume est très con-
sidérable, envoient vers la tête une
grosse branche anastomotique qui
communique avec la série entière des
vaisseaux efférents des branchies, ou
artères épibranchiales, le long du côté
externe de l'appareil respiratoire (a).
Chez le Thon, ces artères naissent
plus en arrière que l'artère viscé-
rale (6).
(«) Monro, The Structure ofFishes, pi. 1, fig. & et 5).
(6) Eschricht et Millier, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 4 835, pi. 3, %. 6)*
CHEZ LES POISSONS. 35o
rabile (1). Une disposition analogue a été observée citez des
Squales (2).
§ 12. — -La portion veineuse de l'appareil circulatoire, qui système
i/i i 1 i -i veineux
est chargée de ramener le sang de toutes les parties du corps des poissons.
des Poissons jusque dans le cœur se compose de deux systèmes
principaux de vaisseaux à parois minces. L'un de ces systèmes
appartient essentiellement aux muscles et aux autres organes de
la vie de relation, et l'on peut le désigner sous le nom de sys-
tème veineux rachidien, à raison de ses rapports intimes avec
la colonne vertébrale et ses dépendances. L'autre est spécia-
lement affecté au service des viscères abdominaux , et on l'ap-
pelle généralement le système de la veine porte , ou système
viscéral. Enfin , il est encore un troisième système veineux
qui dépend de l'appareil hyoïdien, mais qui n'offre que peu
d'importance : on lui a donné le nom de système bronchique t
ou veine de Duvernoy.
Ces divers systèmes sont liés entre eux d'une manière plus
ou moins intime, et ils vont tous verser le sang dans un grand
réservoir veineux qui est en quelque sorte le vestibule de l'oreil-
(1) Ces réseaux capillaires, situés (2) Chez VAlopias vulpes, un rete
sur le trajet du sang artériel qui se mirabile diffus, composé de branches
rend aux principaux organes de la artérielles et veineuses, s'étend sur
digestion, se voient près de la surface presque toute la surface de l'estomac
inférieure du foie, et constituent un et du gros intestin (6).
nombre considérable de mèches vas- Chez le Squale-nez, ou Lamna cor-
culaires de forme conique, dans les- nubica, une disposition analogue se
quelles on trouve des veines disposées voit à la partie antérieure de l'abdo-
de la même manière, mais sans com- men, près de l'œsophage. Les plexus
munication avec les arlérioles. On en vasculaires ainsi constitués ressem-
doit la connaissance au professeur blent à ceux du Thon (c).
Eschricht, de Copenhague (a).
(a) Eschricht et Miiller, Ueber die arteribsen und veniisen Wundemetze an der Leber und einen
merkwùrdigen Baudieses Organes beim Thunfische (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1835, p. 10
etsuiv., pi. 2 et 3, fig. 1 , 3 et A).
(6) Al. Barth, De retibus mirabilibus (Dissert, inaug\, Berlin, 1837, p. 9, fig-. 1).
(c) Mùller, Vergl. Anat. der Myxinoiden [Mém\ de l'Acad. de Berlin pour 1839, pi, 5).
Oùll APPAREIL DE LA. CIRCULATION
lette du cœur, et qui est connu des anatomistes sous le nom de
sinus de Cuvier, ou sinus précardiaque.
Pour embrasser d'un seul coup d'œil l'ensemble de cet appa-
reil vasculaire, il est bon d'observer la circulation chez un très
jeune Poisson, dont les tissus offrent encore assez de transpa-
rence pour nous permettre de distinguer les courants sanguins
jusque dans les parties les plus profondes de l'organisme : une
petite Truite nouvellement éclose , par exemple (1). On voit
alors que chacune des artères intercostales est accompagnée
d'une veine qui se dirige vers la face inférieure de la colonne
vertébrale et y débouche dans un vaisseau longitudinal situé
de chaque côté de la ligne médiane au-dessous de l'artère aorte.
Ces deux troncs longitudinaux, appelés veines cardinales, sont
d'abord accolés l'un à l'autre, ou confondus en un seul vaisseau,
et se portent directement d'arrière en avant depuis l'extrémité
postérieure delà queue jusque dans l'abdomen ; mais, vers la
partie antérieure de cette chambre viscérale, ils s'écartent
entre eux pour gagner la partie latérale du corps, et reçoivent le
sang qui revient de la tête par une paire de vaisseaux dits veines
jugulaires, lesquelles se dirigent d'avant en arrière. Le tronc
commun formé de chaque côté du corps par la réunion de la veine
cardinale et delà veine jugulaire a reçu le nom de canal deCuvier,
et se porte en dedans vers son congénère pour aller concourir
à former avec lui le sinus veineux précardiaque.
La disposition du système de la veine porte est moins simple.
Les veinules qui naissent sur les parois de la portion postérieure
de l'intestin se réunissent pour constituer un vaisseau principal
qui, situé à la partie inférieure de l'abdomen, se dirige d'arrière
(1) Nous étudierons plus tard les nilive dont il est question ici, et dont
diverses formes par lesquelles l'appa- on trouve de très bonnes figures dans
reil veineux des Poissons passe avant l'ouvrage de M. Vogt (a).
que d'acquérir la forme presque défi-
fa) Vogt, Embryologie des Salmones, pi. 4, fig. 91, etc.
CHEZ LES POISSONS. 355
en avant, et, chemin faisant, reçoit des branches des autres
portions du canal digestif. Parvenue au foie, cette veine s'y en-
fonce et s'y ramifie de façon à y constituer un lacis vasculaire
très riche, dont les branches se rejoignent ensuite de nouveau .
pour reformer un tronc veineux auquel on donne le nom de
veine hépatique. Enfin, cette dernière veine va se déverser
comme les autres dans le sinus précardiaque.
Telle est la composition générale du système veineux des
jeunes Poissons. Voyons maintenant comment chacune des
parties constitutives de cet appareil est disposée chez l'Animal
parfait.
§ 13. — Les courants sanguins qui retournent au coîur voines
. . cardinales
varient beaucoup dans leur mode de groupement, et ont une et leurs
tendance remarquable à se disjoindre, pour ainsi dire, sur cer-
tains points, de façon à reconstituer des capillaires plus ou
moins comparables au réseau veineux que nous avons vu se
développer sur le trajet des veines viscérales dans l'intérieur
du foie, et donner au système de la veine porte son caractère le
plus important. Cette disposition est toujours plus ou moins
marquée dans quelques-unes des veines qui traversent les reins,
et il en résulte qu'une portion du sang qui revient des parties
postérieures du corps par les veines cardinales est distribuée
dans la substance de ces glandes à la manière du sang artériel,
puis ce sang est réuni de nouveau dans des troncs veineux qui
le conduisent vers le cœur. Il y a donc chez les Poissons une
veine porte rénale aussi bien qu'une veine porte hépatique. On
en doit la découverte à un anatomiste danois, Jacobson, et l'on
donne souvent le nom de cet observateur au système circula-
toire rénal ainsi constitué (1).
(1) Jacobson, dont le travail sur le tiles et des Oiseaux, parut en 1821 (a).
système veineux des Poissons, des Rep- n'a indiqué sa découverte que d'une
(a) Jacobson, De syslemate venoso peculiari in permultis Animalibus ohservaio. Copenhague.
rénale.
o50 APPAREIL DE LA CIRCULATION'
voir» poriH Chez les Poissons, où ce mode d'organisation est le mieux
caractérisé, tels que les Baudroies et les Gymnotes, la veine
caudale, ou portion postérieure de la veine cardinale, après
avoir reçu les branches veineuses de toute la portion posté-
rieure du corps, arrive dans la cavité abdominale, et là se divise
en deux branches ; mais celles-ci, au lieu de poursuivre leur
route vers le cœur, ainsi que le font les veines cardinales de
l'embryon, plongent dans la substance des reins et s'y divisent
en rameaux dont le chevelu constitue un réseau capillaire ; puis
les canalicules de ce lacis, venant à se réunir de nouveau, devien-
nent les racines d'un système de veines rénales efférentes, et se
continuent en avant avec la portion antérieure des veines car-
dinales, lesquelles, après s'être réunies aux veines jugulaires,
vont déboucher dans le sinus précardiaque. La veine cardinale
primitive, qui d'abord s'était bifurquée seulement dans la cavité
manière très succincte, et, bien que taient que des veines ordinaires qui
les principaux résultats qu'il annonça suivaient une marche récurrente (6),
aient été bientôt après confirmés Mais cette opinion repose sur des
par les recherches de Nicolai (a) , observations incomplètes ou erronées,
la plupart des anatomistes ont cru et les nouvelles recherches faites de-
devoir lévoquer en doute l'existence puis quelques années sur ce sujet par
d'une veine porte rénale, et inter- plusieurs anatomistes habiles, et sur-
pré ter d'une autre manière le cours tout par M. Bonsdorff, de Helsingfors,
du sang dans cette portion' de l'ap- et M. le professeur Uyrtl, de Vienne,
pareil circulatoire. Ainsi Cuvier, Mec- mettent hors de toute contestation
kel , Duvernoy , M. Owen et plu- l'existence d'une circulation veineuse
sieurs autres naturalistes éminents portale plus ou moinsdéveloppée dans
ont pensé que les prétendues veines cette classe d'animaux (c).
rénales efférentes de Jacobson n'é-
(a) Nicolai, Untersuchungen ùber den Verlan f und die Vertheilung der Veinen bel einigen
Vôgeln, Amphibien, und Fischen (Isis, 4 826, 1. 1, p. 404).
(6) Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, p. 516.
— Meckel, Anatomie comparée., t. IX, p. 266.
— Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, 2* édit., t. VI, p. 262.
— Owen, Lectures on the Comp. Anat. and Physiol. ofthe Vertebrate Animais, p. 251.
(c) Bonsdorff, Bidrag till Blodkarlsystemets jemfôrande Anatomie. Portven systemel hos
Gudus Lota (Acta Soc. scient. Fennicœ, 1852, t. III, p. 571, pi. 9).
Hyi'il , Das uropoëtische System der Knochenftsche (Denkscliriften der hais. Akad. der
Wissenschaflen zu Wién, 1851, t. II, p. 27).
— Slannius, Ilandbuch der Zootnmie, 2e édit., 1854, t. Il, p. 247.
CHEZ LES POISSONS. 357
abdominale pour constituer en avant les deux troncs à l'aide
desquels la plus grande partie du sang veineux de la partie post-
céphalique du corps est versée dans les jugulaires, se trouve
donc interrompue vers le milieu de son cours, et sa moitié pos-
térieure ou caudale ne communique avec sa moitié antérieure
que par l'intermédiaire d'un réseau capillaire dont la portion
postérieure constitue les veines rénales afférentes, et la portion
antérieure forme les veines rénales efférentes ou veines rénales
proprement dites ; enfin les tronçons antérieurs des deux veines
cardinales qui font suite à ces veines efférentes, et qui peuvent
être désignées sous le nom de veines abdominales (1), repré-
sentent, comme nous le verrons bientôt, les veines azygos des
Vertébrés supérieurs (2).
Chez la plupart des Poissons, cette transformation n'est pas
aussi complète : une des divisions de la veine caudale plonge
dans la substance du rein et s'y ramifie, tandis que sa partie
antérieure forme, comme dans le cas précédent, une veine
rénale efférente, et entre ces deux points elle s'atrophie ; mais
(1) Quelques anatomistes appellent chez les Diodons, les Tétrodons, les
ces vaisseaux, des veines caves posté- Triacanlhes , les Rubans (Cepola) et
Heures (a); mais, ainsi que nous le quelques Siluroïdes ; seulement la
venons bien lot, ils ne sont pas les veine caudale ne se bifurque pas
analogues de la veine cave inférieure avant de plonger dans la substance des
de l'Homme et des autres Vertébrés reins pour s'y ramifier (b). Cette der-
supérieurs, et par conséquent ils ne nière disposition se rencontre égale-
doivent pas porter le même nom. ment chez la Lotte, où elle avait été
(2) M. I-lyrtl a constaté ce mode aperçue par Nicolai (c), et où elle avait
d'organisation chez les Merluches et été démontrée d'une manière 1res
les Scorpénoïdes du genre Pterois. satisfaisante par M. Bonsdorff, qui en
Une structure analogue existe aussi a donné une excellente figure (d).
(a) Monro, Structure ofFishes, p. il.
— Olivier, Anat. comparée, t. VI, p. 257.
— Meckel, Anat. comparée, t. IX, p. 261.
(b) Hjrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. II, p. 34, pi. 9,%. 2).
(c) Nicotoi, Op. cit. (Isis, 1826, p. 404).
(d) Bonsdorff, Bidrag till Blodkdrlsystemets j'emfQrande Anatomie (Acta Socictatis scientia-
rum Fenniriz, 1852, t. III, p. 447, pi. 9).
358 APPAREIL DE LA CIRCULATION
l'autre branche continue sa roule vers le cœur sans subir
aucune interruption de ce genre , et va constituer l'une des
veines abdominales sans avoir changé de caractère (1). Dans ce
cas, les reins ne reçoivent qu'une petite portion du sang vei-
neux de la queue, la plus grande partie de ce liquide conti-
nuant directement sa route par le grand vaisseau, qui prend
successivement les noms de veine caudale et de veine abdo-
minale, ou branche terminale de la veine cardinale. Mais le
système portai n'en existe pas moins dans les glandes uri-
naires, car il y a toujours un certain nombre des veines du
dos ou veines intercostales qui , au lieu d'aller déboucher
directement dans les troncs cardinaux , pénètrent dans la
substance des reins, s'y ramifient, et s'anastomosent par leurs
ramuscules terminaux avec les racines des veines rénales effé-
rentes (2),
(i) Lorsque les reins sont agglomé-
rés dans toute leur longueur, la veine
caudale, devenue ainsi la veine ab-
dominale (ou veine cardinale, Hyrtl),
reste sur la ligne médiane et reçoit
des veinules des deux moitiés de cet
organe. Mais lorsque les reins se divi-
sent en deux, suivant leur longueur,
ce vaisseau s'applique d'ordinaire sur
le bord interne du rein droit, et y re-
çoit une partie des veinules efférentes
du rein gauche aussi bien que toutes
celles du rein droit; les autres vei-
nules efférentes du rein gauche se
déversent directement dans la veine
rénale, qui, tout en naissant dans celte
glande, représente le tronc cardinal
gauche et va constituer la veine abdo-
minale gauche (a). Quelquefois c'est
l'inverse qui s'observe, et c'est contre
le bord du rein gauche que s'ap-
plique la veine cardinale non inter-
rompue : chez les Erythrines , par
exemple.
(2) Ainsi M. Hyrtl a constaté que
chez les Plagiostomes, où la veine
caudale ne porte pas de sang aux reins,
les veines intercostales vont se rami-
fier dans ces organes , et constituent
les veines afférentes du système de
.lacobson.
Chez le Brochet, le Cottus quadri-
cornis, le Scorpœna scrofa, VExoce-
tus exsiliens, les Gymnodontes et quel-
ques Siluroïdes, toutes les veines cos-
tales deviennent ainsi des veines
rénales afférentes, et chez le Mugil
cephalus six paires de ces vaisseaux se
comportent de la même manière (b).
Cuvier avait cru que chez la Perche
et la plupart des autres Poissons, les
veines costales se rendaient à un
(a) Hyrlt, Das uropoëtische System der Knochehfischê (Mém. de Vienne, t. II, p. 33, pi. 10, fig. i).
(bjîdem, Md.,p. 35.
CHEZ LES POISSONS. 359
Ainsi, qu'il y ait ou non interruption dans la portion rénale
des veines cardinales, ces vaisseaux se trouvent représentés
dans la partie antérieure de l'abdomen par les deux veines abdo-
minales, qui vont se réunir aux veines jugulaires derrière la
tête. Quelquefois ces deux troncs sont de même calibre (1) ;
mais en général ils sont très inégalement développés, et celui
du côté droit est d'ordinaire beaucoup plus gros et plus long
que celui du côté gauche (2).
tronc rachidien situé au-dessus de la
moelle épinière, dans l'intérieur du
canal vertébral, et recevant aussi en
avant des branches veineuses des
reins, tandis que plus en arrière des
branches anastomotiques ramaient
uni à la veine caudale. C'est même sur
cette disposition qu'il s'est appuyé
pour révoquer en doute les décou-
vertes de Jacobson (a). Mais M. Hyrtl
a constaté que ce vaisseau, auquel
M. Owen a donné le nom de veine
neuralis (b), est un tronc lymphatique
et ne contient pas de sang (c).
(1) Par exemple, chez les Diodons,
les Tétrodons et le Schilbé (d).
(2) Exemples ; Tinca , Exocetus ,
Anthias , Anableps , Clinus , Ammo-
dytes, Periophthalmus, Coryphœna,
Loricaria , Centriscus et Syngna-
thus (e).
Chez la Lotte cette inégalité est très
peu marquée (/").
Quelquefois l'une de ces veines
manque complètement : celle de gau-
che chez le Cepola rubescens, et celle
de droite chez V Erythrinus unitœ-
niatus. Knfin, chez d'autres Poissons,
il n'existe qu'une seule veine rénale
médiane qui ne se dévie à droite
que tout près de l'extrémité antérieure
de la colonne vertébrale; notamment
chez les Gonnelles (g).
Il est aussi à noter que les veines
rénales présentent souvent sur un ou
plusieurs points de leur longueur des
dilatations en forme de sinus. Chez le
Tétrodon , chacun de ces troncs con-
stitue ainsi un sinus arrondi après sa
sortie des reins, mais en général c'est
dans l'intérieur de ces organes que
ces réservoirs sont ménagés. Chez
Y Anableps tetrophthalmus, le Trigla,
VOreosoma, le Blepsias, etc., la veine
rénale du côté droit présente un grand
sinus réniforme; chez le Sphijrœna
picuda , le Cobitis fossilis, VArgen-
tina,elc. , ce vaisseau en offre deux, qui
sont placés l'un en avant de l'autre, et
chez la Tanche il y a tout un chape-
let de ces sinus; enfin, chez le Tétrodon
maculatus, chacune de ces veines se
renfle de la sorte dans son point de
jonction avec la jugulaire (h).
(a) Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. I, p. 516, pi. 7, fig\ i.
(b) Owen, Lectures on the Comp. Anat. ofthe Vertebrate Animais, p'. 251.
(c) Hyrtl, loc. cit., p. 36.
(d) Idem, ibid., p. 33.
(e) Idem, ibid., p. 33.
(f) Voyez Bonsdorff, Op. cit. (Mém. de la Soc. Finnoise, t. III, pi. 9,.
(g) Hyrtl, Op. cit., p. 33.
(h) Idem, ibid., p. 34.
360 APPAREIL DE LA. CIRCULATION
ïl est aussi à noter que chez quelques Poissons les veines
abdominales se dilatent beaucoup , et communiquent même
avec des sinus caverneux situés à la partie supérieure de la
cavité viscérale. Cette disposition se voit dans la famille des
Raies, et se trouve portée très loin chez les Lamproies (1).
Pendant leur trajet vers le sinus précardiaque, les veines
(1) Je reviendrai bientôt sur l'étude
des sinus veineux des Lamproies, et
je me bornerai à ajouter ici que Monro
a trouvé chez la Raie des sinus san-
guins très considérables qui sont for-
més, soit par les veines abdominales
dont le tronc est très dilaté, soit par
les branches anastomotiques qui unis-
sent entre eux ces deux vaisseaux,
et par des réceptacles situés au-
dessus des organes génitaux (a).
M. Natalis Guillot a étudié de nou-
veau ces sinus, et les considère
comme étant formés principalement
par un tissu caverneux ou lacu-
naire (b). Ces réservoirs veineux, que
Ton désigne sous le nom de sinus de
Monro, ont été trouvés aussi chez les
Squales par M. Robin. Voici la des-
cription que ce dernier anatomiste en
donne : a Chez les Squales comme chez
les Raies, ce réservoir se remplit lors-
qu'on injecte le vaisseau lymphatique
de la ligne latérale du corps ; comme
chez les Raies aussi, on le remplit en
poussant une injection d'air par une
des veines situées sur les côtés de la
colonne vertébrale. En remplissant
ce réservoir par l'insufflation de l'air,
on peut très facilement en étudier la
disposition, surtout pour ce qui con-
cerne la structure des parois et les
filaments fibreux entrecroisés que pré-
sente l'intérieur du réservoir, sur les
côtés et en avant, près de l'abouche-
ment dans le sinus de Cuvier de la
veine qui lui fait suite et de laquelle
il n'est qu'une sorte d'appendice. Cet
abouchement se fait de chaque côté par
un orifice très étroit relativement à la
capacité du réservoir. Chez les Raies,
chez les Squales, mais plus facilement
chez ces derniers, on peut remplir le
réservoir lacuneux en poussant l'in-
jection par la veine caudale. Les parois
du réservoir sont très minces, de cou-
leur rosée, analogue à celle des parois
des oreillettes, et elles ont un aspect
aréolaire , lâche, dû à des faisceaux
d'un tissu rongeâtre , diversement
entrecroisés. Le réservoir lui-même,
dans sa portion la plus large, est divisé
en deux lobes, l'un à droite, plus
grand, et l'autre à gauche, plus petit.
Cette division en deux lobes est due
à l'existence d'une cloison située sur
la ligne médiane de la colonne verté-
brale : du reste, cette cloison est incom-
plète ; elle est percée d'un grand nom-
bre de trous très larges, permettant une
facile communication d'un des lobes
du réservoir dans l'autre (c). »
(a) Monro, The Structure of Fishes, p. 17.
(b) Natalis Guillot, Sur un réservoir particulier de la circulation des Raies [Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1845, t. XXI, p. 1179).
(c) Robin, Communication sur le système veineux des Raies, etc. {Joitmal de l'Institut, 1845 ,
t.. XIII, p. 429).
CHEZ LES POISSONS. 361
abdominales reçoivent plusieurs branches , notamment la
veine spermatique, qui revient des testicules ou de l'ovaire (1),
et un petit tronc qui appartient à la vessie natatoire. Enfin, les
veines jugulaires (2), auxquelles ces deux grands vaisseaux se
réunissent d'ordinaire avant que de déboucher dans le sinus
précardiaque (3), proviennent des parties latérales de la tête, et
reçoivent en général quatre branches principales, savoir : une
veine cérébrale, une veine oculaire, une veine faciale interne
et une veine faciale externe. En général,, ces veines de la tête
suivent le trajet des principales artères, et il est à noter aussi
que les veines jugulaires communiquent entre elles par un tronc
anastomotique assez large, et constituent en général, derrière
les orbites, un sinus plus ou moins vaste (4).
(1) Ces veines accompagnent les (U) Ce sinus se trouve entre la base
artères spermatiques, et, après avoir du crâne et le sommet de l'appareil
passé au-dessus de l'estomac, traver- hyoïdien (cl). M. Hyrtl le désigne sous
sent l'extrémité antérieure des reins le nom de bulbe ojihthalmique de la
pour aller déboucher dans les veines veine jugulaire (e). Il est extrême-
cardinales (a). ment développé chez les Squales, et
(2) Veines cardinales antérieures constitue de chaque côté des branchies
de quelques auteurs. un vaste réservoir qui s'étend dans
(3) Suivant quelques anatomistes, les cavités orbilaires (f).
les deux veines jugulaires du Thon Les veines qui y rapportent le sang
se réuniraient pour former un tronc des diverses parties de la tête for-
commun qui irait s'ouvrir directe- ment de chaque côté quatre troncs
ment dans le sinus précardiaque (6). principaux, savoir : 1° une veine cé~
Mais on voit, par les recherches de rébrale, qui sort de la cavité crânienne
MM. Eschricht et Millier, que ces vais- par le trou du nerf optique ; T une
seaux débouchent comme d'ordinaire veine oculaire, qui vient de l'œil et
sur les deux côtés du sinus corn- longe le nerf optique; o" une veine
m un (c). faciale interne , qui occupe le bord
(o) Voyez Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 7, fig. 4, et pi. 8, fig. 2.
— Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones, pi. K, fig. 2.
(6) Owen, Lectures on the Comp. Anat. of the Vertebrate Animais, p. 251.
(c) Eschricht et Millier, Ueber die arteribsen und venbsen Wundemetze an der Leber des Thun-
fische (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1835, pi. 3, fig. 1 e).
(d) Voyez Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 7, fig. 1.
(e) Hyrtl, Sur les sinus caudal et céphalique des Poissons (Ann. des sciences nat., 1843, 2" série,
t. XX, p. 225, pi. 7, fig. 8).
(/) Robin, Sur le système veineux des Poissons cartilagineux (Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1845, t. XXI, p. 12S2).
362
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Système
' de
§ \ h . — Le système de la veine porte hépatique est formé ,
ia veine porte comme je l'ai déjà dit, par les veines de l'intestin, de l'estomac
et de la rate, dont les troncs terminaux se ramifient dans le
foie (1), et par les veines hépatiques qui naissent du réseau
inférieur de l'orbite ; U° une veine fa-
ciale externe , qui se trouve au bord
externe du muscle masséler. Ces vais-
seaux suivent en général les artères
correspondantes, et, arrivés au bord
postérieur de l'orbite, ils débouchent
dans le bulbe ophthalmiquedela veine
jugulaire. Ce sinus est mis en com-
munication avec son congénère par
un tronc anastomotique transversal.
Chez la Truite il est peu développé (a);
mais, chez d'autres Poissons, tels que
les Silures, il acquiert un volume assez
considérable (6).
La veine jugulaire se dirige ensuite
en arrière, sur les côtés de la base du
crâne, et, arrivée près de la ceinture
scapulaire, reçoit la veine abdominale.
Enfin le tronc qui résulte de l'union
de ces deux vaisseaux, et qui peut
être désigné sous le nom de veine
cave antérieure, se porte en dedans, et
"va s'unir à son congénère pour former
derrière l'oreillette le sinus de Cuvier,
ou sinus précardiaque, qui est par con-
séquent le représentant d'une veine
cave antérieure commune (c).
Il est aussi à noter que les veines
qui naissent du réseau capillaire de
la choroïde se ramifient de nouveau
dans le ganglion vasculaire , et s'y
entremêlent avec les divisions du ré-
seau admirable artériel dont il a été
question ci-dessus.
(1) Chez quelques Poissons, tels que
les Cyprins et les Lottes, la majeure
partie du sang venant des organes
génitaux est versée également dans la
veine porte hépatique (d), et il paraî-
trait même que chez le Silurusglanis,
une des grosses branches de la veine
caudale concourt à la formation de ce
système (e)
Il est aussi à noter que chez les
Cyprins, où le foie entrelace ses lobes
avec les replis de l'intestin, la veine
porte est en quelque sorte diffuse, car
les veinules viscérales y pénètrent
directement, sans s'être réunies au
préalable en un ou plusieurs gros
troncs. Mais cette disposition est ex-
ceptionnelle, et, en général, ces vais-
seaux se groupent de la manière sui-
vante :
Tantôt toutes les veines viscérales
se réunissent en trois troncs qui pénè-
trent isolément dans le foie (exemple,
Cottus scorpius), ou bien ne forment
que deux troncs principaux avant
d'entrer dans cet organe, disposition
(a) Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones, p. 131, pi. K, fig. 2.
(6) Hyrtl, Sur l'appareil vasculaire des Poissons (Ann. des sciences riat., 1843, t. XX, pi. 7,
fig. 8).
(c) Voyez Monro, Anat. ofFishes, pi. 2.
— Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 26, fig. 1 et 2 ; pi. 7, fig. 1.
— Agassiz et Vogl, Op. cit., pi. K, fig. 2.
— Bonsdorff, Op. cit. (Mém. de la Soc. de Finlande, t. III, pi. 9).
(d) Rathke, Ueber die Leber und das Pfortader-System der Fische (Meckel's Archiv fur Physiol.,
182(1, p. 126), et Mém. sur le foie, etc. (Ann. des sciences nat., 1826, t. IX, p. 169).
(e)Nicolai, Uutersuchungeri iiber den Verlauf und die Vertheilung der Venen bei einigen
Vôgeln, Amphibien und Fischen (Isis, 1826, 1. 1, p. 413).
CHEZ LES POISSONS. 363
vaseulaire ainsi constitué, et se terminent antérieurement par un
seul tronc, lequel, presque aussitôt après sa sortie de ce viscère,
débouche dans le sinus précardiaque, vers le milieu de la paroi
postérieure de ce réservoir, et constitue l'analogue du vaisseau
que M. Bathke a trouvée chez le Bro-
chet, l'Éperlan, le Hareng, les Épino-
ches , divers Pleuronectes, etc. , et
qui existe aussi chez le Spatulaire (a)
et le Gymnote (';). D'autres fois la plus
grande partie de ces veines forme un
seul tronc, mais il y a encore des pe-
tits rameaux qui pénètrent isolément
dans le foie, ainsi que cela se voit
chez la Perche, la Lotte, l'Alose, le
Silure, etc. Enfin, d'autres fois encore
tous ces vaisseaux se réunissent en un
seul tronc avant d'arriver au foie ;
genre de centralisation qui se ren-
contie chez l'Anguille, la Lotte, le
Goujon, les Truites, etc. (c).
En général, les principales branches
sont disposées d'une manière assez
simple. Ainsi, chez les Salmones, deux
troncs veineux longent l'intestin dans
toute sa longueur et, après l'avoir
abandonné en avant, se réunissent en
un seul tronc qui s'anastomose avec
une seconde branche venant de la
rate et de l'estomac. Une troisième
branche, venant également de la rate,
longe la partie postérieure de l'esto-
mac et reçoit des ramuscules des ap-
pendices pyloriques. Enfin ces diverses
branches se réunissent en un seul
tronc, à la face interne du foie, près
du point où le conduit biliaire s'ouvre
dans la vésicule du fiel ; ce tronc pé-
nètre dans celte glande et s'y divise
en rayonnant {d).
Je ferai remarquer aussi que souvent
le tronc principal de la veine porte se
divise en plusieurs branches avant de
pénétrer dans la substance du foie,
disposition qui a été très bien repré-
sentée chez la Lotte par M. Bons-
dorff (e).
Chez les Plagiostomes du genre
Marteau (Zygœna, Cuv.), la partie
postérieure du tronc principal de la
veine porte, ou veine mésentérique.
présente une disposition très singu-
lière. Au lieu d'être logée comme d'or-
dinaire à l'extérieur de l'intestin, elle
se trouve dans la cavité de ce tube,
insérée au bord du grand repli mem-
braneux qui faitsaillie dans l'intérieur
du gros intestin, et y constitue l'appen-
dice nommé valvule spirale. Duver-
noy,qui a fait connaître cette particula-
rité, a trouvé aussi que les parois de
cette portion de la veine porte sont très
épaisses et d'apparence musculaire;
aussi suppose-t-il qu'elle est pulsatile
et remplit les fonctions d'un cœur vei-
neux {f).
Cette disposition n'a été observée
(a) Alb. Wagner, De Spatulariarum anatome (Dissert, inaug., Berolini, 1848, (ig. 4).
(b) Délie Chiaje, Dissertazioni sull' Anatomia umana comparata e pathologica, t. I, p. 94.
pi. 46.
(c) Ralhke, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. IX, p. 171).
{d) Agassiz et Vogt, Op. cit., p. 133, pi. K, fig. 2.
{e) Bonsdorff, Op. cit., (Mém. de la Soc. Finnoise, t. III, pi. S).
(f) Duvernoy, Sur quelques particularités du système sanguin abdominal et du canal alimen-
taire de plusieurs Poissons cartilagineux (Ann. des sciences nat., 1835, 2° série, t. III n 274
pl. 10, fig. 2).
36/l APPAREIL DE LA CIRCULATION
qui, chez l'Homme et les autres Vertébrés supérieurs, est connu
sous le nom de veine cave postérieure.
Chez la plupart des Poissons, aucune autre veine ne vient
déboucher dans ce tronc terminal du système hépatique ou
veine cave postérieure ; mais chez quelques Ganoïdes, ce vais-
seau acquiert plus d'importance et ressemble davantage à ce
que nous trouverons chez les Vertébrés supérieurs. En effet,
il prend naissance vers la partie postérieure de l'abdomen , où
il s'anastomose avec les veines cardinales ou abdominales, et
en s' avançant vers le cœur il reçoit les veines provenant de
la vessie aérienne (1).
chez aucun antre Plagiostome, si ce
n'est dans une espèce indéterminée
voisine des Milandres. Mais je dois
ajouter que chez la Lamproie le tronc
principal de la veine porte est égale-
ment logé dans un repli intérieur
de la tunique muqueuse de l'intes-
tin (a).
Enfin il y a aussi de grandes varia-
tions dans le mode de groupement
des veines hépatiques qui naissent des
ramuscules de la veine porte, et qui
sortent du foie pour se rendre vers le
cœur.
Ainsi, chez VEsoœ Bello?ïe, le Cy-
dopterus Lumph, la Blennie, l'An-
guille, les Salmones, le Silure, l'Estur-
geon, etc., ces veines se réunissent
toutes en un seul tronc qui va débou-
cher au milieu du sinus commun. Chez
la Tanche, le Goujon, la petite Brème,
le Brochet, les Pleuronectes , etc.,
il y a deux de ces troncs. Enfin,
chez la Perche, la grande Brème, le
Chabot scorpion, etc. , on en trouve
trois. Du reste, ces variations ont
peu d'importance, car elles se ren-
contrent parfois dans les différentes
espèces d'un même genre naturel : par
exemple, chez l'Épinoche (Gasterosteus
spinachia), il y a deux troncs hépa-
tiques, tandis que chez le Gasterosteus
aculeatus et le G. pungitius , il n'y
en a qu'un seul.
Pour plus de détails sur l'origine et
le mode de groupement des branches
constitutives de la veine porte, je ren-
verrai au Mémoire déjà cité de
M. Ralhke, et à un travail plus récent
sur le même sujet par M. Schmid (fc).
(1) Cette disposition, dont nous de-
vons la connaissance a M. J. Mill-
ier (c), offre beaucoup d'analogie avec
le mode d'organisation de cette por-
(a) Magendie et Desmoulins , Note sur l'anatomie de la Lamproie (Journal de physiologie de
Magêndie, 1822, t. II, p. 229).
— Ralhke, Anatomische-physiologische Bemerkungen (Meckel's Deutsches Archiv fur die
Physiologie, 1823, t. VIII, p. 51).
(b) F. Gh. Schmid. Vêler die Leber und das Pfortadersystem der Fische (Dissert, inaug.,
Augsbourg, 1849).
(c) J. Mùller, Fernere Bemerkungen ûber den Bau der Ganoiden (Bericht der Akad. der
Wissensch. %u Berlin, 1846, p. 68).
CHEZ LES POISSONS.
i65
Chez le Thon, plusieurs des gros troncs de la veine porte
présentent une disposition très remarquable : elles commu-
niquent entre elles par des branches anastomotiques, et ces
rameaux, ainsi que plusieurs des ramuscules terminaux, au
lieu detre simples, comme d'ordinaire, se subdivisent en une
multitude de capillaires rangés parallèlement comme les fils
d'un écheveau, puis se réunissent de nouveau en un tronc com-
mun avant de déboucher dans le vaisseau auquel ils se rendent
pour pénétrer dans la substance du foie. Ces houppes vasculaires,
ou réseaux admirables, pour me servir du terme généralement
tion du système vasculaire chez le
Lepidosiren paradoxa; mais chez ce
dernier les veines pulmonaires, au lieu
de déboucher dans la veine cave,
se rendent directement au cœur.
La portion postérieure du système
des veines cardinales est représentée
par deux veines caudales qui cô-
toient l'aorte, et qui viennent s'ap-
pliquer sur le bord externe des
reins , où elles reçoivent les veines
ovariennes et donnent naissance aux
veines afférentes ou veines arté-
rieuses des reins. Mais elles ne se
terminent pas dans ces organes, et
vont s'anastomoser de chaque côté
avec une des veines costales qui vient
des parois latérales de l'abdomen et
débouche dans la veine cave corres-
pondante. Les veines efférentes des
reins naissent sur le bord opposé de
ces glandes, et constituent les veines
caves. Celle de gauche est très grêle et
déverse tout de suite une portion deson
contenu dans sa congénère , à l'aide
de plusieurs branches anastomotiques
transversales. La grosse veine cave,
située à droite, se dirige directement
en avant, se loge dans un sillon du
bord dorsal du foie, où elle reçoit direc-
tement les veines hépatiques, puis
débouche dans l'oreillette (a). Une
paire de veines caves antérieures, for-
mées par la réunion des veines jugu-
laires et claviculaires, se rendent aussi
à l'oreillette, et sont mises en commu-
nication avec les veines caves posté-
rieures à l'aide d'une paire de bran-
ches anastomotiques longitudinales
qui correspondent aux veines cardi-
nales ou abdominales des Poissons, et
qui portent le nom de veines azijgos.
Il est aussi à noter que chez cet
Animal la veine porte, après avoir
formé un tronc principal très court, se
divise en deux branches artérieuses ou
afférentes, l'une inférieure, l'autre su-
périeure, qui reçoivent diverses bran-
ches gastriques. Les veinesefférenlesde
ce système, ou veines hépatiques pro-
prement dites, ne se réunissent pas en
un ou plusieurs troncs hors du foie,
mais débouchent directement dans la
portion de la grande veine cave qui
adhère à la face supérieure de cet
organe (6).
(a) Hyrtl, Lepidosiren paradoxa Monogn
(b) Idem, ibid., pi. 3, fig. 3.
hie {Mém. de l'Acad. de Bohême, t. V, pi. 5)
366 APPAREIL DE LA CIRCULATION
usité par les anatomîstes, rappellent, jusqu'à un certain point,
les lacis capillaires que ces mêmes veines vont former dans
l'intérieur du foie et que les veines afférentes des reins consti-
tuent dans la profondeur de la substance de ces organes ;
mais au lieu d'être en connexion avec le tissu d'une glande,
ce chevelu vasculaire se trouve ici à nu (1).
Chez quelques Squales, où la veine porte ne présente rien
de particulier, une disposition analogue s'observe dans les
veines hépatiques qui sortent du foie pour déboucher dans le
sinus précardiaque (2).
Enfin il est aussi à noter que dans l'estomac de la Loche
des étangs , où nous avons vu un travail respiratoire s'accom-
plir (3), les ramuscules veineux se prolongent en forme de
houppes dont la structure rappelle beaucoup celle des ganglions
vasculaires de la vessie natatoire de quelques Poissons (k).
veines c \ 5 — Enfin les veines de Duvernov, ou veines hyoïdiennes,
de Duvernoy. , ° •' - •>
qui rapportent le sang fourni à l'appareil respiratoire par les
(1) Ces mèches de vaisseaux capil- où il y a aussi des capillaires arté-
laires se trouvent pour la plupart près riels, mais dont l'origine n'a pas été
de la face postérieure du foie, et sont déterminée. M. Millier n'a trouvé rien
mêlées à celles formées par les artères de semblable chez les autres Plagio-
gastriques, hépatiques, etc. Mais il ne stomes dont il a fait l'anatomie (b).
paraît y avoir aucune communication (3) Voyez tome II, page 383.
anastomotique entre ces deux ordres (/i) M. Treviranus a trouvé que
de vaisseaux (a). les veines gastriques du Cobitis fos-
(2) M. Millier a trouvé ce mode silis constituent des houppes qui ont
d'organisation chez le Lamna cornu- beaucoup d'analogie avec un rete mi-
bica. Les mèches vasculaires formées rabiîe diffus ; disposition qui ne se
par les divisions chevelues des veines voit pas chez la plupart des Poissons,
hépatiques constituent à la partie an- lors même que la membrane mu-
térieurede l'abdomen, de chaque côté quense intestinale est très vasculaire,
de l'œsophage, une masse volumineuse comme chez les Trigles (c).
(a) Eschricht et Miiller, Ueber die arteriôsen und venosen Wundemetze an der Leber und
elnen merkivurdigen Bau dièses Organes beim Thunflsche (Mém. de l'Acad. de Derlinpour 1835,
p. 6, pi. 2 et 3).
{b) Eschricht et Millier, loc. cit., p. 21.
(c) Treviranus, Beobachtungeu aus der Zoctomie and Physiologie, crslcs Ucfl, 183'J,p. 19.
CHEZ LES POISSONS. 3G7
artères nourricières des branchies, débouchent aussi directe-
ment dans le sinus veineux commun, près de son entrée dans
l'oreillette (1).
Si le Lepidosiren est bien réellement un Poisson, ainsi que
le pensent presque tous les zoologistes du jour, il faut noter
encore ici l'existence exceptionnelle de veines pulmonaires. En
effet, le sang qui a été distribué aux poumons de ces singuliers
animaux par les artères pulmonaires provenant des artères bran-
chiales, revient directement au cœur par deux veines situées à
la face supérieure de ces organes, et se réunit en un tronc
unique pour aller déboucher dans l'oreillette, au point où ce
réservoir se confond avec la terminaison des veines caves (2).
(I) Les radicules veineuses prove-
nant des artères nourricières des feuil-
lets branchiaux naissent sur les deux
faces de la lame cartilagineuse qui se
trouve dans l'intérieur de ces appen-
dices, et elles vont se réunir dans une
veine marginale située au côté interne
de chaque feuillet, parallèlement à la
branche marginale de l'artère bran-
chiale. Les veines disposées ainsi sur
les deux faces de chaque feuillet dé-
bouchent dans un tronc basilaire qui
longe le milieu du bord inférieur de
l'arc branchial, et qui va s'anastomo-
ser avec ses congénères pour consti-
tuer sur la portion basilaire de l'ap-
pareil hyoïdien une paire de veines
longitudinales situées au-dessus de
l'artère branchiale commune. Enfin
ces deux veines principales se réunis-
sent postérieurement en un ironc
commun qui traverse le péricarde
pour aller déboucher dans le sinus
précardiaque (a). La "portion radicu-
laire de ce système veineux hyoïdien
avait été d'abord considérée comme
appartenant au système lymphati-
que (6). Mais sa véritable nature a été
constatée par M. Millier (c) ainsi que
par MM. Agassiz et Vogt.
On voit donc qu'il existe dans cha-
que feuillet branchial, de deux côtés
de la lame cartilagineuse médiane, un
lacis vasculaire profond composé des
vaisseaux nourriciers, et un lacis su-
perficiel formé par les vaisseaux res-
piratoires. Sur les arcs branchiaux la
veine hyoïdienne se trouve à peu de
distance de l'extrémité du connectif
des feuillets ; vient ensuite l'artère
branchiale propre; plus profondé-
ment encore le vaisseau épibranchial
(dit veine branchiale) .
(2) L'orifice auriculaire du Lepido-
siren n'est pas garni de valvules.
Je ferai remarquer aussi que les
(n) Agassiz et Vogt, Anatomie des Salmones, p. 128 et suiv.
(6) Fohmann, Bas Saugadersystem der ^YirI^ellhiere, p. 34, pi. 9, ûg. 3.
(c) Millier, Vergl. Anat. der Myxinoiden, 3° partie (Acad. de Berlin, 1830, p. 200).
III. 24
3GS
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Sinus
des
■veines caves.
Valvules
des veines.
§ 'i 6. — Le sinus précardiaque, que l'on pourrait appeler aussi
la veine cave commune, est donc le point de réunion de toutes
les veines du corps. C'est un grand réservoir disposé transver-
salement, relevé et atténué des deux côtés, et situé tantôt entre
les lames aponévrotiques qui limitent en avant la cavité abdo-
minale (1), tantôt dans l'intérieur du péricarde, derrière et au-
dessus du cœur (2).
Un genre de perfectionnement qui acquiert beaucoup d'impor-
tance chez les Vertébrés supérieurs commence à s'introduire
dans le système veineux des Poissons, et consiste dans la forma-
tion de certains replis de leur membrane interne, disposés en ma-
nière de valvules et servant à empêcher le reflux du sang. On en
trouve à l'entrée des principales veinesdansle sinuscommun(â).
§ 17. — - On voit, par tout ce qui précède, que le système
veineux des Poissons ordinaires est constitué de façon à former
avec les artères un ensemble de tubes clos, et que l'appareil
circulatoire de ces Vertébrés n'emprunte jamais, pour se com-
veines pulmonaires de cet Animal re-
çoivent à leur extrémité postérieure
quelques branches anastomotiques ve-
nant des parois de l'abdomen (a). Le
tronc commun des veines pulmonaires
s'accole à la veine cave postérieure,
mais n'y débouche pas (6).
(1) Chez les Poissons osseux , ce
grand sinus veineux est très bien re-
présenté dans la figure de l'anatomie
de la Perche donnée par Cuvier (c),
et se voit également dans les planches
relatives à l'anatomie du Saumon
dans l'ouvrage de Monro (d). Chez le
Thon, ses parois sont garnies d'un ré-
seau lâche de fibres musculaires (e).
(2) Chez les Plagiostomes.
(3) Monro a très bien représenté ces
valvules chez la Raie (f) et chez le
Saumon (g)»
J'ajouterai que chez les Plagiostomes
il y a des canaux lymphatiques qui
entourent certaines veines , ainsi que
nous le verrons aussi chez les Ba-
traciens (h).
(a) Hyrll, Lepidosiren paradoxa (Mëm. de Bohême, 1845, t. III, pi. 3, fig. 2);
(b) Owen, On the Lepidosiren unnectens (loc. cit., pi. 26, fig. 2).
(c) Cuvier, Histoire des Poissons, t. I, pi. 7, fig. 1.
- — Voyez aussi Laurillard, Atlas du Règne animal, Poissons, pi. 2, fig1. 1.
(d) Monro, Struct. and Physiol. of Fislies, pi. 20, fig. 1 et 2 ; pi. 28 61 20.
(e) Leydig, Anat. histol. Untersuch. iiber Fische und Reptilien, p, 25.
(f) Monro, Struct. ofFishes, pi. 2.
(g) Op. cit., pi. 26, fig. 2.
(U) Leydig, Beilr.zurmikrosc. Anat. undEntwich. der Rochen und Raie, p, 69, et Anat. Unlers:
iiber Fische und Reptilien, p. 25.
CHEZ LES POISSONS. 369
pléter, la grande cavité viscérale qui, chez la plupart des Inver- Dégradation
tébrés, remplit les fonctions d'un réservoir sanguin. Mais, chez veiileufclel ia
quelques Poissons cartilagineux, on aperçoit des indices d'une amproie-
dégradation organique qui parait constituer un degré inter-
médiaire entre ces deux formes d'appareil irrigatoire. En effet,
chez les Lamproies, une portion considérable du système vei-
neux semble être formée par une série de lacunes plutôt que par
des vaisseaux proprement dits, et plusieurs des canaux par-
courus par le sang veineux n'ont guère pour parois que les
organes circonvoisins tapissés d'un peu de tissu conjonctif plus
ou moins condensé en forme de membrane (1). Il existe chez
ces Poissons une veine caudale disposée comme d'ordinaire et
se bifurquant à son entrée dans l'abdomen, où elle forme deux
veines cardinales qui longent de chaque côté l'artère aorte
abdominale ; mais au-dessous de ces vaisseaux il règne dans
presque toute la longueur du tronc un énorme sinus médian
qui occupe le milieu des reins et qui reçoit tout le sang
venant de ces organes, ainsi que des ovaires ou des testicules
situés au-dessous. Les veines de ces viscères sont aussi des sinus
ou des canaux sans parois bien distinctes, plutôt que des
tubes vasculaires ordinaires, et le grand réservoir rénal com-
munique avec les veines cardinales par un grand nombre de
pertuis (2). Enfin , celles-ci débouchent dans le sinus pré-
cardiaque où viennent aussi se terminer une série de sinus
céphaliques qui tiennent lieu de veines jugulaires , et qui
paraissent être des lacunes interorganiques seulement (3).
(1) Cet état de dégradation du sys- trabécules sont de texture fibreuse,
tème veineux chez les Lamproies a (3) Lorsqu'on injecte le système vei-
été brièvement indiqué par M. Du- neux de ces Animaux par la partie pos-
méril, en 1812 (a). térieure du corps, on voit se remplir
(2) Ainsi que l'a fait remarquer d'abord les vaisseaux et les sinus de
M. Relzius, ce grand réservoir con- la région abdominale , puis, dans la
siste en un tissu spongieux dont les région céphalique , une cavité mé-
(a) Duméril , Dissertation sur la famille des Poissons Cycloslomes, suivie d'un Mémoire sur
l'anatomie des Lamproies, p. 52.
370 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Chez les Myxinoïdes, ces anomalies ne s'observent pas, et le
système veineux est constitué à peu près de la même manière
que chez les Poissons ordinaires (1).
«liane qui est traversée par l'artère
branchiale et qui communique de
chaque côté avec des sinus, dans l'in-
térieur de chacun desquels se trouve
suspendue une des poches branchiales.
Enfin on . reconnaît que toutes ces
veines communiquent aussi très libre-
ment avec une grande lacune labiale
qui occupe la partie antérieure et
inférieure de la tête. Sur des Lam-
proies très fraîches, j'ai trouvé toutes
ces lacunes occupées par du sang ,
et, en y poussant un injection colorée,
j'ai vu les veines abdominales se rem-
plir.
(1) Quelques particularités assez im-
portantes dans la marche et le mode
de groupement des veines se remar-
quent cependant chez ces Cyclostomes.
Ainsi les deux veines jugulaires com-
munes ne sont pas disposées symétri-
quement. Celle du côté gauche se porte
en ligne droite de la partie antérieure
et latérale de la tête vers l'abdomen, en
passant au-dessus des sacs branchiaux,
et va s'anastomoser comme d'ordi-
naire avec l'extrémité antérieure de
la veine cardinale du même côté (a).
Mais le tronc jugulaire du côté droit,
arrivé vers le milieu de l'appareil bran-
chial, descend sur la ligne médiane
sternale, longe l'artère branchiale com-
mune, et se porte à gauche, où il dé-
bouche dans la veine cave commune,
près de l'entrée de celle-ci dans l'oreil-
lette (6).
La veine caudale, en entrant dans
la cavité abdominale, devient comme
d'ordinaire la veine cardinale gau-
che, qui se placé à côté de l'aorte et
reçoit les veines intercostales du
même côté , etc. Une veine cardinale
droite , plus petite , prend naissance
sur le rein du côté droit , s'anasto-
mose avec sa congénère par une
multitude de petits vaisseaux trans-
versaux, et va enfin se confondre avec
ce tronc à la partie antérieure de
l'abdomen. La veine cardinale gauche,
après avoir reçu le sang apporté
ainsi par la veine cardinale droite
et par quelques veines gastriques,
constitue une veine cave antérieure
qui se courbe à gauche du cardia, se
joint à la jugulaire correspondante, et
débouche dans l'oreillette après avoir
reçu aussi la veine hépatique et la ju-
gulaire droite réunies (c).
Il est aussi à noter que les veines
costales s'anastomosent entre elles par
une double série de branches longi-
tudinales,de façon à former de chaque
côté des mailles quadrilatères qui en-
tourent les glandes sous-cutanées (d).
La veine porte est formée princi-
palement parla veine mésentérique,
qui longe l'intestin et qui reçoit des
branches des veines des organes gé-
(a) Voyez Millier, Vergl. Anal, der Uijxinoidcn, l" partie, pi. 7, fig. 1,
(b) Reizius, Mëm. sur l'anatomie delà Myxine (Ann. des sciences nat., 1828| l. XIV, pi. 9,
lig. 2, n» 9). - ' ■
(c) Voyez Retzius, loc. cit., lig. \ 5.
[il) Idem, ibid., iigi 3, n° lïi.
CHEZ LES POISSONS. 371
§ 18. — Pour terminer cette esquisse de l'histoire anatomique commune-
\ • tions d6^ vçinos
de l'appareil circulatoire des Poissons, il me reste encore a si- avec des
gnaler une disposition très remarquable du système veineux. îympSques.
Divers canaux qui ne contiennent pas de sang viennent débou-
cher dans les veines caudales et dans les veines de la tête, mais
leurs orifices terminaux sont garnis de valvules qui s'opposent à
l'entrée du sang dans l'intérieur de ces vaisseaux, tout en lais-
sant passer les liquides de l'intérieur de ceux-ci dans le système
circulatoire. Lorsque nous étudierons l'appareil lymphatique,
nous reviendrons sur l'examen de ces tubes que les naturalistes
désignent, mais probablement à tort, sous le nom de canaux
mucipares '(!),. et je me bornerai à ajouter ici que l'organe
nitaux et une partie des veines de rieure de ce réservoir et se distribuent
l'estomac, ainsi qu'une branche ve- dans le foie. La veine hépatique, ou
liant des parois latérales du corps. veine efférente de cet organe, traverse
Parvenu près du foie, ce tronc se di- la capsule cartilagineuse qui loge le
late et forme une grande poche ou péricarde, et débouche dans la veine
sinus (a), que quelques anatomistesont cave commune, au confluent des veines
considéré comme une espèce de cœur jugulaires, par conséquent sous la
accessoire , car on y voit des puisa- portion de ce vaisseau qui correspond
tions (6) ; mais, comme M. Miiller le au sinus précardiaque des Poissons
fait remarquer, ce réservoir n'est pas ordinaires.
pourvu de valvules intérieurement, et Pour plus de détails sur ce sujet, on
les faisceaux de fibres dont ses parois peut consulter lesdescriptionsdonnées
sont garnis paraissent être composés par M. Retzius et M. Mûller (c).
principalement d'un tissu jaune, élas- (1) Voyez à ce sujet les travaux de
tique, et non de tissu musculaire. Les M. Hyrtl, de MM. Agassiz et Vogt, et
veines afférentes, ou veines artérielles de M. Robin, etc. (d).
du foie, naissent de l'extrémité anté-
(a) Voyez Retzius, loc. cit., pi. 9, fig. 1.
(b) Miiller, Bemerkungen ûber eigenthûmlkhe Herzen des Arterien-und Venensystems (Archiv
fur Anat. und Physiol., 1842, p. 477).
(c) Retzius, Bidrag till àder-och Nerfsystemets Anaiom.it hos Myxine glutinosa (Vetenskops-
Academiens Handlingar for 1822, p. 233, pi. 3) , trad. en français dans les Ann. des sciences
nat., 1828, t. XIV, p. 148.
— Miiller, Vergl. Anat. der Myxinoiden, 3° partie (Mêm. de l'Acad. de Berlin pour 1839,
p. 186 et suiv.).
(d) Hyrtl, 'Ueber die Caudal-und Kopf-Sinuse der Fische (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol.,
1843, p. 224).
— Sur les sinus caudal et céphalique des Poissons, et sur le système des vaisseaux latéraux
avec lesquels ils sont en connexion (Ann. des sciences nat., 1843, 2* série, t. XX, p.. 214).
— Robin, Note sur un appareil particulier des vaisseaux lymphatiques chez- les Poissons
(Journal de V Institut, 1845, t. XIII, p. 144 et .452).
372 APPAREIL DE LA CIRCULATION CHEZ LES POISSONS.
pulsatile découvert dans la queue de l'Anguille par Marshall-
Hall, et décrit par ce physiologiste comme étant un cœur acces-
soire (1), appartient à ce système , et non à l'appareil circu-
latoire.
(1) Marshall-Hall, A Critical and
Expérimental Essay on the Circula-
tion ofthe Blood, 1831,p.l70,pl. 10.
M. J. Davy a remarqué dans les ap-
pendices accessoires mâles des Raies
et des Torpilles une cavité pulsatile
qui renfermait du sang, et que cet au-
teur considère comme un cœur acces-
soire ; mais il n'a pas fait connaître les
relations de ce réservoir avec le sys-
tème vasculaire (a). D'après les nou-
velles observations de M. Hyrtl, il pa-
raît que cet organe appartient au sys-
tème lymphatique (6).
(a) i. Davy, On the Maie Organs of some of the Cartilaginous Fishes {Philos. Trans. , 1839,
p. 445).
(6) Hyrtl, Sur le système vascul. des Raies (l'Institut, 1857. t. XXV, p. 325).
VINGT -SEPTIEME LEÇON.
De l'appareil circulatoire dans la classe des Batraciens,
§ 1. — L'étude de l'appareil circulatoire des Batraciens ^gj™
offre beaucoup d'intérêt, parce que ce système, adapté successi-
vement au service d'une respiration branchiale et d'une respi-
ration pulmonaire chez le même individu , présente à certains
égards , d'abord les caractères de l'appareil circulatoire des
Poissons, puis ceux de ce même appareil chez les Vertébrés
supérieurs. Son étude nous permet donc de bien saisir les res-
semblances fondamentales qui peuvent exister dans le système
vasculaire de tous ces Animaux , malgré les différences qui se
rencontrent chez ceux dont le mode de respiration varie, et
de bien apprécier les modifications que cette différence physio-
logique entraîne dans la structure de cette portion de l'orga-
nisme.
Les Batraciens offrent des exemples de quatre formes prin-
cipales de l'appareil circulatoire, suivant que ces animaux res-
pirent à l'aide de branchies externes seulement; qu'ils possèdent
des branchies internes sans avoir en même temps des poumons;
qu'ils ont à la fois des branchies et des poumons ; ou bien
qu'ils ne respirent qu'à l'aide de ces derniers organes.
S 2. — Le cœur de ces Animaux (-\) se compose d'une structure
• J L dit cœur.
série de trois cavités contractiles qui correspondent par leur
(1) Le cœur des Batraciens est situé la région jugulaire, au-devant du
à peu de distance de la tète, presque foie ; chez les Anoures, il est placé
immédiatement derrière l'appareil plus en arrière. En général, il est sus-
hyoïdien. Chez les Pérennibranclies pendu librement dans le péricarde,
et chez les têtards des Batraciens mais chez la Grenouille il y est fixé
Abranches , il se trouve au milieu de postérieurement par un frein aponé-
374 APPAREIL DE LA CIRCULATION
position et leurs usages à l'oreillette, au ventricule et au bulbe
aortique du cœur des Poissons. Chez les Batraciens qui ne
respirent que par des branchies, ainsi que cela a lieu chez les
Têtards pendant le jeune âge, la première de ces pompes car-
diaques est simple comme dans la classe précédente. Mais ce
mode d'organisation n'est que transitoire, et chez le Batracien
adulte, soit que celui-ci respire tout à la fois par des branchies
et des poumons, ou qu'il ne possède plus que des poumons ,
l'oreillette est divisée en deux loges par une cloison verticale,
ou plutôt il existe deux oreillettes, dont la disposition rappelle
ce que nous avons déjà vu chez le Lepidosiren (1). Effective-
ment l'une de ces loges, celle du côté droit, communique avec
le système veineux général du corps , tandis que celle du côté
gauche reçoit le sang artériel qui revient des poumons par les
veines pulmonaires (2). Du reste, ces deux loges débouchent
dans le ventricule par un orifice commun ou très près l'un
vrotique, et chez les Salamandres un propres à distinguer les premiers des
ligament analogue s'étend tout le long Ophidiens, des Sauriens et des Chélo-
de son bord droit (a), niens. Meckel pensait aussi que les
(1) Voyez ci-dessus, page 318. Batraciens ont généralement un cœur
(2) Depuis Harvey (b) jusque dans à oreillette uniloculaire , mais il dé-
ces dernières années, les anatomistes couvrit que chez le Pipa la cavité de
pensaient que les Batraciens avaient cet organe est divisée en deux loges
tous un cœur à une seule oreillette, par un voile membraneux (e). M. J.
et dans la méthode de classification Davy a trouvé, de son côté, que le
des lleptiles par Alex. Brongniart (c), cœur présente la même structure chez
que Cuvier a toujours suivie (d), cette la Grenouille et chez le Crapaud (/").
particularité de structure est employée Plus récemment ces résultats ont été
comme un des principaux caractères étendus aux Salamandres par M. Mar-
(a) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 287.
(b) Harvey, Exercit. anat. de motu cordis, cap. xvn.
(c) Brongniart, Essai d'une classification naturelle des Reptiles, 1805.
(d) Cuvier, Règne animal, t. II, p. 101 (28 cuit., 1829).
— La même opinion était soutenue en 1829 par Aliéna, Commentatio ad quœstionem. Systematice
enumerentur species indigence Replilhtm ex ordine Batrachiorum, addita anius sallem speciei
anatome, etc., p. 54. Lcyde, 1829.
(e) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 287.
if) J. Davy, Observ. on the Structure of the Heart of Animais of the Genus P.ana (Jamcson's
New Philos. Journal, 1828, t. V, p. ICO, et Research-, Physiol. and Anat.,\o). I, p. 135 et
CHEZ LES BATRACIENS. 375
de l'autre, et leur séparation ne semble pas pouvoir influer
notablement sur le cours du sang (1).
Le ventricule , dont les parois sont très charnues et d'une
tin Saint- Ange (a), à la Sirène, à l'Am-
phiume et auProtéepar M. Owen(fi),
Dans la plupart des traités d'anato-
mie comparée, on cite le Menobran-
chus et Y Axolotl comme faisant ex-
ception à cette règle et comme n'ayant
qu'une seule oreillette (c). Cependant
chez ces deux Batraciens la portion
auriculaire du cœur est divisée plus
ou moins complètement en deux loges.
Ainsi, M. Calori a trouvé que, chez
l'Axolotl, l'oreillette, en apparence
unique, est divisée intérieurement en
deux cavités ou loges dont l'une ,
grande et située en avant, reçoit les
veines caves, et une postérieure, plus
petite, reçoit les veines pulmonaires (rf).
M. Mayer a trouvé aussi dans l'inté-
rieur de la cavité auriculaire du cœur
du Menobranchus une saillie charnue
qui la divise incomplètement en deux
loges (e).
M. Hyrtl a trouvé que chez le
Proteus anguinus (ou Hypochthon
Laurentii), la cloison qui sépare les
deux oreillettes s'étend jusqu'à l'ori-
fice ventriculaire , mais est incom-
plète (/•).
M. Stannius pense qu'il en est de
même chez la Cécilie [g).
(1) En général, la séparation des
oreillettes est peu ou point distincte
extérieurement, et ces organes sont
situés plus ou moins à gauche au-
dessus du ventricule.
Chez le Siren lacertina, la forme
des oreillettes est rendue très bizarre
par l'existence d'un nombre considé-
rable de prolongements ou digitations
frangées qui en garnissent les parties
latérales, et qui se replient en dessous
de façon à embrasser le ventricule
en dehors [h). A l'intérieur, ces loges
sont garnies d'une sorte de treillis
formé de faisceaux charnus ; l'oreil-
lette artérieuse est petite et commu-
nique avec le ventricule par un orifice
ovalaire situé à côté de l'ouverture au-
riculo-ventriculaire droite, mais dis-
tincte de celle-ci. Les veines pulmo-
naires y débouchent. L'oreillette droite
ou veineuse est très grande et com-
munique avec le sinus commun- des
veines caves (i).
Chez YAmphiuma, les oreillettes
sont moins développées, moins fran-
ffl) Martin Saint-Ange, Circulation du sang considérée chez le fœtus de l'Homme, et compara-
tivement dans les quatre classes des Vertébrés. 1 feuille sans date.
(b) Owen, On the Structure of the Heart in the Perennibranchiate Balrachia (Trans. of the
Zool.Soc, 1835, vol. I, p. 213).
(c) Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, 2" édit., t. VI, p. 335.
(d) Calori, SulU anatomia dell' Axolotl comrnentario , p. 45, pi. 3, fig. 12 (extrait des Mém. de
l'Institut de Bologne).
(e) Mayer, Analecten fur Yergleichende Anatomie, 1835, p. 73.
(f) Hyrti, Berichtigungen iiber den Bau des Gefâss-Syslems von Hypochlhon Laurentii (Medici-
nische Jahrbïœher des Oesterreichischen Staates, 1844, t. XLV1I1, p'. 258).
(g) Stannius et Sicbold, Nouveau Manuel d' anatomie comparée, t. I, p. 235.
(h) Owen, l'oc. cit., pi. 31, fig. 1.
■ — Rusconi, Amours des Salamandres aquatiques, pi. 5, fig. 7.
fi) Owen, loc. cit., fig. 2.
376 APPAREIL DE LA CIRCULATION
structure caverneuse intérieurement (1), est arrondi et ne pré-
sente rien de remarquable, si ce n'est que sa portion postérieure
est quelquefois divisée en deux loges par une cloison charnue (2).
Son orifice auriculaire est garni de valvules plus ou moins bien
constituées (3), et antérieurement il débouche dans le bulbe.
Enfin on aperçoit dans son tissu beaucoup de filaments nerveux,
mais les centres ganglionnaires n'y sont pas très nombreux (4).
gées latéralement et placées plus à
gauche (a).
Chez le Menobranchus , les oreil-
lettes sont très lisses à l'extérieur, et
la cloison qui les sépare est placée
transversalement (b).
Chez le Protée, la portion auriculaire
du cœur est très large et arrondie
latéralement (c).
Chez les Grenouilles , et surtout
chez les Crapauds , elle est peu déve-
loppée et embrasse latéralement et en
arrière le tronc aortique, ainsi. que
la base du ventricule (d) ; tandis que
chez les Salamandres (e) , de même
que chez le Ménopome, elle est située
tout à fait à gauche du ventricule (/"),
ainsi que chez l' Axolotl [g).
(1) M. Briicke a trouvé que chez
les Batraciens Anoures, les faisceaux
musculaires dont la tunique charnue
du ventricule est formée circonscri-
vent une multitude de petites cavités
irrégulières qui communiquent les
unes avec les autres, et qui débouchent
dans un espace libre situé près de l'ori-
fice auriculo-ventriculaire (h),
(2) Chez le Siren lacertina, où celte
disposition existe, la cloison ventricu-
laire s'étend dans la moitié postérieure
du cœur, et se termine en avant par
un bord concave dirigé vers l'orifice
aortique. La surface interne du ven-
tricule est réticulée par des colonnes
charnues. Enfin le bord inférieur de
la cloison interauriculaire est attaché
aux parois du ventricule par une
bride charnue, et présente de chaque
côté un petit prolongement membra-
neux en forme de valvule (i).
(3) Ces valvules, comme je viens de
le dire, sont très peu développées chez
la Sirène.
(/i) Les nerfs du cœur de la Gre-
nouille proviennent des pneumogas-
triques, et présentent sur leur trajet
plusieurs centres ganglionnaires com-
posés d'utricules médullaires. Quel-
fa) Cuvier, Mém. sur un genre de Reptiles nommé Ampliiuma [Mêm. du Muséum, 1827, t. XIV,
pi. 2, fig. 1 et 2).
(b) Mayer, Analecten fur vergl. Anat., p. 73, pi. 7, fig. 4.
(c) Délie Chiaje, Ricerche anatomico-biologiehe sul Proteo serpentino, pi. 2, fig,. 1.
(d) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 285.
(e)Funk, De Salamandres terrestris vita tractatus, pi. 1, fig. 1.
(f) Voyez Mayer, Analecten fur vergl. Anat., pi. 7, fig-. 3.
(g) Calori, Op. cit., pi. 3, fig. 13.
(h) Briicke, Beitrage %ur vergleichenden Anatomie und Physiologie der Gefàss-Systems (Mém.
de l'Académie des sciences de Vienne, 1852, t. III, p. 355, pi. 22, fig. 12 et 13).
(i) Owen, On the Struct. of the Heart in the Perennibr. Ratrachia {Trans. of the Zool. Soc,
t. I,p. 210, pi. 31, fig. 3).
CHEZ LES BATRACIENS. 377
Dans les premiers temps de la formation du cœur chez l'em-
bryon de tous les Vertébrés , on remarque entre le ventricule
et le bulbe un étranglement plus ou moins allongé que l'on
désigne d'ordinaire sous le nom de détroit de Haller, en l'hon-
neur du physiologiste célèbre de Berne, qui, vers le milieu du
siècle dernier, fut un des premiers à bien observer le dévelop-
pement de cet organe. Chez les Poissons, de même que chez
les Vertébrés supérieurs, ce détroit ne tarde pas à disparaître et
devient seulement l'orifice artériel du ventricule ; mais chez les
Batraciens, au contraire, il persiste, et il acquiert souvent une
longueur considérable (1). Chez la Sirène, où il est un peu
contourne en spirale, il est garni de valvules à ses deux extré-
mités (2).
ques-uns de ces ganglions sont logés valvules plus petites sont placées à
clans la cloison interauriculaire ; d'au- l'extrémité antérieure du détroit, là où
très se trouvent dans le ventricule, à commence le bulbe (d).
la base des valvules auriculo-ventri- M. Hyrll a signalé aussi l'existence
culaires (a), de deux séries de ces valvules chez le
(1) Chez les têtards du Triton, ce Protée (e).
détroit est très allongé , en forme Chez le Menopoma, cette structure
de tube dont l'extrémité antérieure est encore plus développée, chacpie
est renflée pour constituer le bulbe rangée de valvules se composant de
aorlique (6) ; chez le Monobran- quatre languettes membraneuses (/).
chus, il est plus court et presque II est aussi à noter que le détroit
droit (c) . de Haller est quelquefois un peu renflé
(2) M. Owen a trouvé à la base de vers le milieu, et constitue alors le
ce détroit deux valvules, dont une bulbe accessoire, ou bulbe postérieur
grande et l'autre rudimentaire. Deux dont l'existence a été signalée par
(a) Ludwig, Ueber die Heranerven des Frosches (Miïllcr's Archiv fur Anat. und Physioï., 1848,
p. 139, pi. 5).
— Bidder, Ueber functionell verschiedene und rdumlich getrennte Nervencentra im Frosch'
herxen (Miiller's Archiv, 1852, p. 168, pi. 5).
— ■ Valentin, Grundriss der Physiologie, p. 551, fig. 376.
(b) Rusconi, Amours des Salamandres aquatiques, pi. 5, fig. 4.
(c) Mayer, Analecten fur vergleichende Anatomie, pi. 7, fig. 4.
(d) Owen, Op. cit. (Trans. of the Zool. Soc, 1. 1, p. 216).
(e) Hyrtl, Berichtig. uber den Bau des Gefdss-Systems von Hypochthon (Medicln.Jahrb.,t. XLVIIÏ,
p. 259).
(/■) Hunter, Gen. Observ. on Pneumobranchiata (Descript. and Illustrated Catalogue of the
Physiological Séries of Comp. Anat. contained in the Muséum of the Collège of Surgeons in
London, t. II, pi. 23, fîg-. 2).
378
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Système
aortique.
Vaisseaux
branchiaux
des Têtards.
Le bulbe aortique, qui fait suite au détroit de Haller, est en
général très développé, et présente, chez quelques espèces, une
disposition curieuse dont nous apprécierons plus tard l'impor-
tance. En effet, chez la Grenouille et le Crapaud, sa cavité est
incomplètement divisée en deux canaux parallèles par des replis
membraneux longitudinaux dont les bords se rencontrent, mais
restent distincts (1).
§ S. — C'est principalement dans la disposition delà portion
antérieure du système aortique que résident, les grandes diffé-
rences dont j'ai annoncé l'existence chez les Batraciens, où
l'appareil respiratoire est constitué suivant les quatre types rap-
pelés ci-dessus, et, pour bien saisir l'ensemble de ces modifi-
cations, il est nécessaire, de suivre le développement de ces vais-
seaux dans l'embryon.
Chez tous les Batraciens, le tronc aortique qui fait suite au
bulbe artériel du cœur se divise presque aussitôt en une double
série d'arcs ou de crosses , et chez l'embryon ces arcs vascu-
laires, après avoir embrassé le tube digestif, vont se réunir au-
dessus de celui-ci pour constituer l'aorte dorsale. Par congé-
quelques anatomistes chez certains
Batraciens, tels que le Protée (a).
(1) Les deux replis longitudinaux
qui divisent incomplètement le canal
du bulbe chez les Batraciens Anoures
mentionnés ci-dessus ont été signalés
par M. Hyrtl, comme étant tout à fait
semblables à ceux que cet anatomiste
a trouvés chez le Lepidosiren para-
cloxa (6).
Quelque cbose d'analogue , mais
moins bien développé, se remarque
chez le Siren lacertina. Un bourrelet
saillant se détache de la paroi supé-
rieure du bulbe, se prolonge dans
toute sa longueur, -et offre en dessous
des sillons qui correspondent aux
artères formées par la division de
l'extrémité antérieure de cette portion
aortique du cœur (c).
Une disposition semblable a été
trouvée chez l'Axolotl par M. Ga-
lon [d\.
(a) Del!e Cliiaje, Ricerche anatomico-biologiche sul Proteo serpenlino, pi. 2, fig. 1.
— Hyrtl, Op. cit. (Med. Jalirb. des Oesterreich. Staates, 1844, t. XLV1I1).
■ — Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, I. II, p. 230.
(/.■) Owen, loc. cit., p. 21 G, pi. 31 , fig. 3 g.
(c) Hyrtl, Lepidosiren paradoxa Monographie (Mém. de Bohême, t. III, p. 041).
(d) Calori, Op. cit., p. 45.
CHLZ LES BATRACIENS* 379
quent, la disposition de ces crosses aortiques est d'abord la même
que chez l'embryon des Poissons, sauf le nombre, car chez les
Batraciens il n'en existe que quatre paires. Mais cet état
n'est que transitoire, et bientôt chacune des crosses des trois
premières paires donne naissance latéralement à une petite
anse vasculaire qui se développe dans la branchie externe cor-
respondante. Ces anses secondaires, d'abord simples, se ramifient
et se multiplient à la file, de façon à constituer dans chaque
branchie externe deux vaisseaux , marchant parallèlement et
communiquant entre eux par des réseaux capillaires (1). A
mesure que la branchie externe grandit, ces deux vaisseaux,
dont l'un est afférent ou centrifuge, l'autre efférent et centri-
pète, grossissent; la quantité de sang qui y pénètre devient de
plus en plus considérable, et lorsque leur développement est
achevé, l'un d'eux constitue le prolongement de la portion in-
férieure ou cardiaque de l'arc aortique dont il dépend, tandis que
l'autre devient le commencement de la portion dorsale du même
arc ; car, en général , la partie intermédiaire de la crosse primitive
comprise entre les points d'origine de ces deux troncs bran-
chiaux s'atrophie et disparaît. Ainsi, par suite de ces change-
ments organogéniques, l'arc aortique, qui primitivement était
simple et continu, se trouve divisé en deux parties : une artère
branchiale, qui part du bulbe pour se ramifier dans la branchie
externe correspondante, et un vaisseau efférent, ou artère épi-
branchiale, qui ressemble à une veine par son mode d'origine
dans le réseau capillaire branchial, et qui va contribuer à la
formation de l'aorte dorsale (2).
(i) Il paraît que chez le Protée, où seulement et ne se résolvent pas en un
lès globules du sang sont remarqua- réseau de véritables capillaires {a).
blement grands , les vaisseaux des (2) Chez la Grenouille, cette trans-
iilaments branchiaux sont ondulés formation des arcs aortiques en deux
{a) Hyrll, Op. cit. (Mcdicin. Jahrb., 1844, t. XL VIII, [h 200).
380 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Le mode d'organisation de la portion centrale du système
artériel ressemble alors à ce qui existe chez les Poissons, avec
cette différence cependant que les arcs aortiques de la quatrième
paire, toujours très grêles et confondus à leur base avec ceux
de la paire précédente, débouchent dans l'aorte dorsale sans
s'être ramifiés dans l'appareil respiratoire , et que les artères
branchiales formées parles trois premières paires de crosses se
terminent dans un réseau capillaire situé à l'extérieur du corps,
au lieu de se ramifier pendant leur trajet le long des arcs
branchiaux de l'hyoïde.
Ce mode de circulation est très nettement caractérisé chez
les larves des Tritons (1), et se voit aussi chez les Têtards de la
Grenouille pendant les premiers moments de la vie. Mais chez
ces derniers, une modification importante ne tarde pas à s'y
manifester. Des ramifications naissent tout le long de la portion
hyoïdienne des artères branchiales , et, après avoir formé un
réseau capillaire dans les franges membraneuses dont les arcs
branchiaux se garnissent, se réunissent de nouveau pour con-
stituer des vaisseaux efférents qui débouchent dans les racines
vaisseaux réunis par un système ea- J'ajouterai à ce qui a été dit ci-
pillaire respiratoire n'est pas conv dessus, qu'à une certaine époque des
plète , et chaque artère branchiale métamorphoses, le tronc de chacune
propre communique aussi avec l'ar- des artères branchiales , avant son
tère épibranchiale par un canal ana- entrée dans la branchie , commu-
stomotique très large, disposition sur nique avec le vaisseau efférent cor-
laquelle je reviendrai bientôt (a). respondant par deux ou plusieurs
(1) La disposition générale de ces petits canaux anastomotiques irans-
vaisseaux chez la larve du Triton a versaux, qui plus tard se réduisent à
été très bien étudiée et représentée un seul,
par M. Rusconi (b).
(o) Lambotle, Ob'serv. anal, et ph'gsiol. sur. les appareils sanguins et respiratoires des Batra-
ciens Anoures (Méni. couronnés de l'Acad. de Bruxelles, 183S, t. XIII, fig. 21).
(&) Mauro Rusconi, Descrizione anatomica degli organi délia circolazione délie larve délie
Salamandre acqualiche. Pavia, 1817, pi. 1, fig. 6.
— Amours des Salamandres aquatiques et développement du têtard de ces Salamandres,
1821, pi. 5, fig. 1 à i.
— Voyez aussi Martin Saint-Ange, Circulation du sang, fig. 25.
■ — Carus et V. Otto, Tabuke Anatomiam comparativam illustrantes, pars vi, pi. 5, fig. 1.
branches.
CHEZ LES BATRACIENS. 381
aortiques correspondantes. La portion terminale du système vas-
culaire respiratoire s'atrophie en même temps que ces rameaux
nouveaux se développent, et bientôt les branchies externes
cessent d'exister, mais les branchies internes qui viennent de
se constituer remplissent les mêmes fonctions : et chez ces Tê-
tards, de même que chez les larves des Tritons, un réseau vas-
culaire branchial se trouve placé sur le trajet du sang qui se
rend du cœur à l'aorte dorsale; seulement ce réseau , au lieu
d'appartenir à des appendices cutanés externes, comme chez ces
derniers, naît sur les arcs de l'appareil hyoïdien et constitue
les branchies internes.
En ce qui concerne les arcs aortiques des trois paires anté- Artères
Heures, le premier de ces deux modes d'organisation persiste dMPàwml-
pendant toute la vie, chez les Batraciens Pérennibranches, c'est-à-
dire chez les Protées, les Sirènes, les Axolotls, les Ménobran-
ches, etc. Mais les crosses aortiques postérieures ne restent pas
simples comme chez la larve du Triton, et, en se développant,
changent complètement le caractère de l'appareil respiratoire.
En effet, des phénomènes organogéniques, analogues, à ceux
que nous avons vus se produire sur le trajet des arcs vasculaires
des trois premières paires dans le point où les branchies ex-
ternes prennent naissance, se manifestent dans un point du
trajet de chacun de ces vaisseaux. Deux organes nouveaux, les
poumons, se développent dans le voisinage de ces arcs aortiques
postérieurs, et à mesure qu'ils se forment, des branches venant
de ceux-ci se ramifient dans les parois de ces sacs membra-
neux, où elles s'anastomosent avec d'autres vaisseaux dépen-
dants de la portion centripète du système circulatoire enfin ; la
partie dorsale de ces arcs aortiques postérieurs s'atrophie à
mesure que les branches pulmonaires se développent : de
sorte que ces crosses, au lieu de devenir des artères bran-
chiales comme celles des paires précédentes, deviennent des
artères pulmonaires.
3§2 APPAREIL DE LA CIRCULATION
C'est ainsi que se trouve réalisée la troisième l'orme de
l'appareil circulatoire des Batraciens : celle qui est propre aux
Pérennibranches.
Chez ces Animaux, en effet, le bulbe aortique donne nais-
sance à trois paires d'artères branchiales qui, après avoir suivi
le bord inférieur des arcs hyoïdiens correspondants, vont se
ramifier dans les branchies extérieures, et à une paire d'artères
pulmonaires qui se recourbent en arrière pour aller distribuer
une portion du sang veineux aux poumons (1).
(1) Ainsi chez V Axolotl , où la dis-
position de ces vaisseaux a été briève-
ment indiquée par Cuvier (a) et étudiée
avec beaucoup de soin par M. Calori ,
le tronc aortique commun, ou bulbe,
fournit quatre paires d'arcs vasculaires
dont les troncs antérieurs naissent
isolément et les deux derniers sont
confondus à leur base de chaque côté.
Les trois premiers arcs constituent les
artères branchiales, qui se portent en
avant eten dehors, longent le bord in-
férieur des arcs hyoïdiens correspon-
dants, et sur les côtés du cou se déta-
chent du corps pour pénétrer dans
les branchies, dont elles occupent le
bord antéro-inférieur (6). Là elles
donnent naissance à une double série
de ramuscules qui pénètrent dans les
franges branchiales, s'y ramifient, et
constituent vers le bout de ces ap-
pendices filiformes un réseau capil-
laire d'où naissent les racines du
vaisseau branchial efférent correspon-
dant (c). Celui-ci va déboucher dans
un tronc récurrent ou artère épibran-
chiale qui longe le bord postéro-supé-
rieur de la branchie, pénètre dans le
cou, et va sur la paroi supérieure de la
cavité viscérale s'anastomoser avec ses
congénères du même côté pour con-
stituer les racines de l'aorte, etc. Les
arcs aortiques de la quatrième paire
contournent aussi l'œsophage en se
portant obliquement en arrière et en
dehors ; puis parvenus sur les côtés du
cou, se bifurquent pour aller d'une
part s'anastomoser avec les racines de
l'aorte, d'autre part se distribuer aux
poumons, dont ils occupent la face
externe (d).
Chez le Siren lacertina, la qua-
trième paire d'arcs aortiques paraît
manquer, et les artères pulmonaires
naissent des crosses de la troisième
paire, au delà du point où celles-ci
sont interrompues par le système
capillaire branchial ; ces artères sont
par conséquent des branches des ra-
cines aortiques ou artères épibran-
(a) Clavier,. Recherches analomiques sur les Reptiles regardés encore comme douteux par les
naturalistes (Humboldt et Bonpland, Recueil d'observations de zoologie et d'anatomie comparée,
1811, t. I, p. 114).
(6) Calori, Sull' anatomia dell' Accololl commentario, Bologne, 1852 (extrait des Mémoires de
l' Académie des sciences de l'Institut de Bologne, t. III).
le) Calori, toc. cit., pi. 4, fig-. 17.
(rfjldem, ifiirf.,Jpl. 4, fig. 18.
oôo
CHEZ LES BATRACIENS.
Les vaisseaux qui reçoivent le sang fourni à l'appareil pneu-
matique par ces dernières artères n'ont pas de représentants
dans l'appareil circulatoire des Poissons ordinaires ou des jeunes
larves de Batraciens ; ce sont des organes de création nouvelle
qui sont introduits dans l'économie pour répondre aux besoins
qu'entraîne le perfectionnement de la respiration chez les
Vertébrés supérieurs. Ils consistent en veines qui naissent du
réseau capillaire des parois des poumons , et qui vont directe-
ment au cœur pour y déboucher dans l'oreillette droite.
Le sang qui, en sortant du cœur, au lieu de s'engager dans
chiales postérieures , vaisseaux effé-
rents que les anatomistes désignent
généralement sous le nom de veines
branchiales (a).
Chez le Protée, ce système de vais-
seaux se centralise davantage : le tronc
commun de l'aorte se divise d'abord en
une paire de branches, et bientôt celles-
ci se bifurquent pour former une artère
branchiale antérieure qui reste simple,
et un rameau postérieur qui à son
tour se divise en deux, afin de consti-
tuer les artères branchiales propres
des deux derniers arcs (b). Les trois
paires d'arcs vasculaires ainsi formées
portent le sang auxbranchies externes,
mais à la base de ces appendices elles
sont unies aux vaisseaux efférents cor-
respondants ( ou artères épibran-
chiales) par des anastomoses directes ;
de sorte que la plus grande partie du
liquide qui les traverse n'arrive pas
dans l'appareil respiratoire et passe
directement dans les racines de
l'aorte (c).
Le mode d'origine des artères pulmo-
naires est le même que chez la Sirène.
Il est aussi à noter que, par suite
de la position de l'anastomose entre
l'arc vasculaire pulmonaire et le sys-
tème aortique, le sang qui se distribue
à la tête est plus complètement arté-
rialisé que celui destiné au tronc. En
effet, les artères carotides, etc., nais-
sent de la portion antérieure du sys-
tème aortique avant que celui-ci ait
reçu les deux branches anastomoti-
ques qui y déversent une portion
du courant veineux dont le reste va
aux poumons. Lorsque la respiration
aérienne est interrompue et que les
poumons sont affaissés, ces anasto-
moses servent aussi au passage de
presque tout le sang, qui dans le cas
contraire traverse ces derniers or-
ganes.
(u) Cuvier, Reptiles douteux (loc. cit., p. 107, pi. 11 , fig. 2 et 3).
— Owen, On the Structure ofthe Heart in, the Perennibranchiate Batrachia (Trans. of the
Zool. Soc, vol. I, p. 21", pi. 31, fig. 1 et 3).
(b) Configliachi et Rusconi, Del Proteo anguino di Laurcnti monographia , 1819, p. 70, pi 4
fig. 8.
— Délie Chiaje, Ricerche anat.-biol. sul Proteo serpentino, pi. 3, fig. 3.
(c) Hyrtl, Op. cit. (Médian. Jahrb., 184 4, t. XLV11I, p. 258).
III.
25
38/j. APPAREIL DE LA CIRCULATION
les artères pulmonaires, s'avance dans les artères branchiales
et arrive dans les panaches cervicaux, où la respiration aqua-
tique a son siège, passe, comme je l'ai déjà dit, dans le réseau
capillaire branchial, puis revient en sens inverse par les ar-
tères efférentes de ces appendices, et ces vaisseaux, en se réunis-
sant entre eux, vont constituer l'artère dorsale, sur la disposi-
tion de laquelle je reviendrai bientôt.
Ce mode de circulation, qui se voit aussi chez la larve du
Triton à une certaine période de la vie, se retrouve à peu de
chose près chez le Têtard de la Grenouille , lorsque celui-ci a
déjà des poumons et que ses métamorphoses cependant ne sont
pas encore achevées. Mais il n'est permanent que chez les
Pérennibranches. En effet, chez tous les Batraciens dont la res-
piration devient exclusivement pulmonaire quand ils sont à
l'état parfait, tout le système capillaire branchial disparait
complètement, et, de même que chez l'embryon, le sang passe
directement du cœur dans l'aorte dorsale par des crosses non
interrompues.
Mode Je ]y[ajs comment la continuité se rétablit-elle entre la portion
transformation *
des vaisseaux cardiaque et la portion dorsale du système aortique, et comment
branchiaux l l ".
en crosses }es crosses qui, dans la première période embryologique,
aortiques chez J ' l r *■;■'■
les Batraciens reliaient l'artère dorsale au cœur, peuvent-elles se reconstituer?
Abranches. .
A première vue, on pourrait croire que cela doit nécessiter
de grands travaux organogéniques et entraîner de nouvelles
complications dans l'économie de ces Animaux. Mais, en réalité,
rien n'est plus simple, ni plus facile à obtenir ; car , pour
réaliser ce changement physiologique si important, il suffit de
l'élargissement de quelques anastomoses entre les vaisseaux
préexistants, et, en effet, c'est de la sorte que les choses se
passent.
Pour bien comprendre les phénomènes qui se produisent
ainsi dans l'organisme des Batraciens , il est utile de connaître
les procédés employés par la Nature pour obvier aux inconvé-
CHEZ LES BATRACIENS. 385
nients résultant de l'oblitération accidentelle d'une artère dans
le corps humain. Lorsque, par suite de la pression exercée par
une ligature ou toute autre cause, un de ces vaisseaux vient à
être oblitéré dans une portion de sa longueur, le sang ne peut
plus passer directement dans la portion du tube placée au delà
de l'obstacle; mais la circulation tend néanmoins à se continuer
dans les parties auxquelles les branches de l'artère ainsi barrée
se distribuent, des voies de communication latérales se for-
ment entre les deux portions du tronc situées en amont et en
aval de l'obstacle, et la continuité du système irrigatoire se réta-
blit, soit par le fait de la simple dilatation de ramuscules anasto-
motiques préexistants, soit à l'aide d'une production nouvelle de
canaux de jonction. C'est sur la connaissance de ce mode de
rétablissement du courant sanguin dans les parties dont le tronc
artériel afférent a été oblitéré , que repose la méthode générale-
ment employée par les chirurgiens pour le traitement de cer-
taines blessures ou maladies des grosses artères, telles que les
anévrysmes, et c'est à l'aide d'un travail réparateur analogue
que les portions du système artériel situées en amont et en
aval des branchies des Batraciens se retrouvent en continuité,
lorsque le sang cesse de traverser le réseau capillaire qui les
reliait Tune à l'autre dans ces organes de respiration aquatique,
phénomène dont l'atrophie de ceux-ci est nécessairement
accompagnée.
Effectivement, le professeur Rusconi , de Pavie, auteur de
plusieurs ouvrages importants sur l'histoire naturelle des Batra-
ciens, a trouvé à la base de chacune des branchies de la larve
du Triton une petite branche capillaire qui naît du vaisseau affé%
rent, et qui, au lieu de se ramifier dans ces organes, va s'anasto-
moser directement avec la portion voisine du tronc efférenl (1).
(1) Cette branche anaslomolique M. Rusconi a données de l'appareil
basilaire se voit dans les figures que circulatoire de la larve du Triton, ou
386 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Tant que le sang poussé dans l'artère branchiale par les contrac-
tions du cœur trouve une voie facile à suivre pour se rendre de
cette artère dans le réseau respiratoire des branchies, cette petite
branche anastomotique reste très grêle et n'a aucune fonction im-
portante à remplir ; mais lorsque les branchies commencent à se
flétrir et que les vaisseaux qui les traversent se rétrécissent ou
s'effacent, le chemin de traverse préparé au moyen de cette ana-
stomose capillaire s'élargit, de plus en plus et une portion du sang
s'y engage pour aller de l'artère branchiale à l'artère épibran-
chiale, ou racine de l'aorte, sans traverser la branchie. A une
certaine période de la métamorphose, la portion basilaire de
chaque artère branchiale se trouve ainsi terminée par deux
troncs de grosseur à peu près égale , l'un se continuant en
dehors pour pénétrer dans le panache branchial et s'y ramifier,
l'autre se recourbant en haut et en arrière pour déboucher
directement dans le vaisseau efférent de cette même branchie,
dans le point où cette artère épibranchiale rentre dans l'inté-
rieur du corps pour constituer une des racines de l'aorte. Les
changements en sens inverse qui s'effectuent de la sorte dans
la branche appendiculaire et la branche anastomotique de
l'artère branchiale se prononçant davantage, cette branche de-
vient bientôt la continuation du tronc de ce vaisseau, l'autre un
rameau accessoire. Puis enfin le rameau terminal ou branchial,
s'atrophiant à mesure que les branchies cessent de fonctionner,
finit par disparaître entièrement, et le canal anastomotique établit
Salamandre aquatique (a). Mais les a publié plus tard sur la circulation
divers degrés de son développement dans les divers Vertébrés comparés
et les modifications correspondantes au fœtus de l'Homme (6). Ces der-
sont mieux représentés dans le tableau nières figures ont été reproduites dans
lithographie que M. Martin St-Ange divers ouvrages élémentaires (c).
(a) Rusconi, Descriz. anat. degli organi délia circolazione délie larve délie Salamandre acqua-
liche, pi. \ , fig. C, et Amours des Salamandres, pi. 5, fîg. •&.
(fc) Martin Saint-Ange, Circulation du sang considérée chez le fœtus de l'Homme, etc., iig1. 24
à 27.
(c) Milne Edwards, Éléments de zoologie, 3e partie, p. 221, fig. 307, 3G8 et 309.
CHEZ LES BATRACIENS. 387
une continuité complète entre les portions cardiaque et dorsale
des crosses aortiques qui auparavant se trouvaient séparées par
le réseau capillaire respiratoire. Ces crosses reprennent donc
le caractère qu'elles avaient chez l'embryon avant la formation
des branchies, et le sang lancé dans l'aorte cardiaque passe
directement dans l'aorte dorsale.
Les choses se passent à peu près de la même manière
chez les Têtards à branchies internes, et c'est de la sorte que
chez tous les Batraciens à respiration exclusivement pulmo-
naire la quatrième forme de l'appareil circulatoire se trouve
réalisée.
Chez ceux-ci, en effet, le bulbe aortique donne naissance
à deux systèmes artériels, l'un destiné aux poumons, l'autre à
l'ensemble de l'organisme, et ce dernier se compose d'un certain
nombre de crosses qui embrassent l'œsophage à droite et à
gauche, pour aller s'anastomoser dans la région dorsale et con-
stituer l'aorte descendante, les carotides et les autres artères
du corps. Ainsi le vaisseau qui, chez le Têtard, était une artère
branchiale devient le commencement de l'aorte, et les crosses
aortiques représentent la portion basilaire du système vascu-
laire des branchies.
$ II. — Pendant que ces changements s'opèrent dans le tracé Mode d'origine
" l *■ des artères
des grandes voies de la circulation, des modifications d'une im- pulmonaires
° ' et des
portance secondaire s'effectuent dans le mode de distribution carotides.
de diverses artères qui naissent de ces troncs, et, pour les faire
connaître, il est nécessaire de préciser davantage la disposition
anatomique de ces vaisseaux chez l'adulte.
Le premier exemple que je choisirai pour cette étude est le
Menopoma alleghanensis, grand Batracien de l'Amérique sep-
tentrionale, qui ressemble beaucoup aux Tritons et perd ses
branchies comme eux , mais conserve de chaque côté du cou
un orifice respiratoire. En effet, chez ce Batracien, le système
artériel, tout en prenant la forme caractéristique de notre qua-
388 APPAREIL DE LA CIRCULATION
trièmc type, no s'éloigne du reste que fort peu de l'état pri-
mordial (i).
Ainsi le tronc commun de l'aorte, un peu renflé en bulbe à
son extrémité antérieure, s'y divise en quatre paires de crosses
qui, après avoir contourné le pharynx, vont toutes s'anastomoser
entre elles de chaque côté de la face supérieure de cette portion
du tube digestif; mais ces crosses se développent inégalement, et
celles de la deuxième et de la troisième paire deviennent les plus
grosses, tandis que les arcs de la quatrième paire restent extrême*
ment grêles ; enfin ce sont surtout les deux grosses branches dont
il vient d'être question qui, en se réunissant en un tronc commun
de chaque côté, forment les racines de l'aorte, lesquelles con-
vergent pour constituer sur la ligne médiane la grande artère
du corps ou aorte dorsale. Il est aussi à noter que la branche
anastomotique postérieure qui naît de la troisième crosse un
peu avant cette jonction, et qui va rejoindre le quatrième 'arc
vasculaire, est très forte, et que c'est clans son point de réunion
avec la quatrième crosse que celle-ci, devenue l'artère pulmo-
naire, se porte en arrière pour aller gagner les poumons. Il
en résulle que l'artère pulmonaire a deux racines, une posté-
rieure et inférieure, formée par le quatrième arc ou crosse
aorlique, et une antérieure et supérieure, provenant de la bifur-
cation terminale du troisième arc.
On comprend donc facilement que des variations considéra-
bles dans le mode d'origine des artères pulmonaires puissent
être déterminées par un développement ultérieur inégal de ces
diverses branches anastomotiques. En effet, si le quatrième arc
(1) Les parties principales du système de M. Owen en 1834 , dans le Cata-
artériel du Ménopome ont été très bien logue du musée anatomique et physio-
représentéesdans un travail posthume logique du Collège des chirurgiens de
de limiter, qui a été publié par lessoins Londres (a).
(a) Descript. and Mus ira ted Catalogue of the Physiological Séries of Comparative Analomy
contain'd in the Muséum of the noyai Collège of Surgeons in London, I. II, pi, 23 et 2L
CHEZ LES BATRACIENS. 389
vaseulaire, déjà très grêle chez le Ménopome, vient à s'atro-
phier et à disparaître, les artères pulmonaires seront une conti-
nuation des crosses de la troisième paire, et si ces dernières en-
voient la totalité deleur sang dans la branche postérieure ou pul-
monaire, qui chez le Ménopome est seulement une des branches
de la bifurcation terminale de ces vaisseaux, l'autre branche qui
s'anastomose avec la deuxième crosse pour constituer la racine
de l'aorte se flétrira à son tour, et pourra disparaître de l'orga-
nisme. Or, il en résultera que les crosses aortiques de la troi-
sième paire formeront alors à elles seulesles artères pulmonaires,
et que l'aorte dorsale aura essentiellement pour origine une
seule paire de grandes crosses constituées par les arcs vascu-
laires de la deuxième paire.
Des changements analogues peuvent s'opérer dans les arcs Mode a-origine
aortiques de la première paire. De même que chez les Poissons, puiLraaiï,
le premier arc, après avoir quitté l'appareil hyoïdien, fournit en cmotl es'
avant l'artère carotide ou céphalique, et se recourbe ensuite en
travers pour s'anastomoser avec le second arc ou crosse aor-
tique principale. Il suffira donc de l'atrophie de cette portion
terminale et anastomotique des arcs de la première paire pour
que ceux-ci deviennent les artères carotides seulement et cessent
d'avoir des connexions avec les racines aortiques.
Enfinles nombreux exemples de coalescence des divers troncs
vasculaires que nous avons déjà rencontrés, soit chez les Pois-
sons, soit chez les Animaux invertébrés, nous permettent de
prévoir que dans la classe des Batraciens il pourra y avoir des
variations dans la disposition des artères qui soient dépendantes
de la même cause, et que par l'effet d'une tendance croissante
à la centralisation , certaines branches vasculaires, au lieu de
naître isolément du bulbe aortique, pourront être confondues en
un tronc commun dans une étendue plus ou moins considérable
de leur trajet.
Ces diverses modifications se trouvent réalisées chez les
390 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Batraciens à respiration exclusivement pulmonaire, et les con-
sidérations que je viens de présenter nous permettent de retrou-
ver dans le plan organique de tous ces Animaux le même type
essentiel quant à la disposition du système artériel.
Ainsi, chez les Tritons, le tronc aortique commun , ou bulbe
artériel, se divise à son extrémité antérieure en trois paires de
vaisseaux qui se recourbent en avant et en dehors. Les bran-
ches de la paire postérieure constituent les artères pulmonaires;
celles de la paire moyenne forment à elles seules les crosses de
l'aorte, et vont se réunir assez loin en arrière, sous la colonne
vertébrale, où elles deviennent l'aorte ventrale; enfin les bran-
ches de la première paire se recourbent en avant et constituent
les artères carotides. Chez l'Animal parfait ces dernières ne pré-
sentent plus de trace des troncs anastomotiques qui primitive-
ment les reliaient en haut et en dehors aux autres racines aor-
tiques; et, au lieu d'avoir la forme de crosses, elles se portent
presque directement en avant et en dehors vers la tête, où elles
se distribuent. Les artères pulmonaires sont le résultat de l'a-
trophie des arcsvasculaires de la quatrième paire et du dévelop-
pement de la portion anastomotique qui primitivement réunis-
sait ceux-ci aux arcs aortiques de la troisième paire. En effet,
bien qu'il n'y ait plus rien dans leur conformation qui indique
ces différences primordiales, elles représentent en réalité les
portions du système vasculaire qui chez la larve constituent :
1° un tronc commun aux arcs aortiques des troisième et qua-
trième paires; 2° la portion du troisième arc aortique comprise
entre le point où il sesépare de l'arc postérieur en dessous et le
point où, en dessus et en dehors, il se bifurque pour s'anastomo-
ser d'une part avec les racines aortiques venant du deuxième arc
vasculaire, et d'autre part avec le quatrième arc, là où celui-ci va
prendre les caractères d'une artère pulmonaire; 3° enfin la por-
tion terminale du quatrième arc situé, au delà de son point de
jonction avec la branche anastomotique dont il vient d'être ques-
CHEZ LES BATRACIENS. 391
tion. La branche anastomotique qui chez la larve unit le troi-
sième are vasculaire au second ne disparaît pas , et par consé-
quent chez l'adulte l'artère pulmonaire se trouve aussi reliée aux
crosses de l'aorte par un canal de jonction, et peut recevoir du
sang, soit directement du cœur par sa portion basilaire, soit des
crosses de l'aorte par cette branche anastomotique qui est,
pour ainsi dire, une seconde racine du système artériel pulmo-
naire (1).
La disposition de tous ces vaisseaux est à peu près la même
(1) Ce mode d'origine des artères
pulmonaires se voit très bien dans les
ligures du système artériel du Triton
publiées, il y a environ quarante ans,
par M. lîusconi (a), et se trouve égale-
ment représenté dans le tableau donné
plus récemment par M. Martin Saint-
Ange (6). D'après M. Belle Cbiaje, les
trois branches de l'aorte primitive de
chaque côté seraient réunies à leur base
en un tronc commun très court (c).
La disposition de ces vaisseaux est
à peu près la même chez les Sala-
mandres terrestres, mais s'y rapproche
un peu plus de la forme embryonnaire
commune. En eiîet , M. Briicke a
trouvé chez ces Animaux les représen-
tants des quatre paires d'arcs vascu-
laires. Les deux derniers arcs de
chaque côté naissent de l'aorte par
un tronc commun qui bientôt se bi-
furque : sa branche antérieure, qui
constitue le troisième arc et qui est
très courte, va déboucher presque tout
de suite dans le deuxième arc, tandis
que sa branche postérieure continue
à se porter en dehors, et, après avoir
reçu un rameau anastomotique ve-
nant de la portion externe du deuxième
arc (ou racines aortiques du même
côté), se recourbe en arrière pour aller
aux poumons. Ici l'artère pulmonaire
résulte donc du développement du
quatrième arc branchial, et sa racine
externe, constituée par la branche
anastomotique fournie par les racines
de l'aorte, est d'une importance se-
condaire (d).
La disposition générale de ces vais-
seaux, chez ces Batraciens Urodèles ,
a été représentée aussi par Funk, mais
d'une manière moins exacte (e).
Chez le Pipa, les artères pulmo-
naires partent aussi directement ou
presque directement du tronc aor tique
commun ; elles sont très allongées et
conservent la forme d'une troisième
paire d'arcs (/").
(a) Rusconi, Circol. délie larve délie Salamandre acqualiche, pi. 1, fig. 8 et 9, et Amours des
Salamandres, pi. 5, fig. 6.
(6) Martin Saint-Ange, Op. cit., fig. 27.
(c) Délie Cuiaje, Dissertazioni sull' anatomia umana, comparata e patologica , t. I, p. 41,
pi. 11, fig. 1 .
{d) Briicke, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1852, t. III, pi. 23, fig. 16).
(e) Funk, De Salamandrœ terrestris vita tractatus, p. 17, pi. 3, fig. 7 et 8.
(f) Mayer, Beitrâge zu einer anatomischen Monographie der Rana pipa (Mém. de l'Acad. des
curieux de la Nat., t. XII, pi. 9).
— Carus et V. Otto, Tab.Anat. compar. illuslr., pars vi, pi. 5, fig. 2.
392 APPAREIL DE LA CIRCULATION
chez les Grenouilles et chez les Crapauds, mais la centralisation
des gros troncs devient plus grande et les différences entre
l'état adulte et l'état emhryonnaire plus considérables (1). Effec-
tivement l'aorte, en sortant du cœur, se divise en deux troncs
seulement, qui se portent, l'un à droite, l'autre à gauche, pour
constituer les crosses ou racines de l'aorte dorsale, et, chemin
faisant, chacun de ces arcs fournit d'abord une artère carotide
en avant , et plus loin une artère pulmonaire qui se dirige
en arrière (2). Les anatomistes n'ont pas encore suivi pas à
pas tous les degrés par lesquels le système vasculaire du
Têtard passe successivement pour revêtir cette dernière forme ;
mais , par analogie , il est permis de croire que la trans-
formation résulte, d'une part, de la centralisation de la portion
basilaire des arcs vasculaires des deux premières paires, et,
d'autre part, de la disparition de toute la portion inférieure des
(i) Swammerclam, qui fut le pre- professeur Bonsdorff , de Helsing-
mier à étudier anatomiquement l'ap- fors (rf).
pareil circulatoire de la Grenouille, a n est aussi à noter que les princi-
donné une assez bonne description paUx vaisseaux sanguins du Pipa se
des principales artères de ce Batra- trouvent figurés dans l'ouvrage de
cien («). Mais l'ensemble de ce système m. Carus (e).
a été mieux représenté par quelques (2) chez le Têtard, le tronc formé
auteurs modernes, et notamment par par la bifurcation de l'aorte ascen-
M. Délie Chiaje , de Naples (6). Plus dante se subdivise presque aussitôt ;
récemment , M. Briicke a figuré aussi mais chez la Grenouille adulte il s'al-
d'une manière plus exacte le mode longe beaucoup , de façon que les
d'origine de ces vaisseaux (c). artères carotides et pulmonaires nais-
Le mode de division et de distri- sent de la partie antérieure de la
bution des artères du Crapaud a été crosse aortique, à une certaine distance
étudié avec beaucoup de soin par le de cette bifurcation (/").
(a) Swammerclam, Biblia Naturœ, t. II, p. 381, pi. 49, fig. 3.
(b) Dissertazioni sull' anatomia umana, comparata epatologica, 1. 1, pi. 19, fig. 1.
On cite également à ce sujet un opuscule de Burow intitulé : Dissertatio de vasis sanguiferis
Banarum, cum tab. œil. (Regiom., 1834); mais je n'ai pas eul'occasion de consulter ce travail.
(c) Briicke, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. 111, pi. 23, fig. 14).
(d) Bonsdcrff, Bidrag till Blodkàrlsystemets jemforande Anatomie. Det arteriella Kârlsystemet
hos Paddan (Actes de la Société Finnoise, 4 852, t. III, p. 447, pi. 5).
(e) Carus et V. Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 5, fig. 2.
(0 Lambotte, Observations anatomiques et physiologiques sur les appareils sanguin et respi
ratoire des Batraciens Anoures, fig. 21 'et 22 (Mém, couronnés de l'Acad. de Bruxelles, 1838,
t. XIII).
CHEZ LES BATRACIENS. 393
arcs de la troisième et de la quatrième paire : de sorte que la
branche anastomotiqne que nous avons vue se porter du second
au troisième arc, et devenir chez les Tritons une seconde
racine de l'artère pulmonaire , devient l'unique origine de ce
dernier vaisseau et le transforme en une simple branche de la
crosse aorlique (1). Il est aussi à noter que les artères pulino
(1) Suivant M. Lamboite, la trans-
formation de l'appareil circulatoire
ne serait pas tout à fait aussi simple
chez le têtard de la Grenouille, où
l'apparition des branchies internes
constitue une période intermédiaire
entre les deux états que nous avons
examinés chez les larves du Triton.
En effet, cet anatomiste a trouvé
que chez le Têtard, dont les branchies
internes sont très développées et
dont les poumons sont déjà bien for-
més , le premier arc vasculaire ne
contribue pas à la formation de l'aorte
dorsale , mais fournit à la base de la
branchie correspondante un tronc
qui, après avoir donné naissance à un
rameau sous-maxillaire, longe la por-
tion branchifère de ce premier seg-
ment de l'appareil respiratoire dont il
reçoit le sang par plusieurs ramuscules
anastomotiques. Ce tronc joue par con-
séquent le rôle d'une artère épibran-
chiale , et il va constituer l'artère
carotide. Le vaisseau efférent de la
deuxième branchie naît aussi de la
base de l'artère branchiale propre cor-
respondante , longe toute la portion
branchiale de celle-ci, et reçoit, chemin
faisant, à l'aide de plusieurs branches
anastomotiques , le sang arlérialisé
dans ses ramifications capillaires, puis
quitte l'appareil hyoïdien pour se re-
courber en arrière, et former avec son
congénère les deux racines de l'aorte
dorsale. Les artères branchiales propres
des deux dernières paires se compor-
tent autrement : vers l'extrémité supé-
rieure et externe de l'appareil hyoïdien
elles s'anastomosent directement avec
les vaisseaux efférents ( ou veines
branchiales des auteurs), et ceux-ci,
unis entre eux par une grosse bran-
che anastomotique, vont former en-
suite, l'un l'artère cutanée cervicale,
l'autre l'artère pulmonaire. A l'époque
des dernières métamorphoses de la
Grenouille, ce serait donc l'atrophie
de la portion hyoïdienne des artères
branchiales des deux premières paires,
et de la portion également hyoïdienne
des artères épibranchiales (ou veines
branchiales) des deux paires posté-
rieures, qui donnerait à l'aorte et à
ses dépendances leur mode de con-
formation définitive (a),
La disposition des vaisseaux bran-
chiaux du têtard de la Grenouille
avait été étudiée précédemment par
plusieurs anatomistes , et notamment
par M. Rusconi et par M. Calori ,
mais d'une manière moins précise (b).
(a) Lambotte, loc. cit., p. 13 ot suiv., fig\ 24 et 22.
(b) Rusconi, Développement de la Grenouille commune, p. 50, pi. A, fig1. 14.
— Calori, Descriptio anatomica branchiarum internarum gyrini Banœ (Novi Comment. Acad.
scient. Inst. Bononiensis, 1S42, t. V, p. 111, pi. 11, fig. 5 à 7).
3(.Vi APPAREIL DE LA CIRCULATION
naires ne servent pas uniquement à porter le sang aux organes
de la respiration, mais, chemin faisant, donnent naissance à des
rameaux qui se distribuent à la peau et à d'autres parties voi-
sines (1).
Je pourrais citer ici d'autres variations dans le mode d'ar-
rangement des vaisseaux qui, chez les Batraciens adultes, pro-
viennent des arcs aortiques de l'embryon ; mais les exemples
que je viens de faire connaître me semblent devoir suffire pour
donner une idée de la constitution de cette portion de l'appareil
circulatoire, et pour montrer comment un même tracé orga-
nique fondamental peut se prêter à l'introduction de différences
de structure très considérables chez les diverses espèces qui
(1) M. J. Davy a remarqué que chez
le Crapaud le tronc de l'artère pulmo-
naire se divise en deux branches, dont
l'une se rend au poumon correspon-
dant, et l'autre va se ramifier dans la
peau, sur les côtes de la région cervi-
cale, et y donne naissance à un réseau
vasculaire en rapport avec les glan-
dules sous-cutanées , que l'on désigne
quelquefois, mais à tort, sous le nom
de parotides Ça).
Chez la Grenouille, on trouve de
chaque côté du corps une grande ar-
tère sous-cutanée qui est formée par
la réunion de deux branches venant,
l'une de l'aorte, l'autre de l'artère
pulmonaire. M. Lambotte a fait voir
que chez le Têtard ce vaisseau est la
continuation de l'artère épibranchiale
de la troisième paire, qui, en sortant
de la branchie dont elle dépend , s'a-
nastomose, d'une part avec l'artère
branchiale dont elle est la satellite,
d'autre part avec le tronc de la qua-
trième artère épibranchiale. Or, chez
l'adulte, ce dernier vaisseau constitue
l'artère pulmonaire, et la branche
anastomotique dont je viens de parler
en dernier lieu forme la racine pos-
térieure (ou pulmonaire) de l'artère
cervicale cutanée , tandis que la ra-
cine antérieure de cette même artère
n'est autre chose que l'arc vasculaire
de la troisième paire (6). M. Gratiolet,
qui ne paraît pas avoir connu le tra-
vail de M. Lambotte, a trouvé aussi
que l'artère sous-cutanée, fournie
ainsi par l'artère pulmonaire , se dis-
tribue à la peau du tronc aussi bien
qu'à celle de la tête (c).
Chez l'Amphiume et le Ménopome,
l'artère pulmonaire fournit des bran-
ches à l'œsophage (d).
(a) .T. Davy, On the Acid Fluid secreted by the Common Toad (Philos. Trans., 1826 ; et Re-
searches, Physiological and Anatomical, 1839, t. I, p. 111).
(b) Lambotte, Op. cit. (Mém. couronnés de l'Acad. de Bruxelles, t. XIII, p. 17 et 35, %. 21
et 22).
(c) Gratiolet, Note sur le système veineux des Reptiles (Journal de l'Institut, 1853, t. XXI, p. 61).
(d) Owen, Op. cit. (Trans. ofthe Zool. Soc, vol. I, p. 217).
CHEZ LES BATRACIENS. 395
dérivent d'un type classique commun, et qui appartiennent par
conséquent à un même groupe zoologique. Je ne m'arrêterai
donc pas davantage sur ce point, et je me hâterai de terminer
cet examen, un peu aride, de l'appareil circulatoire des Batra-
ciens, en indiquant la disposition de la portion périphérique du
système artériel.
§ 5. — Les artères qui naissent de l'aorte pour distribuer Mode de
i -, • i . . , x distribution des
Je sang aux diverses parties du corps varient un peu, quant a artères.
leurs points d'origine, mais ne présentent rien de bien impor-
tant à noter.
L'aorte, comme on a pu le voir, est simple à sa naissance,
mais bientôt se divise en deux crosses, dirigées une à droite,
l'autre à gauche, qui embrassent le tube digestif, pour reconsti-
tuer au-dessus de celui-ci un tronc unique, l'aorte dorsale.
Cette réunion a lieu dans la région cervicale chez les Pérenni-
branches et les Urodèles, mais se fait beaucoup plus loin en
arrière chez les Batraciens Anoures, où les crosses ou racines
de l'aorte dorsale sont très longues. Il est aussi à noter que
chez ceux-ci l'aorte ventrale se termine dans le point où elle
donne naissance aux artères des membres postérieurs, tandis
que chez les Urodèles et les Pérennibranehes, de même que
chez les Têtards , elle se continue en constituant l'artère
caudale.
Le sang est porté à la tête, d'abord par les deux artères caro-
tides, dont nous avons déjà vu le mode d'origine et dont les bran-
ches se distribuent principalement à la langue et aux parties voi-
sines de la bouche (1) ; puis par une paire d'artères vertébrales
(l) Les artères carotides de la Gre- merdam (a), mais dont la nature n'est
nouille sont très courtes, à raison de la pas encore bien connue. M. Huschke,
brièveté de la région cervicale chez qui en a fait l'objet d'un travail spécial,
ces Animaux, et présentent sur leur considère ce corps comme étant un
trajet un renflement grisâtre dont rete mirabile, et pense que c'est un
l'existence a été signalée par Swam- vestige des branchies antérieures aifo-
(«) Swammcrdam, Diblia Naturœ, p. 382, pi. 49, fig. 3.
396 APPAREIL DE LA CIRCULATION
qui proviennent des crosses aortiques.- En général, les artères
des membres antérieurs , ou artères brachiales , sont fournies
aussi parles crosses aortiques, quelquefois par l'aorte dorsale.
phiées (a). Mais M. Stannius n'y a pas
trouvé la structure caractéristique de
ces réseaux vasculaires, et il est porté
à croire que c'est une glande ganglion-
naire comparable à une thyroïde
rudimentaire (b). M. Briicke a publié
plus récemment de nouvelles obser-
vations sur cet organe singulier, et
y a reconnu un tissu spongieux san-
guifère (c) ; mais, d'après les obser-
vations de M. Leydig, faites principa-
lement sur la Rainette, ce renflement
vasculaire paraît être composé essen-
tiellement de fibres musculaires entre-
lacées en réseau (rf).
L'artère abdominale (ou mésenté-
rico-cœliaque) fournit en général l'ar-
lèrehépatique, aussi bien que les ar-
tères coronaires de l'estomac et l'artère
mésentérique antérieure , qui forme
par ses anastomoses une série d'arcs
sur le bord postérieur de l'intestin.
Voyez, pour la distribution de ces
vaisseaux , la figure qu'en a donnée
M. Délie Chiaje (e). Il y a cependant
dans cette représentation plusieurs
inexactitudes , notamment en ce qui
touche à l'origine de l'artère linguale.
Ainsi que je l'ai déjà dit, le système
artériel du Crapaud a été étudié avec
beaucoup de soin par M. Bonsdorff, et
comme le travail de cet anatomiste, pu-
blié en suédois, est peu connu, je crois
devoir en donner ici un extrait (/).
Vaorte , à très peu de distance du
cœur, se divise en deux crosses qui se
dirigent en dehors pour gagner les
côtés de l'œsophage, puis se recourber
en haut et en arrière, et se joindre
comme d'ordinaire sur la ligne mé-
diane, où elles constituent l'aorte dor-
sale. Pendant ce trajet , chacune de
ces crosses fournit cinq branches prin-
cipales , savoir, une artère carotide
externe, une artère pulmo-cervicale,
une artère laryngienne, une artère occi-
pitale et une artère sous-clavière ou
brachiale.
V artère carotide externe se porte
en avant sur les côtés du cou, consti-
tue bientôt le sinus ou ganglion caro-
tidien, dont il a déjà été question et
dont partent deux branches, savoir :
1° Y artère linguale, qui, à son tour,
donne naissance à un rameau muscu-
laire destiné aux muscles mylo-hyoï-
diens, sterno-hyoïdiens , génio-glos-
ses, etc., et à une artère sublinguale ;
2° une artère pharyngienne ascen-
dante.
L'artère pulmo-cervicale est d'un
fort calibre et se divise bientôt en deux
branches: 1° Y artère pulmonaire, qui
se porte en arrière et se distribue au
poumon, où elle forme deux rameaux
principaux, l'un superficiel, l'autre
profond ; 2° Yattèfe occipito-dorsale^
qui continue à se diriger en dehors,
(a) Huschke, Utber die Karotidendruse einiger Amphibien (Tiedemann's Zeitschr. fur Physiol.,
t. IV, p. 113, pi. 6, fig. 7).
(b) Stannius et Siebold, Nouv. Manuel d'anatomie comparée, t. H, p. 237.
(c) Briicke, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. III, p. 355, pi. 23, fig\ 15).
(d) Leydig', Anat. histol. Untersuch. ûber Fische und Reptilien, p. 56.
(e) Voyez Délie Chiaje, Dissertazioni sull' anatomia umana, comparata e palologica, 1. 1, pi. 10.
(f) Bonsdorff, Bidrag till Blodkdrlsystemets jemforande Anatomiei. Det arteriella Kdrl-
sijstcmet hos Paddan (Acta Societatis scientiarum FennicK, 1852, t. III, p. 447, pi. 5).
CHEZ LES BATRACIENS. 397
Une grosse branche impaire naît de ce dernier tronc, soit dans le
point même où il commence, ainsi que cela se voit chez les Batra-
ciens Anoures, soit plus en arrière, et se rend au foie, à l'estomac
conlourne les muscles de la région
parotidienne, et s'y bifurque pour con-
stituer une artère cutanée dorso-sca-
pulaire, et une petite artère maxillaire
interne, laquelle traverse la région
temporale, et, parvenue à la face, y
distribue des ramuscules aux muscles
voisins et à l'oreille interne.
V artère laryngienne naît de la
crosse aortique, très près des deux
précédentes, et se dirige obliquement
en dedans, puis fournit une branche
palatine ascendante et un rameau au
muscle hypoglosse.
L'artère occipitale gagne la région
dorsale du cou et donne naissance :
l°à une branche destinée aux muscles
élévateurs de l'épaule ; 2° à une artère
cervicale qui se recourbe en arrière,
se prolonge jusqu'au sacrum, et four-
nit , chemin faisant , des rameaux
musculaires, des rameaux rachicliens
destinés à la moelle épinière , des
ramuscules lombaires et des branches
anaslomotiques allant aux artères ré-
nales; 3° à une artère méningienne
postérieure qui pénètre dans la cavité
du crâne , se réunit à sa congénère
et forme à la base du cerveau un
réseau vasculaire ; l\° à une artère tem-
porale qui s'avance sur les côtés de la
région du même nom, et y fournit une
branche maxillaire externe et une
branche sous-orbitaire destinées l'une
et l'autre à la face.
V artère sous-clavière ou brachiale
naît de la crosse aortique, derrière
l'artère occipitale, et se porte en de-
hors pour pénétrer dans le membre
thoracique. Dans la région axillaire
elle fournit : 1- une artère thoracique
externe qui se distribue aux muscles
de la poitrine et de l'abdomen ; 2° une
artère thoracique externe accessoire
qui va aux muscles de la région cer-
vico-dorsale ; 3° une artère sous-sca-
pulaire ; Zi° une artère circonflexe de
l'humérus qui se distribue aux muscles
de l'épaule, et 5° une artère brachiale
profonde qui descend sur la face ex-
terne de l'avant-bras et va se terminer
dans la main. L'artère sous-clavière,
que l'on appelle souvent artère axil-
laire dans la région du même nom, et
artère brachiale proprement dite après
son entrée dans le bras, descend le
long de la face antéro - interne de
la patte jusqu'à la main, fournit, che-
min faisant, une artère circonflexe an-
térieure, des branches cutanées, mus-
culaires , etc. Dans l'avant-bras, elle
prend le nom d'artère radiale , four-
nit une branche récurrente, et se ter-
mine par deux branches carpiennes,
une palmaire et l'autre dorsale, dont
naissent les artères des doigts, etc.
La portion descendante de la crosse
aortique fournit une artère œsopha-
gienne. Après sa réunion avec son
congénère , ce tronc prend le nom
d'aorte abdominale, et fournit aussitôt
V artère mésentérico-cœliaque, qui est
très grosse, et se dirige en arrière pour
gagner le cardia, où elle se divise en
deux branches : 1° une artère cœlia-
que dont naissent une artère coronaire
antérieure de l'estomac, laquelle distri-
bue des ramuscules à la partie droite
de ce viscère, au foie et à la vésicule
biliaire, et une artère coronaire posté-
J98
APPAREIL DE LA CIRCULATION
et à l'intestin. Une autre branche impaire quitte l'aorte dans la
région lombaire pour se ramifier également dans le tube in-
testinal. Enfin, entre les origines de ces deux vaisseaux, l'aorte
ventrale fournit une paire d'artères ovariennes (ou testiculaires),
une paire d'artères rénales, et quelques autres rameaux de
moindre importance. Quant aux artères des pattes, elles sont
d'abord simples, mais dans le voisinage du genou elles se
bifurquent, et, parvenues dans les pieds, leurs branches s'ana-
stomosent et donnent ensuite naissance à une double série d'ar-
tères digitales qui longent les doigts latéralement.
riéure de l'estomac; 2° une artère
mésentérique qui va à l'intestin grêle
et à la rate.
Dans la région postérieure de l'ab-
domen , l'aorte fournit des artères
surrénales et rénales. Ces dernières
donnent naissance aux artères ova-
riennes et à des artères lombaires.
Enfin, l'aorte se bifurque pour con-
stituer les deux artères iliaques pri-
mitives, qui s'écartent l'une de l'autre
pour se rendre aux membres posté-
rieurs, et prennent le nom d'artères
ischiatiques quand elles sont sorties
du bassin. Pendant ce trajet, elles
fournissent: 1° une artère vésico-épi-
gastrique dont les principales bran-
dies s'avancent vers le thorax et se
distribuent dans les parois de l'abdo-
men ; 2° une artère crurale ou fémorale
qui se divise en circonflexe fémorale
interne et circonflexe iliaque ; 3" une
artère circonflexe fémorale externequi
se rend à la région coccygienne et aux
muscles fessiers ; W une artère fémo-
rale profonde ; 5° une artère articu-
laire supérieure externe qui contourne
le genou ; 6° une artère jambière su-
périeure qui donne des rameaux aux
muscles du mollet. Enfin, vers le
bas de la cuisse, elle se bifurque pour
constituer Vartère tibiale postérieure
et Vartère tibiale antérieure, qui se
rendent à la patte et y donnent nais-
sance aux artères digitales.
La disposition des gros troncs arté-
riels est à peu près la même chez le
Pipa (a).
Chez le Ménopome, les artères bra-
chiales naissent de l'aorte dorsale, très
loin du point de jonction des deux
racines de ce tronc (6).
Il en est de même chez l'Axolotl (c)
et chez le Protée (d). J'ajouterai que
chez ces Pérennibranches l'artère hé-
patique provient directement de l'aorte
ventrale, en arrière de l'artère cœ-
liaque, et l'intestin reçoit le sang par
une série nombreuse de rameaux qui
naissent également de ce vaisseau (e).
(a) Carus el Ollo, Tab. Anat. compar. illitstr., pars vr, pi. 5, fig\ 2.
(6) Hunier, Op. cit. {Catalogue ofthe Mus. of the Coll. ofSurg., vol. II, pi. 24).
(c) Calori, Op. cit., pi. 4, fig. 18.
(d) Configliaclii et Rusconi, Op. cit., pi. 4, fig. 8.
— Délie Cliiaje, Ricerche anat. biol. sul Proteo serpentine-, 1840, pi. 4, fig1. 1.
(e) Calori, Op. cit.
— Délie Cliiaje, Op. cit., t. I, pi. 19.
veineux.
nés caves
antérieures.
rénale.
CHEZ LES BATRACIENS. S99
§ 6. — Le système veineux général présente une disposi- système
tion assez semblable à ce que nous avons vu chez les Poissons.
Ainsi , chez la Grenouille , le sang est ramené de la tête
par une paire de veines jugulaires et une paire de veines ver-
tébrales antérieures qui vont constituer près du cœur une paire vei
de veines caves antérieures ; celles-ci reçoivent aussi les
veines des membres thoraciques et vont déboucher dans
l'oreillette (1).
Les veines qui ramènent le sang des membres postérieurs Veine porte
sont formées par la réunion de deux branches principales, la
veine ischiatique et la veine iliaque externe, et, parvenues dans
l'abdomen, elles se divisent chacune en deux troncs, dont l'un
va s'anastomoser avec son congénère pour donner naissance à
la veine abdominale, sur laquelle je reviendrai bientôt, et dont
l'autre constitue la veine afférente des reins. Celle-ci vient
s'appliquer contre le bord externe de ces glandes, où elle se par-
(l) On doit à M. Gruby un travail vers les clavicules et aller déboucher
très approfondi sur le mode de distri- dans la veine axillaire (6).
bution des veines de la Grenouille (a), Suivant M. Gratiolet, ce système de
et cet anatomiste a signalé dans la veines sous-cutanées ne se retrouve-
marche des veines sous-cutanées de rait pas chez la Salamandre terrestre,
la portion supérieure du corps une où les ramuscules venant de la peau
disposition remarquable. se déversent dans les veines inler-
En effet , le sang des capillaires costales, qui à leur tour débouchent
sous-cutanés de la tête et du dos est dans le système de la veine porte
reçu par une grosse veine qui , de rénale (c).
chaque côté, part de la face, passe La disposition générale du système
près des omoplates , gagne les côtés veineux du Pipa se voit très bien dans
de l'abdomen, et, parvenue dans la une figure donnée par MM. Carus et
région lombaire, abandonne la peau V. Otto (d).
pour traverser les muscles , remonter
(a) Gruby, Recherches anatomiques sur le système veineux de la Grenouille (Ami. des sciences
nat., 1842. 2« série, t. XVII, p. 209, pi. 9 et 10).
(b) Gruby, Op. cit., p. 223.
— Voyez aussi la figure du système veineux du Rana maïujereccia, par II. Délie Cliiaje
(Dissertazionï suit' anatomia umana, comparata epatol., t. I, pi. 12).
(c) Graliolet, Note sur le système veineux des Reptiles {Journal deV Institut, 1853, t. XXI, p.Gl).
(d) Carus et Otto, Tab. Alla t. compar. illustr., pars vi, pi. 5, fig. 2.
m. 26 .
Veine cave
inférieure.
/|00 APPAREIL DE LA CIRCULATION
lagc en deux branches qui se ramifient dans leur substance.
D'autres branches, venant des oviductes et d'une grande veine
dorso-lombaire, se répandent aussi dans ces organes et com-
plètent un système porte rénal, analogue à celui que nous
avons déjà rencontré chez les Poissons (1).
Les veines efférentes des reins se rassemblent dans un sinus
à la surface interne de ces glandes, et vont constituer la veine
cave ventrale , qui remonte vers le cœur en passant au-dessus
du foie.
(1) Swammerdam avait remarqué
ia direction de ces veines, mais sans
se rendre compte de la manière dont
elles se comportent dans les reins, et
c'est à Jacobson qu'on doit réellement
la découverte du système de la veine
porte rénale chez les Batraciens aussi
bien que chez les Poissons (a). Les
vues de cet anatomiste relativement à la
marche du sang dans ce système ne
furent pas admises de prime abord
par tous les auteurs , par Duvernoy
par exemple, mais ont été pleinement
confirmées par les recherches plus
récentes de MM. de Marlino, Gruby et
Délie Chiaje (b) , ainsi que par les ob-
servations de M. Mcolucci sur l'ana-
lomie des Tritons (c). M. de Martino,
un étudiant la circulation chez des
Animaux vivants, a vu que la direction
suivie par le sang est bien celle indi-
quée ci-dessus.
Chez la Grenouille, que j'ai choi-
sie comme exemple, une des bran-
ches terminales de la veine porte
rénale se ramifie en forme d'arbre
sur la face dorsale des reins, et ses
ramuscules se dirigent de dehors en
dedans, puis se réfléchissent en dessous
pour aller concourir à constituer le
réseau capillaire. L'autre branche mar-
che le long du bord externe du rein
jusqu'à l'extrémité antérieure de cet
organe, et, chemin faisant, reçoit huit
branches qui viennent des oviductes
et une grosse veine dorso-basilaire qui
vient des muscles de la région lom-
baire. Enfin, cette branche externe de
la veine porte rénale fournit du côté
interne cinq branches qui se ra-
mifient dans la substance des reins,
comme celles de l'autre branche, et
forment avec elles le réseau capillaire
dont naissent les veines rénales effé-
rentes (d).
(a) Jacobson, De systemate venoso peculiaH in permultis Animalibus observato, p. 3.
(6) Délie Chiaje, Ricerche anatomico-biologichc sul Proteo serpentino, p. 7, pi. l.Naples, 1840.
— Monographia sul sistema sanguigno degli Animait Rettlli (Dissertazioni sulï anatomia
umana, comparata e patologica, 1847, t. I, p. 19).
— A. de Marlino, Mém. sur la direction de Ici, circulation dans le système rénal de Jacobson
chez les Reptiles, etc. (Ann. des sciences nat., 1841, 2° série, t. XVI, p. 305).
■ — Gruby, Recherches analomlqucs sur le système veineux de la Grenouille (Ann. des sciences
nat., 2e série, t. XVII, p. 214).
(c) Nicolucci, Sul sistema nervoso e circolalorio délia Salamandra acquajuola. Naples, 1852.
(d) Gruby, loc. cit., pi. 9, fig-. 2, 3, 5, et pi. 10, fig. 6 et 7.
CHEZ LES BATRACIENS, ftOl
Tout le sang veineux qui revient des membres postérieurs ne
suit pas cette route à travers les reins.
Les veines fémorales et iliaques externes fournissent, comme
nous l'avons vu, vers le bord du bassin, une paire de branches
anastomotiques; après s'être réunies de chaque, côté en un tronc
commun, elles viennent se confondre en un tronc impair qui
occupe la ligne médiane de la paroi inférieure de l'abdomen et
se dirige vers le foie, où il se partage en trois branches : deux
de celles-ci s'enfoncent directement dans la substance de cette
glande pour s'y ramifier; l'autre se recourbe d'abord en bas, et
reçoit deux troncs formés, l'un par les veines des intestins et de
la rate, l'autre par les veines de l'estomac (1) ; puis, elle va aussi
se ramifier dans le foie et compléter ainsi le système de la veine
porte hépatique, mais avant de s'y engager, elle donne nais-
sance à une petite veine qui se rend directement au cœur (2).
Les veines efférentes hépatiques naissent du réseau capillaire de
la veine porte, et se réunissent vers le milieu du bord postérieur
du foie pour déboucher dans la veine cave ventrale, laquelle se
termine dans l'oreillette.
Enfin les veines pulmonaires, qui forment sur chacun des pou- VeineS
nions un tronc assez gros, se rapprochent entre elles, et s'avancent i'Lllmoiiaiiej
sous la veine cave postérieure pour aller déboucher très près
l'une de l'autre dans l'oreillette du cœur S . Mais je dois faire
(1) M. Hyrtl a trouvé que les bran- reelement de la veine porte au creur,
chesde la veine porte constituent sur la sans traverser le foie, n'a été signalée
paroi supérieure du pharynx une que chez la Grenouille (6).
sorte de rete mirabile qui ressemble (3) M. Délie Cbiaje a représenté ces
presque à un tissu érectile et qui veines comme se réunissant aux veines
s'anastomose avec plusieurs veines de axillaires (c), mais leur trajet a été
la tète (a). indiqué avec beaucoup de précision
(2) Cette branche, qui se rend cli- par M. Gruby {cl).
fa) Hyrtl, Uebev einige Wunclemetxe bei AmphiMen (Medicïaische Jalirbilchcr des Oésterrei-
chischen Staates, 1842, N. F., BJ. XXIX, p. 2(50).
(6) Gruby, loc.cit., pi. 9, fig. 1.
(f) Délie Chiaje, Op. cit., t. I, pi. 10, fig. 10.
(d) Gruby, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1 842, 2e série, l. XVII, p. 221).
des veines.
4G2 APPAREIL DE LA CIRCULATION
remarquer que ces vaisseaux ne ramènent pas toujours la to-
talité du sang qui a été porté aux poumons par les artères pul-
monaires : ainsi, chez le Protée, une portion considérable de ce
liquide est versée dans la veine cave abdominale par des branches
veineuses venant de la surface dorsale de ces organes (1).
structure §7. — Les veines de la Grenouille ne présentent dans leur
intérieur que fort peu de valvules , mais elles offrent dans
plusieurs points une autre particularité fort remarquable. En
effet, plusieurs des gros troncs ont des parois musculaires et
sont le siège de battements rhythmiques. Ce fait, observé par
Haller et par quelques autres naturalistes, a été complètement
établi par les expériences de M. Flourens (2).
Ainsi les pulsations qui ont lieu dans les deux veines caves,
les veines iliaques, les veines axillaires et les veines pulmo-
(i) Les veines pulmonaires infé- le Polypterus Bichir, dont les veines
Heures qui, chez le Protée, vont direc- de la vessie pneumatique versent
tement à l'oreillette , sont très grêles tout leur sang dans le système de la
et avaient échappé aux recherches de veine cave (b).
Ruseoni et Conflgliachi. Celles qui (12) Haller avait remarqué ces batle-
occupent la face dorsale de ces organes ments dans les gros troncs veineux de
sont au nombre de quatre ou cinq, et la Grenouille, mais il considérait ces
débouchent en partie dans les veines mouvements comme étant analogues à
ovariques, en partie dans la veine cave ceux qui se voient danscertaines veines
postérieure. M. Ilyrtl, a qui l'on doit chez les Vertébrés supérieurs, où ce
la découverte de cette disposition eu- phénomène est d'une tout autre na-
rieuse, s'est assuré qu'il n'y a rien de ture (c). Plusieurs autres naturalistes
semblable chez le Triton, où les pou- en avaient également dit quelques
nions sont cependant fixés à la paroi mots : Spallanzani , par exemple , les
dorsale de l'abdomen par une bande avaient signalés chez les Tritons et les
membraneuse (a). Rainettes (d). Enfin, les expériences
Sous ce rapport, le Protée établit donc de M. Flourens ont prouvé de la ma-
ie passage entre les Vertébrés pulmo- nière la plus nette l'existence d'une
nés ordinaires et les Poissons, tels que force contractile propre dans les pa-
(a) Hvrll, Berichtigungen ûber den Bau des Gefâss-Sustems von Hypochlhon Laurenlii (Medi-
dnische Jahrbiicher des Oesterreichischen Staates, 1844, t. XL VIII, p. 258).
(b) Voyez tome H, page 367.
(c) Haller, Mém. sur le mouvement du sang, p. 319, etc.
(d) Spallanzani, Expériences sur la circulation, p. 4 35, 304.
vnîculaire.
CHEZ LES BATRACIENS. AOo
naires, sont complètement indépendantes des contractions du
cœur. M. Flourens a vu que ces battements persistaient quand,
à l'aide de ligatures, il avait interrompu toute communication
entre ces vaisseaux et le cœur. Ils continuent même après que
le cœur a été extirpé.
11 est aussi à noter que chez les Batraciens, les grosses veines
de l'abdomen sont contenues dans des canaux lymphatiques (1),
et que parfois leur surface est garnie de petits prolongements
en forme de glomérules qui flottent dans le liquide ambiant (2).
§8. — Les faits anatomiques que nous venons de passer Cûurs du sang
en revue montrent que le mode de circulation du sang varie le SSÉtèmÉ
beaucoup dans la classe des Batraciens, mais présente chez
tous ces Animaux, quand ils sont arrivés à l'état parfait, un
caractère commun , dont l'importance physiologique est très
grande.
Nous avons vu que chez les Poissons, de même que chez les
Invertébrés les plus parfaits, le sang ne parcourt qu'un seul
cercle vasculaire, et que tout ce liquide , lancé dans le système
artériel par les contractions du cœur, passe successivement dans
le système capillaire respiratoire, puis dans le système capil-
rois de ces vaisseaux (a). M. Hyrtl a crite plus en détail dans une autre
obtenu des résultats analogues chez le partie de ce cours {d).
Protée (6). (2 M, Leydig, en étudiant ces ap-
M. Leydig a reconnu des fibres mus- pendices au microscope, a reconnu
culaires striées dans ces veines puisa- que ce ne sont pas de simples caecuins,
tiles (c). mais des anses vasculaires en com-
(1) Cette disposition singulière des munication avec la veine par leurs
vaisseaux lymphatiques, dont on doit deux extrémités (e).
la connaissance à M. Panizza, sera dé-
(o) Flourens, Expériences sur la force de contraction propre des veines principales dans la
Grenouille [Ann. des sciences nat., 1833, t. XXVUI, p. 65).
(6) Hyrtl, Berichtigungen ûber den Bau des Gefâss-Systems von Hypochthon Laurentii tilediri-
nisehe Jahrbûcher des Oesterreichischen Staates , 1844, t. XL VIII, p. 258).
(c) Leydig, Anat.-histol. l'ntersuch. iiber Fische und Reptilien, p. 57.
(d) Panizza, Riflessioni sopra il sistema linfatico dei Rettili. Paria, 1845.
te) Leydig, AnatomUch-histologische Untersuchungen ûber Fische und Reptilien, p. 57.
du
art
et du
sang veineux.
llOll APPAREIL DR LA CIRCULATION
faire nourricier avant de revenir à son point de départ. Mais
chez les Batraciens dont le développement est achevé , il en est
autrement. Il y a deux cercles vasculaires ; il y a une grande
et une petite circulation dans chacune desquelles le sang, parti
du cœur, revient à cet organe avant de s'engager dans le cercle
complémentaire, et ces deux cercles se confondent dans l'in-
térieur de cet organe, de sorle que le sang venant de l'un de
ces systèmes vasculaires s'y mêle toujours avec celui venant de
l'autre.
Mélange En effet, c'est du ventricule unique du cœur que naissent les
ang ariénoi deux courants, qui bientôt se séparent pour aller , l'un aux pou-
mons par les artères pulmonaires, l'autre au. réseau des vais-
seaux nourriciers de tout le corps par l'intermédiaire de l'artère
aorte. Le sang qui revient des poumons pénètre dans l'oreillette
gauche; celui qui revient de l'ensemble de l'organisme est
reçu dans l'oreillette droite ; mais ces deux oreillettes déversent
leur contenu dans le ventricule unique, et par conséquent là
les deux courants se mêlent et se confondent.
Il en résulte que, même chez les Batraciens où l'appareil
pulmonaire est le plus développé, tels que les Salamandres et
les Grenouilles, l'effet utile de la respiration est fort minime,
car le sang artérialisé par le contact de l'air dans les pou-
mons vient se mêler dans le ventricule du cœur avec tout le
sang veineux qui revient des diverses parties du corps , et
c'est une portion de ce mélange qui se distribue de nouveau
dans le système irrigntoire de l'organisme, tandis qu'une autre
portion retourne aux poumons. Les capillaires nourriciers ne
reçoivent donc que du sang imparfaitement artérialisé; et lors-
qu'on examine avec attention les diverses portions de cet appa-
reil circulatoire, on voit que la proportion de sang artériel ainsi
délayé, pour ainsi dire, dans du sang veineux, doit' être très
faible, car les artères pulmonaires sont fort grêles comparati-
vement à toutes les autres divisions vasculaires qui naissent de
CHEZ LES BATRACIENS. ftOB
l'aorte commune, et par conséquent le filet sanguin qu'elles
débitent doit être toujours plus ou moins mince par rapport au
courant qui, engagé dans le système artériel général, revient
au cœur à l'état de sang veineux.
Cette faiblesse de l'action pulmonaire dépendante de la struc-
ture de l'appareil de la circulation peut, il est vrai, se trouver
compensée en partie par la respiration cutanée. Presque (ous
les Batraciens ont la peau nue, et le sang contenu dans les
nombreux vaisseaux qui viennent s'y ramifier peut y subir
facilement l'influence de l'air; aussi avons-nous vu que chez
ces Animaux la respiration cutanée acquiert une grande impor-,
tance (1). Il en résulte que le sang veineux qui des parties pro-
fondes de l'organisme revient au cœur est déjà mêlé à une
certaine proportion de sang artérialisé dans les vaisseaux sous-
cutanés, et que celui-ci vient, pour ainsi dire, en aide au sang
artériel élaboré en petite quantité dans les poumons.
Mais il est des Batraciens chez lesquels cette ressource
manque presque complètement, car leur peau, au lieu d'être
nue comme celle de la Grenouille, est revêtue d'écaillés. Les
Cécilies, qui, à raison de leur forme et de l'absence de pattes,
ont été. pendant longtemps rangées par les naturalistes dans
l'ordre des Serpents, mais qui sont en réalité des Batraciens
apodes, nous offrent un exemple de ce mode d'organisation, et
par conséquent]chez elles la respiration cutanée ne saurait être
que très faible (2).
Chez les Batraciens Pérennibranches la pauvreté de la circu-
lation pulmonaire est compensée en partie par l'appareil bran-
(1) Voyez tome I, page 503. diffère que peu de celui des Gre-
(2) L'appareil circulatoire des Ceci- nouilles (a).
lies a été décrit par M. Rathke, et ne
(a) Rallike, Bemerkungen iiber mehrere Korpertheile dev C.œrWh aftnnlala (Miiller's Archh
fur Anal, und Phy&iol:, 1852, p. 352 et sùîv., pi. 9, fig. 1).
40G APPAREIL DE LA CIRCULATION
cbial situé sur le passage du sang qui se rend du cœur aux
diverses parties de l'organisme ; mais il est à remarquer que
les panaches respiratoires dont cet appareil se compose ne peu-
vent guère fonctionner utilement quand l'animal est hors de
l'eau, et que, d'un autre côté, les poumons cessent d'artérialiser
le sang qui les traverse quand l'animal est submergé. Dans l'un
et l'autre cas , il y a donc une portion du sang qui, en circu-
lant, échappe à l'action de l'oxygène ambiant; et pour que le
travail respiratoire ait toute l'activité dont il est susceptible, il
faut que l'animal soit dans l'eau pour utiliser ses branchies et
qu'il puisse venir souvent à la surface de ce liquide pour satis-
faire aux besoins de la respiration pulmonaire (1). Et encore la
totalité de son sang ne sera-t-elle pas toujours soumise à l'in-
fluence de cette fonction ; car nous avons vu que l'une des
branches terminales des arcs vasculaires postérieurs va en gé-
néral s'anastomoser avec les racines de l'aorte , sans passer
ni par les branchies, ni par les poumons.
Rapports § 9. — Je ferai remarquer aussi combien les transitions sont
les Batraciens graduelles entre le mode d'organisation typique de l'appareil
circulatoire dans les deux classes de Vertébrés Anallantoïdiens,
les Batraciens et les Poissons. Les ressemblances n'existent
pas seulement entre la disposition du système vasculaire chez
le têtard du Batracien et le Poisson , soit à l'état d'embryon,
soit à l'état adulte; mais les deux formes qui sont si dis-
tinctes chez les principaux représentants de ces groupes se
rapprochent et se confondent chez quelques espèces qui sem-
blent lier les deux classes entre elles. Ainsi, soit que l'on range
le Lepidosiren dans la classe des Poissons, soit qu'on le place
(l) Il paraîtrait , d'après les obser- vient que très rarement à la surface
valions de M. Hyril, que le Protée ne de l'eau pour respirer l'air (a).
(a) Hyril, Derichtigungen ùber den Bau des Cefdss-Systems von Hypochlhon Lanrenlii (Medici
nische Jahrbùrher des Oe'sterreichischen Staates, 1844, t. XLVIII, p. 257).
entre
Batrac
et les Poissons.
CHEZ LES BATRACIENS. !l01
parmi les Batraciens, nous voyons que cet animal, par le mode
de constitution de son appareil circulatoire, aussi bien que par
la disposition des organes de la respiration, diffère à peine des
Batraciens Pérennibranches, tels que l'Axolotl et la Sirène,
d'une part, et des Poissons des genres Polyptère, Amia et Lé-
pisostée de l'autre.
Les caractères que l'on peut invoquer pour établir ici la ligne
de démarcation n'ont aucune fixité, et par conséquent ne peu-
vent avoir que peu d'importance dans la Nature.
J'insiste sur ce point , parce que les auteurs se forment
souvent des idées fausses touchant la circonscription des familles
ou des classes zoologiques. On les représente d'ordinaire comme
ayant des limites parfaitement nettes et comme pouvant être
définies à l'aide de quelques mots. Cela est vrai pour les types
ou représentants ordinaires de la plupart de ces groupes, mais
ne l'est pas pour ces groupes eux-mêmes; car presque toujours
ceux-ci se rencontrent et se confondent plus ou moins complè-
tement entre eux sur quelques points de leur circonférence.
Les discussions qui se sont élevées depuis quelques années^
parmi les zoologistes , sur la place que le Lepidosiren doit
occuper dans nos systèmes de classification , fournissent la
preuve de ce que j'avance ici, et montrent combien certaines
espèces intermédiaires se ressemblent, soit qu'elles dérivent
du type ichthyologique, et qu'elles revêtent la plupart des carac-
tères des Batraciens , soit que le tracé organique propre à ce
dernier y ait été modifié par des emprunts faits au plan anato-
mique du Poisson. Mais c'est là un sujet qui est du domaine
de la taxinomie zoologique plutôt que de la physiologie ou de
l'amitomie, et par conséquent je ne m'y arrêterai pas ici, et. je
passerai tout de suite à l'étude de l'appareil circulatoire dans la
classe des Reptiles.
VINGT -HUITIEME LEGON.
De la circulation du sang chez les Pieptiles.
Caractère
général
de l'appareil
circulatoire
des Reptiles.
§ \ . — ■ Dans cette grande division de l'embranchement des
Vertébrés, de même que chez' les Batraciens, il y a toujours
mélange d'une portion plus ou moins considérable de sang
veineux avec le sang artériel; mais les deux cercles vascu-
laires tendent à se juxtaposer seulement et à se compléter l'un
l'autre, au lieu de se confondre, et par conséquent nous rencon-
trons ici de nouveaux perfectionnements dans l'appareil irriga-
loire(l). En effet, le cœur, composé de deux oreillettes et d'un
ventricule unique chez la plupart des Reptiles, montre chez plu-
sieurs de ces Animaux une tendance à se diviser en quatre ca-
vités, deux ventricules, aussi bien que deux oreillettes, et par-
fois même cette séparation devient complète, de façon que le
sang veineux reçu dans une des moitiés de l'organe ne pénètre
pas dans l'autre, qui ne reçoit que du sang artériel. Mais, dans
tous les cas, ces deux portions du fluide nourricier se mêlent plus
ou moins complètement avant d'être distribuées dans le système
capillaire; car ici, de même que chez les Batraciens, l'aorte
dorsale résulte de la réunion de deux ou de plusieurs crosses
paires, et lorsque la portion ventriculaire du cœur est complè-
tement divisée en deux loges, dont une est artérielle et l'autre
veineuse, ces deux racines de l'aorte naissent de ces deux moitiés
du cœur, de façon à conduire dans la grande artère du corps
un courant de sang veineux aussi bien qu'un courant de sang
artériel, et le mélange de ces deux liquides est rendu plus
(1 ) Claude Perrault , le célèbre
architecte à qui l'on doit la colonnade
du Louvre et un recueil important de
recherches sur Tanatomie des Ani-
maux, fut, je crois, le premier à con-
stater ce mode de circulation chez
une grande Tortue de l'Inde. Ce na-
turaliste émineht mourut en 1688;
APPAREIL DE LA CIRCULATION CHEZ LES REPTILES. ft09
complet par une communication directe ouverte en Ire ces
crosses, près de leur origine.
§2. — D'autres différences clans l'appareil circulatoire des
Reptiles, comparé à celui des Batraciens, dépendent d'une cen-
tralisation plus grande dans la portion antérieure du cœur, et la
division du travail se prononce davantage dans les gros vais-
seaux qui sortent de cet organe. Chez l'embryon, la conforma-
tion de ces parties est à peu près la même dans ces deux classes
d'Animaux. Le cœur offre en avant un bulbe arrondi qui est
séparé du ventricule par un rétrécissement, ou détroit de Haller,
très bien marqué, et l'aorte se divise, comme d'ordinaire, en une
double série d'arcs vasculaires (1). Mais, par les progrès du
développement, le bulbe tend de plus en plus à se rapprocher
du ventricule, se confond avec lui, et finit par disparaître plus
ou moins complètement (2), de façon que le cœur ne se trouve
composé que de deux étages, une portion auriculaire et une
portion ventriculaire.
La séparation longitudinale que nous avons vue s'établir d'une
mais le mémoire contenant la décou- (1) [Nous reviendrons plus tard sur
verte dont je viens de parler ne fut le mode de développement de l'appa-
publié que fort longtemps après (a). reil circulatoire de ces Animaux, et,
Perrault se livra à l'exercice de la pour le moment, je me bornerai à ren-
médecine avec distinction ; c'était un voyer aux travaux publiés sur ce
bomme remarquable par sa douceur sujet par MM. Baer, Hatbke et Agas-
et sa bienfaisance. Il est donc fâcheux, siz (c).
pour la réputation morale de Boileau, (2) Chez les Scinques, le bulbe est
que ce poète ait osé le désignerai! très réduit, mais se voit encore bien
mépris du public en l'appelant « mé- distinctement à la face antérieure du
dpcin ignorant » et a assassin » (6). cœur (<$)•
(a) Perrault, Description anatomique d'une grande Tortue des Indes (Mém. pour servir à
l'histoire naturelle des animaux, t. III, 2e partie, 1732, p. 190).
(b) Boileau Despréaux, Art poétique, chant IV, et Épigramme à un médecin.
(c) Baer, Ueber die Entwickelungsgeschichte der îhiere, t. H, p. 159 (1837).
— Ralhke, Enhvickelungsgeschichte der Natter (Coluber natrix), pi. 4, fig. 1 à 9, etc. (1839),
et Entivickelung der Schildkroten, 1848, p. 210 et suiv.
— Agassiz, Contributions to the Natural History ofthe United States of America, t. II, p. 594
M suiv., pi. 14, fig. 4, etc. (1857).
(d) Dp Natale, Ricerche anatomiche sullo Scinco variegato, p. 3R, pi. 2, fig1. 1 (extrait des
Mém. de YAcad. de Turin, 2e série, t. XIII, 1852).
/jlO APPAREIL DE LA CIRCULATION
manière incomplète dans le commencement de l'aorte commune
chez quelques Batraciens, se perfectionne chez les Reptiles, et
amène une distinction complète entre le système artériel pul-
monaire et le système artériel général. Enfin, le mouvement
de retrait qui fait disparaître le bulbe semble se prolonger et
s'étendre à la base des arcs aortiques, de sorte que souvent les
principaux troncs artériels , au lieu de naître comme des
branches d'un tronc commun , partent directement du ven-
tricule.
Ces diverses modifications ne se prononcent pas toujours au
même degré, et venant à se combiner avec celles qui s'effec-
tuent dans la structure du cœur, déterminent des variations
nombreuses et importantes dans la constitution de l'appareil
circulaire chez les divers Reptiles.
Pour l'étude de cet appareil, je choisirai comme premier
exemple la Tortue, (1).
(1) La plupart des faits fondamen- vations sur le même sujet (b). En
taux relatifs à la structure de l'appa- 1781, Gottwaldt ajouta quelques faits
reil circulatoire des Tortues ont été nouveaux relatifs à l'anatomie des
constatés par les anatomistes du xvne Carets (c). En 1808, Wrisberg publia
siècle ou du commencement du siècle des recherches sur le cœur de la Tor-
suivant : ainsi Perrault d'abord, puis tue franche, ou Chelonia Miàas (d).
Méry et Duverney, contribuèrent à faire Mais le travail le plus approfondi sur
connaître la disposition du cœur et ce point d'anatomie physiologique est
des gros vaisseaux {à). Peu de temps la belle monographie de Bojanus sur
après, Bussière à Londres, et Morgagni la Tortue bourbeuse (e). J'aurais aussi
à Pa vie, publièrent de nouvelles obser- à citer ici les recherches plus récentes
(a) Perrault, Op. cit.
— Duverney, Observations sur la circulation du sang dans le fœtus, et description du cœur
de la Tortue et de quelques autres animaux (Mém. de l'Acad. des scienees, 1699, et Œuvres
anatomiques , t. II, p. 458).
— Méry, Description du cœur d'une grande Tortue d'Amérique (Mém. de l'Acad. des sciences,
1703, p. 457, pi. 12, fig. 1 à 8).
(b) Bussière, An Anatomical Description of the Heart ofLand Tortoises from America (Philos.
Trans., 1710, p. 170, pi. n" 328, fig. 1 à 4).
— Morgagni, Adversaria anatomica quinta, animadversio xvii (1719) (Opéra omnia, t. II,
p. 153).
(e) Gottwaldt, Physikalisch- anatomische Bemerkungen ûber die Schildkroten. Niirnberg, 1781.
(d) Wrisberg, Obsei'V. anat. de corde Testudinis marinœ Midas dicta: (Commentalianes
Societatis scientiarum Gottengensis, 1808, t. XVI, p. 48, fig.).
(e) Bojanus, Anatome Testudinis europœœ, in-fol. Vilnse, 1819-1821.
CHEZ LES REPTILES.
411
& 3. — Le cœur des Chéloniens, de même que celui de la cœur
des Cliéloiiiens.
plupart des autres Reptiles, se compose de deux oreillettes et
d'un seul ventricule.
Cet organe est situé sous les poumons, immédiatement au-
devant du foie , et la poche séreuse qui le renferme se confond
en arrière avec la membrane péritonéale dont cette glande est
revêtue. Il est bon de noter aussi qu'au lieu d'être suspendu
librement dans le péricarde, comme chez les Vertébrés supé-
rieurs, le cœur des Tortues ressemble à celui des Poissons par la
manière dont il est, pour ainsi dire, amarré dans sa loge par des
cordons fibreux en nombre plus ou moins considérable (1). 11
est grand et de forme ramassée ; en général, il est même beau-
coup plus large que long.
Les oreillettes , peu distinctes extérieurement , débordent
le ventricule en avant et sur les côtés. Celle de droite est
la plus volumineuse, et reçoit le sang venant du système
veineux général. Les veines pulmonaires débouchent dans
celle de gauche. A l'intérieur, ces deux organes sont séparés
entre eux par une cloison membraneuse qui parfois est per-
forée, mais qui, en général, est complète , et s'étend en
arrière jusque sur la grande valvule auriculo-ventriculaire ,
do Treviranus et de quelques autres forte que les autres, se fixe au sommet
naturalistes (a). du ventricule (6), et contiendrait, d'a-
(1) Le péricarde est grand et épais ; près Bojanus , une des veines du
postérieurement il est uni à la mem- cœur (c) ; mais cette disposition ne
branc qui revêt le foie, et il adhère paraît pas être constante, car souvent
aussi à la surface du cœur par un Meckel n'a pu découvrir dans cette
nombre plus ou moins considérable bride aucune trace de l'existence d'un
de brides filiformes , dont une plus vaisseau sanguin (d).
(a) Treviranus, Bau des Ilerzens der Schildkrolen, etc. (Lieobachluhgen aus der Zoolomie und
Physiologie, I. Heft, p. 2, 1839).
(6) Duverney, Observ. sur la circulation du sang dans le fœtus, et description du cœur de lu
Tortue [Acad. des sciences, 1699, et Œuvres anatomiques , t. II, p. 459, pi. 6, fig. 3).
— Goltwaldt, PhysikaUsch-Anatoinische Beobachtungen ûber_ Schildkroten, pi. C, fig-. 3 (i 781).
(c) Bojanus, Anatome Testudinis europœœ, pi. 29, fig. 160.
(</) Meckel, Anat. comp., t. IX, p. 297.
/il 2 APPAREIL DE LA CIKGULATION
laquelle (constitue la paroi postérieure de ces cavités vestibu-
laires (1).
L'orifice par lequel les veines caves débouchent dans l'oreil-
lette droite est, en général, simple et garni de valvules qui ne
laissent entre elles qu'une fente en forme de boutonnière (2) ;
quelquefois les deux veines, caves se terminent séparément dans
cette chambre vestibulaire, et il paraîtrait même que chez le
Caret la veine cave d'un côté du corps seulement s'y ouvrirait,
tandis que l'autre se rendrait directement au ventricule (3).
L'une des veines pulmonaires présente la même anomalie chez
(1) L'existence d'une cloison in ter-
auriculaire perforée a été constatée
par Munniks chez le Cinosterne scor-
pioïde, ou Terrapene tricarinata de
Merrem (a).
Treviranus a trouvé aussi que chez
laCistudede la Caroline (Terrapene
çltfusq, Merrem), les deux oreillettes
communiquent entre elles (6).
(2) Duverney qui, vers la fin du
xvnc siècle, a très bien décrit la struc-
ture du cœur des Tortues d'après
une grosse espèce américaine indé-
terminée, compare à deux paupières
les valvules de l'ouverture unique par
laquelle le sinus veineux commun
débouche dans l'oreillette droite, et
fait remarquer qu'un faisceau de fibres
fixées à leur angle externe s'épanouit
sur le fond de celte cavité (c).
L'orifice unique des deux veines
caves avec ses deux valvules a été
très bien figuré par Bojanus chez la
Tortue bourbeuse, ou Cistude d'Eu-
rope (d).
(3) Treviranus a trouvé que chez
VEmys reticulata,\VE. serraia et la
Cistude de la Caroline (ou Terrapene
clausa), les deux veines caves débou-
chent séparément dans l'oreillette (e).
Le même anatomiste a décrit avec
beaucoup de détails le mode de ter-
minaison anormal de l'une des veines
caves dans le ventricule chez le Caret
(ou Chelonia imbricata) . La cloison
interauriculaire se compose de deux
feuillets qui s'écartent entre eux aux
approches du ventricule, et c'est dans
l'espace médian ainsi constitué que
débouche le tronc des veines caves
d'un côté. Il n'y a pas de valvules aux
bords de cet orifice, et la gouttière où
il est situé se continue avec la cavité
dit ventricule (/").
(a) Munniks, Observ. deanatomia Testudinis scorpioidis ( Otiservaliones variai, Groriingue ,
1805, p. 43).
(b) TreviranuSj Ueobachtungen aus der Zootomie und Physioloyie, 1. 1, p. 5, pi. 1 , .%. 5 et G.
(c) Duverney, Op. cit. {Œuvres, t, II, p. 400, pi. (5, fig. 6, et pi. 8, fig. 13, BB).
(d) Bojanus, Op. cit., pi. 29, iig. 169.
(e) Treviranus, Beobachtungen aus der Zootomie und Physioloyie, I. Hoft, S. h.
(/) Idem, ibid., p. 4, pi. 2, fig. 8, o.
CHEZ LES REPTILES. /l 1 3
la Tortue marquetée, ou Chersine tessellata de Merrem (1).
Mais chez tous les autres Ghéloniens examinés jusqu'ici , ces
deux vaisseaux débouchent clans l'oreillette gauche par un orifice
commun ou par deux orifices très rapprochés (2) . .
L'orifice ventriculaire de chacune de ces oreillettes en occupe
la base, et, comme je l'ai déjà dit, se trouve garni d'une val-
vule quadrilatère qui naît de la cloison interauriculaire, où elle
se confond avec sa congénère pour constituer une espèce de
grand voile tendu en travers au-devant dû ventricule. Les
bords supérieur et inférieur de cette valvule commune (c'est-à-
dire ses bords dorsal et sternal) adhèrent aux parois du cœur,
mais ses deux bords latéraux sont libres, et laissent ainsi de
chaque côté une fente qui se dilate quand le sang pousse
d'avant en arrière l'espèce de soupape ainsi constituée, mais
se ferme quand ce liquide, pressé par les contractions du ven-
tricule, tend à refluer dans les oreillettes (3).
(1) C'est aussi dans l'espace laissé et, par conséquent, tient lieu de sou-
par l'écartement des deux feuillets de pape (b).
la cloison interauriculaire, près de Treviranus a représenté les deux
leur bord ventriculaire, que l'une des orifices terminaux des veines pulmo-
veines pulmonaires débouche et verse naires dans l'oreillette droite chez
son sang dans le ventricule chez ce VEmys reticulata (c).
Chélonien ; disposition qui a été con-- L'existence d'un repli valvulairc
statée par Treviranus (a). simple, à l'orifice de l'artère pulmo-
(2) Chez la Cistude d'Europe, l'ori- naire, a été constaté chez la Tortue
lice commun des deux veines pulmo- indienne par Guthrie (d). ■
naires, situé à l'angle postérieur et (3) La disposition générale de celle
interne de l'oreillette gauche, est de valvule se voit dans les figures don-
forme semi-lunaire et n'est pas pourvu nées par Duverney, mais a été repré-
de valvules, mais la cloison interauri- sentée d'une manière beaucoup plus
culaire le recouvre en grande partie nette par Bussière et par Duvernoy(e).
au moment de la systole des oreillettes, Cependant la disposition des orifices
(a) Treviranus, Op. cit., p. 5.
(b) Voyez Bojanus, Op. cit., pi. 29, %. 108.
(c) Treviranus, Op. cit., pi. 1, fig. 1 et 2 q, q'.
(d) Observ. on the Structure of the Heart of the Tcstudo indica (Zool. Journ al, 16- î), t. IV,
p. 322).
(e) Duverney, Op. cit. (Œuvres, t. II, pi. 8, fig. 17).
— Bussière, Op. cit. (Philos. Transi., 1710, pi. n" 328, fig. 2 a).
— Duvernoy, Atlas du Règne animal de Olivier, Reptiles, pi. 2, fig. 3.
îlll\ APPAREIL DE LA CIRCULATION
Le ventricule, arrondi et en général très large, a des parois
musculaires fort épaisses et dont la portion interne présente une
structure réticulée ou caverneuse. Les petites cavités, ainsi
circonscrites par des faisceaux charnus, communiquent entre
elles ainsi qu'avec la grande cavité centrale, et ordinairement
les colonnes musculaires qui se prolongent en dedans divisent
l'intérieur du ventricule en deux loges principales , situées
l'une à droite, l'autre à gauche. Cette dernière, beaucoup moins
grande que la loge ventriculaire droite, est en communication
avec l'oreillette gauche, et, au moment de sa dilatation, reçoit le
sang artériel chassé par la contraction de celle-ci ; mais elle ne
donne naissance à aucune artère, et le liquide dont elle s'est
chargée de la sorte est obligé de passer ensuite dans l'autre
compartiment du ventricule. Elle mérite donc le nom de loge
artérielle , mais c'est à tort que beaucoup d'anatomistes la
considèrent comme étant un ventricule distinct. La loge veineuse,
ou loge principale dans laquelle débouche l'oreillette droite,
présente au contraire trois orifices qui sont l'origine des vais-
seaux destinés à porter le sang aux poumons aussi bien que
dans le système circulatoire général (1).
auriculo-ventriculaires n'est pas tout à dans le ventricule unique du cœur des
fait aussi simple que ces anatomisles Chéloniens, et il existait jusqu'à ces
le supposaient. En effet, jV]. Briicke derniers temps de grandes incertitu-
a reconnu que chacune de ces ouver- des au sujet du mode de distribution
lures est garnie, du côté externe, du sang artériel et veineux dans l'inté-
d'un petit rebord membraneux qui rieur de cet organe. Mais M. Briicke
représente une seconde valvule rudi- a fait à ce sujet des expériences sur
menlaire opposée à la première. Du des Animaux, vivants et me paraît
reste, ce prolongement de la lèvre avoir résolu la question d'une raa-
externe de l'orifice est rigide et ne nière très satisfaisante. En effet, il a
fait pas office de soupape («). constaté qu'au moment de la diastole
(1) 11 y a eu beaucoup de discussions du ventricule, les cavilés situées dans
entre les anciens anatomisles au sujet cette portion du cœur ne se colorent
du nombre et des usages de ces coin- pas de la même manière ; la partie
partiments plus ou moins distincts qui dépend de la loge droite et qui
(a) Briicke, Beitrtige zur vergl. Anat. und Physiol. des Gefass-Syslems (Mém. de l'Acad. de
Vienne, 1852, t. 111, p, 336).
CHEZ LES REPTILES. A '15
Il on résulte que chez les Cbéloniens, de même que chez les
Batraciens, il y a un mélange du sang artériel et du sang vei-
neux qui s'opère dans l'intérieur du ventricule ; mais ce mé-
lange est moins complet qu'on ne serait porté à le supposer au
premier abord ; car, à l'aide de quelquesdispositions très simples,
dont nous devons la connaissance à un observateur habile de
l'école de Vienne, M. Briicke, la plus grande partie du sang-
contenu dans la loge artérielle se rend à l'aorte, et il n'en passe
que très peu dans l'artère pulmonaire. En effet, M, Briicke a
reconnu que dans le mouvement de systole du ventricule, les
communique directement avec l'orifice
auiïculo-ventriculaire du même côté,
c'est-à-dire avec l'oreillette du sys-
tème pulmonaire , prend une teinte
vermeille , tandis que la partie où se
trouve la loge principale, et où dé-
bouche l'oreillette faisant suite aux
veines caves, se colore en rouge som-
bre. On en peut conclure que le pre-
mier de ces compartiments se remplit
de sang artériel, le second de sang
veineux (a).
M. Driicke désigne donc la portion
gauche du ventricule sous le nom de
cavum arteriosum, et il appelle ca-
vum venosum la portion située au
milieu et à droite où arrive le sang
noir.
Chez la Tortue bourbeuse, ou Cis-
tudo europeea (Emys europeea de
Schwcigger), il n'existe aucune cloison
entre ces deux portions du cœur (6),
et il paraît en être à peu près de
même chez quelques autres espèces,
telles que la Tortue grecque. Mais
chez d'autres Cbéloniens les brides
charnues se ramifient et se prolongent
davantage entre ces deux loges , de
manière à constituer quelquefois une
cloison assez bien caractérisée, quoi-
que toujours incomplète.
Ainsi, chez le Caret {Chelonia im-
bricata, Schw.), la séparation entre les
deux loges est très développée (c). En-
fin, chez la Tortue franche, ouChelonia
Midas , la cloison ventriculaire ainsi
constituée est percée seulement par un
trou ovalaire qui est situé sous le fond
de la valvule, auriculo - ventriculaire
droite , de façon à être bouché par
celle-ci quand, au moment de la sys-
tole de l'oreillette , elle vient ù être
distendue par le sang veineux et à se
gonfler sous la pression ainsi exercée,
lien résulte que, au moment de l'en-
trée du sang veineux dans le ventri-
cule, le passage de la loge principale
dans lalogearlérieusc se trouve fermé.
La disposition de ces parties se voit
assez nettement dans une coupe du
cœur de cette Tortue marine, publiée
par MAI* Car us et V. Otto [d).
(«) Briicke, Unters. ùber vergl. Anal, uni l'hys. des Gefàss-Systcms [Hé m. de l'Acad. de
Vienne, 1852, t. III, p. 335).
(b) Briicke, Op. cit., p. 339.
(<) Voyez Treviranus, Op. cit., p. 4, p!. 2, fig. S cl 9.
(d) Carus et V. Otto, Tabulai Anat. cçmpar. illustr , pars, vi, pi. 5, fig\ 4 (1843).
III.
21
/j/16 APPAREIL DE LA CiP.CULATION
deux portions de cet organe ne se contractent pas tout à fait en
même temps ; c'est la portion correspondante de la loge prin-
cipale, ou loge droite, qui agit d'abord, et qui pousse le sang
veineux dont elle est remplie dans les artères pulmonaires aussi
bien que dans le système aortique; mais, vers le milieu du
temps occupé par ce mouvement, l'entrée des vaisseaux de la
petite circulation est fortement resserrée par la contraction de
fibres charnues annulaires dont les artères pulmonaires sont
garnies à leur origine, et, par conséquent, la seule voie libre pour
l'écoulement du reste de l'ondée sanguine, pendant la seconde
moitié de la systole, est celle offerte par les orifices des troncs
aortiques. Or, c'est précisément alors que la loge artérielle du
ventricule entre en jeu, et, en se contractant, déverse son con-
tenu dans la loge principale. Le sang artériel, dont elle était
gorgée , ne se mêle donc qu'avec le reste du sang veineux con-
tenu dans cette dernière pompe, et ce mélange, riche en sang
vermeil, passe presque en totalité dans les vaisseaux de la
grande circulation.
Je dois ajouter que le passage presque direct du sang veineux
de l'oreillette droite dans l'embouchure du système pulmonaire
est, en général, favorisé aussi par l'existence d'une éminence
charnue qui est terminée par un cartilage ou un petit os conique,
et située entre l'orifice auriculo-ventriculaire droit et la loge
artérieuse du ventricule, de façon à s'opposer un peu au passage
du sang veineux de droite à gauche, et à diriger le courant formé
par ce liquide vers l'embouchure des artères pulmonaires (1).
(1) Ce petit osselet a été découvert chures aortiques, et sa pointe est en-
par Bojanus, dans le cœur de la Tor- veloppée clans un faisceau musculo -
tue bourbeuse (C. europœa) ; il est de tendineux qui recouvre comme une
forme conique et un peu arqué (a). valvule les abords de l'artère pulmo-
Sa base est dirigée vers les embou- naire du côté gauche.
(a) Bojanus, Anatomia Testudinîs europœœ, pli 29, figa 170-172.
CHEZ LES REPTILES. fi 17
La direclion des divers orifices favorise aussi ce mode de répar-
tition du sang (1).
Les orifices des artères sont, comme d'ordinaire, garnis de
valvules qui s'écartent pour laisser sortir le sang, et qui se rap-
prochent quand le ventricule se dilate.
§ A. — Le cccur des Ophidiens (2), au lieu d'être élargi cœur
• > « • -i des Ophidiens.
comme celui des lortues, est très allonge, mais du reste il y
ressemble beaucoup par sa composition , et il est situé aussi
très loin de la tête (3). Les deux oreillettes sont complètement
(1JM. Mayer a étudié avec beaucoup
de soin ces particularités de struc-
ture chez la Testudo tessellata, et y
attribue une influence très grande sur
la direclion des courants de sang ar-
tériel vers les orifices de l'aorte et du
sang veineux vers l'embouchure des
vaisseaux pulmonaires (a).
Celte bande charnue se porte obli-
quement du sommet de la loge prin-
cipale du ventricule à la partie anté-
rieure de sa paroi inférieure, et tend
à diviser la cavité de cette loge en
deux portions dont l'une renferme
l'orifice de l'artère pulmonaire , et
l'autre les orifices aorliques. Le rôle
de celte colonne charnue dans le mé-
canisme de la circulation a été très
nettement indiqué par Gulhrie (6).
(■2) Les principaux travaux sur le
système circulatoire des Serpents sont
ceux de MM. Schlemm, lïetzius, .Tac-
quart et Briicke (c). M. Martin Saint-
Ange a donné aussi une figure de
l'intérieur du cœur de la Couleuvre
à collier (d). Enfin , tout récemment,
M. Rathke a publié des observations
sur le cœur et les artères des Amphis-
bènes , Reptiles serpentiformes que
Cuvier rangeait dans l'ordre des Ophi-
diens, mais que la plupart des zoolo-
gistes du jour considèrent comme ap-
partenant au groupe des Sauriens (e).
(3) Chez les Orvets, le cœur est silué
très près de la région pharyngienne ;
mais, chez la plupart des Serpents, il
est placé vers le quart de la longueur
du corps, ainsi que cela se voit chez
la Couleuvre à collier (f) et chez le
Python {g).
(a) Mayer, Kreislauf des Blutes bel den Amphibien (Analeeten fur verglcichende Anatomie,
p. 45, pi. G, fig-. 1).
(b) Guthrie, Obs. onthe Strucl. of the Heart of llie Testudo indica (Zool. Journ., 1829, t. IV,
p. 324).
(c) Schlemm, Analomische Bcschreibung des Blutgefâss-Sgslems der Schlangen (Zeitschr. fur
Physiologie von Treviranus, 182G, t. II, p. 101, pi. 7).
— Retzius, Anatomisk undersvkning ôfver nàgra delar af Python bivillatus (Mém. de l'Acad.
de Stockholm, 1829, p. 81, et Isis, 1832, t. I, p. 511).
— Jacquart , Mémoire sur les organes de la circulation chez le Serpent Python {Ann. des
sciences nat., 1855, 4e série, t. IV, p. 321, pi. 9, 10 et H).
— . Briicke, Op. cit. [Mém. de l'Acad. de Vienne, 1852, t. III, p. 342.
((/) Martin Saint-Ange, Circulation du sang, fig. 20.
(e) Rathke, Uiitersuchitngcn liber die Aortcnwurzeln der Saurieu (Dcnkschrift der Akad. der
Wissensch. zu Wien, t. XIII, 1S57).
(f) Milnc Edwards, Éléments de zoologie, 3e partie, p. 205, fi^. 359.
(g) Jacquart, loc. cit., pi. 9, Gg. 1.
Z[18 APPAREIL DE LA CIRCULATION
séparées entre elles, et leurs parois sont garnies intérieurement
de piliers charnus. Chez le Python, que je choisirai ici comme
exemple principal, parce que l'anatomie vient d'en être laite
avec beaucoup de soin par M. Jacquart, l'un des aides natura-
listes attachés au Muséum, les orifices des deux grands troncs
veineux (savoir, d'un côté le sinus formé par la veine jugulaire
droite et la veine cave postérieure, de l'autre la veine jugulaire
gauche) sont très rapprochés, et protégés par un appareil valvu-
lairc commun qui se compose de deux voiles membraneux
comparables à des paupières et séparés entre eux par une fente
allongée. L'ouverture qui conduit dans le ventricule est occupée
par une grosse valvule semi-circulaire dont la base se continue
avec le bord postérieur de la cloison interauriculaire (1).
L'oreillette gauche, à peu près de moitié plus petite que la
précédente, reçoit le sang du poumon par un orifice pratiqué à
la partie postérieure de sa paroi supérieure et dépourvu de val-
vules. Son orifice auriculo-ventriculaire est disposé comme
celui de l'oreillette droite (2).
Le ventricule du cœur des Serpents est divisé, comme celui
des Tortues marines, en deux loges (3), par une cloison charnue
(1) La face postérieure ou ventricu- chaque orifice uuc soupape semi-lu-
lairc de celte valvule est convave, et naire plus distincte (6,\
son bord libre est attaché aux parois (3) Toute la portion périphérique
du ventricule par des piliers fibreux de chacune de ces loges est subdivisée
qui en occupent les angles (a). en une multitude de petites cavités
(2) La valvule auriculo-ventriculaire accessoires par des trabécules char-
gauche forme avec celle de droite, à nues ou tendineuses, qui se réunissent
laquelle elle est unie par sa base, une entre eux de façon à constituer une
espèce de voile transversal qui adhère sorte de trame irrégulière ou de
au bord postérieur de la cloison inler- masse caverneuse. Cette disposition
auriculaire, et qui ressemble beaucoup compliquée a été très bien mise en
à l'appareil correspondant, chez les évidence par les préparations analo-
Torlucs, mais qui forme ici, pour iniques de M. Briickc (c).
(a) Voyez Jacquart, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4° série, l. IV, pi. 10, fig'. 7, n" 0, et
fig. 8, n* 15).
(6) Jacquart, loc. cit., pi. 10, 11-. 11, et pi. 11, fig\ 10, il' 1.
(c) Briickc, Deitrâge zur vergleich. Anal, und Physiol. des Cefâss-Syslems (Mém. de l'Acad. de
Vienne, 1852, t. III, p. 312, pi. 19, fiç. G et 7).
CHEZ LES REPTILES. A'10
incomplète qui s'étend longiludinalement du sommet ou pointe
de cet organe vers sa base, et qui correspond à un léger sillon
visible à l'extrémité (1). La loge artérieuse, ou loge gauche, est
très petite , et n'a d'autre orifice que l'ouverture auriculo-ven-
triculaire par laquelle le sang rouge y arrive, et le pertuis prati-
qué dans la cloison qui la sépare de la loge principale du ven-
tricule. Ce trou est situé immédiatement derrière la base des
deux valvules auriculo-ventriculaires, et se trouve bouché par
elles quand ces soupapes s'abaissent pour laisser entrer le sang
des oreillettes dans le ventricule (2).
La loge principale, ou loge droite du ventricule, est très spa-
cieuse, et sa cavité est incomplètement subdivisée en deux com-
partiments, ou niches, par un pilier charnu ou bourrelet qui
adhère à sa paroi dorsale et se porte de son sommet vers l'em-
bouchure des troncs artériels. L'un des compartiments ainsi
délimités est situé du côté ventral , et présente à sa partie
antérieure l'orifice de l'artère pulmonaire , disposition qui lui
vaut le nom de vestibule ou sinus pulmonaire ; l'autre occupe
la partie supérieure ou dorsale du ventricule droit, et l'on peut
l'appeler le vestibule aortique, parce qu'il donne naissance aux
deux aortes, dont les orifices, de même que celui de l'artère
pulmonaire, sont pourvus chacun de deux valvules sigmoïdes.
Enfin, il est aussi à noter que l'orifice de la loge artérieuse du
(1) Celle cloison charnue naît du laissé libre entre la loge antérieure du
fond de la cavité du ventricule, et se ventricule et la loge principale ou
porte vers la paroi antérieure ou auri- veineuse de cet organe. La structure
culaire de cette chambre, mais n'y de cette cloison a été décrite avec
arrive pas complètement , et c'est beaucoup de soin par M. Jacquart. Un
l'espace laissé entre son bord infé- sillon y correspond extérieurement (a),
rieur concave et la base des deux \ al- (2) MM. Ilopkinson et Pancoast
vules auriculo-ventriculaires adossées ont décrit cette disposition chez le
l'une à l'autre qui constitue le passage Python réticulé (6).
(a) Jacquart, loc. cit., p. 329, pi. 10. fig. S, et pi. M, fig. 10.
(6) Hopkinson and Pancoast, On the Viscéral Artatomy of Vie Python (Trans. of the American
Philosnph. Society, 1835, new série?, vol. V, p. 130).
/i"20 APPAREIL DE LA CIRCULATION
ventricule est placé à la partie antérieure de cette portion aor-
tique de la loge principale, et se trouve, par conséquent, séparé
de l'embouchure de l'artère pulmonaire par le bourrelet charnu
dont il vient d'être question (1).
Il résulte de ces dispositions organiques qu'au moment de la
diastole de la portion ventriculaire du cœur et de la contraction
des deux oreillettes, le sang artériel venant des poumons, et
contenu dans l'oreillette gauche, va remplir la petite loge gauche
du ventricule, et le sang veineux renfermé dans l'oreillette
droite pénètre dans la loge ventriculaire principale. Puis, au
moment de la systole du ventricule, la portion du sang veineux
contenu dans le compartiment inférieur de cette dernière loge
s'en écoule par l'orifice de l'artère pulmonaire, pendant que la
portion du même liquide contenue dans le vestibule aortique, et
le sang artériel qui y arrive de la loge ventriculaire gauche par
le pertuis de la cloison, se mêlent et pénètrent dans les aortes.
M. Brùcke a remarqué aussi que la loge artérieuse ne se vide
que pendant la seconde moitié de la systole ventriculaire, et que
dans le même moment le bourrelet cloisonnairede la loge prin-
cipale s'applique contre l'orifice de l'artère pulmonaire et
l'obstrue | de telle sorte que chez les Serpents, de même que
chez les Tortues, le sang vermeil, tout en passant dans le
ventricule où arrive aussi le sang veineux, ne retourne pas
aux poumons et se rend dans les vaisseaux de la grande circu-
lation (9).
(1) La colonne charnue qui consli- sus des orifices aorliques, tandis que
lue celte cloison incomplète, ou boar- l'orifice de l'artère pulmonaire est
relet, adhère à la paroi dorsale du situé beaucoup plus de côté dans le
ventricule par son bord supérieur, et compartiment inférieur (a).
son bord inférieur, qui est libre , fait (2) Le sang, reçu par tous les or-
saillie entre les deux portions de la gancs, n'en est pas moins un mélange
loge principale. Antérieurement celte de sang veineux et de sang artériel ;
bande musculaire se termine au-clcs- seulement, à l'aide de la disposition
(a) Voyez Jacquarl, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4° série, t. IV, pi. 10, fijf. 8).
CHEZ LES REPTILES. &21
§ 5. — Chez quelques Sauriens, la structure du cœur est à
peu près la même que dans les deux groupes dont je viens de
parler (1). Ainsi, chez les Lézards et les Yarans, le ventricule
est partagé en deux loges par une cloison plus ou moins com-
plète, et la loge artérieuse dans laquelle débouche l'oreillette
gauche ne donne naissance à aucun vaisseau, mais verse le
sang qu'elle a reçu dans la loge principale, où se trouvent les
orifices des artères aortiques , aussi bien que celui de l'artère
pulmonaire ; enfin des dispositions analogues à celles dont les
Ophidiens et les Chéloniens nous ont déjà offert des exemples
tendent à y diriger le sang veineux plus particulièrement vers
cette dernière ouverture , tandis que le sang artériel se porte
de préférence vers les artères du système aortique (2).
Coeur
des Sauriens
ordinaires.
observée par M. Briicke, la totalité ou
la presque totalité du sang rendu arlé-
riel dans les poumons se trouve uti-
lisée dans la circulation générale, et
c'est du sang veineux presque pur qui
retourne aux poumons (a).
(!) Chez la plupart des Sauriens
ordinaires, le cœur est situé très près
du cou, au-dessus de la portion anté-
rieure du sternum ; mais chez le
Varan il se trouve plus en arrière.
Pour plus de détails à ce sujet, on
peut consulter un travail récent de
M. Rathke (b). En général, le sommet
du ventricule adhère au péricarde par
un filament court et épais. Chez le
Pseudopus Pallasii , on trouve une
quinzaine de ces brides (c).
(2) Chez le Varan (Psammosaurus
griseus), le ventricule est divisé comme
d'ordinaire en deux loges inégales,
dont l'une, moins grande, mais plus
musculaire que l'autre, est placée à
gauche et au-dessus de celle-ci. La
cloison qui sépare ces deux cavités
n'est percée qu'en avant, immédiate-
ment derrière l'orifice auriculaire
droit, et le passage ainsi ménagé entre
les loges artérieuse et veineuse du
ventricule est garni de brides char-
nues ou tendineuses. La loge arté-
rieuse, ou gauche, présente au milieu
une cavité assez spacieuse dans la-
quelle débouche l'oreillette gauche, et
tout autour des cavités accessoires très
irrégulières, ménagées entre les co-
lonnes et trabécules charnues dont ses
parois sont garnies ; elle ne commu-
nique d'ailleurs qu'avec la loge vei-
neuse. Celle-ci est plus grande que la
précédente et se trouve, comme d'or-
dinaire , incomplètement subdivisée
en deux portions pai' le bourrelet ou
pilier musculaire dont il a été déjà
(a) Briike, Op. cit., p. 342.
(b) H. Ralhke, Untevsucluinqen iiber die Aortenwurzeln , und die von ihnen ausgehenden
Arterien der Saurier, p. 9 (extr. des Dcnkschriften der Akad. der Wissensch. zu Wien., -1 857,
t. XIII).
(e) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 300.
/j22 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Chez le Caméléon, la structure du cœur se simplifie môme
davantage, et les deux loges dont il vient d'être question se con-
fondent (1).
Mais chez d'autres Sauriens ordinaires, tels que les Iguanes,
la portion ventriculaire du cœur présente un mode de con-
formation très différent. Une cloison incomplète, qui paraît
correspondre à la bande charnue que nous avons rencontrée
question chez d'autres Reptiles. Ce
pilier, saillant, adhère à la cloison
Interloculaire et se dirige vers les
ouvertures du système artériel , de
telle sorte que le compartiment de
gauche où débouche la loge arté-
rieusc renferme l'orifice de l'aorte
gauche, et le compartiment de droite,
qui est de beaucoup le plus grand,
contient l'ouvert ure auriculo- venlri-
eulaire droite et l'ouverture de l'ar-
tère pulmonaire , ainsi que celle du
tronc aorlique droit (a). M. Briïcke,
à qui l'on doit une étude très atten-
tive de la structure du cœur de ce
Saurien , a reconnu que, lors des
mouvements de diastole des ventii-
cules, la loge gauche prend une teinte
rouge clair, qui est due à rentrée
du sang artériel, tandis que la loge
droite devient d'un rouge sombre,
ce qui dépend de l'abord du sang
noir venant de l'oreillette droite. Le
sang qui s'engage dans l'artère pul-
monaire est aussi d'une teinte foncée,
tandis que dans les aortes ce liquide
est plus vermeil. J'ajouterai que
1\1. Corli, dans sa Monographie analo-
mique du Psammosaure, Reptile de la
famille des Varaniens, désigne la por-
tion inférieure ou veineuse de la loge
droite , sous le nom de ventricule
droit, et appelle spatium interventr.i-
culare le sinus ou compartiment arté-
riel qui est en communication directe
avec la loge gauche ou loge artérieuse,
à laquelle cet analomisle applique le
nom de ventricule gauche (6).
Le cœur du Fouette-queue d'Egypte
(Uromastix) ressemble à celui des
Varans (c).
Chez les Lézards, la cloison inter-
loculaire du ventricule est moins déve-
loppée et paraît offrir plusieurs permis,
indépendamment de la grande ouver-
ture située à sa partie antérieure, près
des orifices auriculo-venlriculaires. Il
est aussi à noter que le bord supérieur
de l'appareil valvulaire dont ces der-
niers orifices sont garnis, se prolonge
contre une partie saillante des parois
du ventricule, de façon à constituer
une espèce de gouttière transversale,
destinée à conduire le sang artériel de
la loge gauche dans la loge principale
du ventricule (c/).
Le même mode d'organisation pa-
raît exister chez le Oecko (lJlatydac-
tylus guttalus) et le Bibes Pallasii.
(lj Duvernoy a constaté que chez le
{a) Voyez Brikko, Deitrcige z-ur vergleicltenden Anatomie und Physiologie des Gefass-Systems,
g c, EiJcchseii (tlém. de l'Acad. de Vienne, t. 111, p. 344 et suiv., [il 5, fi^. 8).
(b) Cor:i,.De systemate vascrum Ptammosaîiri grisei, p. 13 et suiv. Vienne, 1847.
(c) Brikkn, O/j cit., p. 3(9.
(d) Duvernoy, Leçons d' anatomie comparée de Cu\iir, 2' éilil., I VI, p. 320.
— Miii'IÏH Sain:-Angp, Circulation fi-'. ï>-2.
CHEZ LES REPTILES.
Û23
dans l'intérieur tic la loge veineuse du cœur du Python et de
beaucoup d'autres Reptiles, se développe de façon à diviser
cette cavité en deux chambres, qui ont chacune non-seulement
une entrée auriculaire, mais une sortie dans le système artériel.
Ce sont, par conséquent, deux ventricules; celui de gauche, il est
vrai, n'est que peu développé, et semble être seulement une
dépendance de l'autre, mais il donne naissance à l'aorte gauche.
Le ventricule droit, dans lequel débouche l'oreillette veineuse,
loge l'orifice de l'autre crosse aortique, ainsi que l'orifice de
l'artère pulmonaire (1).
Le cours du sang vermeil qui arrive des poumons peut donc
se continuer jusque dans le système artériel aortique par l'inter-
médiaire de ce ventricule gauche de nouvelle création, pendant
que le sang noir versé dans l'oreillette droite par l'ensembledes
veines du corps traverse le ventricule droit pour se rendre, en
partie au moins, dans l'artère pulmonaire. Mais le mélange du
sang veineux et du sang artériel a encore lieu, d'abord dans
l'intérieur du cœur, puis dans le système irrigatoire-, car la cloi-
son interventriculaire est largement perforée, et les deux crosses
aorliques qui naissent, l'une du ventricule artériel, l'autre du
ventricule veineux, se réunissent bientôt pour constituer la
grande artère longitudinale du corps ou aorte dorsale, et, par
conséquent, les deux courants, dont les points de départ sont
différents, ne tardent pas à se confondre.
Caméléon ordinaire le ventricule pré- sans que lescompaitimenls ainsi for-
sente en avant un enfoncement circu- mes puissent être comparés aux loges
laire qui est commun aux orifices des distinctes du cœur des Lézards. Il est
deux oreillettes, et plus à gauche un aussi à noter que les parois du ven-
autre enfoncement où se trouvent les triculc ont une structure très caver-
embouchures des artères aorliques et neuse (a).
pulmonaires. La cavité du ventricule (1) Voy. Cuvier, Anal, comp., t. VI,
se bifurque à droite et ù gauche, mais p. 321.
(a) Duvcrnoy, Leçons d'àtiatomie comparée do Cimier, 2" cdil., t. VI, p. 321.
k^ll APPAREIL DE LA CIRCULATION
cœur § 6. — Enfin , dans la famille des Crocodiliens (1), la divi-
des
crocodiliens. sion du travail fait un pas de plus; la cloison interventricu-
laire se complète, et les deux ventricules se trouvent entièrement
séparés l'un de l'autre. L'oreillette droite, parfaitement distincte
de la gauche , recouvre en dessous la base du ventricule, et
reçoit les grosses veines du corps par un orifice pratiqué à sa
paroi supérieure et pourvu de valvules, à peu près comme chez
les Tortues et les autres Reptiles. Le ventricule droit, situé
auprès, a des parois charnues très épaisses, et reçoit le sang
veineux de l'oreillette par une large ouverture dont les bords
sont garnis de valvules. Enfin, à sa partie antérieure, ce ven-
tricule présente deux autres orifices qui sont très rapprochés
et garnis également de valvules : l'un appartient à l'artère pul-
monaire et se trouve au fond d'un petit sinus (2), l'autre est
l'entrée de la crosse aortique droite. L'oreillette gauche, beau-
coup moins développée que sa congénère et logée en majeure
partie au-dessus des gros vaisseaux du cœur, reçoit par sa
partie antérieure et interne les veines pulmonaires, et le sang-
artériel qui arrive ainsi dans sa cavité passe ensuite dans le
ventricule gauche. Celui-ci est situé au-dessus du ventricule
droit; son orifice auriculaire est pourvu de valvules, comme
d'ordinaire, et à sa partie antérieure cette chambre artérieuse
donne naissance à la seconde crosse aortique. il n'existe aucun
passage direct entre les deux ventricules, et par conséquent le
sang veineux qui arrive des deux parties du corps, et le sang
artériel qui vient des poumons, ne se mêlent pas dans le cœur,
ainsi que cela a lieu chez les autres Reptiles; mais ce mélange
ne tarde pas à s'effectuer dans les gros troncs artériels, à l'aide
(1) Le cœur de ces Reptiles est logé (2) C'est ce sinus, situé à la partie
en partie entre les deux lobes du foie, moyenne de la base du cœur, qui a été
et se trouve plus loin de la lète que considéré comme une troisième loge
chez les autres Sauriens. par Cuvier (a).
(a) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 1" édit., t. IV, p. 221 (1805).
CHEZ LES REPTILES. 425
d'une disposition anatomique fort simple : savoir, d'une part, communication
l'établissement d'une communication directe entre les deux les deufcrosses
crosses aortiques, au moment même de leur sortie du cœur, et,
un peu plus loin, la réunion de ces deux vaisseaux en un tronc
unique (1).
(1) La structure du cœur et de ses
dépendances n'était pas bien connue
de Cuvier, qui admettait l'existence de
pertuis conduisant d'un ventricule à
l'autre, et qui a cru devoir distinguer
trois loges ventrieulaires (a). En 1824,
une très bonne description en fut
donnée par un analomiste américain
peu connu, Hentz (b), et les observa-
tions de celui-ci furent confirmées par
ïlarlan (c) ; mais quelques années
après, M. Martin Saint-Ange, tout en
arrivant au même résultat en ce qui
concerne la non - perforation de la
cloison interventriculaire, méconnut
l'existence de l'orifice de communi-
cation entre la base des deux troncs
aortiques, et donna de la sorte une
idée fausse du mode de circulation du
sang chez ces Reptiles (c/). Cette erreur
fut relevée d'abord par Panizza (e),
puis par M. Mayer et par quelques
autres naturalistes (/"). Aujourd'hui,
on est généralement d'accord sur ce
point d'anatomie physiologique , et
tous les auteurs les plus récents dé-
crivent le cœur des Crocodiliens à peu
près comme l'avait fait Hentz, il y a
plus de trente ans. 11 est aussi à noter
que Duvernoy, tout en confirmant les
observations de ses prédécesseurs ,
quant à l'existence de l'orifice ana-
stomolique , dit for amen Panizzœ ,
avait supposé que cette ouverture se
rétrécissait et s'oblitérait même com-
plètement par les progrès de l'âge (g) ;
mais M. Poey a constaté qu'il en est
tout autrement (h). Plus récemment,
la persistance du trou de t'anizza et
l'absence de perforations dans la cloi-
son interventriculaire ont été consta-
tées aussi chez un nombre considé-
rable de Caïmans et de Crocodiles
adultes par M. Crisp {i).
(a) Cuvier, Leçons d' 'analomie comparée, t. IV, p. 221 (1805).
(b) N. M. Hentz, Some Observations ok the Anatomy and Physiulogy of the Alligator ofNorth
America. Communicated to the American Philosophical Society in 1820 {Transactions of the
American Philosophical Society, 1825, new séries, vol. II, p. 210, pi. 2).
(c) Letter from D' Harlan to N. M. Hentz, containing some further Observations on the Phy-
siology of the Alligator (Trans. of the Amer. Philos-. Soc., \ol. II, p. 226).
(d) Martin Saint- Ange, Circulation du sang considérée chez le foetus de l'Homme, et comparati-
vement dans les quatre classes des Vertébrés, lilhogr. in-ïbl.
(c) Panizza, Soprail sistema linfalico dei Rettili (Ricerche zoolomiche, p. 12, Pavie, 1833).
(/■) Mayer, Analecten fur vergleichende Anatomie, 1835, p. 45.
— Bischoff, l'eber den Bau des Crocodil-Herzens , besonders von Crocodilus Lucius (Mùiler's
Archivfùr Anat. und Physiol., 1836, p. 1, pi. 1).
— Van der Hoeven , Over het Hart der KrokodiUen (Tijdschrift voor natuurlijke Geschiedenis
en Physiologie, 1839, t. VI, p. 151).
— Briicke, Op. cit. (Mêiti. de Vienne, t. III, p. 350).
(g) Duvernoy, Note sur la structure du cœur des Crocodiliens (Journal de l'Institut, 1838,
p. 233, et Leçons d'anat comp. de Cuvier, t. VI, p. 317).
(h) Poey, Circulation del Crocodilo (Memorias sobra la historia natural de la isla de Cuba,
t. I, p. 158, pi. 23, et Append., p. 435,1853).
{i) Crisp, On the Heart of Reptiles [Médical Times, 1855, l. X, p. 321).
des
ordinaires.
/i'2G APPAREIL DE LA CIRCULATION
Pour bien saisir les conséquences de ces anastomoses, il est
nécessaire de connaître la disposition du système artériel de ces
Animaux.
crosses § 7. — Chez la plupart des Reptiles, le système artériel
a°Sricns présente à sa sortie du cœur une disposition analogue à celle
que nous avons déjà vue chez les Batraciens et les Poissons ,
mais qui s'éloigne davantage de la forme primitive qui est com-
mune à l'embryon de tous ces Vertébrés. Toujours les crosses
aortiques sont paires et forment une sorte d'anneau vasculaire
autour de l'œsophage ; mais la symétrie de ces arcs artériels
est moins complète, et la moitié droite de cette portion du sys-
tème tend à acquérir une importance de plus en plus grande.
Quelquefois, chez les Scinques, par exemple, on reconnaît
encore bien distinctement trois paires d'arcs vasculaires qui
sont conformés à peu près de même que chez les Batraciens,
et dont la première paire constitue les artères carotides, et les
secondes les deux crosses de l'aorte, tandis que les troisièmes
forment les artères pulmonaires (1).
Chez les Lézards , les transformations des arcs vasculaires
sont portées plus loin, et par suite de divers changements dont
il est facile de se rendre compte lorsqu'on étudie le mode de
développement du système circulatoire de ces Animaux, non-
seulement les deux crosses aortiques sont dès leur naissance
distinctes du tronc commun des artères pulmonaires, mais la
symétrie de ces vaisseaux se perd en partie. L'une des crosses
(I) Chez les Scinques, le système trois branches recourbées en forme
artériel ressemble beaucoup à celui d'arcs ou de crosses : la première
des Batraciens Anoures. En effet, paire de ces arcs vasculaires constitue
M. de Natale a trouvé que chez ces les artères carotides; la seconde paire
Sauriens le cœur fournit en avant forme les crosses ou racines de l'aorte
deux troncs qui se dirigent en avant dorsale , et la troisième fournit les
et en dehors, l'un à droite, l'autre à artères pulmonaires , ainsi qu'une
gauche, et qui se divisent chacun en paire d'artères musculo-cutanécs [a).
(a) G. de Natale, Uicerche anatomlclie sullo Scincovariegato, 1852, p. 38, pi. i, fi£. 9 (extr,
des Mém. de VAcad. de Turin, 2* série, t. XIII].
CHEZ LES REPTILES. A27
aortiques , celle qui se recourbe à gauche , reste simple et ne
donne naissance à aucune branche, tandis que l'autre, située
à droite, fournit tout le système artériel de la tête et de la por-
tion antérieure du corps. Néanmoins les arcs carotidiens con-
servent leurs relations primitives avec la portion dorsale ou
récurrente des crosses aortiques, et contribuent aussi à la for-
mation de l'aorte dorsale ; de sorte que ce dernier vaisseau a en
réalité quatre racines, et qu'on voit de chaque côté du cou deux
crosses aortiques qui se confondent supérieurement, savoir, une
crosse principale ou postérieure, et une crosse accessoire ou
antérieure dont nait la carotide correspondante (1).
(1) M. Rathke vient de publier un
travail très approfondi sur la disposi-
tion et le mode de formation de cette
portion du système aortique chez le
Lézard et un grand nombre d'autres
Sauriens (a).
Chez l'embryon du Lézard, de même
que chez le têtard du Batracien , il
part du cœur trois paires d'arcs vas-
culaircs qui, après avoir contourné les
côtés du cou, se réunissent pour con-
stiper les deux racines de l'aorte dor-
sale (6). Les arcs de la paire posté-
rieure donnent naissance aux artères
pulmonaires , et , par les progrès du
développement, leur portion termi-
nale, qui allait déboucher dans l'aorte
dorsale, se flétrit et disparaît ; de façon
qu'ils cessent d'avoir la forme de
crosses, et que l'aorte dorsale ne con-
serve de chaque côté que deux ra-
cines formées, l'une par l'arc de la se-
conde paire, ou arc principal, et l'autre
par l'arc antérieur, ou arc caroli-
dien. Enfin, la concentration delà por-
tion inférieure ou cardiaque de ces
quatre crosses amène dans leur dis-
position une autre modification im-
portante , car celles de la première
paire se confondent à leur base avec
la deuxième crosse du côté droit, de
manière à en devenir des dépen-
dances.
Il en résulte que chez le Lézard
adulte il ne part du cœur que deux
crosses aortiques, et que celle du côté
gauche reste simple et ne produit au-
cune branche , tandis que celle du
côté droit donne presque immédiate-
ment naissance à une paire de crosses
carolidiennes ou crosses antérieures,
lesquelles, après avoir fourni les caro-
tides et quelques autres rameaux cer-
vicaux, se recourbent en arrière et en
haut pour aller se joindre aux crosses
aortiques principales et concourir à la
formation de l'aorte dorsale (c).
La disposition de ces vaisseaux est
{a) Ratlikc, Unlcrsuchungen ùber die Aartenwurzeln und die von ihnen ausgehenden Arlerien
der Saurier, 1857 (extr. des tlém. de l'Acad. de Vienne, t. XIII).
(b) Ratlikc, Op. cit., pi. 2, fig. 5, 0 cl 7.
(c) Ilvril, Dcob. aus dem Gebiethe der vergl. Gefâsslehre medicin. Jahresb. des Oesterreich.
Slaatcs, 1838, 1. XXIV, pi. 3, flg. 2.
— Ralhkc, Op. cit., pi. 2, fi-. 4.
/j28 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Chez d'autres Sauriens , cette portion du système artériel
éprouve, par les progrès du développement, des changements
plus grands , et chez l'Animal adulte on ne trouve de chaque
côté du cou qu'une seule crosse au lieu de deux. En effet: , la
partie récurrente et terminale des ares carotidiens s'atrophie et
disparaît, de façon que la branche anastomotique, qui, chez le
Lézard, s'étend de la base de chaque carotide primitive à la
racine aortique et complète en dessus la crosse accessoire ,
n'existe plus. Ce mode d'organisation se voit chez le Caméléon
d'Afrique et chez les Monitors ou Varans. Chez les Ophidiens
proprement dits , les arcs vasculaires de la pénultième paire
sont aussi les seuls qui concourent à la formation de l'aorte
dorsale, et, par conséquent, de même que chez les Chéloniens,
il n'y a de chaque côté qu'une crosse aortique simple (1).
àpeuprèslamêmechezleStellion(a), mesure que le travail organogénique
le GTecko (6), l'Iguane (c), le Lyriocé- s'avance, chacune de ces paires d'arcs
phalc (cl), l'Ameiva (e), elc. tend à s'isoler par sa base et à consti-
II est aussi à noter que tons ces tuer, aux dépens du tronc commun,
vaisseaux, à leur sortie du cœur, sont un vaisseau particulier qui est pourvu
unis entre eux par du tissu fibreux, de d'un orifice distinct dans le ventricule,
façon qu'au premier abord ils ne pa- Les crosses de la troisième paire for-
raissent former qu'un seul tronc ; dis- ment ainsi l'artère pulmonaire et ses
position qui en a imposé à quelques deux branches. Mais la division qui
anatomisles. s'établit entre la portion moyenne et
(1) On voit, parles belles recherches la portion antérieure du tronc vascu-
de M. lîathke sur le développement de laire commun des crosses, et qui com-
la Couleuvre, que chez ces Animaux le mence au-devant des arcs de la
système aortique se compose d'abord, seconde paire, se dirige obliquement,
comme chez les autres Reptiles, de de façon à passer entre l'origine de
trois paires d'arcs vasculaires qui se ces deux vaisseaux et à laisser au-
réunissent latéralement pour donner devant d'elle le point de naissance de
naissance aux racines de l'aorte. A l'arc droit, tandis qu'elle isole l'orifice
(a) Voyez Blanchard, Organisation du Règne animal, Reptiles, pi. 49 (t85G).
(b) Dclle Clriajc, Dissertazioni sull' anatomia umana , comparata e patologica , t. I, pi. il,
%• 1-
(c) Carus, Tabulœ Anatomiam comparativam illustrantes, pars vi, pi. 5, fig; 5. "
(d) Rallikc, Op. cit., pi. 2, flg-, 3.
(e) Idem, ibid., pi. \ , %. 6.
CHEZ LES REPTILES. ^"29
§ S. — Chez les Crocodiliens , des changements analogues
ont lieu dans la série des arcs vasculaires primitifs, et amènent
un mode de groupement analogue des gros troncs artériels ;
mais il s'opère en même temps un mouvement de torsion plus
complet dans le faisceau de tubes qui naît ainsi du cœur, et il
en résulte que l'orifice de la crosse aortique gauche se trouve,
ainsi que l'orifice de l'artère pulmonaire, dans le ventricule
droit, tandis que l'orifice de la crosse droite se trouve dans le
ventricule gauche. A raison de la division complète de la por-
tion ventriculaire du cœur en deux cavités distinctes, ces deux
moitiés du système aortique deviennent par conséquent tout à
fait isolées l'une de l'autre ; mais si leur individualisation se
prononce davantage sous ce rapport , elle devient moins com-
plète au dehors du cœur. En effet, la cloison qui sépare la
Crosses
aorliqucs
des
Crocodiliens
de l'arc gauche, et, en s'avançant vers
le cœur, prolonge cette branche arté-
rielle jusque dans le ventricule. Il en
résulte que le troisième canal longi-
tudinal basilaire résultant de ces cloi-
sonnements appartient en commun à
la crosse moyenne droite et aux deux
crosses antérieures. Puis la portion
terminale de ces derniers arcs vascu-
laires , située au delà de l'origine
des branches qu'ils fournissent à la
tète, s'atrophie, et ces vaisseaux, qui
étaient primitivement les racines an-
térieures de l'aorte dorsale, cessent
de communiquer avec ce tronc, de-
viennent seulement les artères caro-
tides et se présentent sous la forme de
branches dépendantes de la crosse
aortique du côté droit. Enfin les ana-
stomoses des arcs de la troisième paire
avec le tronc aortique dorsal s'obli-
tèrent et disparaissent également, de
façon que les racines de cetie aorte
ne se trouvent plus composées que de
deux crosses correspondantes aux arcs
vasculaires moyens (a).
Ce mode d'organisation ne se voit
pas chez tous les Reptiles que Cuvier
rangeait dans l'ordre des Ophidiens ,
et sous ce rapport, comme dans beau-
coup d'autres, les Angdis ne diffèrent
pas notablement des Lézards; aussi
est- on assez généralement d'accord
aujourd'hui pour les considérer comme
des Sauriens serpentiformes , et les
désigner sous les noms de Saurophi-
diens ou de Cyclosaures (b). Effec-
tivement , chez le Scheltopusik ou
Psodopus Pallasii , il y a de chaque
côté deux crosses qui sont presque de
même grosseur, qui se réunissent
pour former la racine aortique corres-
(a) Voyez Rathkc , Enliuickelungsgesehichte der Natter ,1339 , p. 100 et suiv., pi. 4, n>. 13
et 14,
(6) Voyez Dume'ril etBibron, Erpétologie, t. V, p. 318,
koO APPAREIL DE LA CIRCULATION
portion basilaire des deux crosses aortiques ne s'étend pas tout
à fait jusqu'à l'embouchure de ces vaisseaux dans les ventri-
cules, et laisse un espace libre appelé foramen Panizzœ,
ou pertuis aortiqae, par lequel, ainsi que je l'ai déjà dit , ils
communiquent entre eux (1).
C'est de la sorte que se trouve réalisée la double disposition
qui maintient, chez les Crocodiliens, le caractère général du
mode de circulation commun à tous les Reptiles, bien que le
pondante. La crosse postérieure est la
crosse aorliquc proprement dite , et
c'est de la convexité de la crosse an-
térieure que naît la carotide (a).
Chez VÀcontias Meleagris et PO-
phisanrus ventralis , l'anse formée
par Parc carolidien s'allonge et de-
vient un peu plus grêle (6).
Chez les Sauriens , il y a des pas-
sages entre les deux formes extrêmes
mentionnées ci-dessus, et, chez quel-
ques-uns de ces Reptiles, l'oblitération
de la branche anaslomotique qui relie
Parc carotidien à la crosse aorliquc ne
paraît s'effectuer que très tardivement.
Ainsi, chez le Caméléon d'Afrique,
comme je l'ai déjà dit , on ne trouve
aucune trace de celte portion dorsale
de la crosse carotidienne (c) ; mais,
chez une autre espèce du même genre
(le Chamœleon planiceps), il existe une
branche anastomotique excessivement
grêle qui unit la portion antérieure
de cet arc vasculaire à la racine de
l'aorte (&.
Chez Vlsliurus.amboinensis et le
Basilicus mitratus , celte branche
anastomotique est très grêle (e) , et
chez le Sauvegarde (Podinema ou
Tejus teguixin) elle s'oblitère par les
progrès de l'âge (/")•
Chez les Psammosaurus griseus (g),
ainsi que chez le Varanus bivitta-
lus (h], le V. niloticus et le V. or-
natus , cette branche anastomotique
manque complètement, de même que
chez les Crocodiliens.
(1) C'est parce que l'on attribuait
généralement la découverte de ce per-
tuis à Panizza, que M. Briicke a donné
au passage interaortique le nom de
cet anatomiste. Mais cette découverte
appartient en réalité à Ilentz (i), et
par conséquent je préférerai appeler
cet orifice anastomotique le pertuis
aortique.
(a) Barkow, Zootomische Deobachtungen, 1851, p. 27, fig. 13.
— Ralhkc, Unters. ûber die Aortenivurzeln, pi. 1, fig. 5 [Acad. de Vienne, 1857, t. XIII).
(6) Rathkc, Op. cit., pi. 2, fig-. 1 et 2.
(c) Délie Çhiajc, Op. cit., t. I, pi. 22, fig. 10.
— Rathk'è, Op. cit., pi. 2, fig. 10.
(d) Idem, ibid., p. 27, pi. 2, fig. 0.
(c) Idem, ibid., pi. 2, fig. 8.
(f) Briicke, Bcitr. xttr vergl. Anal, und Physiol. des Cefâss-Syslcms (Denkschriflcn der Akad.
der Wissensch. xu Wien, 1852, 1. 111, p. 350).
(</) Corii, De systemate vasorum Psammosauri grisei, pi. 1, fig. 1.
(/i) Rallike, Op. cit ; p 30 , pi. 3, fig. 1.
{i} Voyez ci-ilcssus, page 425.
CHEZ LES REPTILES. /loi
cœur de ces Sauriens, au lieu de n'offrir, comme d'ordinaire,
qu'un seul ventricule , soit divisé en deux portions parfaite-
ment distinctes : l'une pour le sang- artériel , l'autre pour le
sang veineux. En effet , chez les Crocodiliens, le sang rouge
venant des poumons ne se mêle pas au sang noir dans l'inté-
rieur du cœur et passe tout entier du ventricule gauche dans
la crosse aortique du côté droit, tandis que le sang veineux,
versé dans le ventricule droit, s'écoule en partie dans l'artère
pulmonaire et en partie dans la crosse aortique du coté gauche.
Mais avant même que la crosse aortique, traversée ainsi par
le courant du sang artériel , ait fourni aucune branche de
distribution, le mélange de ce sang avec le sang noir de l'autre
crosse commence à s'effectuer à l'aide du passage que forme
le pertuis de Panizza, et plus loin ce mélange s'achève lorsque
les deux crosses s'anastomosent dans l'abdomen pour consti-
tuer l'aorte dorsale (1).
(1) Les naturalistes sont partagés
d'opinion relativement au rôle du
pertuis aortique. Hentz pensait qu'à
raison de la disposition des parties
voisines, cet orifice ne devait livrer
passage qu'à très peu de sang, quand
le Crocodile respire librement; mais
que la gène produite dans la circula-
tion pulmonaire, par la suspension de
la respiration, devait déterminer l'é-
coulement d'une portion du sang vei-
neux dans la crosse aortique, par cette
voie, quand l'animal reste sousl'eau(a).
M. Bischoiï a émis une opinion analo-
gue (6) ; mais, ainsi que le fait remar-
quer M. tfriïcke , rien ne nous auto-
rise à admettre que la suspension des
mouvements respiratoires entraîne
l'interruption de lacirculationdans les
vaisseaux du poumon (c), et il est plus
probable que dans tous les cas un
mélange partiel des deux courants se
fait à travers ce pertuis. Il est, du
reste, à noter qu'à raison du voisinage
des valvules dont l'orifice de. chaque
tronc aortique est garni, ce trou de
communication est bouché pendant
que ces soupapes sont relevées, c'est-
à-dire pendant la plus grande partie
de la durée du mouvement de systole
du ventricule. En effet, le pertuis se
trouve placé immédiatement en avant
de la base de la valvule semi-lunaire
inférieure de l'aorte droite et de la
(a) llcntz, Op. cit. (Trans. of Ihe American Philosophical Society of Philadelphia, 1835, New
Séries, vol. II, p. 222).
(b) BiscliolT, Op. cit. (Miiller's Arcliiv fur Anal. Und Physiol., 1836, p. 7).
(c) Brûcke, Op. cit. (Mém. de VAcad.de Vienne, 1852, t. III, p. 350).
Ut.
28
/|32 APPAREIL DE LA CIUCULAÎION
Du reste, le perfectionnement introduit dans la structure du
cœur des Crocodiliens n'en a pas moins une influence considé-
rable sur le mode de distribution du sang artériel chez ces
animaux. Le pertuis aortique , ou for amen Panizzœ, ne peut
livrer passage qu'à une petite quantité de sang veineux, et par
conséquent tous les organes dont les artères naissent de là
crosse aortique droite, avant la jonction de celle-ci avec la
crosse veineuse ou crosse gauche, doivent recevoir un mélange
dans lequel le sang vermeil domine, tandis que ceux dont les
artères naissent du point de jonction des deux crosses, ou plus
loin, en arrière, doivent recevoir du sang veineux mêlé au sang-
artériel en proportion bien plus grande. Or les parties qui se
trouvent dans la première de ces deux conditions sont précisé-
ment celles où l'excitation vitale a besoin d'être la plus puis-
sante; car ce sont le cerveau, les organes des sens, les organes
de préhension, etc., tandis que les parties où l'irrigation se fait
avec du sang moins complètement artérialisé, sont les viscères
abdominaux, le train de derrière et la queue.
Système § 9. — P°ur sen assurer, il suffit de jeter un coup d'œil
arlériedefénéral rapide sur le mode de distribution des principales artères d'un
crocodiles. c|e ceg grancis Repiiles.
valvule semi-lunaire supérieure de l'aorte gauche que dans la direction
l'aorte gauche, de façon qu'il n'est à contraire (a), et, par conséquent, il
découvert que lorsque ces soupapes paraîtrait que ce serait du sang arté-
sont abaissées pour fermer rentrée du riel qui irait se mêler au sang veineux
système artériel. C'est donc pendant plutôt que du sang noir qui se déver-
l'intervalle compris entre l'arrivée de serait dans le courant du sang rouge,
deux ondées successives dans ces Ainsi tout s'accorde à faire penser que
vaisseaux que les abords du pertuis malgré l'existence du pertuis aorti-
aorliquc sont libres, il paraîtrait aussi, que, la portion de sang artériel qui
d'après les observations de Panizza, circule dans les vaisseaux de la têle et
que le passage par ce pertuis a lieu des pattes antérieures ne doit être
plus facilement de l'aorte droite dans mêlée que de fort peu de sang veineux.
(a) Panizza, Sulla structura del cuore e sulla circidaxionedelsangue del Grocodilus (IJibliollieca
italiana, t. LXX, p. 87).
CHEZ LES REPTILES. fiOO
Ainsi que je l'ai déjà dit, les deux troncs aortiques naissent
isolément du cœur; mais, à leur origine, ils adhèrent entre eux
et sont enveloppés dans le péricarde, de façon à former avec le
tronc de l'artère pulmonaire un faisceau en apparence simple.
Ils sont l'un et l'autre très renflés à leur base, et c'est de l'es-
pèce de bulbe ou de sinus ainsi formé par l'aorte du côté droit
(ou aorte artérieuse) que naît le tronc commun des deux artères
carotides. Ce vaisseau est une artère brachio-céphalique. Effec-
tivement, après s'être dégagée du péricarde, elle fournit presque
aussitôt une grosse branche qui porte le sang au membre
antérieur du côté gauche et constitue l'une des artères sous-
clavières. Une autre branche semblable prend naissance un
peu plus loin de la crosse aortique elle-même et va se distri-
buer dans le membre thoracique du côté opposé. Chacune de
ces artères sous-clavières fournit aussi une artère cervicale
qui s'avance directement vers la tête. Enfin, le vaisseau mé-
dian, ou tronc carotidien commun dont je viens de parler, gagne
la base du crâne, et s'y bifurque pour former de chaque côté
du cou une des artères carotides dites primitives , lesquelles
se divisent bientôt en carotides externes , carotides internes et
en quelques autres branches , pour aller se ramifier, d'une
part aux mâchoires, etc., d'autre part au cerveau, aux yeux et à
diverses parties de la face (1). La crosse aortique gauche, qui
(1) La disposition de celte portion par quelques-uns de ses devanciers.
du système artériel des Crocodiliens Les deux grosses artères qui nais-
diffère notablement de ce qui existe sent de la crosse aortique et qui se
chez les autres neptiles, et la déler- dirigent vers la base du cou ont été
mination des artères carotides a donné considérées par Cuvier comme four-
lieu à des divergences d'opinion assez nissant chacune la carotide et la sous-
grandes; mais M. Rathke vient de clavière du côté correspondant ; et s'il
publier sur ce sujet des recherches en était ainsi, il faudrait donner à ces
très complètes qui lèvent toutes les deux vaisseaux les noms de troncs
incertitudes et qui permettent de corn- brachio-céphaliques (a). Mais, ainsi
prendre la cause des erreurs commises que l'ont constaté Meckel et lleniz,
(a) Cuvier, Leçons d'analomie comparée, I" edil., t. IV, p. 280.
k2>tl APPAREIL DE LA CIRCULATION
naît du ventricule veineux , ne fournit aucune branche dans
la région cervicale : arrivée sous la colonne vertébrale, elle
s'anastomose avec la crosse du côté droit; mais avant de s'y
unir, elle fournit une grosse artère viscérale, qui, étant plus forte
que sa portion anastomolique, semble même être la continuation
du tronc primitif, tandis que la branche de jonction semble être
une dépendance de ce dernier. L'artère viscérale ou cœliaque
distribue ses branches à l'estomac, au foie, à la rate, etc.
Enfin, l'aorte dorsale, constituée par la réunion de la crosse
les deux carotides sont fournies par
un tronc commun qui provient de
Tune de ces branches aorliques, et
l'artère qui naît de celle située à droite
n'est pas une carotide comme le sup-
posait Cuvier (a}. Pour éviter toute
confusion, j'appellerai donc ici la pre-
mière grosse branche qui se détache
de la crosse aortique droite, Y artère
brachio - céphalique, et la seconde
(celle qui se trouve à gauche), l'arbre
brachio-cervicale.
Les observations de M. Van der Hœ-
ven tendaient à faire penser que les
deux modes d'organisation décrits
par Cuvier et par Meckel apparte-
naient à des espèces différentes (6) ;
mais les recherches récentes de
M. Rathke établissent que chez tous
les Crocodiliens la disposition nor-
male de ces vaisseaux est la même, et
qu'il y a toujours chez ces Reptiles
trois artères allant de la base du cou
vers la tête, savoir : une carotide
commune au milieu et de chaque côté
du cou , une artère collatérale qui
accompagne le nerf pneumogastrique
et la veine jugulaire correspondante,
et qui va sous la base du crâne s'ana-
stomoser avec une des branches de la
carotide du même côté. Ainsi la pre-
mière grosse branche qui sort de la
crosse aortique, et qui porte le nom
d'artère brachio - céphalique, donne
naissance à la carotide commune im-
paire, à la sous-clavière gauche et à
l'artère collatérale du cou du même
côlé ; tandis que la seconde branche,
ou artère brachio-cervicale, fournit la
collatérale du côlé droit et la sous-
clavière correspondante. Ces deux ar-
tères collatérales du cou n'ont pas
été observées chez d'autres heptiles,
mais paraissent être les représentants
de branches ascendantes qui se ren-
contrent dans la même position chez
certains Oiseaux, ainsi que nous le
verrons dans la prochaine Leçon (c).
Je suis donc porté à croire que la dis-
position mentionnée par Cuvier n'était
pas une anomalie, comme Duvernoy
semblait le supposer {d), mais que ce
(a) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 328.
■ — Hentz, Op. cit. (Trans. of Vie American Philos. Soc, New Séries, 1825, vol. II, p. 221).
(b) Van der Hœvcn, Op. cil. (Tijdschrift voor Natuurlijke Geschiedenis en Physiologie, 183'J,
t. VI, p. 155, fig-.).
(c) Ratlike, Ueber die Carotiden der Krokodile uni der Vogel (Miiller's Archiv fur Anat. une
Phrjsiol., 1850, p. 184), et Untersachung iiber die Aortenwuneln (exlrail des Mém. de l'Acad.
de Vienne, t. XIII, 1853, p. 43, pi. 5, fit?. 8).
(d) Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 205.
CHEZ LES REPTILES. &35
du côté droit et la branche anastomotiqne terminale de la crosse
gauche, continue à se porter en arrière sous la colonne verté-
brale, et, chemin faisant, fournit des artères intercostales, une
artère mésentérique antérieure, des artères rénales, les artères
des membres postérieurs et une artère mésentérique posté-
rieure; enfin, elle prend le nom d'artère caudale, et distribue
sa dernière ramification dans la queue.
On voit donc que le sang distribué aux divers organes n'est
grand analomiste, ayant négligé d'exa-
miner le mode de terminaison des
deux artères dont il avait reconnu la
présence à la base du cou, avait pris la
collatérale droite pour le pendant de
la carotide commune, laquelle aurait
été alors la carotide primitive gauche.
Il est aussi à noter que M. Haihke a
trouvé que chez quelques jeunes Croco-
diliëns l'artère carotide commune, au
lieu de sortir tout d'une pièce du
tronc brachio-céphalique, était formée
par la réunion de deux branches pro-
venant l'une de ce tronc, l'autre de
l'artère brachio-cervicale , de façon
que la symétrie était presque com-
plète dans celte portion du système
circulatoire. J'ajouterai que le tronc
carotidien commun (ou médian), quel
qu'en soit le mode d'origine , reste
simple et impair jusque dans le
voisinage du crâne, où il se bifurque
pour constituer les deux carotides
dites primitives, qui sont très cour-
tes (a), et qui, après avoir fourni
chacune une artère sous-maxillaire
dans laquelle l'artère collatérale corres-
pondante vient se terminer (6) , don-
nent naissance aux artères faciales ou
carotides externes, et encéphaliques,
ou carotides internes, ainsi qu'à quel-
ques autres branches dont le mode de
distribution a été étudié par M. Hyrll
et par M. Rathke.
Enfin , M. Ilyrtl a remarqué aussi
que la plupart de ces vaisseaux for-
ment souvent sur leur trajet des ré-
seaux anastomotiques plus ou moins
développés. Ainsi , une des branches
de la maxillaire externe , qui se rend
au repli interne de l'oreille externe, y
constitue un rete mirabile très bien
caractérisé. L'artère maxillaire interne
forme également un réseau semblable,
qui accompagne le nerf dentaire, et il
y a aussi des divisions anastomotiques
fréquentes, et même un véritable rete
mirabile dans les fosses nasales, sur le
trajet des branches terminales de la
carotide interne (c).
Duvernoy a donné aussi quelques
détails relatifs aux artères du tronc et
des membres du Caïman à lunettes,
tirés d'un dessin inédit de Cuvier (â).
(a) Ralhke, Ueber die Aorteniviirzeln , pi. 5, fig. \ et 3.
(b) Idem, ibid., pi. 5, flg. i.
(c) Hyrll , Ueber einige Wundemetze bei Amphibien (Medicimsche Jahrbilcher, 1842, nouvelle
série, t. XXIX, p. 258).
(d) Anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 205.
436 APPAREIL DE LA CIRCULATION
pas de même qualité partout : celui qui arrive à la tête et aux
membres antérieurs doit être du sang artériel mélangé de très
peu de sang veineux ; celui qui se rend par l'aorte dorsale aux
membres postérieurs et à la queue doit être plus chargé de sang
noir, puisque de nouvelles quantités de ce liquide ont pu arriver
dans cette portion du système artériel par la branche anasto-
rnotique terminale de la crosse gauche; enfin le sang qui cir-
cule dans les vaisseaux du foie, de la rate et de l'estomac doit
être principalement du sang veineux, car la majeure partie du
courant vient du ventricule droit, et du sang vermeil n'a pu y
arriver que par le pertuis aortique et par la branche anastomo-
tique qui représente la portion terminale de la crosse gauche
ou la racine aortique du même côté : or ces voies de commu-
nication sont étroites et semblent être disposées de façon à
livrer passage au sang veineux dans la portion du système aor-
tique où se trouve le sang rouge plutôt qu'à se laisser traverser
en sens contraire.
système artériel § 10. — On rencontre, même chez les différentes espèces
ordinaire^ de Crocodiles, quelques variations clans le mode de groupement
et de distribution de quelques-unes de ces artères. Cependant
la disposition du système artériel est aussi à peu près la même
chez tous les Sauriens, où le cœur ne possède qu'un seul ventri-
cule. Les modifications qui s'y remarquent dépendent principa-
lement de divers degrés de rapprochement entre la portion
basilaire des artères carotides et sous-clavières.
Ainsi, chez les Lézards, les Iguanes, les Geckos et la plupart
des autres Sauriens ordinaires, les deux artères carotides pri-
mitives sont distinctes dès leur origine ou tout au moins dès
leur sortie du péricarde, et les artères sous-clavières naissent
l'une et l'autre de la portion postérieure de la crosse aortique
droite, très loin des vaisseaux précédents (1).
(1) L'ensemble du système artériel M. Blanchard , chez le Gecko et le
«1 été représenté chez le Stellion par Caméléon par M. Délie Chiaje, et chez
CHEZ LES REPTILES. /|37
Chez les Varaniens, au contraire, les deux carotides primi-
tives sont confondues à la base du cou en un tronc impair, ou
carotide commune, et les deux artères sous-clavières provien-
nent aussi d'un vaisseau impair, mais celui-ci naît encore de la
portion récurrente de la crosse aortique droite, très loin du
précédent (1).
l'Iguane par MM. Carus et V. Otto [a).
M. Tiedemann a dit quelques mots
de ces vaisseaux chez le Dragon (b).
Enfin, M. Hyrtl a décrit les crosses
aortiques du Lézard (c), et M. Rathke
a étudié avec beaucoup de soin les
artères 'de la tête et du cou chez
l'Iguane et plusieurs autres Sauriens
du même groupe. Pour plus de détails
à ce sujet, je renverrai au mémoire de
cet anatomiste (cl).
(1) Ainsi , chez le Psammosaurus
griseus, dont le système artériel a
été étudié avec beaucoup de soin
par M. Corti , le faisceau artériel qui
sort du cœur (ou conus arteriosus)
se compose, comme je l'ai déjà dit, de
l'artère pulmonaire , et de la por-
tion basilaire des deux crosses aorti-
ques^). Le tronc aortique du côté droit
fournit au cœur les petites branches
appelées artères coronaires anté-
rieures ou droites , et artères coro-
naires postérieures ou gauches, puis
bientôt après donne naissance à un
gros tronc carotidien commun, qui se
porte en avant, et ne se bifurque,
pour constituer les artères carotides
primitives droite et gauche, qu'au ni-
veau de la division de la trachée en
bronches. Beaucoup plus loin la même
crosse aortique fournit un autre tronc
impair qui se porte également en
avant pour former, en se bifurquant,
ies deux artères sous-clavières.
L'artère carotide commune (ou mé-
diane) donne naissance : 1° à une
brandie dite artère mammaire in-
terne, d'après la nomenclature em-
ployée en angiologie humaine , qui,
après avoir envoyé un ramuscule au
péricarde , se recourbe en arrière et
en bas, et se bifurque pour longer la
paroi inférieure de la cavité viscérale
et aller s'anastomoser avec les artères
épigastriques, dont il sera question
plus loin ; 2° à des petites artères
bronchiques.
Chacune des artères carotides ré-
sultant de la bifurcation de ce tronc
commun impair fournit en dessous
une branche à la trachée, et en dessus
une branche aux muscles du cou ;
puis donne naissance à une artère
pharyngienne qui à son tour se divise
pour fournir un rameau hyoïdien
(a) Blanchard, Organisation du Hègne animal, Reptiles, pi. 19.
— Délie Chiaje, Dissertazionï sull' anatomia umana, comparata epatologica, t. I, pi. 22, et
pi. 21.
— Carus et V. Otto, Tab. Ànat. compar. illustr., pars vr, pi. 5, fig. 5.
(6) Tiedemann, Anatomie uni Naturgeschichte des Drachens, p. 24 (1811).
(c) Hyrtl , Beobachtungen ans dem Gebiete der vergleichenden Gefàsslehre {Medicinische
Jahrbiicher des Oestevreichischen Staates, 1838, t. XXIV, p. 381. pi. 3, fig. 2).
(d) Rathke, Untersuch. ilber die Aortenwurzeln, p. 15 et suiv., pi. 3.
(e) Voyez Corti, De systemate vasorum Psammosauri grisei, p. 19 et suivantes, pi. 1 , fig. 1 .
&38 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Enfin, chez les Crocodiliens, ainsi que je l'ai déjà dit, les
carotides et les sous-clavières se rapprochent à leur base, et
c'est par l'intermédiaire d'une paire de branches aortiques seu-
et une artère maxillaire externe. Ces
carotides donnent également naissance
a une artère cervicale, dont une des
branches pénètre dans le canal verté-
bral pour concourir à la formation de
l'artère myélique dont il sera bientôt
question- Enfin* elles se divisent cha-
cune en une artère carotide externe et
une carotide interne (a).
La carotide interne pénètre dans le
crâne et s'y divise en plusieurs bran-
ches dont une côtoie le nerf optique et
s'anastomose avec l'artère ophthalmi-
que. Quelques autres branches se dis-
tribuent aux diverses parties de l'en-
céphale (b), et une, postérieure, se
réunit à sa congénère, et forme une
arcade cérébrale postérieure (ou arcus
Willisii), qui à son tour donne nais-
sance à une artère récurrente impaire
à laquelle M. Corli donne le nom
û'arteria myelica (c). Cette dernière
longe la face inférieure de la moelle
épinière , et reçoit de nombreuses
branches anastomoliques venant des
artères carotides et des artères verté-
brales (d).
L'artère carotide externe fournit à
la face plusieurs branches dont les
principales sont : une artère maxil-
laire interne, qui envoie des ramus-
cules à l'oreille, aux muscles tempo-
raux et aux parois de la bouche; fournit
une artère alvéolaire inférieure,dcsli-
née principalement à la mâchoire infé-
rieure, et une artère buccale inférieure
qui se ramifie dans la paroi inférieure
de la bouche ; des artères sns-orbi-
tairesou frontales, uneartère ophthal-
mique et une alvéolaire supérieure.'-
Les artères sous-clavières résultant
de la bifurcation du tronc impair déjà
mentionnée vont aux membres anté-
rieurs, et donnent préalablement nais-
sance à plusieurs branches spinales et
à l'artère vertébrale, qui s'avance de
chaque côté de la colonne vertébrale et
fournit des ramuscules aux muscles
profonds du cou, ainsi que des bran-
ches anastomoliques allant déboucher
dans l'artère myélique. L'artère sous-
clavière gagne ensuite la région de
l'aisselle où elle prend le nom d'artère
axillaire* et donne naissance à une
artère thoracique externe (ou mam-
maire externe ). Parvenues dans les
pattes antérieures, les artères axillaires
changent encore de nom et deviennent
les artères brachiales. Enfin, cette
même artère se bifurque dans l'avant-
bras, et y constitue les artères cubitale
et radiale, dont les branches termi-
nales sont les artères digitales (e).
La crosse aorlique gauche est grêle
et se recourbe au-dessus des voies
aériennes et digestives, puis se porte
en arrière pour constituer une des
racines de l'aorte dorsale sans avoir
donné naissance à aucune branche ;
mais, quand elle est arrivée très près
(a) Corli, De systemate vasorum Psammosauri grisei, pi. 2, fig. 4, et pi. 3, fig. G.
(b) Idem, ibid.,p\. 3, fig. 6.
(c)Idem, i&ùi.,pl. 3,fig. 7.
(d) Idem, ibid., pi. 2, fig. 5.
{e) Idem, ibid., pi. 1, fig. 1 ; pi. 4, fig. 8 et 9.
CHEZ LES REPTILES. 439
lement que le sang se rend du cœur à toute la portion brachio-
céphalique du corps.
On remarque aussi quelques variations dans le point d'origine
de son point de jonction avec la crosse
aortique principale , elle fournit un
tronc qui, à raison de son volume,
semble même en être la continuation,
circonstance qui a valu souvent à cette
crosse le nom d'aorte viscérale. En
effet, l'artère qui en naît ainsi est une
artère viscérale ou raésentérique com-
mune, dont lesramaeuxse distribuent,
d'une part à l'œsophage, d'autre part
aux intestins (a).
V aorte dorsale, formée par la con-
tinuation de la crosse droite , ainsi
renforcée par son anastomose avec
l'extrémité de la crosse gauche, mar-
che d'avant en arrière sous la colonne
vertébrale, et fournit bientôt une ar-
tère cœliaque dont une des branches
se recourbe en avant pour se ramifier
dans les parois de l'estomac, et con-
stitue Yartère gastrique antérieure
ou coronaire de l'estomac, et une
autre Yartère hépatique. Des artères
intercostales , des artères spermati-
ques et des artères rénales naissent
aussi de l'aorte pendant son trajet
dans la portion moyenne de la cavité
abdominale, et vers le niveau du
bassin il part aussi de ce tronc médian
deux paires d'artères qui sont desti-
nées principalement aux membres
postérieurs (6). Celles de la paire
antérieure, appelées artères iliaques
internes, on artères hypogastriques,
fournissent de chaque côté une bran-
che qui se distribue dans les parois
de l'abdomen et va s'anastomoser en
avant avec l'artère thoracique interne
(ou mammaire interne) dont il a déjà
été question. Elles envoient aussi beau-
coup de rameaux aux muscles du bas-
sin, et vont se terminer à la partie
interne des cuisses (c).
La paire suivante constitue les ar-
tères iliaques externes, et, aprèsavoir
pénétré dans la cuisse, prennent les
noms d'artères fémorales ou artères
crurales. Enfin elles se divisent en
branches , appelées artères tibiales
antérieures et artères tibiales posté-
rieures {(1).
On désigne quelquefois sous le nom
d'artère sacrée la portion du tronc
aortique qui est située au delà du
point d'origine des artères iliaques
externes. Elle fournit ici des branches
appelées spermatiques externes , qui
vont principalement aux organes gé-
nitaux. Enfin, la portion terminale de
l'aorte prend le nom d'artère caudale,
et fournit des branches latérales à
mesure qu'elle s'avance vers l'extré-
mité de la queue.
La disposition des artères est la
même cbez les Varans proprement
dits (e).
(a) Corti, Op. cit., pi. 1, fig. 1 et 3.
(6) Idem, ibid., pi. \, fig\ 1.
(c)Idem, ibid., pi. 4, fig. 8.
(d) Idem, ibid., pi. 6, fig. dl-14.
(e) Ralhke, Unters. iiber die Aortenwurzeln, p. 30 et suiv., pi. 3, fig. 1-5 (Acad. de Vienne,
t. XIII).
l\JiO APPAREIL DE LA CIRCULATION
et dans le mode de division des artères qui, chez les Sauriens,
se distribuent aux viscères et aux autres parties de la région
postérieure du corps; mais ces particularités de structure n'ont
pas assez d'importance pour que nous nous y arrêtions ici.
système artériel §11 — Chez les Ophidiens, le système irrigatoire présente la
ophidiens, même conformation générale que chez les Sauriens, mais se sim-
plifie un peu à raison de l'absence de membres, et la tête étant
très petite, les artères carotides deviennent fort grêles et même
le plus souvent l'une d'elles disparaît plus ou moins complè-
tement. Il est aussi à noter que les artères vertébrales se
trouvent représentées aussi par un tronc médian qui dépend
de la crosse aortique du côté droit, et qui ressemble beaucoup
à l'aorte antérieure que l'on voit naître du point de jonction
des racines aortiques , chez les Poissons du genre Myxine.
Les artères intercostales naissent avec une grande régularité,
d'abord de cette artère vertébrale, puis de la portion récurrente
de la crosse aortique droite, et plus en arrière de l'aorte dor-
sale qui y fait suite. Enfin les artères de l'estomac , du foie et
des intestins ne proviennent pas d'un tronc principal, analogue
à l'artère cœliaque de la plupart des Reptiles, mais se détachent
successivement de l'aorte dorsale (1).
(lj Le système artériel a été étudié la tête [a). Chez la Couleuvre, il n'y a,
avec beaucoup de soin chez la Cou- depuis le cœur jusqu'à la tête, qu'un
leuvre à collier, par M. Schlemm (de seul tronc carotidien, que Cuvier ap-
Berlin), et chez le Python, par M. Jac- pelle une carotide commune, et que
quart. Ce dernier a trouvé deux petites M. Schlemm désigne sous le nom
artères carotides qui naissent de la d'artère céphalique. Parvenu sous le
crosse aortique droite par un tronc crâne, cette carotide se ramifie, comme
commun ; mais il a reconnu que le d'ordinaire, du côté gauche, et donne
degré de développement de l'un de naissance à une branche occipitale
ces vaisseaux est très variable, suivant qui tient lieu de carotide droite, passe
les individus, et que parfois la caro- à travers la nuque, gagne le côté du
lide droite ne se prolonge pas jusqu'à pharynx et se ramifie comme le ferait
(a) Jacquart, Mém. sur les organes de la circulation du Serpent Python (Ann. des sciences nat.,
4e série, t. IV, p. 339, pi. 9, fur. 1 et 3).
CHEZ LES REPTILES. kM
S 12. — Chez les Chéloniens , la svmétrie originelle du système artériel
système artériel est, au contraire, mieux conservée, même que châonïem.
chez la plupart des Sauriens, et sauf le point de départ des gros
troncs là où ils adhèrent entre eux pour former un faisceau
précardiaque, ceux-ci sont disposés à peu près identiquement à
droite et à gauche de la base du cou. Ainsi chez la Tortue
bourbeuse, par exemple, un tronc commun qui est situé pres-
que sur la ligne médiane, et qui naît de la crosse droite de
l'aorte très près du cœur, se porte en avant, et se divise bientôt
en une paire d'artères carotides et une paire d'artères sous-
clavières. Les premières sont très grêles et longent la trachée
latéralement ; les dernières sont fort grosses et se recourbent
en dehors, en forme d'arcs, pour gagner les membres anté-
une carotide ordinaire (a). L'ensemble paraît, tandis que la portion céplialique
du système artériel de la Couleuvre à persiste et reçoit le sang par une ana-
collier a été représenté d'une manière slomose qui s'établit entre une de ses
plus complète par M. Délie Chiaje (6). branches et celle du côté opposé : par
M. Rathke vient de publier de nou- exemple, chez le Vipera berus, le
velles observations sur la disposition V. prester, le Scythale coronatum ,
des carotides chez les Serpents. Il a VOligodon subtorquatum , VHilicops
trouvé que, dans le jeune âge, les deux angulatus, le Spilotes variabilis,
troncs sont disposés symétriquement, VElops micinctus, le Leptophis lio-
et que cette disposilion est permanente cercus , YHerpedodryas Bernieri et
dans un grand nombre d'espèces, telles YHomalosoma lutrix (c).
que la Couleuvre à collier (ou Tropido- Il est aussi à noter que chez quel-
notus natrix), VEunectes murinus , ques Serpents l'artère maxillaire in-
Python tigris, P.javanicus, P. hiero- terne forme un rete mirabile derrière
glyphicus, Boa constrictor, Hydrophis la glande venimeuse ; disposition que
gracilis, H. striatus, H. schistosus, M. Hyrtl a constatée chez le Vipera
Typhlops reticulatus, Echidna arie- Bedi et le V, Chersea. Cet anatomiste
tans, Crotalus Iwrridus, etc.; mais que n'a trouvé rien d'analogue chez le
chez d'autres toute la portion cervicale Coluber JEsculapii, le C. austriacus
de l'une de ces artères se flétrit et dis- et le C. natrix {d).
(a) Schlemm, Anatomische Beschreibung des Blutgefass-systems deï Schlangen (Zeitschr. fur
Physiologie von Treviranus, t. II, pi. 7, fig. 4 et 5).
(6) Délie Chiaje, Dissertaz-ioni sull' anatomia uinana, comparata e palologica, t. I, pi. 20.
(c) Rathke , Bemerkungen ûbev die Carotiden der Schlangen (Mém. de l'Acad. de Vienne,
1856).
(d) Hyrtl, Ueber einige Wundernetze bel Amphibien (Medirinische Jahrbûeher des Oesterrei-
chischen Staates, 1842, nouvelle série, t. XXIX, p. 260).
hk*2 APPAREIL DE LA CIRCULATION
rieurs. 11 est aussi à noter que chez ces Animaux les petits
troncs anastomotiques qui, dans l'état embryonnaire, unissent
la portion basilaire des artères pulmonaires aux crosses aor-
tiques, sont plus ou moins persistants. Eniin, je ferai remar-
quer encore que dans toute sa portion antérieure la crosse
aortique du côté gauche est presque aussi grosse que sa con-
génère, et qu'elle ne devient grêle qu'après avoir donné nais-
sance aux artères cœliaques et mésentériques, et à quelques
autres troncs qui partent de sa portion terminale (1).
Système veineux §13. — Le système veineux général des "Reptiles ressemble
Rejmeg. beaucoup à celui des Batraciens. Il aboutit tout entier ou en
majeure partie à un sinus à parois contractiles, qui débouche
dans l'oreillette droite du cœur par un orifice dont les bords
sont garnis de valvules ; mais il n'y a guère que le sang de la
tête et des parties antérieures du corps qui revient ainsi direc-
tement du système capillaire général au centre de l'appareil
circulatoire, et celui des parties postérieures du corps et des
viscères abdominaux traverse des systèmes capillaires intermé-
diaires appartenant l'un au foie, l'autre aux reins (2).
(I) Pour plus de détails sur le mode gros troncs artériels chez le T. ra-
de distribution des artères de la Tor- diata (c).
tue bourbeuse, je renverrai ù la belle MM. Carus et V. Otto ont représenté
Monographie de Bojanus, où toutes ces mêmes troncs chez le Chelonia
les branches, aussi bien que les troncs Midas , où un tronc brachio-cépha-
principaux, ont été figurées avec le lique commun, ou aorte antérieure,
plus grand soin (a). naît de la crosse aortique droite et
L'ensemble du système artériel a été fournit les deux artères sous-clavières
très bien représenté par M. Délie ainsi que les deux carotides primi-
Chiaje, chez le T. grœca (b). tives [d).
Duvernoy a figuré la disposition des (2) La découverte du système porte
(a) Bojanus, Analome Testudinis europœœ, pi. 20, fig. 8-2; pi. 24, fîg. 118; pi. 28, fig\ 139;
pi. 29,fig. 160, 161, 162, etc.
(b) Délie Clnaje, Dissertazioni mil' anatomîa umana, comparata e patologica, t. I, pi. 23.
(c) Duvernoy, Atlas des Reptiles du Règne animal de Cuvier, pi. 2, ûg. 1.
(d) Caïus et V.Olto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 5, fig-. 4.
CHEZ LES REPTILES. kk-O
Pour donner en peu de mots une idée générale de cet en- veines
des
semble de vaisseaux, je choisirai d'abord les Serpents, parce ophidiens.
qu'à raison de l'absence de membres chez ces Animaux, la
disposition en est plus simple que chez les autres Reptiles, et
aussi parce que la structure en a été très bien étudiée par
M. Délie Chiaje et par M. Jacquart.
Chez le Python, le sang de la tête et de la partie antérieure
du corps est conduit au cœur par une paire de veines jugu-
laires et par une grosse veine vertébrale. La veine jugulaire
gauche, après avoir pénétré dans le péricarde, se recourbe à
droite et va déboucher isolement dans l'oreillette. L'autre veine
jugulaire reçoit à son extrémité postérieure la veine vertébrale
et la veine azygosi;!), puis s'unit à la veine cave postérieure, et
constitue ainsi le sinus qui débouche dans l'oreillette droite.
Les veines caudales, en arrivant dans l'abdomen, forment
deux troncs qui, après avoir reçu diverses branches venant de
l'intestin ou des organes voisins, et avoir formé des anastomoses
avec le système de la veine porte hépatique, se rendent aux
reins et s'y ramifient.
Une veine rénale efférente naît de chacune de ces glandes et
se dirige en avant. Ces deux vaisseaux se réunissent bientôt en
un tronc unique qui constitue la grande veine cave postérieure.
Les veines de l'intestin et de l'ovaire, dont diverses branches
rénal des Reptiles est due à Jacob- cis que par les travaux plus récents
son (a). Nicolaï en a fait également de MM. Délie Chiaje et Jacquart (<j).
l'objet de ses recherches (6), mais le (l) M. Jacquart désigne le premier
mode de constitution de ce système et de ces vaisseaux sous le nom de veine
ses rapports avec les autres parties de azygos antérieure.
l'appareil veineux n'ont été bien éclair-
ai) Nicolaï, Utilersucli. ûber den Verlauf uud die Yerlheilung der Vernit, (Isis, 18:20, 1.1,
p. 408).
(b) Délie Chiaje, Monographia sulï systema saaguigno degh animait Reltili (Dissertaiioni mil'
tinatomia umana, comparata e patologicd , t. I, p. 10 et suiv.).
if) Jacipiart, Mém. sur les organes de la circulation chez le Serpent Pgthon (Aiin. des sciences
Hat., 1855, 4e série, t. IV, p. 345 cl suiv.).
litllX APPAREIL DE LA C1KCTLAT10N
se sont anastomosées avee les branches de la veine porte rénale,
se réunissent peu à peu en une grosse veine porte hépatique
qui pénètre dans le foie et s'y ramifie. Enfin les veines hépa-
tiques efférentes qui naissent du réseau capillaire ainsi formé
se déversent directement dans la veine cave postérieure, sans
se réunir en un ou plusieurs gros troncs, et cette veine cave,
comme je l'ai déjà dit, se termine dans l'oreillette droite du
cœur, après s'être confondue avec la jugulaire correspon-
dante (1).
veines Chez les Sauriens, la disposition du système veineux se eom-
sauriens. plique davantage par suite de l'existence des membres; mais
le système porte rénal perd de son importance , car une
grande partie du sang qui revient de la région postérieure du
corps n'y entre pas, et se rend directement dans le système
(1)^ M. Délie Chiaje a trouvé que sultats des observations plus récentes
chez la Couleuvre le réseau veineux de M. Jacquart (c).
sous-culané et les veines intercostales M. Gratiolet a remarqué aussi que
se déversent en grande partie dans quelques branches veineuses forment
une veine abdominale qui longe en un réseau intermédiaire, ou système
dessous les parois de la cavité viscé- portai, dans les capsules surrénales (d).
raie, et va s'anastomoser près du 11 est aussi à noter que M. Briicke a
cloaque avec les veines afférentes ré- trouvé dans l'intérieur de la veine
nales. Il signale aussi l'existence d'une porte hépatique, chez la Couleuvre,
dilatation du tronc de la veine porte une disposition très singulière : ce
hépatique, qui est contourné en spi- vaisseau, contourné en spirale, comme
raie près du foie (a). La figure qu'il je l'ai déjà dit, est garni d'une sorte de
donne des veines rénales efférentes, bourrelet qui fait saillie dans son inté-
de la veine cave postérieure et des rieur et qui décrit aussi une hélice,
branches que celle-ci reçoit du sys- M. Briicke considère ce mode d'orga-
tème de la veine porte hépatique (6) nisation comme étant destiné àégaliser
s'accorde aussi très bien avec les ré- le courant sanguin (e).
(a) Délie Chiaje, Op. cit., {Dissert. suit' anatomia umana, comparata e patol., 1. 1, pi. 7, fig. I).
(b) Idem, ibid., pi. 13, fig. 1.
(c) Jacquart, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1855, V série, t. IV, p. 345 et suiv., pi. 9, fig. i
et 2 ;pl. 11, fig. 12).
(d) Gratiolet, Note sur le système veineux des Reptiles {Journal de l'Institut, 1853, t. XXI,
p. 60).
(e) Briicke, Beitr. zur vergl. Anal, und Physiul. des Gefàss-Syxtems {Mém. de l'Acad. de
Vienne, 1852, t. III, p. 364, pi. 24).
CHEZ LES REPTILES. Û/l5
de la veine porte hépatique , par l'intermédiaire d'une veine
sous-cutanée située dans la paroi intérieure de l'abdomen. Les
relations de cette veine sont à peu près les mêmes que chez
la Grenouille (1). Enfin une portion du sang de la queue et, des
pattes postérieures parait pouvoir retourner au cœur sans tra-
verser ni les reins ni le foie, mais en passant par une double
série de petites branches anastomotiques (2) qui lient entre elles
les veines intercostales, et qui débouchent dans les veines
caves, près du cœur (3).
(1) Voyez ci-dessus, page Ziul.
2) Ce sont les représentants des
veines cardinales, ou azygos, dans
cette portion du corps.
(3) M. Délie Chiaje a trouvé que chez
le Lézard les veines des pattes posté-
rieures, en s'approchanl du bassin ,
se divisent chacune en trois branches:
une interne et postérieure, qui consti-
tue le tronc principal de la veine rénale
afférente ; une seconde, antérieure et
inférieure , qui va s'unir à sa congé-
nère pour former la veine sous-abdo-
minale; et une troisième, moyenne et
supérieure, qui est très grêle et qui va
s'anastomoser avec les veines verté-
brales. La veine médiane sous- abdo-
minale, ainsi constituée, longe la paroi
inférieure du ventre, et y reçoit ,
chemin faisant, les veinules sous-
cutanées; enfin, parvenue dans le
voisinage du foie, elle reçoit aussi une
grosse veine thoiacique récurrente, et
va ensuite déboucher dans la veine
porte , laquelle est formée par la
grande veine intestinale et ses af-
fluents. Les veines rénales efférentes
se réunissent, comme d'ordinaire,
pour constituer la veine cave posté-
rieure [a). Celle-ci, en passant le long
du foie, reçoit les diverses branches
veineuses qui sortent du foie, et va
s'unir à la veine jugulaire droite, qui
reçoit près de son embouchure la
veine sous - clavière gauche , et se
termine dans l'oreillette droite, à côté
de sa congénère (6).
M. Délie Chiaje a représenté le
système veineux du Caméléon à peu
près de la même manière (c).
Suivant Nicolaï, la disposition du
système porte rénal serait un peu
différente chez le Crocodile. La veine
caudale médiane, arrivée dans l'abdo-
men, se partage en deux troncs qui,
après s'être réunis aux veines ischia-
tiques et crurales de chaque côté ,
s'avancent jusqu'aux reins, et là se
divisent chacun en deux branches
principales. L'une de celles-ci consti-
tue le système afférent rénal; l'autre,
plus grosse que la précédente, conti-
nue sa route vers le foie et s'y divise.
Les veines rénales efférentes sortent,
comme d'ordinaire, de la face interne
des reins et se réunissent pour consti-
(n) Délie Chiaje, Op. cit., pi. 8, fig. 1.
(6) Idem, ibld., pi. 14, fig. 1.
U') Idem, ibid., pi. 9.
Veines
des
Chéloniens.
ft/|6 APPAREIL DE LA. CIRCULATION
Chez les Tortues, le système veineux de Jacobson se réduit
davantage encore; la presque totalité du sang qui revient de la
queue et des membres postérieurs trouve des voies faciles pour
aller vers le cœur sans traverser la substance des reins, et les
veines qui sortent de ces glandes pour constituer en quelque
sorte les racines de la veine cave postérieure, sont grêles et peu
nombreuses: aussi ce dernier vaisseau n'offre-t-il qu'un petit
calibre jusqu'à ce qu'il ait passé sous le foie et reçu de cet organe
les veines efférentes du système de la veine porte hépatique. 11
serait trop long de décrire ici le trajet et les anastomoses très
compliquées de tous ces vaisseaux, et je me bornerai à ajouter
que les veines vertébrales prennent ici un grand développe-
ment aussi par les veines abdominales (1).
tuer la veine cave postérieure. Enfui
celle-ci se joint à la veine cave anté-
rieure au-dessus du cœur (a).
(1) Le système veineux de la Tortue
bourbeuse a été étudié avec le plus
grand soin par Bojanus, et parfaite-
ment représenté dans les belles plan-
ches qui constituent la partie essen-
tielle de l'ouvrage de cet anatomiste.
Chez ce Reptile, le système des veines
portes prend un très grand dévelop -
pement et reçoit la majeure partie du
sang qui revient de la queue et des
membres postérieurs, aussi bien que
des intestins. En effet, ce système est
formé principalement par une paire
de grosses veines abdominales (ou
veines ombilicales, Bojanus) qui lon-
gent le plastron stcrnal et vont
former dans la substance du foie une
grande arcade anastomotique, laquelle
reçoit aussi les veines mésentériques
ou veines portes ordinaires , et donne
naissance aux rameaux destinés à dis-
tribuer le sang veineux dans la pro-
fondeur de cette glande (b).
Chacune de ces veines abdominales
tire principalement son origine de
trois troncs situés à la partie posté-
rieure du bassin, savoir : 1° la veine
fémorale, qui arrive de la cuisse (c) ;
2° la veine caudale et ses affluents (d) ;
et 3° la veine hypogastrique (e), qui
revient des organes génitaux externes,
remonte vers la région lombaire et y
reçoit quelques grosses branches four-
fa) Nlcolaï, Untemichungen ùber den Verlaufund die Vei'theilunrj der Venen bei êtnigen Vàrjeln,
Amphibien und Fischen (Isis, 182G, 1. 1, p. 408).
(h) Ces veines abdominales ou ombilicales sont dé.-lgnccs ; ar la letlrc X dons les planches do
Bojanus et se voient dans les figures 124 et 128.
(c) Bojanus, Anatome Testudinis europeece, fig\ 124, t.
(d) Idem, ibid., iig. 124, s.
(e) Idem, ibid., iig. 124 , q, p, s.
CHEZ LES REPTILES. kkl
Le sang veineux de toutes les parties du corps se réunit ici
dans un grand sinus commun formé par la jonction de la veine
cave postérieure et des deux veines caves antérieures résul-
tant de la réunion des carotides et des sous-clavières de chaque
coté du cœur. Ce réservoir, comme nous l'avons déjà vu, dé-
nies par le système des veines verté-
brales ou veines azygos (a).
Une de ces branches anastomoti-
ques, qui réunit ainsi la veine hypo-
gaslriquc aux veines vertébrales, est
le point d'origine du système des
veines afférentes rénales , ou veines
portes de Jacobson. Effectivement ,
en passant près des reins, elles four-
nissent plusieurs branches qui se
ramifient dans la substance, de ces
glandes et qui donnent naissance aux
veines rénales efférentes (6). Ces der-
nières se réunissent à des veines pro-
venant des ovaires ou des testicules,
et constituent sur la ligne médiane un
tronc impair qui n'est autre chose
que la veine cave postérieure (Bojanns
l'appelle veine spermatique), et qui
s'avance obliquement vers le foie (c),
traverse cet organe et va déboucher
dans le grand sinus veineux cardia-
que. Chemin faisant , elle reçoit les
veines hépatiques ou vaisseaux efi'é-
rents du système de la veine porte
hépatique (d).
Le sang de la tète et du cou revient
vers le cœur en partie par les veines
jugulaires, mais principalement par
les veines vertébrales antérieures ou
cervicales , qui débouchent dans les
veines axillaires et qui reçoivent aussi
des branches anaslomotiques de la
portion dorsale du système des veines
vertébrales que nous avons déjà vues se
déverser en partie dans les veines
hypogastriques, à l'extrémité posté-
rieure de l'abdomen.
Enfin, les veines caves antérieures,
résultant de la jonction des veines
jugulaires et sous-clavières (ou axil-
laires) de cliaque côté, débouchent,
de même que la veine cave posté-
rieure, dans un grand sinus veineux
situé au-dessus du cœur et s'ouvrnnt
dans l'oreillette droite.
J'ajouterai que les veines intercos-
tales se rendent dans les veines ver-
tébrales ou azygos, et s'anastomosent
aussi non-seulement entre elles, mais
aussi avec le tronc des grosses veines
abdominales (ou veines ombilicales),
de façon que, suivant les circonstan-
ces, le sang qu'elles transportent peut
arriver au cœur, soit par les veines
caves antérieures, soit par le système
de la veine porte hépatique, soit enfin
par le système de la veine porte rénale
et la veine cave postérieure (e); mais la
voie la plus large et la plus fréquentée
paraît être celle formée par les troncs
hypogastriques, et les veines abdomi-
nales qui font suite à ces vaisseaux et
qui vont se distribuer dans le foie.
(a) Bojanus, Op. cit., fig. 124, l.
(b) Idem, ibid., fig. 424 , o.
(c) Idem, ibid., fig. 12 4, s ; fig. 128, :
(d) Idem, ibid., fig. 128, fig. 178, etc.
(e) Idem, ibid., fig. 124 et 127.
III.
IÎ-. 150,^; fis, 161,*, etc.
29
ll'lS APPAREIL DK LA ClBCULAÏION
bouche à son tour dans l'oreillette droite, et par conséquent,
pour achever l'élude du cercle irrigatoire de ces Animaux, il
ne nous reste plus qu'à examiner les vaisseaux de la petite cir-
culation, c'est-à-dire l'artère et la veine pulmonaires.
vaisseaux §lk. — L'artère pulmonaire, qui, chez les Batraciens, est
de la petite " ' 7 17 t
circulation. une simple branche de l'aorte, s'isole chez les Reptiles, et naît,
comme nous l'avons déjà vu, par un orifice distinct placé dans
la portion veineuse du ventricule unique, ou dans le ventricule
droit, quand il existe deux ventricules distincts. Elle adhère
d'abord aux crosses aortiques, et contribue à former ainsi le
faisceau vasculaire auquel on donne les noms de conus arterio -
sus (1) : mais bientôt elle s'en dégage, remonte un peu à gauche,
et se divise en deux troncs, dont l'un se porte directement en
dehors et à gauche, puis se recourbe plus ou moins en arrière
pour gagner le poumon correspondant, tandis que l'autre se
dirige en sens opposé, passe au-dessus de la base des crosses
aortiques et se rend de la même manière au poumon droit (2).
Les veines pulmonaires ne présentent aussi rien de bien
particulier. Elles se réunissent de chaque côté en un tronc
commun qui se rapproche de son congénère pour déboucher à
côté de celui-ci dans l'oreillette gauche, ou se confond même
avec lui, et l'orifice tantôt simple, tantôt double, qui termine ce
système, est garni de valvules pour empêcher le reflux du sang
de l'intérieur du cœur (S).
(1) Chez les Crocodiles, ce vaisseau rai, les branches de chacune des ar-
est renflé en forme de bulbe à sa tères pulmonaires se ramifient exclu-
base, comme le sont aussi les deux sivement dans le poumon conespon-
troncs aortiques (a). dant ; mais , chez le Python, celle
(2) Chez les Serpents qui n'ont qu'un du poumon droit envoie une grosse
seul poumon bien distinct, tels que les branche au petit poumon (c).
Couleuvres , Tarière pulmonaire, ne (3) Nous avons vu ci-dessus que
forme qu'un seul tronc ;6). En gêné- chez quelques Chéloniens il existe des
(a) Voyez Martin Saint-Ange, Circulation, fig. 17 et 18.
(6) Echlemm, Op. cit. (Zeitschrift fur Physiologie von Trcviranus, t. 11, p. 118).
(c) Jacquart, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4e série, t. IV, pi. 9, lig. \).
CHEZ LES REPTILES. /lÛ-9
La petite circulation est complétée de la sorte; mais, chez les
Serpents, le réseau capillaire respiratoire des poumons reçoit
aussi du sang provenant de l'aorte dorsale et en verse dans
la veine porte (1).
anomalies dans le mode de terminai-
son d'une des veines pulmonaires (a).
(1) Le réseau capillaire du poumon
des Serpents est aussi en communica-
tion avec d'autres vaisseaux de la
grande circulation, et notamment avec
une série des brandies qui naissent de
l'aorte dorsale et cpii se distribuent
dans la portion membraneuse de ce
viscère, tandis que les artères pulmo-
naires proprement dites se ramifient
dans la portion réticulée. Des veines
correspondantes aux artères pulmo-
naires accessoires vont déboucher dans
le tronc de la veine porte. La disposi-
tion de ces divers vaisseaux a été
étudiée, d'abord par M. Hyrtl (6), puis
par M. Calori (c).
(a) Voyez ci-dessus, page 413.
(b) Strena anatomica de novis pulmonum rasis in Ophidiis nvperrime observatis rerum
gnaris oblata a J. Hyrll, ad solemnem cathedra anatomicœ uiaugurationem. Prague, 1837.
(c) Calori, De vasis pulmonum Ophidiorum secundariis observationes nova: (Novi Commentarii
Academice scientiarum Bonuniensis, 1842, t. V, p. 375).
VINGT -NEUVIEME LEÇON.
De l'appareil circulatoire chez les Oiseaux.
Tendances S 1 . — En passant en revue l'appareil eirculaloire chez les
de la Nature ••■■■*» t» m i
dans Poissons, les Batraciens et les Reptiles, nous avons vu que dans
la constitution ,,... i i ) i i it*
de cet appareil, chacune de ces grandes divisions de 1 embranchement des ver-
tébrés, son mode de conformation s'éloigne de plus en plus
de celui qui est commun à tous ces Animaux pendant les pre-
mières périodes de la vie embryonnaire, et que les divers types
permanents qu'il nous offre ainsi se distinguent des formes
transitoires primaires par des caractères plus ou moins impor-
tante. L'étude des Oiseaux, dont nous avons maintenant à nous
occuper, nous montrera ces mêmes tendances se prononçant
d'une manière encore plus marquée.
En effet, l'appareil circulatoire des Oiseaux ressemble d'abord
en tout à celui des jeunes embryons des Poissons, des Batra-
ciens et des Reptiles ; mais cet état n'est que transitoire , et de
même que chez ces divers Vertébrés inférieurs, toutes les parties
dont ce système irrigatoire se compose se perfectionnent, et ici ce
perfectionnement est. porté plus loin que dans aucune des classes
précédentes. Du reste, en s'élevant ainsi en organisation, il ne
passe par aucune des formes propres à l'état permanent du
même système chez les Animaux inférieurs. Ce n'est pas le
système circulatoire du Poisson qui se perfectionne pour con-
stituer le système circulatoire des Reptiles, ni celui-ci qui, en se
développant plus complètement, devient un appareil circulatoire
d'Oiseau. Chacun de ces systèmes se constitue à l'aide d'un fonds
commun ; mais pour arriver à la forme qui lui sera propre, il
APPAREIL DE LA CIRCULATION CHEZ LES OISEAUX. 4-51
suit nue route différente de celle qui a été parcourue par le mémo
système chez les autres Vertébrés. Quelques anatomistes, se
laissant séduire par de vogues ressemblances, ont été con-
duits à croire que la Nature, en créant cet appareil, marchait
toujours dans la même voie, et jalonnait, pour ainsi dire, la
route en laissant à chaque étape une des formes organiques
par lesquelles tous les Vertébrés devaient passer, mais qui
n'étaient que des formes transitoires pour les êtres les mieux
doués, tandis qu'elles deviennent permanentes pour ceux
qui restaient en chemin. Je ne connais air une série d'organes
dont les modifications paraissent, au premier abord, aussi
favorables à cette hypothèse de la transmutation des espèces;
mais ici. de même que partout ailleurs, elle ne résiste pas à un
examen sérieux et ne peut conduire qu'à donner de ces choses
une idée fausse 1).
S *2. — Le cœur des Oiseaux est partagé, comme relui des Enveloppement
Crocodiles, en deux moitiés parfaitement distinctes, et com-
posées chacune d'un ventricule el d'une oreillette. Il se perfec-
tionne même plus que chez ces Reptiles, car la division du
travail physiologique 3 est portée plus loin, el le ventricule droit
esl affecte exclusivement au service de la circulation pulmo-
naire; mais, pour arriver a cet état, le eveur des Oiseaux, en
partant d'une forme qui lui est commune avec celui de l'em-
bryon des Poissons, des Batraciens et des Reptiles, ne passe
par aucun des modes d'organisation qui sont définitifs chez ces
Vertébrés inférieurs, et dès qu'il cesse d'être semblable a celui
d'un Vertébré quelconque, il offre des caractères propre- aux
Vertébrés à sang chaud.
1 Les opinions que j'ai cru devoir indignées aussi, pour la plupart, dan?
combattre ici sont soutenues par le un opuscule du même savant, sur ce
professeur d'anatomie comparée au qu'il nomme Yanatomie transeen-
Muséum d'histoire naturelle, et sont étante (a).
- ares, Précis d'anatmie transcendante appliquée à la physiologie. In-8, Paris, 1842. '
452 APPAREIL DE LA CIRCULATION
En effet, nous avons vu que chez les Vertébrés inférieurs, où
la séparation commence à s'établir entre les parties droite et
gauche de cet organe, c'est d'abord dans la portion auriculaire
que le cloisonnement s'opère, de façon que chez les Batraciens
et la plupart des Reptiles il y a deux oreillettes et un seul ven-
tricule. Chez les Oiseaux, le travail organogénique, à l'aide
duquel le cœur acquiert peu à peu le mode de constitution qui
lui est propre, suit une autre direction. Le cloisonnement com-
mence dans la portion ventriculaire du cœur et s'y achève avant
que la séparation soit devenue complète entre les deux ventri-
cules (1). 11 y a donc chez l'Oiseau à l'état d'embryon, comme
chez les Batraciens ou le Reptile à l'état adulte, un cœur à trois
loges ou un cœur à quatre loges incomplètement séparées ; mais
chez l'embryon de l'Oiseau, c'est la portion ventriculaire qui
est double et la portion auriculaire qui est simple ou incom-
plètement séparée; tandis que chez les Batraciens et les Rep-
tiles, c'est la portion auriculaire qui est double et la portion
ventriculaire qui est simple ou incomplètement divisée. Ainsi
le cœur d'un Reptile adulte n'est jamais la représentation per-
manente de l'une quelconque des formes transitoires du cœur
de l'Oiseau.
structure Je ne vois rien d'important à noter relativement à la position
du cœur.
ou à la forme extérieure du cœur dans cette classe d'Animaux ("2) :
(1) Nous reviendrons sur ce sujet sur la ligne médiane à la partie anté-
lorsque nous étudierons le développe- rieure du thorax, immédiatement
ment des Animaux vertébrés, et pour derrière la cloison diaphragmalique
des détails plus précis relativement à antérieure, et le sac péricardique qui
l'établissement tardif de la cloison le renferme adhère en arrière à la cloi-
inter-auriculaire , je renverrai aux son cliaphragmatique postérieure (6),
écrits de M. Baer (a). et sur les côtés au réservoir pneuma-
(2) Le cœur des Oiseaux est situé tique cervical (c). La forme de cet or-
fa) Voyez son article sur le développement des oiseaux , dans le Traité de Physiologie par
Burdach, t. III, p. 303.
(6) Voyez tome II, page 400.
(e) Voyez tome II, pa^e 354,
CHEZ LES OISEAUX. 453
mais cet organe, d'un volume considérable (1), offre dans sa
structure intérieure quelques particularités qui ne se rencontrent
pas ailleurs. Le ventricule droit, beaucoup moins développé que
le ventricule gauche , enveloppe en quelque sorte celui-ci dans
une moitié de sa circonférence, et la section transversale de sa
cavité présente par conséquent la forme d'un croissant. Mais ce
qui est plus digne de remarque, c'est la disposition de sa valvule
auriculaire. En effet, cette soupape, au lieu d'être formée comme
d'ordinaire par des languettes membraneuses dont le bord est
retenu à l'aide de cordons fixés aux parois du ventricule, se com-
pose d'une grande lame charnue qui semble être une portion de
la paroi interne du ventricule, détachée de la cloison interventri-
culaire. Cette dernière est convexe, et l'oritice auriculo-ventri-
culaire se trouve dans l'espace compris entre elle et la valvule
gane est toujours conique : chez le Coq
il est allongé et aigu (a) ; mais chez
d'autres Oiseaux, tels que l'Autruche,
il est large et court. Les oreillettes en
occupent les parties antérieures , su-
périeures et latérales; elles sont pe-
tites et ne se prolongent que peu en
forme d'aurieules ; celle du côté droit
est la plus grande.
(1) M. J. Jones a fait récemment
une série assez nombreuse d'obser-
vations comparatives sur les rapports
qui existent entre le poids du cœur et
le poids total de l'organisme chez di-
vers Vertébrés, et il a trouvé que chez
les Oiseaux le développement relatif
de ce viscère est le plus considérable.
Chez le Dindon sauvage [Meleagris
gallopavo), son poids était d'environ
l/279e du poids du corps ; chez un
Chat -Huant d'Amérique [Syrnium
nebulosum), l/220e;chez un Vautour
(le Coathartes atratus), 1/1 î 3e, et chez
le Tantale d'Amérique {T. loculator),
de 1/I03eetmême de 1/100° du poids
total.
Chez les Reptiles que M. Jones a
examinés sous ce rapport, le cœur ne
constituait que de 1/354° à 1/592*
du poids du corps.
Enfin, chez les Mammifères, le
rapport entre le poids du cœur et le
poids du corps s'est trouvé n'être
quelquefois que de 1 : 280, et ne s'est
pas élevé au-dessus de 1 : 128.
Il est aussi à noter que, chez les
Oiseaux, les battements de cet organe
sont plus fréquents que chez les autres
Vertébrés ; on en observe rarement
moins de 110 par minute, et chez
quelques espèces on en compte d'ordi-
naire environ 200 (6).
(a) Voyez iM lias du Règne animal de Cuvier, Oiseaux, pi. 3, fig-. 1.
(6) J. Jones, Investigations Chemical and Physiological relative to certain American Verte-
brata, p. 74 et suiv. (extrait AesMém. de la Soc. Smithsonienne à Washington, 1856).
hbll APPAREIL DE LA CIRCULATION
musculaire dont il vient d'être question, de façon que, quand
celle-ci vient à se contracter au moment de la systole, elle s'ap-
plique contre cette cloison et ferme le passage (1).
La valvule auriculo-venlriculairc du côté gauche ne présente
pas cette structure et n'offre rien de particulier (2). Les parois
charnues de ce ventricule artériel sont d'une grande épais-
seur (3), et l'orifice qui sert à la sortie du sang est placé comme
(1) Le jeu de cette valvule charnue
dépend aussi de la direction de ses
fibres qui sont disposées obliquement
en travers. Quand celles-ci se relâ-
chent, l'arc de cercle décrit par cette
lame musculaire est plus grand que
celui représenté par la paroi inler-
ventriculaire et embrassé par la pre-
mière. Son bord antérieur adhère au
bord externe de l'orifice auriculo-
ventriculaire, et son bord libre est
dirigé obliquement en arrière vers la
pointe du cœur. Enfin, il existe aussi
un faisceau charnu saillant qui garnit
le bord interne de l'orifice auriculo-
ventriculaire, et concourt aussi à le
fermer au moment de la systole. La
structure et le mécanisme de cette
valvule ont été bien observés par
Blumenbach (a), 'et, pour en avoir une
idée nette, il suffit de jeter les yeux
sur les figures de l'intérieur du cœur
du Cygne, données par MM. Carus et
V. Otto (b). Mais, pour plus de délails
sur la structure et le jeu de cet appa-
reil , je renverrai à un travail spécial
de M. King (c).
Il est aussi à noter que le ventricule
droit ne présente que peu ou point de
faisceaux charnus saillants à son in-
térieur, et qu'il ne s'étend pas , à
beaucoup près, jusqu'à la poinie du
cœur. Enfin, les valvules qui garnis-
sent l'entrée de l'artère pulmonaire
sont très épaisses et souvent attachées
à de petits styles cartilagineux ou
même osseux, logés dans les parois du
vaisseau {d).
(2) La valvule auriculo-ventriculaire
gauche se compose d'un voile mem-
braneux qui naît du bord de l'ouver-
ture, et qui est divisé en deux ou trois
portions dont les bords libres sont
comme déchirés et donnent attache
à une multitude de filaments tendi-
neux. Ceux-ci vont se fixer, par leur
extrémité opposée, tantôt directement
sur les parois du ventricule, tantôt
sur un ou plusieurs mamelons charnus
qui font saillie à la surface interne de
celte cavité ; disposition qui se voit
chez la Grue et l'Autruche.
(3) En général, les parois du ventri-
cule gauche sont deux ou trois fois
plus épaisses que celles du ventricule
droit. On y remarque ordinairement
un grand nombre de piliers charnus
plus ou moins entrelacés.
(a) Blumenbach, Spécimen physiologiœ comparatœ inter Animalia calidi sanguinis vivipara et
ovipara, 1789, p. 13.
(6) Carus, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 6, fig. 2, 3, 4 et 5.
(c) Owen, Aves, (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p. 332).
(d) King, On the Safty Valve in Birds {Guy's Hospital Reports, 1837, t. II, p. 1G3, pi. 3).
artériel.
CHEZ LES OISEAUX. "■ * &55
d'ordinaire à sa partie antérieure et interne. Elle conduit dans
l'aorte, et ses bords sont garnis de trois valvules semi-lunaires,
au lieu de deux, comme chez les Reptiles.
L'oreillette gauche communique, d'autre part, avec les veines
pulmonaires qui débouchent à sa paroi supérieure dans une
espèce de sinus séparé de la portion auriculaire ou extérieure
de ce réservoir par un bourrelet charnu (1).
L'oreillette droite est également subdivisée de la sorte en
deux loges, savoir, un sinus où aboutissent trois veines caves,
et une portion auriculaire , inférieure et externe , qui est très
musculaire (2).
§ 3. — Le système irrigatoire qui part du cœur est disposé système
primitivement de la même manière que chez les Batraciens et
les Reptiles, mais en se développant il éprouve d'autres modifi-
cations et se trouve réduit aux vaisseaux qui, chez les Tortues,
ainsi que chez les Crocodiles et la plupart des autres Sauriens,
constituent, d'une part l'artère pulmonaire, d'autre part la
crosse aortique du côté droit et ses dépendances. Ici la crosse
aorlique gauche disparaît de bonne heure, et il n'existe aucune
communication directe entre les vaisseaux qui naissent des
deux ventricules du cœur, et qui reçoivent, l'un du sang arté-
riel, l'autre du sang veineux.
Par conséquent, chez les Oiseaux, le mélange du sang noir
et du sang vermeil, que nous avons vu s'effectuer toujours, chez
(1)11 est également à noter que dans pelée fosse ovale, qui correspondu
la portion appendiculaire ou auricu- l'orifice de communication inter-auri-
laire de l'oreillette, les colonnes char- culaire chez l'embryon,
nues dont les parois de cet organe sont Le sinus ou la portion veslibulaire
garnies y prennent beaucoup de dé- de l'oreillette est séparée de la portion
veloppement. appendiculaire par des brides cliar-
(2) On remarque aussi dans l'oreil- nues valvulaires, dont la disposition
lelle droite, à la cloison qui la sépare chez PEmeu, ou Casoar à casque, a été
de sa congénère, une dépression ap- décrite avec détail par M. Oweu (a).
(û) Owen, Aves (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol, 1. 1, p. 330, fig. 167).
456 APPAREIL DE LA CIRCULATION
les Reptiles et les Batraciens, soit dans l'intérieur du cœur, soit
tout près de l'origine du système artériel, n'a lieu nulle part;
la totalité du fluide nourricier, après être revenu des diverses
parties de l'organisme, passe dans les poumons et y subit l'in-
fluence de l'air ; la totalité de ce liquide traverse aussi deux fois
le cœur pour achever son trajet circulatoire : et c'est pour expri-
mer ces caractères physiologiques que l'on dit, dans le langage
concis employé par les zoologistes , que les Oiseaux sont des
Animaux à circulation double et complète.
Aorte. § ix. — Ainsi toutes les artères de la grande circulation nais-
sent d'un tronc unique: l'artère aorte, qui, en se dégageant du
ventricule gauche, se recourbe à droite et en haut, passe sur le
côté de la bronche droite et de l'œsophage, gagne la face infé-
rieure de la colonne vertébrale, et se dirige ensuite directement
en arrière jusqu'à l'extrémité postérieure du corps (1).
Aussitôt après sa naissance et avant de se recourber en forme
de crosse, ce gros tronc envoie vers la tête et les ailes une paire de
vaisseaux appelés brachio-céphaliques (2), qui sont en général
très gros, et qui ne tardent pas à se bifurquer pour constituer
les artères carotides et les artères sous-clavières (3). Les pre-
(1 ) Chez quelques Oiseaux la crosse rieure ou antérieure, l'autre supérieure
aortique est fort dilatée, et se rétrécit ou postérieure (6).
assez brusquement peu après avoir (3) Les deux troncs brachio-cépha-
gagné la face inférieure de la colonne liques naissent souvent si près du
vertébrale, bien qu'elle n'ait fourni cœur, qu'au premier abord il semble
dans ce point aucune branche impor- y avoir trois artères partant directe-
tante. Cette disposition a été signalée ment de ce dernier organe. Il est aussi
par Barkow chez le Pigeon de roche à noter que chez beaucoup d'Oiseaux
{Columba Livia) (a). ces deux premières branches de l'aorte
(2) Avant de donner naissance aux sont si grosses, que la portion suivante
troncs brachio-céphaliques, l'aorte de la crosse aortique elle-même semble
fournit aux parois du cœur deux petites être une simple branche du tronc
artères dites coronaires, l'une infé- commun dont elles partent. Du reste,
(a) Barkow, Disquisitiones recentiores de arteriis Mammalium et Avium {Nova Acta Acad. Nat.
curios., t. XX.pl. 34, fig-. 40).
(6) Voyez E. Halm, Com)nentatio de arteriis Anatis, pi. 4, fig. 4.
Carotides.
CHEZ LES OISEAUX. 657
miers remontent côte à côte, au milieu des muselés qui gar-
nissent en avant la portion cervicale de la colonne vertébrale, et
arrivés sous la base du crâne, ces vaisseaux se divisent chacun
ie volume relatif des artères brachio-
céphaliques et de la crosse aortique
dépend des rapports qui existent entre
le développement des parties que ces
vaisseaux sont destinés à nourrir : sa-
voir, d'une part, la tète et les ailes ;
d'autre part, les pattes et l'abdomen.
Ainsi, chez l'Aigle, dont le vol est puis-
sant, l'aorte, après avoir fourni les
deux artères brachio - céphaliques ,
n'est guère plus grosse que ces bran-
ches, tandis que chez l'Autruche, dont
les ailes sont rudimentaires, ces der-
nières sont très grêles, et l'aorte con-
tinue à avoir un calibre considérable.
Les carotides primitives naissent en
général d'une manière symétrique ,
comme cela se voit chez le Coq (a),
les Pigeons, tous les Rapaces, l'Autru-
che d'Afrique, l'Aptéryx (6), etc. ; mais
il arrive souvent qu'elles proviennent
toutes les deux du tronc brachio-
céphalique gauche ; disposition qui
paraît être surtout très commune chez
les Passereaux, où elle a été constatée
dans beaucoup d'espèces par Bauer,
par Meckel et par M. Stannius (c).
Meckel l'a observée aussi chez le Nan-
dou, ou Autruche d'Amérique, et chez
le Toucan. Chez le Flamant , c'est
au contraire le tronc céphalique droit
qui fournit les deux carotides primi-
tives (d). Il est aussi à noter que par-
fois les deuv. carotides primitives
restent confondues en un tronc impair
jusque vers la partie supérieure du
cou : chez le Pic vert (e), la Pie (/) et
la Grèbe {g), par exemple. Du reste,
lors même que ces deux vaisseaux sont
distincts dès la région claviculaire et
naissent des deux troncs brachio-
céphaliques, ils ne sont jamais placés
symétriquement de chaque côté du
cou , mais remontent vers la tête,
en marchant accolés l'un à l'autre ,
et sont le plus ordinairement refoulés
à gauche (h).
Chez les Perroquets, l'une des ca-
rotides primitives est souvent beau-
coup plus grêle que l'autre, et dans
quelques espèces ces artères ne sont
représentées que par un tronc unique ;
disposition qui a été observée chez les
Cacatoès par Meckel (■/). Enfin, on voit
(a) Voyez l'A tlas du Règne animal, Oiseaux, pi. 3, fig. 1.
(6) Owen, On Ihe Anatomy onthe Southern Aptéryx (Trans. ofthe Zool. Soc, vol. II, p. 273,
pi. 52, fig. 2).
(c) Bauer, Disquisitiones circa nonnullarum Avium systema arteriosum. Berlin, d 825.
— Meckel, Zur Geschichte des Gefàss-Systems der Yogel (Archiv fur Anat. und Physiol.,
1826, p. 19, et Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 364).
— Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. 339.
(d) Meckel, loc. cit.
(e) Neugebauer, Systema venosum Avium, pi. 49, fig. 2 (extrait des Mém. des curieux de la
Nature, t. XXI).
(f) Bauer, Op. cit., fig. 5.
(g) Barkow, Op. cit. (Archives de Meckel, 1829, pi. 8, fig. 1).
(h) Voyez une figure de l'appareil circulatoire de la Poule, dessinée par Hunier (Descriptive and
illustrated Catalogue ofthe Physiolog. Séries ofCompar. Anat. contained in Ihe Muséum of the
Collège of Surgeons in London, t. II, pi. 25).
(i) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 367.
458
APPAREIL DE LA CIRCULATION
en deux branches principales : une artère carotide externe qui se
rend à la face, et une artère carotide interne qui pénètre dans le
Artères A
Miw-ciavièrcs, crâne (1), Les artères sous-cîavières se portent en dehors pour
aussi quelquefois ces deux carolides
naître séparément et se réunir en un
seul tronc vers le milieu du cou. Cela
a été observé par iVilsch et par Meckel
chez le Butor (a), mais ne se rencontre
pas chez tous les individus de celte
espèce (6).
(1) Le mode d'origine et de distri-
bution des branchés des artères caro-
tides varie un peu, et pour l'indiquer
ici avec précision, je choisirai comme
exemple l'Oie, animal dont le système
artériel a été étudié avec beaucoup de
soin par F. Bauer et par Hahn (c). A la
base du cou il naît de chaque artère ca-
rotide primitive : 1° une petite artère
thyroïdienne inférieure dont partent
un rameau bronchique et un rameau
laryngien inférieur ; 2° une artère
œsophagienne inférieure ou ascen-
dante, dont l'extrémité supérieure,
s'anastomose avec une branche de la
thyroïdienne supérieure; 3° une ar-
tère cervicale ascendante antérieure,
ou artère sous-cutanée du cou ; U" une
artère vertébrale, qui pénètre dans la
série de trous pratiqués à la base des
apophyses transverses des vertèbres
cervicales, fournit une artère inter-
costale antérieure , ainsi qu'une série
de branches spinales, et se termine
près de la tête en s'anastomosant avec
l'artère occipitale ; 5° enfin une artère
cervicale transverse dont naît une
branche sous-cutanée supérieure [d).
Arrivée près de la tète , l'artère
carotide primitive fournit quelques
ramuscules , puis se divise en deux
branches : une artère carotide externe
et une artère carotide interne. Cette
dernière fournit presque immédiate-
ment une artère occipitale qui souvent
naît directement de la carotide primi-
tive, donne des ramuscules aux mus-
cles voisins, et s'anastomose, comme
je l'ai déjà dit, avec l'extrémité supé-
rieure de l'artère vertébrale (e). Par-
venue sous la base du crâne, la caro-
tide interne pénètre dans un canal
osseux et se bifurque pour constituer
une artère carotide cérébrale et une
artère ophthalmique interne. Celle-ci,
après avoir fourni une branche occi-
pitale, entre dans la fosse temporale
et donne naissance à de petits ra-
meaux qui s'anastomosent avec deux
branches provenant , l'une de l'artère
ethmoïdale, l'autre de l'artère ophthal-
mique externe, et constituent près de
la base du nerf trijumeau un lacis vas-
culairetrès remarquable, appelé plexus
temporal. Puis celte artère fournit des
ramuscules aux muscles masséters et à
l'articulation de la mâchoire, au globe
(fl)Nitscli, Observationes de Avium arteria carotide communi. Halle, 1829.
— ■ Meckel, loc. cit.
(b) Barkow, Anatomisch-pathologisclie Untersuchungen , vorzûglich ùber das Schlagadersyslem
der Yogel (Meckel's Arch. fur Anat., 1829, p. 378).
(c) Bauer, Disquisitiones circa nonnullarum Avium systema arterinsum (Thèse, Berlin,
4 825).
— E. Hahn, Commentatio de arteriis Anatis. Hanovre, 1830.
(d) Voyez Hahn, Op. cit., pi. 2, fig-. 1 .
(e)ldem, Md.,\>\. 1, fie;. 2.
CHEZ LES OISEAUX. Û.59
aller se distribuer aux ailes; mais, avant d'y arriver, elles four-
nissent de chaque côté une artère thoracique, dont le calibre, très
considérable, est en rapport avec le grand développement des
de l'œil (artères ciliaires postérieures),
à la paupière inférieure et à l'appareil
lacrymal ; elle se relie aussi aux ar-
tères voisines de la face par diverses
anastomoses.
Vartère cérébrale, constituée par
l'autre branche terminale de la caro-
tide interne , s'engage dans le canal
osseux, dit carolidien , et y donne
naissance à une artère ophthalmique
externe qui longe le rete mirabile tem-
poral dont il vient d'être question , y
fournit des rameaux, puis donne nais-
sance à d'autres petits plexus , ainsi
qu'aux artères elhmoïdales, aux ar-
tères ciliaires antérieures, etc.
En poursuivant sa route vers le cer-
veau, cette même artère carotide céré-
brale donne naissance à une artère
sphéno-maxillaire, et arrive bientôt
dans l'intérieur de la boîte crânienne où
elle se réunit à sa congénère, puis s'en
sépare de nouveau et se divise en deux
branches, une antérieure, l'autre pos-
térieure. La première fournit au cer-
veau plusieurs ramuscules qui portent
les noms des parties auxquelles ils
se rendent ; l'un de ceux-ci, en s'ana-
stomosant avec son congénère, consti-
tue la portion antérieure de l'anneau
vasculaire appelé cercle de Willû.
La branche postérieure a reçu le nom
d'artère communicante, parce qu'elle
va s'anastomoser avec les artères céré-
brales profondes, puis se réunir à sa
congénère pour déboucher dans l'ar-
tère spinale, qui se trouve à la face
inférieure de la moelle épinière (a).
Vartère carotide externe ou artère
faciale se recourbe en avant pour ga-
gner la joue, et fournil d'abord une
artère laryngienne supérieure et une
artère linguale, qui se ramifient dans
la région hyoïdienne et dans les di-
verses parties de la paroi inférieure
de la bouche. La carotide externe
donne ensuite naissance à une artère
maxillaire interne qui monte vers la
fosse temporale, fournit des branches
à un réseau vasculaire appelé plexm
maxillaire, et va se distribuer dans
la région frontale de la face. Enfin
le tronc de la carotide externe gagne
la mandibule supérieure et s'y divise
en beaucoup de rameaux dont plu-
sieurs s'anastomosent avec les autres
artères de la face (6).
Chez les Oiseaux dont la tète est
surmontée d'une crête érectile, le
Coq, par exemple , une des branches
terminales de cette artère mandibu-
laire prend un très grand développe-
ment et gagne le front pour aller se ré-
pandre dans cet appendice cutané (c).
Le mode de division de l'artère ca-
rotide primitive que nous venons
d'étudier chez l'Oie ne se rencontre
pas chez tous les Oiseaux. Ainsi, chez
la Pie, ce tronc, au lieu de se bifur-
quer, se partage en trois branches
presque égales en grosseur, dont deux
sont, comme d'ordinaire, les carotides
interne et externe, et l'autre est l'ar-
tère occipitale, qui en général est
(a) Voyez Baucr, Op. cit., Ilg', 4.
(6) Idem, ibid,, flg. 2.
(ç) Voyez Curus et V. Otto, Tab. Anal, compai: illuslr., pars VI, pi. C, fy. 7.
/(.60 APPAREIL DE LA CIRCULATION
muscles de la poitrine auxquels ce vaisseau se rend. Il est aussi
à noter que ces artères carotides se prolongent jusque dans le
voisinage du. bassin et fournissent à la peau du ventre une multi-
tude de branches. Le réseau vasculaire ainsi formé reçoit aussi
du sang par diverses branches des artèresdela région pelvienne,
et il constitue quelquefois un plexus sons-cutané extrêmement
riche, où la circulation du sang doit se faire avec une grande
activité : il paraît être en rapport avec les fonctions de cette-
partie du corps, lorsque les Oiseaux couvent leurs œufs; et
Barkow, à qui l'on en doit la connaissance, le désigne sous le
nom de rete mirabile de l'appareil d'incubation (1).
fournie par la carotide interne (a\
Chez le Coq, l'artère laryngienne est
très développée et provient aussi
directement de la carolide primi-
tive (6).
Chez la Grèbe, les différences sont
plus considérables (c). On ne trouve à
la base du cou qu'une seule artère
carolide qui provient du tronc bra-
chio-céplialique gauche, et qui passe
dans l'espèce de canal osseux formé
à la face antérieure des quatre ou
cinq vertèbres de la porlion moyenne
du cou par le rapprochement des
apophyses épineuses inférieures. Ce
tronc impair ne se divise en carotides
droite et gauche qu'à peu de distance
de la têle, et il fournit près de son
extrémité inférieure : 1° une arlère cer-
vicale sous-cutanée antérieure qui re-
monte le long de la trachée, et forme de
chaque côté, à la partie supérieure du
cou, une série d'arcs anastomotiques
avec l'artère cervicale sous-culanée la-
térale et une branche de l'artère occi-
pitale ; 2° une artère œsophagienne an-
térieure ascendante ; 3" une branche
considérable qui se divise bientôt pour
constituer plusieurs rameaux dont les
plus importants sont l'artère verté-
brale gauche et l'artère cervicale
transversale gauche, laquelle donne à
son tour naissance à l'artère sous-
cutanée latérale déjà mentionnée. Du
côté droit, celte arlère sous-cutanée
latérale du cou naît directement de
Tarière sous-clavière dans le point
correspondant à l'origine de la caro-
tide commune du côlé gauche.
Le mode d'origine et de distribu-
tion des carotides est à peu près le
même chez le !'ic vert (d], .
(1) Souvent les arlères thoraciques
sont si fortes, qu'elles paraissent cire
la continuation du tronc des sous-cla-
vières, et que les artères axillaitcs ont
(<?) Baucr, Op. cit., p. 9.
(b) Hunier, loc. cit., pi. 25, fîg. t.
(c) Voyez Barkow, Op. cit. (Archiv de Meckcl, 4820, pi. 8, fi-, 4).
- — Milne Edwards, Cours élémentaire de zoologie, p. 402, fîg. 250.
(d) Voyez Neugebauer, S'jst. venosum Avium (Nova Acta Acad. Nal. curios., i. XXI, pi. 40,
CHEZ LES OISEAUX. &61
Maorte descendante, c'est-à-dire la portion de l'aorte qui fait
suite à la crosse et qui se dirige vers le bassin, fournit de chaque
côté plusieurs artères intercostales et en dessous les artères
viscérales.
Quelquefois les artères intercostales de la partie antérieure du
thorax, au lieu de naître chacune directement de l'aorte, provien-
nent d'une paire de vaisseaux longitudinaux intermédiaires, qui
sont formés par l'anastomose d'une branche descendante de
l'artère vertébrale et une branche ascendante de la première
intercostale abdominale (1). Les intercostales suivantes ne pré-
Artères
du tronc.
l'apparence de branches qui en naî-
traient (a).
Le plexus sous-cutané abdominal,
qui est formé par les branches ter-
minales de ces artères Ihoraciques,
est extrêmement développé chez la
Grèbe (6 . Le sang y arrive aussi par
des branches anastomotiques prove-
nant des artères de la cuisse et des par-
ties génitales. Barkow n'a pas trouvé
ce réseau vasculaire aussi développé
chez la Foulque et la Cigogne.
Les artères sous-clavières fournis-
sent plusieurs autres branches aux
muscles de l'épaule et de la poitrine,
ainsi qu'une artère thoracique interne,
dite mammaire interne, qui descend
sur les côtés de la face interne des
parois thoraciques (c). Parvenus dans
la portion humérale de l'aile, ces vais-
seaux perdent le nom d'artères axil-
laires pour prendre celui d'arlères
brachiales; et. avant d'arriver au ni-
veau de l'articulation du coude, ou
même dans le voisinage de l'épaule,
elles se divisent en deux branches,
appelées artère cubitale et artère ra-
diale ou interosseuse {cl). Une autre
branche de l'artère humérale, la bra-
chiale externe, est "très développée
chez la plupart des Oiseaux. Chez le
Condor, par exemple, on trouve dans
toute la portion humérale de l'aile trois
artères qui descendent parallèlement
vers l'articulation du coude et qui
sont presque de même calibre [e).
(1) Ainsi, chezl'Oie, l'artère verté-
brale , fournie , comme nous l'avons
déjà vu, par la portion inférieure de
la carotide, pénètre dans le canal pra-
tiqué à la base des apophyses trans-
verses des vertèbres cervicales, et y
donne naissance à une grosse branche
récurrente qui va s'anastomoser avec
la première intercostale abdominale
du même côté. Le vaisseau longitudi-
nal ainsi formé est une artère costale
commune dont naissent toutes les
(a) Exemple : l'Oie. Voyez Hahn, Op. cit., pi. 1, fig. 1 .
(6) Barkow, Op cit. [Arch. de Meckel, 1829, pi. 8, fig. \).
(c) Voyez Hunier, loc. cit., pi. 25, fig. 1.
(d) Exemple : le Coq. Voyez Neugebauer , Systema venosum Avium (Xova Acta AcaA.tiat.
curios., t. XXI, pi. 41, iïg. 1 et 2).
(e) Exemple : le Condor. Voyez Scliroeder van dur Kolk et Yrulik, Recherches eur les plexus
vasculaires {Ami. des sciences nat., 1856, 4* série, t. V, pi. 4, fig. 2).
Z|62 APPAREIL DE LA CIRCULATION
sentent rien de remarquable. Il en est de même du trône
cœliaque, qui naît du commencement de la portion abdominale
de l'aorte, et qui se rend à l'estomac et aux parties voisines
de l'intestin, ainsi qu'au foie, à la rate et au pancréas (1).
Un peu plus bas, l'aorte ventrale fournit une artère mésenté-
rique supérieure, qui se distribue à la portion moyenne du tube
intercostales proprement dites clans la
région occupée par les poumons. Il
est aussi à noter que les trois pre-
mières intercostales abdominales sont
également reliées entre elles par des
branches anaslomotiques qui l'ont
suite à celle intercostale commune et
donnent naissance aux branches de
distribution (a). Ainsi, depuis la tête
jusqu'à l'abdomen, les artères de la
colonne vertébrale et de ses dépen-
dances sont fournies de chaque côté
parrun tronc longitudinal constitué
par Tarière verlébrale dans le cou,
l'artère costale commune dans le
thorax, et les arcades anaslomotiques
des premières intercostales abdomi-
nales dans le ventre.
Chez le Coq, l'artère costale com-
mune du thorax est représentée par
une branche descendante qui vient,
comme d'ordinaire, de l'artère verté-
brale, et par une branche ascendante
qui naît de l'aorte, près du tronc cœ-
liaque, et constitue la première inter-
costale abdominale. Chez P Autruche,
la costale descendante provient di-
rectement de la sous-clavière gauche.
(1) Le tronc cœliaque se divise géné-
ralement en deux branches principales
ou artères gastriques, qui se distri-
buent principalement au gésier : l'une,
située à gauche , donne aussi des ra-
meaux au ventricule succenturié et au
lobe gauche du foie ; l'autre fournit les
artères du caecum du côté droit, du
duodénum el du pancréas \b).
Chez l' Aigle royal, Yart ère spiénique
naît aussi du tronc cœliaque; mais,
dans d'autres Oiseaux, tels que l'Au-
truche, elle est une branche de l'artère
gastrique gauche ; chez l'Oie, elle pro-
vient aussi de celle-ci, mais est repré-
sentée par quatre ou cinq branches.
L'artère hépatique naît de. Tarière
gastrique droite chez l'Aigle. Chez
l'Oie et le Dindon , les deux artères
gastriques fournissent chacune une
branche au lobe correspondant du foie.
Enfin, chez le Coq, le tronc cœliaque,
après avoir fourni deux artères gas-
triques , se continue vers la rate ,
donne naissance à plusieurs petites
artères spléniqucs, ainsi qu'à une ar-
tère hépatique, et va se terminer dans
le duodénum, le pancréas, le cae-
cum, etc. (c).
La disposition des artères gastri-
ques chez la Grèbe a été figurée par
Barkow (d).
(a) Voyez Baucr, Disquisitiones circa nonnullarum Avium sjjstema arleriosum, fig. 3.
(b) Exemple ; le Canard. Voyez Neugeljjucr, Op. cit. (Actes de i'Acad. des curieux de la Nature,
t. XXI, pi. 49, fig. 1).
(c) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 187.
(d) Barkow, loc. cit., pi. 28 el 20.
CHliZ LES OISEAUX. /|G3
intestinal (1 ), une paire de petites artères spermatiques qui vont
aux testicules ou aux ovaires, et une artère mésentérique posté-
rieure qui se rend à la portion terminale du gros intestin.
On donne le nom d'artères crurales à une paire de vaisseaux Artères
1 des pattes
qui naissent de l'aorte, vers la fin de la région lombaire, et
qui, après avoir fourni aux parois de l'abdomen les artères épi-
gastriques, vont se terminer dans les muscles de la partie anté-
rieure de la cuisse (2).
Une paire d'artères ischiatiques se détache aussi de l'aorte
au niveau du bassin et fournit presque aussitôt les artères ré-
nales. Plus loin, chacune d'elles donne naissance à une iliaque
postérieure, puis descend le long de la cuisse et se rend à la
patte, en prenant successivement les noms d'artère fémorale,
A' artère poplitée , d'artère tibiale antérieure, et d'artère tar-
sienne, suivant la portion des membres où elle passe (3).
(1) M. Tiedemann a trouvé que chez avec les branches terminales des
l'Oie l'artère mésentérique supérieure artères sous-cutanées de l'abdomen
présente, dans le point où elle fournit provenant de Tarière tboracique.
les branches intestinales, une dilata- L'artère crurale occupe la partie anté-
tion dont les parois sont épaisses et rieurc de la cuisse et descend jusque
garnies de valvules et de replis disposés dans les muscles de la jambe (c).
en manière de réseau. Cette structure (3) Vers la partie moyenne de la
a été décrite aussi par Barkow (a). jambe, l'artère tibiale antérieure se
(2) Les artères crurales sont, en divise en deux ou plusieurs branches,
général, médiocrement développées, qui sont réunies en faisceaux et qui
et presque aussitôt après leur nais- souvent s'anastomosent de façon à
sauce elles fournissent les artères constituer un plexus plus ou moins
épigastriques (b), qui descendent sur développé. Parvenue dans le pied,
les côlés du bassin, gagnent la région deux de ses branches principales
pelvienne, et remontent ensuite sur suivent la face dorsale du tarse et se
la paroi antérieure de l'abdomen, où bifurquent pour constituer une artère
elles se ramifient et s'anastomosent collatérale , destinée à chacun des
(a) TieJciu;:nn, Analomie und Naturgeschichte der Yiigel (Zoologie, 1810, t. II, p. 101).
— Barkow, Disquisitiones recentiores de arteriis Mammalium et Avium (Nova Acta Acad.
Nat. curios., t. XX, p. 705, pi. 34, flg, 42 cl 43).
(b) Exemples : L'Oie. Voyez Halni, Op. cit., pi. 2, fig. 3.
— La Grive. Voyez Barkow, loc. cit., pi. 8, %. 1.
— La Poule. Voyez Hunier, loc. cit., pi. 25, %. t.
(c) Voyez Gants et V. Otto, Tab. Anal, compav, illuslr,, par» vi, pi. G, liy. ù.
m. su
Terminaison
de l'aorle.
Système
veineux.
!lQll APPAREIL DE LA CIRCULATION
Enfin l'aorte, après avoir fourni les artères crurales, con-
tinue à se porter en arrière, et les anatomistes l'appellent alors
artère sacrée moyenne, parce qu'elle longe la face antérieure du
sacrum, où elle donne naissance à divers rameaux analogues
aux intercostales. Dans le voisinage du cloaque, elle fournit
les artères hypogastriques dont les principales branches se
rendent aux organes de la copulation et forment dans les corps
caverneux un plexus très riche ; puis elle arrive dans la queue
et s'y termine par deux branches disposées en arcade sur les
côtés du croupion (1).
§ 5. — Le système veineux des Oiseaux (2) ressemble beau-
coup à celui des Reptiles supérieurs, mais se perfectionne da-
vantage, caries valvules s'y développent en plus grand nombre
et sont disposées avec plus de régularité ; or, ces replis mem-
braneux, comme nous le verrons bientôt, facilitent le retour du
sang vers le cœur.
Toutes les veines du système de la grande circulation se
réunissent au-dessus de l'oreillette droite du cœur, et débou-
doigts interne et externe , et deux
artères collatérales pour le doigt mé-
dian (a). Une autre branche, appelée
plantaire, se porte à la face inférieure
du pied et y forme une arcade vascu-
laire.
(1) La distribution des artères du
cloaque et des parties voisines a été
étudiée avec beaucoup de soin par
Barkow chez la Grèbe et quelques
autres Oiseaux (6). Elle a clé repré-
sentée aussi chez la Poule par limi-
ter (c), et d'une manière moins com-
plète chez l'Oie par Hahn (d).
(2) Cette portion de l'appareil cir-
culatoire des Oiseaux a été étudiée
d'une manière très approfondie par
M. Neugebauer, dont le travail est
accompagné d'un grand nombre de
planches très bien exécutées (e). Je
citerai également ici la description des
systèmes veineux des Oiseaux par
Macartney (/").
(a) Voyez Hunier {Catal. of the Mus. of the Collège of Surgeons, t. II, pi. 25, fig. 2).
(6) Barkow, loc. cit., pi. 9, fig. 20 et 21.
(c) Hunier, loc. cit., pi 25, fig. 1.
(d) Hahn, Op. cit., pi. 2, fig. 3 et i.
(c) L. A. Neugebauer, Systema venosum Avium, cum eo Hammalium et imprimis Ilominis
colla tum (Nova Acta Acad. Cœs. Leop. Cavol. Nat. curiis., t. XXI, p. 521, pi. 3G à 50).
(f) Macartney , article Birds (Ree's Cyclopœdia, reproduit par M. Owen dans l'article Aves du
Cnclop. of Anat. and Physiol. de Todd, 1. 1, p. 338;.
CHEZ LES OISEAUX. A65
client dans cet organe par trois gros troncs dont deux appar-
tiennent à la partie antérieure du corps et un à la partie posté-
rieure : ce sont les veines caves supérieures ou antérieures, et
la veine cave inférieure ou postérieure.
Les premières, comme d'ordinaire, résultent essentiellement veines
ii/.,. ... . , de la tcle.
de la reunion des veines jugulaires et sous-clavieres de chaque
côté de la base du cou (1).
Les veines jugulaires sont placées superficiellement sur les
côtés du cou ; quelquefois elles ont à peu près le même ca-
libre (2), mais en général celle du côté gauche reste très grêle,
tandis que celle du côté droit offre un volume considérable (3).
Le sang arrive cependant en même quantité des deux côtés de
la tête ; mais sous la base du crâne ces deux vaisseaux sont
réunis par une large anastomose transversale, et c'est par cette
voie qu'une grande partie de ce liquide passe du côté gauche
dans la jugulaire droite (h).
Les principales veines de la tête qui viennent aboutir dans
(1) Les deux veines caves supé- cée chez le Dindon (g), le Canard (h),
rieures sont très grosses et descendent l'Ortolan (?) , la Corneille (/), etc.
sur les côtés de la crosse aorlique et (Zi) Cette anastomose existe aussi
du tronc des veines pulmonaires, puis chez les espèces où les veines jugu-
se recourbent en dedans pour gagner laires restent symétriques, et se voit
la face dorsale de l'oreillette droite [a). entre l'extrémité supérieure de l'œso-
(2) Par exemple, chez le Milan (6), phageetla colonne vertébrale. Lorsque
le Hibou (c), le Pigeon id), la Per- la jugulaire gauche est très réduite,
drix (e), le Coq (/"). cette branche transversale forme la con-
(3) Celte inégalité est très pronon- tinuation principale de la veine faciale
(a) Voyez Hunter, loc, cit., pi. 25, fig. 1.
— Laurillard, Atlas du Règne animal de Cnvler, Oiseaux, pi. 3, fig. 1 et 1 a.
(b) Neugebauer, Op. cit., pi. 39, fig1. 4.
(c) Idem, ibid., pi. 40, fig. 6.
(d) Idem, ibid., pi. 40, fig. 5.
(e) Idem, ibid., pi. 39, fig. 3.
(/■) Hunier, Op. cit. (Cat. of the Mus. of the Coll. ofSurg., I. II, p'. 25, fig. 1).
— Laurillard, Atlas du Règne animal de Cuvier, Oiseaux, pi. 3, fig. 1 a.
(g) Neugebauer, loc. cit., pi. 3G, fig. 1.
(h) Idem, ibid., pi. 38, fig, I.
(i) idem, ibid., pi. 39, fig. 5.
(;') Idem, ibid., pi. 40, lig. 3.
ft6G APPAREIL DE LA CIRCULATION
les jugulaires sont : 1° la faciale, ou céphalique antérieure, qui
résulte de la réunion de deux branches principales, une super-
ficielle et l'autre profonde ; 2° la veine céphalique postérieure,
qui reçoit le sang de la cavité crânienne et de la partie posté-
rieure delà tête. Le mode de groupementde tous ces vaisseaux est
très complexe et ne présente pas assez d'intérêt pour nous arrêter
ici ; mais je dois ajouter que plusieurs d'entre eux constituent
dans la région temporale, dans la région sous-orbitaire et derrière
l'oreille, des plexus très remarquables et analogues aux réseaux
admirables que le système artériel nous a déjà offerts dans
diverses parties de la tête de ces Animaux (1).
correspondante, qui semble se rendre
du côté droit pour constituer avec sa
congénère la jugulaire droite; dispo-
sition qui se voit chez le Dindon (a).
Ce tronc anastomotiqne transversal
reçoit aussi une veine occipitale qui
vient de la colonne vertébrale.
(1) Chez le Dindon , une veine
maxillaire supérieure vient du bec,
communique avec la faciale sons-
cutanée par une branche anastomo-
lique située derrière l'œil (6), reçoit une
veine sublinguale et une veine pala-
tine supérieure (c) ; puis, au-dessus de
l'articulation sphéno-ptérygoïdienne ,
se réunit à une veine ophthalmique
venant de l'œil (cl), de l'orbite et de
la fosse temporale, pour constituer le
tronc de la veine faciale interne ou
antérieure (e). Celle-ci reçoit: 1° une
veine alvéolaire qui accompagne le
nerf de la mandibule (f) ; 2° quelques
rameaux venant des muscles voisins ;
3° les branches efférentes d'un plexus
veineux situé près de l'os carré et
formé par la veine temporale (rete
mirabile venosum quadratoptery •
goideum), d'un plexus basilaire placé
à la partie supérieure et postérieure
du pharynx; h" une veine palatine
inférieure {g) ; enfin elle se joint à la
veine faciale externe ou postérieure.
On donne ce nom au tronc qui con-
tourne en arrière l'articulation de la
mâchoire inférieure, et qui résulte de
la réunion d'une veine faciale externe,
d'une veine palpébrale commune,
des veines temporales, d'une veine
auriculaire et du réseau tympano-
ptérygoïdien déjà mentionné. La fa-
ciale cutanée vient du front ou de la
caroncule cutanée dont celui-ci est
garni, traverse obliquement la face,
reçoit une veine mandibulaire et con-
ta) Neugebauer, Op. cit., pi. 36, fig. 2.
(b) Idem, ibid., pi. 37, fig. 1, n» 4 7.
(c) ltlem, ibid., pi. 36, fig. 2, n° 27.
(d) Idem, ibid., pi. 36, fig. 5, n" 8.
(e) Idem, ibid., pi. 36, fig. 2.
"(/') Idem, ibid., pi. 36, fig. 5, n° 3.
(g) Idem, ibid., pi. 36, fig. 3, n" 11 cl 1-.
CHEZ LES OISEALX. ÛG7
Les veines des ailes sont, les unes superficielles, les autres
profondes. Ces dernières suivent à peu près le même trajet que
les principales artères, et chez plusieurs espèces d'Oiseaux
grands voiliers, tels que le Condor, l'Épervier, la Grue et la
Cigogne, elles forment autour des artères cubitale et radiale
un plexus très remarquable (1). La veine axillaire, c'est-à-dire
le tronc commun formé par la réunion de tous ces branches, re-
çoit les veines principales de la paroi antérieure de l'abdomen
qui accompagnent les artères thoraciques et leurs dépendances.
Enfin la continuation de ce grand vaisseau prend, dans la
Veines
des ailes.
stitue au-dessous de l'orbite un plexus
fusiforme (a). La veine palpébrale pos-
térieure forme aussi un rete mirabile
en passant au côté externe du ligament
temporo-maxillaire (6). Les veines
temporales et auriculaires ne présen-
tent rien de remarquable. Enfin le ré-
seau tympano-ptérygoïdien contourne
l'os carré ou tym panique, et provienten
partie du rameau temporal de la veine
ophthalmique (c).
Toutesces veinesconcourent, comme
je l'ai déjà dit, à former de chaque
côté de la base du crâne une veine
faciale commune ou céphalique anté-
rieure, qui prend le nom de jugulaire
après avoir reçu la veine céphaliqus
postérieure, dans laquelle se déver-
sent plusieurs grands sinus veineux
qui sont logés dans la boîte crânienne
et reçoivent le sang des vaisseaux de
l'encéphale.
Les veines jugulaires reçoivent les
veines sous-cutanées du cou , des
ramuscules \enant de l'œsophage ,
de la trachée, de la colonne verté-
brale , etc. Les branches veineuses
du jabot y débouchent aussi à la base
du cou et sont très développées dans
les espèces où cet organe existe {d).
(1) Ce réseau veineux a été décou-
vert par MM. Vrolik et Schrôder
van der Kolk, chez le Sarcoram-
phus gryphus, le S. papa, le Faîco
(Haliœlos) albicilla, le F. Nisus, le
Strix otus, VArdea purpurea, le Grus
cinerea , le Podiceps cristatus , le
Larus ridibundus., le Carbo cormora-
nus et le Cygnus olor. Ces anatomisles
l'ont trouvé faiblement développé chez
YAnas niger; mais ils n'en ont pas
rencontré la moindre trace chez la Pie
et le Corbeau; enfin, ils en ont trouvé
des vestiges chez le Kakatoès, le Coq,
le Dindon , le Pigeon , le Coq de
Bruyère à queue fourchue, etc. (e).
(a) Neugebauer, Op. cit., pi. 37, fig. G, n* 7.
(b) Idem, ibid., pi. 37, fig. G, n° 4.
(c) Idem, ibid., pi. 3G, fig. 5, n° 24.
(rf) Hunter, Cat., t. II, pi. 25, fig. 1.
(e) Schrœder van der Kolk et W. Vrolik, Nasporingen omirent vaalvlechlen bij onderscheiden
Diervormen (Bijdragen tôt de Dierkunde uitgegeven door hel genootschap nalura artis magistra
te Amsterdam, 1" partie, 1848). — Recherches sur les plexus vasatlaires chez- différents Ani-
maux {Ann. des sciences nat., 4e série, t.-V, p. 111, pi. 4).
&G8 APPAREIL DE LA CIRCULATION
région claviculaire, le nom de veine sous-clavière, et se con-
fond, comme je l'ai déjà dit, avec la jugulaire correspondante
pour constituer la veine cave supérieure du même côté.
veines Les veines des pattes forment en général au bas de la jambe
des pactes. , , ,
un plexus très développe, et le tronc principal auquel ces vais-
seaux donnent naissance remonte d'abord dans la cuisse, à côté
de la grande artère fémorale; mais, en approchant du bassin,
il l'abandonne pour se rapprocher de l'artère crurale et péné-
trer dans l'abdomen, en passant devant le bord de l'os de la
hanche (1). La veine crurale ou iliaque externe, ainsi constituée,
reçoit dans la région pelvienne une grosse veine hypogasfrique
ou iliaque interne, ainsi que des veines rénales ; enfin, sous le
nom d'iliaque commune, elle remonte obliquement vers la région
lombaire et se réunit à sa congénère pour former la veine cave
iïlX abdominale. Les veines hypogastriques qui apportent le sang
de la région anale traversent la substance des reins, mais ne
paraissent pas y fournir des branches afférentes comme chez les
Reptiles, les Batraciens et les Poissons, de sorte que l'on ne
retrouve plus dans la classe des Oiseaux de système de veines
portes rénales bien caractérisé (2); mais le système de la veine
(1) Pour plus de détails, au sujet de beau autour du nerf et de l'artère
l'origine et du trajet des veiues ilia- fémorale (d).
ques et de leurs affluents, je renverrai (2) Jacobson avait cru que les veines
à la Monographie de M. Neugebauer(a). hypogastriques qui ramènent le sang
MM. CarusetV. Otto ont donné aussi des parties profondes du bassin se
une figure de ces vaisseaux chez le ramifiaient dans la substance des
Cygne (b), et Elunter les a représentés reins et constituaient pour ces glandes
chez le Coq (c). un système de veines afférentes (e) ;
Dans le Cormoran et le Cygne, les mais Nicolaï a reconnu que ces troncs
veines forment un plexus réticulé très ne font que plonger en quelque sorte
(a) Neugebauer, Op. cit. (Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XXI, pi. 43, fig. 1 et 2).
(b) CarusetV. Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 6, fig. 1.
(c) Hunter, loc. cit., t. II, pi. 25, fig. 1 .
(à) Schrœder van der Kolk et Vrolik, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. V, pi. 4, fig. 3).
(e) Jacobson, De systemate venoso peculiari in permnUis Animalibvs observato, p. 3 (182J).
CHEZ LES OISEAUX.
469
porte hépatique est très développé et reçoit même une portion du
sang qui arrive par les veines de la queue (1).
Les veines hépatiques qui, dans la substance du foie, nais-
dans le tissu rénal, et en ressortent
bientôt pour aller déboucher dans les
veines iliaques internes (a). Les obser-
vations de ce naturaliste ont été con-
firmées par les recherches plus ré-
centes de Cuvier , de Meckel , et de
M. Neugebauer (6).
M. Ovven a présenté quelques vues
intéressantes au sujet du rôle physio-
logique des communications qui exis-
tent entre les veines des reins et les
autres parties du système circulatoire.
Il a fait remarquer qu'à l'aide des
anastomoses établies entre ces veines
et les veines iliaques, d'une part, et
certaines branches dépendantes des
veines mésentériques, d'autre part, le
sang qui a circulé dans cette glande
peut aller en majeure partie , soit
dans la veine cave et de là dans le
système pulmonaire , soit dans le
système de la veine porte, et il pense
que le courant principal s'établit par
l'une ou l'autre de ces voies, suivant
le degré d'activité relative du travail
respiratoire ou des fonctions diges-
tives. Or la circulation pulmonaire
doit être surtout active chez les Oi-
seaux grands voiliers, qui font une
très grande dépense de forces mus-
culaires; et c'est au contraire lors-
que les Oiseaux de proie sont gorgés
de nourriture, ce qui les plonge dans un
état de torpeur, que la circulation
viscérale doit devenir prédominante.
Il est cependant à noter que chez
l'Aptéryx, oiseau qui est privé de la
faculté de voler, M. Owen n'a rien
observé dans la disposition des veines
rénales qui soit en accord avec cette
hypothèse relative aux modifications
que l'état physiologique détermine-
rait dans le cours du sang veineux
des viscères (c).
(1) Le système de la veine porte
des Oiseaux se compose de deux
troncs principaux et de leurs af-
fluents : l'un est situé à droite, et pé-
nètre dans la portion supérieure et
droite du foie ; l'autre à gauche, et se
rend à la portion inférieure et gauche
du même organe (d). Le premier se
compose de la réunion d'une veine
mésentérique commune, qui elle-même
reçoit une veine mésentérique infé-
rieure fournie par l'arcade que les
veines hypogastriques constituent au-
devant du coccyx ; d'une veine més-
entérique antérieure, qui naît dans la
partie postérieure du tube intestinal ;
d'une veine dont les branches viennent
du pancréas, du duodénum, du cae-
cum , etc., et d'une veine gastro-
splénique. La veine porte gauche est
formée principalement par une veine
gastrique.
(a) Nicolaï, Untersuch. iiber den Verlauf und die Vertheihuig der Yenen beieinigen Vôyeln, etc.
sw, 1826, t. I,p. 404).
(b) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 244.
— Meckel, Traité d' anatomie comparée, t. IX, p. 3"4.
— Xeugebauer, Op. cit., p. 105.
(c) Owen, On the Anatomy of the Southern Aptéryx (Trans. of the Zool. Soc, t, II, p. 375).
(d) Hunter, loc. cit., pi. 25, %. 1.
— Neugebauer, Op. cit., pi. 49, fig. 1, etc.
Petite
circulation.
/l70 APPAREIL DE LA CIRCULATION
sent des ramuscules terminaux de la veine porte (1), débou-
chent, comme d'ordinaire, dans la veine cave inférieure qui
traverse une portion de cet organe pour se rendre à l'oreil-
lette (2), et qui sur ce point présente chez quelques Oiseaux
aquatiques une grande dilatation en forme de réservoir (3).
§ 6. — L'artère pulmonaire, qui nait de la partie gauche du
ventricule droit, ne présente rien de remarquable ; à son en-
trée elle est garnie de trois valvules semi-lunaires disposées
de façon à empêcher le reflux du sang vers le coeur ; presque
immédiatement elle se divise en deux branches qui divergent
adroite et à gauche pour gagner les poumons correspondants,
et qui, dès leur entrée dans ces organes, se subdivisent en trois
rameaux et se terminent dans le réseau capillaire dont les cel-
lules pulmonaires sont entourées (&). Le passage entre ces
(1) Ces veines forment deux gros
troncs. Une veine ombilicale, dont Jes
branches viennentdes réservoirs pneu-
matiques de l'abdomen et du péritoine,
remonte sur le devant du ventre et
va déboucher dans la veine hépatique
gauche (a).
(2) L'ouverture de la veine cave
postérieure est placée à la partie su-
périeure et dorsale de l'oreillette, au-
dessus de celle des veines caves anté-
rieures qui arrivent horizontalement en
contournant la hase de l'oreillette (6).
Le premier de ces orifices est bordé
latéralement par deux larges valvules
semi-lunaires, de structure musculo-
membraneuse, dont la gauche dé-
tourne le courant sanguin de la fosse
ovale, et dont la droite se prolonge
sur le bord gauche de l'embouchure
de la veine cave antérieure, de façon
à diriger également le courant de ce
vaisseau vers l'orifice auricu'o ventri-
culaire et à l'empêcher de se porter du
côté de la fosse ovale. Une autre val-
vule, plus membraneuse, borde du
côté droit l'embouchure de la veine
cave antérieure droite (c).
(3) iMeckel a constaté l'existence de
ce réservoir veineux , formé par un
élargissement de la veine cave posté-
rieure, chez les Plongeons (d).
(4) L'artère pulmonaire commence
à l'angle antérieur et interne du ven-
tricule droit, passe sous l'origine de
l'aorte, et se porte à gauche de ce
vaisseau, puis se bifurque. La brandie
gauche passe derrière la veine cave
(a) Ralhke, L'eber den Dau und die Entwickelung des Venensystems der Wirbelthlere (Drilter
Berkhtûber das Naturwissenschaftliche Seminar z-u Kônigsberg, 1838, p. 12 et 13).
— Neugebaucr, Op. cit., p. 633, pi. 50.
(b) Voyez Laurillard, Atlas du Règne animal de Cuvier, Oiseaux, pi. 3, %. 1 .
(c) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, 1. VI, p. 298.
(d) Mert<el, Traité d'anatomie comparée, I. IX, p. 373.
CHEZ. LES OISEAUX. Ô71
BPtérioles et les vaisseaux efférents du système de la petite cir-
culation, ou veines pulmonaires, sont assez larges pour que les
injections fines puissent couler facilement des unes dans les
autres. Les principales branches veineuses qui en naissent sui-
vent à peu près le même trajet que les artères et se réunissent
en un tronc unique situé derrière le canal aérien. Enfin, les
deux veines pulmonaires ainsi constituées se joignent sur la
ligne médiane pour aller déboucher dans l'oreillette gauche (1).
11 est aussi à noter que chez les Oiseaux le système artériel
de la grande circulation ne fournit pas de vaisseaux nourriciers
aux canaux aérifères des poumons, et qu'il n'y a par conséquent
dans le parenchyme de ces organes qu'une seule sorte de
capillaires (2).
du côté gauche, et la brandie droite
contourne en arrière le commence-
ment de l'aorte (c).
Chacune des artères pulmonaires
spéciales, en arrivant au poumon, se
trouve placée au-devant de la bronche
correspondante. Une de ses branches
principales se porte en avant et se
distribue, au tiers antérieur du pou-
mon ; la seconde, qui semble être la
continuation du tronc principal, ac-
compagne d'abord la bronche intra-
pulmonaire; mais ses rameaux diver-
gent dans tous les sens et n'ont aucun
rapport avec les divisions bronchi-
ques; enfin la troisième, plus petite
que les précédentes, est située entre
le bord externe des poumons et les
bronches dites costales. Les dernières
ramifications de ces vaisseaux qui se
répandent sur les parois des canaux et
des canalicules, ou cellules aérifères,
y affectent principalement la forme de
pinceaux ou d'aigrettes (b).
(1) Ces veines passent entre la face
antérieure des bronches et les veines
caves, et débouchent à la parlic supé-
rieure ci interne de l'oreillette gauche,
derrière l'artère pulmonaire (c).
Quelquefois il existe, aux points de
rencontre de leurs principales bran-
ches, des replis valvulaires assez bien
caractérisés. Meckel a remarqué celte
disposition chez l'Autruche et le
Casoar {cl).
('2) Il en résulte que la nutrition
de ces organes s'effectue ici à l'aide
des vaisseaux qui sont affectés prin-
cipalement à la fonction de la respi-
ration (c).
(a) Voyez Y Atlas du Règne animal de Cuvier, Oiseaux, pi. 3, fig. i a.
(b) Sappey, Recherches sur l'appareil respiratoire des Oiseaux, p. i 1 ,
(c) Voyez l' Atlas du Règne animal de Cuvier, Oiseaux, pi. 3, frg. 1.
(d) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 370.
(e) Sappey, Op. cit., p. 12.
/|72 APPAREIL DE LA CIRCULATION CHEZ LES OISEAUX.
§ 7. — En résumé , nous voyons donc que l'appareil circu-
latoire des Oiseaux est plus parfait que celui des Reptiles, que
la division du travail physiologique y est portée plus loin , et
que la centralisation des fonctions y est plus complète. Ici , en
effet, la grande et la petite circulation sont parfaitement sépa-
rées, et les deux grandes divisions du système vasculaire qui
y sont affectées sont pourvues chacune d'un organe d'impulsion
spécial et indépendant. Non-seulement le cœur est pourvu de
deux ventricules et de deux oreillettes distinctes, mode d'orga-
nisation que nous avons déjà rencontré chez les Reptiles supé-
rieurs dont se compose la famille des Crocodiliens , mais le
ventricule droit est affecté exclusivement au service de la
circulation pulmonaire, disposition qui ne se voit chez aucun
Vertébré à sang froid. C'est également dans la classe des Oiseaux
que, pour la première fois, nous avons trouvé la totalité du
système artériel général constitué par une seule crosse aortique
impaire. Sous tous ces rapports, les Oiseaux ressemblent extrê-
mement aux Mammifères ; mais, ainsi que nous le verrons dans
la prochaine Leçon, ils s'en distinguent par certaines particula-
rités du système circulatoire aussi bien que par les caractères
que nous a déjà fournis l'appareil de la respiration.
TRENTIEME LEÇON.
De l'appareil de la circulation chez les Mammifères.
§ 1. — Tout ce que j'ai dit dans les Leçons précédentes sur Mode je
le mode de formation de l'appareil circulatoire pendant les e"u°Sen
premières périodes de la vie embryonnaire du Poisson, du dépendances.
Batracien, du Reptile et de l'Oiseau, est applicable aussi à la
classe des Mammifères ; mais ici encore cette similitude pri-
mordiale n'est que transitoire, et des différences correspon-
dantes aux divisions successives que la Nature semble avoir
voulu établir parmi les dérivés du type Vertébré apparaissent
successivement soit dans la conformation du cœur, soit dans
la manière dont le système artériel se transforme pour arriver
à son état définitif.
Chez tout embryon de Vertébré ordinaire, c'est-à-dire chez
tous les Animaux de ce grand embranchement , l'Amphyoxus
excepté, le cœur, représenté d'abord par un vaisseau longitu-
dinal de forme cylindrique, se développe bientôt d'une manière
inégale, et présente de la sorte une série de trois chambres ou
poches placées à la file et séparées par des étranglements : le
premier de ces réservoirs en allant, comme le fait le sang,
d'arrière en avant, est le vestibule cardiaque ou sac auriculaire ;
le second est le sac ventriculaire, et le troisième le sac artériel.
Chez tous ces embryons, le tube moniliforme ainsi constitué
se recourbe aussi en manière d'anse, et le sac postérieur ou
auriculaire chevauche sur les réservoirs suivants, de façon ta
aller se placer nu-dessus ou même en avant du sac ven-
!ill\ APPAREIL DE LA CIRCULATION
triculaire , et c'est ce dernier dont les parois acquièrent le plus
d'épaisseur (1).
A la fin de cette période commune, la direction du travail
embryogénique varie suivant que le petit être en voie de for-
mation appartient à la division des Vertébrés Anallantoïdiens
ou des Vertébrés Allantoïdiens.
Dans le premier cas, le réservoir antérieur se perfectionne
et devient le bulbe artériel; dans le second, il se confond avec
le réservoir ventriculaire et disparaît.
Les arcs vasculaires qui en partent, et qui constituent la
portion basilaire du système artériel, cessent aussi de se déve-
lopper d'une manière similaire : chez les Anallantoïdiens, ils
donnent naissance à une sorte de réseau capillaire qui en inter-
rompt la continuité et devient le siège du travail respiratoire ;
chez les Allantoïdiens, ces arcs restent simples et ne se résol-
vent jamais en appendices branchiaux, mais se perfectionnent
(1) La premii re forme que le cœur courbure, de renflemeni et de torsion
revêt, savoir, celle d'un tube cylin- que ce vaisseau présente à mesure
di'iqnc presque droit, est plus facile à qu'il se développe et constitue un
observer cbez les Oiseaux (a) que cbez cœur à plusieurs loges, je renverrai
les Mammifères, mais se voit très bien également aux ouvrages de ces deux
dans une figure donnée par M. Bi- derniers auteurs et aux planches pu-
schpff et représentant un embryon de bliées sur le même sujet par M. Wag-
Lapin âgé de quelques heures seule- n'er [d). Quelques-unes de ces formes
ment (b), ainsi que dans les planches transitoires ont été représentées dans
de M. LIausmanh, relatives à la struc- les belles planches relatives à Pein-
ture de l'embryon du Mouton et du bryologie de la Brebis (e) et de l'espèce
Cheval (c). Pour les divers degrés de humaine (/"), dues à M. Cosle.
(a) Voyez Prévost et Dumas, Développement du cœur (Ami. des sciences nat., 1824, t. III,
pi. IV, fig. 30).
— Remak, Untersuch. ùber die Entwickelung der Wlrbelthiere, pi. 4, fig. 3G (1851).
(b) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, pi. 13, fig. 58 {Encyclop.
anatomique, 1843, t. VIII).
(c) Hausmarm, Ueber die Zeugung und Entstehung des luahreniveiblkhen Eies bel den Sauge-
thieren und Menschen, pi. 0, fis. 1, et pi. 10, fig. 11 (1840).
{d) Pi. Wagner, Icônes physiologicœ, pi. 0, fig. 13, 14 et 15.
(«) Cosle, Histoire générale et particulière du développement des corps organisés , Vertébré.?,
Rrebis, pi. 4, 5 et 6 (1844).
{() Cosle, Op. cit., pi. 2 a, fig. 2, elc.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. /l75
d'une autre manière, et deux d'entre eux constituent une paire
de crosses aorliques.
Les embryons des Vertébrés Allantoïdiens , en avançant
davantage dans leur développement, cessent d'être conformés
sur le même plan , lorsqu'ils appartiennent , d'une part à la
classe des Reptiles , d'autre part à celle des Oiseaux ou des
Mammifères. Dans le premier cas, le jeune Animal conserve
ses deux crosses aortiques paires , et le réservoir auriculaire
du cœur se divise en deux loges avant que rien de semblable
se soit effectué dans la loge ventriculaire. Dans le second
cas, une seule crosse aortique se développe d'une manière
permanente, et l'autre disparaît plus ou moins promptement.
Enfin, le cloisonnement intérieur des cavités du cœur s'effectue
autrement : le réservoir ventriculaire, qui, chez les Reptiles
reste indivis ou ne se partage que tardivement en deux cavités,
est ici le premier à s'enrichir d'une cloison complète, et le
réservoir auriculaire reste, au contraire, imparfaitement divisé
pendant toute la durée de la vie embryonnaire (1).
La similitude primordiale de l'appareil circulatoire se con-
serve donc plus longtemps entre les Mammifères et les Oiseaux
qu'entre ceux-ci et les Reptiles. La ressemblance définitive est
aussi plus grande; mais cependant, longtemps avant la fin de la
vie embryonnaire, les progrès du développement amènent
certaines différences entre ces deux types d'Animaux à sang
chaud. Ainsi, chez le Mammifère, ce n'est pas à l'aide de l'un
des arcs vasculaires du côté droit du système artériel que la
crosse aortique se constitue, mais au moyen de l'autre moitié de
ce même système, de façon que cette crosse, au lieu de passer à
(1) Pour plus de détails à ce sujet, l'Homme cl des Mammifères (1), me
je renverrai à l'excellent ouvrage de réservant d'y revenir dans la seconde
iM. Bischoff sur le développement de partie de ce cours.
) Bischofï, Op. cit., p. 252 el suis
Caractères
généraux
du système
circulatoire
des
Mammifères.
/|76 APPAREIL DE LA CIRCULATION
droite de l'œsophage, se trouve située du côté gauche de cet
organe (4). 11 y a aussi des différences dans le mode de per-
fectionnement du cœur, et les valvules auriculo-ventriculaires,
au lieu d'être conformées d'une manière différente dans les
cavités droites et gauches , offrent le même mode de structure
des deux côtés.
Il résulte de ce mode de développement que dans la classe des
Mammifères, de même que chez les Oiseaux, le cœur est tou-
jours complètement séparé en deux systèmes de cavités contrac-
tiles : une oreillette et un ventricule de chaque côté ; la circu-
lation est double et complète ; enfin le système artériel est
simple à son origine , c'est-à-dire pourvu d'une seule crosse
aortique. Mais l'appareil circulatoire du Mammifère se distingue
de celui de l'Oiseau par plusieurs caractères d'une valeur secon-
daire, tels que la direction de cette portion de l'aorte et la struc-
ture des valvules auriculo-ventriculaires des cavités droites du
cœur. J'ajouterai aussi que chez les Mammifères le système
veineux ne présente plus dans la partie postérieure de la région
abdominale ce mode particulier de distribution que nous
avons rencontré chez les Reptiles, les Batraciens et les Pois-
sons : il n'y a plus aucune trace d'une veine porte rénale,
et la veine porte hépatique est le seul réseau capillaire que le
sang noir rencontre sur son passage en allant des veines vers
le cœur.
Ces notions préliminaires étant acquises, examinons d'une
manière plus attentive chacune des portions constitutives de
(1) L'étude comparative de l'emploi
organique des différents arcs vascu-
laires, ou crosses aortiques primor-
diales, chez les divers Vertébrés, vient
d'être reprise par M. Ralhke, et les
résultats obtenus ont été rendus fa-
ciles à saisir à l'aide d'une série de fi-
gures théoriques (a). Voyez aussi à ce
sujet les recherches de M. Baer (6).
(a)Rathke, Untersuchungen ûber die Aortenwurxeln, p. 50 et suiv., pi. G, fig\ C à 10 (extrait
des Mém. de l'Acad. des sciences de Vienne, t. XIII).
(6) Voyez Burdach, Traité de physiologie, t. III, p. 518, pi. 4, fig. 3.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 477
l'appareil circulatoire chez les Mammifères en général, mais
plus particulièrement chez l'Homme, et occupons-nous d'abord
du COEUR.
§ 2. — Chez l'Homme et les autres Mammifères, de même position
que chez les Oiseaux, les Reptiles, les Batraciens et les Poissons,
le cœur se montre d'abord dans la région pharyngienne du
corps, mais il ne conserve cette position que chez les Poissons,
et chez tous les Vertébrés supérieurs, par suite de la croissance
inégale des parties, il se trouve bientôt porté très loin de la tête
et logé dans le thorax (1). Primitivement il y est simplement
appendu, mais l'espèce de voûte que le corps du petit embryon
forme dans cette région ne tarde pas à s'élargir et à descendre,
puis à se recourber en dedans, de façon à constituer les parois
latérales et sternales de la cavité viscérale , et a renfermer
cet organe dans la chambre thoracique ainsi constituée. Chez
l'embryon humain, à l'âge de cinq ou six semaines, le cœur
se trouve suspendu verticalement sur la ligne médiane (2) et il
descend jusque dans l'abdomen , car son volume relatif est très
considérable et le diaphragme n'est pas encore formé ; mais
vers la fin du second mois, le développement du foie l'oblige à
quitter sa direction verticale, et sa pointe se dirige alors en
(1) Cette position du cœur dans le chez un embryon de Chien dont le
voisinage immédiat de la région plia- développement était moins avancé,
ryngienue se voit chez quelques em- et dont M. Hausmann a donné des
bryons humains très jeunes figurés figures {cl).
par Meckel {a) et par M. Coste (b), (!2) Voyez comme exemple de Celte
mais était encore plus prononcée chez disposition l'embryon humain d'envi-
un jeune embryon de Cocbon ob- ron vingt-huit jours représenté par
serve par M. Rathke (c), et surtout M. Coste (e).
(a) Meckel , Beitrâge zur Blldungsgeschkhte des Herzens und derLungen der Sâugethieve
(Deutsches Archiv fur die Physiologie , 1816, t. II, p. 402, pi. 4, flg. 1, 3, etc.).
(b) Coste, Histoire du développement des corps organisés, pi. 4a, fig. 1.
(c) Rathke, Ueber die Entwickelung der Athrneiwerkz-euge bei den Vôgeln und Sâugelhieren
iNova Acta Acad. Nat. curios., 1828, t. XIV, pi. 17, fig. 3).
(d) Hausmann, Op. cit., pi. 5, fig. 6 et 7.
(e) Coste, Op. cit.; pi. 3 a, fig. B.
Û78 APPAREIL DE LA CIRCULATION
avant. Chez la plupart des Mammifères, il conserve toujours
cette position, et, placé à peu près sur la ligne médiane, il est
dirigé directement d'avant en arrière. Chez l'Homme, au con-
traire, vers le commencement du quatrième mois de la vie
embryonnaire, il cesse d'être placé symétriquement-, il se con-
tourne sur lui-même, et sa pointe se porte à gauche. Une
déviation analogue se remarque aussi chez quelques autres
Mammifères (1), et il résulte de cette disposition que chez ces
espèces le cœur se trouve couché obliquement sur le dia-
phragme. Ainsi, chez l'Homme, son grand axe, dirigé de haut
en bas, d'arrière en avant et de droite à gauche, forme avec la
ligne verticale un angle d'environ 50 degrés ; sa base corres-
pond aux vertèbres dorsales comprises entre le quatrième et
le huitième de ces os inclusivement, et son sommet s'applique
contre les cartilages des cinquième et sixième côtes du côté
droit (2). Il est suspendu par les gros vaisseaux qui sont en
(1) Celte position oblique du cœur
existe aussi chez les Singes les plus
élevés en organisation : elle est plus
prononcée chez l'Orang et leChimpanzé
que chez les autres Quadrumanes, et
quelques analomisles pensent qu'elle
se rattache à la position bipède (a) ;
mais elle se remarque aussi chez
quelques Mammifères dont le corps
est horizontal, la Taupe, par exem-
ple (6), et elle dépend de la forte
saillie du diaphragme dans l'intérieur
de la cavité du thorax.
Il est aussi à noterquechez l'Homme
le plan longitudinal correspondant à la
cloison interventriculaire est incliné
de façon que le ventricule gauche se
trouve en bas et en arrière, tandis que
le ventricule droit est antérieur et su-
périeur. C'est à raison de cette obli-
quité qu'on désigne quelquefois le
ventricule droit sous le nom de ven-
tricule antérieur, et celui de gauche
sous le nom de ventricule postérieur.
(2) La position du cœur est sujette
à varier un peu, soit dans certaines
attitudes du corps ou pendant les
contractions violentes du diaphragme,
soit dans quelques cas pathologiques.
Ainsi, dans des cas d'hydrothorax du
côté gauche, cet organe est souvent
plus ou moins refoulé à droite.
On rencontre aussi parfois des cas
du vice de conformation nommé ecto-
pie du cœur, dans lesquels ce viscère
est plus ou moins déplacé et se trouve
(a) Cruvcllliier, Traite d'anatomie descriptive, l. It, p. 498 (1843).
(b) Uaubcnloii. Voyez Bufl'on, Histoire naturelle des Mammifères, t. IV, p. 48G.
< HEZ LEfc» MAMMIFÈRES. /|79
con'nexité avec su base, et il est maintenu en place de chaque
côté par les parties voisines des deux plèvres costales qui,
adossées l'une à l'autre, constituent au milieu de la poitrine une
sorte de cloison membraneuse verticale, nommée médiastin.
Latéralement il est en rapport avec les poumons, qui le débor-
dent en avant, surtout vers sa base, et s'interposent ainsi entre
sa face antérieure et les parois du thorax.
Le péricarde forme autour du cœur, comme chez les autres péricarde.
Vertébrés, une double tunique séreuse. Chez l'Homme,' cette
membrane se constitue vers la neuvième semaine de la vie
embryonnaire , et son feuillet interne n'adhère d'abord que
faiblement à la surface du cœur. Le feuillet externe de ce sac
est aussi presque libre primitivement; mais, par les progrès du
développement , il conlracte une union intime avec la portion
tendineuse correspondante du diaphragme, et s'accole latérale-
ment aux deux lames du médiastin (1).
rejeté à droite (a) , ou même éloigné lier la clôture des parois antérieures
encore davantage de sa position noi - du thorax, il peut rester hors de cette
maie; mais cela est très rare, et c'est cavité, ainsi cpie cela a été observé
seulement après avoir traité spécia- chez quelques enfants nouveau-nés,
lement du développement de l'em- ou être recouvert seulement par la
bryon que .nous pourrons examiner peau. La plupart des médecins de
utilement ces cas tératologiqnes. Je Paris, del'Allemagne et de l'Angleterre
me bornerai à ajouter ici que, par ont eu l'occasion d'observer, il y a
l'effet d'un arrêt de développement peu d'années, un cas de ce genre chez
du diaphragme, le cœur a pu être un Homme adulte, nommé doux ,
trouvé dans l'abdomen , et que , par qui avait une fissure congénitale du
suite d'un vice semblable dans le sternum (6).
travail organogénique destiné à ame- (1) Chez un petit nombre de Mam-
(ct) Voyez Breschet, Mêm. sur l'ectopie de l'appareil de la circulation, et particulièrement du
cœur (Répertoire général d'anatomie et de physiologie, 1826, t. H, p. 1).
— Ollo, Seltene Beobachtangen, lr* parlie, p. 95, et 2° partie, p. il.
(b) Hamcrnjk, Fissura sterni (Wiener med. Wochenschr., 1853, n"'29-32, et Schmidt's Jahr-
bûcher der gesammten Medicin, 1853, t. LXXX. p. 296).
— Martin, Rapport fait à l'Académie de médecine sur un cas de fissure du sternum présenté
par M. Grouse (Gazette hebdomadaire, 4855, t. II, p. 260).
— Ernst, Studien uber die Herzlhâtigkeit, mit besonderer Berûcksichtigung der an H. Groux's
Fissura sterni congenita gemachten Beobachtangen (Archiv fur pathol, Anat. und Physiol , t. IX,
p. 209).
Ut. 31
Volume
du cœur.
/|8Û APPAREIL DE L.V CIRC'JLATIO^
Le volume du cœur est assez considérable , compara-
tivement à celui du corps , et continue à augmenter long-
mifères, mais surtout chez le Héris-
son, le péricarde, dont j'ai déjà eu
l'occasion de Taire connaître la dispo-
sition générale (a), est si mince, qu'on
ne le distingue qu'avec peine, et que
son existence a été méconnue par
quelques anatomisles, et notamment
par Blâsius et Peyer (6); mais il ne
manque réellement chez aucun de ces
Animaux, et les exemples de l'absence
anormale de cette tunique sont même
extrêmement raies. On cite cepen-
dant quelques cas où le cœur était
réellement dépourvu de péricarde
chez l'Homme. D'autres fois il a
paru manquer, parce qu'il adhérait
tout entier au cœur et se trouvait ré-
duit presque à du tissu conjonctif (c).
Dans l'état normal, son feuillet interne
(ou Vépicarde) , qui est très mince,
adhère intimement à la surface du cœur
et du commencement des gros vais-
seaux, et n'estque juxtaposé à son feuil-
let externe, dont il est même séparé
par une couche très mince de liquide
séreux. Dans quelques cas pathologi-
ques, ce liquide devient très abondant,
et son accumulation constitue la mala-
die désignée sous le nom d'hydropéri-
carde ou d'hydropisie du cœur. Il est
aussi à noter que la surface interne du
péricarde est revêtue d'une couche de
tissu épithélique pavimenteux, et que
c'est seulement à la suite d'accidents
inflammatoires que des brides analo-
gues à celles dont nous avons rencon -
tré de si fréquents exemples chez les
Vertébrés inférieurs, s'y développent.
Le feuillet externe est beaucoup plus
épais que le feuillet cardiaque, et les
libres élastiques qui le garnissent en
dehors sont beaucoup plus dévelop-
pé! s ; elles constituent un réseau et
rendent la poche ainsi constituée peu
extensible. Enfin du tissu conjonc-
tif l'unit extérieurement au sternum
en avant, et latéralement aux deux
lames du médiastin,ou portion interne
du feuillet costal des plèvres, entre
lesquelles il se trouve placé. Chez
l'Homme, chez l'Orang - Outang et
chez quelques autres Singes, le péri-
carde adhère aussi très fortement au
centre tendineux du diaphragme. Il
en est de même chez les Baleines (d),
les Dauphins et le Narwal ; mais chez
la plupart des Mammifères il se trouve
complètement séparé de celte cloison
musculaire, et. les poumons venant à
s'interposer entre celle-ci et son ex-
trémité postérieure, il est retenu dans
cette direction par le médiastin seu-
lement.
Les petits vaisseaux qui distribuent
le sang dans la couche, fibreuse du
péricarde viennent des parties cir-
con voisines» cl sont fournis par les
artères bronchiques, œsophagienne,
phrénique, mammaire interne, coro-
naire, etc. On y découvre aussi des
vaisseaux lymphatiques et des fila-
ments nerveux qui dépendent des
(a) Voyez ci-ilcssus, p. 311 et suiv.
(6) Voyez BlumenWhj Handbuch der verglekh. Anatomie, p. 221 (1 805).
(c) Voyez Brcschet, Mém. sur les vices de conformation congénitale des enveloppes du cœur
(Répertoire général d' anatomie, t. I, p. 212).
[d) Hunier, Observations sur la structure et l'économie des Baleines (Œuvres, I. IV, p UH).
chez Les mammifères. /|81
Icmps après que les autres organes ont terminé leur crois-
sance (l).
nerfs ph réniques et récurrent du côté
droit (a).
C'est à raison du peu d'extensibilité
de cette tunique que l'épanchcment
brusque d'une quantité minime de
sang dans son intérieur détermine
souvent une mort subite, en compri-
mant le cœur et l'empêchant de fonc-
tionner. C'est de la sorte que parfois
une hémorrhagie de 250 grammes, qui
produirait à peine un peu de faiblesse
si elle était extérieure, peut devenir
mortelle instantanément quand elle a
son siège dans le péricarde.
L'épicarde, ou feuillet cardiaque du
péricarde, est généralement transpa-
rent, mais présente souvent des taches
blanchâtres qui ne paraissent pas être
dues à un état pathologique, et dépen-
dent plutôt des modifications que l'âge
amené dans la constitution de cette
membrane (6).
(1) Dans les premiers temps de la
vie embryonnaire, le volume relatif du
cœur est beaucoup plus considérable
qu'à l'époque de la naissance. Ainsi
Meckel estime que cet organe repré-
sente ^ du volume total du corps,
chez un embryon humain de deux à
trois mois, et seulement ~ chez
un fœtus à terme. Pendant la jeu-
nesse et l'adolescence, le cœur paraît
grandir à peu près proportionnelle-
ment au reste du corps; mais il ré-
sulte des observations nombreuses
recueillies par M. Bizot, qu'il continue
à augmenter de volume après que la
croissance générale est terminée, et
qu'il grandit en épaisseur aussi bien
qu'en capacité jusque dans la vieil-
lesse (c).
L'hypertrophie, ou développement
excessif du cœur, est une cause de trou-
ble considérable dans les fonctions
de l'appareil circulatoire, et consécuti-
vement dans l'organisme tout entier ;
aussi les pathologistes ont-ils étudié
avec beaucoup d'attention le volume
et le poids normal de cet organe chez
l'Homme. Laënnec, à qui la médecine
doit beaucoup d'observations impor-
tantes pour le diagnostic des maladies
du cœur, estimait que dans l'état sain
!e volume de cet organe est à peu près
égal à celui du poing du sujet auquel
il appartient (rf); mais aujourd'hui on
ne se contenie pas de cette approxima-
tion, et l'on a cherché à évaluer avec
plus de précision, d'une parties dimen-
sions de ce viscère, d'autre part son
poids, et beaucoup de déterminations
de ce genre ont été faites par MM. Bouil-
laud, Bizot, Neucourt en France (e),
et par MM. Peacock et Clendenning en
Angleterre. Ce dernier (en se fondant
sur environ /i00 observations) a trouvé
(a) Voyez Kiïlliker, Traité d'histologie, p. 600.
(6) Bizot, Recherches sur le cœur et le système artériel chez l'Homme (Mém. de la Soc. méd.
d'observation de Paris, 1836, t. I, p. 347).
(c) Bizot, Op. cit. (Mém. de la Soc. méd. d'observ* de Paris, 1836, t. I, p. 262).
(d) Lnè'nnec, Traité de l'auscultation médiate , 1826, t. II, p. 404, 2° édit.
(é) Bouillauii, Traité clinique des maladies du cœur, 1835, t. I, p. 25 et suiv.
— Bizot, Op. cit. (Mém. de la Soc. méd. d'observation, 1836, t. 1).
— Neucourl, De l'état du cœur chez le vieillard (Archives gén. de médecine, 1843, 3° séïie;
t. 111, p. 1).
— Peacock, On the Weight and Dim-ensions of the lleart in Health and Diseases (Monthly
Joum. of Med. Se, 1854, t. XVIII, p. 193).
Forme
du cœur.
ft82 APPAREIL DE LA CIRCULATION
A l'époque où le sac ventriculaire se divise intérieurement
en deux loges par le développement d'une cloison, une scissure
se forme à la surface extérieure de cet organe, et en partage le
sommet ou partie inférieure en deux moitiés correspondantes
pour poids moyen, chez l'Homme, à
l'état normal :
De 15 à 30 ans. . . 264 grammes.
30 à 50 272
50 à 70 298
70 et au-dessus . . 312
Les pesées comparatives faites chez
les femmes ont donné pour les mêmes
catégories d'âges : 260, 272, 276 et
256 grammes (a).
Dans les cas d'hypertrophie du
cœur, le poids de cet organne, au lieu
de rester entre 250 et 280 grammes,
comme cela se voit le plus ordinaire-
ment chez l'Homme adulte, dans l'état
normalj peut devenir trois ou quatre
fois plus grand; il dépasse cependant
rarement 650 ou 700 grammes.
Les recherches du même auteur
montrent que le poids du cœur n'est
pas dans un rapport constant avec
le poids total du corps, mais ne varie
d'ordinaire que dans des limites assez
restreintes. Ainsi , chez les sujets
qui n'étaient affectés ni de phthisie
pulmonaire, ni de maladies du cœur,
M. Clcndcnning a trouvé que ce
poids relatif oscillait entre — et ^
chez les hommes de 15 à 70 ans
ou davantage, et entre ^ et ~ chez
les femmes. La moyenne générale
était de ~ pour les hommes, et de
tvj pour les femmes. Chez les deux
sexes, la fraction était la plus faible
chez les individus de 15 à 30 ans, et
c'est chez les femmes que la propor-
tion s'est montrée la plus forte clans
la vieillesse (^j.
Si l'on prend pour poids moyen de
l'Homme adulte 65 kilogrammes, et
pour poids moyen du cœur 270 gram-
mes, on trouvera que ce viscère con-
stitue environ T',-a du poids total de.
l'organisme, proportion qui se rap-
proche beaucoup de celle constatée
chez quelques Mammifères, tels que le
Mouton et le Chat, par M. Jones; mais
qui est très inférieure à celle que le
même physiologiste a trouvée chez le
Chien et le Raton (Procyon lator).
Dans ces derniers, le poids du cœur
représentait de -~j à 777 du poids du
corps, tandis que chez le Chat, la Sa-
rigue, l'Écureuil et le Mouton, il va-
riait entre —7 et ~ (b). M. Bouillaud
a trouvé que le cœur d'un Bœuf pesait
1 kilogramme (c), et si l'on prend
comme poids moyen des Bœufs abat-
tus à Paris Zi00 kilogrammes, on aura
aussi le rapport d'environ 1 à '_!0.
M. Parchappe a fait aussi une série
de recherches à ce sujet (rf;, et il a
trouvé que si l'on représente par
1000 le poids du corps, celui du cœur
sera représenté par environ :
(a) Clendenning, Exper. and Observ. relaliiuj to the Pathology of the Heart (London. Médical
Gazette, 1837, 2" série, t. II, p. 445 et suiv.).
(b) Joncs, Investigations, Chemical and Pliysioloijical relative to certain American Yerte-
brata, p. 74 (Smithsonian Contributions).
(c) Bouillaud, Traité des maladies du cœur, t. I, p. 79.
(d) Parchappe, Du cœur, de sa structure et de ses mouvements, p. 171,
CHEZ LES MAMMIFÈRES. /l83
aux deux ventricules (1) . Pendant quelque temps cette disposition
se prononce de plus en plus, mais les progrès ultérieurs du
travail embryonnaire n'amènent pas,' sous ce rapport, les mêmes
résultats chez tous les Mammifères, et de là certaines différences
5 ^ chez l'Homme adulle,
fi chez le Fœtus à terme,
G \ chez le Singe,
5 1. chaz le Chien,
4 | chez le Chat,
0 chez le Lièvre,
3 i- chez lo Lapin,
0 à 7 chez le Mouton, le Veau et lo Cochon,
7 à 9 \ chez le Coq et le Moineau,
3 chez le Crapaud,
1 | chez la Grenouille et l'Anguille.
Ainsi, chez les Mammifères, le poids
du cœur paraît osciller autour de „'0
du poids du corps; proportion qui se
rapproche beaucoup de ce que nous
avons déjà trouvé pour les Oiseaux,
mais qui diffère considérablement
de ce qui paraît exister d'ordinaire
chez les Vertébrés à sang froid. Effec-
tivement, ainsi que je l'ai déjà dit,
AI. Jones a vu que chez les lîepliles et
lesBatraciens, celte proportion variait
seulement entre environ —^ et ~ , et
que chez les Poissons, elle variait d'en-
viron -^ à ~,. Il existe donc une dif-
férence très grande dans le développe-
ment du cœur comparé à celui de
l'ensemble de l'organisme chez les
Vertébrés à sang chaud et les Verté-
brés à sang froid.
M. Bizot-a trouvé aussi que le cœur
s'accroît sans cesse avec l'âge ; que,
toutes choses égales d'ailleurs, il est
plus pelit chez la femme que chez
l'homme, et que son volume n'est pas
proportionné à la taille des individus,
mais est plutôt en rapport avec la lar-
geur de la poitrine.
Voici les dimensions en longueur et
en largeur constatées par cet anàto-
misle :
HOMMES.
FEMMES.
AGE.
s- -" "^
— ->.
^— -^-
— -^
LONGUEUR.
LARGEUR.
LONGUEUR.
LARGEUR.
Lignes.
Lijm-s
Usrtw-
Lignes.
22
27
22
25
5 à 9
31
33
2G
29
1 0 à 1 5
34
37
29
31
16 à 29
42
45
38
42
30 à 49
43
47
41
44
50 à 79
45
52
42
40
(l) Cette bifurcation de la portion M. llausmann a donnée de cet or-
inférieure (ou postérieure) du cœur ganc chez de très jeunes embryons
se voit très bien dans la figure que de Cheval (a) et de Chien (6). Elle est
(a) Hausmann, Ueber die Zeugung und Entstehung des wahren weibUchen FAes bei den
Siïugethieren und dem Menschen, 1840, pi. 3, tïg. 10 et 11.
(&) Hem, ibid. pi. 5, fig. 13 et 17.
k%k APPAREIL DE LA CIRCULATION
dans la forme générale du cœur parmi les divers Animaux de
cette classe. Effectivement, chez les uns cette séparation devient
de plus en plus profonde, et se prononce d'une manière si forte,
que, chez l'Animal parfait, les deux ventricules constituent deux
cônes distincts, quoique accolés par leurs faces correspondantes,
et que l'on croirait, au premier abord, avoir sous les yeux non
un cœur unique, mais deux cœurs simplement soudés l'un à
l'autre. C'est chez les Cétacés herbivores que cette disposition
remarquable se rencontre, et c'est chez le Dugong qu'elle est
portée le plus loin (1). Chez les autres Mammifères, la scissure
primordiale, au lieu d'augmenter, suit chez l'embryon une
marche récurrente et tend à disparaître, de façon que le cœur
cesse bientôt d'être bifide, et que la séparation entre les deux
ventricules n'est marquée extérieurement que par un sillon
oblique. Sa forme est celle d'un cône à base presque circulaire
et souvent arrondi. On y remarque chez les divers Mammifères
quelques variations dans les proportions (2), mais ces diffé-
aussi fort distincte chez des embryons Dans les Cétacés proprement dits,
humains âgés d'environ vingt-huit et le cœur est remarquablement large,
trente-cinq jours, représentés dans le mais n'offre que rarement une bi-
grand allas de M. Coste (a). furcalion analogue à celle dont il
(1) Chez ce Mammifère piscifoime, vient d'être question. Quelquefois
les ventricules sont séparés de la sorte cependant Meckel a trouvé ce viscère
dans les deux tiers de leur étendue [b). fendu à une assez grande profon-
Cuvier a trouvé le cœur fendu de la deur chez le Marsouin commun. Il
même manière dans la moitié de sa a même rencontré un exemple de„
longueur, chez le Lamentin (b) , et ce mode de conformation chez le
Sleller a constaté la même division dans Phoque (e).
le tiers postérieur de cet organe, chez ('2) Le cœur est assez large et rac-
le Hyiina {cl). courci chez les Éléphants, les Pares-
fa) Coslc , Histoire générale et particulière du développement des corps organisés (espice
humaine), pi. 3, fig. D, et pi. 4 a, fig. 2.
(b) Daubenton, Description d'un embryon de Lamentin (Buffun, Mammifères, t. XII, p. 372),
— Homo, Comp. Anat., 1. IV, pi. 50.
— Rapp, Die Cetaccen, zoologisch-anatumisch dargestellt, pi. 8.
— Carus el V. Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 7, fig. 3.
(e) Cuvicr, Leçons d'Anatomie comparée, t. VI, p. 277.
[dj Sleller, De bestiis marinis (Novi Commentant Aead. Petropolitanœ, 1740, I. H, p. 310).
— Hunier, Op. cit. (Œuvres, I. IV, p. 464).
(e) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 38-2.
CHEZ LF.g MAMMIFÈRES. A85
rences sont sans importance, et j'ajouterai seulement que le
sillon interventriculaire ne passe pas par le sommet de l'organe,
le ventricule gauche descendant plus bas que le ventricule droit.
Un autre sillon transversal et circulaire, qui est ordinairement
occupé par de la graisse , sépare les ventricules des oreil-
lettes (1). Enfin ces dernières poches memhrano-musculaires
sont plus ou moins libres de chaque côté, de manière à consti-
tuer des appendices qui ont reçu plus particulièrement le nom
iïauricules, parce qu'à raison de leur forme on les a comparés
à de petites oreilles de Chien (2).
seux et chez chez les Phoques (a) ;
chez la Baleine, il est plus aplati que
chez les Quadrupèdes (6).
Il est arrondi chez la plupart des
Uongeurs; mais chez le Lièvre, ainsi
que chez les Ruminants, les Pachy-
dermes ordinaires, les Carnassiers et
la plupart des Quadrumanes , il a la
forme d'un cône tronqué, à peu près
comme chez l'Homme (c). Chez le
Cheval il est plus pointu (cl) ; chez le
Fourmilier , au contraire , il est plus
obtus (e).
(1) Ce sillon, quoique assez super-
ficiel en apparence, est en réalité très
profond et loge en arrière les vaisseaux
coronaires du cœur. Ces vaisseaux
occupent également les sillons anté-
rieur et postérieur qui correspondent
à la cloison interventriculaire , et
qui, chez l'Homme, sont très obli-
ques. En général, de la graisse s'accu-
mule aussi dans ces sillons ventricu-
laires, et quelquefois même des fla-
cons de cette substance recouvrent
presque toute la surface des ventri-
cules, entre la tunique péricardique et
les fibres musculaires. Ce dépôt de
graisse devient plus souvent abondant
chez la Femme que chez l'Homme ,
et n'est pas en rapport avec l'état
d'embonpoint général (/). C'est en
grande partie à celte cause que lient
l'augmentation du poids du cœur dans
la vieillesse.
(2) Chez l'Homme, les deux oreil-
lettes ne sont pas séparées entre elles
extérieurement sur leur face anté-
rieure, mais elles paraissent, au pre-
mier abord, très distinctes, parce que
leur portion moyenne se trouve ca-
chée derrière les gros troncs artériels
qui sortent des venlricules et qu'à leur
face supérieure un sillon concave leur
sert de ligne de démarcation. Leurs
extrémités latérales sont flottantes et
(a) Voyez Daubcnlon, dans Buffon, Mammifères, pi. 3A7.
(b) Voyez Eschricht, Unters. uber die nordischen Waldthiere, p. 104, fig. 25.
(c)' Exemple : Chevrolain. Voyez Carus et V. Olto, Op. cit., pars VI, pi. 7, fig. 2.
— Pécari. Voyez Daubcnlon, Mammifères de Buffon, pi. 302.
— Helamys. Voyez Bianconi, Specimina xoologica Mosambicana, Mammifères, pi. 5, fig\ 16.
— Singe. Voy. Milne Edwards, Cours élérri. de zoologie, fig. 4.
(d) Voyez Chameau, Anat. compar. des Animaux domestiques, p. 467, fig. {47.
(e) Voyez Alefsandrini, Annotazioni anatomiche sul Fonnichiere didatlilo (Mem. dell' Acad.
délie scienze diBologna, 1851, t. III, pi. 31, fig. 2).
(f) Bizot, Recherches sur le cœur (Mém. de la Société médicale d'observation, l. I, p. 352).
Endocarde,
Fibres
musculaires du
cœur.
486 APPAREIL DE LA CIRCULATION
L'endocarde, ou membrane qui revêt intérieurement les
cavités du cœur, et qui est en continuité avec la tunique interne
des vaisseaux sanguins, est mince et transparente ; mais elle
se compose de plusieurs couches, dont l'interne est formée de
cellules aplaties, et constitue une lame analogue à l'épithélium
dont le péricarde est revêtu extérieurement (1).
Les libres musculaires qui sont logées entre les deux tuni-
ques formées par le péricarde et l'endocarde, et qui constituent
la tunique moyenne du cœur, sont rouges, striées en travers et
unies très intimement entre elles (2). Elles ne sont que peu
développées dans les oreillettes, où elles peuvent même man-
quer sur quelques points ; mais dans la portion ventriculaire
dentelées à la manière d'une crête de
Coq. L'auriculc droite est située en
avant; l'aunciilc gauche se trouve
plus en arrière, et un rétrécissement la
sépai;e de la portion principale ou
sinus de l'oreillette, dont elle dépend,
Chez les Marsupiaux, la portion ap-
pendiculaire de l'oreillette droite est
toujours divisée en deux prolonge-
ments coniques situés, l'un en avant,
l'autre en arrière de l'aorte (a).
(1) L'épithélium de l'endocarde se
compose chez l'Homme de cellules po-
lygonales à noyau et ayant de 0ra'",015
à 0mra,027 de largeur (b). Il repose sur
une membrane basilaire composée
principalement de libres élastiques
disposées en réseaux plus ou moins
serrés, mêlés de noyaux et parcourus
par des vaisseaux sanguins. Enfin
celle-ci adhère aux parties sous-ja-
cenles par une couche mince de tissu
conjonctif ordinaire. L'épaisseur de
la couche élastique varie ; elle se dé-
veloppe beaucoup dans les oreillettes,
et y constitue souvent une sorte de
tunique fehêlrée de tissu jaune (c).
Il est aussi à noter que le tissu épi-
thélique est extrêmement délicat, et
ne peut être bien étudié que fort peu
de temps après la mort. M. Bovvrnan
en a figuré les éléments chez le
Cheval [d).
(2) Les fibres du cœur sont non-
seulement très serrées les unes contre
les autres , mais encore unies entre
elles par des bifurcations, et des fais-
ceaux obliques et courts qui s'éten-
dent entre les principaux faisceaux
longitudinaux (e).
{a) Owen, Marsupialia (ToJd's Cyclop. of Anat. and Physiol., vol. III, p. 306, fig. 131 et 132).
(b) Luschka, Das Endocardiumund die Endocarditis (Virchow's Archiv fur palliai. Anat. -und
Physiol., 1852-, L IV, p. 173, pi. 3, fig. 1).
(c) Kôlliker, Eléments d'histologie humaine, p. 603.
(d) Todd et Bowman, Physiological Anatomy and Physiology of Mail, t. II, p. 336, fig. 196
et 197.
(e) Leeuvrenhoek, Arcana Naturœ détecta, epist. m, p. 412.
— Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 601, fig. 279.
— Remak, Ueber den Bail des Ikrzens (Miïller's Archiv f'àr Anat. und Physiol., 1850, p. 76).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 487
du cœur elles forment une couche très épaisse, surtout à
gauche, et elles offrent une disposition très compliquée. Le
mode d'arrangement de toutes ces fibres est fort complexe, et
depuis Yésale son étude a souvent exercé la patience des
anatomistes (1). Je ne m'arrêterai pas à en donner ici une des-
cription détaillée, mais je crois devoir en faire connaître les
dispositions principales.
Les fibres musculaires des oreillettes et des ventricules sont
parfaitement indépendantes les unes des autres. Celles de la
(I) Vésale, dont j'ai déjà eu l'occa- tomie humaine a été traité d'une ma-
sion de citer les travaux (a), fut, je nière spéciale par Gerdy, MM. Searle,
crois, le premier à étudier la direc- Parchappe, Ludwig, Dondcrs et quel-
tion des fibres charnues du cœur (6). ques autres auteurs (e).
Lower, en faisant durcir ces fibres Duvernoy a donné une description
par la coclion, est parvenu à mieux du mode d'arrangement des fibres du
comprendre leur disposition gêné- cœur du Bœuf (/.'.
raie (c). Sténon , Vieussens , Lancisi , Pour plus de détails sur les travaux
Olasius, Senac et Wolff, vinrent en- des anciens anatomistes à ce sujet, je
suite ajouter de nouveaux faits aux ob- renverrai à la grande Physiologie de
servalions de leurs prédécesseurs (d). Haller (g).
Enfin, de nos jours, ce point d'ana-
(a) Voyez ci-dessus, page 14.
(b) Vésale, De corporis humani fabrica (Opéra omnia, t. I, p. 508 et suiv., édit. de 1025 .
(e) Lower, Tractatus de corde, cap. I, p. 28 et suiv., pi. 2, fig. 1-8, 16G9 (reproduit dans
Mangel, Bibliotheca anatomica, t. I, p. 882, édit. de 1C99).
(d) Sténon, Observât, anat. de masculis et glandulis spécimen, 1604.
— Vieussens, Nouvelles découvertes sur le cœur. Montpellier, 1706. Voyez aussi dans Mangef,
Bibl.anat.,XA, p. 920, pi. 47 à 49.
— Winslow, Sur les fibres du cœur (Bfétn. de VAcad. des sciences, 1711).
— Glasius, De circuitu sanguinis. In-4°, 1736.
— Lancisi, De structura motuque cordis, 1728 (Opéra omnia, t. IV, p. 89, 1749).
— Senac, Traité de la structure dti cœur, t. I, p. 194 et suiv., pi. 10 à 13 (1777).
— Wolff, Dissertationes de ordine fibrarum muscularium cordis (Acta Acad. PetropoL, 1 780-
1782, et Nova acta, 1783 à 1792, 1. 1 à X, dix Dissertations).
(e) Gerdy, Mém.sur l'organisation du cœur (Journal complémentaire du Dictionnaire des
sciences médicales, t. X, p. 97).
— Palicki, De musculari cordis structura (Dissert, inaug., Breslau, 1839).
— Searle, On the Arrangement ofthe Fibres of the Heart (Todd's Cgclop. of Anat. and Physiol.,
vol. II, p. 019 et suiv., aveefig.).
— Ctiorial, Considérations sur la structure, les mouvements et les bruits du cœur (Thèse,
Paris, 1841).
— Parchappe, Du cœur, de sa structure et de ses mouvements. Paris, 1844, in-8, avec allas
in-4.
— Ludwig', Bau der Herzvenlrihel (Zeitschr. fur ration. Med., t. VII, p. 189).
— Donders, Onderzoekingen betrekkelijk den bomv van het menschelijke hart (Xeederlandsch
IfiHce/,1852, 3e série, t. I, p. 541).
■ — Kôlliker, Traité d'histologie, p. €05.
(f) Voyez Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 292.
(g) Haller, F.lementa physiologiœ, t. 1, p. 350 et suiv.
/|88 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Disposition portion ventriculaire du cœur, dont je m'occuperai d'abord,
muscuSiai.-esSdes naissent pour la plupart, soit des orifices artériels, soit de l'anneau
fibro-eartilagineux qui entoure chaque orifice auriculo-ventri-
culaire (1), et elles sont de deux sortes, les unes appartenant
aux deux ventricules en commun , les autres étant destinées
seulement à l'un ou à l'autre de ces organes. Les fibres communes
occupent, la superficie du cœur (2) ; les fibres propres à chaque
ventricule sont logées plus profondément, et, par leur assem-
blage, elles forment en quelque sortedeux bourses charnues inté-
rieures qui, placées côte à côte, se trouvent renfermées dans une
troisième bourse commune. Mais les fibres musculaires super-
ficielles qui constituent cette enveloppe générale ne se bornent
pas à revêtir ainsi les deux poches charnues formées par
les fibres propres à chaque ventricule ; après être descendues
obliquement jusqu'à la pointe du cœur, elles se contournent en
spirale et rebroussent chemin pour pénétrer dans l'intérieur de
l'un et l'autre ventricule, puis remontent vers les zones fibreuses
qui occupent la paroi supérieure de ceux-ci, et se détachent,
pour ainsi dire, de leurs parois pour constituer des colonnes
dont l'extrémité supérieure est iixée, soit directement, soit à l'aide
de cordes tendineuses, à d'autres points de ces mêmes parois, ou
bien au bord libre des valvules auriculo-ventriculaires. Il résulte
de ce mode d'arrangement que toutes les parties du système ven-
triculaire sont très intimement unies entre elles; et, pour mieux
(I ) Les anatomistes désignent sou- (2) Winslovv fut, je crois, le premier
vent sous les noms de cercles teruli- à bien distinguer la couche des fibres
neux de Lower, ou de zones fibreuses, communes aux deux ventricules et
les bandes de tissu élastique qui en- celles propres à chacune de ces ca-
tourent les deux orifices de chaque vîtes ; la figure qu'il en donna (a)
ventricule et qui fournissent les pria- se trouve reproduite avec quelques
cipaux points d'attache aux fibres légères modifications dans divers
musculaires du cœur. ouvrages récents.
(a) Winslow, Observations sur les fibres du cœur cl sur les valvules, avec la manière de les
préparer pour les démontrer (Mém, de l'Acad, des sciences, 1711, p. 151, pi. i, fig. 1 cl 2).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. /l 89
indiquer les fonctions des fibres communes dont il vient d'être
question, quelques anatomistes les désignent sous le nom de
fibres anitives (1). Il en résulte aussi que toutes ces fibres con-
stituent des anses simples ou doubles qui entourent plus ou
moins complètement les cavités occupées par le sang, et que
(I ) Les fibres superficielles ou tinilives
des ventricules naissent des bandes
fibro cartilagineuses desquatrc orifices
qui occupent la base des ventricules,
et elles descendent obliquement vers
la pointe du cœur. Celles qui provien-
nent de la portion antérieure des zones
auriculo-ventriculaires et de l'anneau
de l'artère pulmonaire recouvrent la
face antérieure ou slernale du cœur,
et se dirigent en bas et à gauche vers
la pointe de cet organe, où elles se
contournent sur elles-mêmes dans le
prolongement de l'axe du ventricule
gauche, de façon à simuler une étoile
à rayons courbes ; puis elles rebrous-
sent chemin et pénètrent dans ce
même ventricule.
Les fibres superficielles qui recou-
vrent la face postérieure ou diaphrag-
ma tique du cœur se portent en bas et
à droite vers son bord, puis s'engagent
sous les précédentes, et remontent
obliquement dans le vcntricu'e droit.
Parvenues ainsi dans l'intérieur du
cœur, ces fibres unitives se compor-
tent différemment. Les unes forment
des anses simples, et se dirigent de
telle sorte que leur portion superficielle
et leur portion profonde ne corres-
pondent pas au même ventricule. Ainsi,
celles dont la branche descendante, ou
superficielle , correspond à la paroi
antérieure du ventricule droit, jettent
leur branche ascendante ou profonde
dans la paroi postérieure du ventri-
cule gauche, et vice versa. Les autres
se recourbent en huit de chiffre 'a), et
remontent dans la même paroi du
cœur par laquelle elles étaient descen-
dues, mais de façon à correspondre
à un autre ventricule. Par exemple,
celles dont la branche superficielle
appartient à la paroi antérieure du
ventricule droit donnent leur branche
profonde ou ascendante à la paroi
antérieure du ventricule gauche.
Les fibres propres de chaque ven-
tricule se trouvent donc comprises
entre le plan superficiel des fibres
communes ou unitives, et l'espèce de
gerbe creuse formée intérieurement
par la portion ascendante et profonde
de ces mêmes fibres. Elles sont dispo-
sées aussi en forme d'anses simples
ou en huit de chiffre, et constituent
pour chaque ventricule un cylindre,
ou plutôt un cône tronqué creux qui
embrasse la portion ascendante des
fibres unitives, après avoir été recou-
vert par la portion superficielle de
ces mêmes fibres (6). Du côté interne,
ces deux poches coniques, au lieu
d'être unies à la couche superficielle
commune , adhèrent entre elles et
constituent la cloison interventricu-
laire; de façon qu'après avoir enlevé
la couche superficielle commune , on
(a) Lowcr, Tmctalus de corde, pi. 2, fig. G et 7.
(5) Voyez Parcliappe, Du cœur, de se structure et de ses mouvements, pi. 6, fig\ 2.
/l90 APPAREIL DE LA CIRCULATION
leur contraction doit toujours tendre à diminuer ta capacité
des ventricules.
Les colonnes charnues qui garnissent l'intérieur des ventri-
cules ne sont que peu nombreuses chez quelques Mammifères,
tels que le Mouton, le Bœuf et le Lapin; mais, en général, elles
se multiplient et s'entrecroisent de façon à constituer dans le
fond, ou même tout autour de ces cavités, une masse caver-
neuse ou aréolaire. 11 est aussi à noter que ces faisceaux mus-
culaires, plus ou moins libres, présentent un développement plus
grand dans le ventricule droit que dans le ventricule gauche. On
distingue trois sortes de colonnes charnues : les unes, que l'on
pourrait appeler pariétales, adhérent aux parois du cœur dans
toute leur élendife, et constituent, par conséquent, des espèces
de petites cloisons en forme de bourrelets ; les autres sont libres
vers le milieu, et peuvent recevoir le nom de trabécules, ou de
colonnes sous -pariétales, quand elles adhèrent entre elles ou aux
parois ventriculaires par leurs deux extrémités , et celui de
muscles papillaires, ou de colonnes a ppendiculair es , quand leur
extrémité supérieure donne naissance à un cordon tendineux
qui va s'attacher au bord libre des replis valvulaires dont l'em-
bouchure de l'oreillette est garnie fi"). Ces dernières sont les
peut séparer les deux ventricules l'un des fibres ; mais celles-ci ne sonl pas
de l'autre sans les ouvrir [a). toutes parallèles entre elles, et chaque
Il est aussi à noter cpie les bran- couche peut être ainsi subdivisée en
cbes profondes des fibres unitives plusieurs bandes continues ou super-
croisent à angles plus ou moins aigus posées. Ainsi Wolff a décrit huit ban-
la direction de la portion superficielle des distinctes à la surface du ventri-
de ces mêmes fibres et celle des fibres cule droit (6) .
propres. (1) En général, les analomistes dé-
Dans tout ce qui précède, il n'a été signent les colonnes charnues appen-
quesiion que de la direction générale diculaires kous le nom de colonnes d:i
(a) Winslow, Observations sur les fibres du cœur {Mém. de l'Acad. des sciences, 1711, p. 152,
pi. A, fig. 1 et 2).
— Cetle disposition se voit mieux dans une des préparations ligurées par Bourgery ri Jacob [Anal,
descriptive, t. IV, pi. 10 bis, fig. 5).
(b) Wolff, Op. cit., Disscrl. VIII, (Acta Acad. Petropol, 1786).
CHEZ LUS MAMMIFÈRES. Zi *J 1
plus grosses et les plus constantes dans leur disposition ; elles
ont souvent la l'orme de gros mamelons, et, ainsi que nous le
verrons dans la prochaine Leçon, elles jouent un rôle impor-
tant dans le mécanisme de la circulation.
11 est aussi à noter que chez certains Mammifères un petit os 0s ,,u cœur'
se développe au sommet de la cloison interventrieulaue et tend
à encadrer imparfaitement l'orifice aortique. C'est surtout chez
les Ruminants et les Pachydermes qu'on rencontre cette dispo-
sition, qui du reste n'est pas toujours constante dans les espèces
où elle existe, et peut manquer chez des espèces très voisines
des premières (1).
premier ordre, et appellent colonnes raconte même une anecdote relative à
du second ordre celles qui vont direc- une discussion qui s'éleva entre lui et
tement d'un point de la paroi ventri- les médecins de Home sur l'existence
culaire à un autre , ou qui s'étendent de l'os du cœur chez l'Éléphant, où il
entre des colonnes voisines ; enfin, ils constata ce fait (6). Les anatomistes
nomment colonnes du troisième ordre de la renaissance et du xvme siècle
celles qui sont adhérentes dans toute en parlent aussi, comme on peut s'en
leur étendue et que j'ai nommées assurer par les écrits d'Adami, de
colonnes pariétales. neiehenius, et des divers auteurs cilés
Quelques auteurs réservent le nom par Ilaller, etc. (c).
de muscles du cœur, de piliers du Chez le Bœuf adulte, on trouve
cœur, ou de muscles papillaïres , aux toujours un de ces os en forme d'arc
colonnes appendiculaires. qui occupe le côté interne de l'orifice
(1) L'existence de cet os chez divers aortique, et en général, un second
grands Mammifères a été annoncée il y osselet logé du côté opposé de la zone
a quelques années comme une décou- fihreuse dont cet orifice est garni (d).
verte nouvelle, mais elle était connue II paraît exister aussi d'une manière
d'Aristote {a} et de Galien. Ce dernier normale chez le Cerf; mais chez le
(a) Ai'islote, Histoire des Animaux, livre II (Irad. de Camus, t. I, p. 89).
(b) Galien, Utilité des parties, livre VI, chap. xx, et Manuel des dissections, livre Vit, cliap. x.
(Voyez Œuvres, trad. par Darembcrg, t. I, p. -447.)
(c) Adami, Dissert, de osse cordis Cervi. Giessa?, 1084.
— Haller, Elementa physiologiœ, I. 1, p. 318.
— Reicheniiis, De ossiculis e cordibus Animalium. Grôiiingcn, 1772.
— Luctli, Dissert, sistens observât, nonnullas zootomicas os cordis, etc., spectanlcs. Tufainguc,
1814.
(d) Daul enlon, Description du Taureau (Buffon, Mammifèuës, l. II, p 05 et 10 <, cdil. in-8j.
— Place , Description des os situés à l'ouverture du coiur dans le Boeuf et le Mouton (Recueil
de médecine vétérinaire, par Girard, elc., 1828, t. V, p. 513).
— Carus et V. Ollo, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 8, lig. 1.
— Chameau, Anatomïe comparée des Animaux domestiques, \>. 470.
Ventricule
gauche.
k'ôÛ APPAREIL DK LA CIRCULATION
§ 3. — Les parois de la cavité ventrieulaire gauche sont plus
épaisses et plus régulièrement disposées que celles du ventri-
cule droit (1 ) ; elles sont concaves du côté correspondant à la
Chevreuil et le Daim, où on le ren-
contre aussi (a), il manque souvent,
et chez le Mouton il ne paraît se foi-
mer qu'à un âge avancé (6).
On en a signalé aussi la présence
chez le Chameau et le Lama (c), la
Girafe (d), et chez le Gnou, parmi les
Antilopes (e), mais pas chez d'autres
espèces du même genre (/"). Chez le
Cochon, la Chèvre et chez l'Éléphant,
son existence n'est pas constante (g) ;
enfin, chez le Cheval, où il se déve-
loppe aussi parfois dans la vieillesse ,
il est en général remplacé par une
pièce cartilagineuse [h).
Chez la plupart des autres Mam-
mifères, il n'est représenté que par
deux petits points cartilagineux qui se
trouvent aussi chez l'Homme.
Il ne faut pas confondre ces pièces
osseuses avec les points d'ossification
irrégulière qui se développent sou-
vent, soit chez l'Homme, soit chez les
Animaux, dans le pourtour des val-
vules auriculo-ventriculaires.
(1) L'épaisseur relative des parois
des deux ventricules du cœur chez
l'Homme a été évaluée d'une manière
assez différente par divers anatomistes.
Ainsi, Laënnec pense que les parois
du ventricule droit n'ont tout au plus
que. la moitié de l'épaisseur de celles
du ventricule gauche (»)■; Sœmme-
ring adopte comme rapport normal
1 à 3 (j), tandis que, d'après M. Cru-
veilhier, ce même rapport ne serait
que dans la proportion de 1 à U ou
même 1 à 5 (k).
Ces discordances dépendent pro-
bablement en partie de la hauteur
à laquelle ces observateurs avaient
l'habitude de faire la section transver-
sale du cœur pour prendre leurs me-
sures. En effet on sait, par les recher-
ches de M. Bizot, que la partie la plus
épaisse des parois du ventricule droit
ne correspond pas à la partie du ven-
tricule gauche, où les parois de celui-
ci sont les plus fortes. Ainsi, au point
de jonction du tiers moyen et du tiers
supérieur du cœur, les parois du ven-
tricule gauche offrent le maximum
(a) Grève, Bruchslûcke %ur vergl. Anat. und Pliyslol., p. 21.
(6) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 292.
— F. S. Leuckart, Bemerkungen (Mcckel's Deutsches Archiv, t. VI, p. 136).
(c) Jieger, Ueber das Yorkommen eines Knochenr im Herxen des Hirsches und insbesondere
eines Knochens im Ziverchfelle des Dromadars und des Yicunna (Meckel's Deutsches Archiv , t. V,
p. 113).
— F. S. Leuckart, Zwerchfellknochen beim Dromadar (Meckel's Deutsches Archiv , t. VIII,
p. 441).
(d) Owen, Notes on the Anat. of the Nubian Girafe (Trans. of the Zoot. Soc, t. H, p. 229).
(e) Hyrll, Ueber den Herzknochen und die unpaarige Blulader bei Antelope Gnou (Med. Jalir-
biïcher des Oesler. Staates, 1838, t. XV, p. 387).
(f) Pallas, Spkilegla zoologica, fasc. 1 , p. 4.
(g) Perrault, Description anatomique d'un Éléphant (Mérn* pour servir à l'histoire naturelle
des Animaux, 3' partie, p. 134).
(h) Chauveau, Anat. compar.des Animaux domestiques, p. 473.
(i) Laënnec, Traité de l'auscultation médiate, t. II, p. 404 (1820).
(j) Sœmmering, Decorporis humani fabricant. V, p. 23.
(k) Cruveilhier, Traité d'anatomie descriptive, t. II, p. 512 (1843).
CHEZ LES JIAMMJFÈRES. /|9o
cloison, aussi bien que dans le reste de leur circonférence, et
chez l'Homme elles ne sont lisses que dans le voisinage de
l'orifice artériel du côté interne (1) ; partout ailleurs on y
remarque une multitude de fossettes ou aréoles ovalaires ou en
forme de losanges, qui résultent de l'union des diverses colonnes
charnues entre elles. Chez quelques Mammifères, le Bœuf par
exemple , ces faisceaux musculaires sont plus gros et moins
saillants. Il est aussi des espèces où l'intérieur du ventricule
est presque entièrement lisse , ainsi que cela se voit chez
le Lion. Enfin deux mamelons charnus simples ou deux
faisceaux de colonnes appendiculaires naissent vers le milieu
d'épaisseur, et celles du Ventricule
droit n'arrivent à ce maximum que
tout près de la base du cœur, a environ
h lignes au-dessous de la zone tendi-
neuse.
M. Amiral a remarqué aussi que
l'épaisseur relative des deux ventri-
cules varie avec l'âge, et que chez les
enfants, de même que chez les vieil-
lards, la prépondérance du ventricule
gauche sur le ventricule droit est plus
considérable que chez les hommes de
moyen âge (a). Les mesures prises
par M. bizot s'accordent avec celte
observation. En effet, il a trouvé que
l'épaisseur des parois du ventricule
droit est plus stationnaire que celle
du ventricule gauche , qui s'accroît
notablement dans la vieillesse. La
paroi du ventricule gauche, mesurée
vers la partie moyenne du cœur chez
l'Homme, lui a donné les résultats
suivants :
Lignes.
De là 4 ans 2 -'-
5 à 9 3 i
10 à 15 3 i
18 à 29 3 \
30 à 40 5 i
50 à 79 29 1^
On trouve dans le mémoire de
M. Bizot beaucoup d'autres mesures
relatives à l'épaisseur des diverses par-
lies du cœur, à la grandeur des ori-
fices et à la capacité des diverses
cavités de cet organe (b).
D'après quelques observations de
Cuvier, il paraîtrait que chez le Dau-
phin l'épaisseur relative des parois du
ventricule droit serait beaucoup plus
grande que chez l'Homme et la plu-
pari des autres Mammifères. Cepen-
dant ce fait n'a pas été confirmé par les
recherches ultérieures de Meckel (c).
(1) C'est-à-dire sur la paroi formée
par la cloison interventriculaire.
(re) Andral, Anatomle pathologique, t. II, p. 283.
(b) Bizot, Recherches sur le cœur et le système artériel chez l'Homme (Mém. de la Soc. méd.
d'observation, 1837, t. I, p. 262).
(c) Cuvier, leçons d'anatomie comparée, l. VI, p 285
— Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 384.
Valvule
initiale
lil.)h APPAREIL DE LA CIRCULATION
ou le tiers inférieur du ventricule, et les cordes tendineuses qui
les terminent vont se fixer à la face inférieure, ainsi qu'au bord
libre de la valvule auriculo-venlriculaire (1). Celle-ci se compose
(1) Ces muscles papillaires, ou co-
lonnes charnues appendïculaires, con-
stituent la portion la plus importante
et la plus constante du système de fais-
ceaux et de trabécules dont les parois
du ventricule gauche sont garnies, et
bien que leur forme et leur volume
varient beaucoup suivant les espèces,
leur disposition générale est toujours
à peu près la même. Chez l'Homme,
ces mamelons sont eu général bifides
ou Uilides à leur sommet , et ils
semblent résulter chacun de la juxta-
position de deux ou plusieurs colonnes
plus petites réunies entre elles et se
résolvant inférieurcment en un réseau
cav|rnpux;(a); L'un d'eux naît de la paroi
externe, l'autre de la paroi postérieure
du ventricule , et les nombreuses
cordes tendineuses qui parlent de
chacun d'eux vont, en s'irradiant,
se fixer aux deux valvules dont la
commissure est située au-dessus.
Il est aussi à noter qu'ils sont dispo-
sés de façon à s'ajuster assez exacte-
ment l'un contre l'autre et à repré-
senter par leur réunion une sorte de
pilier central. Pour plus de détails sur
leur forme et leur mode d'engrenage,
je renverrai à la description très détail-
lée qu'en a donnée M. l'archappc (6).
Chez quelques Mammifères, la forme
columnaire de ces deux muscles ou fais-
ceaux de muscles papillaires est plus
marquée et leur volume est plus con-
sidérable, tandis que la structure des
autres parties des parois du ventricule
gauche se simplifie. Ainsi, chez le
Lapin, ils sont très développés et pres-
que indivis ; mais ils s'engrènent
moins exactement l'un dans l'autre, et
quelques trabécules fort grêles en par-
tent horizontalement, soit pour les
relier entre eux, soit pour les attacher
aux parties circon voisines du ventri-
cule (c). Chez le Cheval, ils sont encore
plus gros proportionnellement, mais
ils adhèrent aux parois correspon-
dantes du ventricule jusqu'à une petite
distance de leur sommet, où ils sont
conformés de façon à s'engrener lors-
qu'ils se rapprochent. Chez le Mouton,
leur volume est aussi très considé-
rable,mais ils sont digités vers le bout.
Les freins valvulaires, ou cordons
tendineux qui naissent du sommet de
chacun de ces deux piliers charnus,
montent en divergeant, de façon à
décrire un hémicycle, et vont se fixer
à la moitié correspondante des deux
voiles de la valvule initiale; de sorte
que lors du rapprochement des pi-
liers, ces filaments circonscrivent un
espace conique dont la base est re-
présentée par le cercle tendineux de
l'orifice auriculo-venlriculaire, et que
chaque languette de la valvule se
trouve attachée à la fois aux deux
(«) Voyez Bourgery et Jacob, Anatomie descriptive, t. IV, pi. 1 i bis, fig. 2 et 4.
— l'archappc, Du cœur, de sa structure, etc., pi. 2, lij. \ .
— Sapp.y, Op. cit., t. I, fig. 1 18.
(6) Parehappc, Op. cit., p. 32.
(c) Idem, ibid., p. 103, pi. 7, fi-. 2.
CWÉZ LES MAMMIFÈRES. /j95
de deux voiles qui naissent du bord de l'orifice auriculaire el se
rencontrent vers le milieu de ce passage ; disposition qui lui a
valu le nom de valvule bicuspide ou de valvule murale (1 ). Enfin,
piliers [a). La disposition de ce sys-
tème d'amarres vasculaires a été étu-
diée d'une manière très approfondie
par M; Parchappe et fort bien repré-
sentée dans les planches de son ou-
vrage (6).
Chez plusieurs Mammifères , tels
que la Martre, le Lièvre, le Lapin, etc. ,
les parois du ventricule gauche sont
lisses ou garnies seulement de quel-
ques piliers peu saillants. Chez le
Bœuf et le Mouton, ces colonnes pa-
riétales sont plus larges et se détachent
davantage ; mais elles ne sont séparées
entre elles que par des fossettes peu
profondes. La structure caverneuse,
qui est si prononcée chez l'Homme,
est aussi à peine indiquée chez le Che-
vreuil (c). Cuviera fait remarquer que
chez le Dauphin et le Marsouin les co-
lonnes charnues sont au contraire plus
caillantes, plus libres et plus grosses
que chez l'Homme, mais moins nom-
breuses. Enfinilcilele Mandrill comme
ayant le ventricule gauche garni de cor-
dons charnus beaucoup plus minces et
plus nombreux que chez l'Homme (d).
(1) Ce nom, employé par Vésale et la
plupart des analomisles, vient de ce
qu'on a comparé les deux segments de
la valvule aux feuillets d'une mitre
rabattue. La moitié gauche de cette
soupape, située un peu du côté posté-
rieur et inférieur, est moins grande
que l'autre et se termine par un bord
concave; en se rabattant, elle s'ap-
plique contre la paroi ventriculaire.
La moitié droite, qui est supérieure et
antérieure, est plus large ; son bord
libre est convexe, et, en se rabattant
dans la cavité du ventricule, elle con-
slilue une sorte de cloison oblique qui
sépare la portion gauche de la portion
aortiquede cette cavité.
Ces voiles se composent d'un repli
très saillant de l'endocarde ou tunique
interne du cœur, entre les deux feuil-
lets duquel s'étend une couche de tissu
conjonctif et un réseau de tissu élas-
tique provenant de la zone auriculo-
ventriculaire; leur face supérieure est
lisse, mais à leur face inférieure ou
ventriculaire le réseau élastique déter-
mine des saillies et se relie aux cordes
tendineuses ou' freins provenant des
colonnes charnues situées au-dessous.
Les valvules du cœur, ainsi que je
l'ai déjà dit (e) , étaient connues
d'Érasislrate et de Galien ; mais Vésale
et Lower furent les premiers à les
décrire avec précision. Pour plus de
détails au sujet des observations sub-
séquentes dont elles furent l'objet
de la part de Vieussens, Lancisi, ftlor-
gagni , Winslow et les autres anato-
mistes de la même époque, on peut
consulter l'examen critique qu'en a
fait Senac (/).
(o) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV. pi. 18, fig. 7.
(6) Parchappe, Op. cit., p. 31, pi. H , fig-. 1 à 4.
(c) Carus et V. Otlo, Tabula Anat. compar. illustr., pars, vi, p]
((/) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 291.
(e) Voyez ci-dessus, page 9.
(f) Senac, Traité de la structure du cœur, t. I, p. G9 et suiv.
III.
7, fit
32
Orifice
aortique
ll9C) APPAREIL DE LA CIRCULATION
au côté interne de l'ouverture imrieiilo-ventriculaire, se trouve
l'orifice aortique dont les bords sont garnis de trois valvules
sigmoïdes, soupapes qui ont la l'orme de petites poches membra-
neuses dont le fond serait dirigé vers le ventricule et dont le
bord semi-circulaire serait tourné vers le centre de l'artère (1).
(1) Chacune de ces valvules res-
semble à la moitié d'une bourse qui,
par sa section, serait accolée aux pa-
rois du vaisseau, et dans les ouvrages
d'anatomie descriptive on les compare
souvent aux petits paniers demi-circu-
laires qui s'accrochent aux murs et
qui sont employés pour faire couver
les œufs de pigeon. Elles consistent
en un repli de l'endocarde ou mem-
brane interne du cœur, dont le bord
est renforcé par une petite bande
transversale de fibres élastiques, et
dont le fond se dilate en manière de
sac. 'Elles occupent toute la circonfé-
rence de l'orifice aortique ; leur con-
cavité est dirigée en haut vers l'inté-
rieur de l'artère, et lorsqu'elles sont
gonflées par la pression du liquide
contenu dans ce vaisseau, elles se
rapprochent de façon à se toucher et
à fermer le passage. Il est aussi à
noter qu'au milieu de leur bord libre
se trouve un petit tubercule, appelé
corpuscule d'Arantius, qui concourt
à la clôture de l'appareil quand ces
valvules se rapprochent, et qu'une
bande fibreuse longe aussi leur bord
externe et inférieur ou bord adhérent.
On trouve également quelques fibrilles
très grêles entre ces deux bandes mar-
ginales, et les anciens anatomistes les
considéraient comme étant de nature
charnue (a). Mais elles sont tendi-
neuses comme les précédentes (6). La
structure de ces valvules et leurs rap-
ports avec les parties adjacentes ont
été étudiés avec beaucoup de soin par
M. Luschka (c).
Le corpuscule d'Arantius , qui oc-
cupe le milieu du bord libre de cha-
cune de ces valvules, est très petit chez
les enfants ; mais il se développe par les
progrès de l'âge, et chez les vieillards
il est tout à fait cartilagineux {cl). On le
désigne sous ce nom parce que Mor-
gagni en attribuait la découverte à
Arantius, anatomiste célèbre de Bo-
logne, dont les travaux datent d'en-
viron 1670 (e) ; mais ce tubercule avait
été décrit précédemment par Vi-
dais (/'J, médecin florentin pour lequel
François Ie' fonda, en IbliU, au collège
de France, la chaire de médecine qui
est occupée aujourd'hui par mon
savant collègue M. Cl. Bernard (g).
La portion de la paroi artérielle cor-
respondante à la cavité de chacun des
replis semi-lunaires qui constituent
les valvules sigmoïdes est un peu di-
(a) Senac, Traité de la structure du cœur, t. I, p. 218.
(b) Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 603.
(c) Luschka, Die Structur der halbmondfôrmigen Klappen des Herzens (Arch. fur phys. Héilk.,
1856, t. XV, p. 37, pi. 3, fig. 1).
(d) lïizot, -Op. ci;. (Mém. delà Soc. méd. d'observ., I. I, p. 262).
(e) Morgagni, Advcrsaria analomica, V, animad. 21 (Opéra omnia, t. I, p. 155), p. 22, 23.
if) Vidus Vidius (Sen.), De anatome corporis humani, lib. VI, p. 303 (1611).
[g) G. Duval, Le collège royal de France, ln-4, 164 4, p. 63 (anonyme).
CHEZ LES MAMMIFERES.
497
Il est aussi à remarquer que la cavité du ventricule se trouve subdivision
, . . , . du ventricule
incomplètement divisée en deux portions ou chambres par le gauche.
bord interne de l'orifice auriculaire , la valvule qui y est appen-
due et les colonnes charnues qui s'attachent à ce voile. L'une
de ces chambres est en rapport avec l'orifice aortique et se pro-
longe inférieurement jusqu'à la pointe du cœur ; l'autre, située
à gauche de la précédente, fait suite à l'orifice auriculo-ventri-
culaire : elle est moins spacieuse que la précédente, et se ter-
mine en un cul-de-sac réticulé (1).
La cavité du ventricule droit n'est pas conique comme celle
du ventricule gauche , car sa paroi interne , formée par la
cloison interventriculaire, est convexe et fait saillie dans son
intérieur ; la coupe transversale de cette cavité est par consé-
quent plus ou moins en forme de croissant (2), mais elle n'est
Ventricule
droit.
latée, et les renflements ainsi formés
ont reçu le nom de sinus de Valsalva,
en l'honneur de l'anatomiste qui le
premier en signala l'existence (a).
Nous reviendrons sur le jeu de ces
valvules lorsque nous étudierons le
mécanisme de la circulation.
(1) Cette disposition a été très bien
décrite et représentée par M. Par-
chappe (6). Quelques anatomistes dé-
signent sous le nom d'infundibulum
de l'aorte la portion supérieure et
droite du ventricule dans laquelle se
trouve l'orifice aortique ; ouverture
qui du reste est tout à fait contigue
à l'orifice auriculaire. En effet, le bord
adhérent de la portion droite de la
valvule mitrale est uni à la base de
la valvule sigmoïde correspondante
de l'aorte.
Je dois ajouter que parfois on ap-
pelle sinus de ce ventricule les por-
tions de sa cavité qui, à droite et à
gauche, se prolongent en haut der-
rière la valvule mitrale, et s'y termi-
nent en culs-de-sac.
(2) Si l'on fait une section trans-
versale du cœur, les parois du ven-
tricule gauche se présentent sous la
forme d'un cercle, tandis que celles
du ventricule droit décrivent deux
arcs de cercles concentriques à eux-
mêmes et à la paroi droite du
ventricule gauche (c).
Il est aussi à noter que les axes des
deux ventricules ne sont pas dirigé»
tout à fait dans le même sens, et que
le ventricule droit contourne oblique-
ment le ventricule gauche*
(a) Valsalva, professeur à Bologne vers la fin du xvn3 siècle, et maître de Morgagni.
(6) Parchappe, Du cosur, de sa structure et de ses mouvements, p. 28 et suiv., pi. 2, fi» 1
pi; 3, fig. 1.
(c) Voyez Bourgery et Jacob, Anatomie descriptive, t. IV, pi. 11, fig-, 2 et 3,
/j9§ APPAREIL DL LA CIRCULATION
jamais étroite comme chez les Oiseaux, et bien qu'elle ne des-
cende pas aussi loin vers la pointe du cœur que le ventricule
o-auche, sa capacité est au moins aussi considérable (1). Chez
l'Homme , sa portion inférieure est occupée par le réseau
caverneux résultant de l'entrecroisement et de l'union de nom-
breuses colonnes et trabécules charnues; mais sa portion supé-
rieure est lisse, et se prolonge en forme d'entonnoir vers l'ori-
fice de l'artère pulmonaire, qui est situé à sa partie supérieure,
antérieure et interne, et présente, comme d'ordinaire, trois
valvules sigmoïdes (2). La disposition des piliers ou mamelons
(1) Los anciens analomisles ont at-
taché beaucoup d'importance à l'étude
de la capacité relative des deux ventri-
cules du cœur chez l'Homme, et la plu-
part des auteurs, depuis Uippocrale,
admettent que le ventricule droit est le
plus grand. Suivant les uns (Winslow,
Duvemeyet Morgagni, par exemple),
la différence serait dans le rapport de
5 à 6. Mais d'autres observateurs n'ont
pas trouvé une inégalité aussi grande,
et il en est plusieurs qui regardent les
deux ventricules comme ayant la
même capacité (a). Il est certain que
sur le cadavre le ventricule droit est
en général moins contracté que l'autre;
mais, ainsi que l'a fait remarquer Sa-
batier, cela tient probablement à la
manière dont le sang s'accumule dans
le système veineux et abandonne lé
système artériel après la mort : et ce
chirurgien célèbre a fait voir qu'on
pouvait à volonté faire varier cette
prédominance apparente du ventricule
droit, et même rendre la cavité du
ventricule gauche la plus grande en
empêchant le sang de se distribuer de
la manière ordinaire dans le cada-
vre (6). Weiss a obtenu des résultats
analogues (c).
Il est cependant à remarquer que
dans les expériences faites par Legal-
lois sur des Chiens, des Chats, des
Lapins et des Cochons d'Inde, la ca-
pacité du ventricule droit s'est trouvée
être plus grande que celle du ventri-
cule gauche, même quand l'animal
avait péri par hémorrhagie (rf). Les
mesures prises par M. Bizot, de Ge-
nève, indiquent toujours une certaine
prédominance dans, la capacité du
ventricule droit (e).
(2) La structure de ces valvules semi-
lunaires est la même que celle des val-
vules aorliques. Par leur bord externe
ces soupapes adhèrent à la zone fi-
breuse qui entoure l'orifice de l'artère
pulmonaire, et leur bord libre est ren-
(o) Voyez Senac, Traité de la structure du mur, t. I, p. 189.
— Haller, Élém.physiol.,t. I, pi 327. .,,_,-.
(b) Sabaiier, Ergù in vivïs Animalibus ventrkulorum corais eadem capacuas, 1 / /i..
(c) Weiss, Ue dextro cordis ventriculo post mortem ampliori. Altorf, 1767.
(ri) Legallois, Anat. et pliysiol. du cœur (Œuvres, t. I, p. 331 et suiv.).
(e) Bizot, Recherches sur le cœur et le système artériel chez l'Homme (Mém. de la Soc. med.
d'observation, 1837, t. I, p. 280).
CHEZ LES MAMMIFÈRES.
A 99
charnus dont naissent les freins ou cordes tendineuses de la
valvule auriculo - ventriculaire est à peu près la même que
dans le ventricule gauche (1) ; mais il y a aussi plusieurs de ces
forcé par une petite bande fibreuse
au milieu de laquelle se trouve
un petit tubercule nommé corpus
Arantii, corpus Morgagnii ou cor-
pus sesamoideum. Ici les sinus de
Valsalva sont moins marqués que
dans l'aorte.
(1) Chez l'Homme, les subdivisions
de la cavité du ventricule droit sont
beaucoup plus nombreuses et plus com-
pliquées que celles du ventricule gau-
che (a) ; mais de même que dans celte
dernière, on peut y distinguer deux
portions principales que M. Parchappe
désigne sous les noms de chambre
droite ou auriculaire, et de chambre
gauche ou pulmonaire. Cet anatomiste
appelle sinus antérieur du ventricule
droit la portion angulaire circonscrite
en avant par la rencontre de la paroi
externe et concave de cettecavité avec
sa paroi interne et convexe (ou cloi-
son interventriculaire) , et sinus pos-
térieur la partie correspondante du
côté dorsal du cœur ; enfin, il donne
le nom de sinus supérieur au
sillon qui se trouve entre la ligne
d'attache de la valvule tricuspide et
les parois du ventricule, en avant, à
droite et en arrière. La chambre pul-
monaire, dont la portion supérieure
(ou infundibulum) se continue avec
l'artère du même nom et occupe la
portion que quelques auteurs appel-
lent Yappendice conoïdal du ventri-
cule droit, est séparée de la chambre
auriculaire par des arcades muscu-
laires principales et par un réseau à
claire-voie, mais communique libre-
ment avec elle par les espaces que ces
brides charnues laissent entre elles. On
remarque sur ses parois beaucoup de
saillies musculaires dont les princi-
pales se dirigent verticalement en forme
de piliers qui correspondent générale-
ment par leur extrémité supérieure
au bord convexe et adhérent des val-
vules sigmoïdes, tandis qu'in férié u re-
ment ils se divisent, se réunissent entre
eux et finissent par se résoudre en un
réseau à mailles plus ou moins serrées.
Undeces pilastres, naissant de la paroi
postérieure, est mieux caractérisé que
les autres et forme l'arc postérieur de
l'ouverture principale de communica-
tion entre les deux chambres. Le
bord antérieur de cet orifice est con-
stitué d'une manière analogue, mais
est moins bien dessiné (b). La chambre
auriculaire est beaucoup plus vaste ;
elle se termine inférieure inent en cul-
de-sac au sommet du ventricule,
et elle comprend les sinus antérieur,
postérieur et supérieur (c). Les pro-
longements charnus qui en garnissent
les parois sont en très grand nombre
et constituent par leur réunion unré-
seau caverneux très irrégulier et fort
variable suivant les individus. Ainsi
que je l'ai déjà dit, les freins valvu-
laires naissent en partie d'un simple
tubercule de la paroi convexe ou cloi-
(a) Voyez Bourgery et Jacob, Anatomie descriptive, t. IV, pi. ! 1 , fie
(i>) Parchappe, Du cœur, etc., p. il et suïv., pi. I, fig. !..
ic) Idem, ïbid., pi. \ , fig. 9.
3 ; pi. H bis, fig. i el 4.
tricuspidc,
500 APPAREIL DE LA CIRCULATION
cordes qui partent directement des parois du ventricule. Ainsi
un faisceau de ces cordes se détache du milieu de la portion
lisse de la cloison interventriculaire, pour aller se fixer sur les
parties voisines de la valvule. Les autres naissent pour la plupart,
soit d'une colonne charnue antérieure et à fût simple, soit d'un
groupe de colonnes postérieures. Enfin des cordes chafnues, dis-
posées horizontalement vers la basedeces colonneë, se réunissent
entre elles, et rattachent aussi la paroi externe et concave du
ventricule à la cloison interventriculaire. Jusque dans ces der-
niers temps les anatomistes n'avaient pas accordé assez d'atten-
tion à ces liens musculaires ; lorsque nous étudierons le méca-
nisme de la circulation, nous verrons cependant qu'ils ne sont
pas sans importance , et, à raison de leurs fonctions , on les a
désignés sous le nom de trabécules régulatrices .
vaivnie Le sommet de la chambre auriculaire du ventricule droit est
occupé par l'orifice qui la fait communiquer avec l'oreillette
correspondante (1). La valvule dont elle est garnie n'est pas
son interventriculaire, en partie de position de ces faisceaux transversaux
colonnes charnues qui se détachent, chez l'Homme et chez divers Mam-
soit directement de la paroi externe mifères, et il les désigne sous le nom
et concave, soit du réseau caverneux de moderator bands, expression que
intermédiaire. Les fils tendineux de je traduirai par les mots trabécules
chaque faisceau s'insèrent sur les régulatrices (&).
deux bords contigus de chacune des (i) ,T. Meyer a fait beaucoup d'ob-
échancrures qui séparent ces lobes servations sur la position que les ori-
valvulaires. Enfin il y a aussi des tra- fices artériels et auriculo-venlriculaires
verses charnues et des trabécules apo- du cœur occupent dans le thorax. Il
névrotiques qui s'étendent presque employa dans ce but de longues ai-
horizonlalement de la cloison huer- guides qu'il enfonçait dans cet organe
venlriculaire à la paroi externe (a) ; à travers les parois du thorax, et il
les arcades musculaires dont il a déjà a trouvé ainsi que presque toujours
été question font partie de ce système les valvules de l'embouchure de Tar-
de liens consolida teurs. M. King a 1ère pulmonaire correspondent au
étudié avec beaucoup de soin la dis- deuxième espace intercostal, entre 8 et
[a) Voyez Bourgery, Op. cit., I. IV, pi. H bis, fig. 4.
(b) T. King, On Ihe Safty-valve Function in the Rirjhl Ventrale of the Heart (Gif y'* Hotpitai
Reports, 1837, t. II, p. 422 el sqq., pi. 1, fig\ 1 à 4).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 501
charnue, comme clans la classe des Oiseaux ; elle est membra-
neuse et construite sur le même plan que la valvule mitrale ;
mais elle s'en distingue par son mode de division, et, à raison
de cette particularité anatomique, elle a reçu les noms de val-
vule tricuspide ou triglochine (1). En effet, ce voile membra-
neux , au lieu d'être fendu seulement en deux lèvres, comme
la valvule mitrale, est partagé en plusieurs languettes dont les
principales sont au nombre de trois (2.).
Chez presque tous les Mammifères, la disposition de cet
appareil isolant est à peu près la même que chez l'Homme (o) ;
12 millimètres du bord sternal. L'em-
bouchure de l'aorte est située derrière
l'extrémité sternale de la troisième
côte du côté gauche. La valvule mi-
trale se trouve également derrière
cette côte, et la valvule tricuspide der-
rière le sternum , un peu moins bas.
La détermination précise de ces rap-
ports peut avoir de l'intérêt pour
l'élude des bruits du cœur ; mais on
rencontre à cet égard quelques diffé-
rences suivant les individus. Du reste,
la position du cœur est à peu près la
même dans les deux sexes (a).
(1) De TpqXti/_tv, ayant trois pointes.
(2) Chez l'Homme et les Singes, les
trois lobes, ou lèvres de la valvule
triglochine, sont arrondis; mais, chez
le Bœuf et le Mouton, leur portion
terminale s'allonge en une pointe
aiguë.
11 est aussi à noter que le lobe in-
terne qui naît de la portion de l'an-
neau auriculo-ventriculaire voisine de
l'orifice artériel est très large et at-
taché très près de la paroi convexe ou
interne du ventricule, de façon qu'en
se rabattant il tend à fermer l'entrée
de l'infundibulum.
(3) Le nombre et le volume des ma-
melons charnus dont naissent les cordes
tendineuses de la valvule triglochine
varient un peu suivant les espèces. Chez
le Bœuf, on en trouve trois qui sont
gros, courts et terminés par un bord
arqué d'où partent des filets tendineux
assez forts. Chez le Mandrill, on en
compte cinq, et ils sont allongés, cy-
lindriques et bifides ou trifides à leur
extrémité. Chez le Cochon, le mame-
lon de la paroi antérieure du ventri-
cule est le seul qui soit bien développé,
et les faisceaux de fils tendineux qui
correspondent aux deux autres échan-
crures delà valvule s'attachent direc-
tement à la paroi interne et convexe
du ventricule. Pour plus de détails à
ce sujet, on peut consulter les addi-
tions faites par Duvernoy à la 2e édi-
tion de VAnatomie comparée de
Cuvier [b) , et les recherches de
M. Parchappe sur le cœur du Lapin .
(a) J. Meyer, Ueber die Lagc '1er einzelnen llerx-âbsehnilte z-ur Thorax-icand und die Bedeu-
tung dièses Verhâltnisses fur die Auscultation des Her&ens (Virchow's Arrhiv fur pallwl. Anut.,
1851, t. III, p. 265).
{b) Op. cit., t. VI, p. 289.
502 APPAREIL DE LA CIRCULATION
mais, chez l'Ornithorhynque, sa structure est différente et se
rapproche un peu de ce que nous avons yu chez les Oiseaux ,
car on y remarque des espèces de clapets charnus (1).
du Chien , du Chat el de quelques
autres Mammifères (a).
Mais ce qui paraît plus important
à noter, ce sou les différences qui
existent dans les rapports des freins
valvulaires, soit avec la trahécule mo-
dératrice, soit avec la paroi externe et
concave du ventricule, la seule qui
soit extensible ; car, ainsi que nous le
verrons par la suite, celte circonstance
influe sur le jeu plus ou moins parfait
de l'appareil valvulaire. M. King éta-
blit à cet égard, parmi les Mammi-
fères, quatre catégories principales,
mais les passages des uns aux autres
sont nombreux et gradués. Dans le
premier groupe, il range les espèces
chez lesquelles tous les freins de la
moitié droite de la valvule tricuspide,
aussi bien que ceux de la moitié gau-
che, sont fixés à la paroi gauche ou
convexe du ventricule (c'est-à-dire à
la cloison inlerventriculaire), de façon
à être complètement indépendants
des mouvements de la paroi concave
et extensible de ce réservoir ; mode
d'organisation qui est accompagné
d'un état plus ou moins rudimentaire
des trabécules modératrices, et se ren-
contre chez la plupart des Rongeurs
el des Marsupiaux. Dans le deuxième
groupe, M. King place les espèces où
les freins de celte même portion
externe de l'appareil valvulaire nais-
sent de colonnes charnues et se fixent
inférieurement sur la trabécule mo-
dératrice, mais très près de la ter-
minaison de cette traverse dans la
paroi convexe et résistante du ventri-
cule. Celle disposition coïncide avec
un développement plus considérable
des trabécules modératrices, et se voit
chez les Animaux du genre Chat ;
tandis que la plupart des autres Car-
nassiers présentent une structure in-
termédiaire entre celte forme el la
précédente. Dans le troisième type ,
décrit par M. King, la trabécule régu-
latrice est encore plus développée, et
les colonnes charnues qui donnent atta-
che aux freins déjà mentionnés nais-
sent de sa partie externe, près de la
paroi concave du ventricule. Exemple :
les Quadrumanes et l'Homme. Enfin,
dans la quatrième forme organique,
les colonnes charnues dont dépendent
ces freins naissent directement de la
paroi concave et externe du ventri-
cule, au point d'insertion de la bande
transversale ou même plus ou moins
loin de celle-ci. Exemples : le Mouton
et la Chèvre, ainsi que la plupart des
autres Ruminants.
Pour plus de détails relatifs à la
disposition de ces valvules et des
faisceaux musculaires qui s'y atta-
chent chez l'Homme et divers Mam-
mifères, on peut consulter le travail
de M. King (b),
(1) Cbezl'Ornithorhynquela valvule
tricuspide se compose de deux por-
tions membraneuses et deux portions
charnues. L'une de ces dernières est
placée près de l'origine de l'artère
(a) Pàrcliappe, Du exur, p. -1 01 , 174clsuiv.
{b) T. King;, An Essnrj on the Sàfty-valve Function in the RUjht Ventrkle of ihe Heart (Guy's
Hospital Reports, vol. Il, p. 121 , 142ctsuiv., pi, \ el 2).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 508
§ h. — Los oreillettes ont des parois minces, mais clans o^iicue*
lesquelles on distingue aussi des fibres musculaires de divers
ordres : les unes sont communes aux deux oreillettes et forment
sur leur partie antérieure une bande transversale; les autres
sont propres à chacun de ces organes, et constituent, d'une
part, divers faisceaux disposés en éeharpe autour des orifices
veineux, ou qui s'entrecroisent en manière de réseau sur leur
partie antérieure ; d'autre part, des colonnes charnues qui en
garnissent l'intérieur. Du reste, presque tous ces faisceaux
s'unissent aux zones fibreuses qui occupent la base des oreil-
lettes et entourent les orifices ventriculaires (1).
L'oreillette gauche est beaucoup plus petite que la droite, et oreillette
i i i a ii- gauche.
sa portion principale, qui semble être seulement une. dilatation
du confluent des veines pulmonaires, est très nettement séparée
de sa portion auriculaire. C'est dans celle-ci seulement qu'on
trouve des colonnes charnues bien développées, et les parois du
sinus sont, lisses. Enfin les orifices des veines pulmonaires sont
situés sur la face postérieure dont ils occupent les parties laté-
rales; ils sont au nombre de quatre et ils sont dépourvus de
replis valvulaires (2).
pulmonaire et paraît correspondre an braneuse correspondante qui se trouve
bourrelet, ou petite valvule charnue, reliée aussi aux parois du ventricule
qui se remarque à la même place par de petites cordes tendineuses (a).
chez les grands Oiseaux , tels que Chez l'Échidné, ce mode d'organisa-
l'Autruche; elle esî attachée tout le lion n'existe pas.
long du côté de la portion membra- (1) Chez l'Homme, la disposition des
neuse adjacente. L'autre portion divers faisceaux musculaires est sur-
charnue peut être comparée, jusqu'à tout très compliquée à la partie supé-
un certain point, à la grande lame rieure de l'oreillette gauche, où ils
valvulaire des Oiseaux ; mais elle s'entrecroisent pour embrasser là
n'adhère pas aux parois du ventricule base des veines pulmonaires (6).
par son bord latéral. Supérieurement ('2) Nous reviendrons bientôt sur les
elle est attachée à la portion mem- différences qui s'observent dans les
(a)Meckel, Ornithorhynchi paradoxi descriptio anatomica, p. 81, pi. 7, Rg. 2.
— Owen, Monotremata (Tbdd's Cyclopœdia ofAnat. and Physiol., vol. III, p. 390).
t,b) Voyez Boiirjery, Anatomie descriptive, l. IV, pi. 10 bis, fig\ 2, et pi. 10 ter, fig1. 1.
droite.
504 APPAREIL DE LA CIRCULATION
oreillette Dans l'oreillette droite la distinction entre la portion princi-
pale (ou sinus) et l'appendice auriculaire est moins nette que
dans l'oreillette gauche (1), et les colonnes charnues qui font
saillie dans l'intérieur de cet organe sont plus nombreuses et
plus fortes : les principaux de ces faisceaux s'élèvent de la
portion inférieure de l'oreillette près de l'orifice venlriculaire
et rayonnent vers l'appendice auriculaire, disposition qui leur
a valu le nom de muscles pectines du cœur.
Ainsi que je l'ai déjà dit, la cloison qui sépare entre elles les
deux oreillettes ne s'établit qu'incomplètement chez le fœtus, et
même, dans les premiers temps qui suivent la naissance, on y
aperçoit un orifice appelé trou ovale, ou trou de Botal (2).
Mais en général ce pertuis ne tarde pas à se fermer, et du côté
de l'oreillette gauche on n'en trouve presque aucune trace chez
l'adulte ; seulement, dans le ventricule droit, il reste indiqué par
une dépression qui, à raison de sa forme, est appelée la fosse
ovale (S).
orifices veineux de l'oreillette gauche, portant à ce que l'on connaissait
lorsque nous étudierons les vaisseaux déjà (6). Il serait donc préférable
de la petite circulation. d'appeler cet orifice le pertuis inter-
(1) Chez le Phoque, il y a un second auriculaire ou le trou ovale, plutôt
appendice de ce genre en arrière (a). que le trou de Botal ; mais l'usage de
(2) L'existence de l'orifice inter- ce dernier nom est tellement enra-
auriculaire, ou trou ovale, étaitconnue ciné, qu'il serait difficile de le changer
de Galien , et les anatomistes de la aujourd'hui.
renaissance en avaient également La conformation et la clôture de
parlé : Vésale, par exemple. C'est cet orifice ont été mieux étudiées par
donc à tort que quelques auteurs en Ridley que par ses prédécesseurs (c).
ont attribué la découverte à Botal , Lieutaud en a donné aussi une des-
médecin de Charles IX. La descrip- cription très détaillée {d).
tion qu'il en donna vers la fin du (3) Chez l'Homme, cette fosse, si-
xvie siècle n'ajouta même rien d'im- tuée à la partie inférieure de la paroi
(a) Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 282.
(6) Voyez Senac, Traité de la structure du cœur, 1. 1, p. 151.
— Porta), Histoire de l'analomie et de la chirurgie, t. II, p. 562.
(c) Ridley, Observationes quœdam medico-practicœ et physiologicœ, 1703, obs. 32.
(d) Lieutaud, Observations anatomiq^t,es sur le cceur (Mém. de l'Académie des sciences, 1754,
p. 377).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 505
Le nombre des orifices veineux de l'oreillette droite varie
suivant qu'il existe une ou deux veines caves antérieures. Chez
l'Homme, l'embouchure de la veine cave supérieure se trouve à
gauche de l'oreillette droite, est super-
ficielle, et le bourrelet musculaire qui
eu occupe les bords et qui a reçu le
nom (Vanneau de Vieussens, s'efface
vers sa partie inférieure (a). Souvent
on trouve à sa partie supérieure une
petite fente oblique qui s'avance vers
l'oreillette gauche et qui peut même y
déboucher, mais qui ne laisse pas
passer le sang à cause de la manière
dont ses deux lèvres sont appliquées
l'une contre l'autre. Senac parle de
cette fissure comme pouvant presque
toujours se laisser traverser par une
grosse tête d'épingle (6) , et M. Cru-
veilhier a constaté que dans beaucoup
de cas on pouvait par cette voie faire
pénétrer le manche d'un scalpel jusque
dans l'oreillette gauche (c). Quelque-
fois la persistance de cette communi-
cation entre les deux oreillettes cbez
l'adulte est complète (d), mais en géné-
ral le trou de Botal est fermé, ou du
moins cesse de livrer passage au sang
vers le huitième jour après la nais-
sance , quelquefois même beaucoup
plus tôt (e). Du reste, il paraît que les
perforations de la cloison interauri-
culaire qui se rencontrent chez les
adultes ne sont pas toujours congéni-
tales et résultent quelquefois de la
rupture de la lame membraneuse, assez
mince, qui occupe le fond de la fosse
ovale (/").
M. Bizot a trouvé le trou de Botal
ouvert chez l\h sujets sur 155 qu'il
a examinés sous ce rapport, et il
est à noter que 18 de ces cas de non-
oblitération se sont rencontrés chez
des sujets âgés de seize à trente-neuf
ans, et 14 chez des individus âgés de
plus de quarante ans ; enfin , chez
aucun d'entre eux il ne s'était mani-
festé aucun symptôme indicatif d'un
état pathologique du cœur (g).
Quelques anatomisles ont trouvé le
trou de Botal largement ouvert chez
les Phoques plus ou moins avancés en
âge (h), et ont pensé que celte voie de
communication entre les deux oreil-
(a) Voyez Bourgery, Anat. descript., t. IV, pi. 11, fig. 4.
(b) Senac, Traité de la structure du cœur, t. I, p. 168.
(c) Cruveilhier, Traité d'anatomie descriptive, t. II, p. 515.
(d) Sappey, Traité d'anatomie descriptive, t. I, p. 352.
(e) Voyez Billard, Traité des maladies des enfants nouveau-nés, 1828, p. 557.
(f) Morgagni, De sedibus et causis morborum, epist. xvii (Opéra omnia, 1764, t. I, p. 133).
— Corvisart, Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur, p. 290 et suiv. (édit.
de 1818).
— Abernethy, Observ. on the Foramina Thebesii of the Heart (Phil. Trans., t. LXX1X, p. 107).
— Otto, Sellene Beobachtungen zur Anatomie, Physiologie und Pathologie, 1810, t. 1, p. 97.
— Pasqualini, Mem. sulla fréquente opertura del foramine ovale rinvenuto nei cadaveri dei
tisici. Rome, 1827.
(g~) Bizot, Op. cit. (Mém. de la Soc. méd. d'observation, 1837, 1. 1, p. 358).
(h) Perrault , Description anatomique d'un Veau marin (Mém. pour servir à l'histoire des
Animaux, t. I, p. 196).
— Kulm, Phocœ anatome (Acta Acad. Nat.curios., 1721, t. I, p. 16).
— Parson, Some Account of the Phoca (Philos. Trans., 1743, t. XL1I, p. 384).
— Portai, Observations sur la structure de quelques parties du Veau marin (Mem. de Y Acad.
des sciences, 1770, p. 414).
— Blnmenbaoh, Handbnch der Vergleichenden Anatomie, % 160 (4« édit., 1824).
506 APPAREIL DE LA CIRCULATION
la partie supérieure et postérieure de ce réservoir (1) ; celle de
la veine cave inférieure est placée beaucoup plus bas, et l'on
remarque dans son voisinage une troisième ouverture qui appar-
tient à la grosse veine coronaire du cœur (2). Enfin il est aussi à
telles était permanente chez ces Ani-
maux, et même chez tous les Mammi-
fères plongeurs. Mais des recherches
plus multipliées ont bien établi qu'à
l'état adulte, ce mode d'organisation
n'est normal ni chez ces Carnas-
siers (a) , ni chez le Castor (b) , le
Marsouin (c) , le Narwal (d) , le Du-
gong (e), le Rytina (/"), le Cachalot (g),
l'Ornithorhynque (h), ou tout autre
Mammifère. Il est seulement à noter
que, chez les Phoques et quelques
autres espèces, le pertuis interauricu-
laire ne paraît pas se fermer aussi
promplement que chez les espèces
plus complètement terrestres.
(1) Chez l'Éléphant, le Porc-Épic
et les autres Mammifères qui ont deux
veinescaves antérieures, celle du côté
gauche s'ouvre dans l'oreillette, tout
près de son embouchure dans le ven-
tricule.
(2) Chez l'Homme, il existe à l'en-
trée de cette veine un petit repli
semi-lunaire, appelé valvule de Thé-
bésius (i). Mais souvent on n'en voit
aucune trace : ainsi, chez le Rhinocé-
ros indien, l'orifice de la veine coro-
naire, qui est de la grosseur du doigt,
est complètement libre ( j).
Il est aussi à noter qu'on aperçoit
sur les parois de l'oreillette droite
d'autres orifices accessoires de petites
dimensions, appelés trous de Thébé-
sins (foraminula Thebesii) : les uns
appartiennent à des veines du cœur ;
les autres correspondent seulement
aux espaces ménagés entre les co-
lonnes charnues et donnent dans des
culs-de-sac.
La découverte de la valvule dont
l'orifice des veines coronaires est garni
appartient en réalité à Eustachi, ana-
tomiste célèbre qui exerçait la méde-
(a) Selielhamer, Phocœ maris analome (Ephemiridum Acad. Nat. curios., <leo. ?,, ann. vu et
vin, append., p. 24).
— Harlmann, Dissert, de Phoca, scu Vitulo marino. Regiomont., 1083.
— Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 281.
— Albers, Beitrâge zur Anatomie und Physiologie der Thiere, 1. 1, p. Il .
— Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 386.
— Lobstein, Observ. d'anat. comparée sur le Phoque, p. 26.
— Owen, Descript. and Illuslr. Catal. of the Mus. of the Coll. of Surgeons, t. II, p. 54.
(6) Wepfer, De Castore (Blasius, Anatome Animalium, p. 45).
— Meckel, loc. cit.
(c) Idem, ibid.
(d) Albers, Undersogelse over Eeiihïorningen (Monodon Narwal) Hierle, p. 4 (extrait des Actes de
l'Acad. de Copenhague, 1809, 3e série, t. V).
(«) Raffles, Account of a Dugong (Philos. Trans., 1820, p. 178).
(/') Steller, De Bestiis marinis (Nov. Comment. Acad. Petropol., t. II, p. 317).
(g) Jackson, Dissect. of a Spermaceti Wliale (Boston Journ. ofNat. thst., t. V, p. 147).
(h) Meckel, Ornithorhynchi paradoxi descriptio anatomica, p. 31.
(i) Voyez Bourgcry, Anat. descript., t. IV, pi. 10, fig. 2 ; [il. 11, lig. 1.
■ — J. Marshall, On the Development of the Great Anterior Veins in Man and Mammalia
(Philos. Trans., 1850, pi. 1 , Cg. 1 t).
(j) Owen, On the Anatomy of the Tndian Rhinocéros (Trans. of the Zool. Soc, 1852, vol. IV,
p. 47).
CHEZ LES MAMMIFÈRES, 507
noter que l'embouchure de la veine cave supérieure est dépour-
vue de valvules, mais qu'il existe au-dessus de l'orifice de la
veine cave intérieure un grand repli membraneux, appelé valvule
(VEustache, qui le recouvre en partie quand le ventricule se
contracte (1). Cette valvule est plus développée chez quelques
Mammifères, tels que l'Éléphant et les Singes, mais elle manque
chez le grand nombre de ces Animaux, par exemple, chez les
Solipèdes et chez la plupart des Carnassiers (2).
Valvule
d'Eustaclie.
cine à Hoirie vers le milieu du
xvic siècle ; mais Thébésius fut le
premier à faire bien connaître la dis-
position des vaisseaux propres du
cœur, et son nom est resté attaché
à plusieurs parties de cet organe, bien
(pie son travail ne date que du com-
mencement du xvm0 siècle («).
(1) L'existence de celte valvule avait
été brièvement indiquée vers le mi-
lieu du xvie siècle par Jacques Dubois
(ou Sylvius) , l'un des maîtres et des
détracteurs du célèbre Vésale ; mais
Eustachi fut le premier à la faire bien
connaître (jb) , et Winslow y donna
le nom de cet anatomisle (c). Haller
en publia ensuite une description plus
détaillée et plus exacte (d).
C'est un repli de forme semi-lunaire
qui entoure la moitié ou même les
deux tiers antérieurs de l'ouverture
de la veiue cave inférieure ; son bord
libre et concave est dirigé en haut,
et l'une de ses extrémités se continue
avec le pourtour de la fosse ovale ,
tandis que l'autre se perd sur le bord
de l'embouchure de la veine cave. On
remarque un faisceau musculaire dans
l'épaisseur de sa partie inférieure (e).
Sa grandeur est très variable chez
l'adulte; mais chez le fœtus, ainsi que
nous le verrons plus tard , cette val-
vule est très développée.
('2) Il paraît, d'après les observa-
lions de Meckel, que la valvule d'Eus-
lachi manque le plus ordinairement
chez les Carnassiers, mais elle existe
chez quelques espèces de cet ordre,
tellesquele Putois et l'Ichneumon. Cet
anatomiste en a constaté la présence
chez plusieurs Singes, chez les Makis,
chez divers Hongeurs, savoir : le Hat,
le Cochon d'Inde, le Castor et l'Agouti,
ainsi que chez le Daman, parmi les
Pachydermes. Enfin il en a reconnu
l'absence chez d'autres Kongeurs (l'É-
cureuil, le Paca et la Marmotte), ainsi
que chez les Solipèdes, le Cochon, le
Pécari, le Cerf, le Chamois, les Chats,
les Chiens, l'Hyène, les Genettes, la
(a) Thebesius, Disserlatio medica de circula sanguinis in corde. Leyde, 1716.
(b) Eustachi, De vena sine pari (Opuscula anatomica, 1564, et Tabula, anatomicce, tab. S,
fig. 6).
('c) Winslow, Description d'une valvule singulière de la veine cave inférieure (Mém. de l'Acad.
des sciences, 1717).
(d) Haller, Observât, de valvula Eustachi (Opéra minora, t. 1, p. 24, pi. 1 à 4).
(e) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. H bis, fig. 3 et 4.
— Parchappe, Du cœur, sa structure et ses mouvements, pi. 3, fig. 2,
— Relzius, Einige Bemerkuugen ùber die Scheideivand des Herztns (Miiller's Archiv fur
Anal, und Physiol., 1835, p. 161, pi. 1, iïg. 2).
Nerfs
du cœur.
508 APPAREIL DE LA CIRCULATION
J'ajouterai que l'oreillette droite est en général plus grande
que celle de gauche, et que la capacité de ces réservoirs est
notablement inférieure à celle des ventricules, surtout chez
quelques grands Mammifères, tels que le Cheval et le Bœuf (1).
§ 5. — Quant aux filets nerveux et aux ganglions en nombre
très considérable qui se rencontrent dans la substance du cœur ou
à la surface de cet organe (2), je me bornerai, pour le moment,
Loutre, le Blaireau, plusieurs Martres,
l'Ours, le Coati, le Raton, la Musa-
raigne, le Marsouin et la Sarigue.
M. Owen n'en a vu aucune trace chez
le Rhinocéros (a). D'après Cuvier,
Alberset Duvernoy, cette valvule serait
très développée chez le Phoque [b) ;
niais Meckel n'en a trouvé aucun ves-
tige chez plusieurs individus dont il a
faitPanatomie, et il pense qu'il y a eu
à ce sujet quelque erreur dans la dé-
terpiination des parties (c).
(1) Chez le Cheval, les oreillettes
sont très petites comparativement aux
ventricules (d).
(2) Les premiers analomistes de
l'époque de la renaissance, Eustacliiet
Vésale, par exemple, ont entrevu les
nerfs du cœur, et Fallope a découvert
l'espèce de réseau ou plexus que ces
cordons grêles et blanchâtres forment
vers la base de cet organe ; mais leur
préparation anatomique présente quel-
ques difficultés, et leur existence fut
ensuite révoquée en doute par des au-
teurs dont l'autorité était très grande
aux yeux de leurs contemporains, tels
que Riolan, le célèbre adversaire de
Harvey. Les recherches subséquentes
de Lieutaud , Willis , Vieussens , Du-
verney, Lancisi , Winslow, ne lais-
sèrent subsister aucune incertitude à
cet égard ; mais les .descriptions don-
nées par ces différents anatomistes
s'accordaient mal entre elles, et Haller
pensait qu'il devait y avoir dans la
disposition des nerfs cardiaques de
grandes variations individuelles (e).
Senac, après avoir exposé avec beau-
coup de soin les travaux de ses devan-
ciers , a donné à son tour une des-
cription assez détaillée des principaux
troncs nerveux dont le cœur est
pourvu , et la question sur laquelle
les anatomistes du xvne siècle étaient
divisés se trouvait résolue, lorsque des
incertitudes surgirent relativement à
un autre point important de l'histoire
anatomique de ces nerfs. Sœmmering
reconnut que toutes les principales
branches des nerfs cardiaques accom-
pagnent les vaisseaux coronaires, et il
(a) Owen, Op. cit. (Trans. ofthe Zool. Soc, t. IV, p. 47).
(b) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 282.
— Albers, Beitr. zur Anat. und Physiol. der Thiere, p. II.
— Duvernoy, Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, 2e édit. , t. VI, p. 282.
(c) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 388.
(d) Voyez Lafosse, Cours d'hippiatrique, pi. 40, fig. 2 et 3.
— Chauveau, Traité d'anatomie comparée des Animaux domestiques , p. 476, fig. 147.
(e) Pour plus de détails au sujet de ces travaux, je renverrai à l'historique qui en a été donné par
Senac (Traité de la structure du cœur, t. I, p. 116 et suiv.), et par Haller (Elem. physiol., I. 1,
p. 362).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 509
à en signaler l'existence et à en indiquer les principaux carac-
tères, me réservant d'en parler plus au long clans une autre
partie de ce cours.
Ces nerfs proviennent de deux sources : les uns sont fournis
par le système cérébro-spinal et naissent des nerfs pneumo-
gastriques ou de leurs branches; les autres sont fournis par
le système sympathique, et se détachent soit des ganglions
cervicaux, soit du premier ganglion dorsal de ce système. Ils
forment près de l'a base du cœur des plexus très remarquables,
dans lesquels il est eu général facile de distinguer quelques
masses de tissu médullaire constituant ce que les anatomisles
appellent des ganglions ou centres nerveux. Enfin les bran-
ches qui sortent de ces plexus suivent d'abord le trajet des
pensa que leurs ramifications étaient de distribution des nerfs du cœur, el
destinées aux parois de ces vaisseaux fit voir que leurs ramifications se com-
plutôt qu'à la substance charnue du portent dans les parois charnues de
cœur (a). Son élève Behrends alla plus ce viscère comme dans les muscles de
loin, et affirma que la substance mus- l'appareil de la locomotion. Il publia
culaire du cœur ne recevait pas un à ce sujet un magnifique ouvrage (d)\
seul filament nerveux (b), et cette opi- mais tout en décrivant avec une rare
nion, combattue par Munniks (c), eut précision la manière dont les nerfs
un grand retentissement, à raison des du cœur se répandent dans la sub-
questions qui se débattaient alors stance des parois de cet organe , il ne
parmi les physiologistes relativement donna pas une attention suffisante aux
à la source de la faculté contractile renflements ganglioniformes situés
des muscles. Par suite de ces discus- sur leur trajet , particularité anato-
sions, Scarpa, l'un des anatomistes inique qui n'a été mise bien en évi-
les plus célèbres de la seconde moitié dence que par les travaux récents de
du xvme siècle, entreprit une série de MM. Remak, Lee et Bowman (e).
recherches approfondies sur le mode
(a) Sœmmering, Corporis humani fabrica, t. V, p. 43.
(6) Behrends, Dïssertatio inauguralis anatomico-physiotocjica qua demonstratur cor nervis
carere. In-4, Moguntise, 1792;
(c) Munniks, Observ. prima qua indigatur num cordis substantiam muscularem re vera nervi
occupent [Observa'tiones variœ, p. 1, pi. 1 et 2, Groningue, 1785).
(d) Scarpa, Tabulée nevrologicce ad illustrandum historiam anatomicam cardiacorum nervo-
rum, 1794.
(e) Lee, On the Ganglia and Nerves of the Heart (Philos. Trans., 1849, p. 43, pi. 1 à 5).
— Remak, Nevrologische Erlâuterungen (Miiller's Archiv fur Anat. und Phijsiol., 1844.
p. 403, pi. 12).
— Bowman et Todd, Physiological Anatomy, t. II, p. 342.
510 APPAREIL Ht; LA CIRCULATION
artères coronaires, mais s'en séparent ensuite, et se répandent
non-seulement à la surface des ventricules, mais aussi dans la
profondeur de ces organes et dans les parois des oreillettes. 11
est aussi à noter que ces branches, au lieu de rester cylindriques
et uniformes, comme les nerfs ordinaires, présentent sur leur
trajet une multitude de petits renflements dont quelques-uns
paraissent être de véritables ganglions (1).
(I) Les nerfs du cœur présentent
une disposition très complexe, et ils
varient beaucoup dans le mode de di-
vision et de groupement de leurs fila-
ments suivant les individus aussi bien
que clans les espèces différentes. Chez
l'Homme, où l'on en a fait une étude
très attentive , ces variations sont
même si grandes et si fréquentes, que
M. Cruveilhier regarde comme im-
possible d'en donner une description
à k fois détaillée et applicable au plus
grand nombre des sujets (a). En gé-
néral, cependant, on peut reconnaître
comme origine du plexus situé près
de la base de cet organe : 1° trois
paires de nerfs cardiaques fournis
par la portion cervicale du grand
sympathique, savoir, de chaque côté,
un nerf cardiaque supérieur ou su-
perficiel, qui vient du ganglion cer-
vical supérieur ou de son rameau des-
cendant; un nerf cardiaque profond
(ou grand nerf cardiaque), qui naît
du ganglion cervical moyen ; et un
petit nerf cardiaque, qui est fourni
par le ganglion cervical inférieur ; —
2° des branches provenant des nerfs
pneumogastriques , les unes directe-
ment du tronc de ce nerf, les autres
de la grosse branche qu'il envoie au
larynx, et que l'on connaît sous le nom
de nerf récurrent (b) ; — 3° quelques
filets venant du premier ganglion tho-
racique du système sympathique. Tous
ces nerfs, non -seulement ceux du
même côté, mais aussi ceux des côtés
opposés , s'anastomosent entre eux
d'une manière très variable, et consti-
tuent au-dessus du cœur un plexus
fort étendu, dont la portion princi-
pale, appelée le grand plexus car-
diaque, ou plexus cardiaque profond,
est logée derrière la crosse aortique,
au-dessus du tronc de l'artère pul-
monaire et devant la portion corres-
pondante de la trachée. Au centre de
ce plexus, on trouve ordinairement
un ganglion gris rougealre, appelé
ganglion de Wrisberg, ou ganglion
cardiaque inférieur (c), et assez sou-
vent, au lieu d'un seul de ces corps,
on en aperçoit deux, ou même trois.
Un autre ganglion (le ganglion car-
(a) Cruveilhier, Traité d'anatomie descriptive, t. IV, p. 730.
(b) Anderscli, Fragmentant, descriptions nervorum cardiacorum (Ludwig, Seriptores nevrologici
minores selecli, t. II, p. d87 et suiv., pi. 5).
— Neubauer, Descr. anat. nervorum cardiacorum (Opéra anatomica, p. 1 39 et suiv., pi. 3 à 5).
— Scarpa, Tabula; nevrologieœ, pi. 3 et 4).
— Bcurgcry et Jacob, Op. cit., t. IV, pi. t2, lîg. 1.
(c) Wrisberg, Obs. anat. phys. de nervis arterias venasque comitanlibus (Commentutioiicn
Societalis scientiarum Gottingensis , 1784, t. VII, p. 127).
CHEZ LES MAMMIFERES.
511
§ 6. — Les artères qui partent du ventricule gauche du système
cœur pour se distribuer dans les diverses parties de l'économie
artériel
diaque supérieur) se voit aussi très
souvent à la partie supérieure de ce
lacis plexiforme, au-dessous de l'artère
thyroïdienne inférieure. Ce plexus se
prolonge inférieurement en enlaçant
les gros vaisseaux, et ses branches,
après avoir formé trois groupes prin-
cipaux et avoir donné des ramuscules
aux vaisseaux adjacents, vont consti-
tuer à la base de la portion ventricu-
laire du cœur deux plexus secondaires
qui sont en rapport avec les artères pro-
pres de cet organe, et qui peuvent être
distingués sous les noms de plexus
coronaire antérieur (ou gauche) et
plexus coronaire postérieur (a). Ils
suivent pendant un certain temps
le trajet des artères dont ils portent
les noms ; mais leurs branches ne
tardent pas à s'en séparer, soit pour
descendre vers la pointe du cœur en
marchant à peu près parallèlement
sous la tunique péricardique , soit
pour se distribuer aux parois des
oreillettes ; leurs ramifications pénè-
trent non-seulement dans l'épaisseur
des parois des ventricules , mais ar-
rivent jusque sous l'endocarde et
distribuent des filets aux colonnes
charnues. Il y a aussi des branches
qui pénètrent directement dans la
profondeur de la cloison interventri-
culaire. Enfin on remarque , tant au
milieu des plexus coronaires que sur
le trajet des branches de ces nerfs
ventriculaires, une multitude de ren-
flements ganglioniformes, dont les
principaux n'avaient pas échappé à
l'attention de Scarpa, mais dont les
autres n'ont été reconnus que plus
récemment par MM. Lee et Remak.
M. Lee en a trouvé un nombre très
considérable jusque sur les plus petits
rameaux de ces nerfs (6) ; mais il pa-
raîtrait que beaucoup de ces renfle-
ments sont dus à un épaississement
du névrilème seulement , et ne sont
pas de véritables ganglions (c). Pour
d'autres , cependant , la nature gan-
glionnaire n'est pas douteuse , car
on a reconnu dans leur substance le
tissu utriculaire qui est caractéristique
des centres nerveux (d). M. Remak
a rencontré de ces ganglions dans
l'épaisseur de la cloison interventri-
culaire (e).
La disposition du plexus cardiaque
et de ses branches d'origine a été re-
présentée par Swan chez le Veau et le
Renard (f). Weber aussi a donné une
figure de ces nerfs chez le Veau {g).
M. Heidenheim a publié dernière-
ment un travail spécial sur les nerfs
du cœur ; mais n'ayant pu me pro-
curer cet opuscule, je ne puis indi-
quer les résultats obtenus par son
auteur (h).
(a) Scarpa, Op. cil., pi. 6, %. 1 et 2, et pour le cœur du Cheval, pi. 7, fîg. 1 et 2.
(b) Lee, On the Ganglia and Nerves of the Heart (Philos. Trans., 1849, pi. 2, 3, 4 et 5).
(e) Kolliker, Eléments d'histologie, p. 604.
(d) Bowmann et Tond, Physiological Anatomy, t. II, p. 342.
(e) Remak, Op. cit. (Muller's Archiv fur Anat. und Phys., 1844, pi. 12, fig. 1 et 2).
(f) Swan, Illustrations of the Comparative Anatomy of the Nervous System, 1835 d] "C
fig. 1,2, et pi. 33). ' ' ' " '
(g) E. H. Weber, Anatomia comparata nervi sympathici, 1817, pi. 4.
(h) Heidenheim, Disquisitio de nervis cor dis. Berlin, 1854.
III.
33
512 APPAREIL DE LA CIRCULATION
ont, chez les Mammifères, des parois plus épaisses et plus
fortement constituées que dans les classes inférieures du Règne
animal.; leur structure intime a été étudiée aussi avec plus de
soin, et par conséquent je ne puis passer aussi rapidement sur
leur histoire anatomique que j'ai cru devoir le faire en parlant
du système circulatoire des autres Animaux (1).
Lorsqu'on examine le mode de constitution d'un de ces tubes
Structure
de» artères, et qu'on fait choix d'un gros vaisseau, il est facile de distinguer
dans ses parois trois couches principales qui, à raison de leurs
positions relatives, sont généralement désignées sous les noms de
tuniques interne, moyenne et externe. Mais ces couches ne sont
pas simples ; elles se laissent décomposer en strates secondaires
et elles tendent à s'affaiblir ou à disparaître même vers les
parties terminales du système artériel, où tous les vaisseaux
se réduisent en capillaires.
La tunique interne des artères est la continuation de l'endo-
carde ou membrane interne du cœur ; elle a beaucoup d'ana-
logie avec les tuniques séreuses dont les diverses cavités viscé-
rales sont tapissées, la plèvre et le péricarde, par exemple,
et elle offre trois couches assez distinctes. L'une de celles-ci
(1) Les principaux travaux histolo- depuis quelques années, sont dus à
giques sur les vaisseaux sanguins de MM. Henle , Ràuschel , Reichert ,
l'Homme et de quelques autres Mam- Valentin , Kôlliker , Schultze , Re-
mifères dont la science a été enrichie mak, etc. (a).
(a) Henle, Traité d'anatomie générale, t. II, p. 23 et suiv.
— Ràuschel, De arteriarum et venarum structura (Dissert.). Vratisl., 1836.
— Reichert, Bericht ûber die Fortschrilte der mikros. Anat. (Arch. de Miiller, 1841 , clxxxh).
— Valentin, Gewebe desmenschl. und thierischen Korpers, t.l, p. 075 (Wagner's Handwôrterb.
der Physiologie).
— Jaesche, De tells epithelialibus in génère et de Us vasorum in specie. Dorpat, 1847.
■ — Kôlliker, Beitrdge zur Kenntniss der glatten Muskeln (Zeitschnft fur wissenschaflliche
Zoologie, 1849, t.l, p. 79, pi. 6, fig. 13-15, pi. 7, %. 27 et 28), et Éléments d'histologie
humaine, 1855, p. 606 et suiv.).
— Max. Schultze, De arteriarum structura, constitulione chemica et situ; disquisitio critica.
■ Gryphise, 1850.
■ — Remak, Histologische Bemerkungen ûber die Blutgefdsswdnde (Mûller's Arvhiv fur Anat.
undPhysiol., 1850, p. 79).
— Donders et Jansen , Unters. ûber die krankh. Verânder der Arlerienwànde (Arch. fur
Physiol. Heilkunde, t. VU, p. 361).
— Bowman et Todd, Physiological Anatomy, vol. II, p. 316 et suiv., 1856.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 513
en occupe la surface libre et se compose de tissu épithélique,
dont les cellules constitutives sont fusiformes , très pâles et
pourvues d'un noyau ovalaire. Quelquefois ces noyaux seuls
sont distincts , et quand on examine ce tissu à l'aide d'un
microscope dont la puissance n'est pas très grande , ils lui
donnent un aspect grenu (1). Au-dessous de cet épithélium se
trouve une couche basilaire, qui est ordinairement désignée
par les histologistes sous le nom de membrane fenétrée ou de
tunique striée , et qui se compose d'une substance amorphe et
de fibrilles hyalines disposées en réseau. Enfin, plus profondé-
ment encore, on rencontre des fibres plus distinctes, dont la
direction dominante est longitudinale , mais qui ne paraissent
différer que peu des précédentes (2).
(î)L'existencedecettecouchemince terne paraît formé d'une substance
de tissu épithélique pavimenteux à la amorphe. Quelques auteurs la dési-
face interne des vaisseaux a été con- gnent sous le nom de tunique cellu-
statée en 1838 par M. Henle, et a été leusz; mais cette expression peut
confirmée par les observations plus donner lieu à de la confusion, car on
récentes de MM. Schwann, Valentin, l'a appliquée aussi à la tunique ex-
Rosenthal, Kôlliker, Bowman, etc. (a). terne des artères.
Les éléments anatomiques de cette (2) Cette couche fibreuse est dé-
couche superficielle de la tunique in- crite par quelques histologistes comme
terne des artères se dissocient et s'a!- appartenant à la tunique moyenne des
tèrent très promplement après la artères ; mais le passage entre elle et
mort. Ce sont des cellules ovalaires la membrane striée est graduel, et,
ou fusiformes, terminées en pointe et à raison de la direction des fibres, la
ayant dans les gros troncs de Gm,01/j ligne de démarcation me paraît mieux
à 0m,02 de long (a). Dans les très établie entre elle et la couche des
petits vaisseaux les noyaux seuls sont fibres transversales,
visibles, et le reste de la pellicule in-
(a) Henle, Ueber die Ausbreitung des Epithélium im menschlichen Kôrper (Miïller's Archiv fur
Anat. undPhysiol., 1838, p. 127).
— Schwann, Mikroscopischen Vntersuchungen, p. 84.
— Valentin, Zur Entwickelung der Gevjebe des Muskel, des Bhitgefàss-und des Nervensystems
(Miiller's Archiv, 1840, p. 215).
— Rosenlhal, Formatio granulosa, p. 12 (1839).
(6) Voyez Henje, Traité d'anatomie générale, pi. 1, fig. 2.
■ — Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 51, fig. 11.
— Bowman et Todd, Physiological Anatomy, t. II, p. 321, fig. 192 et 193 (cellules épithéliales
de l'aorte du Bœuf et du Cheval).
51 II APPAREIL DE LA CIRCULATION
La tunique moyenne qui engaîne le tube membraneux con-
stitué par les éléments histogéniques dont je viens de parler, est
épaisse, jaunâtre et très élastique : les anciens anatomistes ont
beaucoup varié d'opinion touchant sa nature intime, et c'est
seulement dans ces dernières années que, par l'emploi combiné
du microscope et de certaines réactions chimiques, on est par-
venu à s'en former une idée nette. Aujourd'hui on sait que
dans les gros vaisseaux elle se compose de deux couches assez
distinctes : la première est formée principalement de fibres
transversales qui se bifurquent parfois et se réunissent de ma-
nière à simuler des anneaux ou plutôt un lacis irrégulier dont
les principales mèches représentent des segments de cercle
plus ou moins grands. Le tissu jaune qui les constitue est d'une
nature particulière; il est cassant, il rie résiste pas à l'action de
l'acide acétique, comme le font les fibres longitudinales de la
tunique précédente, et il paraît être composé de cellules fusi-
formes très allongées. Enfin des fibres musculaires lisses se
trouvent mêlées en plus ofl moins grand nombre à ces libres de
tissu jaune. Dans les grosses artères il n'y en a que très peu,
mais dans les petites elles deviennent dominantes (1).
(1) Cet élément histologique des que serait composée uniquement de
artères est constitué par des cellules fibres musculaires dans les artères,
très allongées à noyau également al- dont le diamètre n'excède pas chez
longé. MM. Kôlliker et Remak en ont l'Homme lmm,5 à 2mm. Dans les vais-
trouvé aussi dans la tunique interne seaux de moyen calibre le tissu mus-
de diverses artères chez l'Homme. culaire tend à former des couches qui
La prédominance du tissu muscu- alternent avec le tissu élastique Enfin,
laire dans la tunique moyenne des dans les gros vaisseaux, on n'en trouve
artères, à mesure qu'on approche de que des traces, et les cellules fibril-
la partie périphérique du système cir- laires qui le représentent sont si peu
dilatoire, avait été remarquée par développées, que M. Kôlliker les con-
Cuvier (a), et ressort nettement des sidère comme ne possédant plus la
observations plus récentes de M. Kôl- contractilité d'une manière bien pro-
liker. Suivant ce dernier, celte luni- noncée (b).
(a) Cuvier, Lepons d'analomie comparée, t. VI, p. 102J
(6) Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 612 et 616,
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 515
La seconde couche de la tunique moyenne se compose prin-
cipalement d'un tissu élastique blanchâtre qui ne se laisse pas
diviser en fibres annulaires, mais constitue des lames d'une
structure réticulée. De même que la couche précédente, elle
est élastique dans la direction normale à l'axe du vaisseau, mais
se casse très facilement quand on la tiraille en sens contraire.
Elle se subdivise en plusieurs strates, mais celles-ci ne forment
pas des gaines distinctes et s'enchevêtrent.
Du tissu conjonctif ordinaire (ou tissu cellulaire , pour em-
ein ployer l'expression généralement adoptée par les anciens
anatomistes) se trouve mêlé à ces divers matériaux consti-
tutifs des parois artérielles, et devient surtout abondant vers
leur surface extérieure, où, renforcé par des filaments de tissu
aponévrotique, il constitue la tunique externe et se continue
avec le tissu conjonctif logé entre les vaisseaux et les organes
circon voisins. Les filaments de cette gaine externe sont entre-
croisés dans tous les sens et constituent une sorte de feutrage ;
mais cependant leur direction dominante est longitudinale. De
même que la tunique moyenne, elle disparaît dans les capillaires,
où l'on ne trouve plus que la tunique interne.
On distingue aussi, dans l'épaisseur des parois artérielles, de
petits vaisseaux sanguins (1), des vaisseaux lymphatiques et des
filaments nerveux qui proviennent principalement du système
ganglionnaire (2).
(1) Les vaisseaux nourriciers des les mailles sont plus ou moins arron-
artères (ou vasa vasorum) ne corn- dies, et elles se prolongent aussi dans
muniquent pas directement avec leur les couches superficielles de la tu-
cavité. Les artérioles naissent des nique moyenne ; il ne paraît en exis-
branches voisines et se distribuent ter aucune trace dans la tunique
principalement dans la tunique ex- interne (a).
terne de ces tubes; elles y forment (2) Les divers plexus du grand sym-
un réseau capillaire assez riche, dont pathique fournissent aux artères un
(a) E. BurJach, Bericht dev anatomischen Anstalt in Kœnigsherg, 1835 (voy. Mùller's Archiv
fur Anat. und Physiol., 1836, p. xxvn).
— Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 610.
Mode
de
de l'aorte.
516 APPAREIL DE LA CIRCULATION
§ 7. — Chez les Mammifères, de même que chez les autres
développement Vertébrés, il y a une période de la vie embryonnaire pendant
laquelle un bulbe contractile occupe la base du système aortique,
et celui-ci présente, à son origine, une série d'arcs ou de crosses
qui se portent à droite et à gauche pour embrasser le tube
digestif et se réunir en un tronc médian contre la colonne ver-
tébrale (1); mais ce mode d'organisation, au lieu de se perfec-
grand nombre de petites branches ;
mais ces vaisseaux en reçoivent aussi
quelques-unes provenant du système
cérébro-spinal (a). En général , ces
filaments nerveux semblent accom-
pagner le vaisseau plutôt que de se
distribuer réellement dans la sub-
stance de ses parois ; et lorsqu'ils y
pénètrent, c'est ordinairement entre
les tuniques externe et moyenne qu'on
les voit ramper. Dans quelques cas,
cependant, on les a suivis jusque dans
la tunique moyenne (6), mais ils ne
paraissaient pas y rayonner comme
l'a supposé Luca (c). M. Burggraeve
croit en avoir distingué des filaments
jusque dans cette tunique (e), et
quelquefois ils s'y perdent bien évi-
demment (d). Ribes a suivi des
filets du grand sympathique jusque
dans l'artère poplitée et dans les
brandies de l'artère branchiale (f).
M. Henle a trouvé des nerfs dans des
artères d'un très petit calibre [g) ;
cependant beaucoup de ces vaisseaux
paraissent en être complètement dé-
pourvus. Ainsi M. Kôlliker en a con-
staté l'absence dans les parois de la
plupart des artères du cerveau, de
la moelle épinière et du placenta, et
même de beaucoup d'artères mus-
culaires [h). Les extrémités libres que
ce dernier histologiste a observées dans
les nerfs des parois vasculaires chez
les Batraciens (i) n'ont pas encore
été découvertes chez les Mammi-
fères.
(1) Cet état transitoire du système
artériel, dans lequel il existe de chaque
côté du cou une série d'arcs vascu-
laires ou crosses aortiques primitives,
se voit très bien dans les figures de
(a) Wrisberg, De nervis arterias venasque comitantibus (Commentationes Soc. scient. Gottin-
gensis, 1784-, t. VII, p. 95).
— ■ Gœring, De nervis vasa adeuntibus, p. 12.
(6) Pappenheim, Die specielle Gewebelhere des Gehororganes, p. 67. Breslau, 1840.
(c) Luca, Anatomische Beobachtungen ûber die Nerven diezu den Arterien gehen und sie be-
gleiten, nebst einem Anhang ûber das Zellgeivebe (Reil's Archiv fur die Physiologie, 1810, t. IX,
p. 551, pi. xi b).
(d) Schlemm, Gefâss-Nerven(Eiicyclopadisches Worterbuch der medicinischen Wissenschaften).
(<?) Burggraeve, Histologie, p. 285 (1843).
(f) Ribes, Exposé sommaire de quelques recherches anatomiques, physiologiques et patholo-
giques (Mém. de la Soc. méd. d'émulation, 1816, t. VIII, p. 607).
(g) Par exemple, dans des artères de la pie-mère ayant seulement O^OÛO (Henle, Traité d'ana-
tomie générale, t. II, p. 43).
— Voyez aussi Valentin, Ueber den Verlauf und die letzten Enden der Nerven (Nova Acta Acad.
Nat. curios., 1836, t. XVIII, p. 121).
(h) Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 610.
(i) Kôlliker, Mikroskopische Anatomie, t. II, p. 533.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 517
tionner, comme chez les Poissons ou les Batraciens, ne tarde
pas à disparaître ; le bulbe aortique se confond avec le ventri-
cule du cœur, et, de même que chez les Oiseaux, un seul des
arcs vasculaires se développe pour constituer la crosse aortique ;
seulement, ici, comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas aux dépens
de la portion droite de ce système d'arcs artériels que ce
tronc unique se forme, c'est à l'aide d'une des branches situées
du côté gauche ; et par conséquent, chez l'Animal parfait, ce
vaisseau, au lieu de se recourber à droite, comme chez l'Oiseau,
se recourbe à gauche. Cette différence dans la direction de la
courbure de l'aorte, qui au premier abord peut paraître de peu
d'importance, tient donc à un mode d'origine particulier de
cette portion du système artériel dans la classe des Mammifères
et mérite de fixer l'attention.
Ainsi, dans chacune des cinq formes secondaires de l'Animal
vertébré , la portion du travail organogénique , qui a pour
résultat la constitution définitive du tronc aortique, se fait d'une
façon différente. Le développement des arcs vasculaires se
poursuit d'une manière symétrique chez le Poisson, le Batra-
cien et le Reptile. Chez les deux premiers ces arcs, primitive-
ment simples et continus jusqu'à leur point, de jonction dans la
région dorsale , donnent naissance à un système capillaire
intermédiaire qui les sépare en deux moitiés, l'une inférieure
et afférente à l'appareil branchial, l'autre supérieure et efférente
à ce même appareil. Chez le Poisson, ce réseau intermédiaire,
qui devient l'organe essentiel de la respiration, se perfectionne
de plus en plus, tandis que chez le Batracien il tend à dispa-
raître, et n'est jamais traversé par la totalité du sang chez
l'embryon de la Brebis données par et s'anastomosent entre eux par leur
M. Coste. On y distingue trois paires extrémité supérieure pour donner
de ces arcs qui remontent vers le dos naissance à l'aorte dorsale (a).
(a) Voyez Coste, Histoire générale du développement des êtres orga?iisés, Vertébrés Brebis
pi. 6 et 7. ».
518 APPAREIL DE LA CIRCULATION
l'Animal adulte. Dans les trois classes de Vertébrés Àllantoï-
diens, le développement des arcs aortiques se poursuit sans que
ceux-ci soient jamais interrompus dans leur trajet par un
réseau capillaire; mais ce développement porte sur une paire
de ces arcs chez les Reptiles, et sur un seul des mêmes arcs
chez les Oiseaux et les Mammifères. Enfin cet arc unique qui
doit fournir toutes les artères du corps, appartient, chez les
Oiseaux, à la moitié droite du système primitivement symé-
trique, et chez les Mammifères à la moitié gauche. Quelquefois
cependant la nature se départit accidentellement de ces règles,
et il est à noter que dans les anomalies ainsi produites elle laisse
apercevoir la tendance à l'imitation des types voisins dont j'ai
eu l'occasion de parler au commencement de ce cours. Ainsi
on connaît des exemples de vice de conformation de l'aorte chez
l'Homme, qui rappellent jusqu'à un certain point la forme nor-
male du système artériel de l'Oiseau ou du Reptile ; mais, ainsi
que nous le verrons par la suite, ces déviations ne sont pas
le résultat d'un simple arrêt de développement, et sont la con-
séquence d'un développement progressif vicié par imitation (1).
(1) Ainsi Malacarne a observé chez façon à former un anneau vascnlaire
un vieillard un cas de vice de confor- autour de la trachée et de l'œso-
mation où l'aorte, aussitôt après sa pliage (6) , disposition qui s'expiique
naissance, se divisait en deux crosses également par le développement des
qui, après avoir fourni chacune les deux arcs aortiques primordiaux,
artères sous-clavières et carotides cor- Enfin on cite aussi des exemples de
respondantes , se réunissaient pour la courbure de la crosse aortique à
constituer l'aorte descendante (a), droite, chez l'Homme, à peu près
Chez un sujet disséqué par Hommel, comme cela a lieu normalement chez
la crosse aortique se bifurquait de les Oiseaux (c).
(a) Malacarne , Osservazioni di chirurgia, t. II, p. 119, pi. 1, fig. 1, 2, 1784. — La figure
représentant cette anomalie a été reproduite par M. Tiedemann ( Tabulœ arteriarum covporis
humani, pi. 4, fig. 7).
— Voyez aussi Zagorsky, Arcus aorlce bipartitio prœtermturalis (Mém. de l'Acad. de Saint-
Pétersbourg, 1824, t. IX, p. 387).
(b) Hommel, dans le Comrnercium litterarium. Norimbergiae, 1737, p. 161, pi. 2, fig. 1 et 2.
(c) Forali, Insolita posizione dell' aorta e stravagante origine de'suoi pvijni rami (Saggi scien-
tifici e lillerari dell' Acad. di Padova, 1786, t. I, p. 69.
— Meckel, Mon. d'anat. descript., t. II, p. 312.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 519
§ 8. — La crosse, ainsi constituée, suit à peu près la même
direction chez l'Homme et chez les divers Mammifères. Chez le
premier, dont la position est verticale, ce vaisseau naît du
ventricule gauche (1), derrière l'artère pulmonaire, et se dirige
d'abord en haut et à droite, puis se recourbe à gauche en pas-
sant devant et au-dessus de la bifurcation de cette même artère,
remonte vers la base du cou, se contourne sur le côté gauche
de la trachée et de l'œsophage, enfin gagne la face antérieure
de la colonne vertébrale en se dirigeant en arrière, et descend
ensuite en ligne droite vers l'abdomen. On donne le nom de
crosse de l'aorte à la portion comprise entre le cœur et la
colonne , et les anatomistes appellent aorte descendante la
portion qui est adossée à cette tige osseuse (2).
Crosse
de l'aorte.
(1) Dans quelques cas pathologiques
on a trouvé l'orifice de l'aorte en com-
munication avec les deux ventricules
du cœur ; mais cette anomalie était
probablement le résultat d'une lésion
organique dont l'explication est donnée
par les observations de M. Hauska.
Cet analomiste a remarqué que , im-
médiatement au-dessous de l'angle de
réunion des valvules semi -lunaires
droite et postérieure de l'aorte, il existe
dans la cloison interventriculaire un
espace dépourvu de fibres musculaires
et occupé par les membranes endo-
cardiques seulement. Dans les cas
d'endocardite, la tunique interne du
cœur devient souvent plus ou moins
friable, et lorsqu'une altération de ce
genre a lieu dans la portion amincie
de la cloison dont il vient d'être ques-
tion, la rupture de celle-ci peut en
résulter. Une communication s'établit
alors entre les deux ventricules, et à
chaque systole un courant de sang
veineux pénètre dans l'aorte ; peu à
peu l'orifice de ce vaisseau se trouve
ainsi dévié et s'incline à droite , de
façon qu'il paraît appartenir aux deux
ventricules et être à cheval sur la
cloison. C'est de la sorte que M. Hauska
rend compte de la disposition anor-
male dans l'origine de l'aorte dont il
vient d'être question, état qui a été
comparé par quelques anatomistes à
ce qui existe d'une manière normale
chez divers Reptiles (a).
(2) On distingue encore dans celle-
ci la portion thoracique sous le nom
d'aorte descendante supérieure , et la
portion abdominale sous celui d'aorte
descendante inférieure; mais toutes ces
dénominations s'appliquent , comme
on le voit, à un seul et même vais-
seau, dans les divers points de son
parcours.
(a) Hauska, Ueber den Durchbruch des sept uni ventricul. cord. (Wiener medizinische Wochen-
sehrift, 1855, n° 9).
520
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Premières
branches
de l'aorte.
Il est à noter que chez l'Homme la grande courbure de cette
crosse présente une dilatation assez prononcée, et que cette
disposition, dépendante sans doute de la pression exercée par le
sang qui sort du cœur, augmente avec l'âge. Chez les Mammi-
fères plongeurs, la dilatation de cette portion de l'aorte est sou-
vent encore plus marquée (1).
§ 9. — Immédiatement au delà des valvules qui en garnis-
sent l'entrée, la crosse aortique donne naissance aux branches
destinées à porter le sang dans la substance du cœur, et appelées
artères coronaires (2). Elle fournit ensuite plus ou moins direc-
(1) Cette dilatation de la crosse de
l'aorte a été remarquée chez les Pho-
ques (a), le Dauphin et le Narwal (6),
ainsi que chez la Loutre et le Cas-
tor (c).
(2) Chez l'Homme et la plupart des
Mammifères, l'aorte donne naissance
à deux artères cardiaques ou coro-
naifes du cœur. Elles se détachent de
la face sternale de ce vaisseau et se
dirigent immédiatement en bas. L'une,
appelée artère cardiaque antérieure
ou gauche, suit le sillon qui, à la face
antérieure du cœur, correspond à la
ligne de séparation entre les deux
ventricules; elle fournit une grosse
branche auriculo-ventriculaire qui se
loge dans le sillon situé entre la base
du ventricule gauche et l'oreillette
correspondante; enfin ses ramifica-
tions se distribuent dans les parties
voisines et s'anastomosent aussi avec
divers rameaux de l'autre division
principale (ou artère cardiaque posté-
rieure). Celle-ci passe entre la base du
ventricule droit et l'oreillette corres-
pondante, et contourne ainsi le cœur
pour gagner le sillon interventricu-
laire postérieur ; elle donne naissance
à une branche transversale qui va s'a-
nastomoser avec la portion terminale
de l'artère auriculo-ventriculaire four-
nie par l'artère cardiaque antérieure ;
enfin elle s'anastomose elle-même avec
la portion terminale de ce dernier vais-
seau. Il en résulte que ces artères
forment autour du cœur deux cercles,
dont l'un embrasse cet organe sui-
vant la ligne de partage des oreillettes
et des ventricules ; l'autre contourne
sa portion ventriculaire en sens opposé
et suit le sillon qui correspond à la
cloison interventriculaire (d). De ces
deux cercles vasculaires partent les
branches de distribution tant pour
les oreillettes que pour les ventri-
cules, et une de celles-ci a reçu le nom
cV artère de la cloison, parce qu'elle
(a) Severinus, De Phoca (Blasius, Anatome Animalium, 1681, p. 285).
— Seger, De anatome Phocoz fœmellœ junioris (Ephem. Nat. cur., déc. 1, ann ix, p. 252).
— Blumenbacli, Handbuch der vergl. Anatomie, p. 224.
— Rapp, Die Cetaceen zoologisch-anatomisch. Dargestellt, 1805, p. 158.
(b) Albers, Undersôgelse over Eenhïorningens hierte, p. 5 (extrait des Actes de l'Acad. de
Copenhague, 3" série, t. V).
(c) Meckel, Traité d' anatomie comparée, t. IX, p. 434.
(d) Voyez Bourgery et Jacob, Anat. descript., t. IV, pi. 12, fig. 2.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 521
tement les artères qui servent à porter le sang à la tête et aux
membres antérieurs, ainsi qu'à la partie antérieure du thorax,
c'est-à-dire les artères carotides et vertébrales, les sous-cla-
vières et les mammaires ; mais il existe de grandes variations
dans le mode d'origine de ces divers vaisseaux, ou plutôt
dans leur mode de groupement dans le voisinage du cœur,
et l'étude de ces différences a de l'intérêt, non à raison de
quelque relation qu'elles auraient avec des particularités phy-
siologiques, mais parce qu'elles jettent beaucoup de lumière
sur la théorie anatomique des modifications du système vascu-
laire, et parce qu'elles correspondent souvent à certaines ano-
malies dont l'organisation de l'Homme nous offre parfois des
exemples.
En effet, presque toutes ces modifications se laissent ramener Mode d'origine
i , • • 1 5 i < ,n des artères .
a un type unique, si 1 on admet que par un mouvement de cen- carotides
tralisation analogue à celui qui détermine la disparition du bulbe S0Us-ci9vières.
aortique chez l'embryon, la portion basilaire du système des
artères brachio-céphaliques rentre à divers degrés et se confond
dans le tronc aortique dont il est une dépendance, et que des
phénomènes du même genre puissent transporter jusque dans
cette portion basilaire l'embouchure de diverses branches qui,
dans le tracé primitif, s'en trouvaient plus ou moins éloignées.
Ainsi, prenons pour premier exemple le Mouton. Chez cet
Animal , la crosse de l'aorte donne naissance à un seul tronc
se loge dans l'épaisseur de la cloison rencontrée chez l'Homme (6). D'autres
interventriculaire et y distribue ses fois , au contraire , trois ou même
rameaux. quatre branches cardiaques partent
Chez quelques Mammifères, toutes isolément de l'aorte, mais ces variâ-
tes artères cardiaques naissent de tions ne changent en rien le mode
l'aorte par un tronc commun. Camper de distribution de ces vaisseaux à la
a signalé cette disposition chez l'Élé- surface du cœur,
pliant (a), et accidentellement on l'a
[a) Camper, Œuvres, t. n, p. 133.
(b) Meckel, Manuel d'anatomic descriptive, t. II, p. 314.
522 APPAREIL DE LA CIRCULATION
médian dont toutes les artères de la tète et des membres anté-
rieurs du corps sont des dépendances. C'est une sorte d'aorte
cervicale qui se dirige en avant, et qui fournit successivement,
à des hauteurs différentes, d'abord la sous-clavière gauche,
puis la sous-clavière droite, et enfin les deux carotides qui en
sont les branches terminales. Les artères vertébrales et mam-
maires ne naissent pas directement de ce tronc aortique anté-
rieur, mais se détachent des sous-clavières près de la base de
ces vaisseaux.
Chez le Cheval, la disposition de ce système est la même, si
ce n'est que la portion basilaire de l'aorte cervicale, située en
amont de l'origine de la sous-clavière gauche, est plus courte.
Chez le Dromadaire, elle se raccourcit encore davantage.
Enfin , chez la Girafe , elle semble avoir été absorbée en
entier par la crosse de l'aorte, de façon que la sous-clavière
gauche naît alors directement de cette crosse, et que l'aorte
cervicale ne fournit que la sous-clavière droite et les deux
carotides.
Le même mode de conformation se rencontre chez le Chien,
le Chat et un grand nombre d'autres Mammifères; mais quel-
quefois, chez le Cochon d'Inde, par exemple, elle se modifie un
peu par suite d'un changement analogue à celui dont il vient
d'être question, qui s'opère dans la portion terminale du tronc
commun. Le tronçon de ce vaisseau compris entre le point
d'origine de la sous-clavière droite et la séparation des deux
carotides disparaît, de façon que ces trois branches naissent
ensemble, ou bien la coalescence faisant plus de progrès entre
les vaisseaux voisins, le tronc commun se continue après avoir
fourni la carotide gauche, et la séparation entre la carotide
droite et la sous-clavière du même côté ne s'effectue qu'un peu
plus loin.
Un degré de plus dans cette espèce de centralisation des
gros vaisseaux artériels de la base du cou transformera le tracé
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 52a
que nous venons de rencontrer chez le Cochon d'Inde en celui
qui se voit chez l'Homme et plusieurs autres Mammifères. En
effet, si le mouvement de retrait que nous avons supposé
à la base de l'aorte cervicale, après avoir fait rentrer, comme
chez ce Rongeur et chez le Chien, un premier tronçon de celle-
ci dans la crosse aortique, et avoir de la sorte ramené le point
d'origine de la sous-clavière gauche jusque sur les parois de
cette crosse, se continue au delà du point de séparation delà
portion restante de l'aorte cervicale et de la carotide gauche, il
arrivera aussi que ce dernier vaisseau deviendra une branche
de la crosse, et que le tronc commun de tout le système cé-
phalo-brachial ne se trouvera plus représenté que par la portion
terminale, qui, chez le Cochon d'Inde, se bifurque pour con-
stituer la carotide et la sous-clavière droites. Or, c'est là préci-
sément le mode d'organisation qui se voit chez l'Homme, où la
crosse aortique fournit à la base du cou trois grosses artères,
savoir : 1° un tronc brachio-céphalique dont la bifurcation
produit la sous-clavière et la carotide droite ; 2° la carotide
gauche, et 3° la sous-clavière du même côté.
Chez d'autres Mammifères on rencontre des particularités
qui ne s'expliquent pas de la même manière, et qui semblent
dues à la persistance de la division binaire et symétrique de toute
cette portion du système aortique chez l'embryon.
Ainsi, chez la Taupe, la crosse aortique donne naissance à
une paire de troncs analogues à l'aorte cervicale commune dont
il vient d'être question, et chacun de ces troncs mérite de porter
le nom d'artère brachio-céphalique, car il se bifurque pour
constituer la carotide et la sous-clavière de son côté.
Un mouvement de centralisation qui s'opérerait à la fois
d'avant en arrière et de dehors en dedans transformerait les
vaisseaux , ainsi disposés , en un système semblable en tout à
celui que Cuvier a trouvé chez l'Éléphant (1).
(1) Ainsi, en résumé, le système des artères fournies à la tête et aux
52/jj. APPAREIL DE LA CIRCULATION
Je ne connais aucun exemple d'une centralisation normale plus
grande de ces gros vaisseaux, mouvement qui amènerait chacun
d'eux directement à la crosse aortique, et ferait que celle-ci donne-
rait naissance à deux carotides et deux sous-clavières distinctes
membres antérieurs par la crosse aor- Chauves-Souris (g) et le Marsouin (h).
tique naît de la manière suivante : D'autres fois une artère sous-cla-
1° Par un seul tronc ou aorte anté- vière gauche et une aorte antérieure
rieure, chez les Solipèdes, la plupart qui fournit les deux carotides et la
des Pachydermes ordinaires et des sous-clavière droite, et dont la pre-
Ruminants, ainsi que chez quelques mière branche est tantôt la carotide
Rongeurs. Exemple : le Cheval (a), gauche, comme cela se voit chez
le Chameau (6), le Mouton, le Che- certains Singes, tels que le Magot (■<);
vreuil (c) et le Porc-Épic (ci). Meckel chez le Putois (j),la Martre (ft),leBlai-
a rencontré aussi ce mode d'organi- reau, le Tigre (l), parmi les Carnassiers;
sation chez un Carnassier, le Viverra l'Écureuil (m), le Souslik (ri), la Mar-
genetta (e). motte, leCochond'Inde(o),leLapin(p),
2° Par deux troncs, savoir : parmi les Rongeurs; et chez le Cochon
Tantôt une paire d'artères brachio- domestique (g), parmi les Pachydermes;
céphaliques donnant naissance cha- le Pangolin (r), etc. ; tantôt une carotide
cune à l'une des sous-clavières et à primitive, dont la bifurcation donne
la carotide du même côté ; disposition naissance aux deux carotides. Exem-
qui se voit chez la Taupe (/), les pie : le Chien (s), le Chat, le Lion,
(a) Voyez Leyh, Handbuchder Anatomie der Hausthiere, p. 363, fig. 160.
— Chauvenu, Anatomie comparée des Animaux domestiques, fig. 147.
(6) Daubenton, Description du Dromadaire (Buiïbn, Mammifères, t. X, p. 205).
— Cuvier, Leçons d' anatomie comparée, t. VI, p. 112.
(c) Carus, Traité élémentaire d'anatomie comparée, t. II, p. 253.
(d) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 112.
(e) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 396.
(/) Otto, De Animalium quorumdam per hiemem dormientium vasis cephalicis et aure interna
(Nova Acta Acad. Nat. curios., 1 826, t. XIII). — Mém. sur les vaisseaux céphaliques des Animaux
qui s'engourdissent pendant l'hiver (Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 79).
(g) Otto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XI, p. 73).
(h) Rapp, Die Cetaceen, p. 159.
— Stannius, Ueber den Verlaufder Arterien hei Delphinus phocjena (Mùller's Archiv fur Anal,
und Physiol., 1841, p. 382).
(i) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. HO.
(j) Barkow, Disquisit. circa originem et decursum arteriarum Mammalium, p. 14.
(k) Barkow, Disquisit. recentiores de arte7*iis Mammalium et Avhim (Nova Acta Acad. Nat.
curios., 1844, t. XX, p. 640).
(I) Cuvier, loc. cit.
(m) Otlo, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 92).
— Carus et V. Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 7, fig. 1.
, (n) Barkow, Disquisit. récent. (Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XX, p. 618)
(o) Cuvier, loc. cit.
(p) Cuvier, loc. cit., p. 110.
— Barkow, Disquisit. circa origin. et decurs. arter. Mammalium, p. 39 et 43.
(q) Barkow, Disquisit. recentiores (Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XX, p. 609).
(?•) Hyrtl, Beitr.zur vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, pi. 1, fig-. 1).
(s) Barkow, Disquisit. circa origin. et decurs. arter. Mammalium, p. 1.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 525
dès leur origine (1) ; mais on comprend qu'un phénomène de ce
genre pourrait facilement se manifester, et, en effet, la dispo-
sition qui en résulterait s'est rencontrée dans quelques cas de
vice de conformation du système vasculaire chez l'Homme (2).
Je pourrais citer d'autres particularités de structure dans
le mode d'origine des artères de la tête et des membres tho-
raciques chez quelques Mammifères, et montrer que, dans
certains cas tératologiques, la Nature semble avoir voulu les
reproduire chez l'Homme; mais ces faits de détail n'offrent pas
l'Ours, la Loutre (a), la Musaraigne (6), du mouvement centripète d'un de ces
la Girafe (c) et le Kanguroo (d); deux troncs brachio-céphaliques, aussi
3° Par trois troncs, lesquels sont : bien que des transformations décrites
Tantôt une artère brachio-cépha- ci-dessus pour montrer les liaisons
lique droite, une carolide gauche et entre le type asymétrique du tronc
une sous-clavière gauche, comme chez aortique cervical, et le type qui offre
l'Homme (e) , le Chimpanzé {f) , le un tronc commun pour le côté droit
Hérisson (g), le Phoque (h), le Sur- du corps et deux troncs séparés pour
mulot (i), le Loir, le Castor, le Rat, le côté gauche.
la Gerbille (j), l'tlélamys (k) , le Pa- (1)11 me paraît probable cependant
resseux (l), le Phascolome (m), l'Or- que cette disposition se rencontre
nithorlrynque (n). chez le Morse , car Daubenton a re-
D'autres fois une paire d'artères sous- marqué que chez cet Animal la crosse
clavières entre lesquelles se trouve aortique fournit quatre branches ,
une carotide commune. Exemple : mais il ne s'explique pas sur la nature
l'Éléphant (o). de ces vaisseaux (p).
On comprend que le mode d'orga- (2) Cette disposition anormale a été
nisation propre à ce système de vais- observée dans quelques cas tératolo-
seaux chez l'Homme pourrait dériver giques décrits par Heister, Winslow,
(a) Cuvier, loc. cit.
(6) Otto, loc. cit. (Ann. des sciences nat., t. X, p. 77).
(c) On the Nubian Girafe (Trans. of the Zool. Soc, t. II, p. 229).
(d) Owen, art. Marsupialia (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. III, p. 306, fig. 131).
(e) Voyez Bourgery et Jacob (Op. cit., t. IV, pi. 15), ou toute aulre iconographie anatomique rhi
corps humain.
(f) Vrolik, Recherches d'anatomie comparée sur le Chimpanzé, pi. 6, fig. 4.
(g) Barkow, Disquisit. circa origin. et decurs. arter. Mammalium, p. 24, pi. 1, fig. 1.
— Otto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XI, p. 75).
(h) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 111.
(i) Barkow, Disquisit. circa origin. et decurs. arter. Mammalium, p. 31.
(j) Otto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. XI, p. 83 et suiv.).
(k) Bianconi, Specimina zoologica Mosambicana, Mammalia, pi. 5, fig. 16.
(I) Owen, art. Marsupialia (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. III, p. 307, fig. 132).
(m) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 112.
(?i) Meckel, Ornithorhynchi paradoxi descriptio anatomica, pi. 7, fig. 1.
(o) Cuvier, Op. cit., p. 111.
(p) Daubenton, Description du Morse (Buffon, Mammifères, t. XII, p. 363).
526 APPAREIL DE LA CIRCULATION
assez d'importance pour nous arrêter plus longuement ici ,
et les exemples que j'ai déjà passés en revue me semblent
Bœmer, Walter, Zagorsky, Neubauer Pour plus de détails sur ces diverses
et plusieurs autres anatomistes (a). On anomalies angiologiques, je renver-
cite également des exemplesde l'origine rai aux écrits des anatomistes que je
des artères vertébrales sur la crosse viens de citer , et de quelques au-
aortique (b). Parfois aussi les artères très (c), dont Meckel a rendu compte
thyroïdiennes inférieures en naissent. dans ses différents ouvrages (d). J'a-
(a) Heister, Compendiurn anatomicum, t. II, p. 123 (4° édit.).
— Winslow, Exposition anatomique du corps humain, 1732, p. 363.
— Huber, Observ. aliquot de arcus aortœ ramis, etc. (Acta Helvetica, 1777, t. VIII, p. 68,
pi. 3, fig. 3).
— Bellay, Diversités anatomiques (Journal de médecine de Vandermonde , 1758, t. VIII,
p. 443).
— Neubauer, Descriptio anatomica arteriœ innominatœ et thyreoideœ imœ (Opéra anatomica,
p. 209).
— Zagorsky, Observationum anatomicarum quadriges, de singulari arteriarum aberratioue
(Mém. de VAcad. de Saint-Pétersbourg, 1803-1806, t. I, p. 385).
— : Meckel, Handbuch der pathologischen Anatomie, t. II, 1" partie, p. 107.
— Tiederaann, Tab. arteriarum corporis humani, pi. 3, fig. 3.
— Alessandrini, Descriptio anatomica humani fœtus bicorporei-monocephali (Novi Comment.
Acad. Bononiensis, 1836, t. II, p. 179).
— Frandsen, Arteriœ subclaviœ dextrœ originis abnormis ac decursus casus (Dissert, inaug.)
KieJ, 1854).
(6) Penada, Saggio terzo di osserv. e mem. pathologico-anatomische. Padova, 1801, p. 44.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 4, fig. 4 et 5.
(c) Bœmer, Observationes anatomicas binas dequatuor etquinque ramis ex arcu arteriœ. magnœ
ascendenlibus (Haller, Disputationum anatomicarum selectarum, 1747, t. II, p. 449, pi. 3).
— Hunauld, Obsei'vations anatomiques (Histoire de l'Académie des sciences, 1735, p. 20).
— Petsche, Dissert, inaug. qua sylloge anatomicarum selectarum observationum continetur.
Halte, 1736.
— Loder, Progr. de vonnullis arteriarum varietatibus. Ienœ, 1781.
— Murray, Anatomische Bemerkungen bey einer sonderbaren Stellung einiger grôssern Puls-
adernstâmme unweit des Herzens (Der schwedischen Akad. der Wissenschaften Abhandl., 1768,
t. XXX, p. 92, pi. 3).
— Sandifort, Muséum anatomicum Academiœ Lugduno-Batavœ descriptum, 1793, t. 1, p. 242
et 273, pi. 106, fig. 2, et pi. 107, fig. 1, 2.
— Zagorsky, De arcus aortœ abnormitate, etc. (Mém. de VAcad. de Saint-Pétersbourg , 1807-
1808, t. II, p. 318, pi. 13).
— Koberwcin, De vasorum decursu abnormi, etc. Wiltenb., 1810.
— Ryan, Dissert, de quarumdam arteriarum in corporc humani distributione. Edinb., 1812.
— G. Fleischmann, Leichenoffnungen, 1815, p. 236.
— Bayer, De ramis ex arcu aortœ prodeunlibits. Salzb., 1817 (prsesid. Tiedemann).
— Bernhard, Dissert, de arler. e corde prodeunlium aberralionibvs. Berlin, 1818.
— Schoen, De nonnull. arteriarum ortu et decursu abnorm. Halle, 1823.
— Isaaks, Anomalies ofArteries (American Journ. ofMed. Scienc, 1855, new Séries, -vol. XXX,
P 400).
— Cavasse, Anomalies artérielles (Bulletin de la Société anatomique de Paris, 1836, 2e série,
t. I, p. 72).
(</) Meckel, Ueber die Bildungsfehler des Herzens (Beil's Archiv fur die Physiologie, 1805,
t. VI, p. 549). — Handbuch der pathologischen Anatomie, t. II, 1" partie, p. 98 et suW. — Ma-
nuel d! anatomie générale et descriptive, t. H, p. 318.
— Voyez aussi Tiedemann, Explicationes tabularum arteriarum corporis humani, p. 12 et
suiv.).
— Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire générale et particulière des anomalies de l'organisa-
tion, t. I, p. 358.
chez Les mammifères. 527
devoir suffire pour nous donner la clef de toutes ces modifica-
tions (1).
§ 10. — Chez l'Homme, ainsi que chez les autres Mammifères
dont le cou n'est pas remarquablement court, les deux artères
carotides s'avancent directement vers la tête en longeant laté-
ralement la trachée et l'œsophage, et ne donnent en général
aucune branche jusqu'à ce qu'elles soient parvenues dans la
région pharyngienne (2), où elles se bifurquent pour constituer
Artères
carotides.
jouterai que M. Tiedemann a donné
une série de figures, les unes origi-
nales, les autres tirées des ouvrages
de ses prédécesseurs, et représentant
les principales variations dans l'ori-
gine des artères en question (a) ,
figures qui, pour la plupart, ont été
reproduites par Bourgery (b).
(I) Les autres modifications qui se
rencontrent dans cette portion du
système artériel n'affectent pas le mode
d'origine des branches fournies direc-
tement par la crosse aortique, mais
dépendent de certaines variations dans
la disposition des grosses branches
qui, d'ordinaire, sont fournies par les
artères sous-clavières et qui parfois
s'avancent davantage vers le cœur.
Ainsi chez le Khinocéros, où tout le
système brachio-céphalique naît d'un
tronc impair commun, celui ci fournit
d'abord une paire d'artères thoraci-
ques, puis les deux sous-clavières et
plus loin les deux carotides (c). Cuvier
a observé une disposition analogue
chez le Porc-Épic [d) ; mais clans l'in-
dividu décrit par Otto, la crosse aor-
tique donnait naissance à un tronc
brachio-céphalique et à une carotide
gauche (e).
Chez le Dauphin, cette tendance à
la centralisation des troncs latéraux
porte sur les artères vertébrales, qui,
au lieu de naître des sous-clavières
comme d'ordinaire, résultent, conjoin-
tement avec les carotides et les sous-
clavières, de la trifurcation de deux
troncs brachio-céphaliques pairs (/").
(2) Chez quelques Mammifères où
la région cervicale est très développée,
les carotides primitives donnent nais-
sance à un nombre considérable de
petites branches latérales qui vont se
distribuer aux muscles \oisins et à la
trachée. M. Vrolik a observé environ
soixante et dix de ces branches chez le
Dromadaire, et il a constaté une dis-
position analogue chez l'Élan (g).
Les artères thyroïdiennes inférieu-
res, qui, chez l'Homme et quelques
Mammifères, proviennent des sous-
clavières et passent obliquement der-
rière les carotides pour gagner la
partie antérieure du cou et se distri-
(a) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 2, fig. 3-9; pi. 3 et i.
(b) Bourgery, Analomie descriptive, t. IV, pi. 33, fig. 6, 9, etc.
(c) Owen, On the Anat. of the Indian Rhinocéros (Trans. of the Zool. Soc, t. IV, p. 47).
(d) Cuvier, Leçons d' analomie comparée, t. VI, p. i\i.
(e) Otto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t. X, p. 95).
(f) Cuvier, Op. cit., p. 111.
(g) Vrolik, Het Leven en het maaksel der Dieren, 1854, t. II, p. 62.
III.
34
528 APPAREIL DE LA CIRCULATION
la carotide externe et la carotide interne. Mais, chez quelques
Cétacés, où le cou est extrêmement court, ce tronc, intermé-
diaire entre l'aorte et les artères particulières de la face et du
crâne, ne se développe pas, et les carotides internes et externes
naissent directement des troncs brachio-céphaliques (1).
Souvent la carotide cervicale (ou carotide primitive) de
chaque côté , au lieu de se bifurquer supérieurement, se divise
en trois branches , dont la première se dirige en avant et en
buer principalement dans le corps
thyroïde, sont souvent fournies direc-
tement par les carotides. Cette dispo-
sition se rencontre chez le Hérisson,
le Putois (a), le Lièvre , le Cochon
d'Inde (6), les Quadrumanes, etc.
Dans la Loutre , cette paire d'ar-
tères est représentée de chaque côté
par deux petits rameaux qui naissent
de la carotide (c).
D'après Meckel, chez le Fourmilier
tridactyle, ces artères, ainsi que la thy-
roïdienne supérieure, seraient rempla-
cées par un tronc unique qui provien-
drait de l'artère brachio-céphalique ou
aortique antérieure [d) ; mais M. Ilyrtl
les a vues naître de la sous-clavière,
tandis que les thyroïdiennes supé-
rieures étaient fournies par les caro-
tides (e).
Il est aussi à noter que dans cer-
tains cas d'anomalies angiologiques
on a rencontré une disposition assez
analogue chez l'Homme, car on a
vu une artère thyroïdienne inférieure
naître directement de la crosse aortique
ou du tronc brachio-céphalique (/").
Chez l'Aï, les carotides primitives
s'élèvent , comme d'ordinaire , des
deux côtés du cou ; mais, au niveau
de chaque espace intervertébral, elles
s'anastomosent avec les artères verté-
brales à l'aide de petites branches
transversales (g).
(1) Chez le Marsouin, le tronc bra-
chio-céphalique ( arteria anonyma )
du côté droit donne naissance à une
artère thoracique postérieure, à une
artère carotide cérébrale ou interne,
et à une artère carotide faciale ou ex-
terne, puis se continue sous le nom
d'artère sous-clavière pour fournir la
mammaire interne, etc. Le tronc bra-
chio - céphalique gauche fournit la
carotide interne, la carotide externe
gauche , et une artère cervico-occipi
taie, puis, comme sous-clavière, donne
naissance à la mammaire interne
gauche. Une troisième branche qui
se détache aussi de la crosse aortique
constitue l'artère thoracique posté-
rieure du côté gauche (h).
(a) Barkow, Disquisit. circa originem et decursum arteriarum Mammalium, p. 15, 24 .
(b) Otto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., t, XI, p. 96 et 97).
(c) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 403.
(d) Meckel, loc. cit.
(e) Hyrtl, Beitrâge zur vergleichenden Angiologie [Mém. de l'Académie de Vienne, t. VI, p. 33,
pi. 4, fig. I).
({) Voyez Tiedemann, Eœplicaliones tabularum arteriarum corporis humani, p. 59.
(g) Hyrtl, Vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1. 1, p. 21, pi. 2, fig. 1).
(h) Siannius, Ueber den Verlauf der Arterien bei Delphinus phncœna (Mùller's Archiv fur Anat,
«.ndPhysiol., 1841, p. 383).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 529
bas, et porte le nom d'artère thyroïdienne supérieure; mais
d'autres fois celle-ci n'est qu'un rameau de la carotide externe.
Quoi qu'il en soit, elle se distribue au larynx, au corps thy-
roïde et aux muscles de la partie antérieure du cou (1).
Il est aussi à noter que d'autres fois la bifurcation de l'artère
carotide cervicale ou primitive, qui est si bien caractérisée
chez l'Homme, ne se voit pas ; la carotide interne n'est repré-
sentée que par une petite branche, et le tronc commun, en se
continuant, constitue la carotide externe; disposition qui se voit
chez le Cochon d'Inde, par exemple ("2).
L'artère carotide externe remonte derrière l'angle de la
mâchoire inférieure, et, parvenue auprès de l'articulation de
cet os, se divise en deux branches appelées artères temporale
superficielle et maxillaire interne; mais, avant d'arriver à ce
point, elle fournit plusieurs rameaux.
Ainsi, chez l'Homme, il en part d'abord l'artère thyroïdienne Artère carotide
supérieure, dont j'ai déjà parlé; puis une artère linguale, dont chezrHomme.
une branche se rend au larynx et dont le tronc se distribue
dans la langue, la glande sublinguale et les muscles voisins \
une artère faciale qui contourne en dessous l'angle de la mâ-
choire et remonte obliquement sur la joue, vers l'angle du
nez, et se prolonge jusque sur le milieu du front, en fournis-
sant, chemin faisant, les artères labiales, etc.; une artère occi-
pitale destinée aux téguments et aux muscles de la nuque;
(1) Les branches terminales de la (2) Pour plus de détails à ce sujet,
thyroïdienne supérieure s'anastomo- voyez les Mémoires d'Otto et de Bar-
sent avec leurs congénères et avec kow (6). Chez les Fourmiliers, la
celles de la thyroïdienne inférieure. carotide primitive paraît trilurquée à
Ce vaisseau fournit aussi des ramus- raison du grand développement de
cules aux muscles voisins (a). Tarière linguale (c).
(a) Voyez Tiedemann, Tabula arteriarvm corporis humani, pi. 6,
— Bourgery et Jacob, Anat. descript., t. IV, pi. 29.
(6) Olto, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 97).
— Barkow, Disquisit. circa originem et decursum arteriarum Mammalium p 38
(c) Hyrtl, Vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1854, t. VI, pi. 3 %. 1)
530 APPAREIL DE Là CIRCULATION
une artère auriculaire postérieure qui remonte sur le côté du
crâne en passant derrière l'oreille; enfin une artère pharyn-
gienne inférieure qui se rend au pharynx et envoie un rameau
jusque dans l'intérieur du crâne (1).
Vartère temporale superficielle, qui est une des branches
terminales de la carotide externe, passe devant l'oreille et
remonte sur les côtés du crâne en marchant sous la peau et en
fournissant, chemin faisant, des ramuscules au muscle masséter et
aux autres parties latérales de la joue. Un de ses rameaux sedirige
en avant au- dessus de l'arcade orbitaire et se répand sur le front.
Enfin, Vartère maxillaire interne, constituée par l'autre
division terminale de la carotide interne , s'enfonce sous la
branche montante de la mâchoire inférieure, se dirige vers le
fond de l'orbite, et donne naissance à plusieurs branches im-
portantes qui se distribuent principalement aux parties pro-
fondes de la face et des tempes, mais dont quelques-unes
pénètrent dans l'intérieur du crâne (2).
(1) Pour se faire une idée nette de la conduit auditif externe et à la caisse
disposition de ces diverses artères, il du tympan par la scissure de Glaser,
est bon d'avoir sous les yeux les mais qui provient quelquefois de l'ar-
figures qui en ont été données dans tère temporale.
l'une des iconographies anatomiques 2° Vartère méningée moyenne, ou
du corps humain : par exemple, le artère sphéno-épineuse, qui pénètre
grand atlas de M. Tiedemann ou l'ou- dans l'intérieur du crâne pour s'y
vrage de Bourgery et Jacob (a). distribuer à la dure-mère et aux os
(2) On compte chez l'Homme treize crâniens.
branches qui naissent de la maxil- 3° Vartère maxillaire inférieure,
laire interne, indépendamment de ou dentaire inférieure, qui se loge
sa portion terminale, que les anato- dans le canal dentaire de la mâchoire
mistes désignent sous le nom d'artère inférieure, et fournit en avant une
sphéno-palatine. branche dite artère mentonnière, la-
Sept de ces branches s'en détachent quelle sort de ce canal par le trou dont
près du col du condyle de la mâchoire elle porte le nom, et se distribue aux
inférieure. Ce sont : parties molles du menton.
1° Vartère tympanique, petit ra- U° Vartère temporale profonde
meau qui donne des ramuscules au postérieure, qui remonte verticale-
fa) Tiedemann, Tabulœ arteriarum coi*poris humani, p). 5, 6 et 7.
— Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 27, 28 et 29,
interne.
CHEZ LES MAMJ11FÈKES. 531
V artère carotide interne de chaque côté pénètre par la base Artère carotide
du crâne dans l'intérieur de cette boîte osseuse et y fournit deux
ordres de vaisseaux : une artère ophthalmique qui sort de cette
cavité pour pénétrer dans l'orbite et fournir de nombreuses
branches au globe de l'œil et à ses muscles, ainsi qu'aux parties
voisines des fosses nasales et du front (1); puis des artères
ment sous le muscle temporal et se
ramifie à la surface des os du crâne.
5° L'artère massétérine , petite
branche qui se rend au muscle mas-
séter.
6° Une ou plusieurs petites artères
ptérygoïdiennes se distribuant aux
muscles du même nom.
7" Une petite artère ptérygo-mé-
ningée, qui se rend en partie au voile
du palais et en partie à la dure-mère.
Un peu plus loin, dans le voisinage
de la tubérosité maxillaire, l'artère
maxillaire interne donne naissance à
quatre autres branches, savoir :
Une artère buccale, qui se répand
dans le muscle buccinateur ; une ar-
tère temporale profonde antérieure,
dont le nom indique suffisamment la
position ; une artère alvéolaire ou
dentaire supérieure, qui contourne la
partie postérieure de la mâchoire su-
périeure et donne des ramuscules aux
muscles voisins , aux racines des
dents, etc. ; une artère sous-orbitaire,
qui traverse le canal du même nom,
donne quelques ramuscules aux dents
canines et incisives, puis se dégage
à la partie antérieure de la joue, pour
distribuer ses ramuscules aux tégu-
ments et s'anastomoser avec les bran-
ches de l'artère buccale externe.
Parvenue au sommet de la fosse
zygomatïque ou plérygo-maxillaire ,
l'artère maxillaire interne fournit
encore :
1° Une artère vidienne ou ptéry-
goïdienne, qui est très grêle, traverse
le conduit dont elle porte le nom et
va s'épanouir dans le pharynx et la
trompe d'Eustache.
2° Une artère ptér y go-palatine ou
pharyngienne supérieure, qui traverse
le conduit ptérygo-palatin et se ter-
mine comme la précédente.
3° Une artère palatine supérieure,
qui descend par le conduit palatin
postérieur dans la bouche, et se dis-
tribue à la voûte du palais où elle
s'anastomose en arcade avec sa con-
génère.
Enfin la portion terminale de la
maxillaire interne, connue sous les
noms d'artère nasale postérieure ou
d'artère sphéno-palatine, pénètre dans
les fosses nasales par le trou sphéno-
palatin et se distribue à la membrane
pituitaire.
Toutes ces artères sont très bien
représentées dans le grand ouvrage de
Bourgery (a) et dans la plupart des
autres iconographies anatomiques du
corps humain.
(1) L'artère carotide interne de
l'Homme est très grosse, et s'enfonce
dans l'espace compris entre la bran-
che montante de la mâchoire infé-
rieure, le pharynx et le sommet de la
(a) Bourgery et Jacob, Op. cit., t. IV, pi. 31.
Artère
vertébrale.
532 APPAREIL DE LA CIRCULATION
cérébrales qui se répandent dans les diverses parties de l'en-
céphale et s'anastomosent aussi avec les artères vertébrales.
Pour en bien saisir la disposition , il est nécessaire de ne
pas en séparer l'étude de celle de ce dernier vaisseau, qui est
colonne vertébrale ; elle s'engage en-
suite dans le canal carotidien dont la
portion rocheuse de l'os temporal est
creusée, et pénètre dans la cavité du
crâne, où elle se trouve logée dans un
grand réservoir veineux. appelé le sinus
caverneux. Avant son entrée dans le
canal carotidien, elle ne fournit aucune
brandie, et, pendant son trajet à tra-
vers celui-ci, elle ne donne que quel-
ques ramuscules à la caisse du tym-
pan. Dans le sinus caverneux on en
voit partir quelques branches qui se
répandent sur le corps pituitaire et
sur les parties voisines de la dure-
mère. Enfin, en passant au-dessus de
l'apephyse clinoïde antérieure de l'os
sphénoïde, elle fournit V artère oph-
thalmique, qui sortimmédiatementdu
crâne par le trou optique correspon-
dant, pénètre dans l'orbite (a), et se
termine par deux branches principales
appelées artère nasale et artère fron-
tale. Pendant ce trajet, l'artère oph-
thalmique donne naissance à un grand
nombre de branches dont les plus
importantes sont :
1° L'artère lacrymale, qui naît au
fond de l'orbite, traverse la glande
lacrymale en y distribuant beaucoup
de ramuscules, et va se terminer dans
la conjonctive.
2° L'artère centrale de la rétine, qui
est très grêle et qui occupe le centre du
nerf optique, avec lequel elle pénètre
dans le globe de l'œil pour aller se
ramifier dans la rétine, la membrane
hyaloïde et la capsule du cristallin.
3° Les artères ciliaires, qu'on dis-
tingue en ciliaires courtes ou posté-
rieures , moyennes ou longues et
antérieures. Les premières, au nom-
bre de trente ou quarante, longent le
nerf optique, pénètrent dans le globe
de l'œil , et se répandent dans la
choroïde et les procès ciliaires; les
secondes, au nombre de deux, vont
former autour de l'iris un cercle vas-
culaire ; enfin les dernières, en nom-
bre indéterminé , donnent quelques
rameaux à la conjonctive, traversent
la sclérotique près de la cornée et se
rendent à l'iris.
ti° Deux artères musculaires : l'une
supérieure, destinée aux muscles élé-
vateur de la paupière , droit supé-
rieur, droit interne et grand oblique
de l'œil ; l'autre, inférieure, qui se
distribue aux muscles droit externe,
droit inférieur et petit oblique de
l'œil.
5° Les artères ethmoïdales, qui
rentrent dans le crâne et donnent des
ramuscules à la dure-mère et aux
parties supérieures des fosses nasales.
6° Deux artères palpébrales, l'une
supérieure, l'autre inférieure.
Entin ['artère nasale, qui est consti-
tuée par une des branches terminales
de l'artère ophthalmique, sort de l'or-
bite pour se ramifier sur les côtés et
sur le dos du nez, et Vartère frontale,
formée par l'autre branche, se distri-
bue aux muscles et à la peau du front.
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., pi. 30, fiç. 1.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 533
une branche de la grande artère sous-clavière et qui monte de
chaque côté du cou dans le canal formé par les trous situés à la
base des apophyses transverses des vertèbres cervicales. Par-
venue à la base du crâne, Y artère vertébrale contourne la partie
latérale de l'atlas, traverse le grand trou occipital, et va se
réunir à sa congénère pour constituer un vaisseau impair médian,
appelé le tronc basilaire, qui s'avance entre le plancher de la
cavité crânienne et l'encéphale, jusque auprès de la portion
saillante de Fos sphénoïde, appelée selle turcique, où il se
bifurque. Les deux branches ainsi constituées portent le nom
d'artères cérébrales postérieures, et fournissent de chaque côté
de la selle turcique une branche anastomotique qui se joint à
une des divisions de la carotide interne (1). Une autre paire
d'artères, provenant aussi des carotides internes, se dirige en
(i) On donne à cette branche ana-
stomotique le nom d'artère communi-
cante de Willis, ou d'artère commu-
nicante postérieure.
Les artères vertébrales, en s'élevant
du thorax à la tête, fournissent, au ni-
veau de chaque espace intervertébral,
une petite artère spinale qui pénètre
dans le canal vertébral par le trou de
conjugaison et une petite branche mus-
culaire (a). Dans l'intérieur du crâne
elles fournissent avant leur réunion
deux paires d'artères cérébelleuses :
l'une inférieure, l'autre supérieure,
qui se distribuent au cervelet. Enfin,
le tronc basilaire, formé par la réu-
nion des deux artères vertébrales ,
fournit deux paires d'artères dites
cérébelleuses antéro-inférieures , et
cérébelleuses supérieures, lesquelles
se distribuent également au cervelet.
Les branches terminales du tronc
basilaire, ou artères cérébrales posté-
rieures, se séparent à angle droit de
ce vaisseau, et vont se ramifier dans
les parties postérieures de l'encéphale.
Chez le Kanguroo, les artères ver-
tébrales naissent comme d'ordinaire
des artères sous-clavières et se ren-
dent à la boîte crânienne par le canal
pratiqué à la base des apophyses trans-
verses ; au-dessous de la moelle allon-
gée, elles s'unissent entre elles pour
constituer le troue basilaire dont naît
à angle droit une paire d'artères céré-
belleuses ; enfin, vers le niveau du
bord antérieur du pont de Varole,
ce tronc se bifurque pour aller con-
courir à la formation du cercle de
Willis, et ses deux branches sont
reliées entre elles par deux vaisseaux
anastomotiques transversaux (b).
(a) Voyez Bourg-ery, Op. cit., t. IV, pi. 30, fig-. 2, 3 et i.
[b) Owen, JIarsupialia (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. III, p. 308).
5o/l APPAREIL DE LA. C1RCULA.T10N
avant et s'anastomose sur la ligne médiane, de façon qu'il
existe à la base de l'encéphale un cercle artériel qui tire son
origine tout à la fois des artères vertébrales et des artères caro-
tides internes, et qui peut être considéré comme le principal
point de départ des artères du cerveau (1). Cette disposition,
comme on le voit, est à peu près la même que celle de l'anneau
artériel que nous avons vu à la base de la cavité crânienne
chez les Vertébrés inférieurs, et que l'on a appelé le cercle de
Willis.
Artères La disposition des artères de la tête est en général à peu près
chet £ ies la même dans toute la classe des Mammifères ; mais, indépen-
Mammiferes. Raniment <je diverses variations dans l'origine de plusieurs
branches, on y remarque, chez quelques espèces, des particu-
larités qui influent sur la manière dont le sang arrive au cerveau
et qui méritent d'être notées. Ainsi, on a trouvé que chez la
plupart des Mammifères hibernants la carotide interne pénètre
dans l'intérieur du crâne par une route moins directe que chez
l'Homme et les autres Mammifères ordinaires; elle traverse la
caisse du tympan et elle ne fournit au cerveau que peu de sang ;
mais cette circonstance n'a pas toute l'importance physiologique
qu'au premier abord elle pourrait sembler avoir, car les artères
(1) Les artères cérébrales anté- Les carotides internes fournissent
Heures, ou artères du corps calleux, aussi, sur le côté de l'anneau de Willis,
qui sont formées par une des branches une paire d'artères cérébrales moyen-
terminalesde la carotide interne, et qui nés qui suivent la scissure de Sylvius
se portent en avant pour gagner la et se terminent sur les parties voisines
grande scissure du cerveau et se dis- des hémisphères cérébraux. Enfin, on
tribuer dans le corps calleux, se rap- donne le nom d'artère choroïdienne à
prochent beaucoup entre elles im- une petite branche qui naît de la ca-
médiatement au-devant de la selle rotide interne, en dessous de l'artère
turcique, et s'y réunissent au moyen communicante, et qui pénètre dans le
d'un petit tronc anastomotique trans- ventricule latéral du cerveau, où ellese
versai, appelé artère communicante termine dans un réseau appelé plexus
antérieure (a). choroïde.
(«.) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 30, fi§-. i, et t. III, pi. 29.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5o5
vertébrales sont assez développées pour que les vaisseaux de
l'encéphale, reliés entre eux par le cercle de Willis, aient leur
calibre ordinaire (1).
Chez les Ruminants et quelques autres Mammifères , les
artères carotides internes ou les branches correspondantes,
en pénétrant dans le crâne, se divisent en une multitude de
rameaux pour former un reùe mirabile, ou plexus vasculaire,
dont les rameaux efférents se réunissent de nouveau pour
constituer de chaque côté un tronc qui, à son tour, donne
naissance au cercle artériel de Willis ; et il est à noter que
chez les Animaux où cette disposition est bien caractérisée, le
cerveau ne reçoit que peu ou point de sang par l'intermédiaire
des artères vertébrales (2). Chez d'autres Mammifères, l'inéga-
(1) Chez le Hérisson, par exemple,
l'artère carotide interne n'est guère
plus petite que la carotide externe ;
mais, avant d'entrer dans le crâne, elle
fournit les branches occipitales, qui,
chez l'Homme, proviennent de cette
dernière. Elle s'engage ensuite dans le
trou jugulaire, pénètre dans la caisse
du tympan, et s'y divise en deux
branches. L'une de celles-ci corres-
pond jusqu'à un certain point à l'artère
ophthalmique, et, après avoir traversé
rétrier , arrive dans la cavité du
crâne, y donne naissance à l'artère
méningéemoyenne (qui chez l'Homme
est une branche de la maxillaire in-
terne), et se rend ensuite à l'orbite.
L'autre branche gagne la partie la plus
profonde de la caisse du tympan,
pénètre dans la cavité du crâne, et
débouche dans le cercle de Willis qui
est formé principalement aux dépens
des artères vertébrales.
La disposition de ces vaisseaux est à
peu près la même chez beaucoup
d'autres Insectivores et Rongeurs, tels
que la Musaraigne, la Taupe, la Mar-
motte, l'Écureuil, le Loir, le Rat, le
Hamster, le Lemming, les Mériones
et les Gerbilles, ainsi que chez les
Chauves-Souris, qui sont également
des animaux hibernants (a).
Chez le Castor, le Lapin, le Lièvre,
le Blaireau, l'Ours, etc., l'artère caro-
tide interne passe par le canal caroti-
dien ; mais chez ce dernier, avant
d'aller déboucher dans le cercle de
Willis, elle se replie en arrière, de
façon à former uneanse très longue (6).
(2) Le plexus carotidien ou crânien,
qui est extrêmement développé chez
le Veau, et qui se voit très facilement
(a) Otto, Op. cit. (Ami. des sciences nat., 1827, t. XI, p. 70, pi. 20, fig. 1, 2, 3. — De Ani-
malium quorumdamper hiemem dormientium vasis cephalicis et aure interna (Nova Acta Acad.
Nat. cuiws., t. XIII).
(b) Barkow, Disquisit. circa orig. etdecurs. arter. Mammalmm, p. 107, pi. i, fij. 1.
536 APPAREIL DE LA CIRCULATION
lité entre ces deux artères céphaliques se prononce en sens
inverse. Ainsi, chez le Cochon d'Inde et l'Agouti, la carotide
interne est un petit rameau fourni par la portion terminale de
chez le Mouton, la Chèvre et les autres
Ruminanls, ainsi que chez le Cochon,
a été remarqué parles anatomistes de
l'antiquité et décrit par eux comme
existant chez l'Homme (a); mais on
sait aujourd'hui qu'il manque dans
l'espèce humaine ainsi que chez les
Singes , la plupart des Carnassiers,
les Rongeurs , l'Éléphant , le Che-
val, etc. Barkow et Rapp en ont fait
une étude très attentive (b).
Ce rete mirabile se trouve à la
base du crâne, sur les côtés de la selle
turcique, au-dessous de la dure-mère
et dans l'intérieur du sinus caverneux,
où il baigne dans le sang veineux. 11
est plus développé chez le fœtus que
chez l'animal adulte, et il provient de
deux branches carolidiennes qui, chez
les Ruminants, pénètrent, l'une par un
trou situé derrière le foramen ovale,
l'autre par la fissure sphénoïdale ou
orbitaire supérieure, mais qui, chez
le Cochon, passent l'une et l'autre par
le trou déchiré antérieur (c). Les vais-
seaux qui le constituent sont très grêles
et très nombreux chez le Mouton ; chez
la Chèvre, leChamoisetleVeau,ilssont
plus gros et très flexueux. Desbranches
anastomotiques transversales réunis-
sent entre eux les deux réseaux des deux
côtés de la tête, et les branches effé-
rentes de chacun de ces plexus vascu-
laires se rassemblent en un tronc uni-
que qui perce la dure-mère pour aller
constituer le cercle de Willis, dont la
disposition est à peu près la même
que chez les espèces où les artères
vertébrales concourent à sa formation.
Chez les Ruminants, ces derniers
vaisseaux pénètrent dans le canal ver-
tébral assez loin de la tête (en général
entre la deuxième et la troisième ver-
tèbre cervicale), et après s'être réu-
nis sur la ligne médiane, soit en un
tronc impair très court, ainsi que cela
se voit chez la Chèvre (d), soit à l'aide
de quelques branches anastomotiques
transversales seulement, comme chez
le Veau (e), ils vont se terminer de
chaque côté dans l'artère condyloï-
dienne, qui est une des branches occipi-
tales provenant de la carotide interne.
Quelquefois le rete mirabile de la
base du crâne s'étend en arrière jus-
qu'auprès du trou occipital et reçoit des
branches anastomotiques des artères
vertébrales (chez le Veau, par exemple),
et d'autres fois il s'anastomose avec les
artères condyloïdiennes (chez le Cha-
(a) Galien, De l'utilité des parties du corps, livre IX, chap. iv, trad. de Daremberg, Œuvres,
t. I, p. 575.
(6) Rapp, Ueber das Wundernetx (Meckel's Archiv fur Anat. und Physiol., 1827, p. 1, pi. 1
et 2).
— Barkow, Ueber der Verlaufder Schlagadem am Kopfe des Schafes (Nova Acta Açad. Nat.
curios., 1826, t. XIII, p. 395), et Disquisitiones circa originem et decursum arteriarum Mam-
malium, in-4, 1829.
(c) Chez le Mouton, la carotide interne se trouve représentée ainsi par trois branches de l'artère
maxillaire interne (voy. Chauveau, Op. cit., p. 562, fig. 160).
(d) Rapp, Op. cit., pi. 2.
(e) Idem, ibid., pi. 1, fig. 1.
— Carus et Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 8, fig. 2.
— Chauveau, Traité d' anatomie comparée des Animaux domestiques, p. 563, fig. 161.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 537
Ja maxillaire interne, et le cercle de Willis où elle va déboucher
est formé principalement par les artères vertébrales.
Chez divers Mammifères, on trouve aussi des plexus vascu-
laires plus ou moins développés sur le trajet de plusieurs
artères de la face. Ainsi, chez le Chat, la carotide externe
mois) ; mais c'est seulement le ironc
efférent de ce plexus qui, de chaque
côté, traverse la dure-mère pour aller
constituer l'anneau de Willis et fournir
par son intermédiaire toutes les artères
du cerveau. Ce tronc carotidien encé-
phalique se bifurque ; une de ses
branches se dégage en avant et se com-
porte à peu près comme l'artère céré-
brale antérieure chez l'Homme ; l'autre
branche représente l'artère commu-
nicante postérieure dont il a été ques-
tion ci-dessus, mais au lieu de se
joindre à la fourche formée par l'artère
basilaire et provenant des vertébrales,
elle s'unit à sa congénère pour com-
pléter en arrière l'arcade de Willis et
donner naissance à une artère médiane
qui longe en dessous la moelle épi-
nière (a). Chez le Chameau, il y a un
plexus carotidien comme chez les
autres Ruminants (6).
Chez le Chien, l'artère carotide in-
terne,aprèss'ètreengagéedansle canal
osseux qu'elle traverse pour pénétrer
dans le crâne, forme une anse et re-
paraît au dehors pour recevoir une
branche anastomotique de la carotide
externe; puis, parvenue sur les côtés
de la selle turcique, elle s'anastomose
avec des branches rentrantes de l'artère
ophthalmique et de la sphéno-épi-
neuse, de façon à représenter à l'état
rudimentaire le rete mirabile crânien,
qui acquiert chez les Ruminants un si
haut degré de développement (c).
Chez le Chat , ce plexus carotidien
est plus considérable : mais ici, de
même que chez le Chien, les artères
vertébrales participent à la formation
du cercle de Willis {cl).
Chez le Cochon, au contraire, l'ar-
tère vertébrale ne se rend pas au cer-
veau et se termine dans l'artère occi-
pitale (e).
La Loutre présente aussi des vestiges
d'un rete mirabile carotidien (f).
Enfin, chez le Marsouin, les caroti-
descérébrales, en entrant dans le crâne,
constituent un plexus très considérable
dont partent les principales artères de
la dure-mère et du cerveau, et dont
la partie postérieure est en communi-
cation avec le plexus costal (g).
(a) Voyez Rapp, Op. cit., pi. 1, fig. 2.
(6) Fr. Mûller et Wedl, Beitrdge sur Anatomie des Zweibuckeligen Kameles (Mém. de l'Acad.
de Vienne, 1852, t. III, p. 277).
(c) Barkow, Disquisit. circa orig. et decurs. arter. Mammalium, p. 1, pi. 3, fig. 1.
— Chauveau, Op. cit., p. 557.
(d) Barkow, Disquisit. circa orig. et decurs. arter. Mammalium, p. 10, pi. 3, fig. 2.
(e) Barkow, Disquisitiones recentiores de arteriis Mammalium et Avium (Actes de l'Acad. des
curieux de la Nature, 1844, t. XX, p. 610, pi. 27, fig. 1).
(f) Barkow, Ueber einige Eigenthùmlichkeiten im Verlaufe der Sehlagadern der Fischotter
(Meckel's Archiv fur Anat., 1829, p. 35).
(g) Siannius, Ueber den Verlauf der Arterien bei Delphinus phocsena (Miiller's Archiv, 1841,
p. 386, pi. 14, fig. 1).
— Breschet, Histoire anatomique et physiologique d'un organe particulier de nature vasculaire,
découvert chez les Cétacés, 1836, pi. 4, fig. 2.
538 APPAREIL DE LA CIRCULATION
forme derrière le condyle de la mâchoire inférieure tin rete
mirabile très grand, et chez l'Aï il existe des réseaux du même
genre sur les joues, aussi bien que dans les régions temporales
et oculaires (1).
Enfin, je dois faire remarquer encore que chez les Rumi-
nants et le Cochon^ qui sont pourvus d'un plexus carotidien
bien développé, la portion terminale de l'artère maxillaire
interne fournie par la carotide externe constitue sur les parois
des fosses nasales un plexus vasculaire très beau (2). Quant
aux autres particularités qui s'observent dans le mode de dis-
tribution des artères de la tête chez les divers Animaux de
cette classe, elles n'offrent pas assez d'importance pour que
nous nous y arrêtions ici (3).
(1) M. Hyrtl a trouvé chez l'Aï un
plexus sous-orbi taire, un plexus tem-
poral et un plexus ophthalmique, mais
ces réseaux ne paraissent être formés
que par un petit nombre de bran-
ches vasculaires (a).
Le plexus maxillaire du Chat est en
continuité avec le plexus carotidien
dont il a déjà été question, et donne
naissance aux artères maxillaire in-
terne, ciliaire, ethmoïdale, ophthalmi-
que propre et méningée antérieure (b).
Chez l'Éléphant , on trouve un
plexus artériel très développé sous la
peau entre l'oreille et l'œil (c).
Chez les Ruminants (le Mouton, par
exemple), l'artère ophthalmique, qui
naît de l'artère maxillaire interne, se
résout en un plexus arrondi dont
naissent l'artère sourcilière et le tronc
commun des artères de l'œil (d).
(2) Ce plexus nasal est formé par
l'artère sphéno-palatine et revêt les
deux faces du cornet inférieur, à tra-
vers la substance duquel il envoie
beaucoup de branches anastomotiques;
de sorte que son existence se décèle
même sur le squelette par la structure
criblée de cet os. M. Hyrtl a trouvé
ce rete mirabile dans la membrane
pituitaire du Chamois, du Cerf, de la
Chèvre, du Mouton, du Bœuf et du
Cochon, mais n'en a aperçu aucune
trace ni chez le Cheval, ni chez les
Carnassiers, les Rongeurs, les Quadru-
manes, etc. (e).
(3) Pour plus de détails sur le mode
d'origine et de distribution des artères
de la tète, je renverrai aux recherches
de A. G. Otto sur les Chauves-Souris,
(a) Hyrtl, Beitr. zur vergleichenden Angiologie(Denkschriften der Akad. der Wissenschaften %u
Wien, 1. 1, pi. 2, flg. 2).
(6) Barkow, Disquisit. circa originem et decursum arteriarum Mammalium, p. 9.
— Carus el Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 7, fîg. 4.
(c) Carus et Otto, Op. cit., p. 16, pi. 8, fig. 3.
(d) Chauveau, Traité d'anatomie comparée des Animaux domestiques , p. 562, lîg. 150.
(e) Hyrtl, Beitrâge %ur vergleichenden Angiologie [Mém. de l'Açad. de Vienne, 1849, t. I,
p. 13, pi 1, fig. 1 à 3).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 539
§11. — Les artères sous-clavières, dont nous avons déjà Artère
t sous- clavières.
vu naître les artères vertébrales, se rendent aux membres
tboraciques, et prennent successivement les noms d'artère
axillaire dans la région de l'aisselle, et d'artère brachiale ou
humérale dans le bras. Avant d'arriver au niveau de l'articu-
lation de l'épaule, elles fournissent plusieurs grosses branches,
dont les unes se rendent aux parties latérales et inférieures du
cou, d'autres aux parois antérieures du thorax, et d'autres
encore aux muscles de l'épaule (1).
le Hérisson, la Musaraigne, la Taupe, (1) Chez l'Homme, cette grande
l'Ours, le Blaireau, le Castor, la Mai- artère sort de la cavité thoracique
motte , l'Écureuil et plusieurs autres en passant entre la première côte et
Rongeurs (a); de Barkow sur le Mou- la clavicule: elle conserve le nom de
ton (6), le Chien , le Chat, le Putois, sous-clavière jusqu'à ce qu'elle se soit
le Hérisson, le Surmulot, le Cabiai, le dégagée de dessous ce dernier os,
Lapin , le Callitriche (Cercopithecus et, pendant cette première portion de
sabœus), le Veau (c), la Loutre (d), le son trajet, elle fournit l'artère verté-
Cochon, \e$ous\ik(Arctomyscitillus), brale et l'artère thyroïdienne infé-
le Hamster, la Martre, etc. {ey, de rieure dont il a été déjà question (k);
Burowsur le Phoque (/") ; de M. Hyrtl une artère mammaire, interne ou
sur les Fourmiliers, les Pangolins, les thoracique interne, qui descend dans
Tatous (g) et l'Échidné {h) ; enfin de la cavité du thorax entre les cartilages
M. Stannius sur le Marsouin (I). costaux et la plèvre, donne naissance
Les divisions de la carotide externe à l'artère diaphragmatique inférieure
chez le Cheval sont représentées dans et se termine dans la paroi antérieure
l'ouvrage de Leyh (j>. de l'abdomen (l) ; une artère cervi-
(a) Barkow, Ueber den Verlauf der Schlagadern am Kopfe des Schafes [Nova Acta Acad. Nat.
curios., 18-26, t. Xlll.p. 397).
(6) Barkow, Disquisit. circa originem et decursum arteriarum Mammalium. Lipsiae, 4829.
(e) Barkow, Ueber einige Eigentuhmlichkeiten im Verlauf e der Schlagadern der Fischotter
(Meckel's Archiv, 1829, p. 30).
(d) Barkow, Disquisitiones recenliores de arteriis Mammalium et Avium (Nova Acta Acad.
Nat. curios., 1843, t. XX, p. 609).
(e) Otto, Deanimalium quorumdam per hiemem dormientium vasis cephalicis et aure interna
(Nova Acta Acad. Nat. curios., 1826, t. XIII, p. 25).
(f) Burow, Ueber die Gefâss-System der Robben (MùUer's Archiv fur Anat. und Physiol, 1838,
p. 230).
(g) Hjrtl, Vergl, Angiol. (Mém. de V Acad. de Vienne, 1854, t. VI, p. 21, pi. 1, 2 et 3).
(h) Idem, ibid. (Mém. de VAcad. de Vienne, 1853, t. V, p. 2, pi. 2). .
(i) Stannius, Ueber den Ver/flHfder.Arterien&eiDelphinusphocœna (MùUer's Archiv, 1841, p. 379).
(j) Leyh, Handbuch der Anatomie der Hausthiere, p. 370, fig. 162.
(k) Voyez ci-dessus, p. 527 et 532.
(I) Voyez Bourgery, Anatomie descriptive, t. IV, pi. 15, 21, 23, 24, 27 et 29.
— Tiedemann, Tabula arteriarum corporis humani, pi. 18 (reproduite en petit par M. Sappey,
Traitéd'anat. descript., t. I, p. 448, fig. 138).
Artère
brachiale.
5^0 APPAREIL DE LA CIRCULATION
V artère brachiale de l'Homme longe la partie antérieure
et interne du bras, donne naissance à plusieurs branches
dont les plus importantes ont reçu les noms d'artères collaté-
rales externe et interne; enfin elle se bifurque vers le niveau
du pli du coude pour constituer les deux artères principales
de l'avant-bras, qui, à raison de leur position, sont appelées
artère radiale et artère cubitale (1). Cette dernière fournit une
cale transverse ou scapulaire posté-
rieure , qui se porte en dehors pour
gagner la partie postérieure du cou
et de l'épaule (a) ; une artère cervicale
profonde ou cervicale postérieure,
qui remonte également sur les côlés
de la région cervicale postérieure,
mais dans le voisinage immédiat de
la colonne vertébrale (6) ; une artère
intercostale supérieure (c) et une
scapulaire sut érieure (d) : mais il
est à* noter que souvent deux ou même
plusieurs de ces branches naissent
par un tronc commun.
La portion suivante du même vais-
seau (ou l'artère axillaire) fournit
également des branches aux parois
du thorax ainsi qu'aux muscles de
l'épaule. Le plus important des ra-
meaux thoraciques est V artère mam-
maire externe, qui descend entre les
muscles pectoraux et les côtes (e). Je
citerai aussi Yartère thoracique su-
périeure, ou acromio-thoracique, dont
une des divisions se rend aux muscles
pectoraux et aux parties voisines ,
l'autre au muscle deltoïde, etc. (/");
Yartère scapulaire inférieure , qui
descend le long du bord antérieur des
muscles de la région scapulaire et qui
envoie aussi quelques rameaux sur les
parties latérales de la poitrine; enfin,
les artères circonflexes postérieures
et antérieures , qui contournent la
partie supérieure de l'humérus et se
distribuent à cet os et aux parties
molles d'alentour (g).
(1) Chez l'Homme, Yartère bra-
chiale descend le long du bord interne
du muscle biceps, à peu de distance
de la peau, dans une gaine aponévro-
tique où se loge aussi le nerf médian
du bras.
L'artère collatérale externe, ou
humer aie profonde, naît de sa partie
supérieure, au niveau du bord in-
férieur du muscle grand rond ou
scapulo-huméral, soit isolément, soit
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 15, 18 et 24.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 10.
— Sappey, Op. cit., t. I, p. 455, fig. 141.
(5) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 17, et pi. 30, fig. 3.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 8, fig. 1.
— Sappey, Op. cit., t. 1, p. 443, fig. 140.
(c) Voyez Bourgery, loc. cit., pi. 15, 21, 22.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 8, fig. 6.
— Sappey, Op. cit., t. I, p. 450, fig. 139.
(d) Voyei Bourgery, loc. cit., pi. 15, 18, 27, 29.
(e) Idem, ibid., pi. 19, 32.
(f) Idem, ibid., pi. 15, 20, 23.
(g) Idem, ibid., pi. 32, 36.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5/|l
grosse artère dite interosseuse, qui se rend à la face pos-
térieure de l'avant-bras. Enfin l'artère radiale , après avoir
remonté sur la base du pouceaet avoir fourni des rameaux au
par un tronc commun avec l'artère
circonflexe postérieure. Elle contourne
l'humérus et gagne la face postérieure
du bras, où elle se divise en deux
branches principales : Tune, super-
ficielle, qui descend vers le coude en
accompagnant le nerf radial ; l'autre,
profonde, qui suit la même direction
au milieu des fibres charnues du
muscle triceps brachial et s'anasto-
mose comme la précédente avec les
artères de la région du coude (a).
L'artère collatérale interne, beau-
coup plus petite que l'humérale pro-
fonde dont elle provient quelquefois,
naît vers la partie moyenne du bras et
se porte en dedans et en arrière pour
se distribuer aux muscles voisins. Sou-
vent elle est représentée par deux
branches qui naissent à quelque dis-
tance l'une de l'autre (6).
La hauteur à laquelle l'artère bra-
chiale se bifurque est assez variable :
en général, c'est vers le niveau de
l'articulation du coude; mais quelque-
fois beaucoup plus haut (c).
Vartère radiale, qui en est la
branche terminale externe (la main
étant en supination), fournit, pres-
que aussitôt après sa naissance, une
artère récurrente qui remonte sur
le bras entre les muscles de la portion
antérieure et externe de cette région.
La radiale continue ensuite sa route
vers la main, en longeant la face anté-
rieure de l'os dont elle porte le nom ;
parvenue dans le voisinage du poignet,
elle repose sur cet os et se trouve très
près de la peau, de façon que ses bat-
tements sont faciles à sentir, et que
les médecins la choisissent d'ordinaire
pour tàter le pouls de leurs malades.
Elle se recourbe ensuite devant l'ar-
ticulation du poignet et gagne le dos
de la main, où elle fournit plusieurs
branches parmi lesquelles je citerai
Vartère transverse dorsale du carpe,
qui s'anastomose avec des branches
delà cubitale, et la collatérale externe
du pouce; puis elle passe entre le
premier et le second os métacarpien
pour s'enfoncer dans la paume de la
main, et va concourir à la formation des
arcades palmaires.
Vartère cubitale fournil à la partie
interne du coude une branche qui est
analogue à la récurrente radiale, et se
divise en deux rameaux, l'un antérieur,
l'autre postérieur, dont les ramuscules
s'anastomosent avec les branches ter-
minalesde la collatérale interne du bras.
Une artère interosseuse naît aussi de
la cubitale, à peu de distance au-dessous
du pli du coude, et plonge tout de suite
vers la membrane fibreuse qui unit
entre eux les deux os de l'avant-
bras (d). Là elle se divise en une artère
interosseuse antérieure qui longe la
(a) Voyez Bourgery, t. IV, pi. 36, fig. 2.
(b) Voyez Bourgery, Op. cit., pi. 36, fig. 1.
(c) Voyez les exemples de variations figure'es dans le grand ouvrage de M. Tiedemann (Tab-,
arter. corp. hum., pi. 14, 15 et 16), et dans l'Anatomie descriptive de Bourgery et Jacob, t. IV,
pi. 38, fig. 1 à 6.
{d) Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 36, fig. 2 et 4.
Artères
de la main.
Artères
des pattes
antérieures.
5'j2 APPAREIL DE LA CIRCULATION
dos du poignet, gagne la paume de la main, s'y anastomose
avec l'artère cubitale, et concourt avec elle à former des arcades
dont naissent les artères des doigts. Celles-ci occupent les côtés
de ces organes et s'anastomosent en arcade à leur extrémité, où
elles constituent un réseau sous-cutané très riche.
En général, la disposition des artères des membres thora-
ciques est à peu près la même dans toute la classe des Mammi-
fères (1) ; mais on y remarque, dans quelques espèces, des
face antérieure de cette cloison apo-
névrolique jusque dans le voisinage
du poignet, où elle la traverse pour
devenir dorsale et s'anastomoser avec
l'artère dorsale du carpe : et une ar-
tère interosseuse postérieure qui tra-
verse tout de suite le ligament inler-
osseux dont il vient d'être question,
fournit une artère radiale récurrente
postérieure, et descend sous les mus-
cles de la face postérieure de l'avant-bras
auxquels ses rameaux se distribuent.
L'artère cubitale continue ensuite
sa route à la partie antérieure et
interne de l'avant-bras, en longeant
la face antérieure de l'os cubilus, et
se termine dans la paume de la main
par deux brandies dont l'une con-
court à la formation de Varcade pal-
maire profonde et l'autre constitue
Varcade palmaire superficielle [a).
Celte dernière se recourbe transversa-
lement en dehors et fournit successi-
vement une série d'artères digitales
qui descendent dans les espaces inter-
osseux du métacarpe, et vont consti-
tuer directement, ou en se bifurquant,
les artères collatérales des doigts.
Celles-ci côtoient les bords latéraux
des doigts et forment à l'extrémité de
ces organes un réseau anastomolique
assez développé.
Varcade palmaire profonde est
formée par l'autre branche de l'artère
cubitale et par la portion terminale
de l'artère radiale qui s'anastomosent
entre elles. Cette arcade est située dans
la paume de la main, entre les os du
métacarpe et les tendons des muscles
fléchisseurs des doigts et les autres
parties molles de cette région. Enfin
elle fournit d'ordinaire une série de
branches interosseuses palmaires qui
s'anastomosent avec les artères di-
gitales ; et des branches perforantes
qui gagnent la face dorsale de la
main et s'y logent dans les espaces
interosseux.
(1) La disposition du système artériel
des membres thoraciques ressemble
beaucoup à ce qui existe chez l'Homme,
lors même que le nombre des doigts
se trouve beaucoup réduit. Ainsi, chez
le Cheval, l'artère brachiale, qui des-
cend le long de la face interne du
bras, se bifurque dans le voisinage
de l'extrémité inférieure de l'humérus
pour former deux artères qui repré-
sentent la radiale et la cubitale de
l'Homme, et qui sont désignées par les
{a) Voyez Bourgery, Op. cit., pi. 36, fig. 1, et pi. 37. fig. 1,
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5^0
particularités analogues à celles que nous avons déjà ren-
contrées dans l'aile de certains Oiseaux. En effet, les principaux
troncs sont quelquefois remplacés par un faisceau de petits vais-
seaux qui marchent parallèlement entre eux, et s'anastomosent
de loin en loin ou se réunissent de façon à constituer un plexus
vélérinaires sous les noms d'artères
radiales antérieur eet postérieure (a).
L'un de ces vaisseaux se place au-
devant de l'os de l'avant-bras et se
termine sur la face dorsale du carpe
où il s'anastomose avec les rameaux
voisins de la branche postérieure. Ce
dernier vaisseau descend derrière l'os
de l'avant-bras, fournit une artère in-
terosseuse d'un volume considérable,
et, parvenu dans la région carpienne,
se divise en deux branches : l'une su-
perficielle, l'autre profonde. La bran-
che superficielle (appelée artère col-
latérale du canon) représente, en
raison de son volume, la continuation
du tronc commun, et correspond à
l'une des artères digitales de l'Homme ;
elle donne naissance à une arcade
palmaire rudimentaire et, vers l'extré-
mité inférieure du canon, se divise en
deux rameaux analogues aux artères
collatérales des doigts; enfin celles-ci
s'anastomosent en arcade sous la der-
nière phalange. La branche profonde
forme au-dessous de la précédente
une arcade palmaire profonde qui
donne naissance à une série de bran-
ches interosseuses métacarpiennes (6).
Quelques anatomistes considèrent
la branche terminale antérieure de
l'artère brachiale (ou radiale anté-
rieure) comme étant l'analogue de
l'artère cubitale de l'Homme et la
branche postérieure comme représen-
tant notre artère radiale (c) ; mais
cette détermination ne me parait pas
admissible. Effectivement l'artère ra-
diale antérieure du Cheval, de même
que notre artère radiale, occupe le
côté interne du membre ( celui-ci
étant supposé dans la même position,
de part et d'autre, savoir, avec la face
palmaire dirigée en arrière), et l'ar-
tère radiale postérieure du Cheval,
de même que notre artère cubi-
tale, fournit l'artère interosseuse, puis
se termine dans la face plantaire du
pied, à peu près comme notre artère
cubitale se termine dans la paume de
la main.
Pour la description du mode de di-
vision et de distribution des artères
des membres thoraciques chez les
Ruminants, le Cochon, les Carnas-
siers, etc., je renverrai aux ouvrages
de Meckel, Cuvier, Bai kow et M. Chau-
veau (d).
(a) Voyez, pour plus de détails à ce sujet : Chauveau, Traité d'analomie comparée des Animaux
domestiques, p. 530 et suiv.
— Lcyh, Handbuch der Anatomie der Hausthiere, p. 384, fig. 165.
(6) Voyez Chauveau, Op. cit., p. 533, fig-. 138.
(c) Chauveau, Op. cit., p. 531 et 532.
(d) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 408 et suiv.
— Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VI, p. 126 et suiv.
— Barkow, Disquisit. recenliores {Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XX, p. 613, etc.).
— Chauveau, Op. cit., p. 536 et suiv.
III.
35
5/lfr APPAREIL DE LA CIRCULATION
à mailles serrées. Ce mode d'organisation a été observé d'abord
chez le Paresseux et le Loris, animaux dont les mouvements
sont extrêmement lents ; mais il existe aussi chez tous les
Édentés proprement dits, ainsi que chez les Lamentins et les
Phoques ; on en trouve aussi quelques vestiges chez le
Cochon (1) .
Chez quelques autres Mammifères, une tendance contraire
(1 ) Carliste, qui a découvert cette
disposition plexiforme de l'artère bra-
chiale chez le Loris du Bengale (Ste-
nops tardigradus), petit Quadrumane
de la famille des Makis ou Lémuriens
que l'on désigne quelquefois sous le
nom de Singe paresseux, vit ce vais-
seau, en arrivant au bras, se diviser
tout de suite en un faisceau composé de
plus de vingt branches (a). La même
structure a été décrite chez le Loris
grêle, par M. W. Vrolik {b).
Chez l'Aï, ou Paresseux àtroisdoigts
{Bradypus tridactylus), une disposi-
tion analogue se rencontre, mais les
branches formées par le tronc brachial
sont plus nombreuses et s'anasto-
mosent plus fréquemment entre
elles (c). M. Gaimard et M. Oken en
ont révoqué en doute l'existence (d) ;
mais elle a été constatée par Meckel,
M. Vrolik et plusieurs autres obser-
vateurs (e). Meckel a compté soixante-
deux vaisseaux réunis ainsi en faisceaux
dans le bras de cet animal. Il paraît ce-
pendant que l'un de ces tubes, situé au
centre du faisceau, représente plus spé-
cialement le tronc de l'artère bra-
chiale. Une disposition semblable se
voit chez le Bradypus torquatus (f).
Chez l'Unau, ou Paresseux à deux
doigts, le nombre des branches dans
lequel l'artère brachiale se résout est
peu considérable (g).
Chez le Fourmilier à deux doigts
(Myrmecophaga didactyla), l'artère
brachiale se divise en deux faisceaux
de petits vaisseaux qui s'étendent dans
Pavant-bras, où l'un représente l'ar-
tère radiale et l'autre la cubitale (h).
Chez le Tamandua ( M. tetradac-
tyla), plusieurs des divisions de l'ar-
tère brachiale sont représentées aussi
par un faisceau de petites artères (i),
(a) A. Carliste, Account ofa Peculiarity in the Distribution ofthe Arteries sent to the Limbs
of slow-moving Animais (Philos. Trans., 1800, p. 98, pi. 1).
(b) W. Vrolik, Disquisit. anal, physiol. de peculiari arteriarum extremitalum in nonnullis
Animalïbus disposilione, p. 8, pi. 2. Amslerd., 1826.
(c) Carlisle, Op. cit., pi. 2, fig-. 1.
{d) Gaimard, Note sur le Paresseux à dos brûlé (Journal de physique, 1822, t. XCIV, p. 389).
Oken, Beschreibung und Zergliederung eines fœtus von Bradypus torquatus (Beitr. %ur
Naturgesch. von Brasilien von Max. Pr. au Wied, 1826, t. II, p. 496).
(e) Vrolik, Op. cit.
— Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 442.
(f) Carliste, Op. cit. (Philos. Trans., 1800, p. 100, pi. 2, fig. 3).
(g) Hyrll, Vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, p. 53, pi. 8, fi/. 1).
(k) Meckel, Anat. des ziueizehigen Ameisenfressers (Deutsches Arch., 1829, l. V, p. 60).
_ Vrolik, Op. cit., p. 6, pi. 1, fig. 2.
— Hyrll, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, p. 36, pi. 3, fig. 2).
(i) Idem, ibid. (loc. cit., p. 28, pi. 1, fig. 2).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5/|5
s'observe. Ainsi, chez le Morse, l'artère brachiale, après avoir
fourni la collatérale externe (ou brachiale profonde), se continue
jusque dans la main sans» se bifurquer, et le tronc unique qui
représente ici les artères radiale et cubitale s'y termine par
une série de branches digitales dont les bifurcations constituent
comme d'ordinaire les artères collatérales des doigts (1).
11 est une autre particularité que je crois devoir signaler ici,
bien qu'elle n'ait en elle-même que peu d'importance. Chez
plusieurs Mammifères, tels que le Sajou et les Makis, l'artère
brachiale ou la cubitale, pour se rendre de la partie interne du
bras à la face palmaire de l'avant-bras, passe dans un trou ou
un canal creusé dans le condyle interne de l'humérus (2).
et chez le Pangolin cette disposition Chez le Cochon, il existe un petit
est encore plus prononcée. plexus artériel constitué aux dépens
M. Allman a trouvé aussi un plexus de la branche interosseuse de la cubi-
brachial fasciculaire chez le Tatou taie (e).
Encoubert (Dasypus sexcinctus («), (1) L'artère brachiale se continue
et M. Hyrtl a fait connaître une dis- dans l'avant-bras et jusque sur le carpe
position analogue chez le Tatou à sans s'être bifurquée; mais, vers le
neuf bandes {b). tiers supérieur de l'avant-bras, elle
Chez le Lamentin, toutes les prin- donne naissance à une petite branche
cipales branches de l'artère brachiale, qui contourne l'os radius et qui repré-
ainsi que le tronc de ce vaisseau, sont sente l'artère radiale (f).
représentées par des faisceaux de petits (2) Le trou condylien, dont l'exis-
tubes artériels (c), tence a été signalée depuis longtemps
Chez le Phoque, les artères des bras chez divers Singes {g), se trouve aussi
et de l'avant-bras affectent aussi la chez la Taupe, parmi les Insectivores;
forme de plexus (d}. chez le Blaireau , la Loutre , les Mar-
(a) Allman, On certain Peculiarities in the Arteries of the Six-bandecl Armadillo (Report of
IhelStii meeting of the Brit. Associât. Cork,, 1843, sect., p. G8).
(b) Hyril, Op. cit. (ilém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, p. 46, pi. 6, fig. 1).
(c) Baer, Ueber die Geflechte in welche sich einige grôssere Schlagadern der Siïugethiere friih
auflosen (Mém. présentés à l'Acad. des sciencesde Saint-Pétersbourg, 1835, 1. 11, p. 199, fig. 2).
(d) Baer, loc. cit., fig. 1.
\e) Barkow, Disquisiliones recenliores de arteriis Mammalium et Àvium (Nova Acta Acad.
Nat. curios., t. XX, p. 613, pi. 27, fig. 2).
(f) Baer, Op. cit. (Mém. présentés à l'Académie de Saint-Pétersbourg, t. H, p. 201 , fig. 3).
(g) Coilér, Extemaram et internarum principalium humani corporis parlium tabula, etc.
p. 61.
— Tiedemann, Ueber einen ara Oberarmbein bel mehreren geschwdnxlen Affen vorkommendeu
Kanal und eine damit in Yerbindung stehende besondere Anordnung der Arterien tend Nerven
des Arms (Meckel's Deulsches Archiv fur die Physiol., 1818, t. IV, p. 544, pi. 5, fig. 1 et 2), -
— Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 123.
Aorte
descendante.
5/lG APPAREIL DE LA CIRCULATION
J'ajouterai aussi que chez divers Mammifères l'artère bra-
chiale se bifurque pour constituer les artères radiale et cubitale
vers le milieu du bras, tandis que dans d'autres espèces cette
division ne se fait qu'assez loin au-dessus de l'articulation du
coude (1).
§ 12. — La grande artère aorte, après avoir fourni les troncs
dont naissent les vaisseaux destinés à la tête et aux membres
antérieurs, s'applique contre la colonne vertébrale et se dirige
presque en ligne droite vers le bassin. Chez les Mammifères
qui sont pourvus d'une queue bien développée, elle continue
ainsi sa route jusqu'à l'extrémité de cet organe, en diminuant
de grosseur peu à peu ; mais chez l'Homme et les Singes an-
thropomorphes, de même que chez les autres Mammifères dont la
queue est rudimentaire ou très courte, elle semble se terminer
à l'entrée du bassin, au-devant de l'os sacrum, où elle donne
naissance aux artères des membres postérieurs, et elle n'est
représentée dans sa portion terminale que par un petit vaisseau
très, les Civeltes, les Mangoustes, les bifurque dès le milieu du bras (c).
Chats et les Phoques parmi les Car- Chez la Loutre, la bifurcation de
nassiers; l'Écureuil, le Hamster et l'artère brachiale n'a lieu que vers le
l'Hélamys parmi les Rongeurs ; les milieu de l'avant-bras, après la nais-
Tatous et les Fourmiliers parmi les sance de l'artère inlerosseuse.
Édentés; les Marsupiaux et les Mono- Il est aussi à noter que le volume
trèmes. Mais il ne donne pas toujours relatif des artères radiale et cubitale
passage à l'artère : ainsi Meckel a re- varie beaucoup suivant les espèces,
marqué que chez quelques Fourmi- Ainsi, chez le Chat, le dernier de ces
liers et chez l'Arctomys, il n'est tra- vaisseaux n'est représenté que par une
versé que par le nerf médian (a). 11 est branche très grêle, et c'est l'artère
cependant à noter que, chez le Four- radiale qui porte la plus grande partie
milier tamandua, le trou condylien est du sang à la patte et qui fournit les ar
traversé aussi par l'artère (6). lères digitales. Chez le Tigre, aucon-
(1) Ainsi, chez les Sarigues , les traire, c'est l'artère cubitale qui est la
Kanguroos et la plupart des autres plus forte (d).
Marsupiaux , l'artère brachiale se
(a) Meckel, Traité d'anatomie comparée, t. IX, p. 412.
(b) Hyrtl, Vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, pi. 3, fig'. 2).
(c) Guvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 127.
(d) C.uvier, loc. cit.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5/l7
impair nommé artère sacrée moyenne. Quelquefois même on ne
trouve plus de traee de l'aorte dans cette région, et ce vaisseau
se termine réellement là où il se bifurque pour constituer les
artères iliaques (1).
Du reste , quelles que soient les modifications que l'on
remarque à cet égard, l'aorte descendante, ou aorte postérieure,
se comporte à peu près de même, et donne naissance à trois
systèmes de branches destinés, l'un à la colonne vertébrale et
à ses dépendances, un autre aux principaux viscères abdomi-
naux, -et le troisième aux membres postérieurs et aux parties
externes de la région pelvienne.
J'ajouterai que quelquefois l'artère caudale, formée par la por-
tion terminale de l'aorte, s'entoure d'un plexus vasculaire analo-
gue à celui que nous avons déjà rencontré dans le crâne de divers
Mammifères. Cette structure a été observée chez le Marsouin (2),
(1) Cette disposition se voit chez le chio-céphalique ou vertébral , le font
Lamentin, où des branches des artères à la partie supérieure du thorax,
iliaques internes (ou hypogastriques) (2) M. Baer, en signalant l'existence
pénètrent dans le canal sous-rachidien de ce plexus, avait pensé qu'il tenait
pour constituer le système artériel de lieu de l'artère caudale (c). Mais
la région caudale (a). M. Stannius a vu que ce vaisseau en
11 est aussi à noter que chez l'Homme est seulement entouré comme d'une
et beaucoup d'autres Mammifères, les gaine, et poursuit sa route en ligne
branches transversales de ce système, droite jusque auprès de la nageoire
au lieu de provenir toutes de l'artère caudale, en fournissant à droite et à
sacrée moyenne, partent pour la plu- gauche une série de branches ana-
part de deux troncs collatéraux qui logues aux artères lombaires. Le tronc
se détachent des artères iliaques in- artériel, ainsi enveloppé d'un lacis de
ternes, et se comportent dans la région vaisseaux très fins, disposés sur plu-
du sacrum (6) à peu près de la même sieurs couches, est logé dans le canal
manière que les artères thoraciques sous- vertébral (d).
postérieures, provenant du tronc bra-
(a) Stannius, Beitrage zur Kenntniss der amerikanischen Manatïs', p. 33.
(b) Voyez Bourgery,-Op. cit., t. IV, pi. 16 et 24.
(c) Baer, Ueber das Gefàss- System des Braunfisches (Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XVII
p. 405).
(d) Stannius, Ueber den Verlauf der Arterien bel Delphinus phocœna (Mùller's Archiv (ùrAnat.
uni Physiol., 184-1, p. 398).
5/j8 APPAREIL DE LA CIRCULATION
les Fourmiliers , le Pangolin , le Tatou et quelques autres
Mammifères (1).
Artères § 13. — Les artères du système rachidien naissent par paires
de la faee dorsale du tronc aortique, au niveau des diverses ver-
tèbres de la portion postcéphalique du corps, et se portent en
dehors pour se répandre dans les parois de la grande cavité vis-
cérale. Dans le thorax, elles suivent le bord inférieur des côtes, et
sont désignées sous le nom d'artères intercostales. Dans la région
lombaire, où les côtes manquent, elles suivent encore la.même
direction, et sont appelées artères lombaires. Dans la région
pelvienne, on en trouve encore des vestiges, et, chez les Animaux
à grosse queue, les analogues de ces vaisseaux se détachent
de la portion terminale de l'aorte de vertèbre en vertèbre.
Enfin, dans la région cervicale, ces mômes vaisseaux sont re-
présentés par une série de branches provenant des artères
vertébrales, de sorte que, dans toute la longueur de la portion
postcéphalique du corps , ce système se trouve constitué à
peu près de la même manière dans chaque tronçon corres-
pondant à une vertèbre. Mais c'est dans le thorax que ces
artères latérales sont le plus développées. Là chacune d'elles,
aussitôt arrivée dans l'espace intercostal correspondant, se
divise en deux branches : l'une, dorsale, passe entre les apo-
physes transverses des vertèbres, et, après avoir fourni un
rameau qui pénètre dans le canal vertébral pour s'y distribuer
à la moelle épinière et à ses enveloppes, va se répandre
dans les muscles et les téguments du dos ; l'autre branche de
l'artère intercostale continue sa route en dehors, se loge dans
une gouttière creusée au bord inférieur de la côte adjacente,
(1) Voyez, à ce sujet, les recherches de M. Vrolik et de M. Hyrtl (a),
(a) Vrolik, Disquisit. de peculiari arteriarum extremitatum in nonnullis Animalibus disposi-
tions, 182G.
— Hyrll, Vergleichende Angiologie. Artérielle Gefâss-System der Edentaten (Denkschriften der
Akad. der Wissensch. %u Wien, 1854, t. VI, pi. 2, fîg\ 2 ; pi. 4, fig. 1 ; pi. 7, %. 1).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 5/t9
fournit des ramuscules aux muscles intercostaux, et se termine
à la partie antérieure du thorax, où elle s'anastomose avec des
rameaux de l'artère mammaire et d'autres vaisseaux de cette
région (1).
La disposition des artères intercostales est à peu près la même
chez presque tous les Mammifères, sauf quelques variations
dans leur nombre et le mode d'origine de celles de la partie
antérieure du thorax (2); mais, chez la plupart des Cétacés,
elles sont entourées par une multitude de petites artères
flexueuses qui naissent principalement d'une série de branches
impaires fournies par l'aorte, et qui se prolongent sur la paroi
dorsale du thorax, de façon à y constituer deux plexus vascu-
laires énormes (S).
(1) Chez l'Homme, les artères inter-
costales correspondantes aux côtes des
deur ou trois premières paires nais-
sent d'un tronc commun provenant
de l'artère sous - clavière, de façon
que l'aorte n'en fournit directement
que huit ou neuf paires ; mais leur
origine n'influe pas notablement sur
leur direction, ni sur leur mode de
distribution.
Les arlères lombaires, qui repré-
sentent ces artères intercostales là où
la colonne vertébrale cesse de porter
des côtes et n'est pas encore unie aux
os des hanches pour former le bassin,
ne sont qu'au nombre de trois ou cinq
paires, et leur branche antérieure est
peu développée. Enlin, les branches
latérales de l'artère sacrée moyenne de
l'Homme sont rudimentaires.
Toute la portion cervicale thora-
cique et abdominale de ce système
d'artères a été très bien représentée
par Bourgery et Jacob (a).
('2) Ainsi, chez le Cheval, la pre-
mière intercostale vient de l'artère
cervicale supérieure ; les trois suivantes
naissent tantôt du même vaisseau,
tantôt d'un tronc commun fourni par
l'aorte, et les treize suivantes sortent
directementde cette dernière artère (b).
Elles sont suivies par cinq ou six paires
d'artères lombaires dont la dernière
provient de l'artère iliaque.
(3) Les gros paquets de vaisseaux
flexueux ainsi constitués avaient été
remarqués chez le Marsouin par
Tyson, qui les considérait comme une
sorte de glande vasculaire (c). limiter
en a bien reconnu la nature chez la
Baleine (d;, et pi us récemment la dispo-
sition de ces plexus a été étudiée avec
(a) Op. cit., t. IV, pi. 22.
(6) Voyez Chauveau, Op. cit., p. 486, fig. 157.
(c) Tyson, Anatomy of a Porpesse, p. 32, pi. 2, fig. 7, et Dublin Philos. Journ., 1820, l. II,
p. 196.
(d) Hunier, Observ. on the Struct. and Economy of IV haies (Philos. Trans., 1787, p. 571, et
Œuvres, t. IV, p. 465).
550
$.14.
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Ancres § ift. — Le système des artères viscérales, auquel se ratla-
dos viscères x
abdominaux, chent quelques petites branches œsophagiennes (1) et bron-
plus de soin par Breschet et par
M. Stannius (a). Breschet en a constaté
l'existence chez le Delphinus globiceps
et chez un fœtus de Baleine aussi bien
que chez le Marsouin ; M. Jackson
les a aperçus chez le Delphinus del-
phis (b) ; enfin M. Slannius les a ren-
contrés chez le Lamentin (c) , mais il
paraîtrait, d'après les observations de
M» Owen , qu'ils manquent chez le
Dugong {d).
Chez le Marsouin, les artères inter-
costales des cinq premières paires sont
formées de chaque côté par un tronc
unique (ou artère thoracique posté-
rieure, Stannius) qui naît de l'aorte à
gauche et du tronc brachio-céphalique
à droite, Celles de la sixième paire et
des paires suivantes proviennent de
l'aorte , soit par des troncs impairs
qui se bifurquent (ainsi que cela se voi^
pour celles des sixième, septième et
huitième paires), soit isolément. Enfin,
au-devant d'elles, l'aorte donne aussi
naissance à deux brandies impaires,
qui bientôt se bifurquent pour aller se
ramifier dans les deux plexus thora-
ciques. Les intercostales fournissent
comme d'ordinaire des branches dor-
sales et des branches qui longent les
côtes, mais elles donnent aussi nais-
sance à un grand nombre de rameaux
flexueux qui se pelotonnent autourdes
premières et entrent dans la constitu-
tion du plexus. Celui-ci occupe l'espace
du médiastin postérieur et s'étend entre
les côtes, jusque sur la partie dorsale de
la colonne vertébrale; en arrière, il ne
dépasse guère la neuvième côte, mais
en avant il se prolonge dans le cou et
se relie au plexus cervical. Les vais-
seaux qui le constituent sont, les uns
thoraciques, les autres dorsaux. Les
premiers proviennent : 1° des artères
thoraciques postérieures dont naissent
aussi les intercostales des cinq pre-
mières paires ; 2° des deux troncs im-
pairs qui se détachent de l'aorte au-
devant du tronc également impair
dont naissent les intercostales de la
sixième paire; 3° des intercostales des
sixième, septième, huitième et neu-
vième paires. Les racines dorsales du
plexus sont fournies par des branches
de l'artère méningée spinale, qui pro-
vient de l'artère carotide interne ;
branches qui sortent du canal verté-
bral par les trous de conjugaison et
se pelotonnent déjà dans la région
dorsale. Ainsi les branches de distri-
bution des artères intercostales ne se
résolvent pas en capillaires pour consti-
tuer ce rete mirabile, mais le traversent
seulement pour se rendre à leur des-
tination ordinaire, et le plexus est un
appareil vasculaire surajouté à ces
vaisseaux (e).
(1) Les artères œsophagiennes sont
(a) Breschet, Histoire anatomique et physiologique d'un organe de nature vasculaire découvert
dans les Cétacés. In-4, 1836, pi. 2 et 3.
— Stannius, Ueber den Verlaufder Arterien bei Delphinus phocœna (Miiller's Archiv fur Anat.
und Physiol., 1841, p. 392).
(b) J. B.Jackson, Dissection of a Spermaceti Whale and three other Cetaceous (Boston Joum.
ofNat. Hist., 1845, vol. V, p. 158).
(c) Stannius, Beitrâge %ur Kenntniss der amerikanischen Manati's (Zur Geschichte der Natur-
wissensch. Institute der Universitat Rostock, 1846, p. 32). ^
(d) Owen, On the Anatomy of the Dugong (Proceedings of the Zool. Soc, 1838, p. 35).
(e) Slannius, Op. cit.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 551
chiques fournies par la portion thoracique de l'aorte, se compose
principalement des artères cœliaque, mésentérique supérieure,
spermatiques, capsulaires moyennes, rénales et mésentérique
inférieure, qui naissent toutes dans l'abdomen.
Chez l'Homme , Y artère cœliaque (!) se sépare du tronc
aortique immédiatement après que celui-ci a traversé le dia-
phragme, et elle ne tarde pas à se diviser en trois branches (2),
dont Tune, appelée artère coronaire stomachique, ou gastrique
supérieure, suit la petite courbure de l'estomac et distribue
ses rameaux à ce viscère ainsi qu'à l'œsophage (3). Une autre
de ces divisions du tronc cœliaque constitue Y artère hépatique,
qui se termine dans le foie, après avoir donné une petite artère
Artère
cœliaque.
de très petits vaisseaux qui, au nombre
de trois ou quatre (ou même davantage)
naissent de la face antérieure de l'aorte
thoracique et vont se ramifier dans la
portion voisine de l'œsophage (a). Les
artères mécliastines postérieures qui
se distribuent au médiastin naissent
tantôt des artères œsophagiennes ,
d'autres fois du tronc aortique ou
même des artères intercostales.
L'aorte, en ira versant le diaphragme,
fournit à ce muscle une paire d'artères
dites diaphragmatiques inférieures,
parce que celte cloison charnue reçoit
aussi une paire d'artères qui naissent
plus haut et qui se répandent sur sa
partie supérieure et antérieure. Ces
dernières, appelées diaphragmatiques
supérieures, sont des branches des ar-
tères mammaires internes (b).
(1) C'est-à-dire, artère ventrale. De
xcûta, ventre.
(2) Les anatomisles désignent quel-
quefois ce vaisseau sous le nom de
trépied de Haller, à cause de la com-
paraison que cet auteur emploie pour
en indiquer la forme.
[^)Vartère coronaire stomachique,
moins grosse que les deux autres
branches terminales du tronc cœliaque,
se porte obliquement en haut et en
avant vers l'extrémité inférieure de
l'œsophage, puis se contourne à droite,
en longeant la petite courbure de
l'estomac, et va se terminer près du
pylore en s'y anastomosant avec une
branche de l'artère hépatique (c). Pen-
dant ce trajet, elle fournit quelques
branches ascendantes qui vont à l'œso-
phage, et beaucoup de branches trans-
verses ou descendantes qui se ré-
pandent sur les parois de l'estomac et
y forment quelques anastomoses avec
des branches de l'artère splénique.
(a) Voyez Bourgery et Jacob, Op. cit., t. IV, pi. ii.
(b) Voyez Bourgery et Jacob, t. IV, pi. 1 5.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 20.
(c) Voyez Bourgery, Op. cit., t. V, pi. 20 et 20 bis.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 21 «t 22.
552
APPAREIL DE LA CIRCULATION
dite pylorique, destinée à l'estomac, et une artère gastro-
épiploïque droite dont les ramuscules se rendent dans le pylore,
au pancréas et à l'épiploon, pour s'y anastomoser avec l'artère
mésentérique supérieure (1). Enfin, le troisième de ces vais-
seaux porte le nom d'artère splénique, et après avoir fourni
des rameaux au pancréas, une artère gastro-épiploïque gauche
et plusieurs vaisseaux courts qui se rendent à l'estomac pour
s'anastomoser avec des rameaux de la coronaire stomachique, il
se termine par un grand nombre de branches qui pénètrent dans
la rate (2).
(1) V artère hépatique se dirige
transversalement de gauche à droite,
et gagne ainsi le sillon transversal du
foie où elle se bifurque avant de péné-
trer dans cet organe [a). L'artère pylo-
rique, qui en naît, va s'anastomoser
avec l'extrémité de la coronaire stoma-
chique, de façon à former avec elle
une arcade. V artère gastro-épiploïque
droite s'en sépare un peu plus loin,
descend derrière le duodénum, et se
recourbe ensuite à gauche pour suivre
la grande courbure de l'estomac et s'y
terminer en s'anastomosant avec sa
congénère. Pendant ce trajet elle four-
nit plusieurs branches ascendantes au
pylore et à l'estomac, ainsi que des
branches descendantes qui se logent
dans l'épiploon et se terminent à l'arc
transversal du côlon.
Enfin Vartèrecystique, qui naît de
la branche terminale droite de l'artère
hépatique, est très grêle et se répand
dans les parois de la vésicule du fiel.
(2) L'artère splénique de l'Homme
est la plus grosse des trois branches ter-
minales du tronc cœliaque; elle descend
obliquement derrière l'estomac, en
décrivant des flexuosités plus ou moins
nombreuses et en se logeant dans une
rainure creusée dans le bord supérieur
du pancréas (6). Les branches qu'elle
fournit à cette glande sont assez grosses
et varient en nombre. L'artère gastro-
épiploïque gauche , qui en naît au
niveau de la grosse tubérosité de l'es-
tomac, gagne la grande courbure de
cet organe, et, comme je l'ai déjà dit,
s'y anastomose avec l'artère gastro-
épiploïque droite. Les branches ascen-
dantes qui naissent de l'arcade vascu-
laire ainsi constituée se répandent sur
les deux faces de l'estomac et s'y
anastomosent avec les autres artères
de cet organe, de façon à former un
réseau à grosses mailles irrégulières.
Enfin les branches appelées vaisseaux
courts naissent ordinairement d'un ou
de plusieurs des rameaux terminaux
de l'artère splénique, au moment où
ceux-ci pénètrent dans la rate, et elles
retournent vers le grand cul-de-sac de
l'estomac et vers le cardia, où elles
s'anastomosent avec les branches pro-
venant de l'artère coronaire stoma-
chique.
{a) Voyez Bourgery, Awtomie descriptive, t. V, pi. 3G.
— Tiedemann, loc. cit.
(b) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 22, fîg. 1.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 553
Le mode de distribution de l'artère cœliaque est à peu près
le même chez tous les Mammifères ; seulement, au lieu de se
diviser immédiatement en trois branches, il arrive souvent
qu'elle fournit successivement les artères gastrique, hépatique
et splénique (1).
Chez le Cochon, la branche gastrique de ce tronc artériel
présente cependant une particularité remarquable, car elle se
résout en un plexus avant de se ramifier sur la paroi postérieure
de l'estomac (2).
V artère mésentérique supérieure naît de l'aorte ventrale,
(1) Cette disposition se rencontre
chez les Ruminants, Ainsi, chez le Mou-
ton, le tronc cœliaque descend sur la
panse et fournit successivement :
1° plusieurs petites artères diaphrag-
matiques; 2° une artère splénique, qui,
à son origine, fournit souvent l'artère
supérieure de la panse; 3° l'artère du
bonnet, qui se divise en deux branches,
l'une supérieure, l'autre inférieure,
lesquelles naissent souvent isolément ;
l\° l'artère hépatique, et 5° une artère
gastrique, dont une branche supérieure
passe sur le feuillet et suit la petite
courbure de la caillette pour aller se
terminer par inosculation dans une
branche duodénale de l'artère hépa-
tique ; l'autre branche franchit la
grande courbure de la caillette pour
aller se perdre clans l'épiploon (a).
Chez le Chat, la cœliaque fournit
d'abord une artère capsulaire droite,
puis l'hépatique, ensuite la gastrique,
et se termine par la splénique (b).
Chez le Cheval, le mode de division
du tronc cœliaque est à peu près le
même, que chez l'Homme (c).
Chez le Porc-Épic, le tronc cœliaque
se bifurque : la branche gauche con-
stitue l'artère splénique, et sa branche
droite se subdivise en artères hépa-
tique et gastrique (d).
Cuvier a trouvé le tronc cœliaque
confondu, à son origine, avec l'artère
mésentérique supérieure chez le Mar-
souin (e). Mais celte disposition n'est
pas constante (/").
(2) Ce rete mirabile gastrique a été
décrit et figuré, il y a une quinzaine
d'années, par Barkow (g), mais paraît
avoir échappé aux recherches des au-
teurs qui, dans ces derniers temps,
ont écrit sur l'anatomie des animaux
domestiques.
Artères
mésentériques.
(a) Voyez Chauveau, Op. cit., p. 499, fig. 152.
(b) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 146.
(c) Voyez Chauveau, Op. cit., p. 490, fig. 149.
— Leyh, Op. cit., p. 393, fig. 168.
(d) Cuvier, Anat. comp., t. VI, p. 147.
(e) Cuvier, Anat. comp., t. VI, p. 148.
(f) Stannius, Ueber den Verlattf der Arterien bei Delpliinus pliocsena (Mùller's Archiv, 1841,
p. 394).
(g) Barkow, Disquisitiones recentiores de arteriis MammaUnm (Nova Acta Acad. Nat. curios.,
i. XX, p. 014, pi. 28, fig. 4).
554 APPAREIL DE LA CIRCULATION
immédiatement au-dessous du tronc cœliaque, et distribue ses
branches à l'intestin grêle et à la moitié droite du gros intestin.
Elle descend entre les deux lames du mésentère, et décrit une
légère courbure, de la convexité de laquelle il part un nombre
considérable de grosses branches qui se bifurquent pour s'ana-
stomoser entre elles et constituer des arcades. Le bord convexe
de celles-ci produit d'autres branches qui, en s'anastomosant
d'une manière analogue, forment une seconde série d'arcades
plus petites, auxquelles succède une troisième série d'anses
vasculaires disposées de la même manière, mais encore plus
petites ; puis, dans la partie moyenne de ce système de vaisseaux,
un quatrième ou même un cinquième ordre d'arcades, dont la
convexité est dirigée vers l'intestin, donne enfin naissance à
une multitude de ramuscules qui vont se répandre dans les
parois de cette portion du tube digestif (1). D'autres branches
naissent de la concavité de l'artère mésentérique supérieure, et
vont former de grandes arcades le long du gros intestin auquel
leurs ramuscules se distribuent. Enfin, dans les premiers temps
de la vie intra-utérine, cette artère fournit aussi une branche
ombilicale, appelée artère omphalo -mésentérique, qui sort de
l'abdomen pour se loger dans le cordon ombilical et se rendre
à la vésicule du même nom (2).
(1) Chacune de ces branches se di- Pour la disposition générale de Paf-
vise en deux ordres de rameaux : les 1ère mésentérique supérieure, voyez
uns sont superficiels et se répandent les planches de M. ïiedemann ou de
sur l'intestin en marchant sous sa Bourgery (a).
tunique péritonéale, et vont s'anasto- (2) Nous reviendrons sur ce vaisseau
moser sur son bord convexe; les lorsque nous étudierons le dévelop-
autres sont profonds et pénètrent jus- pement de l'embryon ; son trajet se
qu'à la tunique muqueuse, où ils con- voit dans les planches de M. Coste (6).
stituent un réseau inextricable.
(a) Tiedemann, Op. cit., pi. 23 et 24 (réduites dans Sappcy, Op. cit., t. I, Hg. 128 et 129).
— Bourgery, Op. cit., t. V, pi. 27.
(6) Coste , Histoire générale dit. développement des êtres organisés, espèce humaine, pi 3 a,
fig. i ; pi. 4 a, fig. i .
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 555
L'artère mésentérique inférieure naît beaucoup plus bns, et
complète cet ensemble des vaisseaux de l'intestin en allant
distribuer ses branches à la portion gauche du gros intestin et
au rectum (1).
Les particularités qui s'observent dans le mode de division
de ces vaisseaux, chez les autres Mammifères ordinaires,
n'offrent rien d'important à noter ; mais il est à remarquer
que chez les Marsupiaux les artères mésentériques postérieures
manquent (2).
(1) Voyez les Iconographies anato-
m iq ues (a).
(2) M. Owcn considère l'absence
de l'artère mésentérique inférieure
comme étant constante dans l'ordre
des Marsupiaux et comme se liant au
mode particulier de suspension des
intestins chez ces Mammifères (b).
Chez le Cheval, l'artère mésenté-
rique antérieure (ou grande mésen-
térique ) présente une disposition
plus compliquée que chez l'Homme,
et les branches qui en partent for-
ment trois faisceaux assez distincts (c),
savoir : 1° un faisceau gauche, com-
posé de quinze à vingt artères de l'in-
testin grêle, qui, arrivées près du bord
mésentérique de l'intestin, se bifur-
quent pour s'anastomoser en une série
d'arcades dont naissent les rameaux de
distribution (cl) ; — 2° un faisceau droit,
composé de V artère iléo-cœcale, qui
suit le bord de la portion terminale
de l'intestin grêle, et forme, par son
inosculation avec la dernière branche
du faisceau précédent, une grande
arcade ; d'une artère cœcale supé-
rieure ou externe, qui se loge dans le
sillon antérieur du caecum et se dis-
tribue aux parois de celle portion
de l'intestin ; d'une artère cœcale in-
férieure, qui contourne la face externe
du caecum, donne naissance à une
branche remarquable destinée à l'arc
du côlon, et se termine en s'anastomo-
sant avec la caecale interne ;enfm, d'une
artère colique droite ; — 3° un fais-
ceau antérieur composé d'une artère
colique gauche, qui se réunit par
inosculation avec la précédente et con-
stitue ainsi une arcade très allongée
appartenant à l'anse du côlon (e) ; en-
lin, d'une artère colique postérieure,
qui suit le bord et la portion flottante
du côlon et s'anastomose en arcade
avec une des branches de la mésenté-
rique postérieure ou petite mésenté-
rique. Cette dernière artère [f) décrit
(a) Tiedemann, Op. cit., pi. 24.
— Bourgery, Op. cit., t. VIII, pi. 31.
{b) Owen, Marsupialia (Todd's Cyclop. of Anal, and Physiol., vol. IH, p. 308, fig-. 134).
(c) Voyez Chauvcau, Op. cit., p. 493, fig'. 150.
(d) Voyez Leyh, Op. cit., p. 397, fig. 169.
(e) Leyh, Op. cit., p. 398, fig. 170.
(/') Chauveau, Op. cit., p. 496, fig. 151.
— Leyh, Op. cit., p. 401, fig. 168.
556
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Artères
rénains.
Artères
capsulaires.
Artères
spermatiques
Les artères rénales sont paires et naissent de l'aorte ventrale,
un peu au-dessus de la mésentérique inférieure ; elles se por-
tent directement en dehors, et, après avoir fourni quelques
petits rameaux aux capsules surrénales, elles se divisent en
plusieurs branches et plongent dans la substance des reins, où
elles se résolvent en un réseau capillaire dont je ferai connaître
la disposition remarquable quand je traiterai de la structure
intime de ces glandes (1). -
Quant aux artères capsulaires moyennes, qui naissent de
l'aorte au-dessus des précédentes et qui se rendent aux capsules
surrénales, elles sont très petites et ne présentent rien d'im-
portant à noter.
Enfin, les artères spermatiques naissent de l'aorte, vers le
niveau de l'origine des rénales, et se portent immédiatement
en bas, pour gagner le bassin et se rendre aux ovaires ou aux
testicules. Chez l'Homme, elles sortent de l'abdomen par le
canal inguinal; elles sont remarquables par leur grande lon-
gueur, et, comme nous le verrons plus tard, cette particula-
rité dépend du déplacement que les glandes auxquelles elles se
distribuent éprouvent pendant le développement du fœtus (2).
une courbe en se rendant au rectum,
et, chemin faisant, donne à la portion
flottante ou terminale du côlon des
branches dont les premières forment
des arcades comme les précédentes, et
les autres se ramifient directement
dans les parois de l'intestin.
Chez les Ruminants, la disposition
de ces vaisseaux est à peu près la même
que chez le Cheval. La mésentérique
postérieure est très petite chez ces
animaux ainsi que chez les Carnas-
siers.
Chez le Marsouin , la mésentérique
postérieure naît de l'artère iliaque (a).
Carlisle indique l'existence d'une
disposition plexiforme dans les ar-
tères des parois du gros intestin chez
l'Agouti (6).
(1) Chez l'Homme, ces artères sont
courtes et grosses (c) ; quelquefois
l'aorte envoie deux artères ù l'un des
reins.
('2) Les artères spermatiques des-
cendent de la région lombaire, derrière
le péritoine, jusque dans le bassin,
(a) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 150.
(b) Carlisle, Continuation of an Account ofa Peculiar Arrangement in the Arleries distributed
in the Muscles o[ sloiu-movin g Animais (Philos. Trans., 1804, p. 19, pi. 1, lig. 2),
(c) Voyez Bourgery, t. IV, pi. 24 ; t. V, pi. 6, etc.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 557
§ 15. — Le système artériel des membres abdominaux se Artères
, 1 -, . , , des membres
compose de deux paires de vaisseaux principaux qui portent les inférieur».
noms d'artères iliaques externes et d'artères hypogastriques ou
iliaques internes.
Chez l'Homme, ces artères sont, confondues à leur base, et
l'aorte, arrivée vers le bas de la région lombaire, semble se
bifurquer pour donner naissance aux deux troncs ainsi consti-
tués. On appelle ceux-ci les iliaques primitives. Us s'écartent Artères iliaques
l'un de l'autre, en descendant, et chez l'adulte les iliaques riul
externes semblent en être la continuation.
Les artères hypogastriques, ou iliaques internes, s'en sépa- Artères
, . hypogastriques.
rent au niveau du bord supérieur du sacrum, et descendent
en se portant en arrière, pour s'enfoncer dans le bassin et
aller se distribuer aux viscères contenus dans cette partie de
la cavité abdominale, ainsi qu'aux muscles de la région fes-
sière et aux parties génitales externes (1). Chez le fœtus, elles
sans fournir aucune branche (a). Par- Chez les Mammifères femelles, les
venues dans le canal inguinal, elles artères spermatiques prennent le nom
donnent quelques ramuscules très (Tarières ovariennes, et vont se dis-
grêles au muscle crémasler et au tribuer à l'utérus aussi bien qu'à l'o-
cordon spermatique; enfin, arrivées vaire (c). Pendant la geslaiion, elles
dans le scrotum, elles se bifurquent prennent un grand développement, et
pour pénétrer dans l'épididyme ci le leurs branches terminales deviennent
testicule. extrêmement flcxueuses.
Chez les Mammifères, donl les testi- Chez le Kanguroo, les artères ova-
cules restent dans l'abdomen (l'Élé- riennes naissent par un tronc com-
pilant et le lîhinocéros, par exemple), mun ((/).
ou ne se logent que dans le pli de (1) Les branches de l'artère hypo-
l'aiue, comme chez le Chameau , ces gastrique peuvent être rangées en
vaisseaux sont moins longs. deux groupes, suivant qu'elles sont
Chez le Marsouin, ils forment des destinées principalement aux vis-
plexus très remarquables (6). cères (e) ou aux parois de la cavité
\a) N'oyez Tiedcraann, Op. cit., pi 20.
— Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 16.
{b) Duverrioy, Anatomie comparée de Cuvier, I, VI, p. 153.
(c) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 27.
(dj Owen, Marsi'pj.alia (Todd's Cyclop. of Anat. and Phyxiol, t. 111, p. 308, lig. ij-i;
(e) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 25, fig. 1 ; pi. 20, fig. 1.
■ — Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 14, 16.
558 APPAREIL 1)E LA CIRCULATION
se continuent en avant et en liant avec les artères ombilicales,
dont nous aurons à nous occuper par la suite.
Chez les Quadrumanes, la plupart des Rongeurs et quelques
autres Mammifères , les deux paires d'artères destinées aux
pelvienne et aux parties molles qui
entourent le bassin (a). Les bran-
ches vésicales sont : 1° les artères
vésicales, qui, en nombre variable,
naissent soit du tronc hypogastriquc,
soit de la branche ombilicale ou même
de quelque autre rameau, etse rendent
à la vessie ; 2° V artère hémorrhoïdale
moyenne, qui se distribue à la partie
antérieure des parois du rectum ;
3° Vartère utérine, qui est souvent
confondue, à son origine, avec une des
artères viscérales et qui se porte trans-
versalement en dedans pour gagner la
matrice, où ses rameaux décrivent de
nombreuses tlexuosités ; W Vartère
vaginale, qui descend sur les côtés
du vagin et s'anastomose en arcade
avec sa congénère.
Les branches essentiellement parié-
tales sont : 1° Vartère iléo-lombaire,
qui remonte entre les muscles de la
paroi dorsale de l'abdomen, et y joue
le rôle d'une intercostale en donnant
un rameau musculaire aux lombes,
un rameau spinal à la colonne verté-
brale et un rameau transversal aux
parois latérales de l'abdomen ; 2° les
artères sacrées latérales, qui descen-
dent sur la face interne du sacrum,
de chaque côté de l'artère sacrée
moyenne, et fournissent latéralement
des rameaux destinés, les uns a s'ana-
stomoser avec celle-ci, les autres à ga-
gner la face postérieure du bassin et
à s'y distribuer à peu près comme le
font les artères lombaires un peu plus
haut ; 3° Vartère obturatrice (à moins
que celle-ci ne naisse de l'iliaque ex-
terne, comme cela se voit souvent),
vaisseau qui fournit des rameaux au
muscle iliaque situé sur les côtés de
la cavité du bassin, puis se rend en
partie au pubis, en partie aux organes
génitaux externes, et aux muscles de
la partie supérieure et interne de la
cuisse; h° Vartère fessière, ou ilia-
que postérieure, qui peut être consi-
dérée comme la conlinualion du tronc
hypogaslrique, et qui sort du bassin
par le sommet de l'écliancrure ischia-
tique pour aller se ramifier dans les
muscles dont elle porte le nom ;
5° Vartère ischialique, ou fessière
inférieure, qui, à son origine, est
souvent confondue avec la précé-
dente, et sort du bassin plus bas pour
se distribuer en partie aux mêmes
muscles, en partie dans la région coc-
cygienne et fémorale interne (b).
Enfin, une branche, dont les divi-
sions appartiennent à la fois aux vis-
cères et aux parties pariétales du
bassin, est appelée artère honteuse
interne. Elle sort du bassin avec l'is-
chiatique, puis rentre dans celte ca-
vité dans le voisinage de l'anus, y
fournit un ou plusieurs ramuscules
appelés artères hémorrhoidales infé-
rieures, et se divise ensuite en deux
(a) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 25, fig. 2, et 26, fig. 2.
— Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 24, 25, 44 et 45.
(b) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, p. 42.
CHEZ LES MAMMIFERES.
559
membres abdominaux naissent d'une paire de troncs iliaques
primitifs, comme chez l'Homme (1); mais chez le Chien, le
Cheval et un grand nombre d'autres Animaux de cette classe,
les artères hypogastriques proviennent directement de l'aorte,
à quelque distance en arrière des iliaques externes (2). Quel-
branches principales, dont l'une est
superficielle ou inférieure, et se rend
au périnée, et dont l'autre appartient
aux organes génitaux. La première
fournit l'artère dorsale de la verge et
l'artère caverneuse.
Chez l'enfant nouveau-né, de même
que chez le fœtus , les deux artères
hypogastriques se continuent sous la
forme d'artères ombilicales, sortent
de l'abdomen par l'ombilic, et vont
se ramifier dans le placenta (a) ; mais
lorsque le cordon ombilical s'est flé-
tri , ces derniers vaisseaux s'atro-
phient et se transforment peu à peu
en un cordon ligamenteux qui s'étend
de chaque côté de la vessie jusqu'à
l'ombilic et fait suite au tronc des
artères vésicales (6).
(1) Ces vaisseaux naissent des artères
iliaques primitives, chez le Hérisson (c),
le Surmulot (d), le Cochon d'Inde (p),
le Lapin (/"), le Porc-Épic (g), l'Écu-
reuil (h), le Soiislik(î), le Phoque (_/),
le Pangolin (k). 11 en est de même
chez le Fourmilier , soit des deux
côtés (l), soit d'un côté seulement (m),
défaut de symétrie qui se voit aussi
chez le Tatou (n).
(2) L'origine bilatérale des artères
hypogastriques sur le tronc aortique,
en arrière des iliaques externes, se voit
chez la plupart des Carnassiers, tels
que le Chat , le Lion , le Tigre ,
l'Ours (o) ; chez le Cheval (p), le Co-
chon (q), les Ruminants (r), les Mar-
supiaux (s), et chez l'Échidné (t).
Chez le Putois, une partie des ar-
(<i) Voyez Bourgery , Anatomie descriptive, t. VIII, pi. 12, et pi. 13, fig. 6.
— Martin Saint-Ange, Circulation du sang considéré chez le fœtus, etc., fig. 1 , et Dict. Univ.
d'hist. nat. de d'Orbigny, Mammifères, pi. 4, fig. d.
(b) Voyez Tiedemann, Op. cit., pi. 25, fig. 1.
(c) Barkow, Disquisit. circa origin. et decurs. arteriarum Mammalium, p. 29, pi. 1, fig. {.
(d) Idem, ibid , p. 36.
(e) Idem, ibid., p. 42.
(Hldeiii, ibid., p. 52.
(g) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 158.
(h) Barkow, Disquisit. récent, de arter. Mammal. (Nova Acta Acad. Nat. curios., t. XX, p. 633).
(i) Idem, ibid., p. 625.
(j) Cuvier, toc. cit., p. 160.
(k) Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, pi. 2, fig. 2).
(I) Meckel, Traité d' anatomie comparée, t. IX, p. 416.
(m) Hyrll, Op. cit. (ibid., pi. 4, fig. 1).
(n) Idem, ibid., pi. 7, fig. 1.
(o) Cuvier, Anatomie comparée, t. VI, p. 1 58.
(p) Voyez Leyh, Handbuch der Anat. der Hausthiere, p. 403, fig. 171 .
— Chauveau, Op. cit., p. 506, fig. 154.
(q) Barkow, Disquisit. récent. (Op. cit., t. XX, p. 633).
(r) Meckel, Op. cit., t. IX, p. 417.
(s) Owen, Marsupialia (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. III, p. 308).
(0 Hyrll, Op. cit. [Mém. de l'Acad. de Vienne, I. V, pi. 3, fig. 1).
111.
36
560 APPAREIL DE LA CIRCULATION
quefois elles forment à leur origine un tronc impair qui se
dirige en arrière, au-dessous de l'artère sacrée moyenne, laquelle
représente, comme d'ordinaire, laportion terminale de l'aorte (1 ).
Enfin, chez les Cétacés, dont le corps, comme on le sait,
est dépourvu des membres postérieurs, les artères iliaques
externes manquent, et les branches abdominales, qui d'ordinaire
en naissent, sont fournies par les hypogastriques.
Ariens iliaques L'artère iliaque externe ressemble beaucoup à l'artère sous-
exlernes. 1 • * < i • • > ^^l a • \ . •
claviere et se divise a peu près de la même manière. Ainsi,
avant d'arriver à la cuisse, elle fournit aux parties antérieures
et latérales des parois de la grande cavité viscérale diverses
branches dont les plus importantes sont l'artère épigastrique et
l'artère iliaque antérieure ; or, ces vaisseaux représentent pour
ainsi dire les artères mammaire interne et thoracique infé-
rieure (2).
tèresqui d'ordinaire dépendent de l'hy-
pogastrique viennent des iliaques, et les
autres des artères sacrées latérales (a).
(1) Cette disposition a été observée
chez le Blaireau (6).
(2) L'artère épigastrique naît de
l'iliaque externe au moment où celle-
ci quitte le bassin , en s'engageant
sous le ligament dont se compose l'ar-
cade crurale. Souvent elle est con-
fondue, à son origine, avec l'artère
obturatrice ; mais, quoi qu'il en soit
à cet égard, elle se porte en dedans,
puis se recourbe en haut, et remonte
sur la paroi antérieure de l'abdomen
pour s'y distribuer et s'anastomoser
avec des branches descendantes de la
mammaire interne (c).
Une autre branche pariétale naît
au-dessous de l'arcade crurale et re-
monte aussi sur la paroi antérieure de
l'abdomen ; on l'appelle artère sous-
cutanée abdominale, et l'on peut la
considérer comme le représentant de
l'artère mammaire externe {cl).
L'artère iliaque antérieure , ou
circonflexe iliaque , naît au même
niveau que l'épigastrique, et remonte
obliquement derrière l'arcade crurale
jusqu'à la crête de l'os iliaque, où elle
se divise en deux branches : une as-
cendante, qui marche parallèlement
à l'épigastrique , se distribue aux
muscles de la paroi latérale de l'ab-
domen, et s'y anastomose avec les
artères lombaires et intercostales ;
(a) Barkow, Disquisit. circa origln. arter. Mammalium, p. 23, et Disquisit. recentiores (loc. cit. ,
l, XX, p. 658).
(b) Uuvernoy, Anatomie comparée deCuvier, t. VI, p. 158.
(c) Voyez Bourgery, Anat. descripl., t. IV, pi. 21 et 22.
— Tiedemann, Op. cit., pi. 18.
(d) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 23.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 561
Elle longe ensuite la partie interne de la cuisse, où elle prend le Artère
, . i i - fémorale.
nom d artère fémorale, et donne naissance à une grosse branche
collatérale que je comparerai à la brachiale profonde (1) ; puis
elle se porte obliquement en arrière, passe dans le creux du
jarret, où on la désigne sous le nom d' artère poplitée, et arrive
à la partie supérieure et postérieure de la jambe, où elle se
bifurque pour constituer deux branches divergentes dont l'une Ancres
1 1 . . ! . A A ^e la j3111^6'
se subdivise bientôt, de sorte qu'ici, de même qu'à l'avant-bras,
il y a trois artères principales : une qui traverse l'aponévrose
interosseuse pour descendre le long de la face opposée de la
jambe vers le dos du pied, comme le fait l'artère interosseuse
du membre supérieur, et qui prend le nom d'artère tibiale anté-
rieure ; deux (appelées artères tibiale postérieure et péronière)
qui restent à la partie postérieure de la jambe, et qui sont les
analogues des artères cubitale et radiale. Mais le mode de ter-
minaison de ces vaisseaux n'est pas tout à fait le même que
pour les artères de la main. Ainsi l'artère pédieuse, qui se
trouve sur la face dorsale du pied et qui s'y comporte à peu
l'autre, transverse, qui continue à par du tissu musculaire , elle gagne
longer la crête iliaque et se dirige vers la face postérieure de la cuisse et con-
les lombes (a). linue sa route vers la jambe , sous le
L'artère hypogastrique correspond nom iïartère poplitée.
à peu près à l'artère cervicale trans- A la partie supérieure et interne de
verse. la cuisse, elle fournit les artères hon-
(1) L'artère fémorale ou crurale sort teuses externes qui vont se rendre aux
du bassin en passant entre le bord su- parties génitales externes. Elle donne
périeur de l'os iliaque et l'arcade cru- naissance à diverses branches muscu-
rale ; elle se trouve d'abord à la partie laires, dont la plus importante est
antérieure et supérieure de la cuisse, Vartère fémorale profonde, qui se
à peu de distance sous la peau, mais détache à peu de dislance du pubis et
elle ne tarde pas à s'enfoncer entre les descend verticalement au milieu des
muscles, et après être descendue près- muscles profonds de la cuisse (b), à
que verticalement le long de la face peu près comme l'artère humérale
interne du fémur, dont elle est séparée profonde dans le bras.
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., pi. 21, 22 et 24.
(b) Idem, ibid., pi. 41, 42 et 43.
Artères
du pied.
56'2 APPAKEIL DL LA CIRCULATION
[très comme la portion terminale de la radiale sur le métacarpe,
est la continuation de la tibiale antérieure. L'artère péronière,
qui, par sa position, est comparable à l'artère cubitale, tend à
s'atrophier, et au lieu de donner naissance à une arcade plan-
taire superficielle, se termine dans le voisinage de la malléole
externe. Enfin l'artère tibiale postérieure, que je comparerai
à la radiale, se rend directement sous la face plantaire du pied,
et y forme, avec une branche perforante de la pédieuse, une
arcade profonde qui donne naissance aux artères interosseuses
métatarsiennes dont les branches terminales constituent les
artères collatérales des orteils (1).
(1) L'artère poplitée, en passant
dans le creux du jarret, fournit de
chaque côté des branches articulaires
transversales qui contournent le ge-
nou, et qui ressemblent beaucoup aux
artères collatérales et récurrentes du
coude.
La tibiale antérieure, que j'ai com-
parée à l'artère interosseuse posté-
rieure de l'avant-bras, naît avant la
division du tronc tibio-péronier et se
porte immédiatement en avant, perce
la partie supérieure du ligament in-
terosseux et descend ensuite vertica-
lement sous les muscles extérieurs des
orteils et le jambier antérieur, four-
nit des rameaux à l'articulation tibio-
tarsienne, et va constituer sur la face
supérieure du tarse l'artère pédieuse
ou dorsale du pied, qui s'avance jus-
qu'au sommet du premier espace in-
terosseux du métatarse, et y plonge
pour aller s'anastomoser par inoscu-
lalion avec l'arcade planlaire {a). Mais,
avant de quitter la face dorsale du
pied, elle fournit plusieurs branches,
dont une, disposée en arcade et ap-
pelée artère dorsale du métatarse,
donne naissance à une série d'artères
interosseuses dorsales, qui s'anasto-
mosent aussi avec des branches per-
forantes de la plantaire, et qui, en
se bifurquant, vont former les arlères
collatérales des doigts (6).
Vartère péronière descend direc-
tement jusqu'au calcanéum, et son
calibre, qui varie beaucoup, est le plus
ordinairement en raison inverse de
celui de la tibiale anlérieure (c).
Vartère tibiale postérieure , plus
grosse que les précédentes, descend
le long de la partie postérieure et in-
terne de la jambe, passe derrière la
malléole externe, et pénètre sous la
voûte du pied où elle se divise en deux
branches appelées artères plantaires
interne et externe (d). La première
de celles-ci longe le côté interne de la
plante du pied et va constituer les
artères collatérales du gros orteil. La
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., I. IV, pi. 45, fig. 2, et pi. 4G, fig-. 2.
(6) Idem, ibid., pi. 48, fig-. i et 2.
(c) Idem, ibid., pi. 4G, fig. 2.
(d) Voyez Bourgery et Jacob, Op. cit., i. IV, pi. 48 et 49.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 563
Le mode de division et de distribution de l'espèce d'arbre
vasculaire dont l'artère crurale représente le tronc est à peu
près le même chez la plupart des Mammifères, et les différences
qui s'y rencontrent dépendent, en général, soit de la hauteur
variable à laquelle certaines branches prennent naissance, soit
de la simplification de la partie pédieuse du système vasculaire,
lorsque le nombre des doigts vient à diminuer. Comme exemple
de ces modifications, je citerai, d'une part, les Makis, où le
tronc crural se bifurque pour constituer les artères tibiales
antérieures et postérieures dès le haut de la cuisse ; d'autre
part, le Cheval, où l'artère péronière disparaît presque com-
plètement, et où l'artère pédieuse fournit à elle seule la plupart
des branches destinées au pied (1). Toujours il y a pour
Artères
îles jiatles
postérieures
plantaire externe se rapproche du bord
externe du pied, puis se recourbe en
dedans pour former une arcade et
s'anastomoser par inosculation avec
la branche perforante de la pédieuse,
dont il a déjà été question. Enfin,
l'arcade ainsi constituée fournit di-
verses branches perforantes qui vont
s'anastomoser avec les interosseuses
dorsales et cinq artères interosseuses
plantaires qui se bifurquent pour con-
stituer les collatérales des orteils.
Quelques anatomistes considèrent
l'artère tibiale antérieure comme
étant le représentant de l'artère ra-
diale; l'artère péronière comme cor-
respondant à l'interosseusedel'avant-
bras, et l'artère tibiale postérieure
comme l'analogue de l'artère cubi-
tale (a). Mais ces rapprochements ne
me semblent pas admissibles. En effet,
pour que la main soit dans la même
position que le pied, elle doit être en
pronalion , c'est-à-dire avec le pouce
en dedans. Alors l'artère radiale oc-
cupe le côté interne de la face palmaire
de l'avant-bras, comme l'artère tibiale
postérieure longe le côté interne de
la face plantaire de la jambe ; l'artère
cubitale se trouve du côté du petit
doigt, comme l'artère péronière est
du côté du petit orteil, et c'est sur la
face opposée du membre que se trou-
vent l'artère interosseuse postérieure
de l'avant-bras et l'artère tibiale an-
térieure de la jambe. H est vrai que
dans le pied c'est l'artère tibiale pos-
térieure qui joue le même rôle que
l'artère cubitale dans la main, et que
l'artère dorsale du pied se comporte
comme la portion terminale de l'ar-
tère radiale ; mais cette substitution
s'explique facilement par les anasto-
moses terminales de ces deux vais-
seaux.
(1) Duvernoy dit que chez le Che-
val l'artère fémorale ne fournit pas,
comme d'ordinaire , une branche
(a) Cruveilhier, Anntnmie descriptive, (. II, p. 749.
56ll APPAREIL DE LA CIRCULATION
chaque doigt, comme aux membres antérieurs, deux artères
collatérales qui longent les faces latérales de ces organes, et les
vaisseaux dont ces artères terminales naissent forment des
arcades à la face plantaire du pied.
Les divisions fasciculaires et les plexus que nous avons ren-
contrés dans le système artériel des membres thoraciques, chez
les Paresseux et quelques autres Mammifères, se retrouvent
également dans les artères des membres abdominaux. Ainsi,
chezl'Unau, l'artère crurale se résout presque entièrement en
un plexus très gros, et cette disposition se continue même dans
la portion tibiale du vaisseau ; chez l'Aï, ce mode d'organisation
se voit aussi, mais ne se prolonge guère au-dessous du genou.
Il en est de même chez le Loris grêle, et je ferai remarquer
que chez le Tarsier elle est plus développée dans les pattes
postérieures que dans les membres antérieurs (1).
musculaire profonde (a); mais cette tères collatérales du doigt, et une
anomalie n'existe pas. La crurale pro- branche perforante qui gagne la face
fonde naît de la fémorale au niveau plantaire du pied et s'y anastomose
du bord pelvien, se porte obliquement en arcade avec les branches termi-
en arrière et descend entre les muscles nales de la tibiale postérieure ou ar-
de la partie interne et postérieure de tères plantaires. Pour plus de détails
la cuisse (6). sur la disposition des artères du pied
L'artère tibiale postérieure, parve- du Cheval, je renverrai aux ouvrages
nue derrière le tarse, se divise en spéciaux sur l'anatomie de ces ahi-
deux artères palmaires qui représen- maux (c) .
tent celles de l'Homme, mais qui sont (t) Chez le Loris grêle, les iliaques
rudimentaires. naissent très haut dans l'abdomen, et
L'artère tibiale antérieure prend, se divisent tout de suite en un faisceau
comme d'ordinaire, le nom d'artère de petites artères dont une portion
pédiease dans la région tarsienne, et s'enfonce dans le bassin pour tenir
se divise en deux branches principales, lieu d'hypogaslrique, et le reste pé-
une dite pédieuse métatarsienne, qui nètre dans la cuisse, mais ne paraît
correspond à une interosseuse dorsale pas atteindre le genou. Il y a aussi
chez l'Homme, et qui fournit les ar- dans le bassin un faisceau vasculaire
(a) Duvernoy, Anatomie comparée de Cuvier, t. VI, p. 164.
(b) Voyez Ghauveau, Op. cit., p. 512, fig. 155.
(c) Leyh, Handbuch der Anatomie der Hausthiere, p. 407, fîg. 173,-ctc. (1850).
— Chaiiveau, Anatomie comparée des Animaux domestiques, p. 513 et suiv., fig. 155 et 156.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 565
Il est aussi à noter que les branches artérielles fournies aux
parois de l'abdomen par le tronc crural, vers le point où il sort
du bassin (1), et qui remontent vers le thorax pour s'anastomoser
avec les mammaires, sont quelquefois très développées, Ainsi,
chez le Hérisson, elles forment de chaque côté du ventre un
système de vaisseaux sous-cutanés très remarquables , et ,
lorsque les mamelles sont logées sous l'abdomen ou dans la
région inguinale, ainsi que cela se voit chez la Jument, ce sont
ces vaisseaux, et non les artères mammaires, qui portent le sang
aux glandes de ce nom (2).
Artères
épigastriques.
médian qui représente l'artère sacrée
moyenne (a).
Chez le Loris du Bengale, le plexus
iliaque commence après l'origine des
artères hypogastriques (6),
Chez l'Aï ou Paresseux à trois
doigts, il y a un plexus sacré et un
plexus hypogastrique très développé,
aussi bien qu'un plexus crural (c). Il
eu est de même chez l'Aï à collier
noir (Bradypus torquatus) (d).
Chez l'Unau, le nombre des petits
vaisseaux dont le faisceau crural se
compose est moins considérable, mais
le plexus ainsi constitué se prolonge
jusqu'au talon (e). Il est aussi à noter
que chez ces deux Édentés on re-
trouve, au milieu du plexus, un tronc
principal qui représente le tronc de
l'artère crurale, tandis que chez les
Loris ce vaisseau se résout tout entier
en un pinceau vasculaire.
Chez le Tarsier et chez le Fourmi-
lier à deux doigts (/"), cette dernière
disposition se rencontre aussi. Chez
le Tamandua et le Pangolin (g), la
disposition plexiforme de ces vais-
seaux est inoins marquée ; mais ils se
divisent en plusieurs branches dans
le voisinage du genou (h\
Chez l'Échidné, la plupart des bran-
ches de distribution destinées aux mus-
cles de la bancheet de la cuisse naissent
très près de l'origine des iliaques, de
façon à constituer dans le bassin des
pinceaux vasculaires très remarqua-
bles, mais elles ne paraissent pas y
former de plexus proprement dit (i).
(1) Voyez ci-dessus, page 560.
(2) Ainsi , chez la Jument , une
(a) Vrolik, Disquisit. anat. physiol. de peculiari arterianim extremiiatum in nonnullis
Animalibus dispositione, pi. 2.
(6) Carlisle, Op. cit. (Philos. Trans., 1800, pi. i).
(c) Idem, ibid., pi. 2, fig. 2.
— Vrolik, Op. cit., pi. 1, fig. 1.
{d) Hyril, Vergl. Angiol. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. VI, p. 56, pi. 8, fig. 2.
(e) Vrolik, Op. cit., pi. 1, fig. 3.
(/") Idem, ibid., pi. 1 , fig. i (Tarsier).
(g) Hyril, Op. cit. [Mém. de l'Acad. de Vienne, 1. VI, p. 21, pi. 2, fig. 1 ; et pi. k, fig. 1 el 2).
(h) Hyril, loc.cit., pi. 7, fig. 1.
(i) Hyril, Das artérielle, Gefdss-System. dtt Monotremen (Mém. de l'Acad. de Vienne , 1853,
t. V, pi. 1, fig. 8).
566
APPAREIL DE LA CIRCULATION
Système
îles vaisseaux
capillaires.
§ 16. — Les artères dont nous venons de suivre le mode de
distribution dans les diverses parties de l'économie se ramifient
de plus en plus à mesure qu'elles s'avancent vers leurs desti-
nations respectives; quelquefois elles s'anastomosent directe-
ment avec les veines (1 ), mais presque toujours elles se résolvent
en vaisseaux capillaires d'une grande ténuité, qui se réunissent
entre eux de façon à former un réseau à mailles plus ou moins
serrées. Il y a des tissus qui n'en possèdent pas, les membranes
épithéliques, par exemple (2) ; et ces vaisseaux ne pénètrent pas
dans la substance de la plupart des matériaux primaires des
organes, mais accompagnent le tissu conjonctif qui les unit, et
ils occupent par conséquent les espaces que ces éléments ana-
tomiques laissent entre eux (3). 11 en résulte que la disposition
artère prépubienne naît de l'artère
fémorale et se divise en deux branches :
l'une , dite abdominale postérieure ,
qui correspond à l'épigastrique de
l'Homme ; l'autre , qui est l'analogue
de l'artère honteuse externe, et c'est
un rameau de celte dernière qui se
rend à la mamelle (a).
Chez le Hérisson , l'artère épigas-
trique et l'artère sous -cutanée abdo-
minale (b) sont très développées et
s'unissent par inosculation avec les
artères mammaire externe et thora-
cique, de façon à former de chaque
côté deux grandes arcades vasculaires
qui relient entre elles les artères sous-
clavières et fémorales et qui donnent
des branches aux muscles sous-cuta-
nés de l'abdomen (c).
(1) Quelquefois des anastomoses de
ce genre se voient au milieu du ré-
seau capillaire qui unit les artères aux
veines ; disposition qui a été obser-
vée par M. Paget dans l'aile de la
Chauve-Souris (d), et que j'ai remar-
quée plusieurs fois dans les vaisseaux
sous-cutanés des Batraciens et des
Poissons. Il est aussi à noter que dans
le tissu érectile les artères déversent
le sang dans des espaces ou lacunes
veineuses dont naissent les veines
ordinaires (e). Enfin, on trouve aussi
dans les parois de l'utérus, pendant la
gestation, des artères qui débouchent
dans de grands sinus veineux (/).
(2) On n'aperçoit pas de vaisseaux
sanguins dans les cartilages articu-
laires, dans le tissu du cristallin, ni
dans le tissu corné. Le tissu dentaire de
l'Homme en est également dépourvu ;
mais chez les Poissons ce tissu est
souvent très vasculaire.
(3) Ainsi, les capillaires sanguins
ne pénètrent jamais dans la substance
(a) Chauveau, Anatomie des Animaux domestiques, p. 512.
(b) Voyez ci-dessus, page 560.
(c) Barkow, Disquisitiones circa originen et decursum arteriarum Mammalium, p. 28, pi. 1.
(d) Paget, Lectures on Inflammation.
(e) Voyez Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 505.
(f) Voyez Kdllikcr, Op. cit., p. 587.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 567
du réseau capillaire est généralement subordonnée à celle des
parties constitutives du tissu où il se trouve et varie avec les
caractères de ceux-ci. Ainsi, dans les organes dont la texture
est fibreuse, comme les muscles et les nerfs, les vaisseaux
capillaires sont placés parallèlement aux filaments constitutifs de
ces parties et sont réunis d'espace en espace par des branches
transversales, tandis que dans les membranes muqueuses ils
sont flexueux et forment des mailles arrondies. Ce n'est pas
dans ce moment que nous pourrions étudier utilement ces
variations; mais je dois faire remarquer qu'il existe d'ordinaire
un rapport direct entre l'abondance des capillaires sanguins
dont chaque organe ou portion d'organe est pourvue, et par
conséquent aussi entre la petitesse des mailles du réseau vascu-
laire et le degré d'activité du travail physiologique dont cette
partie de l'économie est le siège.
Dans les glandes, par exemple, où le sang doit alimenter en
quelque sorte la fabrication de certaines humeurs dont la pro-
duction est rapide et abondante, les vaisseaux capillaires sont
en très grand nombre et constituent un réseau à mailles très
serrées. Ils forment également un lacis fort riche dans les
membranes muqueuses qui sont le siège de phénomènes du
même genre, et ils sont aussi très nombreux dans les mus-
cles et dans la substance grise du cerveau. C'est à la présence
du sang dont ils abreuvent les muscles que ces organes doi-
vent leur couleur rouge, et il est facile de voir que cette teinte
est d'autant plus intense que la puissance motrice de ceux-ci
est plus grande. Chez les jeunes Animaux, le Veau, par
exemple, les chairs sont pales, parce que le système capillaire
des muscles est médiocrement développé; tandis que chez les
individus adultes, tels que le Bœuf, dont la puissance muscu-
des fibres musculaires striées, ou dans dans les cellules des glandes, niiiis les
les lubes élémentaires des nerfs, ou contournent.
568 APPAREIL DE LA CIRCULATION
laire devient très grande, les chairs sont d'un rouge intense par
suite de la quantité considérable de sang que ces petits vais-
seaux renferment. Il est aussi à noter que dans les organes
dont l'activité est périodique, le système capillaire se développe
ou s'atrophie en partie alternativement, et que toule excitation,
pathologique aussi bien que normale, tend à augmenter la
vascularité de la partie sur laquelle le stimulant exerce son
influence.
Ainsi que je l'ai déjà dit, les artères, en se résolvant en ra-
muscules d'une grande finesse, perdent peu à peu presque
toutes les parties dont leurs parois sont composées, et se trouvent
réduites à leur tunique interne, qui elle-même se simplifie.
Effectivement, dans les capillaires, celle-ci se présente sous la
forme d'une simple membrane hyaline, amorphe, lisse et d'une
grande ténuité (1). Elle est parsemée de petits renflements dus
(l) Jusque dans ces dernières an- laires a été démontrée dans divers
nées, les anatomistes ont été partagés organes dont la substance, se laisse
d'opinion au sujet de l'existence de facilement détruire par la macération,
parois propres dans les capillaires et dont le réseau vasculaire a pu être
sanguins. Les uns pensaient que les ainsi isolé: résultat qui a élé obtenu
très petits vaisseaux n'étaient que des par M. Windischmann, en opérant sur
canaux creusés dans la substance des quelques parlies de l'oreille interne
organes auxquels ils appartiennent (a), chez les Oiseaux, et par MM. Trevi-
d'autres les considéraient comme des ranus , Miiller, Valenlin et Schultz ,
tubes membraneux à parois distinctes en étudiant d'une manière analogue
des parties circonvoisines. L'indépen- la structure intime des reins et de
dance des parois des vaisseaux capil- quelques autres parties (b) ; mais ce
(a) Leeuwenhoek, Opéra omnia, t. II, epist. lxvi.
— Doellinger, Vom Kreislaufe des Blutes {Mém. de l'Acad. de Munich, \ 821 , 4" série, t. VII,
p. 165).
— Kaltenbruner, Exper. de inflammatione. Munich, 1826, p. 100.
— Oesterreicher, Kreislauf des Blutes. Nurerab., 1826.
— Meyer, De primis vitœ phenomenis (Dissert, inaug.) Berlin, 1826.
— Wedemeyer, Ueber den Kreislauf des Blutes, 1828, p. 262.
— Baumgartner, Beobacht. ûber die Nerven und das Blut. Fribourg, 1820.
(b) Windischmann, De peniliore auris in Amphibiis structura, 1831, p. 38.
— Treviranus, Nette Untersucli. iiber die organischen Elemente der thierischcn Kôrpcr (Bei-
trctge zur Aufklàrung der Erscheinungen und Geset%e des organischen Lebens, 1835, I. I,
2* partie, p. 99).
— Miiller, Manuel de physiologie, t. I, p. 167.
— Valentin, Handbuch der Entivickelungsgeschichtc des Mensclien, 1835, p. 299.
— Schullz, System der Circulation, p. 474.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 569
à la présence de granulations auxquelles les histologïsles
donnent le nom de noyaux de cellules (1) ; on n'y aperçoit
généralement aucune trace d'épithélium, et le tube membraneux
constitué de la sorte n'est pas revêtu extérieurement par des
fibres élastiques ou musculaires. Leur petitesse est extrême (2) :
sont surtout les observations micros-
copiques récentes qui ont fixé l'opi-
nion des histologistes sur la généralité
de ce mode d'organisation (a), et au-
jourd'hui il ne peut guère y avoir
d'incertitude à cet égard qu'en ce qui
concerne les capillaires du foie (b).
(1) Les corpuscules dont la mem-
brane hyaline de ces vaisseaux est
parsemée avaient été d'abord pris
pour des globules du sang (c). Us
sont en général ovalaires et leur
grand axe est dirigé longitudinale-
ment : quand la membrane qui les
porte devient extrêmement mince ,
ils paraissent être placés à sa surface
interne ; mais quand elle offre plus
d'épaisseur, ils sont bien évidem-
ment logés dans sa substance {d).
Vers les artères, ces noyaux sont plus
serrés ; on évalue leur longueur à
environ 0mu\008 (e).
Quelquefois on remarque aussi sur
les parois des vaisseaux capillaires des
stries transversales, et, dans le voisi-
nage des veines, ils ne tardent pas à
se revêtir d'une tunique externe qui
paraît être composée d'abord de tissu
conjonciif seulement , puis de ce
même tissu mêlé de fibres muscu-
laires lisses.
(2) MM. E. Weber et Henle ont me-
suré le calibre des capillaires sanguins
sur diverses préparations injectées et
sèches, faites par un anatomiste très
habile du siècle dernier, Lieberkuhn,
et ils ont trouvé que dans le tissu
nerveux ces canalicules n'avaient par-
fois que 0mm,002, mais offrent en
moyenne 0mm,003 de diamètre (f).
M. Kôlliker évalue le calibre des ca-
pillaires entre 0mn\005 et 0mm,01ii.
Les plus fins se rencontrent dans les
nerfs et les muscles. D'après ce der-
nier anatomiste , ceux de la peau et
des membranes muqueuses ont en
général de 0mm,007 à 0mn,,01; ceux
des glandes, de 0m'",009 à 0mn\014 ;
enfin , ceux des os ont jusqu'à
0mm,02 {g). M. Valentin évalue de
(a) Spallanzani, Expériences sur la circulation, p. 169.
— Miiller, Ueber den sichtbaren Kreislauf des Blutes in der Leber der jungen Salamander-
larven (Meckel's Archiv fur Physiol., 4829, p. 185).
— Sehwann, Mikroscopische Untersuchungen , 1838, p. 183.
— Henle, Traité d'anatomie générale, t. II, p. 20,
— Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 620.
(b) Guillot, Mém. sur la structure du foie (Ann. des sciences nat., 1848, 2° série, t. IX,
p. 145).
— Bowmann etTodd, Physiol. Anat. of Man, t. II, p. 330.
(c) Treviranus, loc. cit. {Mém. del'Acad. de Berlin, 1836).
\d) Henle, Op. cit., t. II, p. 20, pi. 3, fig. 7.
— Bowmann etTodd, Physiological Anatomy of Man, 1856, vol. II, p. 329, fig. 195.
(e) Kôlliker, Op. cit., p. 623, fig. 291.
(f) Henle, Traité d'anatomie générale, t. H, p. 3.
(g) Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 624.
des veines.
570 APPAREIL DE LA CIRCULATION
chez l'Homme, par exemple, le diamètre de eeux qui méritent
l'épithète de gros capillaires, n'est en général que d'environ
1/100e de millimètre, et les petits capillaires n'ont souvent que
1 /200e de millimètre (1).
structure § 17. — Les capillaires, qui, en se réunissant, augmentent de
calibre et constituent les racines du système veineux, éprouvent
dans leur structure des modifications analogues, mais inverses
de celles que les artères présentent lorsqu'elles se résolvent
en ce réseau terminal. La tunique amorphe et hyaline qui en
constitue les parois se revêt peu à peu sur ses deux surfaces
d'une couche accessoire; à l'intérieur, elle se garnit d'un
épithélium à cellules oblongues ou sphériques, et à l'extérieur
elle s'entoure d'une gaine de tissu conjonctif dans l'épaisseur
duquel se développent bientôt des fibres musculaires. Dans les
veines qui sont encore très petites, mais qui sont déjà bien
caractérisées , la tunique externe ainsi constituée présente des
fibres musculaires dont la disposition est circulaire, et les fibres
la manière suivante leur calibre , serait parfois inférieur au diamètre
dans les divers organes, en prenant des globules du sang : ainsi, en pra-
pour unité de mesure les capillaires tiquant des injections successives avec
les plus fins de la substance fier- des dissolutions de cbromate de po-
veuse : tasse et d'acétate de plomb, il a rem-
potons 0,97 P'i des vaisseaux dont le diamètre ne
Nerf médian 2,30 lui a paru être que de ^ de
Muscle biceps brachial. . . . 3,30 ligne (b). Des résultats analogues ont
Derme 3,60 été obtenus par M. Lambotte (c), ainsi
Villosités intestinales .... 4,40 qHe pai. ]y]M# ])0yère et Quatre-
intestin grêle 4,90 fages ^_ Nous reviendrons sur ce
Estomac ' point lorsque nous nous occuperons
ems ,'.'*' „'„„ ,', de la communication des capillaires
Corpuscules de Malpighi. . . 7,09 (a). . , - . , ,
sanguins avec les vaisseaux lymphn-
(1) D'après les recherches de tiques#
M. Krause, le diamètre des capillaires
(a) Valenlin, Ueber die Gestalt und Grosse der Durchmesser der feinsten Blntcjefdsse (Heckcr's
Aiïnalen der Gesammt. Heilk., 1834, p. 277).
(b) Krause, Vermischte Beobachtungen und Bemerkungen (Mûller's Archiv, 1837, p. 4).
(c) Lambotte, Mémoire sur l'organisation des membranes séreuses (Bullet. de l'Académie de
Bruxelles, 1840).
(d) Quatrefagos el Doyèrc, Sur les rapillaires sanguins (L'Institut, 1840, t. IX, p. 73).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 571
du tissu conjonclif situé au-dessous affectent en général une
direction longitudinale. Dans les branches veineuses d'un
volume plus considérable, les parois s'enveloppent d'un réseau
élastique, et dans celles d'un diamètre moyen il y a, comme
dans les artères, une série assez nombreuse de couches plus
ou moins différentes entre elles; mais ici l'élément musculaire
domine. Enfin, dans les gros troncs, les couches qui représen-
tent la tunique moyenne s'affaiblissent beaucoup et peuvent
même disparaître, tandis que des éléments de tissu contractile
se développent souvent dans la tunique externe (1). Mais ce
qu'il importe surtout de remarquer dans la structure des veines
comparée à celle des artères , c'est l'absence presque com-
plète de ce tissu élastique à fibres circulaires, qui joue un rôle
si important dans la constitution de ces derniers vaisseaux.
Aussi dit - on communément qu'elles manquent de tunique
moyenne et ne sont composées que d'une tunique séreuse ,
qui est interne, et d'une tunique dite celluleuse, qui est
externe (2). Il en résulte de grandes différences dans les
(1) Les anciens anatomistes étaient de nature musculaire et ne se compo-
sés divisés d'opinion au sujet de la serait que de fibres longitudinales (a).
structure des parois des veines. Vésale Haller nie aussi l'existence des fibres
admettait l'existence de trois sortes musculaires transverses que Borelli et
de fibres : les unes longitudinales, quelques autres observateurs avaient
d'autres transversales, et d'autres en- décrites (6). Enfin Bichat ne dis-
core dont la direction serait oblique. tingue dans les parois des veines,
Fallope et Bartholin nièrent cette indépendamment du tissu conjonctif
disposition fibreuse ; et Diemerbroeck (ou cellulaire) dont elles sont revêtues,
soutenait que ces vaisseaux ne sont que deux tuniques : une membrane
pourvus que d'une seule tunique , et une couche de fibres de nature par-
tandis que Willis, Nicolaï et Blancard liculière, différentes de celles des ar-
crurent pouvoir y reconnaître jusqu'à tères et de celles du tissu muscu-
quatre enveloppes distinctes. Senac laire (c).
les considère comme étant formées de (2) 11 y a encore aujourd'hui des
trois tuniques, dont la moyenne serait anatomistes qui nient l'existence de
(a) Senac, Traité de la structure du cœur, 1. 1, p. 254.
(6) Haller, Elementa physiologiœ corporis hum an i, t. I, p. i 24.
(c) Bichat, Analomie générale, t. I, p. 304 (édit. de 1818).
573 APPAREIL DE LA CIRCULATION
propriétés physiques et physiologiques des parois de ces deux
ordres de vaisseaux. L'artère , à raison de l'élasticité de sa
tunique moyenne , conserve sa forme tubulaire lorsqu'elle est
vide; et si l'on vient à en fendre les parois, on voit les bords de
la plaie s'écarter ou se renverser même en dehors, et ne se
cicatriser jamais d'une manière parfaite. Les veines, au con-
traire, sont flasques; dès qu'elles ne sont plus distendues parle
tout vestige d'une tunique moyenne
dans les veines de l'Homme, et qui
assurent n'avoir jamais pu y décou-
vrir les fibres longitudinales dont tant
d'auteurs avaient fait mention (a).
Etïectivement , quand on étudie la
structure de ces vaisseaux à l'œil nu
seulement, on ne parvient que diffici-
lement à y distinguer autre chose que
les deux tuniques indiquées ci-dessus ;
mais lorsqu'on fait l'analyse anatomi-
que d'un de ces tubes sous le micros-
cope, on voit que l'organisation de
leurs parois est, en réalité, beaucoup
plus complexe, et que l'opinion de
Senac ne s'éloignait que peu de la
vérité.
La tunique interne des veines,
comme celle des artères, est garnie
d'une couche de cellules épiihéliales.
La forme de celles-ci est oblongue ou
sphérique et leur noyau est bien dis-
tinct (6). La tunique moyenne est géné-
ralement mince et d'une couleur gris
rougeâtre ; elle n'est jamais jaune,
comme aux artères, et contient beau-
coup de tissu conjonctif ; on y trouve
aussi des fibres musculaires et des
couches de fibres élastiques disposées
longitudinalement. La tunique externe
ou tunique adventive est, en général,
la plus considérable, et elle ressemble
à celle des artères, si ce n'est qu'on y
rencontre souvent des fibres muscu-
laires longitudinales très distinctes.
Dans les très petites veines le tissu
conjonctif, faiblement fibrillaire, re-
vêt presque directement la couche
épithéliale interne. Dans celles d'en-
viron 0n,m ,05 de diamètre, la couche
musculaire, composée de fibres circu-
laires, commence à se montrer. Elle
se compose de cellules oblongues
pourvues d'un petit noyau, qui sont
d'abord très écartées entre elles, mais
qui forment bientôt une couche con-
tinue.
Dans les veines de moyen calibre
(c'est-à-dire de 2 à 9 millimètres de
diamètre), la tunique moyenne acquiert
un développement plus considérable
et se compose de couches fibreuses
transversales, aussi bien que de cou-
ches à fibres longitudinales. Les pre-
mières sont formées par du tissu con-
jonctif ordinaire , mêlé à quelques
fibres élastiques fines et ondulées, et à
beaucoup de fibres musculaires lisses.
Les couches longitudinales sont for-
mées par des fibres élastiques réu-
nies en forme de réseau. La tunique
externe, en général très épaisse, se
compose essentiellement de tissu con-
jonctif et de fibres élastiques dirigées
(a) Cruveilhier, Traité d'anatomie descriptive, 1843, t. III, p. 9.
(6) Voyez Salter, Veins (Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol, t. IV, p. 1309, fig. 853).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 573
sang, elles s'affaissent, et quand elles ont été ouvertes, les lèvres
de la plaie se laissent facilement rapprocher et se soudent promp-
tement entre elles. Du reste, les canaux veineux ne se perfec-
tionnent, comme je viens de l'indiquer, que là où les parois sont
susceptibles de se dilater sous la pression exercée de dedans en
dehors par le sang en circulation. Dans les points où ils se
trouvent limités par des parties très résistantes, telles que des
lames osseuses ou des cloisons aponévrotiques, ils n'acquièrent
que leur tunique interne, et souvent, au lieu d'affecter une forme
longitudinalement et réunies en ré-
seau (a); quelquefois on y voit aussi
des fibres musculaires longitudinales.
Enfin la tunique interne se compose
de trois couches : 1° une lame épi-
lliélique très mince ; 2° une lame
striée (quelquefois plusieurs) ; 3o une
membrane élastique à fibres longitu-
dinales réunies en un réseau extrê-
mement serré.
Les gros troncs veineux se font re-
marquer par le faible développement
de la tunique moyenne, et plus parti-
culièrement des fibres musculaires de
celle gaîne intermédiaire qui parfois
manque complètement. La tunique
externe devient, au contraire, plus
épaisse et renferme souvent beaucoup
de fibres musculaires lisses dont la
direction est longitudinale, mêlées à
quelques fibres élastiques (6). Dans le
voisinage du cœur on trouve aussi à
la face externe des veines une couche
de fibres musculaires striées , qui
n'avaient pas échappé à l'attention de
quelques anciens anatomistes , tels
que Borelli et Bidloo (c), mais qui
n'ont été bien observées et netlement
caractérisées que dans ces dernières
années (d).
Les vaisseaux nourriciers des parois
des veines sont visibles dans les ra-
muscules dont le diamètre n'est que
d'environ 1 millimètre. Les artérioles
qui s'y ramifient proviennent de bran-
ches qui se distribuent aussi aux par-
ties voisines , et les veinules de ce
système de vasa vasorum débouchent,
en général, directement dans l'inté-
rieur du vaisseau auquel elles appar-
tiennent.
Des filets nerveux s'y distribuent
aussi, mais en très petit nombre, et
dans la plupart des veines on n'en
aperçoit aucune trace.
Pour plus de détails sur la structure
intime des tuniques des veines, je
renverrai aux travaux de MM. Henle,
Salter et Kôlliker (e).
(a) Kôlliker, Op. cit., p. 618, fig. 288.
(b) Râuschcl, De arteriar. et venar. struct. (Dissert, inaug.). Vratisl., 1836.
(c) Borelli, De molu Animalium, pars n, cap. 4, prop. 37, p. 52.
— Bidloo, Anatomia corporis humani, pi. 23, fig. 1-3.
(tl) Bernard, Disposit. des fibres musc, dans la veinecave du Cheval (Gaz. méd., 1849, p. 33l).
— Salter, Op. cit. (ïodd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. IV, p. 1376, fig. 861).
— Kôlliker, Op. cit., p. 620, fig. 290.
(e) Voyez Kôlliker, Beitràge xur Kenntniss der glatten Muskeln (Zeitschrift fur VJissenschaftl.
Zool., 1849, t. I,p. 83).
574 APPAREIL DE LA CIRCULATION
tabulaire, ils occupent (oui l'espace que ces parties laissent entre
elles, de façon à constituer des réservoirs ou sinus qui ressem-
blent beaucoup aux cavités lacunaires, qui, chez la plupart des
Animaux invertébrés, jouent un rôle si considérable dans la con-
stitution de l'appareil circulatoire. Ainsi, dans la substance des
os spongieux, le sang veineux occupe presque toutes les cellules
dont le tissu de ces organes est formé, et les cavités vasculaires
ainsi constituées ne sont tapissées que par une lame membra-
neuse extrêmement mince en continuité avec la tunique interne
des veines adjacentes. Quelques-uns de ces canaux du diploé
se terminent en cul-de-sac, et leur trajet, ainsi que leur forme,
paraît être déterminé seulement par la position des lamelles
osseuses circonvoisines (1).
Les grosses veines de l'Homme et des autres Mammifères se
font remarquer aussi par les nombreuses valvules dont elles
sont garnies (2). Les très petites branches en sont dépourvues,
(1) Les anciens anatomistes n'a- avait été constatée vers le milieu du
vaient que des notions très vagues sur xvr siècle, d'abord parCh. Etienne (d),
la disposition des veines des os. En puis par Sylvius , Canani , Piccolo-
1813, Fleury et Dupuytren (a) en fi- mini, et quelques autres anatomistes
ren t une étude sérieuse, et plus tard de la même époque; mais les faits
Ghaussier s'en occupa aussi (6) ; mais annoncés par ces auteurs furent ré-
c'est à mon ancien ami et collabora- voqués en doute par Fallope, Eusta-
teur Gilbert Breschet que l'on doit les cbi , clc, et Fabricius d'Acquapen-
travaux les plus importants sur ce dente fut le premier à en faire une
sujet intéressant (c). étude attentive et à en donner une
(2) Ainsi que je l'ai déjà dit, la description générale. Ses recherebes
présence de valvules, dans quelques- datent de 1576 (e).
unes des veines du corps humain, Pour plus de détails sur l'historique
(a) Dupuytren, Propositions sur quelques points d'anatomie, de physiologie et d'anatomie patho-
logique (Thèse, Paris, an XII).
— Fleury, Lettre sur la découv. des canaux veineux des os (Gaz. méd., 1836, p. 429).
(b) Chaussier, De l'encéphale, p. xix et suiv., pi. *.
(c) Breschet, Untcrsuch. ûber einige neuentdeckte Thcisle des Venensystems (Nova Acta Acad.
Nat. curios., 1826, t. XIII, p. 359, pi. 17 à 19), et Recherches anat., physiol. et pathol. sur le
système veineux. In-fol.
— Raciborski, Hist. des découvertes relatives au système veineux (Mém. de l'Acad. de méd.,
t. IX, 1841).
(d) Voyez Haller, Elemenla physiologiœ, 1. 1, p. 137.
— Portai, Histoire de l'analomie, t. I, p. 339.
(é) Fabricius ab Ac^uapendcntc, De venarum osliolis (Opéra omnia, p. 150).
CHÎ'Z LES MAMMIFÈRES. 575
mais celles d'un calibre un peu fort en présentent presque
toujours à leur embouchure, et dans les gros troncs on en
trouve ordinairement de distance en disiance. En général, ces
espèces de soupapes sont disposées par paires, et elles ressem-
blent, par leur mode de conformation, aux valvules sigmoïdes
que nous avons rencontrées à l'entrée des grosses artères qui
naissent du cœur. Leur surface concave, et par conséquent aussi
leur bord libre, sont toujours dirigés vers ce dernier organe;
elles se rabattent facilement contre les parois du vaisseau, mais
lorsqu'elles sont distendues, elles se rencontrent et ferment
plus ou moins complètement le canal : aussi est-il facile d'injec-
ter le système veineux de la périphérie vers le centre de l'appa-
reil ; néanmoins, quand on cherche à pousser le liquide en sens
inverse, on se trouve bientôt arrêté, car ces valvules, comme
des portes d'écluse, se rapprochent alors et interceptent le pas-
sage. Elles semblent être formées par un repli ou un prolon-
gement de la membrane interne de la veine (1.) ; mais, malgré
des découvertes relatives aux valvules quée que par les noyaux épars sur la
des veines, je renverrai à la thèse de surface de ces appendices ou adhérents
M. Houzé (a), à leurs bords. La couche fibreuse,
(1) M. Henle considère les valvules située au-dessous, se compose princi-
conime étant formées non par une paiement de filaments ondulés dont
duplicature de la tunique interne des la direction générale est parallèle au
veines, mais par un prolongement de bord libre de la valvule, et dont les
la tunique épithéliale renforcée inlé- extrémités paraissent être en conti-
rieurement par du tissu conjonctif et nufté avec la couche de fibres trans-
des faisceaux de fibres analogues à versales de la paroi veineuse (c).
celles de la tunique striée (6) ; cepen- M. Kôlliker n'y a pas trouvé de fibres
danlil est souvent facile d'y reconnaître musculaires (d), mais quelques obser-
deux feuillets adossés l'un à l'autre. valeurs en ont aperçu (e); et lors-
La couche épithéliale est très mince qu'on traite un de ces appendices
et, en général, sa présence n'est indi- lamelleux par de l'acide acétique,
(a) Houzé de l'Aulnoit, Recherches anatomiques et physiologiques sur les valvules des veines.
Paris, 1854, n° 44.
(6) Houle, Traité d'anatomie générale, t. II, p. 38.
(c) Saller, Veins (Todd's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. IV, p. 1380, flg. 865, A).
(d) Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 022.
(e) Wahlgren, Yensystemets allmdnn. Anatoinic. Lund, 1851.
m. 37
576 APPAREIL DE LA CIRCULATION
leur grande minceur, on trouve aussi dans leur substance des
fibres élastiques, et elles sont très résistantes. A la tête et au
cou, elles manquent ou n'existent qu'en très petit nombre. Le
système de la veine porte en est dépourvu, ainsi que les
veines des reins, de l'utérus, du poumon et de quelques autres
parties du tronc. Mais , dans les membres, on en rencontre
beaucoup ; et comme d'ordinaire les parois du vaisseau se
dilatent un peu en aval de chacun de ces petits appareils, les
veines des extrémités ont en général une forme noueuse et
paraissent comme étranglées de distance en distance (1).
§ 18. — Chez l'Homme et les autres Mammifères, de même
que chez les Vertébrés inférieurs, les veines sont plus grosses
et plus nombreuses que les artères. Les anciens physiologistes
ont cherché à évaluer la différence de capacité qui existe entre
ces deux systèmes de vaisseaux ; mais les bases nous manquent
pour de pareils calculs, et par conséquent je ne m'y arrêterai
pas* ici (2).
Il est aussi à noter que les veines communiquent entre elles
on y distingue deux ordres de noyaux où il existait des rangées de trois
dont les uns , disposés parallèlement de ces replis semi-lunaires (c), et chez
au bord libre , dépendent des fibres les grands Mammifères cette disposi-
onduleuses, et dont les autres, dirigés tion n'est pas rare,
en sens opposé, paraissent provenir Je reviendrai sur l'histoire de ces
de fibres musculaires (a). valvules, en traitant du mécanisme
(1) Chez l'Homme on trouve quel- de la circulation ; et, pour plus de
quefois des valvules dans des veines détails sur leur structure, je renverrai
qui n'ont guère plus de 1 millimètre à un très bon article sur les veines,
en diamètre (b). Dans les petites publié récemment par M. Salter (c/).
veines elles sont en général simples, (2) En prenant la capacité des ar-
mais dans les grosses elles sont près- tères comme unité, la capacité des
que toujours opposées par paires. veines a été évaluée à 2 environ par
Quelques anatomistes citent des cas Haller, et à h par Borelli (e).
(a) Salter, Op. cit., fig. 865, B.
(b) Henle, Traité d'anatomie générale, t. II, p. 88.
(c) Haller, Elemenla physiologiœ, t. I, p. 141.
(d) Dans le Cyclopœdia of Anat. and Physiol., t. IV, p. 1377.
(e) Voyez Haller, Elementa physiologue, 1. 1, p. 131 .
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 577
beaucoup plus fréquemment que ne le font les artères. Les
branches d'un volume considérable constituent souvent un
réseau à larges mailles, et les plexus veineux sont très communs.
Il existe même des anastomoses plus ou moins directes entre
tous les gros troncs, et si un de ces vaisseaux vient à être
oblitéré dans un point, le retour du sang vers le cœur ne s'en
effectue pas moins à l'aide des voies latérales qui lui sont ainsi
ouvertes.
§ 19. — Pour donner en peu de mots une idée nette de la Mode je
disposition de l'ensemble du système veineux de l'Homme et ^système"'
des autres Mammifères, il est bon de remonter jusqu'aux pre-
mières périodes de la vie embryonnaire, et de voir comment
cet appareil vasculaire se constitue peu à peu. Ce sujet a été
étudié avec beaucoup de soin par plusieurs physiologistes,
plus particulièrement par le professeur Rathke, et nous aurons
à y revenir dans une autre partie de ce cours ; mais en ce
moment je n'entrerai dans aucun détail , et je me bornerai à
indiquer brièvement les faits dont la connaissance est néces-
saire pour nous foire saisir les liens qui existent entre le mode
d'organisation du système veineux de l'Homme et celui des
autres Vertébrés (1 ) .
Chez l'embryon de tous ces Animaux, le retour du sang vers
Je cœur s'effectue d'abord par deux paires de vaisseaux, dont
les uns viennent de la tête, et peuvent être désignés sous le
nom de veines céphaliques (2) , et les autres, appartenant à la
il) Pour plus de détails à ce sujet, je très embryologistes désignent ces vais-
renverrai aux travaux de \i M. RaLhke, seaux sous le nom de veines jugu- ,
Stotk et Marshall (a). laires ; mais ils correspondent aux
(2) M. Rathke et la plupart des au- veines caves supérieures et aux troncs
(a) Rathke , Uebev tien Bau und die Entwickelung des Venerisystems der Wirbelthiere
(Dritter Bericht iiber das naturwissenschaflliche Seminar bei der Universitât zu Konigsberg,
1838).
— Stark, Comment, anat. phys. de venœ azygos natura, vi atque munere. Lipsiœ, 1835.
— J. Marshall, On the Development of the Great Anterior Veins in Man and Mammalia (Philos-,
Trans., 1850, p. 133);
578 APPAREIL DE LA CIKCULAT10N
portion rachidienne du corps, suivent une marche inverse et
ont été appelés veines cardinales.
La veine céphalique et la veine cardinale du même côté se
réunissent dans le voisinage du cœur pour constituer un tronc
commun analogue au canal de Cuvier, dont il a déjà été ques-
tion chez les Poissons, et les deux troncs ainsi constitués vont
s'ouvrir dans l'oreillette droite. Plus tard des vaisseaux dépen-
dants des veines cardinales se montrent dans la région cervi-
cale, et un système de veines viscérales, qui forment en quelque
sorte pendant aux veines céphaliques, se développe dans la
région abdominale et se termine dans l'oreillette droite du
cœur. Enfin deux paires de systèmes veineux, que l'on pourrait
appeler appendiculaires , car elles appartiennent aux membres,
se constituent, et viennent déboucher, l'une dans les veines
céphaliques, l'autre dans les veines viscérales. ïl en résulte que,
dans le voisinage immédiat du cœur, les veines du système
céphalique, du système rachidien et du système appendiculairc
antérieur, se confondent en une seule paire de vaisseaux appelés
les veines caves antérieures; et que, d'autre part, les veines
viscérales et les veines appendiculaires postérieures se termi-
nent en s'unissant pour constituer un tronc impair unique,
appelé veine cave postérieure.
Mais les transformations du système veineux ne se bornent
pas là. Par suite d'une sortede contre-balancement organique, les
veines cardinales et leurs affluents se rétrécissent, et perdent de
leur importance à mesure que la veine cave inférieure et ses
annexes se développent. Des anastomoses s'établissent entre
les divers systèmes, et vers la base de la région cervicale un
canal transversal fait communiquer entre elles les deux veines
céphaliques.
brachio-cépbaliques aussi bien qu'aux conséquent il m'a semblé préférable
jugulaires de l'animal parfait, et par de les en distinguer nominalement.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 579
Chez quelques Mammifères, ce modo d'organisation persiste
et se perfectionne; par conséquent, sauf l'anastomose entre
deux veines céphaliques, la disposition de ce système vasculaire
est à peu près la même que chez les Oiseaux. En effet, la portion
antérieure des veines céphaliques constitue les jugulaires ; la
portion , suivante qui se trouve en aval du confluent de ces
vaisseaux avec le tronc principal du système appendiculaire
antérieur, c'est-à-dire la veine sous-elavière, prend le nom de
tronc brachio+céphalique , et ce même tronc, en approchant
davantage du cœur, constitue de chaque côté une veine cave
antérieure. Mais, chez la plupart des Animaux de cette classe,
ainsi que chez l'Homme, des changements ultérieurs se mani-
festent dans ce système de gros vaisseaux et font disparaître la
symétrie qui s'y remarquait primitivement. La branche anasto-
motique transversale qui unit la grosse veine céphalique gauche
à celle du côté droit, s'élargit de façon à permettre à la totalité
du sang venant de la tête et du membre thoracique par le pre-
mier de ces vaisseaux, de passer dans le second, et en même
temps la veine cave antérieure du côté gauche, c'est-à-dire la
portion de la veine céphalique comprise entre l'anastomose en
question et le cœur, se rétrécit et disparaît plus ou moins com-
plètement.
Le tronc brachio-céphalique gauche se continue alors avec
la branche anastomotique transversale qui se confond avec lui,
et la veine cave du côté droit devient le canal d'écoulement
commun des deux moitiés des systèmes veineux de la tête et
des membres supérieurs.
La veine cardinale du côté droit, qui y débouche, ne se déve-
loppe que peu et constitue la grande veine azygos.
Enfin la portion terminale de la veine céphalique gauche, qui
formait d'abord une seconde veine cave antérieure et qui s'est
flétrie, disparaît plus ou moins complètement ; mais on en
trouve encore des traces dans le voisinage immédiat de son
580 APPAREIL DE LA. CIRCULATION
embouchure dans l'oreillette, où elle constitue le canal appelé
sinus coronaire du cœur (1),
D'autres fois cette portion cardiaque de la veine céphalique
primordiale est moins atrophiée, et la veine cardinale de ce
côté se retrouve sous la forme d'une veine azygos gauche, où
viennent aboutir les veines intercostales correspondantes, ainsi
que certaines veines du cœur.
Quant aux changements qui s'opèrent dans la veine cave
inférieure et ses affluents, c'est-à-dire dans les veines viscérales
et les veines des membres postérieurs, nous pouvons les négli-
ger pour le moment, car les données que nous possédons déjà
suffiront pour nous fournir la clef des variations qui se ren-
contrent dans le système veineux général des divers Mammi-
fères, et nous permettre d'y reconnaître toujours le même plan
fondamental. Mais pour acquérir une connaissance suffisante
des voies ouvertes ainsi au sang qui revient des diverses parties
de forganisme vers le cœur, il est nécessaire d'examiner de
plus près la disposition de chacune des portions de ce vaste
ensemble de canaux centripètes.
veines § 20. — Chez l'Homme, les veines qui naissent des capil-
chez l'Homme. ,._/.•-. , i • -,
mires tournis par les ramuscules terminaux des artères caro-
tides, et qui appartiennent à la tête, constituent par leurs
rameaux deux paires de troncs principaux. Ces grosses veines
veines céphaliques, que l'on désigne sous le nom de jugulaires, cor-
respondent, jusqu'à un certain point, les unes aux carotides
externes, les autres aux carotides internes, mais elles ne se
confondent pas entre elles de chaque côté du cou, comme le
font ces artères, et elles descendent isolément jusque dans le
thorax (2).
(1) Voyez, à ce sujet, les observations nage de l'oreille vers le tiers interne
de M. Marshall (loc. cit.). de la clavicule , à peu de distance de
(2) La veine jugulaire externe des- la peau , dont elle n'est séparée que
cend presque verticalement du voisi- par le muscle pêaucier el on dehors
CHEZ LES MAMMIFERES.
581
Les branches dépendantes du cuir chevelu s'anastomosent veine juguiair
fréquemment entre elles et forment sous la peau du crâne un et sesSims
réseau à larges mailles dont naissent de chaque côté trois veines
principales situées, l'une à la partie antérieure du front, une
autre sur la tempe, et la troisième derrière l'oreille. La veine
temporale accompagne l'artère du même nom et descend verti-
calement derrière l'articulation de la mâchoire pour gagner les
côtés du cou, et y former la veine jugulaire externe, après avoir
reçu la veine occipitale en arrière et la veine satellite de Y artère
maxillaire interne en avant (1). D'ordinaire la veine faciale, qui
descend du front sur les ailes du nez et traverse obliquement la
joue, y débouche également derrière l'angle delà mâchoire (2).
La veine jugulaire externe, ainsi constituée, reçoit souvent
d'autres branches venant de la région linguale et pharyngienne,
et par conséquent la presque totalité du sang provenant de la
face et des parties superficielles du crâne y arrive, mais une
portion plus ou moins considérable de ce liquide peut s'écouler
immédiatement dans la jugulaire profonde, car il existe toujours
dans l'épaisseur de la glande parotide une branche anastomo-
du muscle sterno - mastoïdien, qui rière la branche montante de la mâ-
croise obliquement sa direction. En choire inférieure pour aller débou-
général, elle est dilatée en forme d'am- cher dans la veine temporale, à la
poule à sa partie inférieure, au-dessus hauteur du lobule de l'oreille. Sou-
de la valvule qui garnit son embou- vent une grosse branche anastomo-
chure dans la veine sous-clavière (a). tique qui en part, et qui va s'ouvrir
(l)La veine temporale superficielle plus bas dans la veine jugulaire in-
dont il est ici question reçoit au- terne, semble en être la continuation
devant de l'oreille une veine tempo- principale (c).
raie moyenne qui y arrive de la par- (2) Très souvent la veine faciale
tie latérale du front, en descendant va déboucher dans la veine jugulaire
obliquement derrière l'arcade sourci- interne, au lieu de s'ouvrir dans la
lière [b). Laveine maxillaire interne jugulaire externe {d).
est située profondément et passe der-
(a) Voyez Bourgery, Anatomie descriptive, t. IV, pi. 65, 67, elc.
(6) Idem, ibid., t. IV, pi. 65.
(c) Idem, ibid., t. IV, pi. 66, fig-. 1 et 2.
\d) Idem, ibid., pi. 67.
582 APPAREIL DR LA CFRCULATION
tique, dite branche communicante, qui réunit ces deux grands
vaisseaux entre eux, et qui offre en général un développement
très considérable.
Les diverses veines superficielles dont je viens de signaler
l'existence ne présentent dans leur disposition rien de remar-
quable, si ce n'est que la veine maxillaire interne forme derrière
la branche ascendante de la mâchoire inférieure un plexus très
considérable.
Dépendances Les veines profondes qui rapportent le sang de l'encéphale
veine Claire offrent , au contraire, des particularités très importantes à
noter. En effet, les principaux troncs de ce système sont rem-
placés, dans l'intérieur du crâne, par de grandes cavités à
parois fibreuses, qui semblent être des lacunes ménagées entre
les lames de la dure-mère, et qui sont tapissées seulement par
une expansion membraneuse en continuité avec la tunique
interne des tubes veineux d'alentour. Ces réservoirs sont ap-
sinus pelés* les sinus de la dure-mère; ils correspondent généralement
de .
a di.re-m.re. aux espaces compris entre les grandes masses nerveuses de
l'encéphale: ils communiquent tous entre eux de façon à former
un grand système de canaux , et par l'intermédiaire de deux
d'entre eux, situés de chaque côté de la base du crâne, ils
débouchent au dehors dans les veines jugulaires internes. On
en compte quatorze, dont cinq sont pairs et quatre occupent la
ligne médiane.
L'un de ces derniers, appelé sinus longitudinal supérieur ou
sinus triangulaire, occupe l'intérieur du bord supérieur de la
face du cerveau, grand repli vertical de la dure-mère qui descend
de la voûte du crâne entre les deux hémisphères cérébraux (1).
(1) Ce sinus est situé par consé- l'ethmoïde en avant jusqu'au niveau
quent immédiatement au-dessous de de la protubérance occipitale en ar-
ia voûte du crâne , et il s'étend , en rière (a). Il reçoit non - seulement
décrivant un demi - cercle , depuis beaucoup de veines de la dure-mère
(a) Voyez Rourgery, Op. rit., I. IV, pi. 72, fig. 3 ; pi. 73, fig\ i .
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 583
Sa cavité est traversée par beaucoup de brides fibreuses, cl il
reçoit les veines cérébrales supérieures et internes, ainsi que
diverses branches venant de la dure-mère et des os du crâne. En
arrière, ce sinus longitudinal se réunit à un autre réservoir de
même nature, qui, situé également sur le plan médian, occupe
la ligne de jonction de la faux du cerveau avec un second repli
de la dure-mère disposé horizontalement en travers, et appelé
tente du cervelet.
Cette dernière cavité veineuse est nommée le sinus droit (1).
Diverses veines venant des ventricules du cerveau et d'autres
parties profondes de l'encéphale s'y déversent. De même que
le précédent, il débouche postérieurement dans les sinus laté-
raux, sur un point où vient se terminer aussi une paire de
sinus appelés occipitaux inférieurs, à raison de leur position (2).
Le confluent de ces quatre sinus et des deux sinus latéraux
et des os crâniens , mais aussi plu-
sieurs branches anastomotiques pro-
venant des veines superficielles du
cuir chevelu. Deux de ces vaisseaux
de communication, appelés veines de
Santorini , traversent le trou parié-
tal. 11 est aussi à noter que la surface
interne du sinus longitudinal supé-
rieur est garnie de petiles granulations
appelées glandes de Pacchioni ; mais
ces corpuscules naissent dans l'ara-
chnoïde et pénètrent ensuite entre les
lames de la dure-mère. Leur déve-
loppement commence en général vers
l'âge de deux ans, et, dans la vieillesse,
ils arrivent jusque dans la substance
des os crâniens. On trouve dans ces
granulations de la silice aussi bien
que du phosphaté de chaux (aj.
. (1) Ondistingue, en général, sous le
nom de sinus longitudinal inférieur,
la portion antérieure de ce réservoir
veineux qui occupe le bord libre de
la faux cérébrale, et l'on réserve le
nom de sinus droit pour la portion
qui longe la ligne de jonction de ce
repli falciforme avec la tente du cer-
velet (b). Parmi les veines qui viennent
y déboucher, je signalerai celles dites
ventriculaires , ou veines de Galien,
qui naissent du plexus choroïde.
(2) Les sinus occipitaux inférieurs
ou postérieurs naissent sur les bords
du trou occipital dans l'épaisseur de
la dure-mère, et remontent, en con-
vergeant , dans l'épaisseur de la faux
du cervelet pour aller déboucher dans
le confluent occipital.
(a) Faivre, Observations sur les granulations méningiennes, ou glandes de Pacchioni (Ann.
des sciences nat . , 1853, 3e série, t. XX, p. 321).
tb) Voyez Bourgery! Op. cit., I. IV, pi. 73, fig. 1.
584 APPAREIL DE LA CIRCULATION
a reçu le nom de pressoir cl H érophile , parce que cet anato-
miste (1), qui en a donné une description, il y a plus de deux
mille ans, supposait que les colonnes de sang contenues dans
les réservoirs d'alentour devaient y exercer une pression les
unes sur les autres.
Les Sinus latéraux qui naissent du confluent dont il vient
d'être question occupent les gouttières latérales de la base du
crâne, et sont logés en grande partie dans le bord postérieur de
la tente du cervelet. Ils se dirigent par conséquent d'abord
horizontalement en dehors et en avant ; puis, arrivés à la base
du rocher, ils descendent obliquement vers l'orifice crânien
appelé trou déchiré postérieur, où ils se continuent de chaque
côté avec les veines jugulaires internes et reçoivent le sang-
venant des sinus pétreux inférieurs.
Les sinus pétreux supérieurs, qui longent le bord supérieur
du rocher et occupent la moitié antérieure de la tente du cer-
velet; reçoivent quelques veines des parties latérales du cerveau,
et, par leur extrémité postérieure, s'ouvrent aussi de chaque
côté de la base du crâne dans le sinus latéral ; mais en avant
ils communiquent avec le point de jonction d'une autre série
de réservoirs appartenant à la partie antérieure de l'encéphale,
confluent où s'ouvrent également les sinus pétreux supérieurs
dont il a déjà été question. Ce système antérieur se compose
principalement des sinus caverneux, qui occupent les côtés de
la selle turcique, et qui sont traversés , comme nous l'avons
déjà vu, par l'artère carotide interne, ainsi que par divers troncs
nerveux. Les veines ophthalmiques , qui s'anastomosent avec les
veines faciales, y débouchent et établissent une communication
facile entre les vaisseaux profonds et superficiels de la partie
antérieure de la tête. Les deux sinus caverneux sont unis entre
eux par un canal transversal appelé sinus coronaire ou sinus
circulaire de Hidley.
(1) Voyez page 8.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 585
Enfin les sinus pétreuœ inférieurs, qui vont des sinus caver-
neux aux sinus latéraux, dans le point où ceux-ci débouchent
au dehors dans la veine jugulaire, sont également reliés entre
eux par un sinus impair et transversal, appelé sinus basilaire
ou sinus occipital transverse. Ces sinus pétreux sont par con-
séquent les canaux d'écoulement du système veineux de la
portion antérieure et inférieure de l'encéphale, comme les sinus
latéraux le sont pour toutes les portions postérieures et supé-
rieures du même système (1).
Je rappellerai que ni les veines du cerveau, ni les réservoirs
dont je viens d'indiquer la position, ne présentent de valvules
dans leur intérieur, et,, ainsi que nous le verrons bientôt, les
sinus avoisinant le grand trou occipital communiquent sur plu-
sieurs points avec les veines plexiformes du canal rachi-
dien (2).
La veine jugulaire interne, qui, de chaque côté de la tête, fait veine jugulaire
interne.
suite à ces sinus encéphaliques, sort du crâne par le trou dé-
chiré postérieur, où elle forme une sorte d'ampoule appelée
golfe. Elle descend verticalement sur le côté du cou, en passant .
sous le muscle sterno -mastoïdien et en longeant l'artère caro-
tide. Très souvent la veine faciale y débouche, au lieu de s'ou-
(1) En résumé , nous voyons donc chiré antérieur, à la jonction des sinus
que les sinus encéphaliques sont par- caverneux, pétreux supérieur et pé-
tout continus les uns avec les autres treux inférieur (a) ; 3" le confluent
et forment par leur réunion plusieurs terminal, qui, de chaque côté aussi,
confluents dont les principaux sont : correspond au trou déchiré posté-
1° le confluent postérieur ou occipital, rieur, et présente en avant l'embou-
situé au point de rencontre du sinus chure du sinus pétreux inférieur et
longitudinal supérieur, du sinus droit, en arrière celle du sinus latéral,
des sinus occipitaux et des sinus la té- (2) Ces anastomoses des plexus in-
raux ; 2° le confluent antérieur ou tra-rachidiens ont lieu avec les sinus
pétro-sphénoïdal , qui se trouve de occipitaux et transverses, ainsi qu'avec
chaque côté au-dessus du trou dé- le golfe de la jugulaire interne (b).
(a) Bourgery, loc. cit., pi. 72, %. i.
(b) Voyez Breschet , Recherches anatomiques , physiologiques et pathologiques sur le système
veineux, pi. i.
Veines
jugulaires
586 APPAREIL DE LA CIRCULAT! ON
vrirdans la jugulaire externe, et, dans la région pharyngienne,
d'autres veines de la langue, du larynx, de l'arrière-boucbe,
s'y rendent aussi, à moins qu'elles ne rejoignent la jugulaire
externe; car, à cet égard, les variations sont très fréquentes, et
ces deux grands troncs cervicaux qui s'anastomosent aussi vers
le haut du cou à l'aide de branches de communication plus ou
moins fortes, semblent pouvoir se suppléer mutuellement sans
inconvénient (1).
Sur le devant du cou on trouve deux autres veines qui ont
antérieures, reçu le nom de jugulaires antérieures. Elles viennent du menton
et descendent sous la peau jusque dans le voisinage du sternum,
où elles se portent obliquement en dehors pour passer devant
les jugulaires externe et interne, et aller déboucher, comme le
font ces deux vaisseaux , dans le tronc sous-clavier corres-
pondant (2).
Enfin la veine vertébrale, qui accompagne l'artère du même
nom" naît dans la région occipitale, et après avoir reçu des
séries de petits rameaux venant, les uns des muscles postérieurs
du cou, les autres de l'intérieur du canal racbidien, se termine
inférieurement dans le tronc sous-clavier, derrière la jugu-
laire externe ou même dans ce dernier vaisseau. Mais ces veines
vertébrales, tout en venant déboucher ainsi dans le système des
veines céphaliques, n'y appartiennent pas et dépendent du
Veines
vertébrales.
(1) La veine jugulaire interne de
l'Homme est beaucoup plus grosse
que la jugulaire externe , et son ex-
trémité inférieure est souvent très
dilatée en forme d'ampoule (a). Chez
les asthmatiques et les autres per-
sonnes dont la respiration est gênée ,
cet élargissement devient très consi-
dérable.
(2) Les veines jugulaires antérieures
sont unies entre elles par plusieurs
branches anastomoliques transver-
sales, dont une, située vers le bas du
cou, est remarquablement dévelop-
pée (b). Ces veines s'anastomosent
aussi avec les jugulaires externes par
plusieurs branches transversales.
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 67 et 68.
(6) Idem, ihiil., pi. 07.
CHEZ LIlS mammifères. 587
système des veines cardinales ou raehidiennes, sur la descrip-
tion desquelles je reviendrai bientôt.
La disposition des veines de la tête est à peu près la même
chez les autres Mammifères ; mais, chez un grand nombre de
ces Animaux, les communications entre les canaux veineux de
l'encéphale et les jugulaires externes sont plus directes, et la
plus grande partie du sang qui revient du cerveau passe dans
ces derniers vaisseaux par un canal ou une fente pratiquée à la
base du crâne dans l'os temporal ou entre cet os et le rocher.
Cette particularité a été remarquée d'abord chez divers Ani-
maux hibernants (1); mais elle se rencontre aussi chez des
Quadrupèdes qui ne s'engourdissent pas en hiver : le Cheval,
par exemple; et elle paraît être liée seulement à la position de
la tête chez ces Mammifères, dont le corps est horizontal.
Chez ces Quadrupèdes, les veines jugulaires internes sont en
même temps très petites, et les veines vertébrales, au contraire,
prennent un développement considérable (2).
(1) Otto a découvert celte disposi- jugulaire interne, qui accompagne
tion chez la Chauve-Souris, le Heris- l'artère carotide, est en général très
son, la Musaraigne, l'Ours, le Blaireau, grêle, et ne provient que de la région
le Castor, le Loir, les Rats, la Mar- occipitale ; quelquefois elle manque
motte, l'Écureuil, le Lapin et le Ça- complètement (6). Les jugulaires in-
biai. ternes sont également peu distinctes et
Cliez la Taupe, le système des sinus sans communication avec les vais-
encéphaliques communique au dehors seaux intracràniens chez le Rat (c).
par une troisième voie constituée à Elles sont mieux développées chez
l'aide d'une cavité veineuse située le Chien, le Chat, la Martre, l'Ours,
transversalement au-devant de la le Blaireau, le Hérisson, etc. Enfin,
lame criblée de l'ethmoïde et débou- chez les Singes, de même que chez
chant dans la veine maxillaire interne l'Homme, elles sont, en général, plus
à la partie supérieure de l'orbite (a). grosses que les jugulaires externes.
(2) Ainsi, chez le Cheval, la veine Pour les détails relatifs à la dispo-
(«) Otto, De Animalium quorumdam per hiemem dormientium vasiscephalicis et aure interna
[Nova Acta Acad. Nat. curios., 1856, t. XIII, p. 23, et Ann. des sciences nat., 1827, t. XI,
P. 70).
(b) Cliauveau, Traité d'anatomie comparée des Animaux domestiques, p. 568 et suiv.
(c) Ratlike, Dritter Berïcht (voyez Stannius et Siebold, Nouveau. Manuel d'anatomie comparée,
t. II, p. 484).
588 APPAREIL DE LA CIRCULATION
veines Les veines des membres Ihoraciques, auxquelles les précè-
des membres . ,.,,.. . „
thoraciques. dentés viennent se reumr dans le voisinage du cœur, forment
aussi deux systèmes bien distincts, quoique associés entre eux :
les unes sont superficielles et se trouvent sous la peau; les autres
sont profondes et suivent le même trajet que les artères dont
elles reçoivent les noms. Ces dernières veines sont en général
doubles et côtoient de chaque côté l'artère qu'elles accompa-
gnent. Près de l'épaule, cependant, les deux veines satellites de
l'artère brachiale se réunissent en un seul tronc qui, en s'avan-
çant vers le thorax, prend successivement les noms de veine
axillaire et de veine sous-clavière (1).
Les principales veines sous-cutanées occupent d'abord la
face dorsale de la main; mais, en remontant sur l'avant-bras,
elles constituent un réseau à larges mailles dont les troncs les
plus considérables se dirigent vers le pli du coude (2); leur
sition "des veines de la tète et du cou externe du muscle biceps, ainsi que
chez le Cheval, je renverrai aux ou- le bord antérieur du deltoïde , et
vrages spéciaux sur l'anatomie de ces débouche dans la veine axillaire, au
Animaux (a). moment où celle-ci va s'engager sous
(1) Les veines brachiales sont sou- la clavicule.
vent reliées entre elles par plusieurs Une autre grosse veine sous-cutanée,
branches anastomotiques (6). désignée sousle nom de veine médiane,
(2) On donne le nom de veine ce- provient des veines antérieures du
phalique du pouce, puis de veine ra~ poignet et de l'avant-bras. Elle se
diale superficielle, à une veine sous- trouve d'abord très rapprochée de la
cutanée qui, après avoir suivi le bord radiale superficielle, mais s'en écarte
dorsal du pouce et du premier os vers le pli du coude, où elle reçoit
métacarpien, remonte le long du bord une grosse branche anastomolique
externe du radius , et qui est souvent venant des veines profondes ; puis elle
double au-dessus du pli du coude ; elle se divise en deux branches, dont l'une,
reçoit une branche anastomolique très appelée médiane céphalique, remonte
considérable, appelée veine médiane obliquement en dehors pour se réunir
céphalique, puis elle prend le nom à la radiale et constituer, comme je
de veine céphalique , longe le bord l'ai déjà dit, la veine céphalique, et
(a) Voyez Leyh, Handbuch der Anatomie cler llausthiere, p. 418, fig'. 174.
— Chauveau, Op. cit., p. 592.
(b) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. t35, fig. 1
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 589
disposition ne présente d'ailleurs rien d'important à noter
pour le physiologiste , et si les chirurgiens en décrivent le
trajet avec beaucoup de soin, c'est surtout à raison des faci-
lités que ces vaisseaux présentent pour l'opération de la sai-
gnée.
La veine sous-clavière, qui fait suite à la veine axillaire, reçoit,
comme je l'ai déjà dit, les veines jugulaires superficielles; et,
après s'être réunie à la jugulaire interne , elle constitue de
chaque côté du sommet du thorax un gros tronc appelé veine
brachio-céphalique, où viennent déboucher les veines thyroï-
diennes inférieures. Chez l'Homme, les deux troncs brachio-
céphaliques ne tardent pas à se réunir à leur tour, et forment la
veine cave supérieure, qui descend à côté de l'aorte et va dé-
boucher à la face postérieure de l'oreillette droite du cœur,
après avoir reçu la veine azygos, sur les relations de laquelle
je reviendrai bientôt.
La disposition des gros troncs terminaux des systèmes
brachio-céphaliques que nous venons de trouver chez l'Homme
se voit aussi chez les Singes, les Carnassiers, les Solipèdes, les
Ruminants, les Édentés, les Cétacés proprement dits et quelques
autres Mammifères (1). Mais, chez l'Éléphant, la plupart des
Rongeurs, des Insectivores et des Chéiroptères, ainsi que chez
les Marsupiaux et les Monotrèmes, le mode d'organisation
embryonnaire commun persiste, et il y a par conséquent deux
veines caves antérieures (2). Du reste, comme je l'ai déjà dit,
dont l'autre, nommée médiane basi- et va se terminer dans la veine axil-
lique, continue son trajet sans changer laire, près de l'extrémité supérieure de
de direction, et, après avoir reçu les l'humérus (a).
veines cubitales superficielles anté- (1) Par exemple, chez la Taupe,
rieure et postérieure, forme le tronc parmi les Insectivores.
brachial appelé veine basilique, qui (2) Exemples : Parmi les Rongeurs,
suit le bord interne du muscle biceps le Lapin, le Lièvre, la Marmotte, le
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 61.
590 AITAUEIL DE LA CIRCULATION
ces deux troncs sont reliés entre eux par une branche anasto-
motique transversale qui correspond à la veine brachio-cépha-
lique gauche, chez les espèces où la veine cave de ce côté
disparaît.
§21. — Les veines des membres abdominaux sont disposées
à peu près de la même manière que celles des membres tho-
raciques. Celles qui appartiennent au système profond accom-
pagnent, comme d'ordinaire, les artères, et dans la jambe, ainsi
que dans le pied, elles constituent pour chacun de ces derniers
vaisseaux deux troncs satellites qui s'anastomosent très fré-
quemment entre eux ; mais, à partir du creux poplité (ou creux
du genou), ces deux veines se réunissent en une seule qui prend
le nom de veine fémorale et monte d'abord à la partie postérieure
de la cuisse, puis à la partie interne de ce membre, et va péné-
trer dans le bassin par l'arcade crurale, où passe aussi l'artère
fémorale. Les veines sous-cutanées forment, comme à la main
et à'1'avant-bras, un réseau à grandes mailles, dont l'un des
troncs principaux suit en dessus le bord interne du pied, puis
monte vers le bassin, à la face interne de la jambe et de la
cuisse. Ce vaisseau correspond à la veine radiale superficielle,
et porte le nom de veine saphène interne. Parvenu près du pli
de l'aine, il pénètre sous l'aponévrose de la cuisse et va débou-
cher dans la veine fémorale. La veine saphène externe, qui
occupe le milieu du mollet, correspond à peu près aux bran-
lîal, lu Souris , l'Échimys, le Castor, ces deux vaisseaux esl 1res déve-
!e Hamster, l'Écureuil («). loppé (6).
Parmi les Insectivores, le Hérisson 11 existe dans les annales de la
et le Chrysochlore du Cap. science un assez grand nombre
Chez rornilborbynque, la veine cave d'exemples de l'existence d'une se-
gauche esl aussi grosse que sa congé- conde veine cave chez l'Homme ,
ncre, cl le tronc transversal qui réunit même chez des adultes (c).
(«) Voyez Carus et Otlo, Tabula: Analomiam comparativam illustrantes , pars VI, pi. 7, %. 1.
(b) Wcckel, Ornithorhynchi paradoxi descriplio anatomica, pi. 7, fig. i.
(c) Voyez, à re sujet , le résumé îles observations de Mcckcl, do Wicse, de Brcschet cl de plusieurs
autres analoiflisles, présenté p;:r M. Marshall (Op cit., Philos. Trans., 1850, p. 100).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 591
ches cubitales et médianes dont la racine constitue la veine
basilique du bras; mais, au lieu de remonter le long de la
cuisse, elle va se jeter dans le tronc principal du système
veineux profond, au niveau du' creux poplité (1).
Les deux veines fémorales qui reçoivent ainsi la presque
totalité du sang provenant des membres inférieurs côtoient les
artères iliaques, reçoivent les veines hypogastriques, et vont se
réunir entre elles au-dessus de la partie postérieure du bassin,
où elles constituent la veine cave inférieure.
Ç 2'2. — Ce gros tronc vasculaire est adossé à la colonne Veine cavc
° inférieure.
vertébrale et se place à droite de l'aorte ventrale ; il monte
presque verticalement jusqu'au diaphragme , traverse cette
cloison musculaire par un orifice spécial situé beaucoup plus
haut que celui qui livre passage à l'aorte, et va se terminer
dans l'oreillette droite du cœur au-dessous de l'orifice de la
veine cave supérieure (2). Pendant ce trajet il reçoit de chaque
côté plusieurs veines lombaires qui dépendent du système
des veines costo- dorsales sur lesquelles nous aurons bientôt à
revenir.
La veine cave inférieure , en remontant vers le thorax ,
reçoit aussi quelques veines viscérales , savoir : les veines
rénales ou émulgentes, les veines capsulaires moyennes et les
veines utero -ovariques ou les spermatiques ; des branches ve-
nant du diaphragme s'y terminent également ; mais les veines
(1) Pour plus de détails à ce sujet, figurée dans les belles planches de
voyez les traités d'anatomie descrip- Breschet sur le système veineux (6).
tive (a). M. Retzius a décrit avec plus de soin
(2) La disposition générale de la le mode de terminaison de ce vaisseau
veine cave inférieure est très bien dans le cœur (c).
(n) Par exemple : Cruvcilhier, Op. cit., t. III, p. 70 el suiv.
— Bourgery, Op. cil., t. IV, pi. 55 à 59.
(6) Breschet, Recherches sur le système veineux, i' livr., pi. 1 à G.
(c) Reizins, Ueber die Scheidewand des Herzens heim Menschen (Mitller's Archiv fur Anat. v.nd
Physiol., 1835, p. 164, pi 1, fig. 2).
m. 38
f)92 APPAREIL DE LA CIRCULATION
de toute la portion abdominale du tube digestif, de la rate et
du pancréas n'y débouchent pas directement, et, après s'être
réunies, constituent dans le foie un réseau capillaire intermé-
diaire, ou système portai hépatique (1).
système Chez l'Homme , trois veines principales convergent pour
ia veineVne. former la veine porte, savoir : 1° hveinemésentérique supérieure,
ou grande mésaraïque, qui vient de l'intestin grêle et de la moitié
droite du gros intestin ; 2° la mésentérique inférieure, ou petite
mésaraïque, qui naît sur les parois du rectum et de la moitié
gauche du côlon. Les branches postérieures de ce vaisseau ,
appelées veines hémorrhoïdales supérieures , s'anastomosent
près de l'anus avec les veines hémorrhoïdales inférieures et les
■plexus veineux qui dépendent des veines hypogastriques ou
iliaques internes. 11 ya par conséquent, dans cette région, fusion
entre le système portai et le système veineux général. Enfin,
3° la veine splénique, qui a son origine dans la rate et qui reçoit
diverses branches venant de l'estomac et du duodénum. Le
tronc de la veine porte, ainsi constitué, s'étend de l'extrémité
droite et postérieure du pancréas au sillon transversal du foie ;
chemin faisant, il reçoit quelques veinules venant de la première
de ces glandes, de l'estomac et de la vésicule biliaire; puis il
se divise en deux branches pour pénétrer dans la substance du
foie et s'y ramifier (2) ; mais chez le fœtus il communique aussi
(1) La disposition générale de la rapports entre les branches de ce.
Veine porte était connue des anciens, système et les racines de la veine hé-
ct Galien la comparait à un arbre patique, voyez les planches de l'ou-
dont le tronc serait dans le foie et les vrage de Bourgery et Jacob (6).
racines dans le ventre. On a désigné (2) On appelle sinus de la veine
ainsi ce vaisseau, parce qu'on le con- porte la portion divergente de ces
sidérait comme étant chargé de trans- deux branches qui occupe le sillon
porter jusque dans le foie les matières transversal du foie. Les divisions ul-
élal.orées dans l'estomac (a). Pour les térieuresdece vaisseau accompagnent
(ci) Culkn, b. l'utilité des parties (Œuvres, Irad. par Darembefg, t. I, p. 280).
[0} Luurgery, Op. cit., t. V, pli i)8, ci), etc.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 593
avec une veine dite ombilicale, qui se rend directement à la
veine cave sans se répandre dans le foie (1).
Les veines hépatiques ou conduits efférents de ce système
portai naissent dans les granulations élémentaires du foie, et
convergent d'avant en arrière pour former un certain nombre
de grosses branches (2) qui vont déboucher dans la veine cave
pendant que celle-ci parcourt la gouttière creusée dans le bord
postérieur de cette glande.
Les injections passent facilement soit des branches terminales
de la veine porte dans les veines efférentes du foie, soit en sens
inverse, ce qui indique l'absence de valvules dans l'intérieur de
ce système de vaisseaux. Les veines qui vont des intestins et
de la rate vers le foie en sont également dépourvues (3).
La disposition du système de la veine porte est à peu près la
même chez les autres Mammifères (4). Dans quelques espèces,
dans leur trajet les ramifications de (3) Bauer a rencontré des valvules
l'artère hépatique et des conduits bi- dans les veines courtes qui vont de
liaires. l'estomac à la veine splénique ; mais
(1) Ce vaisseau est appelé le canal l'existence de ces replis n'est pas con-
veineux; nous l'éludierons avec plus stanie, et d'autres anatomistes n'ont
de détail quand nous nous occuperons pu en découvrir aucune trace (a).
du développement des Animaux. [l\) La disposition générale de ce
(2) La plupart des ramuscules de ce système a été étudiée chez le Singe,
système efférent se réunissent succès- le Chien , le Lapin et la Brebis, par
si vement en branches de plus en plus Hônlein (6).
grosses, comme le font les veines or- M. Baer avait pensé que chez les
dinaires; mais d'autres vont débou- Cétacés, les anastomoses de ce sys-
cher directement dans les troncs ainsi tème avec les veines pelviennes étaient
constitués, de façon que les parois de plus nombreuses que chez les Marn-
ées veines sont criblées de trous for- mifères ordinaires (c) ; mais cette opi-
més par les orifices des vaisseaux capil- nion ne paraît pas fondée (d).
laires circonvoisins. •
(a) Cruveilhier, Anatomie descriptive, t. II, p. 85.
(b) Hônlein, Descriptio anatomica systematis vence portarum in homine et quibusdam brutis.
Francof., 1808.
(c) Baer, Ueber das Gefàss-System des Braunfisches (NovaActaAcad. Nat. curios. , t. XVII), p. -401 .
(d) Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d' anatomie comparée, 1. 1, p. 486.
594 APPAREIL DE LA. CIRCULATION
cependant, on rencontre dans ces vaisseaux des valvules plus
ou moins nombreuses (1).
Tronc § 2c. — Le tronc de la veine cave inférieure présente chez
de
inférieure.
ia veine cave l'Homme une dilatation dans le point où les veines hépatiques
viennent s'y ouvrir (2). Mais chez divers Mammifères cette
disposition est beaucoup plus prononcée, et parfois ce vaisseau
constitue au-dessous du diaphragme un grand réservoir en
forme de sac. Ce mode d'organisation est très marqué chez les
Phoques, la Loutre , le Castor, l'Ornithorhynque et quelques
autres Mammifères plongeurs, et paraît être en relation avec le
ralentissement du cours du sang dans les poumons, quand la
respiration se trouve suspendue. Chez les Phoques, la veine
cave présente même une autre particularité ont l'utilité s'ex-
plique de la même manière : après son passage dans le dia-
phragme, ce vaisseau est entouré d'un anneau musculaire dont
la contraction doit modérer l'afflux du sang veineux dans le
cœur (3).
(1) L'existence de valvules dans le Après avoir traversé le diaphragme,
système portai a été observée chez le la veine cave reprend brusquement son
Cheval et le Bœuf (a). calibre primitif (c). L'anneau charnu
(2) Quelques anatomistes désignent qui l'entoure dans ce point provient
ce renflement sous le nom de grande du diaphragme et se compose de fibres
ampoule de la veine cave (6). musculaires striées [d).
(3) Meckel a trouvé que chez les Chez la Loutre, la veine cave est
Phoques la dilatation de la veine cave extrêmement dilatée depuis les reins
inférieure commence au-dessus du jusqu'au diaphragme, au delà duquel
foie, et constitue au niveau de cet or- elle reprend son calibre ordinaire. Les
gane un sac ovalaire qui s'étend jus- veines hépatiques sont aussi très élar-
qu'an diaphragme. Chez un individu gies, surtout à droite (e).
long de trois pieds, ce réservoir avait Chez le Castor, la veine cave double
cinq pouces de large sur huit de long. de volume au-devant des reins et se
(a) Weigel, De stvato musculoso tunicœ venavum mediœ. Lipsiœ, 1823, p. 31.
(6) Cruveillner, Op. cit., p. 84.
(c) Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 44G.
(d) M. J. Weber, Deschreibung nebst Abbildungen des Ziuerchfelles einer ausgewachsenen
wëibliclien Phoca vilulina (Miiller's Archiv fur Anal, und Physiol., 1840, p. 23G, pi. C à 8).
— Slannius et SicboM, Nouveau Manuel d'analomie comparée, l. I, p. 480.
(e) Albers, .4 Description ofthe Anat. of Ihe Sea Olter (Philos. Trans., 1796, p. 391),
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 595
§ 2h. — Les deux veines cardinales, qui chez les jeunes veines azygos.
embryons se dirigent d'arrière en avant et vont se joindre aux
veines céphaliques dans le voisinage du cœur, se développent
beaucoup dans leur portion périphérique, et constituent un vaste
système de vaisseaux qui rapportent le sang de la région rachi-
dienne du tronc et des parois des grandes cavités viscérales ;
mais leur portion terminale, au contraire, diminue d'importance
et s'atrophie en partie, de façon que chez l'individu parfait la
plus grande partie du sang contenu dans les racines de ce
système s'écoule dans les branches voisines du système bra-
chio-céphalique ou dans la veine cave inférieure, et que ses
deux troncs terminaux correspondants aux grosses veines car-
dinales primitives ne sont plus représentés que par les veines
azygos.
Chez quelques Mammifères où il existe deux veines caves
supérieures, ces vaisseaux sont au nombre de deux, et le nom
qu'on leur applique ne pourrait en donner que des idées fausses
si l'on attachait quelque importance à son étymologie ; car ces
veines dites azygos, c'est-à-dire impaires (1), sont en réalité à
peu près symétriques ; elles remontent de chaque côté de la
rétrécit de nouveau au delà du dia- il paraît exister quelquefois un anneau
pliragme (a). musculaire, comme chez les Pho-
Ghez le Desman de Russie, cette di- ques (d), mais d'autres fois ce sphinc-
latation de la velae cave est double, ter manque entièrement (e).
et les veines iliaques sont tellement Chez l'Ornithorhynque , ce tronc
renflées, qu'elles forment aussi de vasculaire offre aussi une dilatation
véritables poches (6). considérable au niveau du foie (/").
Chez le Marsouin, où la dilatation (1) De a privatif, et Çtryôç, pair, ou
de la veine cave est aussi très consi- vena sine pari.
dérable au-dessous du diaphragme (c),
(a) Meckel, Analomie comparée, t. IX, p. 447.
(6) Pallas, Sorices aliquot illitstrati {Acta Petropolilaiice, 1781, p. 332)
(c) Meckel, Op. cit., p. 448.
(d) Weber, loc. cit., p. 239.
(e) Stannius, Op. cit., p. 480.
(/") Meckel, Ornithorhynchi paradoxi descript. anal., p. 32.
596 APPAREIL DE LA CIRCULATION
colonne vertébrale, s'anastomosent entre elles par des branches
transversales et vont déboucher dans les veines caves corres-
pondantes. Mais, chez l'Homme et la plupart des Mammifères,
un seul de ces troncs, celui du côté droit, conserve sa disposition
primitive, tandis que l'autre (situé à gauche) disparaît en grande
partie, et au lieu de s'étendre jusque dans le voisinage du cœur,
se déverse, par une anastomose, dans l'azygos droite, à une
distance plus ou moins considérable de cet organe. On donne à
cette portion persistante de la veine cardinale gauche le nom de
hémiazijgos, et dans la partie du corps où elle existe on voit les
veines intercostales y déboucher, comme elles débouchent du
côté opposé dans la grande azygos (1). Chez d'autres Mammi-
(1 j Chez l'Homme, Yazygos propre-
ment dite, ou grande azygos ( ou
veine cardinale droite), et Yhémi-
azygos (c'est-à-dire le représentant de
la veine cardinale du côté gauche), for-
ment dans la partie supérieure de l'ab-
domen et dansla portion inférieure du
thorax deux troncs ascendants, dispo-
sés symétriquement au-devant de la
colonne vertébrale et derrière l'aorte
et la veine cave inférieure (a). Les
veines intercostales correspondantes
s'y ouvrent, ainsi que les veines lom-
baires ; mais la plupart de ces der-
nières se continuent au delà et vont
se terminer dans la veine cave abdo-
minale. Inférieurement l'azygos et sa
congénère perdent plus ou moins
complètement les caractères de troncs
vasculaires, et se résolvent en deux ou
plusieurs séries de branches anasto-
motiques longitudinales , appelées
veines lombaires ascendantes, dont
les dernières se .prolongent jusque
dans le bassin et s'y relient aux veines
iliaques primitives (6). D'espace en
espace on remarque aussi des bran-
ches transversales qui se portent obli-
quement de l'hémiazygos à la grande
azygos, et c'est une de ces anastomo-
ses qui constitue la portion terminale
du premier de ces deux troncs.
La grande azygos , après avoir
reçu ainsi la majeure partie du sang
contenu dans sa congénère, continue
à monter le long du côté droit de la
face antérieure de la colonne verté-
brale , reçoit , chemin faisant, les
veines intercostales correspondantes
du même côté, et va se terminer dans
la veine cave supérieure, vers le point
où ce vaisseau s'engage dans le péri-
carde pour gagner le cœur.
On donne quelquefois le nom de
petite azygos supérieure ou de veine
intercostale commune gauche, à une
branche qui reçoit les veines inter-
costales du côté gauche de la partie
supérieure du thorax, et qui fait en
quelque sorte pendant à la portion
(a) Voyez Bourgcry et Jacob, Anatomie descriptive, t. IV, pi. 76 et 77.
(6) Voyez Breschet, Recheixh. sur le syst. veineux, 3clivi\, pi. 2 et 4.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 597
fères, le Chien, par exemple, le trône cardinal gauche disparaît
complètement, et il ne reste que la veine azygos droite qui
reçoit les veines intercostales correspondantes des deux côtés
du corps. Enfin il est aussi des animaux de cette classe où les
deux veines cardinales se flétrissent de même, et où par consé-
quent il n'y a plus de veine azygos. Mais, quoi qu'il en soit
à cet égard, le système veineux, qui, dans l'origine, dépendait
des veines cardinales, et que l'on pourrait appeler le système
dorso-costal ou pariétal , contracte des relations multipliées
avec les veines du système céphalo-brachial, ainsi qu'avec les
affluents de la veine cave inférieure, de façon qu'une portion
plus ou moins considérable du sang contenu dans ces vaisseaux
revient au cœur sans passer par les veines azygos (1).
La portion périphérique ou radiculaire de ce système est en veines
„„ , , , . . rachidiennes,
ettet très étendue et se compose de deux groupes de vaisseaux
appartenant les uns à la colonne vertébrale et à ses dépendances,
les autres aux côtes et aux parties qui servent à cloisonner laté-
ralement les grandes cavités du tronc.
Les veines rachidiennes forment à la face dorsale de la co-
lonne vertébrale, ainsi que dans l'intérieur du canal dont cette
supérieure de la grande azygos : elle se tentent soit dans le tronc brachio-
continue inférieurement avec l'hémi- céphalique , soit dans la veine cave
azygos. supérieure. Souvent une anastomose
Enfin, il y a aussi à droite une pe- assez considérable fait communiquer
tite brandie ascendante qui semble la partie supérieure de ce vaisseau
être une continuation de la grande longitudinal avec le tronc brachio-
azygos au-dess,us de son point de dé- céphalique droit. Enfin, il est aussi à
versement dans la veine cave : c'est noter que parfois la veine cervicale
une veine intercostale commune qui postérieure, au lieu de se terminer
reçoit les veines intercostales propre- dans la veine vertébrale, vient s'ouvrir
ment dites, correspondantes aux deux dans ce tronc intercostal commun et
ou aux trois premières côtes (a) ; mais en constitue la partie supérieure,
il arrive fréquemment que ces veines (I) On peut résumer de la manière
intercostales vont s'ouvrir aussi direc- suivante les principales variations qui
(a) Voyez Breschet, Op. cit., 3'livr., pi. 3.
598 APPAREIL DE LA CIRCULATION
colonne est creusée, un réseau très riche qui s'étend depuis la
base du crâne jusqu'au sacrum ou même jusque dans la queue,
lorsque cet appendice acquiert un développement considérable.
On y distingue un plexus superficiel postérieur, un plexus
inler-rachidien postérieur situé derrière la moelle épinière, un
plexus intra-racbidien antérieur qui occupe la face antérieure de
la moelle épinière (ou inférieure chez les Quadrupèdes), et des
plexus transversaux qui, au niveau de chaque vertèbre, relient
tous ces réseaux entre eux (4). Dans la portion moyenne du
se rencontrent dans la disposition de
cette portion du système veineux chez
les divers Mammifères (a).
1° Mammifères ayant deux veines caves supé-
rieures.
a. Deux veines azygos se terminant dans ces
troncs , c'est-à-dire une azygos propre-
ment dite à droite, et une hémiazygos à
gauche.
* Les deux veines azygos également dévelop-
pées.
Exemples : Monotrèmes, Marsupiaux.
** Les deux azygos inégalement développées.
L'azygos droite plus grande que l'azygos
gauche.
Exemples : Hérisson, Rat, Souris.
L'azygos droite moins grande que l'azy-
gos gauche.
Exemple : Lapin.
&. Une veine azygos seulement (adroite).
Exemples : Lièvre, Écureuil.
2° Mammifères ayant une seule veine cave
supérieure.
C. Une azygos et une hémiazygos.
* L'hémiazygos débouchant directement dans
l'oreillette droite.
Exemple : Taupe.
** L'hémiazygos débouchant dans l'azygos vers
le milieu du thorax.
Exemple : Homme.
d. Une veine azygos à droite qui reçoit les veines
intercostales des deux côtés du corps ; pas
d'hémiazygos.
Exemples : Chien, Chat, Tigre, Hyène,
Cheval, Ane, Tapir.
e. Point de veine azygos à droite; mais, à
gauche , une veine hémiazygos qui reçoit
quelques veines intercostales, ainsi que la'
grande veine coronaire, et débouche di-
rectement dans l'oreillette droite.
Exemples : Mouton, Bœuf, Chèvre, Che-
vrotain, Cochon, Tapir.
f. Point de veine azygos ni de veine hémiazygos.
Exemple : Les Cétacés.
(1) Chez l'Homme, ce système de
veines, dont la disposition a été très
bien étudiée par Breschet (6), est fort
développé. Les veines dorsi-spinales
ou rachidiennes postérieures super-
ficielles naissent des téguments et des
muscles de la région vertébrale posté-
rieure, et constituent un plexus pres-
que inextricable, qui embrasse dans
(a) Voyez, à ce sujet :
— Bardeleben , Ueber Vena A%ygos, Hémiazygos und Coronaria cordis bei den Sàvgethieren
(Mùller's Archivfùr Anat. und Physiol., 1848, p. 497).
— Marshall, On the Development of Vie Gréai Anterior Veins of Man and Mammaha (Philos.
Trans., 1850, p. 150). , .
(6) Breschet, Recherches anatomiques, physiologiques et pathologiques sur le système veineux.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 599
torse, les canaux d'écoulement de ce lacis vasculaire débou-
chent dans les veines intercostales qui sont les satellites des
artères du même nom , et ces veines intercostales vont se
terminer dans les azygos ; mais dans la portion inférieure de
l'abdomen, ainsi que dans la région cervicale, les veines qui
tiennent lieu d'intercostales vont s'ouvrir, les unes dans la veine
cave inférieure ou dans quelques-uns de ses affluents, les
autres dans les veines appelées vertébrales, qui représentent
dans la région cervicale les troncs cardinaux (ou veines azygos)
et qui se terminent dans les veines caves supérieures.
Ainsi, on trouve au niveau de chaque vertèbre, dans toute
la longueur du corps, depuis la tête jusqu'au sacrum, ou même
jusque dans la queue, une paire de veines qui pourraient être
ses mailles les apophyses épineuses,
les lames vertébrales, les apophyses
transverses et les apophyses articu-
laires des Vertèbres. Supérieurement
ce réseau s'anastomose avec les veines
occipitales qui se rendent aux jugu-
laires externes, avec les veines ju-
gulaires internes et avec les veines
vertébrales; au niveau de chaque trou
de conjugaison, il communique aussi
avec les veines intra-rachidiennes, et
souvent directement aussi avec les
intercostales ; enfin, il s'anastomose
inférieurement avec les veines ilia-
ques, et se prolonge sur le sacrum et
jusque sur les côtés du coccyx (a).
Les veines intra-rachidiennes for-
ment de chaque côté, entre la dure-
mère et les parois du canal verlébral :
1° un plexus postérieur qui est plus
développé dans la région lombaire
que dans sa portion supérieure ; 2° un
plexus antérieur qui est très considé-
rable et qui est souvent désigné sous
le nom de sinus vertébral. Au niveau
du corps de chaque vertèbre, des
branches anastomotiques transver-
sales relient ces quatre plexus longi-
tudinaux entre eux, et constituent
ainsi des réseaux appelés plexus
transversaux. Les veines propres des
corps des vertèbres y débouchent, et
des branches efférenles qui en partent
traversent les trous de conjugaison
pour aller s'ouvrir dans les veines
vertébrales, intercostales, lombaires
et sacrées latérales (b).
Pour plus de détails à ce sujet, je
renverrai aux recherches de Breschet
et aux ouvrages d'anatomie descrip-
tive, où les observations de ce savant
ont été reproduites.
(a) Breschet, Op. cit., pi. 3 et 4.
— Voyez aussi Bourgery et Jacob, Op. cit., t. IV, pi. 74, fig\ 3.
(b) Breschet, Op. cit., pi. 4, 1" livr., pi. 5 et 6, et 2° livr., pi. 1 à 6.
— Voyez aussi Bourgcry et Jacob, Op. cit., t. IV, pi. 73 et 74, fig\ d.
600 APPAREIL DE LA CIRCULATION
désignées sous le nom commun de veines pleuro-rachidiennes,
qui ramènent le sang des parties molles du dos, de la colonne
vertébrale et de ses annexes, et qui débouchent presque toutes
dans une série de vaisseaux longitudinaux placés de chaque
côté de la face antérieure du rachis et se terminant dans les
veines caves ou leurs affluents principaux. Dans la région
cervicale, ces vaisseaux longitudinaux, qui correspondent aux
veines cardinales de l'embryon, sont les veines vertébrales (1);
dans la portion moyenne du tronc, ce sont les azygos ; dans la
région des lombes, ce sont des branches anastomotiquesplus ou
moins régulières qui unissent entre elles les veines lombaires,
lesquelles sont les analogues des veines intercostales ; enfin,
dans la région pelvienne, ces représentants des troncs cardi-
naux sont les veines dites sacrées latérales (2).
Il existe, chez l'Homme, de grandes variations dans la
disposition des branches secondaires de ce système de veines
dorso-pariétales, même d'individu à individu ; mais leur mode
d'arrangement est toujours tel que, par l'intermédiaire de ces
vaisseaux, tous les autres systèmes veineux sont mis en com-
munication, et que le sang de toutes les parties de l'organisme
peut arriver au cœur, lors même que l'un des gros troncs en
continuité directe avec cet organe viendrait à être obstrué.
Souvent même une des anastomoses de la portion inférieure
de la veine azygos avec la veine cave inférieure devient si
(1) Voyez ci-dessus, page 586. veines sacrées moyennes , et elles
(l2) Chez l'Homme, les veines sa- reçoivent des branches venant des
crées latérales sont très petites et plexus inter-rachidiens : du reste,
longent la face antérieure du sa- leur disposition est très irrégulière,
crum pour aller se jeter dans les Chez les Mammifères dont la queue
iliaques. Elles s'anastomosent aussi est très développée, ces veines acquiè-
par des branches transversales avec les rent plus d'importance (a).
(a) Exemple : l'Écureuil. Voyez Carus et Otto, Tab. Anat. compar. illustr., pars vi, pi. 7, fig. 1.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 601
large et si directe, que le premier de ces vaisseaux semble être
une branche du second (1).
La principale veine du cœur va s'ouvrir dans la veine cave
supérieure gauche, chez les Mammifères, où ce vaisseau, est
bien développé. Lorsque celui-ci s'atrophie plus ou moins
complètement, comme cela a lieu chez l'Homme, elle se ter-
mine au. contraire dans un canal appelé sinus coronaire, qui
est logé dans le sillon transversal du cœur, et qui débouche
directement dans l'oreillette droite ; mais ce sinus est, en
réalité, le dernier vestige de la veine cave supérieure gauche
qui existait chez l'embryon; et chez quelques espèces de Mam-
mifères, où son atrophie est portée moins loin , on trouve de ce
côté une veine hémiazygos qui reçoit à la fois la grosse veine
cardiaque et les veines intercostales voisines (2).
Veines
du cœur.
(i) Pour que la veine azygos ait
l'apparence d'une branche fournie
directement par la veine cave infé-
rieure, il suffit que son anastomose
avec l'une des veines lombaires ait
lieu très près de l'embouchure de
celle-ci, dans la veine cave, et que le
calibre de ce vaisseau transversal soit
très faible au delà de son point de
jonction avec le premier. Effective-
ment la portion de cette veine lom-
baire comprise entre sa jonction avec
la veine azygos et sa terminaison dans
la veine cave semble être alors la
continuation du tronc azygos , et sa
portion externe affecte la forme d'une
branche de ce même tronc.
Il arrive souvent aussi qu'une
branche anastomotique, établie entre
la veine rénale droite et l'azygos, se
développe de façon à constituer une
des principales racines de ce dernier
vaisseau (a).
(2) Chez le Mouton, par exemple,
la veine azygos gauche vient se loger
dans le sillon auriculo-ventriculaire
creusé à la face postérieure du cœur,
et va déboucher à la partie inférieure
et interne de l'oreillette droite, sous
l'orifice de la veine cave inférieure. Che-
min faisant, elle reçoit plusieurs veines
cardiaques, qui, à leur embouchure
dans l'espèce de sinus formé par sa
portion terminale , sont garnies de
valvules, mais n'en présentent pas
dans le reste de leur étendue (6).
Chez l'Homme, cette portion ter-
minale et cardiaque de la veine azygos
gauche est représentée par le sinus
coronaire (c) , que les anatomisies
(a) Voyez Breschet, Op. cit., 3° livr., pi. 2.
(6) Eustachius, Opusoula anat. de vena sine pari, p. 273.
— Scarpa, Tàbulœ nevrologicœ, pi. 7, fig. i.
— Marshall, Op. cit., pi. 1, fig. 2 (Philos. Trans., 1850).
(c) Idem, ibid., pi. 1, fig. i.
602 APPAREIL DE LA CIRCULATION
On voit qu'il existe beaucoup de variations dans le mode de
terminaison des veines qui dépendent des deux troncs car-
dinaux primitifs; mais cela n'a rien de surprenant, car la
fixité dans le mode d'organisation d'une partie de l'économie
est toujours un signe de son importance, et, ainsi que je l'ai
déjà dit, cette portion terminale du système des veines rachi-
diennes, qui est très développée dans les premiers temps de la
vie embryonnaire, tend à disparaître par les progrès du travail
organogénique, et, chez l'adulte, se trouve réduite à un état
plus ou moins rudimentaire.
piexus veineux La disposition des autres parties du système veineux présente
Mammifères, aussi moins de fixité que celle du système artériel, et il arrive
souvent que, chez l'Homme, telle ou telle grosse branche dont
je viens de donner une description sommaire est remplacée
par deux ou même un plus grand nombre de vaisseaux à peu
près parallèles qui communiquent fréquemment entre eux. Il
en est de même chez les autres Mammifères, et la tendance à
former des plexus est portée beaucoup plus loin chez cer-
taines espèces, où la multiplicité des veines similaires devient
normale (1).
Cette particularité d'organisation est portée au plus haut
décrivent comme étant seulement une et de la veine cardinale (ou azygos) de
portion élargie de la grande veine ce côté, se voit très bien chez l'em-
cardiaque, mais qui est séparée de la bryon humain (6).
portion ascendante de ce vaisseau par (1) Chez l'Aï (Bradypus tridacty-
des valvules, comme chez les Rumi- lus), la veine brachiale est représentée
liants (a). La continuité entre ce sinus par un réseau disposé en manière de
et le canal cuviérien gauche, c'est-à- gaine autour du plexus artériel qui
dire le tronc représentant une veine tient lieu de l'artère brachiale (c).
cave supérieure gauche, et constitué Une disposition analogue se voit dans
par la réunion de la veine céphalique les membres postérieurs (d), et des
(a) Voyez Bourgery, Op. cit., t. IV, pi. 9 bis.
(6) Marshall, Op. cit., pi. 3, fig. 1 et 3.
(c) Vrolik, Recherches sur les plexus vasculaires (Ami. des sciences nat., -i" série, t. V, pi. 4,
fig. 1).
(d) Vrolik, Op. cit.
pulmonaire.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 603
degré chez les Cétacés. Ainsi, chez le Marsouin, à l'exception
des troncs principaux, presque toutes les veines ordinaires sont
remplacées par des plexus (1).
§ 25. — J'ai déià fait connaître la disposition des orifices vaisseaux
° d , , de la petile
du système veineux général dans l'oreillette droite du cœur, circulation.
ainsi que le mode d'origine de ïartère pulmonaire, qui est mise
en communication avec ces vaisseaux par l'intermédiaire de
cette oreillette et du ventricule dont elle dépend.
Cette artère, en sortant de l'angle supérieur et interne du Anère
ventricule droit vers la partie moyenne et antérieure du cœur
chez l'Homme, passe devant l'aorte, et, se dirigeant obli-
quement en avant, va se placer à gauche de ce vaisseau. Bien-
tôt elle se bifurque, et une de ses branches se porte directement
à gauche vers le poumon correspondant, tandis que l'autre,
suivant une marche opposée, passe sous la crosse aortique et
derrière la veine cave supérieure pour gagner le poumon gauche.
Dans le point où l'artère pulmonaire commune se divise de la
sorte, elle se trouve reliée à l'artère aorte par une branche
anastomotique, appelée canal artéiiel, qui chez le fœtus pré-
sente des dimensions considérables, mais qui se flétrit et s'obli-
tère peu après la naissance, de façon à se transformer en un
simple cordon ligamenteux (2).
plexus très compliqués remplacent dans la région lombaire, de chaque
aussi les veines hypogaslriques et côté, trois autres plexus veineux. On
sacrées (a). trouve aussi des réseaux analogues
(1) Chez le Dauphin, ainsi que chez dans la tête, et plus particulièrement
le Marsouin , le sang de la région autour de l'évent et à la mâchoire
caudale arrive dans la veine cave par inférieure (6).
un grand plexus caudal situé dans le (2) Nous verrons, dans une autre
canal sous-rachidien. Un plexus vei- partie de ce cours, que le canal arté-
neux appartenant au rectum se ter- riel ou canal de Botal est constitué par
mine dans l'extrémité postérieure de la portion terminale de Tare vascu-
ce tronc vasculaire ; enfin il existe laire inférieur qui était primitivement
(a) Voyez Carus et Otto, Tab. Anat. compar. illuslr., par VI, pi. 8, fig. 4.
(&) Bacr, Ueber das Gefàss-System des Braun/isches (Nova Acta Acad. Nat. curios., 1835,
t. XVII, p. 395, pi. 19).
QOll APPAREIL DE LA CIRCULATION
Chez quelques Mammifères, tels que le Phoque, cette com-
munication entre l'artère pulmonaire et l'aorte persiste pendant
fort longtemps après la naissance ; mais chez l'adulte elle
n'existe chez aucun Animal de cette classe, si ce n'est dans
quelques cas tératologiques (1) .
Chez la plupart des Mammifères aquatiques, tels que le Mar-
souin, le Phoque, la Loutre et le Castor, l'artère pulmonaire
une des crosses aortiques, et qui donne
ensuite naissance aux artères pulmo-
naires (a). Il va déboucher dans
l'aorte, vers le niveau de l'origine de
l'artère sous-clavière droite (6) , et
chez le fœtus il est très large; mais
lorsque la respiration pulmonaire s'est
établie, le sang cesse bientôt d'y pas-
ser, et vers le troisième jour il est
d'ordinaire obstrué par un caillot ,
puis il s'oblitère et se transforme en
un cordon ligamenteux. Quelquefois
ce canal reste ouvert, et cet état téra-
lologiqlie est généralement accompa-
gné d'un trouble dans la circulation,
qui constitue la maladie appelée cya-
nose.
(4) Rapp a trouvé le canal artériel
ouvert chez des Phoques âgés d'envi-
ron trois mois; mais ce vaisseau était
oblitéré chez tous les individus adultes
dont il a fait Tanatomie (c), ainsi que
dans ceux examinés par plusieurs
autres naturalistes (d). Un cas de per-
(a) Voyez Burdach, Traité de physiologie, t. Ill, p. 519, pi. 4, fig. 3.
(6) Voyez Bourgery, Anat. descript., t. VIII, pi. 13, fig. 3, et pi. 14.
— Martin Saint-Ange, Circulation du sang considérée che% le fœtus, fig. 1 et 15.
(c) Voyez Meckel, Anatomie comparée, t. IX, p. 440.
(d) Malacarne, Saggio di splancnografia de encefalotomia délia Foca (Mem. délia Soc. itaLj
t. XII, 2e partie, p. 41, pi. 1).
(e) Poelman , Note sur un cas de communication entre l'artère pulmonaire et l'aorte descen-
dante (Ann. delà Soc. de médecine de Gand, 1845, fig.).
(f) Jackson, Dissection of a Spermaceti Whale (Boston Journal of Nat. Hist., 1845 , t. V,
p. 148).
{g) Eichwald, ObserVationes nonnullœ circa fabricam Delphini phocœncc (Mém. de l'Acad.
dessc. de Saint-Pétersbourg, 1819 et 1820, t. IX, p. 445).
(h) Piapp, voy. Meckel, toc. cit.
(£) Poelman, Op. cit., fig.
(j) Chairveau, Anatomie des Animaux domestiques, fig. 147.
sistance de cette anastomose chez un
Phoque adulte a été observé par
M. Poelman (e).
M. Jackson a trouvé le canal arté-
riel perméable chez un jeune Cacha-
lot (/■) , et Eichward a rencontré la
même particularité chez un jeune
Marsouin (g) ; mais chez l'adulte ce
passage n'existe plus , ni chez ce
Célacé , ni chez le Dauphin com-
mun (h).
Ce canal de communication entre
l'artère pulmonaire et l'aorte était
resté ouvert jusque dans l'âge adulte
chez un Singe hurleur, disséqué par
M. Poelman («').
Chez les Mammifères, où l'aorte se
divise en deux troncs, le Cheval, par
exemple, c'est à l'aorte postérieure
que l'artère pulmonaire se trouve at-
tachée par le cordon ligamenteux
résultant de l'oblitération du canal
artériel (j).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 605
présente, près de son origine, une dilatation considérable (1) ;
mais, du reste, la disposition de ce vaisseau est à peu près la
même chez tous les Animaux de cette classe. Au moment de
pénétrer dans les poumons, chacune de ses branches se subdi-
vise en deux ou plusieurs rameaux, et ceux-ci suivent à peu
près le même trajet que les canaux bronchiques dont ils lon-
gent la face postérieure et inférieure. Chaque lobule pulmonaire
reçoit ainsi une branche artérielle, mais celle-ci n'y plonge pas,
elle se loge dans les fissures comprises entre les lobules et se
distribue à plusieurs de ceux-ci (2). Enfin, leurs dernières ra-
(1) Meckel, Anat. comp., t. IX, quand elle constitue le conduit intra-
p. Zi50. -StanniusetSiebold,ilia?iueZ tabulaire ou entonnoir (c), mais se
d'anat. comp., t. II, p. /|86. place plus superficiellement entre ce
(•2) Reisseisen et Krause suppo- lobule et ses voisins, de façon que ces
saient que les branches terminales de ramifications peuvent se répandre sur
l'artère pulmonaire pénétraient dans deux ou plusieurs de ceux-ci. C'est
l'intérieur des lobules et donnaient à même principalement à cause de cette
chacune des cellules dont ces lobules position extralobulaire des petits ra-
se composent un ramuscule particu- muscules vasculaires que la distinc-
lier, de façon à constituer pour cha- tion entre les lobules est si nette vers
que cellule ou veinule pulmonaire la surface du poumon.
un réseau capillaire spécial [a] ; mais Ilestaussiànoterque lesramuscules
les recherches de M. Schrœder van der terminaux de l'artère pulmonaire se dis-
Kolk, de M. Rainey et de quelques tribuent exclusivement aux parois des
autres anatomistes, ont fait voir que cellules ou des cavités infundibulifor-
ces vaisseaux n'offrent pas cette dis- mesdeslobules,et ne contribuent pas à
position (6). L'artériole, en arrivant formerleréseaucapillairedesbronches;
au lobule avec la bronche corres- mais ce lacis s'anastomose avec celui
pondante, n'accompagne pas celle-ci dépendant des artères bronchiques (d).
(a) Reisseisen, De fabrica pxilmonum commentatio, p. 17.
— Krause (voyez Huschke, Traité de splanchnologie, Encyclop. anat., t. V, p. 253).
(6) Adriani, Dissert, de subtiliori pulmonum structura, p. 46 et suiv., pi. 1.
— Rainey, On the Minute Structure of the Lungs (Trans. of the Med. Chir. Soc., t. XXVIII).
— T. Williams, Respiration (Todd's Cyclop. of Anat. undPhysiol., Suppl., p. 273).
— Bowmann et Todd, Physiological Anatomy, t. II, p. 392.
— Kôlliker, Éléments d'histologie, p. 578.
(c) Voyez tome II, page 323.
(d) Voyez Reisseisen, Op. cit.
— Adriani, Op. cit.
— Rossignol, Rech. sur la structure intime des poumons, p. 64 (Acad. de méd. de Bruxelles)
— Williams, Respiration (Todd's Cyclop. of Anat., Suppl., p. 275).
L'opinion contraire a été soutenue par M. N. Guillol (Yaiss. parlicul. des poumons des phthi-
siques, dans YExpérience, 1838) et par M. Heale (Researches on the Distribution of the Blood
Vessels, in th Lungs, m Abstracts ofPapers communicated to the Royal Soc, 1853, t VI, p. 31 5).
Capillaires
pulmonaires.
Veines
pulmonaires.
606 APPAREIL DE LA CIRCULATION
mifîcations s'étendent irrégulièrement sur les cellules dont ces
lobules se composent et y donnent naissance à un plexus capil-
laire des plus riches.
Ce lacis forme une seule couche dans l'épaisseur des cloi-
sons intercellulaires, de façon à être en rapport avec l'air
par ses deux surfaces opposées. Il se compose de vaisseaux si
petits, que les globules de sang ne paraissent pouvoir y passer
qu'à la file sur un seul rang, et les mailles formées par les
anastomoses de ces capillaires microscopiques sont extrême-
ment serrées (1).
§ 26. — Les ramuscules veineux qui sortent de ce réseau
capillaire ne correspondent pas aux branches terminales des
artères et ne dépendent pas chacun d'un lobule en particulier,
mais naissent de distance en distance, de façon à circonscrire
des aires assez régulières, et convergent dans les fissures inter-
lobulaires. Les troncs résultant de leur réunion ne suivent pas
davantage le trajet des artères, mais se dirigent d'une manière
(1) M. Kôlliker évalue le diamètre
de ces capillaires entre 0mm,01 et
0mm,007 chez l'Homme, où les glo-
bales du sang ont aussi environ
0""",007.
D'après le même physiologiste, les
mailles arrondies ou ovalaires du ré-
seau capillaire formé par ces arté-
rioles ont entre 0mm,005 et 0mm,0i8
de diamètre (a).
Le réseau provenant d'une même
branche artérielle se répand sur plu-
sieurs cellules, souvent huit ou dix.
Dans quelques cas tératologiques on
a vu le sang arriver aussi aux pou-
mons de l'Homme par une branche
de l'aorte descendante (6), disposition
qui rappelle ce que nous avons trouvé
dans l'état normal chez les Ser-
pents (c) ; et il est à noter que chez
les phthisiques, à mesure que les
capillaires de la petite circulation
s'oblitèrent et se détruisent, il s'établit
souvent des communications vascu-
laires entre les poumons et les di-
verses branches aortiques circon voi-
sines (d).
(a) Kôlliker, Traité d'histologie, p. 519.
(b) Meckel, Ueber einigeinerkivurdige Gefâssabweichungen (ûeulsches Archiv fur die Physiol.
t. VI, p. 453, pi. 3).
(c) Voyez ci-dessus, page 449.
(d) Sclirœdér van dcrKolk, Observ. anaiomico-palhologicœ, fasc. 1, p. 84.
— Natalis Guillot, Description des vaisseaux particuliers qui naissent dans lespoumons tuber-
culeux (l'Expérience, n° du 25 avril 1838).
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 607
indépendante vers la face interne des poumons pour en sortir
au-dessous du point d'immersion du système bronchique (1).
La disposition des veines pulmonaires qui se rendent du
poumon au cœur est également différente de celle des artères
correspondantes. Chaque lobe pulmonaire ne fournit qu'un
tronc veineux, mais ceux-ci restent en général indépendants et
vont déboucher isolément dans l'oreillette. Ainsi, il y a chez
l'Homme deux veines pulmonaires à gauche et deux ou même
quelquefois trois de ces vaisseaux à droite (2). Cette dernière
disposition est constante chez plusieurs Mammifères, et chez
quelques-uns de ces Animaux on voit entrer dans le cœur trois
veines pulmonaires de chaque côté (3). D'autres fois cepen-
dant la concentration de ces vaisseaux est portée plus loin
que chez l'Homme , et chez un petit Rongeur , connu sous
le nom de Hamster, ils se réunissent même tous en un seul
tronc (d).
(1) En général, dans les ouvrages tronc, de façon que l'oreillette ne
d'anatoraie humaine , on décrit ces reçoit de chaque côté que deux de ces
veines comme étant satellites des ar- vaisseaux.
tères pulmonaires, et l'on signale avec (3) Chez quelques Quadrumanes
soin cette circonstance qu'une même ( tels que le Cebus capiccina et le
branche de celle-ci n'est jamais ac- Lemur albifrons), ainsi que chez le
compagnée par deux veines, comme Castor, il y a deux veines pulmonaires
cela a ordinairement lieu pour les à gauche et trois à droite.
artères de la grande circulation; mais Chez le Coati (Nasua), l'oreillette
l'idée que l'on donne ainsi de la dis- droite reçoit de chaque côté trois
tribution des vaisseaux sanguins dans veines pulmonaires (6).
l'intérieur des poumons n'est pas (Zi) M. Owen a signalé l'existence
exacte. La différence dans la direction d'un seul tronc pulmonaire commun
des artères et des veines a été bien chez le Dugong (c).
indiquée par M. Addison (a). Chez le Daman, les veines pulmo-
(2) En général , chez l'Homme, les naires se réunissent en une paire de
deux veines pulmonaires supérieures troncs terminaux (d). Meckel a vu
du côté droit se réunissent en un seul chez le Cheval un autre mode de grou-
(a) Addison, Observ. on the Anatomy of the Lungs (Medico-chirurg. Trans., 1841, t. XXIV
p. 151).
(6) Meckel, Analomie comparée, t. IX, p. 431.
(c) Owen, Notes on the Dugong (Proceed. of the Zool. Soc. of Londotl, 1838, p. 35)
(d) Meckel, p. 431.
m. 39
608 APPAREIL DE LA CIRCULATION
Chez l'Homme, toutes ces veines sont dépourvues de valvules
ou n'en présentent que de très imparfaites ; mais, chez quelques
grands Quadrupèdes, on trouve ces replis membraneux bien
développés là où deux branches se réunissent sous un angle
aigu (1).
Résumé. § 27. — En résumé, nous voyons donc que, dans la classe
des Mammifères, l'appareil circulatoire est toujours constitué
d'après un même plan. La totalité du sang, qui, après avoir
servi à l'entretien du travail nutritif dans la profondeur des
divers organes, arrive dans les cavités droites du cœur, est
envoyée aux poumons, où ce liquide subit l'influence vivifiante
de l'air, puis revient dans les cavités gauches du cœur pour
retourner dans le système capillaire général par l'intermédiaire
de l'artère aorte et de ses branches. Chaque molécule de sang,
pour revenir à son point de départ dans l'appareil circulatoire,
parcourt donc un double circuit, et passe successivement dans
les vaisseaux nourriciers ou vaisseaux de la grande circulation ,
et dans les vaisseaux respiratoires ou vaisseaux de la petite cir-
culation. Une moitié de chacun de ces systèmes de conduits est
parcourue par le sang artériel , l'autre moitié par le sang vei-
pement de ces vaisseaux : les veines presque à angle droit ; mais, chez le
pulmonaires antérieures restant dis- Bœuf, elles sont bien distinctes,
tinctes, et celles de la paire posté- Chez l'Homme, les veines pulmo-
rieure se réunissant en un tronc com- naires se laissent facilement injecter
mun (a); mais cette disposition ne du centre vers la périphérie, et la
paraît pas être constante, car la plu- plupart des auteurs considèrent ces
part des anatomistes n'en parlent vaisseaux comme étant complètement
pas [b). dépourvus de valvules (c) ; mais
(1) On ne trouve pas de valvules Meckel et quelques autres anato-
dans les veines pulmonaires du Co- mistes y ont trouvé des valvules rudi-
chon, où ces vaisseaux se réunissent mentaires {cl).
(a) Meckel, loc. cit.
(b) Cliauveau, Amlomie des Animaux domestiques, p. 566.
(c) Mayer, Ueber die Klappen in den Lungenvenen (Zeitsclirift fur Physiologie von Treviranns
1829, t. III, p. 155).
(d) Cruveilhier, Anatomie descriptive, t. III, p. 1 4.
CHEZ LES MAMMIFÈRES. 609
neux, et c'est dans les deux réseaux de vaisseaux capillaires
placés entre les deux moitiés de ces cercles irrigatoires que le
sang change de caractère et devient alternativement veineux
ou artériel. Enfin nous avons vu aussi que dans cette classe,
de même que chez les Oiseaux, la disposition de l'appareil cir-
culatoire est telle que ces deux sortes de sangs ne se mêlent nulle
part. Mais, avant la naissance, les choses ne se passent pas de
la même manière, et la plus grande portion du sang qui arrive
au cœur par les veines caves pénètre dans l'aorte sans avoir
passé préalablement dans les vaisseaux de la petite circulation.
Je ne pourrais, sans anticiper trop sur l'histoire du développe-
ment de l'embryon, expliquer dans ce moment comment la cir-
culation générale s'effectue chez le fœtus ; je réserverai donc
cette question pour une autre partie de ce Cours , et , sans
m'arrêter davantage sur l'étude anatomique de l'appareil irri-
gatoire , je passerai maintenant à l'examen du mécanisme à
l'aide duquel le courant sanguin y est établi et des circonstances
qui influent sur la rapidité avec laquelle ce courant parcourt
l'organisme vivant ; ou , en d'autres mots, après avoir décrit,
comme je viens de le faire, le système hydraulique des Ani-
maux, je m'occuperai des phénomènes physiologiques dont cet
appareil est le siège. Pour compléter cette étude, il nous faut
effectivement examiner ces parties quand elles sont en mouve-
ment aussi bien que lorsqu'elles sont en repos, et, dans la pro-
chaine Leçon, je commencerai ces investigations en m'occupant
d'une manière spéciale du jeu de la pompe foulante constituée
par le cœur.
ADDITIONS.
VINGT -DEUXIÈME LEÇON.
Page 151, note n° 1. — Depuis l'impression de cette note, l'illustre natura-
liste de Berlin, que la science vient de perdre, Johannes Muller, a publié, sur
la structure des Ptéropodes, de nouvelles observations qui justifient pleinement
la réserve avec laquelle j'ai cru devoir parler de la communication signalée
par quelques zoologistes, comme existant entre le système veineux de ces
Mollusques et l'extérieur. En effet, le péricarde communique avec l'extér ieu
par l'intermédiaire du sac bojanien, ainsi que l'avait constaté M. Gegenbauer;
mais Muller a trouvé que le canal branchio-cardiaque ne débouche pas dans la
cavité péricardique, et la traverse pour pénétrer jusque dans l'oreillette du
cœur. Le sang ne se répand pas dans le péricarde, et le liquide contenu dans
cette poche ne paraît pas pouvoir arriver dans le système circulatoire (Muller,
Bemerkungen ans der Entwickelungsgeschichte der Pteropoden, aus dem
Monatsbericht der Âkad. der Wissensch. su Berlin, 1857;.
FIN DU TOME TROISIEME.
TABLE SOMMAIRE DES MATIERES
DU TOME TROISIÈME.
VINGTIÈME LEÇON.
DE LA CIRCULATION DU SANG.
Histoire de la découverte de ce
phénomène 1
Connaissances acquises à ce sujet
par les anciens médecins de la
Grèce 2
Par Aristote 4
Par l'école d'Alexandrie 6
Par Galien 11
État des études anatomiques pen-
dant le moyen âge et à l'époque
de la renaissance 13
Travaux de Vésale 14
Idées de Michel Servet 15
Observations de Colombo et de
Césalpin . 19
Découvertes anatomiques d'É-
tienne. de Cannanus , d'Eus-
tachi et de Fabricius d'Acqua-
pendente 21
Découvertes de Harvey 22
Analyse du travail de ce physio-
logiste 24
Opposition faite par les contem-
porains de Harvey 35
Observations de Malpighi sur la
circulation dans les capillaires. 37
Preuves de la communication des
artères et des veines fournies
par les injections 39
Remarques historiques sur l'art
d'injecter les vaisseaux 40
Recherches sur la circulation
chez les Animaux inférieurs. . 42
Observations sur la circulation
lacunaire 44
VINGT ET UNIÈME LEÇON.
De l'irrigation physiologique en
général 4"
De l'irrigation effectuée par l'ap-
pareil gastrique chez les Zoo-
phytes 43
Disposition de cet appareil et
phénomènes qui s'y observent
chez les Sertulariens 49
Appareil gastro - vasculairc des
Acalèphes 55
Médusaires 56
Béroïdiens 62
Appareil gastro - vasculaire des
Coralliaires 69
De la circulation dans l'embran-
chement des Mollusques 76
Circulation lacunaire dans la classe
des Bryozoaires 77
Circulation semi-vasculaire dans
la classe des Tuuiciers 79
Vues théoriques sur le mode de
constitution du système vas-
culaire 81
Du phénomène de la circulation
alternante chez les Tuniciers. 85
Disposition de l'appareil circula-
toire chez les Ascidies 89
Chez les Biphores 92
VINGT-DEUXIÈME LEÇON.
De la circulation du sang chez
les Mollusques proprement dits. 96
Caractères généraux de l'appareil
circulatoire chez ces Animaux. 98
Du système circulatoire dans l'or-
dre des Acéphales 98
Chez les Acéphales Abranches (ou
Dentales) 98
Chez les Brachiopodes 10 1
Chez les Lamellibranches 103
Du cœur chez ces Mollusques. . . 104
De leur système artériel 1 1 1
Système veineux H4
Vaisseaux branchiaux 127
612 TABLE SOMMAIRE
De la circulation chez les Mol-
lusques Gastéropodes 129
Cœur 130
Système artériel incomplet des
Haliotides 131
Des Patelles 135
Des Oscabrions 136
Système artériel complet des Gas-
téropodes ordinaires 138
Système brauchio-cardiaque. . . 139
Système veineux 143
Système veineux lacunaire des
Aplysies 144
Des Colimaçons 146
DesDoris, etc 149
Des Firoles loi
Des Éolidiens 131
Des Planorbes, Paludines, etc.. . 154
Observations relatives à la com-
munication de ce système avec
l'extérieur chez divers Gasté-
ropodes .... 155
De la nature des canaux appelés
système aquifère par M. Délie
Chiaje 158
De la circulation chez les Ptéro-
podes 139
Additions 160
De l'appareil circulatoire dans la
classa des Céphalopodes 161
Cœur artériel 163
Artères '. 166
Vaisseaux branchio-cardiaques. . 166
Système veineux du Poulpe 167
Cœur veineux 1 69
Système veineux des Calmars et
des Seiches 170
Système veineux du Nautile. .. . 171
Résumé des caractères du système
circulatoire chez les Mollus-
ques 174
VINGT-TROISIÈME LEÇON.
De la circulation du sang chez
les Crustacés , les Arachnides
et les Myriapodes 178
Considérations préliminaires.. . . 178
De l'appareil circulatoire dans la
classe des Crustacés 179
De la direction du courant circu-
latoire chez les Décapodes ... . 180
Cœur des Décapodes 183
Système artériel 185
Cœur et artères des Squilles. ... 188
DES MATIERES.
Cœur des Crustacés inférieurs. . . 189
Système veineux lacunaire des
Décapodes , etc 190
Vaisseaux branchio-cardiaques. . 193
Sinus péricardique 194
Appareil circulatoire des Crustacés
inférieurs. . 196
Résumé 199
De l'appareil circulatoire dans la
classe des Arachnides 200
Cœur du Scorpion 202
Système artériel 203
Système veineux 204
Résumé 206
Mécanisme de la circulation chez
ces Arachnides 207
De l'appareil circulatoire chez les
Aranéides 208
Appareil circulatoire des Ara-
chnides trachéennes 209
De la circulation dans la classe
des Myriapodes 211
VINGT-QUATRIÈME LEÇON.
De la circulation chez les In-
sectes 215
Découverte du vaisseau dorsal ... 215
Constatation de l'absence d'ar-
tères et de veines 215
Découverte des phénomènes de la
circulation du sang chez les
Insectes 216
Structure du vaisseau dorsal. . . . 219
Système lacunaire 224
Questions relatives au rôle des
espaces péritrachéens 227
Résumé des discussions relatives
à la circulation lacunaire chez
les Animaux Invertébrés 232
VINGT-CINQUIÈME LEÇON.
De la circulation chez les Vers. 239
De l'existence d'un système vas-
culaire complet et indépendant
chez ces Animaux 239
Mode de formation de ces vais-
seaux. 240
Disposition du système circula-
toire dans la classe des Turbel-
lariés 242
Némertiens 243
Planaires 246
Des vaisseaux sanguins dans la
classe des Nématoïdes 246
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES.
613
De l'appareil circulatoire dans la
classe des Ânnélides - . . 247
Système cavitaire 2iS
Disposition générale du système
vasculaire 250
Système vasculaire des Hirudi-
nées 254
Du mouvement du sang chez les
Hirudinées 261
De l'appareil vasculaire des An-
nélides Chétopodes 264
Des organes moteurs de l'appareil
circulatoire chez les Annélides. 268
Résumé 278
De la circulation chez les Tréma-
todes 279
Questions relatives aux fonctions
de ces vaisseaux 280
Disposition anatomique d'un sys-
tème particulier de vaisseaux
chez ces Vers 280
Des vaisseaux rudimentaires dans
la classe des Vers cestoïdcs. . . 286
Des parties qui ont été considé-
rées comme étaut des vaisseaux
sanguins dans la classe des
Rotateurs 2S7
De la circulation chez les Zoo-
phytes de la classe des Échino-
dermes 288
Vaisseaux des Holothuries 292
Vaisseaux des Oursins et des As-
téries 297
Vaisseaux des Siponcles , etc. . . . 299
VINGT-SIXIÈME LEÇON.
De la circulation chez les Ani-
maux VERTÉBRÉS 303
Mode de formation de l'appareil
vasculaire chez l'embryon. .. . 303
Appareil circulatoire de l'Am-
phyoxus 306
Caractères généraux de l'appareil
circulatoire des Vertébrés or-
dinaires 308
Position du cœur 309
Péricarde 309
Conformation générale du cœur
chez les divers Vertébrés 314
De l'appareil circulatoire des
Poissons 316
Cœur 316
Système artériel . 326
Aorte antérieure ou artère bran-
chiale 327
Racines de l'aorte dorsale 333
Artères de distribution 340
Système veineux 353
Veines cardinales et leurs af-
fluents 355
Système de la veine porte rénale. 356
Système de la veine porte hépa-
tique 362
Dégradation du système veineux
chez les Lamproies 369
Des communications du système
veineux avec les vaisseaux lym-
phatiques. 371
VINGT-SEPTIEME LEÇON.
De l'appareil circulatoire des
Batraciens
Disposition générale
Structure du cœur
Système artériel
Vaisseaux branchiaux
Mode de transformation des vais-
seaux branchiaux en crosses
aortiques , etc
Artères pulmonaires
Mode de distribution des artères.
Système veineux général
Veines pulmonaires
Du courant circulatoire chez les
divers Batraciens
Comparaison entre les Batraciens
et les Poissons
37 2
372
372
378
378
384
387
395
399
401
403
406
VINGT-HUITIÈME LEÇON.
De la circulation chez les Rep-
tiles 408
Caractère général de l'appareil
circulatoire de ces Animaux. . 408
Cœur des Chéloniens 411
Cœur des Ophidiens. 417
Cœur des Sauriens ordinaires. . . 421
Cœur des Crocodiliens 424
Des crosses . aortiques chez les
Sauriens ordinaires 426
Des crosses aortiques chez les
Crocodiliens 429
Système artériel général des Cro-
codiliens 432
Système artériel généra! des Sau-
riens ordinaires 436
Système artériel général des Ophi-
diens 440
Système artériel général des Ché-
loniens 441
61&
TABLE SOMMAIRE DES MATIERES.
Système veineux des Reptiles en
général 442
Veines des Ophidiens. ........ 443
Veines des Sauriens ordinaires. . 4 44
Veines des Crocodiliens 446
Vaisseaux de la petite circula-
tion 448
VINGT-NEUVIÈME LEÇON.
Appareil circulatoire des Oi-
seaux '. . £ 450
Disposition générale 450
Développement du cœur 4SI
Structure du cœur 452
Système artériel 455
Système veineux 464
Petite circulation 470
TRENTIÈME LEÇON.
Appareil circulatoire chez les
Mammifères 473
Mode de développement du cœur
et de ses dépendances , com-
paré à ce qui se trouve chez les
autres Vertébrés 473
Caractères généraux de l'appareil
circulatoire des Mammifères. . 476
Position du cœur 47 7
Péricarde 479
Volume du cœur 480
Forme du cœur 482
Structure du cœur 486
Ventricule gauche 492
Ventricule droit 497
Oreillettes- 503
Nerfs du cœur 508
Système artériel 511
Structure des artères 512
Artère aorte 510
Origine des artères de la tète et
des membres thoraciques. . . . 520
Artères carotides 527
Artère carotide externe et ses
branches chez l'Homme 529
Artère carotide interne et ses
branches 531
Artère vertébrale 532
Des artères de la tète chez les
autres Mammifères 534
Des artères sous-clavières et leurs
branches chez l'Homme 539
Des artères des pattes antérieures
chez les divers Mammifères. . . 542
De l'aorte descendante 546
Artères intercostales, etc 548
Artères des viscères abdominaux. 550
Artères des membres inférieurs. . 557
Système des vaisseaux capillaires . 566
Structure de ces vaisseaux. ..... 568
Système veineux 570
Structure des veines 570
Capacité des veines 576
Anastomoses 576
Mode de développement des prin-
cipales veines 577
Système des veines jugulaires. . . 580
Veine jugulaire externe et ses
affluents 58 1
Veine jugulaire interne et ses dé-
pendances 582
Veine jugulaire antérieure 586
Veine vertébrale 586
Veines des membres thoraciques. 588
Veines des membres abdominaux. 590
Veine cave inférieure 591
Système de la veine porte 592
Terminaison de la veine cave in-
férieure 594
Veine azygos 595
Veines rachidienncs 597
Veines du cœur 601
Particularités du système veineux
chez quelques Mammifères. . . 602
Vaisseaux de la petite circula-
tion 603
Artère pulmonaire 603
Veines pulmonaires 606
jfwï
PBPÏS^MP
sSPîte
),F31
g — 1/1
Ed9
^.ês*&£/
- -^
#^(§f ; :
+*&\.
ri?
F? -
;V
./
■jr-
■ *#?
•%■"■■
f*">
X-
«
-
:
«r
\\
<:
3
fe^m-mt
■;■-■
^
..
. fc#-
I
m
■
; • '
' V- ! sjS*à?7!
f
& "■:■.■