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LEÇONS
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ÂNATOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX.
€JfM
Paris, — Imprimorie de E. Martinet, rue Mignon,
LEÇONS
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANÂÏOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX
FAITES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
PAR
C^.L.H., C.L.N., CE. P., ce.
Doyen delà Faculté des sciences de Parif, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle;
Membre de l'Institut jAcadémie des sciences) ;
des Sociétés royales de Londres et d'Edimbourg ; des Académies de Stockholm,
de Saint-Pétersbourg, de Berlin, de Kônigsberg. de Copenhague, d'Amsterdam, de Bruxelles,
de Vienne, de Hongrie, de Bavière, de Turin et de Naples ; des Curieux de la nature de l'Allemagne ;
de la Société Hollandaise des sciences ; de l'Académie Américaine;
De la Société des Naturalistes de Moscou ;
des Sociétés des Sciences d'Upsal, de Gottingue, Munich, Gôtenbourg,
Liège, Somerset, Montréal, l'île Maurice; des Sociétés Linnéenne et Zoologique de Londres;
de l'Académie des Sciences naturelles de Philadelphie; du Lycéum de New-Vork ;
des Sociétés Entomologiquesde France et de Londres; des Sociétés Anthropologique
de Londres, et Ethnologiques d'Angleterre et d'Amérique ;
de l'Institut historique du Brésil;
De,l'Acadéraie impériale de Médecine de Paris;
des Sociétés médicales d'Edimbourg, Je Suède et de Bruges; de la Société des Pharmaciens
de l'Allemagne septentrionale ;
Des Sociétés d'Agriculture de France, de New-York, d'Albany, etc.
TOME HUITIÈME
PARIS
VICTOR MASSON ET FILS
PLACE DE l'école-de-médecine
M DCCC LXIII
v
Droit de tradnclion réservé. ;
/
s/
/rj'7-
LEÇONS
!y
SUR
LA PHYSIOLOGIE
ET
L'ANÂTOMIE COMPARÉE
DE L'HOMME ET DES ANIMAUX.
SOIXANTE -SEPTIÈME LEÇON.
Conséquences du travail nutritif. — Production de chaleur. — Causes des différences
dans la température propre des Animaux. — Influence de la transpiration sur la
faculté de résister à une chaleur excessive de l'air. — Vertébrés à sang chaud ;
Animaux hibernants. — Influence du froid sur les enfants nouveau-nés et les
autres jeunes Animaux à sang chaud. — Influence de l'activité musculaire, du
sommeil, etc., sur le développement de la chaleur. — Influence du système
nerveux.
^ 1 . — La plupart des transformations chimiques de la La production
^_ ^ ^ ^ ^ ^ ^ de chaleur
matière organique dont l'étude nous a occupés dans la dernière est une
conséquence
Leçon, sont, comme nous l'avons vu, des conséquences plus de la
, , combusiion
ou moins directes de l'introduction de l'oxygène dans l'eco- physiologique.
nomie animale par l'acte de la respiration. Cet élément com-
burant, puisé dans le milieu ambiant et porté par le fluide
nourricier dans toutes les parties de l'organisme, s'y fixe sur
les matières combustibles qu'il y rencontre et les brûle d'une -
manière plus ou moins complète.
vin. 1
" MJTKITION.
Or, loiilc combustion de ce genre est accompagnée d'un cei-
taia dégagement de chaleur. Par conséquent, tout être animé,
})ar cela seul qu'il respire, doit être un foyer calorifique, et la
production de la chaleur animale, qui est si facile à constater
chez l'Homme et les autres Vertébrés supérieurs, doit dépendre
en totalité ou en partie de cette combustion physiologique.
Telle fut, en effet, l'explication que l'illustre Lavoisier donna
de ce phénomène, dès qu'il eut constaté le grand fait de l'ab-
sorption de l'oxygène et de la production d'acide carbonique
parles Animaux qui respirent; et cette théorie est certainement
l'expression de la vérité, bien que la source de chaleur qu'elle
signale puisse ne pas être la seule qui contribue à élever la
température de ces êtres (1).
(1) Avant la découverte de la na-
ture du phénomène de la combustion,
découverte dont j'ai rendu compte
dans une précédente Leçon (a), on ne
pouvait avoir que des notions fort
vagues sur les causes de la chaleur
animale, et pendant longtemps il régna
à ce sujet des opinions qui aujourd'hui
ne mérilent pas la discussion. Ainsi
les anciens attribuèrent la température
propre du corps de rilomme à une
chaleur innée qui se communiquerait
du cœur au sang (6). Vers le commen-
cement du xvii<= siècle, Van Helmont
combattit cette hypothèse, mais il n'y
substitua rien de satisfaisant, et il crut
pouvoir expliquer la chaleur animale
par la production d*un esprit vital qui
se développerait dans l'intérieur du
'cœur (c). Descartes , adoptant des
vues analogues, l'attribua à une fer-
mentation du sang dans les cavités
du cœur (d). Sylvius la considéra
comme due à une action ou à une
effervescence produite par le contact
du chyle et de la lymphe, et il sup-
posa, avec les anciens, que la respii'a-
tion servait à emporter la chaleur
ainsi produite (e). Plus tard, Steven-
son s'approcha davantage de la vé-
rité, en considérant la chaleur animale
comme étant due aux transformations
que les humeurs de l'organisme et
les aliments subissent sans cesse dans
l'intérieur du corps (/) ; et llamberger
compara ce phénomène à l'espèce de
combustion spontanée qui se déve-
loppe dans les amas de fumier (g).
Enfin Mayow en conçut une idée plus
juste, lorsqu'il supposa que la ma-
tière désignée sous le nom de 'prin-
cipe nitro-aérien de l'air produit la
(a) Voyez tome I", page 400 et siiiv.
{b) Voyez Hallcr, Elemènta physlologiœ, lib. VI, L II, |j. -2S1.
(() Van Helmont, Traitd de l'esprit de vie nominé archée {Œuvres, Irad. de Leconlc, ji. 185).
(d) Descarlcs, De la formalioii du fœtus {Œuvres, étlil. dc'M. Cousin, t. IV, p. -437).
(e) Sylvius, Disput. med., cap. vu.
(/■) Stevenson, Médical Essays, t. V, 2° partie, p. 800.
(g) Haraberijer, Physiologia medica, 1751, p. 24.
PRODUCTION DE CHALEUR. 3
Quand je parle des découvertes de Lavoisicr, j'ai toujours
peine à ne pas dire combien est profonde l'admiration que son
génie m'inspire. Dans nos écoles, on ne manque pas de le
signaler à la reconnaissance publique comme le fondateur de
la chimie moderne, science qui depuis un demi-siècle a con-
tribué plus que toute autre à l'agrandissement des connais-
sances humaines ; mais on ne lui rend ainsi qu'une justice
chaleur en s' unissant au sang dans
1c poumon et en déterminant dans
le fluide nourricier une sorte de fer-
mentation compai'able à celle dont
naît la chaleur dans une combustion
ordinaire (a). D'autres physiologistes
substituèrent h ces hypothèses chi-
miques des explications mécaniques,
et attribuèrent la production de la
chaleur animale au fi'Oîtement du sang
contre les parois des vaisseaux dans
lesquels ce liquide circule, ou à d'autres
causes analogues (6).
Tout était donc incertain et obscur,
lorsque Lavoisier, rapprochant entre
eux, les phénomènes de la combustion
dans un foyer inerte et ceux delà respi-
ration dans les poumons d'un Homme
ou de tout autre Mammifère , fut con-
duit à considérer cette fonction phy-
siologique comme une véritable com-
bustion, et à attribuer à celte combus-
tion le développement de chaleur qui
maintient la température du corps de
ces êtres au-dessus de celle de l'at-
mosphère. Ses vues à ce sujet furent
développées successivement dans les
beaux mémoires qu'il publia vers
1777 (c) : aujourd'hui elles sont géné-
ralement admises dans tout ce qu'elles
ont d'essentiel ; mais pendant long-
temps elles ne furent pas adoptées
partons les physiologistes, et quelques-
uns de ceux-ci cherchèrent à expliquer
la production de la chaleur animale
par l'action du système nerveux, tandis
que quelques physiciens se deman-
dèrent si elle ne serait pas due au
jeu des forces électriques ; enfin des
hypothèses mécaniques eurent aussi
leurs partisans (d). Nous examine-
rons bientôt comment l'action ner-
veuse agit sur la température du
corps, en influant sur les conditions
dans lesquelles la combustion vitale
s'opère, et nous aurons à chercher si
d'autres actions chimiques ou phy-
siques ne concoui'ent pas à développer
de la chaleur dans l'organisme ; mais
je dois dire dès ce moment que la
théorie lavoisienne, considérée non
dans ses détails, mais dans son es-
sence, me paraît être l'expression de
la vérité, et rendre compte de tout ce
qui est fondamental dans ce phéno-
mène.
(a) Mayow, Tractatus, p. 151 et suiv.
(6) Boerhaave, Eléments de chimie, f. I, p. 213.
— Haies, Hémostatique, ou statique des Animaux, p. 76.
(c) Lavoisier, Expériences sur la respiration des Animaux et sur les changements qui arri-
vent à l'air en passant par leur poumon (Mém. de l'Acad. des sciences, \ 777, p. \ 85). — Mém-
sur la combustion en général (loc. cit., p. 592).
(d) Wiiin, On a Remarkable Property of Arteries considered as a Cause of Animal Heat
{Londnn and Edinburgh Philosophical Magazine, t. XIV, p. 174).
[i INUTHITION.
iricomplèle. Lavoisier était un des plus grands physiologistes
des. temps modernes, et ses titres de gloire comme tel ne con-
sistent pas seulement dans les résultats immédiats de ses beaux
travaux ; l'influence qu'il a exercée sur la direction des reclier-
ches physiologiques a été non moins puissante qu'utile : il a
montré à tous ceux qui étudient les phénomènes de la vie
comment la chimie peut les conduire à la solution de plus
d'une question capitale; comment dans ce but ils doivent inter-
roger expérimentalement la nature, et comment il convient de
raisonner sur les faits que les recherches de cet ordre leur four-
nissent. Avant lui tous les physiologistes se contentaient trop
facilement de considérations vagues ou d'hypothèses dépourvues
de bases solides ; il a commencé à les accoutumer à une logique
claire, précise et rigoureuse, en même temps qu'il élevait leiu^
esprit par la grandeur et la justesse de ses vues. Son style,
simple et saisissant, était aussi un modèle à suivre, et, pour
faire connaître ses pensées sur le sujet qui nous occupe ici,
on ne saurait mieux faire que de rapporter ses paroles.
« La respiration, dit Lavoisier, n'est qu'une combustion
« lente de carbone et d'hydrogène, qui est semblable en tout à
» celle qui s'opère dans une lampe ou dans une bougie allumée,
» et, sous ce point de vue, les Animaux qui respirent sont de
» véritables corps combustibles qui brûlent et se consument.
^> Dans la respiration, comme dans la combustion, c'est l'air
» de l'atmosphère qui fournit l'oxygène et le calorique-; mais
» comme dans la respiration, c'est la substance même de
» l'Animal, c'est le sang qui fournit le combustible, si les Ani-
» maux ne réparaient pas habituellement par les aliments ce
« qu'ils perdent par la respiration, l'Iiuile manquerait bientôt à
« la lampe, et l'Animal périrait, comme une lampe s'éteint lors-
» qu'elle manque de nourriture.
» Les preuves de cette identité d'effets entre la resi)iration
); et la combustion se déduisent immédiatement de roxpérience.
PRODUCTION DR CllALlîL'R. 5
» En effet, l'air qui a servi à la respiration ne contient plus, à la
» sortie du poumon, la même quantité d'oxygène; il contient
» non-seulement du gaz acide carbonique, mais encore beau-
« coup plus d'eau qu'il n'en contenait avant l'inspiration. Or,
» comme l'air vital ne peut se convertir en acide carbonique
» que par une addition de carbone, qu'il ne peut se convertir
w en eau que par une addition d'hydrogène , que cette double
» combinaison ne peut s'opérer sans que l'air vital perde une
» partie de son calorique spécifique, il en résulte que l'effet de
» la respiration est d'extraire du sang une portion de carbone
« et d'hydrogène, et d'y déposer à la place une portion de son
» calorique spécifique, qui, pendant la circulation, se distribue
» avec le sang dans toutes les parties de l'économie animale, et
» y entretient cette température à peu près constante que l'on
)) observe dans tous les Animaux qui respirent. On dirait que
» cette analogie qui existe entre la respiration et la combustion
» n'avait point échappé aux poètes, ou plutôt aux philosophes de
» l'antiquité, dont ils étaient les interprètes et les organes. Ce
» feu dérobé du ciel, ce flambeau deProméthée ne présente pas
» seulement une idée ingénieuse et poétique ; c'est la peinture
w tidèle des opérations de la nature, du moins pour les Animaux
» qui respirent : on peut donc dire avec les anciens, que le flam-
« beau de la vie s'allume au moment où l'enfant respire pour la
» première fois, et qu'il ne s'éteint qu'à sa mort. En considérant
» des rapports si heureux, on serait quelquefois tenté de croire
» qu'en effet les anciens avaient pénétré plus avant que nous ne
» le pensons dans le sanctuaire des connaissances, et que la fable
» n'est véritablement qu'une allégorie sous laquelle ils cachaient
» les grandes vérités de la médecine et de la physique (1). »
(I) Ce passage se trouve dans un la plume du premier de ces auteurs ,
mémoire écrit par Lavoisier et Séguin dont le style est facile à reconnaître, et
en 1789 (a) ; mais il est évidemment de difl'ère beaucoup de celui de Séguin.
(a) SfiLjuin et Lavoisier, Premier mémnire snr la reajiiraVinn d-'n Aiiimavx (Mém. de l'Arnd.
des sciences pow 1789, p. 570).
fi NUTRITION.
Tous Cetto théorie de la chaleur animale, je le répète, est inatta-
los Animaux , . • i i
produisent quable dans tout ce c[ui est essentiel. Au premier abord, cepen-
pliis ou moins ii'i- • • . , y n .
de chaleur, daiit, Ics pliysiologistcs pouvaient se croule autorises a y taire
des objections spécieuses. En effet, nous avons vu précédem-
ment que tous les Animaux respirent : tous consomment donc
de l'oxygène et produisent de l'acide carbonique. Mais ils dif-
fèrent beaucoup entre eux sous le rapport de la faculté de
Animaux dévcloppcr dc la chaleur, et depuis longtemps on les a classés,
■' «»"y'^='"'* pour cette raison, en deux catégories, sous les noms iV Animaux
h sang froid. ^ ^^^^g çj^^jy^^ gj- ({' Animaux à sang froid (1).
Les premiers sont les Mammifères et les Oiseaux. La tempé-
rature de leur corps est d'ordinaire notablement supérieure à
celle de l'atmosphère, et en général ne change que très peu,
malgré les variations qui peuvent survenir dans celle-ci.
Chez les Animaux dits à sang froid, on n'aperçoit au toucher
aucun indice de chaleur propre , et la température du corps
s'abaisse avec celle du milieu ambiant. Tous les Animaux
invertébrés, ainsi que les Poissons, les Batraciens et les Rep-
tiles, présentent ce caractère, et comme la température de l'at-
mosphère est d'ordinaire beaucoup au-dessous de celle de notre
main, ils produisent sur nous une sensation de froid quand on
vient à les toucher. Mais c'est à tort qu'on les a considérés
comme privés de la faculté de produire de la chaleur ('2\ Tous
(1) Dutrocliet a proposé de siibsli- grand renom qui ont considéré les
tuer à ces expressions celles ffAni- Animaux à sang froid comme étant
maux à haute température et dC Ani- dépourvus de la faculté de produire
maux à basse température , dési- de la chaleur, je citerai en première
gnations qui en effet seraient plus ligne Treviranus (6).
conformes à la vérité (a) ; mais l'u- Je dois ajouter que depuis fort long-
sage des premières est trop généra- temps quelques autres physiologistes
lement répandu pour pouvoir être étaient d'un avis contraire, et pen-
abandonné. saient que les Animaux vertéijrés à
(2) Parmi les physiologistes de sang froid, ainsi que certains Inver-
(a) Dutrocliet, Recherches sur la chaleur propre des êtres vivants à basse température (Anv.
lies sciences nat., 2' série, 1840, t. XIII, p. 5).
(6) Treviranus, Binlngie, I. V, p. 19. — Die Erscheinunqen des Lehens, I. I, p. iiCt.
PRODUCTION \)K CIlALliUli. - '
CM développent, mais d'ordinaire la (luanlilé en esl l'aible; cl
connme leur corps est généralement d'un [)elit volume, leur
température se met très vite presque en équilibre avec celle du
milieu ambiant.
A l'aide d'un thermomètre ordinaire, dont on place le réser-
voir dans l'intérieur du corps de l'Animal que l'on étudie, on
peut presque toujours reconnaître que chez un Vertébré à sang-
froid la température est un peu plus élevée que celle de l'an-
ou de l'eau où il vit (1). La différence est très petite chez la
plupart des Poissons : elle est communément d'un peu moins Tempérau,re
* '■ dos
d'un degré centigrade (2).
l'oissons.
tébrés, n'étaient pas complètement
dépourvus de clialeur propre (a).
Ainsi , limiter avait remarqué que
l'eau en contact avec le corps d'un
Poisson gèle moins vite que celle
-située à quelque distance (5), et il
avait constaté une certaine élévation
de température au centre de divers
agroupements d'Animaux invertébrés.
tl) Dans les expériences thermo-
métriques de ce genre, il faut avoir
soin d'opérer sur des Animaux qui
sont restés depuis longtemps dans un
milieu à température peu variable ,
car leur corps ne se met que lente-
)nent en équilibre de température
avec le fluide extérieur, et les diffé-
rences observées dépendent souvent
de cette dernière circonstance. C'est
de la sorte que paraît devoir être
expliquée l'infériorité de la tempéra-
ture du corps, comparée à celle de
l'atmosphère, signalée chez un Scor-
pion et chez quelques Reptiles par
!M. J. Davy et plusieurs autres physi-
ciens (c), ainsi que chez certains Pois-
sons qui souvent avaient séjourné dans
une eau plus froide que le milieu dans
lequel on les observait (rf).
(2) En général, la température du
corps des Poissons ne dépasse celle
du milieu ambiant que d'environ trois
quarts de degré ou d'un degré centi-
grade (e), et^ dans la plupart des cas
où une chaleur plus forte a été obser-
vée, cela dépendait probablement de
ce que la température extérieure au
moment de l'expérience était inférieure
à celle du milieu où l'Animal se trou-
vait peu de temps auparavant, et que
l'équilibre n'avait pu encore s'établir;
Ainsi, Krafft estima la température
propre du Brochet à 3 degrés (/") ;
Hunter attribua à la Carpe une cha-
(a) Haller, Elemenla physiologiœ, t. II, p. 28.
(6) Hunter, Observations on certain Parts ofthe Animal Ëconomy, p. 105.
(c) J. Da\y, On the Température of Man and other Animais [Researches Anatomical and,
l'hysiological, 1. 1, p. 189 et siiiv.). — Ann. de chimie et dephysique, 1826, t. XXXIII, p. 181 .
(d) Verdun de la Crenne, Borda et Pingre, Voyage en diverses parties de l'Europe, de l'Afrique
et de l'Amérique, l'778, t. I, p. 236.
(e)Braun, De calore Animalium, dissert, physica experimentalis {Novi Commentarii Acad.
scient. PetropoUtanœ, 1769, t. XIII, p. 427).
(/■) Krafft, Prœlecliones in physicam theorelicnm, 1750, p. 293.
NUTRITION.
Tcmpcniimc L(> [luiivolr calurigciio des Balracicns est également 1res
lies
Balracicns. Ihiblo, cl, (Iniis la plupail des circonstances, la température de
leur propre de l",9/i {a) , et Etiiiiva
évalua celle chaleur à 3 degrés (b) ;
laiulis que dans les expériences mieux
laites par Broussonnet (c) ei par
M. Desprelz, l'excès de la tempéralurc
du corps de ce dernier Poisson sur
celle du milieu ambiant ne fut trouvé
que de 0",93 par le premier de ces
auteurs, et de O^jSG par le second,
différence qui est sans importance (cl).
M. Desprelz, en prenant toutes les
précautions nécessaires pour éviter
les causes d'erreur, ne trouva que 0°,71
chez la Tanche, et M. Becquerel, en
opérant sur la même espèce, ne con-
stata que 0°,5 (e), nombre qui se rap-
proche extrêmement de celui fourni
beaucoup plus anciennement par les
observations de .Martine sur divers
Poissons (/■).
Broussonnet trouva 0*',90 chez l'An-
guille et de 0°,62 à 0°,93 chez divers
petits Poissons ; Paidolphi trouva envi-
ron 0",5 chez la Torpille (g) ; et Ber-
ihold ne put découvrir dans quel-
ques cas aucune différence entre la
température du corps et celle de l'eau
adjacente chez les Carpes, tandis que
d'autres fois (principalement dans la
saison froide), la température de ces
Poissons dépassait de 0^,25 ou de
0',50 celle du milieu ambiant : chez
les Anguilles, la chaleur propre était
quelquefois de i°,5 ou même de 2 de-
grés (h). Eydoux et Souleyet trou-
vèrent que la température d'un Ile-
quin était 26°, 6, tandis que celle de
l'eau dont on venait de l'extraire n'é-
tait que 23°, 2 (i). Enfin AI. Alartins,
en opérant avec un excellent thermo-
mètre de ^^'alferdin, ne constata que
0°, 65 chez un Grondin, ou Trigla
hirundo (j).
Dans une observation faite par
î\]. J. Davy sur un Poisson volant, la
chaleur propre ne fut évaluée qu'à
0,20 ; mais la plupart des observations
faites par ce chimiste donnent des ré-
sultats plus élevés. Ainsi , chez les
Truites du mont Cenis, qui vivaient
dans de l'eau provenant de la fonte
des neiges et dont la température n'é-
tait que de /i°,/i, il trouva une tempé-
rature intérieure de 5", 5, ce qui sup-
poserait une chaleur propre de 1°,1.
Chez un Squale, le même auteur vit
(rt) Hunier, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animaux de produire
de la chaleur (Œuvres, l. IV, p. 220).
{&) Broussonnet, il/cm. pour servir à l'histoire de la respiration des Poissons {Mém. de l'Acad.
des sciences, 1785, p. idi).
(c) Buniva, Mém. concernant la physiologie et la pathologie des Poissons [Mém. de l'Acad. des
sciences de Turin, an xii, t. Xll, p. 78).
(dj Desprelz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale [Ann. de chimie
cl de physique, 1824, t. XXVI, p. 338).
(c) Becquerel, Traité de physique considéré dans ses rapports avec la cldmie et les sciences
naturelles, 184i, t. II, p. 07.
(/■) Martine, Essais sur la construction et la comparaison des thermomètres, sur la communi-
cation delà chaleur et sur les différents degrés de la chaleur des corps, trad. de l'anglais, 1751,
p. 173.
(3) Rudûlplii, Eléments of Physiology , 1825, t. I, p. 1 57.
(h) Bcrlliold, A'eue Versuche ûber die Temperatur der kaltblûligen Thiere, 1835, p. 30.
{ij Bliiinvillc, P,apport (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t, VI, p. 458). — Voyage
autour du monde, fait en 1830 et 1837 à bord delà Bonite, Zoologie, t. I, p. xxxii).
(j) Marlins, Sur la températïire du Spatangus purpureus, du Trigla hirundo et du Gadus œglc-
linus des mers du Nord [Ann. des sciences nal., 3- série, 1840, t. V, p. 11)0).
PRODUCTION DE CHALEUIS. 9
leur corps ne s'élève que d'environ un demi-degré ou trois
quarts de degré au-dessus de celle (ki milieu ambiant (1).
le Uiennomètrc placé entre les mus-
cles de la queue de l'iVnimal s'élever
de i°,3 au-dessus de la tempéralure
du milieu ambiant, et dans l'intéiieur
du corps d'une Bonite il trouva que
la température l'emportait de 10 de-
grés sur celle de l'eau où l'Animal
avait été pris, température qui était
elle-même de 127 degrés (o). Chez un
autre Poisson de la famille des Thons,
le Pelamys sarda, M. J. Davy trouva
également une température notable-
ment supérieure à celle de l'eau dans
laquelle l'Animal vivait. Chez quatre
individus, la clialeur propre du Pois-
son fut estimée à 7 degrés au moins (6).
Enfin, Perrins a constaté une chaleur
propre d'un peu plus de 2 degrés
chez un Requin (c).
Je dois ajouter qu'en comparant à
l'aide d'un thermo-multiplicateur la
température du corps d'une Ablette
vivante et d'un individu mort qui
étaient placés dans la même eau ,
Dulrochet n'a pu reconnaître aucune
différence (d).
(1) Hunter estima la chaleur ani-
male de la Grenouille à 2°, 8 (e), et
dans les expériences de Czcrmak elle
varia entre O'',o2 et '2",[ili (f) ; mais
!\1.\I. Prévost et Dumas ne virent la
température intérieure de ces Batra-
ciens s'élever que de 1",5 au-dessus
de celle du milieu ambiant {(j). Dans
les expériences de M. Becquerel sur le
même Animal, les indications données
par le thermo-multiplicateur varièrent
entre 0% et 0%575 (h). Les résultats
obtenus par Dutrochet furent encore
plus faibles : pour la chaleur propre
de la Grenouille , il trouva 0°,0U, et
pour celle du Crapaud 0'',2 {i). Enfin,
M. Auguste Duméril, en comparant
les indications données par deux ther-
momètres placés l'un dans le cloaque
de plusieurs Grenouilles et l'autre dans
l'eau où ces Animaux étaient plongés,
évalua leur chaleur propre entre O",?
et 0°,3 (j).
D'après les observations de Rudol-
phi et de Czermak, la température
intérieure du Proteus anguimis pa-
raît être notablement plus élevée ; le
premier de ces physiologistes l'estime
à l'',25, et le second l'a vue varier
entre 2°,6 et 5°, 6 [k).
(a) J. Davy, Observations sur la température de l'Homme et des Animmix de divers genres
(Ann. de chimie et de physique, 1826, t. XXXIII, p. 195).
(b) S. Davy, Miscellaneoiis Observations on Animal Beat (Philos. Trans., 1844, p. 57, et Ann.
de chimie, 3" série, 1845, t. XIII, p. 174).
(c) Perrins, On the Température of the Sea (Nicliolson's Journal of Nat. Pldlosophtj, 1804,
t. VIII, p. 132).
(d) Dulrochet, Recherches sur la température propre des êtres vivants à basse température
{Ann. des sciences nat., 2* série, 1840, t. XIII, p. 23).
(e) Hunter, Op. cit. {Œuvres, t. IV, p. 206).
(0 Czermak, Zcitschrift filr Physik \ot\ Baumjiirtner und Ettingiiausen, 1821, "t. III, p. 385
(cilé d'après Berthoid).
(g) Prévost et Dumas, Examen du sang, etc. [Ann. de chimie et de j^hysique, 1823, t. XXIil,
p. 64).
(h) Becquerel, Traité de physique, t. il, p. 64.
(i) Dutrochet, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 2" série, t. XIII, p. 15).
(j) A. Duméril, nechcrches expérimentales sur la température d-s Reptiles [Ann. des sciences
nat., 3° série, 1852, i. XVII, p. 7).
(k) Rudolphi, Eléments of Pliysiology, t. I, p. JGO.
— Czcrmak, Op. cit.
viu. 2
Tcmiicratiirc
des
Reptiles.
10
NUTRITION.
Chez les Reptiles, la chaleur animale est parfois un peu plus
grande (1), et, comme nous le verrons bientôt, elle est sus-
ceptible de s'élever notablement dans certaines circonstances,
par exemple pendant la période d'incubation chez le Boa (2) ;
mais d'ordinaire la température intérieure de ces Vertébrés
à faible respiration ne dépasse celle de l'atmosphère que de
1 à 3 de<''rés.
(1) La chaleur propre des Tortues
a été estimée à 1",22 par Walbaum ;
à 2", 78 par Martine ; à 2%88 par Tie-
demann ; à 0%9 , 2°, 9 et o%9 par
M. J. Davy; eufin 1°,3 ou 3°, 5 par
Czermak (a).
D'après Murray, la température du
Caméléon paraît pouvoir sY'iever de
plus d'un degré au-dessus de celle
de l'air ambiant (6).
Chez le Lézard, l'excès de la tem-
pérature du corps sur celle de Tair
environnant a été trouvé de 0°,75 par
Bertliold; de 0°,75 à 1°, 25 par M. Bec-
querel ; de 1<',2 5 à 8°, 12 par Czer-
mak (c).
Chez la Vipère et les Couleuvres,
cette différence était de 0«,21 à 6°,3
dans les expériences de Czermak ; de
1%1 à 3%9 dans celles de M. J. Davy,
et de 0°,75 à 3°, 10 dans celles de
ai. Becquerel (d). Chez l'Orvet, Ber-
tliold a trouvé 0%25 à 0%50 (e).
J'ajouterai que dans une série d'ob-
servations thermométriques faites par
M. Jones, la température des parties
profondes de l'organisme fut trouvée
presque toujours un peu plus élevée
que celle des parties superficielles (f).
('2) En 1835, un naturahste voyageur,
M. Lamarre-Picquot, annonça à l'Aca-
démie des sciences que le grand Py-
thon de PLide produit beaucoup de
chaleur pendant que ce Serpent se
tient enroulé sur ses œufs pour eu
assurer l'incubation. Cette observation
n'inspira d'abord que peu de con-
fiance {g) ; mais bientôt après M. Va-
lenciennes eut l'occasion de bien con-
stater le fait de l'élévation de la
(a) Walbaum, Chdonogmphla, odev Beschreibiutg emigè)' Schildlcrôten, 1782, p. 26.
— Tiederaann, Traité de physiologie, t. II, p. 50G.
— S. 'Davy, Op, cit. {Ann. de chimie et de physique, iS'zi'), l.XXXlll, p. i{i3).
— Czermak, Op. cit.
(b) Murray, Expérimental Researches, 1826, p. 89.
(c) Bertliold, Neue Versuche iiber die Temperatur der kaltbliUigen Thiere. Gôtlinyen, 1835.
• — Becquerel, Traité de physique, t. II, p. 65.
(d) Czermak, Op. cit.
— J. Davy, Op. cit.
— Becquerel, Op. cit., t. II, p. 65 et 67.
(e) J. Jones, Investigations Chemical and Phgsiological relative lo certain American Verle-
brata, p. 70 [Smithsonian Contributions to Knowledge).
(f) Bertliold, Neue Versuche ûber die Temperatur der kaltbliUigen Thiere, p." 23.
(g) Duméril, Rapport sur un mémoire de M. Lamarre-Picquot, relatif aux Serpents de l'Inde
it à leur venin (Ann. des sciences nat., 2° série, 1835, t. 111, p. 35). — Sur le développement
de la chaleur dans les œufs des Serpents et sur l'influence attribuée à l'incubation de la mère
(ComiHcs rendus de l'Acad, des sciences, 1842, t. XIV, p. 193).
PUODUCTION UE CHALEUR. H
Chez les însec(es et les aiilres Animaux invertébrés, la eon-
statation de la produetion de chaleur intérieure est [)lus diCficile,
et pour rendre ce phénomène sensible il a fallu d'abord l'aire
agir à la fois plusieurs individus sur la boule du môme thermo-
mètre (1). Mais depuis l'invention des instruments délicats
Tciiiiiûraluri
des
Insectes.
température pendant celte période
chez lin des Pythons de la ménagerie
du Muséum. Il a vu la température
de ce Reptile s'élever à /il", 5, bien que
la température environnante ne montât
jamais au-dessus de 35°, 5 (a).
(i) Le développement de chaleur
par les Abeilles, quand ces Animaux
sont réunis en grand nombre dans
l'intérieur d'une ruche, n'échappa pas
à l'attention de Swammerdam; Ma-
> raidi l'observa également, et Réaumur
ainsi que Braun le constatèrent au
moyen du thermomètre (6). Hubert
trouva qu'en hiver la température des
ruches est maintenue par la chaleur
propre des Abeilles à environ 30 de-
grés centigrades (c), et plus récem-
ment des observations sur la produc-
tion de la chaleur par ces Insectes
vivant en société furent faites par
Juch, Newport et plusieurs autres
physiologistes (cl).
Des observations analogues ont été
faites sur les P'ourmis vivant en grand
nombre dans l'intérieur d'une four-
milière (e) et sur divers autres Insectes
emprisonnés dans des vases. Ainsi
Rengger observa une élévation très
notable de température dans un pot
renfermant beaucoup de Hannetons (/).
Hausmann vit le thermomètre s'élever
de plusieurs degrés dans une fiole
contenant des Carabes (g) , et Juch
obtint un résultat analogue avec
des Cantharides [h). Il est vrai que
dans quelques-unes de ces recherches
on ne prit pas toutes les précautions
nécessaires pour mettre le vase con-
tenant les Insectes à l'abri de l'in-
lluence de la chaleur propre de l'ob-
servateur ; mais dans les expériences
(a) Valeiicieniies, Observations faites pendant l'incubation d'une femelle de Python à deux
raies (Ann. des sciences nat., 2° série, 1841, t. XVI, p. 65).
(b) Swammerdam, Biblia Naturœ, t. I, p. 548.
— Maraldi, Observations sxir les Abeilles (Mdm. de l'Acad. des sciences, 1712, p. 320).
— Réaumui-, Méni. pour servir à l'histoire des Insectes, t. V, p. 670.
— Braun, De calore Animalium (Comment. Petrop., 1760, t. X!II, p. 428).
(c) Hiibcr, Nouvelles observations sur les Abeilles, t. II, p. 33S.
(d) Juch, Ideen %u einer Zoochemie, 1800, t. I.
— Borthold, iVeue Versuelie ûber die TempercUur der kaltbliUigen Thiere. Gôtlingen, 1845.
— Newport, On the Température of Insects andits Connexion ivilh tlie Function of' Respira-
tion (Philos. Trans., iSil, p. '2,2Ç)).
— Droj'cr, Observations sur le développement d'une chaleur propre et élevée che.i le Spliinx
Convolvnli (Ann. de la Société entomologique belge, 1860, t. IV, p. 92).
— Gérard, Recherches sur la chaleur animale des Articulés (Ànn. de la Société cnlomolowiue
de France, 4= série, 1861, t. I, p. 503).
(c) Jucli, Op. cit., t. I, p. 92.
(/■) licnggcr, Physiologische Unlcrsuchungen ûber die thierische Haushaltunn der Insecten
Tdbingeii, 1817, p. 39.
(g) Hausmann, De Animalium exsanguium respirallone. Gdttingcn, 1803.
[h) Juch, Op. cit., p. 35.
1'2 NUTRITION.
dont les physiciens de nos jours ont doté la science, on a pu
s'assurer de l'existence de la faculté calorifique chez tous ces
petite êtres, quand ils sont isolés aussi bien que lorsqu'ils sont
réunis en tas ou renfermés en grand nombre dans une quantité
limitée d'air. En effet, au moyen du thermo-multiplicateur,
Nobili et Melloni ont reconnu que la température intérieure
des Insectes est toujours un peu plus élevée que celle de l'air
extérieur (1). Chez les Mollusques, la température du corps
de Bcrtliold et do Ncwport , cette
cause d'erreur fut évitée, et les résul-
tats furent très probants (a). J'ajou-
terai qu'en observant ini thermomètre
plac: au milieu d'un grand nombre de
Hannetons dans un sac à claire-voie,
MM. r.egnaull et Ileiset ont vu le mer-
cure indiquer une température supé-
rieure de 'J degrés à celle de l'air
environnant (6) ; mais dans les expé-
riences de Dutrochct la chaleur propre
des Insectes ne dépassa pas 0",5 (c).
Pour le moment je n'indique pas les
températures observées par la plupart
des physiologistes dont je viens de
parler, parce qu'elles varient beau-
coup suivantlesconditions biologiques,
sujet sur lequel nous aurons bientôt à
revenir.
La température intérieure des Crus-
tacés ne s'élève que très peu au-des-
sus de celle du milieu ambiant (d) , et
il faut attribuer à quelque circonstance
accidentelle indépendante du pouvoir
calorifique de l'Animal le fait men-
tionné par Tiudolphi, qui vit le ther-
momètre placé dans l'intérieur du
corps d'une Écrevisse s'élever d'en-
viron 6 degrés au-dessus de la tem-
pérature de l'atmosphère (e). M. Va-
lentin a trouvé chez le Maia squi-
nado seulement de 0»,30 à 0°,90 (/").
(1) Les expériences de ces deux
physiciens habiles sur la production
de la chaleur dans l'intérieur du
corps de divers Insectes furent faites
à l'aide d'un thermo-multiplicateur
muni de miroirs collecteurs de la
chaleur rayonnante, au foyer de l'un
desquels ee trouvait l'Insecte empri-
sonné dans un réseau métallique. La
chaleur dégagée par l'Animal déter-
minait une certaine déviation dans
l'aiguille du galvanomètre, et l'étendue
de cette déviation donnait la mesure
de la difl'érence de température entre
le corps de l'Insecte et l'air am-
biant ((/).
(a) liorlholJ, Op. cit.
— Ncwpoi'l, Op. cit. {Philos. Trans., 1837, p. 250 et siiiv.).
{b) l\egnault et Ueisct, Bcclierches chimiques sw la respiralion des Auiuidux des diverses
(lasses {Ami. de chimie et de ■physuiue, 3" série, 1849, l. XXVI, p. 511).
(c) LiLilrocliel, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 2° série, 1840, t. XIII, p. 27 et siiiv.).
(d) Bertholtl, Op. cit., p. 34.
— J. Davy, On the Température of Man and other Animais {Researches, t.I, p. 102).
(e) Rudolplii, Eléments of Physiology, translaied byHow, 1825, t. I, p. 156.
(/■) Valcnlin, Ziir Kennlniss der tliierischen Wàrme {Hepertoriiim fur Anat. und Physiol.,
1830, I. IV, p. 350).
(g) Nobili et Melloni, Recherches sur plusieurs phénomènes calorifiques entreprises au moyeu
du iliermo-multiplicateur (Ann. de chimie et dcphysique, 1831, t. XLVllI, p. 208).
PRODUCTION DF, CHALEUR. 1?)
tend aussi à se maintenir un peu au-dessus de la température rcmpcraiure
du milieu ambiant (1), et un phénomène semblable a été Moik4ues,ctc.
constaté chez les Vers (2) et chez les Zoophytes (3), mais
n'est jamais bien notable. Du reste, la faiblesse de la faculté
calorigcne chez les Animaux inférieurs est en rapport avec
(1) Spallanzani n'a pu apercevoir
aucun indice de production de chaleur
lorsqu'il observa une Limace isolée ;
mais eu réunissant plusieurs de ces
Mollusques autour de son thermo-
mètre, 11 vit la température s'élever
de 3 ou { degré (a). D'après Hunter,
quatre Colimaçons auraient fait mon-
ter le thermomètre de plus de 2 de-
grés (6), et Martine évalua la chaleur
propre de ces Animaux à i°,1 (c). Dans
les expériences de M. Becquerel, la
chaleur propre des Escargots fut trou-
vée de 0",9 {d), et dans celles faites
récemment sur les mêmes Mollusques
par M. Schnetzler, la température du
pied était presque toujours d'au moins
un degré au-dessus de celle de l'at-
mosphère ; quelquefois l'excédant de
température s'élève à l'',5 et même à
2 degrés (e). Enfin, dans une série
d'observations faites par M. Vale:;tin,
l'excès de température de l'Animal
sur celle du milieu ambiant fut de
0%i à 0,8 chez PAplysie, de 0°,2 à 0°,6
chez le Poulpe, et de 0'',9 chez l'Élé-
done musquée (/").
(2) Hunter a fait quelques observa-
tions sur la température propre des
Annélidcs : il vit le thermomètre mon-
ter de 0°,56 à 0'',85 sous l'influence des
Sangsues, et de 1",11 à 1",39 quand
le réservoir de l'instrument était en-
touré de Lombrics terrestres {g).
(3) On doit à M. Valentin (de Berne)
et à M. Martins (de Montpellier) quel-
ques observations sur la chaleur propre
de divers Zoophyles. Le premier de
ces naturalistes trouva :
0°,2 à 0°,C chez l'Holollmrie tubnleiise.
0,3 cliez un Ophiure.
0,6 chez l'Astérie rouge.
0,4 à 0,5 chez des Oursins.
0,2 à "1,0 chez des Méduses du genre Pe-
lagia.
0,3 cliez une Méduse du genre Cas-
siopce.
0,2 à 0,5 chez des Actinies (7i).
M. Martins a fait ses expériences
sur des Spatangues, et en a conclu
que la température de ces Animaux,
tout en étant supérieure à celle de
l'eau dans laquelle ils vivent, n'en
diffère que fort peu (i).
(a) Spallanzani, Mémoires sur la respiration, p. 143.
(b) Hunter, Op. cit. {Œuvres, t. IV, p. 221).
(c) Martine, Kssais sur la conslruction des thermomètres, etc., p. 174.
(d) Becquerel, Traité de physique, t. II, p. 60.
(e) Sclinetzler, Observaiions sur la température des Mollusques terrestres (Bibliothèque uni-
verselle de Genève , Archives des sciences physiques et naturelles, 1862, t. XIV, p. 293).
If] Valentin, Zur Kennlniss der thierischen \¥ârme [Reperloriuin, 1839, t. IV, p. 359).
(g) Hunier, Op. cit. {Œuvres, t. IV, p. 221).
(il) Valentin, Op. cit. {Repertorium, 1839, t. IV, p. 359).
(i) Martin?:, Op. cit. {Ann. des sciences nat-, 3' série, 1840, t. V, p. 187),
Tem|iûrature
dos
Manimifèros.
i[\ NUTRITION.
le peu d'intensité de la combustion respiratoire dont leur
organisme est le siège.
Dans les deux classes qui occupent les premiers rangs du
règne animal, la température intérieure du corps est en général
d'environ 06 à liO degrés (iV Chez l'Homme, par exemple,
elle est ordinairement entre ol et 38 degrés (2). .Chez quelques
(1) Pour prendre la tempt^raturo
propre de ces Animaux, on emploie
communément un petit thermomètre
ù mercure dont on introduit la boule
dans le rectum , sous la langue ou
dans le creux de l'aisselle, de façon à
l'entourer complètement par les par-
ties vivantes. Dans la bouche, il peut
y avoir des causes d'erreur dépen-
dant de l'évaporation de la salive
qui mouille l'instrument, et il résulte
des observations de M. Gavarret que
pour l'Homme on o])tient de très bons
résultats en plaçant le thermomètre
sous l'aisselle («). Il est presque inu-
tile de dire que l'instrument doit être
très sensible et bien gradué : ainsi les
thermomètres de M. Walferdin sont
excellents pour cet usage. En général,
il suffit de trois minutes pour que
l'équilibre de température s'établisse
à un dixième de degré près (6) .
(2) Les premières bonnes observa-
lions sur la température propre du
corps humain datent du milieu du
siècle dernier, et sont dues à G. Mar-
tine. Ce médecin trouva qu'elle était
d'environ 97 ou 98 degrés Fahren-
heit, c'est-à-dire 35°, 5 ou 36", 1 cen-
tigrades (c).
Ilunter vit le thermomètre marquer
98 ^ degrés Fahrenheit, c'est-à-dire
1^6°, 9 centigrades, dans le rectum
d'un Homme en bonne santé {d), et
il évalua la chaleur normale du corps
à environ 99 degrés Fahrenheit ou
37°, 2 centigrades (e). Dans des ob-
servations faites sur vingt individus
adultes par mon frère, William Ed-
wards, le thermomètre placé sous l'ais-
selle varia entre 35°, 5 et 37 degrés, ce
qui donna pour moyenne 35°, l (f).
MM. Dumas et Prévost ont considéré
la température moyenne de l'Homme
comme étant 39 degrés [g) ; mais, d'a-
près une série de dix-sept observations
dues à M. Despretz, cette moyenne ne
serait que de 37°, 09 (h), et une série
{a) Gavarret, Physique médicale : De la chaleur produite par les êtres vivants, 1855, p. 99.
(6) Cil. Martins, Mém. sur la température des Oiseaux palmipèdes du, nord de l'Europe {Mém.
de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier, 1850, t. III, p. i9i).
(c) Martine, Essays Médical and Philo sophical, 1740, p. 335. — D& simillhus iXnimalibus et
Animalium calore libri duo, 1740.
(d) Hunier, On the Heat, clc, of Animais and Vegetables {Philos. Traas., 1778, t. LXVIIT,
p. IG. — Œuvres, t. IV, p. 214).
(e) Hunier, Leçons siir les principes de la chirurgie {Œuvres, t. I, p. 334).
(f) W. Eihvards, De l'influence des agents pinjsiques. sur la vie, 1824, p. 235.
(g) Prévost et Dumas, Examen du sang et de. son action dans les divers phénomènes de la vie
{Ann. de chimie et de physique, 1823, t. XXIII, p. 64).'
(li) Despretz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animile (Ann. de chimie
et de physique, 1824, t. XXVI, p. 338).
PRODUCTION DE CHALEfJR. 15
Mammifères elle est un peu plus élevée. Ainsi, chez le Chien,
le thermomètre placé dans le rectum marque à peu près 39 de-
grés, et dans les observations analogues qui ont élé faites sur
les Moutons, on a trouvé jiO degrés ou même un peu plus.
Mais la chaleur propre des divers individus d'une même espèce
n'est pas toujours exactement la même; il existe aussi à cet
égard des différences suivant les circonstances biologiques
dans lesquelles l'Animal se trouve au moment de l'obsqrvation ;
et comme ces déterminations thermométriques n'ont pas été
suffisamment multipliées pour que l'on puisse en tirer de bons
résultats moyens, il ne faut pas attacher une grande impor-
tance aux petites différences mentionnées par les physiologistes
entre les températures des divers Mammifères. Je me bornerai
donc à dire que chez la plupart de ces Animaux elles ne
s'éloignent de celle du corps de l'Homme que de 1 ou 2 degrés,
soit en plus, soit en moins. Les hmites des variations dans la
chaleur propre de la plupart des Mammifères sont par consé-
quent 36 et kO degrés (i).
beaucoup plus nombreuse d'observa- expériences de MM. Becquerel et
lions faites par M. J. Davy donna, Breschet, la température humaine
pour la température de la base de la prise dans la bouche n'a varié qu'entre
langue : maximum, 38",9 ; minimum, 3ô°,8 et 37 degrés [d).
35°, 8, et moyenne générale, 37°, 2 (a). M. Gavarret pense que dans l'état
M. Reynaud trouve , en moyenne , ordinaire, la température de l'Homme
37", 3 (6), résultat qui est parfaitement adulte, prise sous Faisselle, oscille
d'accord avec celai fourni par les entre 36°, 5 et 37°, 5 (e).
observations faites en Islande par (1) Voici les principaux résultats.
M. E. Robert (c). Enfin , dans les fournis par les observations thermo-
(«) J. Davy, Observations on the Température of Man and Animais {Edinburgh Philosophical
Journal, 1825, t. XIII, p. 301). — Observations sur la température de l'Homme, etc. {Ann.
de chimie et dephysique, 1820, t. XXXIII, p. 183). — Reseorches A'natomical and Physiological,
t. I, p. 161.
(6) ReynauJ , Dissertation sur la température humaine considérée sous le rcipport des
âges, etc., thèse. Paris, 1829.
(c) Eugène Robert, De l'Islande au point de vue de la physique et de l'hygiène (Voyage en
Islande et ati Groenland sur la corvette la Recherche, partie médicale, 1851, p. 148).
(d) Becquerel et Brescliet, Recherches sur la chaleur animale a^c moyen d'appareils lhc7'mo-
électriques (Archives du Muséum, t, I, p. 398).
(e) Gavarret, De la chaleur produite par les êtres animés, p. 100.
16
NUTRITION.
Température Q|,g2 les OisGRux, Ifl température intérieure du corps est
des
Oiseaux, encore plus élevée ; elle est rarement inférieure à kO degrés,
métriques faites sur divers Mannni- n'est pas indiqué, le thermomètre a
fères. Dans tous les cas où le contraire été placé dans le rectum.
ESPECES OBSERVEES.
Ordre des Quadrumanes.
Singe (Sajou ?)
— ( » )
Ordre des Rongeurs.
Lapin
Lièvre .
Cabiai
Rat.
Ordre des Carnassiers.
Cliien
Renard antique .
Chacal
Loup
Chat domestique.
Panthère
Tigre royal
Ichneuraon
Ordre des Pachydermes.
Cheval
Ane
Anesse
Ordre des Ruminants.
Bœuf
Mouton.
Chèvre
Bouc châtré
Élan
Ordre des Cétacés.
Lamenlin
Marsouin (dans une plaie au cou)
— (dans le foie) ....
Baleine
TEMPERATURE.
40
35,5
39,7
37,5
38,0
39,6
37,8
38,0
35,7
39,5
38,8
37,4
39 à 39,0
38,3
36,6 à 41,5
38,3
40,5
38,5
38,9
39,7
38,9
37,2
39,4
36,8
37,5
36,9
37,7
37,5
37,3 à 40,5
38,0
40,0
39,5
34,4
38,9
35,6
37,6
38,8
40
OBSEIïVATEUnS.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
Huntcr.
Prévost et Dumas.
Delaroche.
»
Prévost et Dumas.
Despretz.
W. Edwards.
J. Davy.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
Becquerel et Breschet.
Parry.
J. Davy.
Parry.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
Despretz.
J. Davy.
»
J. Davy.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
Hunter.
Huntcr.
J. Davy.
Prévost et Dumas.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
J. Davy.
Martine.
Broussonnel.
J. Davy.
Scoresby [b).
(a) A la peau, 38°, 8, et dans le ventre 40 degrés.
(b) Scoresby, An Account ofthe Arctic Régions, 1820, t. I, p. 477.
PRODUCTION DE CHALEUR.
17
et pour beaucoup de ces Animaux elle est de /i2 ou même de
/|3 degrés. Du reste, nous avons vu précédemment que pro-
portionnellement au poids du corps, les Oiseaux consomment
beaucoup plus d'oxygène que les Mammilcres, et que sous le
rapport de l'activité de la combustion respiratoire, il y a aussi
chez les Animaux de l'une et l'autre de ces classes des diffé-
rences considérables suivant les espèces (i).
(1) On irouvera réunis dans le ta-
bleau suivant les résultats obtenus par
divers observateurs. La température a
été prise dans le cloaque.
ESPECES OBSERVEES.
Ordre des Rapaces.
Gypaèle
Orfraie
Autour
Faucon
Tiercelet
Chat-liuant
Chouelle
Ordre des Passereaux.
Bouvreuil
Moineau
Bruant commun. . . .
Bruant de neige . . .
Choucas
Corbeau
Grive commune. . . .
Ordre des Grimpeurs.
Perroquet
Ordre des Gallinacés.
Poule commune. . . .
Coq
Gelinotte
Paon
Dindon
Pintade
Lagopède
(a) Voyez Tiedemann, Traild de physiologie, t. II, p. 500.
(6) J. Davy, Observations on the Température ofMan and other Animais {Edinbiirgh Philoso-
phical Journal, 1825, et Annales de chimie, 482G, t. XXXIII, p. 181). — Researches Anat. and
PhysioL, t. I, p. IS*.
41,1
TEMPÉRATURE.
OBSERVATE
URS.
4I°0
Pallas (a).
40,2
»
43,1
»
40,5
J. Davy (6).
41,4
Despretz.
41,1
J. Davy.
41,4
Despretz.
42,2
Pallas.
41,9
Despretz.
41 à
44,5
W. Edwards.
42,8
Despretz.
42,9
à 43,4
Pallas.
42,1
J. Davy.
42,9
Despretz.
42,8
J. Davy.
J. Davy.
39,4 à 40,0
Hunter.
41,5
Prévost et Dumas
42,2 à 43,9
J. Davy.
39,4 à 40,0
Hunter.
42,3 à 43,2
Back.
40,5 à 43
J. Davy.
42,7
J. Davy.
43,9
J. Davy.
41, G
Deraroche.
Résuma
18 NUTRITION .
§ 2. — Ainsi, tous les Aniaiaux dégngcnt de la chaleur en
môme temps qu'ils produisent de l'acide carbonique; et puisque
la chimie nous apprend que la combinaison do l'oxygène avec
le carbone qui donne naissance à ce gaz est toujours accom-
pagnée d'un développement de chaleur, il est légitime de
conclure que la température propre de tous ces êtres est
ESPECES OBSERVEES.
Pigeons
Ordre des Échassiers.
Pluvier
Hôi'on
Foulque
Barge
Ordre des Palmipèdes.
(iuillemols
Pélrel
Mouette tridactyle. . .
Mouette blanche. . . .
Mouette grise. ....
Goëiand à manteau gris
Goéland argenté. . . .
Stercoraire poniarin . .
Cormoran
Albatros
Oie rieuse
Oie commune
Canard commun. . . .
Canard millouin, . . .
Eider
Cygne à bec rouge . .
TEMPERATURE.
41,8 h 42,5
42,0
42,0
42,9
40,5
41,0
40,5
42,2
40,5
40,3
3S,7
40,07
40,1
41,4
40,7
42,3
40,3
41,2
38 à
39,0
42,8
41,2
à 41,4
41,7
41,3
42,5
43,9
42,09
42,0
42,4
40,99
OBSERVATEURS.
Pallas.
Prévost et Dumas [a].
i. Davy.
Despretz.
.]. Davy.
Prévost cl Dumas.
Pallas.
Martins (b).
i. Davy.
Martins.
Pallas.
Eydoux et Souleyel (t).
Brown-Scquard {d).
»
J. Davy.
Martins.
Prévost et Dumas.
J. Davy.
Martins.
Martins.
(a) Prévost et Dumas, Op. cit. (Ann. de chimie et de physique, 1823, t. XXHI, p. 64.
(6) Martins, 3Iém. sur la tempéralure des Oiseaux palmipèdes du nord de l'Europe [Mém. de
l'Acad. des sciences et lettres de Montpellier, 1856, t. 111, p. 194).
(f) Blainville, Rapport sur les résultats scientifiqiies de l'expédition de la Bonite (Voijnçie
autour du monde exécuté sur la Bonite, Zoologie, t. 1, p. xxxii).
(d) Brown-Séquard, Note sur la basse teinpérature de'quelqucs Palmipèdes {Journal de physio-
logie, 1858, t. I, p. 43).
PRODUCTION DE CIIALEUK. 10
due en totalité ou en partie à ce phénomène de combustion
intérieure.
Lavoisier se borna d'abord à présenter de la sorte, en termes M'-^'^'"'' . ,
lie la quaiitilo
généraux, ses idées sur la cause efficiente de la chaleur animale ; (i" ciiaiom-
~ ' dégague
mais il n'isnorait pas que, pour donner à sa théorie la précision r""-
"■ les Animaux.
désirable, il fallait aller plus loin, et chercher si la combustion
respiratoire peut suffire à la production de toute la chaleur qui
se développe dans l'organisme. Pour résoudre cette question,
de grands travaux étaient nécessaires, et pour les accomplir
tout était à inventer. Il fallait en premier lieu déterminer la
quantité de chaleur que le carbone et l'hydrogène dégagent
quand, en brûlant, ces corps se. transforment en acide carbo-
nique et en eau ; puis mesurer de la même manière la pro-
duction de chaleur qui a lieu dans l'économie animale ; évaluer
la quantité des matières brûlées qui, en un temps donné,
s'échappent de l'organisme, ou, en d'autres mots, la quantité
de carbone et d'hydrogène que l'Animal consume ; enfin com-
parer entre eux les résultats fournis par ces trois ordres de
recherches.
Pour mesurer la quantité de chaleur qui se développe, soit Expénenrcs
, de
dans la combustion ordinaire des matières à l'oxydation des- Lavoisier
quelles ils attribuaient la chaleur propre des Animaux, soit dans Lapiace.
les corps vivants où ils voulaient étudier les effets de la com-
bustion respiratoire, Lavoisier et Lapiace inventèrent un appa-
reil appelé calorimètre^ dans lequel le foyer calorifique se trouve
complètement entouré de glace fondante, qui est préservée de
l'action de la chaleur extérieure par une seconde enveloppe de
glace, et dans lequel l'eau liquéfiée par la chaleur du foyer dont
je viens de parler peut être recueillie, de sorte que, d'après la
quantité de glace fondue, on calcule la quantité de chaleur déga-
gée ; car on sait combien de chaleur est nécessaire pour faire •
passer l'eau de l'état solide à l'état liquide, sans y déterminer
aucun changement de température. En faisant brûler du charbon
20 NUTRITION.
dans cet instrument, Lavoisier et Laplace virent qu'une livre de
charbon, en se transformant en acide carbonique, dégage assez
de chaleur pour fondre 96 livres et demie de glace à 0 degré ;
d'où l'on pouvait conclure que cette quantité de charbon, en brû-
lant, cède environ 7642 fois la quantité de chaleur nécessaire
pour élever d'un degré une livre d'eau, ou, en d'autres mots,
environ 37/iO calories (1). Ils constatèrent de la même manière
qu'une livre d'hydrogène, en brûlant, dégage assez de chaleur
pour fondre 295,6 livres de glace, ce qui, d'après l'évaluation
préalable de la chaleur de fusion de ce dernier corps, corres-
pondrait à 22 170 calories. Enfin, dans une troisième série d'ex-
périences du même genre, Lavoisier et Laplace s'appliquèrent
à mesurer comparativement la quantité de carbone qu'un Ani-
mal transforme en acide carbonique et la quantité de chaleur
qui en même temps se dégage de son corps. Après avoir déter-
miné la quantité d'acide carbonique qui en un temps donné
s'échappe des poumons d'un petit Mammifère, ils placèrent
cet Animal dans leur calorimètre, et ils virent qu'en dix heures
il avait fait fondre une certaine quantité de glace dont ils esti-
mèrent le poids à 3/il grammes. Or, la quantité de carbone
dont la combustion avait donné naissance à l'acide carbonique
exhalé par le même Animal en dix heures avait été évaluée,
dans l'expérience précédente, à o^^SSS, et cette quantité, en
brûlant, aurait fait fondre 326^'', 75 de glace. Par conséquent,
Théorie Lavoisier et Laplace conclurent de ces faits que la combustion
"nnimaie!"' du carbouc détcrminéc par la respiration avait produit 96 cen-
tièmes de la quantité totale de chaleur dégagée dans l'intérieur
du corps de l'Animal. Ils reconnurent ensuite que la totalité de
l'oxygène consommé dans la respiration n'est pas représentée
par l'acide carbonique exhalé, et qu'une portion de cet élément
comburant est, suivant toute probabilité, employée à former de
(1) La calorie, ou unité calorimé- saire pour élever de 1 degré la lempé-
U'ique, est la quantité de chaleur néces- rature de 1 kilogramme d'eau.
PRODUCTION DK CllALKUK. 21
l'eau en brûlant de l'hydrogène (1). L'insulTisance de îa cha-
leur nitribuable à la combustion physiologique du carbone |)our
l'explication de la production de la chaleur propre de l'Animal,
ne semblait donc plus être une difficulté, et l'on pouvait penser
qu'en tenant compte de la production d'eau dans l'intérieur de
l'organisme, on verrait la concordance s'établir d'une manière
exacte entre les résultats déduits de la théorie et ceux fournis
par l'expérience.
A l'époque où Lavoisier attaquait ces questions non moins
difficiles que belles, les méthodes expérimentales n'avaient pas
encore le degré de perfection nécessaire pour donner aux résul-
tats cherchés toute la précision désirable, et, comme chacun le
sait, les massacreurs de 1794 ne permirent pas à ce grand génie
d'acheverson œuvre. Lavoisier, en montant surl'échafaud, laissa
donc indécise plus d'une question importante relative aux causes
efficientes de la chaleur animale, et, pour bien contrôler sa
théorie, de nouvelles expériences étaient indispensables tant au
sujet de la mesure exacte des produits de la respiration et de la
chaleur développée par les Animaux que pour l'étaWissement
des termes de comparaison que la physique doit fournir au
physiologiste, c'est-à-dire l'évaluation de la chaleur de com-
bustion du carbone et de l'hydrogène.
En 1 821 , notre Académie des sciences provoqua des recher- '^dlfoÙionr
ches sur ce sujet, et deux physiciens habiles, Dulong et M. Des-'^ '^^ °''f""'"-
(1) Le travail de Lavoisier et La- quels il compléta sa théorie, en ad-
place date de 1780 (a), et ce ne fut mettant l'existence de la combustion de
que dans un mémoire communiqué à Ihydrogène aussi bien que de la pro-
l'Académic de médecine en 1785 que duction de l'acide carbonique dans
Lavoisier fit connaître les faits par les- l'acte de la respiration (6).
{a) Lavoisier et Laplaco, Mémoire sur la chaleur (Mém. de l'Acrid. des sciences, 1780, p. 335).
(6) Lavoisier, Mémoire sur les altérations qui arrivent à l'air dans plusieurs circonstances où
se trouvent des hommes réunis en société (Mém. de l'Acad. royale de médecine pour 1782 et
1783,pul.li(3cn 1787, p. 574).
22 NUTRITION.
prclz, répondirent à son appel (1). Les expériences de l'un cl
de l'autre furent conduites de manière à éviter plusieurs causes
d'erreur qui pouvaient avoir influé sur les résultats obtenus par
Lavoisier et Laplace. Ainsi, ils mesurèrent simultanément la
chaleur dégagée par l'Animal, et les produits de sa respira-
tion, au lieu défaire ces deux déterminations successivement,
ainsi que l'avaient fait leurs prédécesseurs, et ils employè-
rent des méthodes calorimétriques plus parfaites ; mais leurs
expériences laissèrent encore beaucoup à désirer, et les con-
clusions qu'ils en tirèrent ne peuvent être admises sans modi-
fications (2).
D'après Dulong , la chaleur attribuable à la combustion
(1) Pendant fort longtemps le travail
de Dulong ne fut connu que par le
rapport dont il avait été l'objet de la
part de Thenard (a) ; mais, après la
mort de son auteur, en I8Z1I, il fut
publié par les soins de l'Académie des
sciences (6). Les recherches de M. Des-
pretz furent publiées en 182ù (c).
(2) Dulong fit usage d'un calori-
mètre à eau dont le réservoir inté-
rieur, servant à loger l'Animal, était
mis en communication avec des gazo-
mètres destinés à y renouveler l'air
respirable, dont la température était
déterminée à l'entrée et à la sortie
de l'appareil. Le poids de l'eau con-
tenue dans le calorimètre et l'élévation
de la température de ce liquide sous
l'influence de la chaleur dégagée par
l'Animal fournissaient les données em-
ployées pour calculer la quantité de
cette chaleur. Les quantités d'oxygène
absorbé et d'acide carbonique furent
déterminées par le jaugeage des gazo-
mètres et l'analyse de l'air à la fin de
l'expérience. Enfin, les nombres em-
ployés pour l'évaluation de la chaleur
dégagée par la combustion du car-
bone et de l'hydrogène furent ceux
donnés précédemment par Lavoisier
et Laplace.
L'appareil employé par M. Despretz
ressembla beaucoup à celui de Dulong,
mais l'évaluation de la chaleur dégagée
par la combustion du carbone et de
l'hydrogène fut faite d'après les résul-
tats d'expériences nouvelles dues à ce
physicien.
{a) Rapport fait à l'Académie des sciences sur un mémoire de Dulong aijant pour titre : De
la chaleur animale, par de LapUico, Chaiissicr, et Thenard, rappoiiom' {Journal de plujsiologie de
Magendie, d823, t. III, p. 45).
(6) Dulonjî, Mémoire sur la chaleur animale (Mém^ de l'Acad. des sciences, t. XVIII, p. 3127,
ci Ann. de cliimie et de physique, 3= série, 1841, t. I,.p. 440).
(c) Desprelz, Reclierches expérimentales sur les causes de la chaleur animale {Ann. de chimie
et de physique, 1824, t. XXVI, i'. 337). — Traité élémentaire de physique, 1825, p. 729 el
suiv.
l'lU)l)UCT10N DE CUALEUK. 23
respiratoire ne représenterait que 68,8 à 83,3 centièmes de la
chaleur dégagée par l'Animal pendant un temps donné (i), et,
suivant les calculs de M. Despretz, la première de ces sources
ne pourrait fournir que de lli à 90, ù- centièmes de cette même
chaleur propre à l'être vivant. Il y aurait donc un dixième
ou même un quart de la chaleur dégagée par l'Animal dont
la théorie lavoisienne ne rendrait pas compte. Mais je dois me
hâter de dire que dans ces évaluations il y avait évidemment
deux causes d'erreur : la production de chaleur par l'Animal
était estimée trop haut, et les effets calorifiques attribués à la
combustion du carbone et de l'hydrogène consumés dans l'or-
ganisme étaient comptés trop bas. Ainsi l'un et l'autre de ces
physiciens supposent que l'Animal renfermé dans le calorimètre
ne s'y refroidissait pas, et possédait à la fin de l'expérience
exactement la même température qu'il avait à son entrée dans
le milieu froid où on le tenait emprisonné. Or, nous verrons
bientôt qu'il ne devait pas en être ainsi : TAnimal a dû se relîoi-
dir, et par conséquent, en perdant une partie de la provision de
chaleur préexistante et non renouvelée, il a dii céder au calori-
mètre plus de chaleur qu'il n'en a produit pendant la durée de
la combustion respiratoire aux effets de laquelle on comparait
cette émission (2). 11 est aussi à noter que les gaz n'étaient pas
suffisamment protégés contre l'action de l'eau, pour qu'une por-
(1) D'après Dulong, ta proportion ployée à brûler de l'hydrogène, ce
de chaleur dépendant de la produc- physicien, dans le texte de son nié-
lion de l'acide carbonique aurait été moire, évalua la proportion de chaleur
entre 0,/i9 et 0,55 de la chaleur dé- due à ces deux causes réunies à 0,69
gagée par des Carnivores , et entre pour le moins et à 0,80 au maxi-
0,65 et 0,75 chez les Herbivores. En mum ; mais, dans le tableau nmné-
admettant que la quantité d'oxygène rique qui y est annexé , on voit que
absorbée, et non représentée par l'a- ce dernier chiffre s'élève à 0,83,3 (a).
cide carbonique exhalé, aurait été em- (2) Cette cause d'erreur a été si-
fa) Dulong, Mémoire sur la chaleur animale {Mém. de l'Académie des sciences, l. XVIII, cl
Ann. de chimie, 3" série, 1. 1, p. 454 et 455).
24 NUTRITION.
tion de l'acide carbonique n'ait pas été dissoute par ce liquide
et n'ait échappé ainsi aux calculs de l'expérimentateur (1).
Enfin, la quantité de chaleur qui se dégage pendant la combus-
tion* de l'hydrogène est en réalité beaucoup plus grande que
ne le pensait Lavoisier, ou même M. Despretz (2), et il en est
de même pour celle qui résulte de la combustion du car-
bone (o). Or, si l'on tient compte de ces rectifications, on voit
que dans les expériences de Dulong la quantité de chaleur altri-
buable à la combustion respiratoire représenterait de 79, 'i à
99,4 centièmes de la quantité de chaleur dégagée par l'Animal,
et que dans les expériences de M. Despretz le minimum serait
8/i,2 et le maximum 101,8, écarts qui ne semblent pas dépasser
les limites des erreurs dont il est difficile de se préserver dans
des recherches de ce genre.
gnalée par M. Dumas dans ses leçons
à la Faculté de médecine («).
(1) Pour éviter cette cause d'erreur,
M. Despretz a fait construire un appa-
reil où l'eau était remplacée par un
bain de mercure ; mais, dans les expé-
riences dont il publia les résultats,
cet instrument n'avait pas été em-
ployé (6).
(2) D'après les expériences de La-
voisier (c), la chaleur de combustion
de l'hydrogène serait 22 170 calories,
et, en faisant les rectifications néces-
saires au sujet de la chaleur de la
fusion de la glace qui était un des
éléments du calcul de ce chimiste,
on arrive à 23/ill,52 calories. Il
est aussi à noter que M. Despretz
évalua la chaleur de combustion de
l'hydrogène ù 23 6/i0 calories {d) ;
mais il résulte des expériences de
j\lM. Favre et Silberniann que cette
estimation doit être élevée à 3à Zi62 ca-
lories (e).
(3) D'après les données expérimen-
tales fournies par Lavoisier, la chaleur
de combustion du carbone était consi-
dérée comme égale à 7237,5 calories.
!\I. Despi'elz admet le nombre 791^.
Enfin, il ressort des recherches de
MM. Favre et Silbcrmann que la quan-
tité de chaleur dégagée pendant la
transformation du carbone en acide
carbonique est de 8080 calories.
(a) Voyez Wiirlz, De la produclion de chaleur dans les êtres organisés, llicse de cnncoui's.
Paris, d847, p. 25.
(6) Despretz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale {Ann. de chimie
et de physique, 1. XXVI, p. 303j.
(c) Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, 1793, t. I, p. 109.
{d) Desprclz, Traité de jihysique, 4825, p. 749.
(e) Favre et Silljermann, Recherches sur les quantités de chaleur dégagées dans les actions
chimiques et moléculaires {Ann. de chimie et de physique, 3' serin, 1842, t. XXXIV, p. 357).
PRODUCTION DE CIlALElilt, 25
Ali premier iibord, ces résultais scmbiciil donc devoir nous condusions.
satisfaire et nous montrer un accord suffisamment approché
entre la théorie et les faits observés ; mais si l'on examine la
question de plus près, on voit surgir de nouvelles difficultés.
Ainsi, dans toutes les évaluations que je viens de présenter,
on a supposé que l'oxygène employé dans la combustion res-
piratoire, en se combinant avec le carbone et l'hydrogène des
matières organiques , dégageait autant do chaleur que si ce
gaz s'unissait à de l'hydrogène et à du carbone libres ; or, les
expériences des physiciens prouvent que les choses ne se
passent pas toujours de la sorte. L'alcool, par exemple, pro-
duit, en brûlant, notablement moins de chaleur que ne le ferait
supposer le calcul théorique fondé sur la chaleur de combustion
du carbone et de l'hydrogène à l'état de liberté (1), et, d'un
autre côté, il est fort possible que dans beaucoup des réactions
chimiques déterminées parla combustion respiratoire, l'oxygène
qui se trouve dans la matière organique moins fortement uni
à divers éléments combustibles qu'il ne le sera dans l'eau ou
dans l'acide carbonique dont la formation a lieu dans l'intérieur
de l'organisme, dégage une certaine quantité de chaleur au
moment où cette combinaison plus intime s'effectue. En effet,
les expériences de laboratoire nous rendent souvent témoins de
phénomènes de ce genre, et dans certains cas on voit un grand
dégagement de chaleur résulter d'un nouveau mode de grou-
pement des molécules constitutives d'un corps dont la compo-
sition élémentaire ne change pas (2). 11 s'ensuit que dans l'état
(1) Il résulle des expériences de cool (C''H^,2I10), l'expérience donne
MM. Favre et Silbermana que l'iiy- 7183,6 calories et le calcul 7212,3.
drogène protocarboné donne, en brii- Des différences non moins considé-
lant, 13 063 calories, tandis que lâcha- râbles ont été constatées pour d'autres
leur de combustion du carbone et de composés binaires ou ternaires com-
l'hydrogène de ce corps serait égale parés à leurs éléments constitutils
à IZi 673,5 calories, si, au lieu d'être libres.
combinés, ils étaient libres. Pour l'ai- (2) Ainsi l'acide cyaniowe, à la tem-
Viii. 3
26 NUTRITION.
actuel de la science nous ne pouvons pas faire d'une nmanière
précise le compte de la quantité de chaleur due à la combustion
respiratoire ou aux autres phénomènes chimiques ou phy-
siques dont l'organisme est le siège. Mais, d'après l'ensemble
de faits dont je viens de rendre compte, il me semble impos-
sible que cette combustion intérieure ne soit pas la cause prin-
cipale, sinon la cause unique de la chaleur propre des Animaux.
La théorie que l'illustre Lavoisier donna de la chaleur animale
au moment où la chimie nouvelle naissait entre ses mains, est
donc encore aujourd'hui en a(îcord parfait avec tout ce que
nous savons de ce phénomène physiologique et le fait ren-
trer dans les lois générales de la physique. Quel que soit le
côté par lequel nous envisageons le travail nutritif, nous nous
trouvons conduits à reconnaître que le corps humain, de
même que le corps de tout autre Animal, doit être le siège
d'une combustion plus ou moins active dont les conséquences
sont la destruction d'une certaine quantité de substance orga-
nique et la production de matières oxygénées, telles que l'eau,
l'acide carbonique et l'urée, dont la formation est accompagnée
d'un dégagement de chaleur et constitue la principale source
des excrétions.
Ainsi, lorsque par la pensée on suit l'oxygène qui de l'atmo-
sphère pénètre dans l'intérieur de ces organismes, lorsqu'on
remonte à l'origine de la chaleur qui rayonne du corps de
tout être animé, ou bien encore lorsqu'on envisage de la même
manière les produits dont l'économie animale se débarrasse,
pératnrc de quelques degrés au-dessus une certaine température, le clilor-
de zéro, se transforme en acide cya- hydrate d'urée se transforme sponta-
nurique Insoluble, sans changer de nément en acide cyanurique et en
composition élémentaire, mais en se sel ammoniac, avec dégagement de
condensant pour ainsi dire, et cette chaleur. On trouvera dans les traités
transformation moléculaire est souvent de chimie beaucoup d'autres exemples
accompagnée d'assez de chaleur pour analogues,
déterminer de légères explosions. A
PRODUCTION DK C[[ALEUr',, 27
soit par les voies respiratoires, soit piir la sécrétion urinaire, on
arrive au môme point. Toutes ces études se mêlent ou plutôt se
confondent en une seule ; la combustion pliysiologique nous
apparaît toujours comme le grand régulateur de chacimc des
fonctions qui ont pour objet la conservation de la vie de l'indi-
vidu, et, pour nous rendre comptedes circonstances qui peuvent
modifier la marche de chacune d'elles, il nous faut connaître
avant tout ce qui influe sur ce phénomène fondamental.
Ainsi, pour faire un pas de plus dans l'histoire delà chaleur siège
animale, nous aurions à chercher en quels lieux cette chaleur .léveiopïement
se développe, et, puisque sa production dépend de la combus- "tmim^e!"'
tion respiratoire, dont une autre conséquence est la formation
de l'acide carbonique et des matières urinaires, nous aurons par
cela même à chercher où toutes ces substances peuvent prendre
naissance, et ce que nous découvrirons relativement à l'une
d'entre elles pourrait nous éclairer au sujet des autres ; car là
où se développe la chaleur animale, s'opère la combustion en
question, et là où cette combustion a son siège, doivent se pro-
duire toutes les matières brûlées dont l'acide carbonique et
l'urée sont les principaux représentants. Ce raisonnement sera
également vrai si on le retourne, et si, en prenant pour. point
de départ l'apparition de l'acide carbonique dans l'organisme,
on en déduit le siège de la production de la chaleur animale ou
de l'urée.
Dans une des premières Leçons de ce cours, nous avons vu
que le sang de l'Homme et des autres Vertébrés change de
feinte suivant que ce liquide est chargé d'oxygène ou d'acide
carbonique ; que dans le premier cas il est d'un rouge vermeil,
tandis que dans le second il est d'un rouge sombre, et qu'il
conserve la première de ces couleurs depuis son passage dans
les capillaires de l'appareil respiratoire jusque dans les der- ■
nières ramifications du système artériel , mais que là il change
d'aspect et prend les caractères du sang veineux. Ce change-
28 NUTRITION.
ment du sang arlériel en sang noir se fait dans toutes Jes par-
ties du système capillaire général, c'est-à-dire dans la profon-
deur de toutes les parties de l'organisme, dans la substance de
tous les tissus vivanls. C'est donc en traversant ces canaux
étroits que letluide nourricier se charge d'acide carbonique, et
par conséquent aussi c'est dans toutes les parties du corps que
doit s'opérer la combustion physiologique qui enlève au sang
son oxygène libre et qui donne naissance à l'acide carbonique.
C'est donc aussi dans le système capillaire général ou à Tentour
de ce système que doivent prendre naissance les autres produits
de cette même combustion : l'urée, par exemple ; et c'est éga-
lement dans la profondeur de toutes les parties de l'économie
que doit avoir lieu le dégagement de chaleur dont dépend la
température propre des Animaux.
Effectivement, c'est ce qui a lieu. Lorsqu'à la suite des
grandes découvertes de Lavoisier on supposait que la combus-
tion respiratoire était concentrée dans les poumons et entretenue
à l'aide de matières combustibles excrétées du sang dans les
cavités aérifères de cet organe^ on pensait aussi que les poumons
étaient le foyer de la chaleur animale ; que le sang, en y passant,
s'y échauffait, et que ce Hquide portait ensuite dans les parties
éloignées du coi'ps la chaleur acquise de la sorte. On ne pou-
vait, il est vrai, constater à l'aide du thermomètre aucune éléva-
tion de température du sang après son passage dans les poumons,
ni aucun refroidissement appréciable quand ce liquide avait
traversé le système capillaire général et était revenu vers l'ap-
pareil respiratoire par les canaux veineux ; mais on expliquait
cette égalité|par des différences que l'on crut avoir constatées
entre la capacité pour la chaleur dans le sang artériel et -le sang
veineux (1).
(1) Dans une des premières Leçons et de dire que Crawford avait clier-
de ce cours, j'ai eu l'occasion d'ex- ché à expliquer do la même manière
poser les vues de Lavoisier à ce sujet, les phénomènes de la chaleur ani-
PRODUCTION DE CHALEUR. 29
Pendant les premières années du siècle actuel,, ces idées rela-
tives à la localisation de la production de chaleur dans l'appareil
respiratoire furent acceptées par presrpje tous les physiolo-
gistes; mais lorsqu'à la suite des observations de W. Edwards
et de M. Magnus sur la provenance de l'acide carbonique, on
reconnutcjue les poumons exhalaient un produit dont l'existence
était constatable dans le sang veineux, cette opinion devait
disparaître, et d'ailleurs d'autres faits vinrent bientôt nous
montrer que la cause de la température propre des Animaux
réside dans toutes les parties de leur corps.
§ 3. — Nous avons vu précédemment que partout dans l'or-
ganisme la transformation du sang vermeil en sang noir dénote
maie (a). Ce dernier auteur supposa
d'abord, comme l'avait fait Priesiley,
que le sang artériel, en traversant le
système capillaire général, absorbait
du phlogistique pour se transformer en
sang veineux, et que ce changement
était accompagné d'une diminution
dans la chaleur spécifique de ce liquide,
en sorte qu'il céderait du calorique aux
parties voisines, tandis que dans les
poumons il céderait son phlogistique
à l'air inspiré, et donnerait naissance
ainsi à de l'air fixe dont la capacité
calorifique serait beaucoup moindre
que celle de l'air pur ; l'air inspiré
dégagerait alors beaucoup de chaleur
qui servirait à vaporiser l'eau consti-
tutive de la transpiration pulmonaire
et à maintenir à une température con-
stante le sang veineux, lorsque celui-
ci, en passant de l'état de sang veineux
à l'état de sang artériel, acquerrait
une chaleur spécifique plus grande (6).
Ce fut seulement quelques années après
la publication delà théorie lavoisienne
que Crawford, dans une seconde édi-
tion de son ouvrage, substitua, à ces
hypothèses touchant le rôle du phlo-
gistique, des vues semblables à celles
de l'illustre fondateur de la chimie
moderne (c). Voici en peu de mots
comment il chercha alors à expliquer
l'élévation de la température du corps
humain et des autres animaux à sang
chaud. Le sang, en traversant le sys-
tème capillaire général, se chargerait
d'hydrogène carboné , et , en arrivant
dans les poumons, abandonnerait ce
gaz qui, en se combinant avec l'oxy-
gène de l'air inspiré, donnerait nais-
sance à de l'acide carbonique et à de
la vapeur d'eau. Or, la capacité de
l'oxygène pour la chaleur, serait, d'a-
près Crawford , trois fois plus consi-
(fl) Voyez lomc T, page 423.
(b) Je n'ai pu me procurer l;i première édilion de l'ouvrage de Crawford, publiée en 1779 ; mais
ses idées sur la production de la clialour animale sont résumées dans un mémoire qu'il publia en
1782 sous le titre d'Expériences sur le pouvoir qu'ont les Animaux de prodiiire du froid [Joîir-
nal de physique, t. XX, p. 451).
(c) Voyez Gavarret, Physique médicale, 1855, p. 183.
30 NUTRITION.
une produclion d'acide carbonique, et que la formation de ce
composé oxygéné estaccompagnéed'un dégagement de chaleur.
La production de chaleur doit donc avoir lieu dans toutes les
parties de l'économie animale, et effectivement ce phénomène
a son siège partout où l'activité vitale se manifeste. Ainsi,
MM. Ludwig et Spiess ont constaté que la salive qui s'écoule
de la glande sous-maxillaire a une température supérieure à
celle du sang qui se rend à cette glande (1); et M. Cl. Ber-
nard, dont les belles expériences ont tant contribué aux progrès
récents de la physiologie, a mis bien en évidence cette produc-
tion de chaleur dans la substance des organes par des expé-
dérable que celle des matières ainsi
formées, et par conséquent la combi-
naison de ce principe comburant avec
l'iiydrogène carboné provenant du
sang déterminerait dans l'intérieur
des poumons le dégagement de beau-
coup de chaleur, mais celte chaleur ne
serait pas sensible, parce que le sang
artériel, en se changeant en sang vei-
neux, acquerrait une capacité calori-
fique plus grande et emploierait cette
chaleur pour se maintenir à la tempé-
rature qu'il avait en arrivant aux pou-
mons. Enfin , le sang artériel , en se
changeant en sang veineux dans le sys-
tème capillaire général, perdrait ce sur-
croîtde capacité calorifique et abandon-
nerait aux parties voisines la chaleur
que l'air inspiré lui avait communiquée,
en sorte que cette chaleur ne devien-
drait sensible que dans les points où
le sang artériel se transforme en sang
veineux, c'est-à-dire tlans le système
capillaire général (o).
Cette hypothèse, comme on le voit,
repose complètement sur la supposi-
tion d'une différence considérable dans
la chaleur spécifique du sang artériel
et du sang veineux, et Crawford dé-
duisit de ses expériences à ce sujet,
que la capacité du premier de ces li-
quides pour la chaleur était représen-
tée par 1,0300, lorsque la capacité ca-
lorifique du sang veineux n'était que
de 0,8928; mais d'autres recherches
mieux conduites prouvèrent qu'il n'en
est pas ainsi. En effet, M. J. Davy
constata que la chaleur spécifique du
sang veineux ne diffère pas sensible-
ment de celle du sang artériel (6). Il
est aussi à noter que la capacité de
l'acide carbonique pour la chaleur n'est
pas, comme le supposait Crawford,
inférieure à celle de l'air.
(1) La différence entre la tempéra-
ture du sang de l'artère carotide qui se
rendait aux glandes sous-maxillaires,
et celle du liquide qui sortait de ces
(a) Crawford, Experiments and Observations on Animal Heat, seconde édition, 1788, p. iid
et suiv.
(b) J. Davy, An Account ofsome Experiments on Animal Heat {Philos. Trans., 1814, p. 590).
— Researches Anatomical and Physiological, t. I, p. 141.
PRODUCTION DE CHALEUR. 31
riences sur les nerfs vaso-moteurs. Il a montré que d'ordinaire ce
n'est pas le sang qui, en raison de sa température élevée, échauffe
les tissus en y circulant, mais que c'est sur place que se déve-
loppe la chaleur propre à chaque partie de l'organisme, et que
c'est la chaleur ainsi produite dans la substance des tissus
vivants qui échauffe le fluide nourricier (1). Ainsi que je l'ai déjà
dit (2) , la section du nerf grand sympathique dans la région du
cou détermine la dilatation des vaisseaux dans l'oreille et les
parties voisines de la tête du même côté, et ce phénomène est
accompagné non-seulement de rougeur, mais aussi d'un grand
organes, fut évaluée à 1 degré centi- parois des vaisseaux déterminée par
grade danslespremières recherches de la section de ces organes amène dans
MM. Ludwig et Spiess, et dans des l'état de la circulation, et à l'augmen-
expériences subséquentes elle fut éva- tation dans la quantité de sang en
luée à 1,5 («). mouvement dans leur intérieur (6).
(1) L'explication de ces phénomènes Tout dernièrement M. Claude Ber-
fut donnée peu de temps après par plu- nard a publié de nouvelles expériences ■
sieurs physiologistes, qui attribuèrent sur l'influence que les nerfs ganghon-
avec raison l'augmentation de la cha- naires exercent sur la caloricité, et il
leur locale, non à la suspension d'une a fait voir que dans les membres la
action retardatrice que les nerfs en ques- paralysie des nerfs vaso-moteurs est
tionexerceraient d'une manière directe suivie des mêmes effets que dans la
sur la production de chaleur, mais tête (c).
aux conséquences que la paralysie des (2) Voyez tome IV, page 200.
(a) Ludwig' und Spiess, Vei'gleichung der Wàrme des Unterkieferdrûsenspeichels und des
(jleichseiligen Carotidenblutes (Silzungsberichie der Wiener Akad., 1857, t. XXV, p. 584).
— Ludwig, Neuer Versuch ûber die Temperatur des Speichels (CanstaU's Jahresbericht fur
1860, t. I, p. 16).
(i)) Brown-Séquard, Researches on the Influence of the Nervous System upon the Functions of
Organic life (Médical Examiner, 1852, et Expérimental Researches, 1853, p. 9). — On the
Increase of Animal Heat after Injuries ofthe Nervous System (Expérimental Researches, p. TS).
— Sur les résultats de la section et de la (jalvanisaiion du nerf grand sympathique au cou
(Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1854, t. XXXVIII, p. 73).
— Waljer, Neuvième mémoire sur le système nerveux [Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
1853, t. XXXVI, p. 378).
— Donders, Aanleekeningen van het Vtrechtsch Genootschap, 1853, n° 32.
— Schiff, De l'influence du grand sympathique sur la production de la chaleur animale, etc.
(Gazette hebdomadaire, 1854, t. 1, p. 421). — UnterswMmgen %ur Physiologie des Nerven-
systems , 1855.
— Valider Beke Callenfels , Onderzoekingen over den invloed der vaatzemnven op den
Bloedsomloop en den Warmtegraad (Nederlandsch Lancet, 3" série, 1855, t. IV, p. 688). —
Ueber den Einfluss der vasoinatorischen Nerven auf den Kreislauf und die Temperatur (Zeit-
sthrifl fïir rat. Med , 2° série, t. VII, p. 157).
(c) Cl. Bernard, Recherches expérimentales sur les nerfs vasculaires et calorifiques du grand
sympathique (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1862, t. LV, p. 228).
32 NUTRITION.
développement de chaleur dans la partie fjui en est le siège.
La différence de température entre les deux oreilles devient
souvent de 3 ou 4 degrés. Or, le sang qui arrive aux tissus
qui se trouvent dans cet état de turgescence vasculaire n'est
pas plus chaud que celui du côté opposé, et de ce dernier côté
il ne présente aucune élévation de température après avoir tra-
versé les tissus et être rentré dans les veines du cou ; mais du
côté où la chaleur locale a été augmentée par l'effet de l'opé-
ration, il s'échauffe notablement, et le thermomètre plongé
dans la veine correspondante marque d'ordinaire un demi-
degré de plus que dans le courant afférent ou dans le courant
efférent du côté opposé (1). On obtient aussi des preuves de
la diffusion du travail calorifique dans les diverses parties de
l'économie animale, en comparant la température du sang qui
sort de certains organes où les effets de ce phénomène ne sont
contre-balancés par aucune cause de refroidissement notable et
celle du sang qui y entre. Ainsi, M. Cl. Bernard a vu que, chez
le Chien, le sang qui dans l'artère aorte descend vers l'intestin
est presque toujours un peu moins chaud que le sang qui, après
avoir traversé le système capillaire des parois du tube intes-
tinal; remonte dans la veine porte pour se rendre au foie, et il
a constaté que ce liquide, en traversant ensuite le foie, s'échauffe
(1) M. Cl. Bernard a constaté aussi vu Télévation de température locale
que cette augmentation de la produc- durer pendant douze ou quinze
lion de chaleur dans la partie de la jours, et chez les Chiens il en a con-
tête dépendante des nerfs dont il avait staté la persistance pendant plusieurs
coupé le tronc d'un côté du cou se mois.
manifeste très rapidement, et cesse de RI. Claude Bernard a vu aussi que
même lorsque, par la galvanisation du lorsqu'on expose à l'action du froid
tronçon supérieur du nerf ainsi divisé, les Animaux soumis à cette opération,
on délermine la contraction des vais- la tête se refroidit beaucoup plus vile
seaux^sanguias. Chez les Lapins, il a du côté sain que du côté paralysé (a).
(a) Cl. Berriard, De Vinfluence du syslème nerveux grand sympathique siir la chaleur animale
{Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1852, t. XXXIV, p. 472j.
PRODUCTION DE CHALEUR. 33
encore davantage : la différence entre la température du sang-
dans l'aorte ventrale et dans les veines hépatiques est en
moyenne de plus d'un demi-degré centigrade (1).
§ fi. — La température générale du corps dépend de deux circonsiances
choses agissant en sens contraire : d'une part, du degré d'acti- ^^^ tcmpmiure
des
vite de la combustion physiologique qui, entretenue par la rcs- ''■^''•'scs parUcs
^ du corps.
piration, s'opère dans la substance de tous les tissus vivants où
le fluide nourricier apporte à la fois l'élément comburant et des
matières combustibles ; d'autre part, des causes plus ou moins
puissantes de refroidissement qui déterminent la déperdition de
la chaleur propre de l'Animal, et qui sont : le rayonnement qui
se fait par la surface de son corps; l'équilibre qui tend à s'éta-
blir sur cette surface et les corps plus ou moins froids avec
lesquels elle est en contact ; enfin l'évaporation qui a lieu par
cette même surface (^). La température de chacune des parties
(1) Dans dix-huit expériences faites
sur des Cliiens, la différence de tem-
pérature entre le sang de l'artère
aorte ventrale et celui des veines
hépatiques, c'est-à-dire entre le sang
avant et après son passage dans Teu-
semble de l'appareil digestif, a varié
entre 0°,2 et 1 degré centigrade. Entre
l'aorte ventrale et la veine porte ,
M. Cl. Bernard a trouvé des diffé-
rences de ,^ à ^ degré en faveur du
sang veineux ; mais dans quelques cas
il y avait une légère différence en sens
contraire, ce qui s'expliquait facile-
ment par la présence de corps étran-
gers plus ou moins froids dans l'in-
testin. Enfin, dans une troisième série
d'expériences comparatives faites sur
le sang de la veine porte qui se ren-
dait au foie et celui des veines hépa-
tiques qui venait de traverser ce vis-
cère, la température de ce dernier
liquide fut trouvée de 0°,1 à 0°,6 plus
élevée que celle du premier. Il est
d'ailleurs à noter que cette élévation
croissante dans la température du
sang qui passait successivement dans
les capillaires de l'intestin et dans la
substance du foie ne pouvait être
attribuée à l'influence du voisinage
des poumons ou du cœur, car M. Cl.
Bernard trouva qu'en s'avançant dans
le thorax , ce même liquide se refroi-
dissait (a).
(2) En ayant égard à ces diverses
causes de déperdition de chaleur, il de-
vient facile de se rendre compte des
effets très différents qui peuvent être
produits sur l'Homme et les Animaux
par une même température basse, sui-
(a) Cl. Bernard, Leçons sur les propriétés phtjsiohgiques des liquides de l'organisme, 1859,
t. I, p. 84 et suiv.).
Influence
réfrigérante
•du
renouvellement
de l'air
dans
les poumons.
34 NUTRITION.
de l'économie animale en parliculier est soumise à rinfliience
des mêmes causes d'élévation et d'abaissement, mais elle est
réglée aussi par celle du reste de l'organisme ; car le sang, en
circulant partout, tend à maintenir l'égalité dans tous les points
qui sont baignés successivement par ce liquide en circulation.
Nous pouvons donc prévoir que le poumon, au lieu d'être
un foyer où le sang se charge de chaleur pour la répartir
ensuite dans le reste de l'économie, est un organe où ce hquide
doit se refroidir; car nous savons que l'air inspiré s'y charge
d'une grande quantité de vapeur d'eau, et la physique nous
apprend que l'eau, en passant de l'état liquide à l'état de vapeur,
enlève aux corps circonvoisins une quantité considérable de cha-
leur. L'expérience confirme ces déductions théoriques, et nous
vant que l'air est en repos ou agité, que
le corps est exposé au rayonnement
ou préservé par un abri, et que l'éva-
poration est plus ou moins facile. Tous
les voyageurs qui ont visité les régions
polaires ont eu l'occasion de remar-
quer que l'Homme supporte bien plus
facilement un froid très intense, quand
l'atmosphère est calme, qu'un froid
modéré, quand le vent est fort : cela
dépend principalement de ce que dans
le premier cas la couche d'air en con-
tact avec la peau, et réchauffée à ses
dépens, ne se renouvelle que lente-
ment, tandis que dans le second cas
elle est aussitôt entraînée au loin et
remplacée par une nouvelle quantité
d'air froid. Comme exemple de faits
de ce genre , je rappellerai les obser-
vations faites pendant le voyage du
capitaine Parry dans les régions cir-
compolaires. A. Fischer, l'un des
compagnons de ce navigateur, rap-
porte que par une température de
plus de Z|0 degrés au-dessous de zéro
et un temps très calme, on ne souffrit
pas plus du froid que lorsque durant
la bise le Uiermomètre était à — 17° ;
il évalue même la sensation du froid
produite par le vent à un abaisseiuent
de 19 degrés dans la température de
l'air (a).
Au sujet de l'influence du rayon-
nement sur le refroidissement, je ren-
verrai aux observations de M. Charles
Martins (6). Le froid que l'on éprouve
sui" les hautes montagnes, ou dans les
ascensions aérostatiques, est dû en
partie à la basse température et aux
mouvements de l'air, ainsi qu'au rayon-
nement, mais en partie aussi à l' éva-
pora tion, qui est d'autant plus rapide
que la pression atmosphérique devient
moindre.
(a) Voyez Gavarrct, Op. cit , p. 505.
(fc) M.irlins, Du froid thermomé trique et de ses relations avec le froid physiologique dans les
plaines et sur les montagnes (Mém. de l'Acad. de Montpellier, 1859, t. IV).
' PRODUCTION DE CHALEUR. 35
monlre que la température du sang est un peu plus élevée clans
le ventricule droit du cœur, où ce liquide séjourne pendant
quelques instants avant d'aller au poumon, que dans le ventri-
cule gauche, où il arrive après avoir traversé l'appareil respi-
ratoire. Les recherches de M. Malgaigne et de M. Cl. Bernard
ne laissent aucun doute à cet égard (1), et par conséquent
(1) En 1832, M. Malgaigne, guidé PAnimal, et ils trouvèrent le sang
par Gollard de Martigny, constata ce plus chaud dans la première de ces
fait en introduisant des thermomètres cavités que dans la seconde. Plus ré-
jusque dans les deux ventricules du cemment, M. Cl. Bernard a fait de
cœur par l'intermédiaire des gros vais- nouvelles recherches sur ce sujet (c),
seaux sanguins du cou (a). Peu de et ses observations concordent avec
temps après, Berger trouva chez le les précédentes, ainsi qu'aveclesrésul-
Mouton [ii°,li dans les cavités droites tats obtenus par M. Ilering chez un
du cœur, et seulement Z(0°,9 dans les veau affecté d'ectopie du cœur (d) , et
cavités gauches ; mais il ne fit pas con- par M. G. Liebig, INI. Fick et quelques
naître la manière dont il avait opéré, autres physiologistes (e).
de sorte qu'on ne pouvait juger de la Des recherches faites précédera-
valeur de ses observations (6). En ment sur le même sujet par Saissy,
ISlili, Magendie et M. Cl. Bernard m. J. Davy, etc., avaient conduit à
firent des expériences analogues sur des résultats inverses, mais cela dé-
des Chevaux vivants. Ils introduisirent pendait du procédé opératoire employé
le même thermomètre alternativement par ces physiologistes {f). En effet, ils
dans le ventricule droit et dans le ven- firent leurs observations thermomé-
tricule gauche sans ouvrir le thorax de triques sur des Animaux récemment
(a) Voyez CoUard de Martigny, De l'influence de la émulation générale et pidmonaii'e sur la
chaleur du sang, et de celle de ce fluide sur la chaleur animale (Journal complémentaire du
Dictionnaire des sciences médicales, t. XLIII, p. 386 et suiv.).
(6) Berger, Faits relatifs à la construclion d'une échelle des degrés de la chaleur animais
(Mém. de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, 1833, t. VI, p. 353 et suiv,).
(c) Cl. liernnrd, Recherches expérimentales sur la chaleur animale {Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, i856, t. XLIlï, p. 565). — Leçons sur les propriétés physiologiques, etc., des
liquides de l'organisme, 1859, t. 1, p. 57 et suiv.
(d) Hcring, Versuche die Druckhraft des Herzens %u bestiimnen {Archiv fur physiologische
Heillmnde, 1850, t. IX, p. 18).
■ (e) G. Liebig, Ueber d. Temperaturunterschiede des venosen und arteriellen Blutes, (inaiig.
Abhaiidl.). Giessen, 1853.
— Fick, Beitrâge %ur Temperaturtopographie des Organismus (MïxWcï's Archiv fur Anat. und
Phtjsiol., 1853, p. 408).
— Wurlilzer, De lemperalwa sanguinis nrleriosi et venosi, adjectis quibusdam experimentis
(disserl. inaug.). Greifswold, 1858.
{f} Saissy, Recherches expérimentales stir la physique des Animaux mammifères ibernants,
p. 69.
— John Davy, Experiments on Animal Heat {Philos. Trnas., 1814). — Researches Anat.
and Physiol., 1. 1, p. 149.
— Nasse, Thierische Wdrme (Wagner's Ilandivorterbuch der Physiologie, t. IV, p. 47).
o6 NUTRITION.
Boerliaave ne se trompait pas lorsque, à l'exemple des anciens,
il allribuait une action rafraîchissante au renouvellement de
l'air dans l'intérieur des poumons, bien qu'il ail; mal apprécié
le degré d'importance de ce phénomène physique et qu'il ait
méconnu le résultat final du travail respiratoire (1).
Tempéraiuro § 5, — La clialcur aniuialc, avons-nous dit, se développe
diverses parties partout daus l'organisme, puisque partout il y a production
rorganisme. d'acldc carboniquc; mais il est évident que les réactions chi-
miques dont ce phénomène dépend ne s'effectuent pas avec la
même intensité dans tous les tissus ni dans tous les organes, et
que par conséquent il doit y avoir aussi des différences dans la
faculté calorigène des diverses parties du corps. Effectivement,
cela ressort des observations thermométriques faites compara-
tivement dans différentes régions chez le même individu (2);
morts et dont ils mettaient le cœur à
nu. M. J. Davy trouva ainsi le sang à
la température de /il°,22 dans le ven-
tricule gauche, et à Z|0°,53 seulement
dans le ventricule droit. Cela résultait
de la rapidité plus grande avec laquelle
le liquide se refroidit dans les deux
cavités du cœur, dont les parois n'ont
pas la même épaisseur. M. Georges
Liebig a constaté ce fait en plaçant un
cœur dans un bain d'eau légèrement
chaufTée, de façon à avoir équilibre de
température dans toutes les parties
de l'organe , puis en l'exposant à
l'air froid et en mesurant comparative-
ment la marche de l'abaissement de la
température du liquide contenu dans
les deux ventricules. Au commence-
ment de cette seconde période de l'ex-
périence, les deux thermomètres pla-
cés, l'un dans la cavité droite, l'autre
dans la cavité gauche du cœur, mar-
quaient le même degré, mais celui
du ventricule droit descendit plus
rapidement que l'autre («). Dans les
expériences de M. Cl. Bernard, faites
sur des Chiens et des Moutons, la
ditrérence dans la température du
sang avant et après le passage de
ce liquide dans le poumon était eu
général d'environ j de degré centi-
grade (6).
(1) Voyez tome I, page 376.
(2) G. Martine, médecin écossais
qui, vers le milieu du siècle dernier,
fit quelques bonnes observations sur
la température du corps humain, éva-
lua à 1 degré centigrade la différence
qui existe entre la chaleur de la peau
et celle des viscères (c). Ilunter fit
(a) G. Liebig, op. cU., 1853.
{bj Cl. Bernard, Leçons sur les liquides de l'organisme, t. I, p. 110 el IIG.
(c) Martine, Essais sur la constriiclion et comparaison des thermomètres, etc., Irad. de l'an-
glais, 1751, p. 174.
PRODUCTION UK CII^LEIJH. 37
mais le contact mutuel de tous les organes et la rapidité des
courants sanguins qui les traversent sans cesse tendent à faire
disparaître les inégalités qui peuvent exister sous ce rapport, et
plusieurs expériences pour apprécier
l'influence que les causes extérieures
de refroidissement peuvent exercer
sur la température des parties qui y
sont le plus exposées. Ainsi il porta
successivement la boule d'un petit
thermomètre à diverses profondeurs
dans le canal de l'urèthre, et trouva
33", 3 centigrades à nn pouce de l'extré-
mité de la verge, 33%9 à deux pouces de
rorifice urinaire, 3Zi°,5 à trois pouces,
et 36°,! lorsque le réservoir était
arrivé dans le bulbe de l'urèthre.
En plongeant la verge dans de l'eau
à 10 degrés où était placé le même
organe provenant d'un cadavre et
préalablement chaufTé à 33", 3, il vit
que dans l'espace de temps nécessaire
pour refroidir ce dernier corps à
10 degrés, la température de l'organe
vivant était descendue à lli°,5 (a).
Dans une série d'observations sur
la distribution de la chaleur animale
dans les différentes parties du corps,
faites par M. J. Davy sur des Mou-
lons qu'on venait de tuer, le thermo-
mèti'e fut introduit sous la peau ou
dans la profondeur des organes, et
donna les indications suivantes :
Au tarse 32,22
Au mélatarse 36, H
A l'articulation du genou . . 38,80
Vers le haut de la cuisse . . 39,44
A la hanche 40,00
Dans le cerveau 40,00
Dans le rectum 40,50
Vers la base du foie 41,11
Dans la substance de cet or-
gane 41,û9
Dans le ventricule gouclic . . 41,07
11 est probable que la graduation
du thermomètre n'était pas exacte ;
mais les résultats obtenus n'en furent
pas moins comparatifs. En faisant des
observations analogues sur le corps
de l'Homme, les indications thermo-
métriques ne pouvaient être aussi
exactes; car M. J. Davy ne pouvait
appliquer qu'incomplètement le réser-
voir de l'instrument sur les parties
dont il voulait apprécier la tempéra-
ture. Voici, du reste, quelques-uns
des résultats qu'il obtint de la sorte :
Sous la plante du pied. . . . 32,22
Au mollet " ... 33,89
Au milieu de la cuisse. . . . 34,44
Près du nombril 35,00
A l'aisselle, où le thermomètre pou-
vait être complètement entouré par
les parties vivantes, le mercure s'éleva
à 36°,67 (6).
W. Edwards et Gentil trouvèrent
chez un homme en bonne santé et au
repos :
Dans la bouche et dans l'anus. 38,75
A la main 37,50
Au pieJ. 35,02
Ils virent aussi que dans l'aisselle et
[a] Hunter, Expériences et observations stir la faculté dont jouissent les Animaut de produira
de la chaleur [Œuvres, t. IV, p. 212).
(6) J. Davy, An Accoimt of some Experiments on Animal Heat (Philos. Trans., 1814, t. CIV,
p. 590).
as NUTRITION.
la principale cause des clifterences que l'ou observe dans la
température des diverses parties de l'organisme, est la faci-
lite plus ou moins grande avec laquelle ces parties perdent la
chaleur qui leur est propre. Or, il existe à cet égard des diffé-
rences très considérables, et il est évident que lors même que
chaque molécule de matière vivante développerait en un temps
donné une même quantité de chaleur, la température f)roduite
de la sorte différerait beaucoup près de la surface de refroi-
dissement et dans la profondeur de l'organisme. Les parties
superficielles du corps doivent donc être moins chaudes que
les parties internes, et, toutes choses étant égales d'ailleurs,
la différence doit être d'autant plus considérable que cette
surface est plus étendue relativement à la quantité de matière
vivante qu'elle limite. Il en résulte que la ibrme des diverses
parties du corps doit influer sur leur température propre,
et que cette teuipérature doit être non-seulement plus élevée
dans les parties intérieures que près de la peau, mais aussi plus
dans l'aine le] thermomètre ^s'élevait sur un Lapin par i\I. Collard de Mar-
moins que dans la main, mais il est tigny :
probable que cette anomalie dépendait
de quelque imperfection danslle mode Températuie de l'almosphère. 14°,5 Réaum.
d'expérimentation (a). du larse 17,5
Récemment M. Braune a profité d'un Du janct 21(5)
cas d'anus contre nature pour prendre Du pli de la jambe 26,5
la température de l'intérieur de Vin- Du cou, près du ihorax . . . 27,0
testin, et il a trouvé 37%5 ou environ ^'^ l'abdomen, sous la peau . 26,5
11,,, . . !• 1 De rintéi'ieur de l'abdomen . 25,5
~ de degré de monis , tandis que la
température de l'aisselle varie de 35", 7
Au - dessous du diaphragme ,
près de l'estomac 30,5
à 37 degrés (6). p^, (,,^^,3^^^ p^-^ ^^ ^^^,i. _ _ ^o,^ (r)
Je citerai également^ù ce sujet les
observations tliermomélriques faites Dans les expériences thermomélri-
(a) W. Edwards, Animal Heat (Todd's Cijclopœdia of Anat. and PhysioL, t. H, p G60).
(b) Braune, Ein Fall von Anus prœnaturalis [Arcliiv fur path. Anat. und PlujsioL, 1860,
t. XIX, p. 470).
(c) Collard de Martigny, Op. cit. {Journal complémeiUaire du Dictionnaire des sciences médi-
cales, t. XLIII, p. 269).
PRODUCTION DE CHALEtR. 39
élevée dans le tronc que dans les membres, et les divisions ter-
minales de ces appendices doivent être moins eliaudes que leur
portion basilaire. L'observation journalière suffirait pour mon-
trer la justesse de ces conclusions ; mais, pour nous donner la
mesure des différences qui existent à cet égard enlre les
diverses parties du corps d'un même individu , il faut avoir
recours aux indications thermométriques, et, pour prendre la
température dans l'inlérieur de l'organisme, on ne peut pas
toujours se servir de thermomètres ordinaires ; souvent il faut
avoir recours aux aiguilles thermo-électriques que l'on peut
enfoncer sans inconvénient dans les parties vivantes, et qui
permettent d'évaluer des différences très faibles. M. Becquerel
et Breschet ont fait de la sorte une série de recherches inté-
ressantes, et ils ont vu qu'il pouvait y avoir des différences
de plus de 2 degrés centigrades entre la température des
différentes parties profondes de l'organisme d'un même indi-
vidu (1). Pour les parties superficielles, l'abaissement de
la température peut être beaucoup plus considérable, et varie
davantage suivant les conditions dans lesquelles l'individu est
placé (2).
ques faites sur des Chiens, M. L. Finie sous-cutané adjacent. Ainsi, dans un
trouva la température du rectum un cas, la diiïérence était de l",8o, et
peu plus élevée que celle du cœur et dans une autre expérience de 2°, 25 (6).
du cerveau («). Dans une autre expérience , l'aiguille
(1) Les observations faites à l'aide introduite sous l'aponévrose plantaire
d'aiguilles tliermométriques par Bres- y indiquait 32 degrés, tandis que, pla-
chet et M. Becquerel ne furent pas cée dans le muscle biceps brachial ,
très variées ; mais elles montrent que elle marquait 37 ",5 (c).
dans la substance des muscles du bras (2) C'est aux différences de tempé-
la température est notablement plus rature existant entre le tronc et les mem-
élevée que dans le tissu cellulaire bres, et au refroidissement éprouvé
(a) Lud. Finki BeilrAge zur Tempemturtojmjraphie des Organismus (Miiller's Archiv fur
Anatomie und Phiisiologie, 1853, p. H2).
(6) Becquerel et Breschet, Premier Mémoire sur la chaleur animale {Ann. des sciences nat.,
2= série, 1835, t. III, p. 269).
(c) Becquerel et Breschei, Deuxième Mémoire sur Lu chaleur animale {Ann. des sciences nat ,
2" série, 1835, t. IV, p. 245).
liO NUTRITION.
Influence Dcs coiisiclérations du même ordre nous conduisent ii recon-
du volume ^ -, , , ^ .,,..,,
du corps naître que le volume du corps des êtres anunes doit inlluer
sur . , 1 , ' , • 1
sa icmpéraiure. aussi Dcoucoup sur leuF tcmperaturc propre, et que si la quan-
tité de chaleur qu'ils développent était la même pour un même
poids de matière calorigène, c'est-à-dire de substance vivante,
celui dont la masse serait faible ne saurait résister aux causes
de refroidissement dont tous sont entourés, comme le ferait
celui dont le volume serait considérable. Pour conserver la
même température quand le milieu ambiant est froid, les petits
Animaux ont donc besoin de produire beaucoup plus de chaleur
que ceux dont le corps est gros. Ainsi, une Mouche, par exemple,
pour conserver en hiver la température intérieure dont elle
jouit en été, aurait besoin de produire une quantité de chaleur
énorme comparée à celle au moyen de laquelle le moindre Mam-
mifère peut maintenir son corps à une température de 36 à
38 degrés ; et, comparativement, pour avoir la même tempéra-
ture intérieure, une Souris et un Lapin ont besoin de brûler beau-
coup plus de combustible organique qu'un Cheval ou un Bœuf.
Or, en étudiant les phénomènes de la respiration chez ces
par le sang en traversant les extré- Tarière carotide (o). Dans les expé-
mités, qu'il faut attribuer les diffé- riences faites par Breschet et M. Bec-
rences constatées par divers observa- querel sur des Chiens , le sang de
teurs entre la température du sang l'artère crurale était dans un cas de
artériel et celle du sang veineux dans 0°,S et dans un autre cas de 1",1 plus
ces parties. En effet, le sang qui revient chaud que le sang de la veine corres-
des membres et de la tête vers le cœur pondante. Ces savants trouvèrent aussi
est moins chaud que celui qui s'y le sang un peu plus chaud dans la
rend après avoir circulé dans les vais- veine jugulaire que dans la veine cru-
seaux du tronc. Ainsi, M. J. Davy a raie (6). Des observations analogues
trouvé ZiO° ,Sh pour le sang de la veine ont été faites récemment par M. Wur-
jugulaire, et /il", 67 pour le sang de litzer (c).
(a) J. Davy, Op. cit. {Philos. Trans., \8H, p. 596).
(b) Becquerel cl Breschet, Recherches cxi)érimentales phjjsico-chimiqties sw la tempéralure
des tissus et des liquides animaux (.inn. des sciences nat., 2' série, 1837, t. VII, p. 99 et
Euiv.).
(c) Wnrlilzer, Ec Umpcralhra saiigiiinis arleriosi cl vcnosi, adjeclis quibvsdam expcrimenlis
(ilifscrt. inauij.). Crcifswald, 1858.
l'ISOUUCllOrs l)K CHALLIJK. ki
dit'terenls éfrcs, nous avons vu (nrdTcclivenicnt les [lelils
Animaux à sang chaud consomment en un temps donné une
quantité d'oxygène qui, proportionnément au poids de leur
oor|)s, est beaucoup plus grande que celle employée de la
même manière par les gros Mammifères (1).
§ 6. — L'évaporation de l'eau qui a lieu sans cesse à la Effets
surface de la peau et dans les voies respiratoires de l'Homme icvaporaiion.
et des autres Animaux qui vivent dans l'atmosphère, est la
princi[)ale cause de refroidissement qui contre-balance les
effets Ihermométriques du développement de la chaleur propre
de ces êtres résultant de la combustion vitale dont ils sont
le siège ; et c'est aussi en raison de cette circonstance qu'ils
peuvent rester pendant un certain temps dans de l'air dont
la température est plus élevée que celle de leur corps, sans
que leur chaleur intérieure augmente notablement. En effet,
à mesure que la température de l'air s'élève, la tension de
la vapeur y augmente rapidement, et par conséquent l'éva-
poration s'active ; dans de l'air très chaud qui n'est pas
saturé d'humidité , la transpiration insensible , c'est-à-dire
l'évaporation de l'eau, est donc plus abondante que dans l'air
froid, et par cela même elle enlève à l'organisme plus de
chaleur (2).
Il y a là encore une de ces harmonies régulatrices qui sont
(1) Voyez tome II, page 515. évaporation, pendant un séjour de
(2) D'après les lois qui régissent la treize minutes dans une étuve :
transformation des liquides en vapeur, 50 gram, à la température de 40 ù 42 degrés.
on pouvait prévoir que les choses de- 215 — de 59 à 61
valent se passer ainsi dans réconomie "^^ "" de7lai2
animale, et les expériences de Delà- En deux minutes il perdit 220 gram-
roche et Berger prouvent que la théo- mes, quand la température de l'air am-
rie est en accord avec les faits. Ainsi, biant était entre 86 et 87 degrés (a).
l'un de ces physiologistes perdit par L'évaporation est beaucoup plus
{a) Dolaroclie, Expériences sur les effets qu'une forle chaleur pro.hiit dans Véconomie ani-
male, 1800, p. 48.
VIU. 1^
Action
de la chaleur
sur
les Animaux,
ll2 NUTRITION.
si remarquables dans les œuvres de la création, et qui sont pour
tous les esprits droits un objet d'admiration.
Effectivement, soit en raison de la coagulabilité des matières
albuminoïdes qui jouent un rôle si important dans la constitu-
tion des tissus et des liquides de l'organisme, soit à cause de
plusieurs autres circonstances dont l'examen nous entraînerait
trop loin du sujet principal de cette Leçon, les Animaux ne
peuvent continuer à vivre si la température de leur corps
s'élève au-dessus d'une certaine limite, qui en général ne
dépasse que de très peu le degré de chaleur auquel l'organisme
se maintient naturellement chez l'Homme et les autres Ver-
tébrés supérieurs (1). Aussi les eaux très chaudes ne sont-elles
habitées par aucun Animal ('2), et l'élévation de la température
grande dans l'air sec que dans l'air
humide (a) ; mais quand ce fluide est
cliargé de vapeur d'eau, son action
sur la peau provoque plus facilement
la sueur, ce qui peut déterminer des
pertes de poids plus considérables (6).
(1) J'aurai à revenir sur ce sujet
en traitant de la contraction muscu-
laire et des fonctions du système ner-
veux.
(2) Quelques voyageurs parlent de
Poissons ou autres Animaux qui liabi-
teraientdans des eaux thermales dont
la température serait beaucoup plus
élevée que celle du corps des Animaux
ordinaires ; mais leurs observations ne
paraissent pas mériter confiance. Ainsi
Sonnerai dit avoir vu, près de Ma-
nille, des Poissons dans une source
thermale dont la chalenr aurait été
entre 60 et 86 degrés (c) ; mais on
sait aujourd'hui, par les observations
plus précises de Marion de Procé, que
dans les eaux en question le thermo-
mètre ne marque pas plus de 36 de-
grés là où l'on voit des Animaux
vivants {d). Dans un bassin de la
fontaine de Hammain-Meskoulin , en
Algérie, où l'on voit nager des Bar-
beaux, la température de l'eau est à
56 degrés près de la surface ; mais
vers la partie inférieure , dans les
couches dont ces Animaux ne sortent
pas, la température n'est que d'en-
viron AO degrés (e). J'ajouterai que
M. Prinsep a vu des Poissons sup-
(a) W. Edwards, De Viniluence des agents ■physiques sur la vie, p. 217 et 385.
(b) Dularocho, Op. cit., p. 4'J.
(t) Sonnerai, Voyage à la Nouvelle- Guinée, et Voyage au.v Indes orientales et à la Chine.
{di Marioii de E>rocé, Excursion au village de Los Bagnos, près de Manille [Joiirnal de physique,
1822, t. XCIV, p. 1(51).
(e) Tripier, Observations sur les sources therma-les de Hamman-Berda et Hammam-Mes-
koulin, situées entre Bàne et Constaniine (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1839,
t. IX, p. G02).
PRODUCTION DE CHALEUR. AS
atmosphérique qui, dans certaines régions du globe, résulte
souvent de l'action des rayons solaires, serait promptement
mortelle pour tous ces êtres, s'ils ne possédaient en eux les
moyens nécessaires pour produire du froid : or, cette l'acuité,
comme je viens de le dire, leur est donnée par la transpiration
dont ils sont le siège (1). Sous ce rapport, leur corps ressemble à
porter une température de /|0 degrés
dans un réservoir à Calcutta (a), et
que M. Curaberland estime à hh^A la
clîaleur d'une source tliermale dans
le Bengale, où des Animaux: de la
même classe vivent habituellement (6).
Mais il est probable que cette dernière
observation thermométrique n'était
pas exacte ; car Spallanzani, qui a fait
beaucoup d'expériences sur ce sujet, a
vu que toujours les Grenouilles, les In-
sectes et les a 'lires Animaux qu'il plon-
geait dans de l'eau à Zt2 ou U'à degrés
y périssaient très promptement (c).
William Edwards a constaté aussi que
ces Animaux, ainsi que les Lézards,
les Tortues et les Poissons, meurent
presque instantanément lorsqu'on les
plonge complètement dans de l'eau à
Zi2 degrés {d). Enfin, tout récemment,
M. Cl. Bernard (e) et M. Klibne ont vu
que les Mammifères mouraient tou-
jours quand la température de leur
sang arrivait à environ lio degrés. D'a-
près ce dernier, la limite de la cha-
leur intérieure, compatible avec l'exis-
tence des Oiseaux, ne dépassait pas
/iS degrés, et il suffirait de oU degrés
pour déterminer chez les Grenouilles
un état tétanique du système muscu-
laire qui entraîne la mort (/").
(1) Chacun sait que l'élévation de
température déterminée par les rayons
solaires suffit parfois pour nous don-
ner la mort ; et jusqu'à l'époque où
les navigateurs portugais, en poursui-
vant leurs découvertes sur la côte
occidentale de l'Afrique, eurent fran-
chi la hgne, on croyait généralement
qu'à raison de cette circonstance la
zone torride était inhabitable pour
l'Homme. Vers le milieu du xv" siècle,
on reconnut que cela n'était pas;
mais les médecins, parfois témoins
d'accidents mortels produits par l'in-
solation, continuaient à penser que les
Animaux ne pouvaient exister dans
une atmosphère dont la température
serait supérieure à celle de leur
corps, et que la principale utilité de
la i-espiration était le refroidissement
dû à l'entrée de l'air frais dans les
poumons. Quelques expériences faites
sur les Animaux par Fahrenheit et
Provoost, pour vérifier les vues de
Boerhaave à ce sujet, vinrent à l'ap-
pui de celte opinion, car ces physiciens
virent un Chien, un Chat et un Moi-
fa) Prinscp, voyez Curnborland, Sur des Poissons trouvés dans une eau thermale à Poorce, au
Bengale (Bibiwlhèque universelle de Genève, 1839, l. XX, p. !i04).
{b} Cumberlanil, Op. cit. [Dibliothèque universelle de Genève, 1839, t. XX, p. 204J.
(f) Spallanzani, Opuscules de physique animale, t. I, p. 54 el 101 .
(d) W. Edwards, De l'inllueiice des agents physiques sur la vie, p. 374.
(e) Cl. Bernard, Leçons sur les liquides de l'organisme, 1859, 1. 1, p. 51.
if) liiilinc, iVyologische Untersuchungen, 1860, p. 173 et suiv
Faculté
de résister
lill ISUTRITIOX.
ces vases poreuN appelés alcarrazas, dans lesquels on t'ait rafrai-
à une certaine clilr dc l'eaii CH Ics cxposaiit à uii veiit chaud; et plus l'air qui
de iein7érat"ure. Igs entoure leuF ciilève de la vapeur, plus ils perdent de la cha-
leur, et résistent aux causes d'échauflement auxquelles ils sont
exposés. C'est de la sorte que l'Homme peut supporter pendant
quelque temps l'influence d'une atmosphère dont la tempéra-
iieaii mourir en peu dc minutes dans
une éluve où la température était d'en-
viron 63 degrés centigrades (o). Mais
diverses o])scrvations faites par Lining
à Cliarlestown , par Adanson au Sé-
négal, et par quelques autres auteurs,
montrèrent que l'élévation de la tem-
pérature de l'air ambiant au-dessus de
la chaleur du corps n'est pas nécessai-
rement mortelle pour l'Homme (6).
Gmelin fit remarquer aussi que dans
les bains de vapeur employés journel-
lement en l'.ussie, la température s'éle-
vait souvent à Zi3 et même à /i7 degrés
centigrades ; l'abbé Chappe y constata
une température encore plus élevée (c),
et, dans les expériences faites en 175/i
par Deutze, on avait vu des Chiens
supporter pendant un temps assez
long une température extérieure de
Zi2 ou Zi3 degrés, bien qu'ils aient péri
quand la chaleur fut portée au delà de
Zi/i degrés {cl). Mais ce furent les obser-
vations de Tillet et Duhamel qui con-
tribuèrent le plus à fixer l'opinion des
physiologistes à ce sujet. En 1760, ces
deux académiciens virent une femme
entrer dans un four de boulanger, où la
température était d'environ 132 degrés
centigrades, et y rester douze minutes
sans en ètrefortement incommodée (e).
Bientôt après (en 177/i), Blagden,
Banks, Solander et Fordyce firent une
série d'expériences sur le même sujet :
un de ces savants supporta pendant
quinze minutes une température qui
s'éleva graduellementde/i8'^,3 à 5/i°,4 ;
un autre put rester pendant sept mi-
nutes dans une étuve où l'air était
à 99°, U; enfin, dans une circonstance
particulière, le même physicien résista
pendant huit minutes à une tempéra-
ture de plus de 127 degrés (/"). Dob-
son , de Liverpool, répéta ces expé-
(a) Boerhaavc, Elementa chemiœ, 1. 1, p. 148.
(b) Lining, Letter concerning the tveather in South Cavolina {Philos. Trans., 1748, p. 336).
Adanson, Histoire naturelle du Sénégal, 1757, p. 81 .
— FI. Mai-lin, Letter, etc. {Philos. Trans., 1767, t. LVII, p. 218).
Barlcer Account of some Thermometrical Notes made at Allahabad in the East IiuUcs
(P/ù!os. rra?is., 177 5, t. LXV, p. 202).
Mongo Park, Premier voyage dans l'intérieur de l'Afrique, t. I, p. 218, 234 et 248. —
Deuxième voyage, p. 12, etc.
Ouselay, Travels in varions counlries of the East, 1819.
(c) Gmelin, Flora siberica, 1747, t. 1, p. Lxxxi.
— Chappe, Voyage en Sibérie, 1768, t. I, p. 51,
(d) Boerliaave, Elementa chemiœ, t. I, p. 147 et suiv.
le) Tillet, Mémoire sitr les degrés extraordinaires de chaleur auxquels l'Homme et les .Animaux
sont susceptibles de résister {Mém. dc l'.Acad. des sciences, 1764, p. 186);
(f) Blagden, Experimeiits and Observations in an heated room [Philos. Trans., 1775, t. LXV,
p_ m). Ihirther Experiments and Observ. in an heated room [toc. cit., p. 484).
PRODUCTION DR CIIALKLT,. /jS
tiire dépasse de beaucoup celle de son corps, et qu'on a vu
des personnes pénétrer impunément dans des étuves où le
thermomètre marquait plus de 100 degrés (1). Dans de l'air
riences, et arriva à des rc^sultals ana-
logues : ainsi un des hommes qu'il fit
entrer dans une étuve chaulFée à
106 degrés put y rester pendant dix
minutes, et une autre personne y resta
pendant vingt minutes exposée ù une
température de 98", 80 (a). Enfin, vers
le commencement du siècle actuel,
Berger et Delarochc firent une longue
série d^'expériences analogues, dans
lesquelles ils constatèrent de nouveau
que l'Homme peut vivre pendant un
certain temps dans de l'air chaufï'é à
plus de 100 degrés (6).
(l) Kn 1758, G. Ellis fit à ce sujet
une observation importante. En se
promenant à Tombre d'un parasol par
un temps très chaud, il vit le thermo-
mètre qu'il tenait à la main monter à
105 degrés Fahrenheit (ou /|0",5 centi-
grades) sous l'influence de l'air am-
biant, et descendre à 97 degrés Fah-
renheit (ou 36°,! centigrades) quand
il l'appliquait contre son corps (c). En
1773, le célèbre physicien Franklin
constata aussi, un jour d'été, que la
température de son corps se mainte-
nait au-dessous de celle de l'atmo-
sphère, et il attribua cette circonstance
à l'évaporation dont la surface de sa
peau , couverte de sueur , était le
siège (cl). Changeux s'appliqua égale-
ment à établir que la faculté de résis-
ter à l'influence de la chaleur exté-
rieure, constatée par Blagden et par
d'autres observateurs, dépendait es-
sentiellement des efl'ets de l'évapora-
tion (e) ; tandis que Crawford, après
avoir adopté d'abord une opinion ana-
logue if), crut pouvoir se rendre
mieux compte des phénomènes en les
attribuant en partie à une diminution
dans la quantité de phlogislique dont
le sang se chargerait quand la chaleur
extérieure s'élève (g), hypothèse qui
trouva crédit chez quelques physiolo-
gistes de l'époque, mais qui fut bientôt
abandonnée. Blagden et ses collabora-
teurs constatèrent mieux que ne l'a-
vaient fait leurs devanciers, que la tem-
pérature du corps humain reste à peu
près constante, malgré l'élévation de
celle de l'air ambiant, et ils recon-
nurent qu'on résiste plus aisément à la
chaleur extérieure dans de l'air secque
dans de l'air humide ; mais tout en
admettant que l'évapoi'alion dont l'or-
ganisme est le siège pouvait contri-
(a) DoLson, Experiments in an heated room (Philos. Trans., 1775, t. LXV, p. 4G3).
(b) Delai'oche (de Genève), Expériences sur les effets qu'une forte chaleur produit dans l'éco-
nomie animale, Ihcse. Pîris, 1806, n° H.
(c) G. Ellis, An Account of Ihe Ileat ofthe weather in GeorQia [Philos. Trans., 1758, t. L,
p, 755).
((() Franklin, Lettre sur le rafraîchissement produit var l'évaporation {Joxtrnal de phijsique,
1773, t. Il, p. 453). — Œuvres, trad. par Duboiirjr, 1773, t. II, p. 191 et suiv.
(e) Changeux, Doutes sur la puissance attribuée au corps animal de résister à des degrés de
chaleur sxipérieurs à sa température {Journal de physique, 1776, t. VII, p. 57).
(f) Crawford, Expériences sur le pouvoir qu'ont les Animaux, dans certains cas, de produire
du froid (Journal de physigue, 178'2, t. XX, p. 451).
la) Idem, Experiments and Observations on animal Heat, seconde édition, 1788, p. ISC et
suiv.
46 NUTRITION.
saturé d'humidité ou dans de l'eau, il n'en serait pas de même,
et l'équilibre de température s'établirait entre le corps vivant
etlemilieu ambiant avec d'autant plus de rapidité, (]ue le pre-
mier offrirait pins de surface comparativement à sa masse. Les
petits Animaux, par conséquent, doivent s'échauffer alors plus
vite que ceux dont le corps est volumineux, et, toutes choses
étant égales d'ailleurs, ils périssent plus tôt (1).
buer à la conservation de la fraîcheur
du corps, ils continuèrent à attribuer
principalement à la force vitale la
faculté en question. Enfin la théorie
de ce phénomène physique fut bien
établie par les expériences nombreuses
de Delaroche et Berger, dont j'ai déjà
eu l'occasion de parler {a).
(1) Ainsi, dans les anciennes expé-
riences de Fahrenheit et Provoost, un
Moineau mourut au bout de sept mi-
nutes dans une étuve où un Chien et
un Chat purent vivre pendant vingt-
huit minutes. Mais ce sont surtout
les recherches de Berger et Delaroche
qui firent bien voir les rapports qui
existent entre le volume du corps et
la faculté de résister à l'action échauf-
fante de l'air extérieur.
Ainsi, dans une étuve où la tempé-
rature s'éleva de 57°, 5 à 63», 7 centi-
grades, une Souris mourut au bout
de trente-deux minutes.
Dans l'étuve chauffée entre 62 et
80 degrés, un Cochon d'Inde vécut
une heure vingt-cinq minutes.
Un Anon resta pendant deux heures
cinquante minutes dans une atmosphère
d'où la température s'éleva progressi-
vement de 60 degrés à environ 75 de-
grés, et quoique fort affaibli à la fin
de l'expérience, il n'en mourut pas.
Des différences analogues furent
constatées par ces physiologistes entre
des Oiseaux de petite et de moyenne
taille (6).
Beaucoup d'autres circonstances in-
fluent également sur la faculté de ré-
sister à l'élévation de la température :
par exemple, la nature des téguments.
Ainsi, quand la peau est protégée par
des poils ou des plumes, qui sont des
corps mauvais conducteurs de la cha-
leur et qui emprisonnent une couche
d'air qui ne s'échauffe que lentement,
la haute température de l'atmosphère
ne produit pas l'élévation de la cha-
leur intérieure aussi promptcment que
lorsque la peau est nue et ne reste pas
en contact avec une couche d'air ra-
fraîchie par l'effet de l'évaporation de
l'eau qui se dégage de l'organisme.
C'est de la sorte qu'on se rend facile-
ment compte de l'influence des vêle-
ments et autres enveloppes dans les
expériences de Tillel et de Blagden, et
que l'on comprend comment les Arabes
ont pris l'habitude de s'entourer d'un
manteau de laine quand ils sont expo-
sés à de grandes chaleurs, aussi bien
(a) Delaroche, Expériences sur les effets qu'une forte chaleur produit dans l'économie ani-
male, 4 806.
(b) Delaroche, OjJ. cit., p. 22 et suiv.
PRODUCTION DE CHALEUR. 47
Du reste, il ne faut pas croire que la compensation établie
par l'évaporation soit complète, et que sous l'influence d'une
atmosphère très chaude, le corps humain conserve sa tempéra-
ture normale ; celte température s'élève notablement quand la
différence entre la chaleur intérieure et celle de l'air ambiant
devient forte (1), et c'est principalement à cause de cette
augmentation dans la chaleur intérieure que les épreuves de
ce genre ne peuvent ê(re supportées longtemps sans des souf-
frances considérables et sans un grand danger pour la vie.
que s'ils avaient à se préserver du
froid. Les expériences de William
Edwards relatives à Tinflucnce que
l'agitation de l'air exerce sur la marche
de la transpiration nous donnent la
clef de ces phénomènes (a).
(1) Dans les expériences de Berger
et Delaroche, im Cochon d'Inde dont
la température était de ob> degrés lors-
qu'on l'introduisit dans l'étuve, avait
environ àU degrés au moment de sa
mort. Tous les Animaux sur lesquels
portèrent les recherches de ces au-
teurs périrent lorsque la température
de leur corps s'était élevée de 6 ou
7 degrés au-dessus de la chaleur nor-
male. Un séjour de quelques minutes
dans de l'air à 80 degrés fit monter
de 5 degrés la température humaine
prise dans la bouche (6).
Suivant Duhamel, les Charançons
du blé résisteraient à une chaleur de
près de 100 degrés centigrades (c) ;
mais il résulte des expériences de
M. Doyère que ni ces Animaux ni d'au-
tres Insectes ne peuvent vivre quand la
température de leur corps s'élève à M
ou /i8 degrés (d). Les œufs peuvent
conserver leur vitalité tout en subis-
sant l'action d'une chaleur un peu
plus forte.
Lorsque le corps d'un Homme ou
d'un Animal est plongé dans Feau,
l'élévation de la température du mi-
lieu ambiant détermine des effets
analogues avec plus de rapidité, et
en général la mort arrive très promp-
tement quand cette température dé-
passe h5 degrés (e). On cite à ce sujet
des expériences de Lemonnier, qui
ne put supporter pendant plus de
huit minutes l'immersion dans un
bain d'eau thermale dont la tempéra-
ture était de li!i°,k (f), et l'on peut
consulter aussi les autres faits du
même ordre réunis par Berger (g).
(a) W. Edwards, De Vinfluence des agents physiques sur la vie, p. 90, 225, etc.
{h) Delaroche, Op. cit., p. 21, 43, etc.
(c) Duhamel, Traité de la conservation des grains {Mém. de l'Acad. des sciences, ilâ'i, liist.,
p. 218).
{d) Doyère, Recherches sur l'Ahicite des céréales, 1852, p. 49.
(e) Voyez ci-desaus, page 43, Dole.
(/■) Lomoiiiiier, Examen de quelques fontaines minérales de la France {Mém. de l'Acad. des
sciences, 1747, p. 259).
((/) Berger, Op. cit. (Mém. de la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève, 1833,
t. VI, p. 321).
/|8
NUTRITION.
EiTcts ditTûrenis § 7. — Lo ffoid arrivc à un certain degré est également
surîcsXers Jncompatiblc avec l'exercice des fonctions vitales, et lorsque
la température du corps d'un être animé ou d'une plante des-
cend au-dessous de celle limite, la mort, ou tout au moins un
état d'inactivité complète ne tarde pas à survenir. Mais sous
le rapport de la faculté de supporter un abaissement de tempé-
rature ou de résister à l'intluence du froid, il existe chez les
divers Animaux des différences très considérables et fort
importantes à bien connaître.
Chez les uns, la faculté de produire de la chaleur est très
faible, de sorte que la température propre de l'Animal ne peut
s'élever que fort peu au-dessus de celle du milieu ambiant;
mais la faculté de supporter le froid est en même temps très
grande, et par conséquent l'abaissement de la température
intérieure du corps, qui suit de près tout abaissement dans la
température extérieure, est sans inconvénient grave pour l'in-
dividu qui l'éprouve : ses fonctions se ralentissent et il tombe
dans un état d'engourdissement qui peut simuler la mort, mais
qui est rarement mortel. Pour d'autres, au contraire, la vie
s'arrête bientôt sans retour quand la chaleur intérieure diminue
notablement (l). Mais en général la faculté de produire de la
(1) Ainsi, clans les expériences de et dans dix-huit cas sur quarante et
W. Edwards sur de jeunes Oiseaux un elle est tombée au - dessous de
exposés à l'action de Tair froid , la 2/i degrés ; enfin, dans deux cas seu-
mort arriva presque toujours quand lenient, la mon est arrivée avant que
la température du corps avait été la température de l'Animal fût des-
abaissée d'environ 15 ou 16 degrés (a), cendue à 30 degrés. Or, dans toutes
' Dans les recherches de Chossat sur ces circonstances, c'est le refroidisse-
les effets de l'inanition, la vie s'étei- ment qui paraît avoir été la cause de
gnit aussi quand le refroidissement la mort, car en réchauffant artificiel-
du corps avait atteint à peu près la Icment l'Animal moribond, on pou-
même limite. Chez un Pigeon, la tem- vait presque toujours prolonger nola-
pérature est descendue jusqu'à 18°, 5, blement son existence et lui rendre
(a) W. FA^^varll^^, De l'influence des arjenls physiques sur la vie.
PRODUCTION DE CH.VLKUR. kO
chaleur est alors très grande et l'action du Croid extérieur
l'excite; de sorte que, dans certaines limites au moins, l'abais-
sement de la température atmosphérique détermine une aug-
mentation proportionnelle dans le développement de la chaleur
animale.
Ainsi l'Homme, la plupart des autres Mammifères et les
Oiseaux peuvent, dans les circonstances ordinaires, résister à
un froid extérieur extrêmement intense, sans éprouver dans la
température de l'intérieur de leur corps aucun changement
bien notable (1). Des observations thermométriques fiiites par
son activité vitale de façon à le mettre
en état de digérer des aliments et de
se rétablir (o). Dans une autre partie
de ces Leçons, je reviendrai sur les
effets que rabaissement de la tempé-
rature du corps produit sur le système
nerveux, et ici je me bornerai à ajouter,
comme preuve du ralentissement da
mouvement vital qui l'accompagne,
que dans cet état les Animaux à sang
chaud résistent mieux à l'asphyxie que
lorsque leur chaleur propre est nor-
male (6).
(1) Il résulte des observations ther-
mométriques de M. J. Davy et de
quelques autres voyageurs, que la tem-
pérature du corps humain ne reste pas
complètement stationnaire chez les
personnes qui passent des climats
tempérés dans les pays tropicaux ou
dans les régions très froides ; mais
les variations déterminées de la sorte
sont peu considérables, et dépassent
rarement un demi-degré ou 1 degré
centigrade (c). Ainsi M. Reynaud, en
observant les mêmes individus sous
la zone torride où la température se
maintient entre 26 degrés et 30», 8 ,
puis dans une région tempérée où le
thermomètre restait entre 12 et 17
degrés, trouva 37°,58 dans le premier
cas et 37°, 11 dans le second (d). Ey-
doux et Souleyet trouvèrent que les
mêmes Hommes avaient au cap Horn,
où la température atmosphérique était
0 degré, environ i degré de moins
que dans l'Inde, où la température
de l'air était de /|0 degrés (e). Enfin
M. Brown-Séqiiard, pendant un voyage
de France à l'île Maurice, a fait des ob-
servations analogues et a constaté des
différences ini peu plus considérables.
(a) Cliossat, Recherches expérimentales sur l'inanition [Mém. de l'Acad. des sciences, Savants
étrangers, t. VIII, p. 576, 593, eic).
(h) Brown-Séquard, Recherches expérimentales et cliniques sur quelques questions relatives
à l'asphyxie (Journal de physiologie, 1859, t. II, p. 97).
(c)J. Daservy, Obs.onthe Tcmperatureo Man and other Animais {Edinhurgh philos. Journal,
i^iC), et Researches Anat. and I'hysi.oL, t. , |i. 161).
{d) Reynaud, Dissertation sur la température humaine considérée sous les rapports des âges,
des tempéraments, des races et des climats, ilicso. Pari?, 1829.
(e) Blainville, Rapport sur les résultats scientifiques du voyage de la Bonite (Comptes rendus
de l'Acad. des sciences, 1838, t. VF, p. 457). — Voyage de la Bonite, Zool., t. I, p. xxxi.
50 NUTRITION.
divers voyageurs dans les régions glacées du pôle nord nous
montrent que beaucoup de ces Animaux à sang chaud peuvent
conserver leur température normale lorsque celle de l'atmos-
phère est pendant des mois entiers à 50, 60 ou même 80 degrés
plus bas. Le célèbre explorateur des mers arctiques, Parry,
vit plus d'une fois le thermomètre marquer 39 ou 40 degrés
dans l'intérieur du corps d'un Loup ou d'un Renard que les
chasseurs venaient de tuer, quand la température de l'air était
de 32 degrés ou même de 36 degrés au-dessous de zéro, et
l'on doit des observations analogues au capitaine Back (1).
Il est vrai que, dans les cas de ce genre, la déperdition de
la chaleur animale est toujours ralentie par l'existence d'une
fourrure épaisse, et que si la surface de la peau n'était pro-
tégée contre le contact du milieu réfrigérant par une enveloppe
formée par quelque corps très mauvais conducteur du calo-
Ainsi, chez 8 personnes la température climat chaud clans un chmat froid,
du corps s'est élevée, terme moyen, Des variations dans la température
de 1",27, en passant du Z|7^ degré de du corps en rapport avec la tempéra-
latitude nord, où la température at- ture de l'air ont été constatées aussi
mosphérique n'était que de 8 degrés, chez les Pigeons par Letellier (6).
à l'équaleur , où ceUe température (1) Le capitaine Back trouva que la
était de 29", 5. En six semaines, ces température propre de deux Lago-
mêmes individus ont ensuite perdu en pèdes de la baie d'Iludson était de
moyenne 0",67, en s'avançant vers le 43", 3 centigrades, lorsque la tempéra-
sud jusqu'à une latitude où l'air était ture de l'atmosphère était dans un
à 16 degrés (a). Dans ce cas, de même cas — 32°, 8, et dans l'autre — 35^,8;
que dans celui observé par Eydoux et par conséquent, la ditrérence entre la
Souleyet, la variation dans la chaleur température du corps et celle du mi-
animalc a été plus grande sous l'in- lieu ambiant était de 76°,! pour l'un
fluence de l'élévation de la température de ces Animaux, et de 79°, i pour
extérieure que lorsque l'on passait d'un l'autre (c).
(al Brown-Séquartl, Recherches sur l'influence des changements de climal sur la chaleur ani-
male {Journal de physiologie, 4 859, t. II, p. 549).
(b) Lelellier, Inflxience des lempératures extrêmes :tr la prod^iction de l'acide carbonique dans
la respiration des Animaux à sang chaud {Ann. de chimie et de physique, 3" série, ■! 845, t. XIII,
p. 488).
(c) Back, Narrative of the Arctic land Expédition to the moiilh of the great Fish river,
183G, p. 590.
PRODUCTION DE CHALEUR. 51
riqiie, la température intérieure de l'organisme baisserait
promptement, ainsi que cela a lieu chez l'Homme, quand il est
plongé dans un bain d'eau glacée ou exposé à l'air froid sans
êlre couvert de vêtements (1). Mais il n'en est pas moins
vrai que le mainlien d'une température de 30 à kO degrés
au-dessus de zéro, quand pendant des mois entiers tout est gelé
dans la nature inanimée, suppose un développement de chaleur
énorme dans l'intérieur de l'organisme vivant.
§ 8. — La faculté de produire de la chaleur est donc en
réalité beaucoup plus grande chez tous ces Animaux qu'on ne
le supposerait par l'observation de la température de leur corps
dans les climats doux ou tropicaux, et la quantité de chaleur
qu'ils développent varie beaucoup suivant les circonstances ;
tandis que chez les Animaux à sang froid, où la température
du corps varie avec celle du milieu ambiant, les différences
dans la quantité de chaleur développée restent presque con-
stantes ou s'abaissent sous l'influence du froid extérieur. Or,
puis([ue la production de chaleur est une conséquence de la
combustion physiologique, et que cette combustion est à son
tour en rapport avec le degré d'activité de l'être qui en est le
siège, nous pouvons conclure de ce fait que pour l'Homme et
(1) A l'occasion de la mort de plu- sujet descendit promptement à 33 ou
sieurs matelots qui, dans un naufrage ch degrés ; dans quelques circon-
sur les côtes de TAngleterre, périrent stances , cet instrument ne marqua
de froid en quelques heures, Currie même que '2 S ou 29 degrés : et ce
fit une série d'expériences intéres- grand refroidissement aurait été évi-
santes sur les effets produits par l'im- demment suivi d'accidents fort graves,
mersion dans un bain très froid. si on ne l'avait combattu très prompte-
Dans la plupart des cas, l'eau em- ment par l'application de couvertures
ployée était à environ 6 degrés, et un chaudes, par des frictions et par d'au-
ihermomètre placé sous la langue du très moyens convenables (a).
(o) J. Currie, An Account of the remarkable Effects of a shipwreck on the Mariners; with
Experiments and Observations on the Influence of immersion in fresh and sait mater, hot and
cold, on the Powers ofthe living Body {Philos, Trans., 1792, p. 199).
52 NUTRITION.
les autres Animaux à sang chaud, l'influence d'un froid modéré
doit être fortifiante, tandis que pour les Animaux à sang froid
elle, sera sédative.
Mais les recherches de mon frère William Edwards nous ont
appris qu'il y a une distinction importante à établir à cet égard
Facullc
productrice
de la chaleur
chez les jeunes , i * • », • » ■
Animaux, cntrc Ics Auniiaux nouveau-nes et ceux qui ont passe les pre
miers temps de la vie. Ainsi l'enfant, en arrivant au monde, ne
possède encore qu'une faible faculté productrice de chaleur (i),
et, sous ce rapport, il ressemble beaucoup à un Animal à sang
froid, si ce n'est que l'abaissement de température intérieure
dont ceux-ci ne souffrent pas est pour lui un danger consi-
dérable. II en est de même pour beaucoup d'autres Mammi-
fères, ainsi que pour un grand nombre d'Oiseaux qui, même en
été, meurent de froid, s'ils sont abandonnés à eux-mêmes et ne
reçoivent pas de leur mère, ou de quelque autre source calori-
fique, le complément de chaleur dont ils ont besoin pour main-
tenir leur corps à la température voulue (!2). Les Mammifères
(1) W. Edwards fat le premier à éta-
blir une distinction entre la faculté de
produire de la clîaleur et la production
effective de cet agent physique ; dis-
tinction qui est très importante, et sans
laquelle il est impossible de bien com-
prendre les variations qu'il a observées
dans la température du corps de
riJomme et de celui des Animaux (a).
(2) Lorsque les petits Chiens nou-
veau-nés sont à la mamelle, la tempé-
rature de leur corps est à peu près
égale à celle de leur mère ; mais s'ils
sont éloignés de celle-ci, et que la tem-
pérature de l'air ambiant ne soit que
de 10 à 20 degrés, il suffit d'une heure
ou deux pour qu'ils se refroidissent
beaucoup. Ainsi, dans une des expé-
riences faites par W. Edwards, un petit
Chien de forte race, âgé de vingt-
quatre heures, faisait monter le ther-
momètre à 37°, 7 5 au moment où on le
sépara de sa mère pour l'isoler dans
une atmosphère dont la température
était de 13 degrés. Au bout de dix mi-
nutes, sa température propre était des-
cendue de plus de 2 degrés, et dans
l'espace de trois heures l'abaissement
fut de plus de 11 degrés. Un autre indi-
vidu, dont la température initiale était
de 36", 8, perdit plus de 18 degrés en
quatre heures, et sa température propre
n'était alors que de 5 ou 6 degrés au-
dessus de celle de l'air. Dans une autre
série d'expériences, des Chiens de même
âge, mais de plus petite taille, placés
[a] W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 182.
PRODUCTION DE CHALKUR.
53
(|iii naissent les yeux fermés, tels que les (Chiens et les Chuls,
ainsi que les Oiseaux qui quittent l'œiiC avant d'avoir le corps
couvert de duvet, sont particulièrement remarquables par leur
peu d'aptitude à produire de la chaleur, et leur corps se refroi-
dit avec une facilité extrême (1). L'abaissement de température
qu'ils éprouvent ainsi provoque une réaction intérieure, et
dans des circonstances semblables,
éprouvèrent en treize heures un abais-
sement de lenipératiue égala 22 de-
grés; ils étaient alors dans un état de
faiblesse extrême : mais, placés devant
le feu et enveloppés d'un linge, ils se
réchauffèrent peu à peu ; en moins de
cinq heures ils reprirent presque leur
température primitive et parurent aussi
bien portants qu'avant l'expérience (a).
Chez les Chats nouveau-nés l'abaisse-
ment de la température propre du
corps a lieu avec plus de rapidité (6),
et chez les petits Lapins nouveau-nés
la chaleur de l'animal descend près -
que au niveau de la température ex-
trême en moins de trois heures (c).
Lorsque ces divers Mammifères nou-
veau-nés sont protégés contre l'action
de l'air froid par une enveloppe de
laine ou de quelque autre corps mau-
vais conducteur de la chaleur, ils se
refroidissent moins rapidement, mais
leur température s'abaisse peu à peu,
et au bout d'un certain temps descend
aussi bas que dans les circonstances
précédentes.
Des expériences faites par Holland
montrent que même à l'âge de trois
mois les Lapins résistent moins bien
au froid extérieur qu'ils ne le font h
l'âge adulte {d).
(1) Ainsi, dans une des expériences
faites par W. Edwards , des petits
Moineaux âgés de huit jours firent
monter le thermomètre à 30 degrés
au moment où on les retira de leur
nid pour les isoler : la température de
l'air était de 17 degrés ; et au bout
d'une heure la température de leur
corps n'était plus que de 19 degrés.
Chez un de ces individus, la chaleur
propre était même descendue à 18 de-
grés, et par conséquent n'était supé-
rieure à celle de l'air ambiant que de
1 degré. Le même physiologiste con-
stata des faits analogues chez beaucoup
d'autres jeunes Oiseaux, mênie chez
des Éperviers qui étaient presque aussi
gros que des Pigeons. Il est aussi
à noter que la différence qui existe
sous le rapport de la résistance au
refroidissement entre les jeunes Oi-
seaux et les adultes ne dépend pas
seulement de ce que les premiers
ont le corps nu et les seconds sont
couverts de plumes. Un Moineau adulte
dont toutes les plumes furent cou-
pées conserva sa température ordi-
naire dans les circonstances thermo-
(a) W. Edwards, Op. cit., p. 613.
{b) Idem, ibid., p. 6t5.
(c) Idem, ibid., p. OIG.
{d) Holland, An Experimeiilal Inqidnj inlo Ihe. laws luhich regulate thephenomma ofOrganic
and Animal Life, 1829, p. 130.
54 NUTRITION.
pendant quelque temps la combustion respiratoire augmente;
mais les forces de l'organisme ne suffisent pas au mainlien de
ce travail physiologique, et bientôt la température intérieure
s'abaisse de nouveau pour descendre plus bas que dans la pre-
mière période du phénomène : sous l'influence du froid exté-
rieur, de nouvelles oscillations se produisent, et il en résulte
bientôt un état morbide des poumons ou d'autres organes qui
détermine la mort (1). Les petits Mammifères qui naissent
les yeux ouverts ont la faculté de produire plus de chaleur, et
peuvent par conséquent mieux conserver leur température
propre sous l'influence du froid extérieur (2) ; mais dans l'es-
métriques où les jeunes éprouvèrent
rabaissement de température indiqué
ci-dessus («).
(1) On doit à M. Flourens une série
d'expériences très intéressantes sur les
causes de la mort des jeunes Oiseaux
de basse-cour qui se trouvent exposés
au froid. Ce physiologiste a constaté
qu'ils périssent par suite d'un état
inflammatoire des poumons (6).
(2) Ainsi, les petits Cochons d'Inde,
qui naissent les yeux ouverts et qui
peuvent tout de suite courir pour cher-
cher leur nourriture, conservent leur
chaleur propre lorsqu'ils sont éloignés
de leur mère et exposés à une tempéra-
ture extérieure de 10 à 20 degrés. Les
Chevreaux, les Poulains et beaucoup
d'autres ]\1 ammifères sont dans le même
cas. Mais ces jeunes Animaux n'ont ce-
pendant pas la faculté productrice de
la chaleur aussi développée que les
adultes, et ils résistent beaucoup moins
que ceux-ci à l'action refroidissante
d'un air dont la température est très
basse. Ainsi, nous voyons, dans les
expériences de W. Edwards, que sous
l'influence d'une température exté-
rieure de 0 degré, des Cochons d'Inde
adultes ne présentèrent au bout d'une
heure qu'une diminution de 2°, 5 dans
leur chaleur propre, tandis que des
individus de la môme espèce, mais âgés
de quelques jours seulement, perdirent
de 7 à 11 degrés (c).
Les Oiseaux qui, au moment de la
sortie de l'œuf, sont en état de courir
et de manger seuls, se trouvent dans
les mêmes conditions que les Mammi-
fères dont je viens de parler ; ils peu-
vent produire assez de chaleur pour
conserver la température propre des
Animaux de leur espèce et nécessaire
à l'exercice normal de leurs fonctions,
lors même qu'ils sont soumis à l'action
d'une température extérieure de 15 de-
(a) W. Edwards, De l'influence des agcnls physiques stirlavie, p. iii, 238, G19 et suiv.
(6) Flourens, Observations sur quelques maladies des Oiseaux (Ann. des sciences nat., 1829,
t. XVni, p. 03 et suiv.).
(c) W. Edwards, Op. cit., p. 136 el 625.
PRODUCTION DE CHALEUR. 55
pèce humaine cette faculté n'est encore que très imparfaitement
développée pendant les premiers jours de la vie extra-utérine,
et la statistique nous apprend que la mortalité des jeunes
enfants est notablement augmentée pendant nos hivers, lors-
qu'on expose ces frêles créatures à rinfluence du froid. Chez
ceux qui naissent avant terme, le pouvoir calorifique est encore
plus faible, et, pour leur conserver la température indispen-
sable à l'entretien de la vie, il est en général nécessaire d'avoir
recours à des moyens artificiels (1). Les médecins et les légis- tTcs enfants.
lateurs n'accordent pas à ces faits toute l'attention qu'ils
méritent ; mais ils ont une grande importance pour l'hygiène
publique, et je m'y arrêterais davantage, si le sujet spécial de
mes études ne m'interdisait les digressions de ce genre ('2).
Influence
du froia
sur
grés. Mais quand ils sont exposés î»
un froid de 9 degrés, et surtout de h ou
5 degrés, ils se refroidissent très rapi-
dement (o).
(1) Les enfants, comme on le sait
généralement, sont viables quand ils
naissent à sept mois de la vie intra-uté-
rine, mais à cette époque leur déve-
loppement n'est encore que très in-
complet, et, sous le rapport du sens de
la vue, ils sont à peu près dans le même
état que les petits Mammifères dont
les yeux sont fermés au moment de la
naissance; car la pupille est encore
bouchée par une membrane, et ce
caractère, sans avoir aucun rapport
direct avec la caloricité, coïncide avec
le faible degré de développement de la
faculté de produire de la chaleur, qui
fait ressembler les petits Chiens et les
Chats nouveau-nés à des Animaux à
sang froid. En effet, on sait que les en-
fants nés avant terme ne résistent pas
aux causes de refroidissement aux-
quelles les enfants ordinaires peuvent
être exposés sans inconvénient, et
qu'ils ont besoin de chaleur artifi-
cielle [b). Sous le rapport de la faculté
de développer de la chaleur, les en-
fants à terme sont dans un état inter-
médiaire entre celui des petits Mam-
mifères dont il vient d'être question
et les Mammifères adultes ; ils ne se
refroidissent pas aussi facilement que
les premiers, mais ils sont loin de pou-
voir maintenir une température inté-
rieure constante aussi bien que les
seconds.
(2) Il n'est peut-être aucun point de
physiologie appliquée à l'hygiène sur
lequel on ait eu des idées aussi erro-
nées que celui qui est relatif à l'in-
fluence du froid sur les jeunes enfants.
Dans l'espèce humaine, comme chez la
plupart des Animaux des classes supé-
rieures, l'instinct porte la mè re à main-
(c) W. Edwards, Op. cit., p. 144 et 623.
(b) W. Edwards, Op. cit., p. 505.
56 NUTRITION.
II est également à remarquer que par eela seul que les
jeunes Animaux sont moins volumineux que ceux dont la crois-
sance est terminée, ils doivent se refroidir plus facilement, et
cette circonstance, jointe à leur moindre aptitude à produire
tenir autour du nouveau-né une tem-
pérature douce et à le soustraire autant
que possii)le à Taction des vicissitudes
atmosphériques; et cependant des au-
teurs célèbres ont considéré ces pré-
cautions comme étant non-seulement
inutiles , mais même nuisibles aux
jeunes enfants, et ont vanté les usages
de quelques peuples qui, dit -on,
plongent dans de l'eau souvent gla-
cée les nouveau-nés, afin de fortifier
leur constitution, et cela même dans
les saisons les plus rigoureuses. Les
belles expériences de mon frère au-
raient pu suffire pour faire justice de
cette erreur dangereuse, et pour mon-
trer que dans les premiers temps de
la vie l'homme a besoin d'être pré-
servé contre le froid extérieur. Mais
afin de soumettre ce point de doctrine
hygiénique à une nouvelle épreuve,
et de chercher si l'on pouvait saisir
quelques rapports entre la marche
de la mortalité des enfants nouveau-
nés et l'état thermométricjue de l'at-
mosphère , nous fîmes , en 1829 ,
M. Villermé et moi, une série de re-
cherches statistiques dont il ne sera
peut-être pas inutile de dire ici quel-
ques mots. En comparant mois par
mois le nombre des naissances et le
nombre des décès d'enlanls âgés de un
jour à trois mois, nous trouvâmes que
pour la totaUté de la France la morta-
lité est la plus grande pendant la saison
froide; qu'elle diminue beaucoup au
printemps, et que cette diminution
dans la proportion des décès a lieu
plutôt dans nos départements méridio-
naux que dans ceux du Noi'd ; enfin,
que cette mortalité est plus forte quand
le froid est rigoureux que lorsque l'hi-
ver est doux. Nous en tirâmes celte
conclusion, qu'en hiver il est mauvais
d'exposer les enfants nouveau-nés au
froid, et que les prescriptions législa-
tives d'après lesquelles ils doivent être
présentés à la mairie avant l'expira-
tion du troisième jour qui suit la nais-
sance, afin d'y faire constater leur
état civil, est nuisible à l'hygiène pu-
blique (a).
Pour mettre mieux en lumière ce
résultat, nous fîmes recueillir ensuite
des documents comparatifs sur la mar-
che delà mortalité des jeunes enfants
mois par mois dans un certain nombre
de communes où les habitations sont
agglomérées autour de la mairie et dans
d'autres où les habitations étant très
épai'ses, le trajet à' faire pour porter
l'enfant de la maison paternelle au bu-
reau de l'état civil est généralement plus
long, et nous trouvâmes que, dans ces
dernières conditions, sur 12 000 décès
annuels d'enfants âgés de un à trente
jours, le trimestre d'hiver (décembre,
janvier et février) figurait, terme
moyen, pour 1276 par mois, tandis que
dans les communes où , en raison de
(a) MUnc Edwards cl Villcrmc, De l'injluence de la température sur la mortalité des enfants
nouveau-nés {Mcm. de la Société d'histoire naturelle de Paris, t. V, p. Glj.
l'UODllCTlON DE ClIALEUU. 57
de la chaleur, tait que la température de leur corps est en
général un peu moins élevée que celle des adultes de la môme
espèce. Cela résulte d'un grand nombre d'observations tlicr-
mométriques laites d'abord par Wdliam Edwards, puis par
M. Despretz, et plus récemment par M. Roger (1).
]'agg]omcralion des habitations autour
de la mairie, le trajet à faire était
court, le chiffre correspondant n'était
que de 1168 («)•
L'augmentation de la mortalité des
enfants nouveau-nés pendant la saison
froide ressort également des recherches
statistiques faites plus récemment en
Belgique et en Suisse (6).
Depuis quelques années l'attention
de l'administration a été appelée de
nouveau sur la question du transport
obligatoire des enfants nouveau-nés à
la mairie (c), et aujourd'hui, quoiqu'il
n'y ait eu à ce sujet aucun changement
introduit dans la législation, on tolère
souvent la déclaration de la naissance
par témoins. Dans l'intérêt de l'hygiène
publique, il est à espérer que cette
modification sera adoptée d'une ma-
nière plus générale.
Comme preuve de la faible résis-
tance que les enfants nouveau-nés
opposent au refroidissement, je citerai
aussi le fait suivant qui a été constaté
par M. Barensprung. Le bain tiède
dans lequel on place ces petits êtres
pendant quelques instants pour les
laver aussitôt après leur sortie du
sein de leur mère, suffit pour faire
baisser la température de leur corps
de 0°,90, terme moyen, et quelquefois
même de 1°,6 centigrade {d).
(1) Avant la publication des recher-
ches de mon frère, relativement à l'in-
fluence des agents physiques sur la vie,
on pensait assez généralement que la
température des enfants et des jeunes
Animaux à sang chaud éiait un peu
plus élevée que celle des adultes [e) ,
mais ce physiologiste a constaté qu'il
n'en est pas ainsi. Dans ses expé-
riences sur les petits Chiens à la ma-
melle, il a trouvé que la tempéra-
(fl) Milne Edwards, Influence de la lemj)ératiire siw la mortalité des jeunes enfants [V Institut,
1838, p. 388).
(b) Quetelet, De l'influence des saisons sur l'Homme {Ann. d'hygiène publique, 1832, t. VU,
p. 564).
— Lombard, De l'influence des saisons sur la mortalité à différents âges (Ann. d'hygiène
publique, 1833, t. X, p. 110).
(c) Loir, Du, service des actes de naissance en France et à l'étranger ; nécessité d'améliorer
ce service (Compte rendu des séances de l'Académie des sciences morales et politiques, 1845).
— De l'exécution de l'article 55 du Code civil relatif à la constatation des naissances {Reoue
du droit français et étranger, 1846, t. IIIj. — Du baptême, considéi'é dans ses rapports avec
l'étal civil et l'hygiène publique (loc. cit., 1849, t. V(). — De l'état civil des nouveau-nés au
point de vue de l'histoire, de l'hygiène et de la loi, iii-8, 1854.
— H. Royer-CoUard, Rapport (Bulletin de l'Acad. de médecine, t. XV, p. 554).
(d) Barcaspriing , Untersuchungen ûber die Temperaturverhâltnisse des Fœtus und des
erwachsenen Menschen (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1851, p. 139).
(e) Burdach, Traité de physiologie , t. IX, p. 631.
— HoUand, An expérimental Inquiry into Laïus which rcgulate the Phenomena of Organic
Life, 1829, p. 124.
vni. 5
Animaux
hibernaiils.
58 NUTRITION.
§ 9. — En général, on réunit indislinctement sous le nom
d'Animaux à sang chaud tous les Mammifères, ainsi que les
Oiseaux, parce que dans les circonstances ordinaires la tem-
pérature de leur corps est notablement supérieure à celle de
l'atmosphère 5 mais tous n'ont pas comme l'Homme, le Chien
ture de ces Animaux élait de 1 à
2 degrés inférieurs à celle des corps de
leur mère, el en comparant la chaleur
propre des enfants nouveau-nés à celle
des hommes adultes, il trouva en
moyenne dans l'aisselle 3/i'',85pour les
premiers, et36",r2 pour les seconds.
Chez un enfant né avant terme (à sept
mois), mais paraissant bien portant, et
âgé seulement de deux ou trois heures,
il trouva seulement 32 degrés, en pla-
çant également le thermomètre dans
le creux del'aisseJle (a).
M. Despretz trouva en moyenne
37°,lZi chez neuf Hommes âgés de
trente ans, et seulement 35°, 06 chez
trois enfants d'un à trois jours (6).
Les observations thermométriques
faites par M. Roger sont beaucoup plus
nombreuses, mais donnent des résul-
tats analogues ; elles font voir aussi
que dans les premiers temps de la vie
humaine les variations de température
sont beaucoup plus considérables qu'à
un âge plus avancé.
Chez des enfants nés depuis moins
d'une demi-heure, ce physiologiste
trouva pour la température moyenne
du creux de l'aisselle 36°,l/i, et chez
33 enfants âgés d'un à sept jours la
température maximum était 39°, 0, tan-
dis que le minimum était 30 degrés ;
enfin, la moyenne était 37°, 08.
chez 13 enfants âgés de quatre à six
mois, les extrêmes étaient 37°, 75 et
36°,75 ; la moyenne, 37°,11.
Enfin, chez 12 enfants âgés de sis
à quatorze ans, les extrêmes étaient,
d'une part 37°, 75, et d'autre part
37°, 0; la moyenne, 37°, 31 (c).
J'ajouterai que, d'après M. Mignot,
la température des nouveau-nés se-
rait un peu plus élevée. En effet, chez
13 enfants âgés de trois à cinq jours
et placés dans une chambre où l'air
était à 15 ou 16 degrés centigrades, il a
trouvé que la température du corps
prise sous l'aisselle ne variait qu'entre
37°, 3 et 38°,l(d). Enfin, dans une série
d'observations faites avec beaucoup de
soin par M. F. von Biirensprung, la
température des enfants nouveau -nés
fut trouvée presque la même que celle
de la mère prise dans le vagin avant
l'accouchement ; en moyenne, la diffé-
rence n'était que de 0°,07 (e).
(a) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. i33, 235 et 236.
(b) Dcsprelz, Recherches expérimentales sur les causes de la chaleur animale {Ann. de chimie
et de physique, 4 824, t. XXVI, p. 338).
(c) Tiogcr, De la température chez les enfants, iSH (Archives générales de médecine, i° série,
1845, t. V. p. 290).
(d) Mignot, Eecherches sur les phénomènes normaux et morbides delà circulation, de la calo-
rinilé et de la respiration chez les nouveau-nés, thèse. Paris, 1851, p. 9.
{e) Barciispning', Untersuchungen iïber die Teniperatiirverhaltnisse des Fœtus und des
erwachsenen Menschen im gesunden tind kranken Zustande (Miillcr's Archiv fiir Anat. und
Physiol., 1851, p. 13C).
PRODUCTION DE CHALEUR. , 59
OU le Cheval, une tempéralurc à pou près constante, et parmi
les Mammifères il. en est un certain nombre qui, tout en étant
aptes à produire plus de chaleur que ne saurait le faire un
Rcplilc ou un Poisson, ressemblent jusqu'à un certain point
aux Animaux à sang froid, car leur corps se refroidit facile-
ment, et ils supportent sans inconvénient un abaissement de
température qui serait mortel pour la plupart des Animaux
supérieurs, et qui détermine seulement, chez eux un état de
torpeur. On les désigne sous le nom à' Animaux hibernants ^
parce que durant l'hiver ils restent plongés dans une sorte de
léthargie ou de sommeil profond. Le froid engourdit de la même
manière beaucoup d'Animaux inférieurs, et il est un grand
nombre d'Insectes et de Mollusques, aussi bien que des Reptiles,
des Batraciens et des Poissons, C|Ui passent ainsi la totalité de
la saison froide dans un état d'inactivité complète, durant
laquelle toutes les fonctions sont suspendues ou du moins très
ralenties (1) ; mais c'est chez les Mammifères hibernants que
(J) Quelques Mollusques consei-vent de l'année. Ainsi, on rencontre la Vi-
leur activité à des températures très trina diaphana dans les Pyrénées,
basses : ainsi, on voit souvent des Lim- blottie sous les pierres, à des hauteurs
nées et des Planorbes qui nagent dans où la neige couvre la terre pendant
de l'eau recouverte d'une couché neuf à dix mois (6).
épaisse de glace, et dont la tempéra- Les Colimaçons, aux premiers froids
ture, par conséquent, ne peut s'élever de l'hiver, cessent de manger et se ca-
gaèrc au-dessus de zéro (a). Mais la client dans la mousse ou dans des trous
plupart des Animaux de cet embran- creusés en terre, puis se blottissent
chement s'engourdissent au commen- dans leur coquille. En général, ils font
cernent de la saison froide, et restent alors suinter du bord de leur manteau
dans un état de torpeur jusqu'au prin- une matière blanchâtre plus ou moins
temps. Quelquefois ce sommeil hiver- riche en carbonate de chaux, qui, en se
nal dure pendant la plus grande partie solidifiant, constitue une sorte d'oper-
(«) Picard et Garnicr, Histoire des Mollusques terrestres et fluvialiles qui vivent dans le dépar-
tement de la Somme {Bulletin de la Société linnéenne du Nord de la France, Abbeville 1840
t. 1, p. 278).
(6) Charpentier, Catalogue des Mollusques terrestres et jluviatiles de la Suisse (Nouveaux
Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, d837, t. I, p. i).
— Moquin-Taiidon, Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluvialiles de France t I
p. 115. ' • I
GO NUTRITION.
ce phénomène est le plus remsiTjuable, parce que, sous l'in-
fluence excitante de la chaleur, ces êtres se raniment non-
seulement de façon à pouvoir exécuter des mouvements plus
cale leinpoi'aire nommé épiphragme,
et bouche complètement l'entrée de
Icm- coquille ; puis l'animal se contracte
encore davantage, de façon à laisser
entre cette cloison et son pied un cer-
tain espace qu'il remplit avec l'air
chassé de son poumon. 11 reste ensuite
dans un état de torpeur profonde. Ce
repos hivernal a été signalé par Aris-
lote («), et Dioscoride parle de l'oper-
cule que ces Animaux forment pour
fermer leur coquille (6). Spallanzani a
constaté que leur respiration devient
alors presque nulle, mais que leur
sommeil est peu profond, en sorte que
d'ordinaire il suffit de casser leur épi-
phragme, et de les irriter mécanique-
ment, pour les faire sortir de leur co-
quille, et se mettre en mouvement (c).
Quand la température est très basse,
leur cœur cesse de battre (d). Il est
cependant probable que, malgré cet
état de torpeur, ils continuent à pro-
duire un peu de chaleur, car ils ré-
sistent pendant quelque temps à un
froid très vif, et il faut les soumettre à
l'action d'une température de 7 ou 8
degrés au-dessous de zéro pour déter-
miner la congélation de leur corps (e).
Des faits analogues ont été observés
chez plusieurs autres Mollusques (/").
Beaucoup d'Insectes qui passent l'hi-
ver à l'état adulte s'engourdissent, et
restent dans une léthargie plus ou
moins profonde pendant toute la sai-
son froide (g). Mais c'est à tort que
les entomologistes supposent qu'il doive
en être ainsi pour la plupart des es-
pèces xylophages, qui passent l'hiver
dans le tronc des arbres, car là la tem-
pérature est rarement assez basse pour
produire un semblable sommeil hi-
vernal. Les Fourmis tombent en tor-
peur à 2 ou 3 degrés au-dessous de
zéro [h). Les Abeilles s'engourdissent
et paraissent mortes quand leur tem-
pérature descend à 5 ou G degrés
centigrades, et elles ne résistent que
fort peu de temps aux effets ainsi pro-
duits (i) ; mais, lorsque ces Ani-
(a) Aristole, Histoire naturelle des Animaux, Irad. de Camus, liv. VIIl, I. I, p. 405.
(6) Dioscoride, De materia medica, lib. Il, cap. VlII.
(c) Spallanzani, Mànoire sur la respiration, p. 128 et suiv.
(rfl Lister, Exerr.itaiio anatomica in qua de Coclileis, maxime terreslribus, et Limacibus agiliir,
1G94.
(e) Gaspard, Méin. physiologifjuc sur le Colimaçon (Journal de physiologie de Magendic, 1822,
I. II, p. 315).
(/■) Joly, Note sur des Anodonla cjcnea et des Paludina vivipara qui ont résisté à la congélation
(Ann. des sciences nat., 3' série, 1845, t. III, p. 373).
— Moquin-Tandon, Op. cit., p. 115.
[g) Schmid, Ueber die Winteraufenthalt der Kdfer (Illiger Magazin fur Insectenkunde, 1802,
1. 1, p. 209).
— Suckow, Ueber den Winterschlafder Insectr.n {Hcuss'mger's Zeitschrift, 1827, t. I, p, 597),
— Kirley and Spence, Op. cit., I. II, p. 437 et suiv.
— Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 020 et suiv.
— Newport, On the Température ofinsects {Philos. Trans., 1837, p. 275).
[h) Hubcr fils, Recherches sur les mœurs des Fourmis, p. 202.
(i) Réaumur, Op. cit., t. V, p. 070.
— J. Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles, t. II, p. 324,
PRODUCTION DE CHALEUR. 61
OU moins rapides et à jouir de la plénitude des faeullés animales,
mais aussi à produire beaucoup de chaleur et à avoir une
température propre qui dépasse de beaucoup celle du milieu
où ils vivent d'ordinaire (1).
Certains Oiseaux, ainsi que divers Mammifères, appartien-
nent à la catégorie des Animaux hibernants; mais il existe
maux sont réunis en grand nombre
dans leur ruche, ils produisent assez
de chaleur pour maintenir la tempéra-
ture nécessaire à l'exercice de leurs
fonctions.
Comme exemple d'Insectes capables
de conserver leur activité à de très
basses températures, je citerai le Po-
clura nivalis, qui court avec agilité
sur la neige. Une espèce de cette fa-
mille (le Desoria glacialis) vit en
sociétés nombreuses sur les glaciers
de la Suisse (a). 0
(1) Les Mammifères chez lesquels le
sommeil hivernal est le plus profond,
et le ralentissement des fonctions nu-
tritives est porté le plus loin durant
cet état de torpeur, sont, les uns de
petits Insectivores, tels que les Chauves-
Souris et les Hérissons, les autres des
Rongeurs qui se nourrissent principa-
lement de fruits ou de grains, et qui
habitent sous des climats rigoureux à
cause de l'élévation des lieux ou de
leur éloignement des régions tropicales :
par exemple, la Marmotte des Alpes,
le Loir, le Lérot, le Muscardin et le
Hamster de l'Europe septentrionale.
Nos Écureuils, le l'orc-Épic et plu-
sieurs autres Animaux du môme or-
dre hibernent aussi; mais tous les
Rongeurs des pays froids ne sont pas
dans ce cas, les Lemmings, par exem-
ple. Quelques grands Mammifères qui
se nourrissent principalement de fruits,
et qui haljitent les montagnes où le
froid est long et rigoureux, présentent
des phénomènes du même ordre. Ainsi
l'Ours brun et le Blaireau restent en-
dormis dans leur tanière pendant pres-
que tout l'hiver, mais leur sommeil
est beaucoup moins profond que celui
des petits Mammifères dont je viens
de parler. L'Ours polaire, qui est es-
sentiellement carnassier, ne s'engourdit
pas de la sorte.
Buffon considérait les Mammifères
hibernants comme des Animaux à sang
froid, et pensait que la température in-
terne de leur corps était toujours à
peu près la même que celle de l'at-
mosphère (6). Mais il était dans l'er-
reur, et Spallanzani fit voir que la
chaleur propre de ces Mammifères est
souvent de 15 à 20 degrés au-dessus
de la température de l'air, lorsque
celle-ci est assez élevée pour qu'ils res-
tent éveillés (c). Hunter trouva aussi
(«) Nicolet, Recherches pour servir à l'histoire des Podurelles, p. 5S (Nouveaux Mémoires de
la Socidté helvétique des sciences naturelles, \ 84t , t. VI).
(b) Bud'on, Histoire naturelle des f'kiadrupèdes, art. Lom (Œuvres, cdit. de Venlièro, t. XX,
p. I'i2).
(c) Spallanzani, Opuscules de physique animale et véyétale, 1. 1, p. i 10.
— Lortet, Observations sur le sommeil léthargique du Musrardin (Ann. de la Société a' agri-
culture de Lyon, 1844, I. Vil).
62
NUTRITION.
parmi ces êtres beaucoup de degrés sous le rapport de la
Inculte de résister à l'abaissement de température et quant
à l'intensité de l'état léthargique déterminé par le froid.
Ainsi, chez les uns, la faculté de produire de la clialeur est
assez grande pour qu'en hiver la température du corps ne
que le thermomètre marquait 27°, 5
dans l'intérieur de rabdomen d'un
Loir en activité, bien que la tempéra-
ture de l'air ambiant ne fût que de
17°, 7 (o). Des faits du même ordre ont
été constatés par Mangili , Prunelle,
Saissey, M. J. Davy, 1\I. Regnault, et
plusieurs autres expérimentateurs [b).
Ainsi, dans quelques-unes des obscr-
vationsdeM. Regnault, quandlatempé-
rature extérieure était comprise entre
1 0 et 15 degrés, la chaleur animale de
la Marmotte, observée dans le rec-
tum, était de 32 à 35 degrés.
Dans les expériences de Saissey, la
température du corps de la Chauve-
Souris ne s'est jamais élevée au-dessus
de 31 degrés centigrades (c).
Ce n'est pas seulement en hiver que
les Mammifères hibernants s'engour-
dissent ; toutes les fois qu'on les sou-
met pendant un certain temps à Tin-
fluence d'une basse température, leur
corps se refroidit, et ce refroidissement
amène à sa suite l'état de torpeur.
Ainsi Pallas a déterminé le sommeil
léthargique chez des Marmottes, en les
plaçant dans une glacière pendant
l'été, et Saissey a obtenu par le même
moyen un résultat analogue dans ses
expériences sur des Hérissons et des
Loirs.
La température à laquelle l'état de
torpeur se déclare, varie suivant les
espèces, et l'on peut conclure de là que
la faculté productrice de la chaleur
n'est pas également faible chez tous ces
Animaux. Ainsi, Berthold a vu des
Muscardins s'engourdir de la sorte
dans une chambre où l'air était entre
10 et 17 degrés. D'après. Saissey, le
Hérisson et les Chauves-Souris tombent
en léthargie quand la température du
milieu ambiant est de 6 ou 7 degrés,
{a) Hunier, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animaux de j'rodnire
de la chaleiir {Couvres, t. IV, p. 215).
(b) Mangili, Saggio d'osservazioniper servire alla storia dei Mammiferi soggetti a periodico
letaryo. Milano, 1S07. — Mémoire sur la léthargie des Marmottes {Ann. du Muséum, 1807,
t. IX, p. 106). — Sur la léthargie périodique de quelques Mammifères (Op. cit., 1. X, p. -i3i).
— Saissey, Recherches expérimentales anatomiques, chimiques, etc., sur la physique des
Animaux mammifères hibernants, 1808.
— Prunelle, Recherches sur les phénomènes et sur les causes du sommeil hivernal de quel-
ques Mammifères {Ann. du Muséum, t. XVIII, p. 20 et 302).
— Berger, Expériences et remarques sur quelques Anima^ix qui s'engourdissent pendant la
saison froide {Mém. du Muséum, 1828, t. XVI, p. 201).
— Marshall-Hiill, On Hybernation {Philos. Trans., 1832, p. 335).
— Gmelin, Ueber den Winterschla f {iuSiU'^. dissort.). Tubingen, 1839.
— Regnault et Reiset, Recherches chimiques sur la respiration des Animaux (.4)1)!. de chimie
et de physique, 3» série, 1849, t. XXVI, p. 429 cl suiv.).
— Valentin, Beitrdye z?w' Kenntniss des Winterschlafen der Murmellhiere (Molescliolt's
Untersuchungen aur Naturlehre des Menschen und der Thiere, 1857, t. I, p. 200 ; t. Il,
p. 1 et suiv).
• (c) Saissey, Op. cit., p. 10.
PRODUCTION DE CHALEUR. 63
s'abaisse pas beaucoup, et que le sommeil qui accompagne ce
refroidissement ne soit pas très profond; tandis que chez
d'autres, cette facuUé s'affaiblit rapidement sous l'influence
d'une basse température, et que le refroidissement du corps
amène une suspension presque complète de tout travail phy-
siologique (1 ) .
Les Animaux hibernants nous offrent un nouvel exemple
des harmonies de la création dont tout naturaliste doit être si
souvent frappé. Les Mammifères qui présentent celle particu-
larité physiologique sont seulement ceux qui se nourrissent
d'Insectes,, de fruits ou d'autres substances analogues, et qui
sont destinés à habiter les pays où pendant l'hiver ils ne pour-
raient trouver aucun dos aliments dont ils ont besoin. Mais
cette privation ne leur nuit pas, car le froid, qui fait disparaître
de la surface de la terre les iVnimaux et les produits végétaux
qui leur conviennent, les plonge dans un état de torpeur pen-
dant lequel tous les besoins du travail nutritif deviennent
presque nuls : ils restent alors cachés dans quelque réduit
et le Lérot s'endort de la même ma- raît que c'est au contraire pendant les
nière sous l'influence d'un froid de h mois où la température est le plus
ou 5 degrés au-dessus de zéro. Le basse que ces petits Animaux s'engour-
sommeil hivernal de la Marmotte ne se dissent (a).
déclare pas sitôt; pour le proJuire, Je ne parle pas ici des hypothèses
il faut d'ordinaire un froid de 6 degrés qui ont été hasardées pour expliquer la
au-dessous de zéro. cause des particularités physiologiques
(1) D'après Bruguière, le Tenrec que présentent les Animaux hiber-
de Madagascar tomberait en léthargie nanls, car aucune d'elles ne peut être
pendant la saison chaude, mais i! pa- considérée comme satisfaisante (6).
(n; Desjardiiis, Kote sur le Tenrec {Ann. des sciences, nat., 1830, t. XX, p. 179).
— Coqiicrel, Noie sur les habitudes des Tenrecs {Revue aoologiqite.iSAS, p. 33).
— Telf.iir, Letter (Proceedinrjs of the Commillee of the Zoological Society, 1831, pari, d,
p. 89).
— lîrown-Séqnai'd, On the causes of the Torpidity of the Tenrec [Expérimental Researches
applied to Physiologij und Palhology. 1853, p. 25).
(/)) t'astre. De la cause de l'hibernation chez les Animaux dormeurs {Nova Acla Acad. nat.
curios., 1829, t. XIV, p. GGl).
— Oilo, De A7iimalium quorumdam per hyemem dormientium vasis cephalicis et aure interna
(Nova Acta Acad. nat. curios., t. Xlll, p. 23 ; —Ann. des sciences nat , 1827, t. XI, p. 70).
64 NUTRITION.
bien abrité; leur circulation se ralentit beaucoup; leur respi-
ration, sans cesser complètement, diminue de façon que la
combustion vitale devienne extrêmement faible , et que la
graisse emmagasinée dans leur corps suffise pour l'entre-
tenir. Les Oiseaux ne possèdent que fort rarement la faculté
de dormir d'un sommeil profond pendant toute la durée de
nos longs hivers ; mais la Nature pourvoit autrement à leur
conservation en donnant à plusieurs d'entre eux l'instinct de
l'émigration, qui les conduit dans des climats où la nourriture
ne leur fait pas défaut Cl). Dans la suite de ce cours, nous
aurons à revenir sur la considération de ces faits remar-
(1) Les Hirondelles, comme on le
sait, quittent nos contrées aux appro-
ches de la saison froide, et il paraît
indubitable qu'en général elles émi-
grent alors vers les parties chaudes
de l'Afrique; mais quelques espèces
de ce genre, telles que l'Hirondelle de
rivage et l'Elirondelle de fenêtre, pa-
raissent être susceptibles de passer la
mauvaise saison cachées dans des trous
et plongées dans un état de léthargie.
Un naturaliste de Suède, OlaiisMagnus,
a prétendu que dans le Nord, ces Oi-
seaux passaient l'hiver sous l'eau, pe-
lotonnés en groupes serrés, et cette
assertion a été répétée par plusieurs
auteurs ; mais, dans l'état actuel de la
science, elle n'est pas admissible (o).
D'après le témoignage de divers ob-
servateurs, des Hirondelles se trouvent
parfois, pendant l'hiver, dans des an-
fractuosités de rochers ou dans d'autres
retraites, et y restent profondément
engourdies. On cite plusieurs exemples
de ce genre, et l'on a vu les Hirondelles
engourdies par le froid reprendre leur
activité quand on les eut réchauf-
fées (6). Il est même possible que
lorsqu'elles sont dans cette espèce
de léthargie, elles puissent résister
pendant un certain temps à l'asphyxie,
et ne pas se noyer aussi vite que
d'ordinaire. Du reste, l'action séda-
tive du froid ne paraît pouvoir se
faire sentir sur ces animaux qu'à la
longue; carSpallanzani, en soumettant
des Hirondelles à une très basse tem-
pérature pendant plusieurs heures, ne
parvint pas à les endormir (c).
la) Olaiis Magniis, Histoii-e des pays septenlnonaux, 1561, p. 217.
(6) Achard, Remarks on Swallows on the Rhine (Philos. Trans., 17G3, t. LV, p. 101).
■ — Chalelux, Voyage dans l'Amérique septentrionale, t. II, p. 329.
— Pallas, Voyage dans plusieurs provinces de l'empire de Russie, t. II, p. 4-09 (ôilit. do
Lainarck).
— C. Smilli, Facts in regard to the Hybernation of the chimney Swallow (New Philosopliical
Journal, 1827. t. III, p. 231).
— Dutrochet, liivernalioii t/es Hirondelles (Comptes rendus de VAcad. des sciences, 1838,
t. VI, p. 673).
(c) Spallanzaiii, Voyage en Sicile, t. VI, p, 13 et siiiv.
PRODUCTION DE CHALEUR. 65
quables ; mais je ne pouvais passer à côté d'eux sans les
signaler.
Sons le rapport de la faculté de produire la chaleur et de '"•«■^umé
des différences
supporter le froid, il y a donc quatre catégories principales à Jans la facuué
de produire
établir : «'e la clialeur.
1° Les Animaux à sang chaud et à température constante, qui
produisent beaucoup de chaleur, et qui, sous l'influence d'un
froid modéré, augmentent celte production de façon à con-
server une température propre qui ne varie que peu.
2° Les Animaux à sang chaud et à température variable,
qui ne sont pas aptes à produire assez de chaleur pour résister
à des causes de refroidissement d'une puissance médiocre,
mais qui ne sont pas organisés pour supporter un abaissement
notable de température intérieure, et qui périssent promptement
quand la température du milieu ambiant s'abaisse beaucoup.
3" Les Animaux à sang chaud et à température essentielle-
ment variable, qui se refroidissent très facilement, et pour les-
quels ce refroidissement occasionne un ralentissement dans les
fonctions vitales sans être une cause de mort, c'est-à-dire les
Animaux hibernants.
/i° Les Animaux à sang froid, qui ne produisent pas assez de
chaleur pour avoir dans les circonstances ordinaires une tem-
pérature propre qui s'élève beaucoup au-dessus de celle du
milieu ambiant, et qui supportent sans inconvénient un refroi-
dissement considérable, soit en s'engourdissant, soit en con-
servant la plénitude de leur activité vitale.
Tous les Animaux invertébrés, de meuieque les Poissons, les
Batraciens et les Reptiles, appartiennent à cette dernière caté-
gorie, et beaucoup d'entre eux conservent ime grande activité
lorsque la température intérieure de leur corps ne s'élève que
fort peu au-dessus de celle de la glace fondante. Beaucoup de •
Poissons sont dans ce cas, et, ainsi que nous le verrons plus
tard, c'est pendant qu'ils subissent ainsi l'influence du froid
66 NUTRITION.
que fort souvent ils vaquent aux fonctions de la reproduction.
D'autres s'engourdissent quand la température de leur corps
s'abaisse de la sorte, et il en est qui peuvent alors supporter
la congélation sans périr (1).
Nos connaissances sont encore très incomplètes au sujet des
(1) Chez les Animaux à sang chaud,
la congélation, même partielle du
corps, est en général suivie de la mort
des parties dont les liquides ont été
solidifiés de la sorte (a) ; mais dans
quelques cas on a vu certaines por-
tions de Torganisme revenir à la vie
et reprendre leur état ordinaire après
a voir été complètement gelées. Ilunter
a constaté des faits de ce genre chez
des Lapins dont il avait gelé une
oreille en la maintenant pendant une
heure dans un mélange réfrigérant, et
chez des Coqs dont il congela de la
même manière la crête et les bar-
billons (b).
Les Animaux à sang froid résistent
mieux aux effets de la congélation, et
un grand nombre d'entre eux peuvent
continuer à vivre après que la totalité
de leur corps a été solidifiée par lefroid.
Ainsi Lister a vu des Chenilles l'e-
prendre le mouvement après avoir été
congelées (c), et Réaumur a constaté
que les larves du Bombyx pitijocampa
peuvent supporter sans périr un froid
de plus de 2/i degros au-dessous de
zéro (cl). Bonnet fit des observations
analogues sur des Chrysalides du
Pontia Brassicœ, et Steikcrs obtint le
même résultat dans des expériences
sur la congélation de quelques larves
de Tipules (e). Je citerai également
ici des recherches sur la congélation
des Podurelles, faites par M. Nicol-
let (/■) ; mais une des expériences
les plus remarquables à ce sujet est
due au capitaine Ross. Ce voyageur
l^laça 30 Chenilles daiis une boîte,
qu'il exposa quatre fois de suite pen-
dant une semaine à une température
de — /i'2 degrés environ. A chaque
exposition elles devinrent roides et
furent congelées ; cependant ,a rès
la première exposition, toutes revin-
rent à la vie quand on les ramena
dans une chambre chaude ; 23 survé-
curent à la seconde congélation, 11 res-
tèrent à la troisième épreuve, et 2 pu-
rent être rappelées à la vie après la
quatrième congélaiion {g). M. Joly (de
Toulouse) a constaté aussi que des Pa-
ludines et des Anodontes ont pu être
pris dans un bloc de glace, dont la tem-
pérature était descendue jusqu'à 5 de-
grés au-dessous de zéro sans périr, ni
(ft) Au sujet des efTuls du froid sur lo corps humain, je renverrai à r.'uHiclc CoxciSlation du
Cûinpendium de chirurgie pratique par Ijérard et Denonvilliers, 1. I, p. 380 et suiv.
{b) Huilier, Traité du saufj, elc. {Œuvres, I. IH, p. 131).
((?) Lisler, Goedartius, De iiiseclis, 1085, p. 7().
[dj rioauiiuir, Mcm. pour servir à l'histoire naturelle des Insectes, t. !I, p. 142.
(e) Kirby et Spence, An Introduction lo Entomolocjy, t. II, p. 453.
{/■) Ross, Effet d'un froid intense sur des Chenilles [Bibliothèque universelle de Genève, nouv.
série, t. III, p. 423). .
(g) Nicolet, Recherches pour servir à l'iiistoirc naturelle des Podurelles, p. 12 {Nouveaux
Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 1841).
PRODUCTION ni'] CIIALRUIl. 07
AnimauK à sang chaud dont la faciiU(î nalorifiquo est faible;
j'ai déjà dit que beaucoup de Mammifères et d'Oiseaux nouveau-
nés présentent ces caractères, mais en général cela est de peu
de durée, et longtemps avant l'âge adulte la température du
corps devient fixe (1). Il me paraît probable cependant que
même paraître souffrir de ceUe congé-
lation (a).
Les œnfs de quelques Insectes rci-
sistent aux effets de la congélation,
et peuvent môme supporter l'action
d'un froid très intense. Ainsi Spallan-
zani a constaté l'éclosion d'œufs de
Vers à soie qui avaient été exposés à
— 30 degrés (6), et plus récemment
Bonafous a fait des expériences ana-
logues (c).
Hanter a constaté que les Crapauds
peuvent supporter la congélation sans
périr {d). Pendant un voyage en Is-
lande, Gaimard a observé des faits ana-
logues. Pcir l'action du froid, les Cra-
pauds sur lesquels il expérimenta de-
venaient roides, cassants, et ne lais-
saient pas échapper une goutte de
sang quand il les brisait ; cependant,
en les dégelant dans de l'eau tiède, il
les fit revenir à la vie. Dans ces cas
la congélation s'était faite lentement ;
mais quand elle était rapide, elle dé-
terminait toujours la mort. En ré-
pétant ces expériences sur des Gre-
nouilles, Gaimard ne put conserver
vivants les Animaux dont le corps avait
été gelé (e); mais M. Auguste Du-
méril a constaté que la mort n'est pas
toujours une conséquence de la con-
gélation du corps de ces Batra-
ciens (f) ; le même fait a été observé
chez le Triton ((/).
Plusieurs auteurs parient aussi de
la reviviscence de Poissons dont le
corps avait été roidi par la congéla-
tion (h).
(1) W. Edwards a trouvé que les
jeunes Chiens et Chats résistent d'au-
tant mieux au refroidissement, qu'ils
sont plus éloignés du moment de la
naissance, et que vers l'âge de. quinze
jours ils se comportent sous ce rapport
h peu près comme les adultes, quand la
température extérieure est moyenne (^).
(tt) Joly, Note sur des Anodunta cyciiea et da V&\aà'md.m\\p-M& qui ont résisté à la congéla-
tion (Ann. des sciences nat., 3° série, 1845, t. III, p. 373).
(b) Spallanzani, Opuscules de pliysiqxie animale, t. I, p. 84.
(c) Bonafous, Sur des œufs de Ver à soie exposés à une basse température {Bibliothèque 7ini-
verselle de Genève, 1858, nouvelle série, t. XVII, p. 200).
((/) Ilunter, Experiments on Animal? and Vegetables with respect to the poivcr ofproducing
Ilcat {Philos. Trans., 1775, t. LXV, p. 450).
(e) Gaimard, De la suspension de la vie chez les Batraciens par l'effet du froid {Bibliothèque
universelle de Genève, 1840, no;ivolle série, t. XXVI, p. 207).
{f) kng;. Duinéril, Recherches expérimentales sur la température des Reptiles [Ann. des sciences
nat., 3» série, 1852, t. XVII, p. 11).
(g) Du Fay, Observations phij.nques et anatomiques sur plusieurs espèces de Salamandres
{Mém. de l'Acad. des sciences, 1729, p. 145).
(h) i. Franklin, First Overland Journey to the Polar Seas, t. II, p. 234).
— Hubbard, On the Ressuscitatlon of Frozen Fish (Silliman's American Jourml, 18 50, t X,
p. 132).
(i) W. Edwards, De l'inlluence des agents physiques sitr la vie, p. 133.
Circonstances
qui influent
sur
la production
de chaleur.
Respiration,
68 NUTRITION.
divers Mammifères ne se perfectionnent pas de la sorte, et que
c'est en grande partie en raison de cette circonstance que plu-
sieurs de ceux qui sont propres aux régions tropicales périssent
promptement quand on les transporte dans nos pays, où les
hivers sont froids.
§ 10. — Puisque la chaleur animale dépend de la combustion
vitale, et que cette combustion est entretenue par l'oxygène
que la respiration introduit dans l'organisme , nous pouvons
prévoir que toutes les circonstances qui influent sur la marche
de cette fonction doivent agir d'une manière analogue sur la
quantité de chaleur produite de la sorte. Ainsi, nous avons vu
précédemment que pendant le sommeil la respiration est moins
active que pendant la veille (1), et l'expérience nous apprend
qu'il existe des variations correspondantes dans la puissance
productrice de la chaleur animale. Chossat a constaté que
chez les Pigeons la température du corps est d'environ trois
quarts de degré plus élevée le jour (pie la nuit (5) , et
les observations de Hunter, de même que celles de Martin,
montrent que chez l'Homme il y a aussi un refroidissement
(1) Voyez tome II, page 526.
('2) Ces résultats furent déduits de
600 observations therniométriques fai-
tes sur 20 Pigeons nourris de la ma-
nière ordinaire et placés dans les
mêmes conditions de température ex-
térieure la nuit et le jour. A midi,
dans l'état de veille, le thermomètre,
introduit dans le cloaque, s'élevait,
terme moyen, à Zi2°,22, tandis qu'à
minuit, durant le sommeil de ces Ani-
maux, il ne marquait en moyenne que
Zll<','48. Sur 300 jours d'observations, il
n'y en eut que 5 où la température du
corps fut trouvée plus clevéelanuit que
le jour, et 6 où elle était la même à midi
et à minuit : dans les 289 autres jours
la différence était dans le sens indiqué
ci-dessus (a).
Je rappellerai aussi, à ce sujet, que
dans les expériences de M. Boussingault
sur la respiration des Tourterelles, la
quantité d'acide carbonique produite
par heure fut d'environ 9:!i centigram-
mes pendant le jour, et seulement de
59 centigrammes pendant la nuit (6).
(a) Chossal, Recherches expérimentales sur l'iiKimlion {Mêin. de l'Acad. des sciences, Savants
étrangers, •1843, t. VIII, p. 553 et suiv.).
(fc) Voyez lome IF, page 529.
PRODUCTION D15 CHALEUR. 69
notable pendant le sommeil (1). Souvent on a eu aussi l'occa-
sion de constater que, sousl'induencedu sommeil, l'organisme
résiste moins bien à l'intluence du froid que pendant la veille,
et cela suppose une différence correspondante dans la faculté
de développer de la chaleur.
Nous avons vu également que la consommation d'oxygène influence
, de l'exercice
diminue pendant la veille, quand le système locomoteur est en musculaire,
repos, et augmente beaucoup sous l'influence de l'exercice
musculaire : or, il est facile de constater que tout déploiement
de force mécanique est accompagné d'une augmentation dans
le développement de chaleur dont l'organisme est le siège. La
coïncidence de ces phénomènes a été mise bien en évidence
par les expériences délicates de M. Becquerel et de Breschct.
Ces savants, en enfonçant dans le muscle biceps brachial d'un
Homme les aiguilles de l'appareil thermo-électrique dont j'ai
déjà eu l'occasion de parler, ont vu que cet organe s'échauffe
chaque fois qu'il se contracte, et qu'il suffit d'un petit nombre
de ces mouvements pour que sa température s'élève d'un
demi-degré centigrade au-dessus de celle qu'il avait dans l'état
de repos (2).
(1) Mania observa un abaissement (2) En sciant du bois pendant cinq
très sensible de la température du minutes avec le bras où l'une des sou-
corps humain pendant le sommeil, et dures du thermo-multiplicateur avait
constata que le corps se réchauffe très été introduite dans le muscle biceps,
promptement après le réveil [a). Hun- l'augmentalion de la température dans
ter évalue la différence entre l'état de cet organe a été quelquefois jusqu'à
sommeil et la veille à 1 degré et demi 1 degré centigrade (c). Plus récemment
Fahrenheit, c'ost-à-dire environ 0°,8d des résultats analogues ont été obte-
centigrade (6). nus par i\I. Gierce, en expérimentant
(a) Mariin, Description des effets du sommeil siw la chaleiw du corps humain {Journal de
phusique, 1773, t. Il, p. 292).
(6) Huiitcr, Expériences et observations sur la faculté dont jouissent les Animau.t deproduire
de la clialeiir {Œuvres, t. IV, p. 317).
(c) Becquerel et Breschet, Reclterches sur la chaleur ani,nale au moyen des appareils thermo-
électriques {Archives du Muséum, t. I, p. 402).
70 NUTRITION.
D'ailleurs, chacun sait, par l'observation journalière, que
tout exercice violent est accompagne d'une production consi-
dérable de cbaleur dons Tcnsenible de l'organisme (1), et si la
température intérieure de notre corps n'est que peu modifiée
par ce phénomène, cela tient à l'action régulatrice qu'exerce
la transpiration (^2). La sueur, qui souvent vient alors lubrifier
la peau, contribue beaucoup à soustraire aux parties sous-
jacentes la chaleur qui s'y développe, et, chez les Animaux
qui ne suent pas, des effets analogues sont obtenus par la pré-
cipitation des mouvements respiratoires qui accroît l'exhalation
de l'eau par les voies pulmonaires ou par d'autres phénomènes
du même ordre (3). Mais chez les Insectes, où la densité des
sur des Chiens (a) , et M. Heliiiliolz
a constaté que chez les Grenouilles
l'action musculaire est accompagnée
aussi d'une élévation dans la tempé-
rature locale (6).
(1) Je rappellerai, à ce sujet, les ob-
servations praticfues faites par toutes
les personnes qui se sont trouvées
exposées à l'action de froids intenses,
et, pour n'en citer ici qu'un exemple,
j'ajouterai que les compagnons de
voyage du capitaine Parry, lorsqu'ils
hivernèrent dans les régions polaires,
reconnurent que pour se réchauffer,
rien n'était plus efficace que l'exer-
cice musculaire (c).
(2) On doit à JM. J. Davy des obser-
vations thermoniétriques sur la tempé-
rature des diverses parties du corps
humain chez le même individu, à l'état
de repos et après une marche plus ou
moins rapide pendant une heure ou
deux. L'élévation de température pro-
duite par l'exercice musculaire ne
dépassa pas un demi-degré dans les
parties profondes de l'organisme, ainsi
qu'on pouvait s'en assurer par la tem-
pérature des mines au moment de
leur évacuation, mais dans les parties
superficielles du corps elle a atteint
près de 15 degrés. Ainsi; le thermo-
mètre, placé entre les orteils, marqua
avant la marche21",/4, et après, 36°, 7 ;
dans la main, la diflérence fut en
moyenne de 8°, 2 (rf).
(3) Les Chiens sont dans ce cas, et
quandils courent de manière à s'échauf-
fer beaucoup, ils laissent leur langue
pendre hors de la bouche, ce qui aug-
mente la sjLirface d'évaporation et con-
tribue à enlever de la chaleur à leur
corps.
{a) Gicrce, Qicœnam ratio sit caloris org. part, inftamm., eic. (dissert. iiiaug.) Halœ, 1842.
(6) Hclmholz, Ucber die Wdnneenlwickelung bei der Muskelaction (Miiller's Archiv fur Anat.
und Fhysiol., 1848, p. 144).
(c) Parry, Journal of a Voyage for the Discovery of a North-îuest Passage, 1821, p. 147.
[di i. L)a\y, Op. cit. (Philos. Trans., 1844). — Observations diverses. sur la chaleur animale
[Ann. de jjhysique et de chimie, 3° série, 1815, t. XIII, p. 185 et suiv.).
PRODUCTION DE CHALEUlJ. 71
tégumenls et lo renouvellement lent de l'tur dans les traehées
ne permettent qu'une transpiration faible, l'angnjentation dans
la production de ehalcur qui accompagne l'activité musculaire
détermine des efiels therniométriques plus considérables.
Ainsi, dans des expériences faites sur des Abeilles et d'autres
Insectes par Newport, on a trouvé que le thermomètre restait
à peu près stationnaire quand on le plaçait au milieu d'un cer-
tain nombre de ces Animaux au repos, mais que la colonne
mercurielle s'y élevait parfois de 15 degrés, ou même davantage,
quand ces petits êtres s'agitaient avec violence (1).
L'augmentation dans la production de la chaleur animale
qui se manifeste lors de l'activité fonctionnelle des muscles
dépend principalement de deux circonslances qui accompagnent
la contraction de ces organes, et qui influent sur le degré d'in-
tensité de la combustion vitale dans leur intérieur, savoir, la
quantité de sang qui baigne leur substance (2) et l'excitation
que le système nerveux y développe. Mais il semble résulter
des expériences de M. J. Béclard, que l'augmentation dans
le développement de la chaleur qui accompagne la contraction
musculaire est moins grande quand celle-ci est employée à
(!) Newport, à qui on doit une série rature des Insectes au repos et en
d'observalionsintéressantessur lapro- mouvement, mais il n'opéra que sur
duction de chaleur chez les Insectes, a des individus isolés, et par conséquent
vu la température d'une ruche s'élever les résultats thermométriques qu'il
d'environ 30 degrés Fahrenheit, lors- obtint ne furent que très faibles. Dans
que les Abeilles, sortant du sommeil tous les cas, la chaleur propre de ces
léthargique dans lequel elles avaient petits animaux ne fut que de quelques
été plongées par l'effet du froid, se fractions de degré; cependant il y
sont mises en mouvement et se sont avait toujours une certaine élévation
agitées avec violence {a). de température accompagnant l'action
Dutrochet a fait aussi une série d'ob- musculaire (6).
servations comparatives sur la tempe- (2) Voyez tome IV, page 308.
(a) Newport, Oti the Temj^erature of Inseets (Philos. Trans., 1837, p. 303).
(b) Dulrocliei, Recherches sur la chaleur propre des Animaux vivants à basse température
(An/i. tics sciences naf., 2" série, 1840) t. X1!I, p. 43 et siiiv.).
7*2 NUTRITION.
produire un travail mécanique que dans le cas où elle n'est
pas appliquée de la sorte, et ce lait s'expliquerait facilement
par la transformation d'une portion de cette chaleur en mou-
vement, conformément aux idées théoriques introduites depuis
peu en physique (1).
(1) M. J. Béclard vient de publier
un mémoire intéressanl sur cette ques-
tion (c). A Taide d'un tliermomètre
très sensible appliqué sur la peau,
dans la partie du bras qui correspond
au muscle biceps, et convenablement
protégé contre le refroidissement exté-
rieur, il apprécie les changements de
température qui se produisent dans
cet organe lors de son action dans des
circonstances différentes où le travail
mécanique effectué n'est pas le même.
Dans une première série d'expé-
riences, il mesure de la sorte la cha-
leur développée lorsque, par des con-
tractions musculaires périodiquement
intermittentes, un poids déterminé est
maintenu en équilibre ou bien soulevé
à une certaine hauteur, puis aban-
donné à lui-même pour être ensuite
soulevé de nouveau. L'élévation de la
température au-dessus de celle obser-
vée préalablement quand le bras était
en repos, a presque toujours été nota-
blement plus grande dans l'expérience
statique, c'est-à-dire lors du maintien
du poids en équilibre, que dans l'expé-
rience dynamique, c'est-à-dire lors du
travail mécanique effectué pour élever
le poids un certain nombre de fois.
Dans un cas, la différence en faveur
de l'état statique s'est élevée à O^jSG,
et terme moyen elle a été d'environ
C°,1G. Dans une seconde série d'expé-
riences, M. Béclard compare le déve-
loppement de chaleur observé dans le
même muscle lorsque le mouvement
effectué avait pour effet de soutenir
le poids d'une manière continue sans
l'élever, ou bien de l'élever et de
l'abaisser alternativement en le soute-
nant à la descente. L'élévation de la
température fut sensiblement la même
dans les deux circonstances, et l'auteur
croit pouvoir rendre compte du désac-
cord apparent entre ce résultat et le
précédent, en supposant que, pendant
le mouvement de descente, le travail
mécanique négatif du muscle contre-
balance les effets du travail mécanique
utile produit pendant les mouvements
d'élévation. Mais ce raisonnement ne
me paraît pas juste, car , lorsque le
bras soutient le poids pendant la
descente, le muscle biceps se con-
tracte aussi bien que pendant l'éléva-
tion, seulement l'effort est moindre.
Quant à l'inégalité observée dans la
première série d'expériences, lorsque
la contraction musculaire était em-
ployée, tantôt pour élever le poids,
tantôt pour le soutenir seulement ;
avant d'en rien conclure touchant la
transformation de la chaleur en force
mécanique, il faudrait peut-être exa-
miner d'une manière plus approfondie
toutes les circonstances qui accom-
pagnent la contraction musculaire à
divers degrés d'intensité, et leur in-
fluence sur la production de chaleur.
(rt) J. Béclard, De la coniraction musculaire dans ses rapports avec la température animale
(Archives générales de médecine, 5" série, 1861, I. XVII, p. 21).
PRODUCTION DK CHALEUR. 73
11 est, du reste, à noter que la coiitraclion des muselés est
accompagnée d'une augmentation dans le travail de combus-
tion dont ces organes sont le siège (1).
§ 11. — L'influence que le contact du sang avec les tissus influence-
, do l'étal
exerce sur le dégagement de la chaleur dans leur substance est de
, . , , / . 11 M ' -, 1 ''^ circulation.
mise en évidence par les expériences sur l élévation de la tem-
pérature des organes quand la quantité de tluide nourricier qui
les traverse augaiente (2), ainsi que par les opérations chirur-
gicales, dans lesquelles on a vu la ligature d'une grosse artère
être promptement suivie du refroidissement des parties aux-
quelles ce vaisseau se rend, et la chaleur se relever dans celles- ^
ci lorsque la circulation s'y rétablissait. J'ai déjà eu l'occasion
de citer les expériences dans lesquelles, en déterminant la para-
lysie des nerfs vaso-moteurs, on provoque à la fois dans la
région correspondante la dilatation des canaux sanguins et une
augmentation notable de la température (3). Les mêmes effets
sont produits par des causes mécaniques qui déterminent l'ac-
(]) Lorsque je traiterai de la con- dont les uns étaient restés en repos,
traction musculaire, j'exposerai les et les autres avaient été mis en mou-
faits qui prouvent l'existence d'une vement par une série de décharges
combustion locale dans le tissu des électriques (6).
muscles, et je me bornerai ici à ajou- (2) Ainsi, dans les expériences de
ter que M. Jlatteucci a constaté une MM. Becquerel et Breschet sur la cha-
augmentation dans la quantité d'oxy- leur développée dans les muscles, il a
gène absorbé et d'acide carbonique suffi de la compression de l'artère qui
produit de la sorte lors de l'activité se rendait à l'organe observé, pour que
fonctionnelle de ces organes (a). Pré- l'appareil thermométrique accusât im-
céderament M. Helmholz avait dé- médiatement un abaissement de tem-
montré le même fait d'une manière pérature (c).
indirecte, eu comparant la quantité de (3) J'ai déjà eu l'occasion de parler
matières azotées excrémenlitielles con- des modifications dans la production
tenues dans des muscles de Grenouilles, de la chaleur animale qui se lient évi-
(a) Mallcucci, Sur les phénomènes physiques et chimiques de la contraction musculaire {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1856, t. XLK, p. 648).
{b) Holmliolz, Ueber dea Stoffverbraiich bel der Muskelaklioii (Mûller's Archiv fur Aaat. und
Fhysiol., 1845, p. 72).
(c) Becquerel et Brcschel, Op. cit. {Archives du Muséum, t. 1, p. 403).
vm. 6
lli
NUTRITION.
ciimiilation du sang dans une portion du système capillaire (1).
Enlln, dos phénomènes analogues se manilestent dans divers
états pathologiques de l'économie, par exemple dans les cas
d'inflammation locale (2), et l'iniluence que l'état de contrac-
tion ou de dilatation des vaisseaux capillaires exerce sur le
développement local de la chaleur, nous explique comment les
causes qui modifient indirectement l'état des vaisseaux sanguins
peuvent déterminer aussi des changements dans la température
denos organes. Ainsi, en étudiant la circulation, nous avons
vu que le froid, ainsi que beaucoup d'agents chimiques, pro-
voque la contraction des petites artères, et qu'une contraction
plus ou moins persistante de ces vaisseaux est toujours suivie
d'un état de relâchement qui permet l'entrée d'une quantité de
sang plus considérable que dans l'état ordinaire (o). Nous
pouvons donc prévoir que les applications froides sur la surface
de la peau doivent tendre d'abord à y produire un abaisse-
ment de température, non-seulement à raison de la chaleur
demment aux cliangeracnts que les
actions nerveuses déterminent dans
l'état physique des vaisseaux sanguins
(voyez ci -dessus, page 31).
(1) Pour bien démontrer que, dans
les expériences où l'augmentation de
la chaleur locale a suivi la section des
nerfs moteurs des vaisseaux de l'o-
reille du Lapin (a), ce phénomène est
dû à la paralysie de ces vaisseaux et
à l'accumulation du sang dans la par-
tie qui s'échauffe, IM. Brown-Séquard
a déterminé la congestion du sang
dans les mêmes parties en tenant
l'Animal suspendu par les pattes pos-
térieures, de façon à gêner le retour
de ce liquide vers le tronc, et il a fait
voir que la température des oreilles
s'élève alors presque autant qu'à la
suite de la section des nerfs en ques-
tion (6).
(2) Les parties qui sont le siège
d'une inflammation ne présentent pas
une élévation de température aussi
grande qu'on Je supposerait d'après
la sensation de chaleur que le malade
y éprouve ; mais cette élévation est
souvent fort notable.
(3) Voyez tome IV, page 208 et sui-
vantes.
(a) Voyczci-dessiis, page 31.
(6) Brown-Séquard, Expériences proiwant qu'un^ simple afinx de sang à la têU peut être
Suivi d'efl'ets semblables à ceux de la section du nerf grand sympathuiue (lu cou (Comptes renditS
de l'Acad. des sciences, 1854, t. XXXVIII, p. 117).
PRODUCTION DE CHALEUR. 75
qu'elles enlèvent, mais aussi en ralentissant la eireulation dans
la partie refroidie ; et que ce relroidissement doit être suivi
d'un effet contraire, par cela seul que les vaisseaux, après s'être
contractés, se dilateront, et admettront par conséquent dans
leur intérieur une quantité plus considérable de sang. L'expé-
rience nous montre que cette réaction se manifeste toujours
avec plus ou moins d'énergie. Je ne prétends pas qu'elle résulte
seulement des circonstances dont je viens de parler et qu'elle
ne dépende pas en grande partie de l'état du système nerveux ;
mais il me paraît indubitable que les variations dans le calibre
des petits vaisseaux sanguins contribuent beaucoup à la faire
naître (1). Des considérations du même ordre nous permettent
aussi de concevoir comment, parfois, il puisse y avoir désaccord
{]) Dans ces derniers temps, à Toc- une élévation de température qui dure
casion des questions soulevées par assez longtemps et qui n'est pas suivie
l'emploi thérapeutique des affusions d'un nouveau refroidissement, comme
froides , les patliologistes et les phy- dans le cas où l'action du froid exté-
siologistes ont fait beaucoup d'obser- rieur est persistante,
valions et d'expériences sur l'action Dernièrement , M. Lieberraeister a
que le froid exerce sur l'économie cherché à évaluer par des procédés
animale (a). Le premier effet est tou- calorimétriques l'augmentation que les
jours un refroidissement plus ou douches ou autres applications froides
moins marqué , mais bientôt après provoquent de la sorte dans le dévc-
une réaction se manifeste, la tempe- loppement de la chaleur animale, et il
rature du corps s'élève ; et si le déve- estime qu'elle peut être parfois égale
oppement de chaleur est favorisé par à quatre ou même six fois la produc-
l'exercice musculaire, il en résulte tion normale (6).
(a) Hei'piiij Recherches sur les bains de rivière à basse température {Gazette médicale, 1842,
p. 253).
— Latour, Du mode d'action de la médication réfrigérante appliquée sur toute la surface
du corps {Comptes rendus de l'Acad. des sciences^ 184G, t. XXIIf, p. 99).
— Hoppo, Ueher den Einflziss des Wârmeverlustes auf die Eigentemperatur luarmblûtiger
Thiere {Archiv fur pathol. Anat. und PhysioL, t. XI, p. 453).
— Hogspilil, De friijoris efjicacitale physiologica (dissert, inaug.). Leipzig, i8.57.
— Bcnce Jor.es et Dickinson, Recherches sur l'effet produit sur la circulation par l'application
prolongée de l'eau froide à la surface du corps humain {Journal de physiologie, 1858, t. I,
p. 72).
— Tholozan et Brown-Séquard, Recherches expérimentales sur quelques-uns des effets du froid
sur l'Homme {Journal de physiologie, 1858,t. I, p. 497).
(6) Liebermeister, Physiologische Untersuchungen ûber die quantilatlven Verdnderungen der
Wdrmproduction {Archiv fïir AnaA. und PhysioL, 1860, p. 520).
76 NUTRITION.
entre In marche du travail respiratoire général el le développe-
ment de la chaleur dans les parties superficielles de l'organisme,
ainsi que cela a été constaté dans certains cas pathologiques ,
par exemple chez les personnes qui, après avoir traversé la
période algide du choléra, sont sur le point de mourir (1).
La richesse du sang influe sur le développement de la cha-
leur animale, aussi bien que la quantité de ce liquide qui baigne
les tissus vivants. C'est en raison de ces deux circonstances que
(1) Dans la période algide du cho-
léra, la consommation d'oxygène et la
production d'acide carbonique sont
réduites des deux cinquièmes environ,
et la température du corps mesurée
dans le creux de Faisselle n'est que
d'environ 33 degrés ou 'ùli degrés;
mais ÎM. Doyère a constaté que quel-
ques heures avant la mort, le malade
se réchauffe d'une manière très remar-
quable. La température du corps s'élève
alors à 38 degrés, o9 degrés ou même
davantage : ainsi, dans un cas, le
thermomètre marqua, au moment de
la mort, /j2°,l, et la chaleur persista
assez longtemps chez le cadavre («).
Des phénomènes analogues ont été
observés dans quelques autres cas
pathologiques , ainsi que dans des
expériences de vivisections pratiquées
sur le cervelet (6), et ne me paraissent
pouvoir être rapportés qu'à la cessa-
tion de rinflucnce des nerfs vaso-
moteurs sur la portion périphérique
du système capillaire.
Dans plusieurs circonstances , les
médecins ont cru remarquer que le
cadavre se réchauffait notablement
après la mort {h). Il est probable
qu'en général ce phénomène s'était
réellement produit pendant les der-
niers instants de la vie ; mais on con-
çoit cependant la possibihté d'un ac-
croissement réel dans la température
des parties superlicielles de l'organisme
après que le moribond a rendu le
dernier soupir, si durant l'agonie les
vaisseaux capillaires avaient été con-
tractés au point d'y empêcher l'arri-
vée du sang, et si au moment de la
mort. ils se sont relâchés ; car la pro-
duction d'acide carbonique aux dépens
de la substance des tissus organiques
continue après la mort (cl) , et par
conséquent l'arrivée du sang chargé
d'oxygène dans les parties dont ce
liquide avait été exilé pourrait être
suivie de phénomènes de combus-
tion dont résulterait une élévation de
température.
{a) Dojèrc, Mémoire siir la respiralion el la chaleur animale dans le cholà'a {Moniteur des
hôpitaux, 1834, t. II, p. 97J.
(6) ICriraer, PUysiologische Unlers'ichungen, p, 158, {13, cic.
(c) J. Davy, Observ. on the Température of the Hiunan Bodij afler Death (Researches Anato-
micid and l'Iiysiological, I. I, p. 2-28).
— Dowler, liesearches on post mortem Contractilitij (voyez Brown-Séquard, Journal de phy-
siologie, 1860, t. I, p. 375). '
[d] G. Liebi^, Expériences sur la respiration {Anii. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIV,
p. 321).
PRODUCTION DE CHALEUR. 77
les saignées abondantes tendent à produire un abaissement
dans la température du corps, et l'on sait, par les recher-
ches de MM. Prévost et Dumas, que chez les divers Animaux
il existe des rapports remarquables entre la grandeur de la
faculté productrice de la chaleur et la proportion des globules
organisés qui sont charriés par le iluide nourricier (1).
§ 12. — L'influence du système nerveux sur le développe-
ment de la chaleur animale a été rendue indubitable par les
expériences de Brodie, de Chossat et de quelques autres phy-
siologistes. Je suis loin d'admettre toutes les conclusions que
ces auteurs ont tirées des faits dont ils parlent ; mais ces faits
n'en ont pas moins, à mon avis, une importance considérable.
Ainsi Brodie a constaté que la décapitation est suivie d'un
refroidissement très rapide du corps, lors môme que les vais-
seaux sanguins du cou ont été préalablement liés pour empêcher
l'hémorrhagie, et que la vie est entretenue dans le tronc au
moyen de la respiration artificielle ("i). On voit, par les expé-
riences de Legallois, que dans ces dernières circonstances le
refroidissement n'est pas aussi rapide que chez le cadavre (3),
Influenco
du sysièrao
nerveux.
(1) Les Oiseaux sont de tous les
Animaux ceux dont la température
est la plus élevée; et ABI. Dumas et
Prévost ont trouvé qu'ils ont le sang
plus chargé de globules que celui des
autres Animaux. Sous le rapport de
la faculté productrice de la chaleur,
de même que sous celui de la richesse
du sang, les Mammifères occupent !e
second rang, et ciiez les Vertébrés à
sang froid la proportion des matières
solides contenues dans ce licjuide n'est
en général que d'environ {- ou \ de
celle que nous offrent les Oiseaux (a).
(2) Ce physiologiste constata aussi
que la section de la moelle allongée
produit le même effet sur le dévelop-
pement de la chaleur animale (b).
(3) Dans les expériences de Brodie,
le refroidissement du corps après la
section de la moelle allongée avait été
plus rapide chez les individus où la vie
avait été enli-etenue au moyen de la
respiration artificielle que chez ceux où
(a) Prévost et Dumas, Examen du sang et de son action dans les divers phénomènes de la vie
{Ann. de chimie et de physique, 1R25, t. XXUI, p. 04).
(b) B. Brodie, The Croonian Lecture on some Plnjsiological Researches respecting ihe Influence
ofUie Brain on the Action of the Ileart and on the Génération of Animal Hcat {l'htlos. Trans.,
18H, cl Physiological Researches, 1851, p, 1).
78
NUTRITION.
et que l'air qui traverse les poumons, tout en enlevant à l'or-
ganisme beaucoup de chaleur, continue à entretenir la com-
bustion physiologique ; mais cette combustion est fort réduite,
et, suivant toute probabilité, le grand affaiblissement de la
/acuité productrice de la chaleur qui est déterminé par la
lésion du système nerveux, dépend principalement de la dimi-
nution que cette lésion amène dans le degré d'activité du tra-
vail chimique d'oxydation dont l'organisme est le siège (1).
Diverses substances toxiques qui exercent sur le cerveau
la mort avait suivi immédiatement
cette lésion ; mais Legallois obtint des
résultats opposés. 11 trouva que la tem-
pérature des cadavres s'abaissait plus
rapidement que celle de l'Animal dont
la respiration était entretenue artificiel-
lement après la décapitation ou la sec-
tion de la moelle allongée (a). Le dés-
accord était probablement dû à la
manière dont l'expérience avait été
faite; car Wilson Philip a remarqué
que le refroidissement, tout en étant
retardé par le renouvellement lent de
l'air dans les poumons d'un Animal
soumis à ce genre d'expériences, est
accéléré lorsque la respiration artifi-
cielle est rendue très rapide, de façon
à faire passer dans les poumons une
quantité d'air qui dépasse de beaucoup
celle nécessaire à l'entretien de la vie,
et Brodie adopta cette manière de
voir (b).
Les expériences de Chossat montrent
aussi que lorsque l'action du cerveau
a été arrêtée par l'effet d'une section
verticale de cet organe pratiquée au-
devant de la protubérance annulaire, les
mouvements respiratoires continuent,
mais que le refroidissement du corps
n'en marche pas moins très rapidement,
sans être cependant aussi prompt que
dans le cadavre. La mort est arrivée
douze heures après l'opération, et la
température du corps était alors des-
cendue à 2li degrés. Chez un autre
Chien tué par la section de la moelle
allongée et abandonné à lui-même dans
les mêmes circonstances, la tempé-
rature était tombée à 23°, 9 en onze
heures (c).
Au sujet de l'influence du cerveau
sur le développement de la chaleur, je
citerai aussi une des expériences de
JVIM. Becquerel et Breschet. Ayant in-
troduit l'une des Soudures de leur appa-
reil thermométrique dans la substance
du cerveau d'un Chien, ils constatèrent
une température de 38°, '25 ; mais pres-
que aussitôt, par l'effet de la lésion de
cet organe, cette température baissa de
plusieurs degrés, et quelques minutes
après l'Animal mourut [d).
(1) Brodie avait cherché à détermi-
ner comparativement la quantité d'air
(a) Legallois, Premier Mémoire sur la chaleur des Animaux qu'on entretient vivants par
l'insufflation pulmoiiaire, 1812 {Œuvres, t. II, p. 1).
(6) Wilson Philip, An Expérimental Inquiry into ihe Laws of the Vital Functions, 1826,
p. 180.
(c) Chossat, Influence du système nerveux sur la chaleur animale, thèse. Paris, 1820, p. 14.
{d} Becquerel et Breschet, Op. cil, {Archives du Muséum, 1. 1, p. 402).
PRODUCTION DR CHALEUR.
79
une action narcotique, déterminent anssi une grande diminu-
tion dans la produclion de la chaleur animale. Ainsi, dans les
expériences faites par Brodie sur les efCots de l'empoisonne-
ment par l'essence d'amandes arnères, le refroidissement du
corps accompagna la perte de la sensibilité et fut non moins
rapide que chez les Animaux dont le cerveau avait été dé-
truit (1). Chossat a constaté aussi un grand abaissement dans
la température du corps des Animaux narcotisés par l'o-
pium (2); des phénomènes du môme ordre ont été observés
par MM. Duméril et Demarquay chez des Animaux plongés
dans un état d'insensibihté par l'action de l'éther ou du chloro-
forme (3), et dans certains cas d'empoisonnement la mort est
consommé dans les circonstances ordi-
naires et chez un Animal dont la vie
est entretenue par la respiration artifi-
cielle, et il n'avait aperçu aucune dif-
férence ; d'où il conclut que la pro-
duction de la clialem" ne pouvait être
attribuée à la combustion physiologi-
que (a). Legallois reprit ce sujet, et ar-
riva à des résultats opposés. Il constata
que toujours chez les Animaux qui se
refroidissent, soit par suite d'une lésion
du système nerveux, soit par l'effet
d'une gêne dans les mouvements res-
piratoires, il y a une diminution notable
dans la consommation d'oxygène (6).
(l) Brodie assure que les effets de
ce poison sur la production de la cha-
leur sont non moins marqués que ceux
déterminés par la décapitation, mais
il ne donne pas les observations ther-
mométriques sur lesquelles cette con-
clusion est fondée (c).
(2) Chossat, ayant injecté une for;e
dose d'opium dans les veines d'un
Chien, constata un abaissement graduel
de la chaleur jusqu'au moment de la
mort. Au début de l'expérience, la tem-
pérature étaitde39",8. Une heureaprès
elle était descendue à 86°, G, et au bout
de trois heures elle n'était plus que de
32°, 6 ; vingt heures après l'opération,
elle était tombée à 23°, 6, et quand
l'Animalraonrut, à peu près vingt-deux
heures après l'introduction du poison,
elle élait de 22°,8 (cl).
(3) MM. Auguste Duméril et Demar-
quay ont constaté que l'éther introduit
dans l'économie sous la forme de va-
peurs, soit par les voies respiratoires,
soit par le rectum, détermine un grand
abaissemcntde la températureducorps,
lors même que ces vapeurs ne donnent
pas lieu à des phénomènes d'ivresse ou
d'insensibilité. Dans une expérience faite
{n) Brodie , Furiher Experiments and Observations on the Influence of the Brain on the
Gencralion of Animal Heat [Philos. Trans., 1812 ; — Physiol. Researckes, p. 17).
(b) Leg-allois, Deuxième et troisième Mémoire sur la chaleur animale [Œuvres, t. lî, p. 21
et siiiv.).
(c) IJrodie, Furiher Experiments and Observations on the Inpiience of the Brain on the Gene-
ralion of Animal Heat [Philos. Trans., 1812, p. 205).
(d) Chossat, Mémoire sur l'influence du sijstème nerveux sur la chaleur animale, p. 19.
80 NUTRITION.
la conséquence du refroidissement de l'organisme (1). Enfin on
sait depuis longtemps, par l'observation des elïets de l'ivresse,
que chez l'honune l'alcool diminue la puissance calorifique.
La division de la moelle cpinière dans la région cervicale
peut produire à peu près les mêmes effets que la destruction
sur un Chien, l'éthérisation, prolongée
pendant trente-cinq minutes, a fait
baisser la température de 2°, 20. Chez
un autre Chien, le refroidissement dé-
terminé par l'administration du chlo-
roforme a été même de Zi°,80 après
une heure quarante minutes d'anes-
thésie. Mais en général l'action exer-
cée de la sorte sur la chaleur animale
est moins forte. Chez une Poule, l'é-
thérisation a fait baisser la tempéra-
ture de 2^,50 en quinze minutes, et
dans un autre cas le refroidissement a
étéde3%60 en quarante minutes (a).
Dans une série d'expériences sur les
effets de l'empoisonnement par l'o-
pium faites par Holland, l'abaisse-
ment de la chaleur animale ne fut pas
aussi considérable (5).
(1) M. Brown-Séquard a constaté
que l'action mortelle de plusieurs sub-
stances toxiques est d'autant plus
grande, que les Animaux qui y sont
soumis sont placés dans des condi-
tions moins favorables à la conserva-
tion de leur chaleur propre. Ainsi,
dans divers cas, en administrant la
même dose de poison à deux Ani-
maux (Lapins ou Cochons d'Inde) aussi
semblables entre eux que possible,
mais dont l'un était placé dans une
chambre où la température n'était
que de 8 à 10 degrés centigrades ,
tandis que l'autre était placé près
d'un feu, dans une atmosphère dont
la température se maintenait entre
24 et 30 degrés , cet expérimen-
tateur vit ces derniers se rétablir
assez facilement, tandis que les au-
tres Animaux, après avoir éprouvé un
refroidissement notable , périssaient
au bout de quelques heures ou d'un
à deux jours. Les substances qui agis-
saient le plus fortement sur la faculté
productrice de la chaleur étaient l'o-
pium, l'acide cyanhydrique, le cyanidc
de mercure, la jusquiame, la digitale,
e tabac, l'euphorbe, le camphre, l'al-
cool, l'acide oxalique et divers acides
minéraux très dilués. Souvent le pre-
mier effet du poison sur cette fonction
déterminait une augmentation de la
chaleur animale ; mais ce phénomène
était suivi d'un refroidissement plus
ou moins considérable, surtout quand
l'action toxique n'était pas assez in-
tense pour déterminer la mort ra-
pidement, et que l'Animal pouvait
y résister pendant quatre ou cinq
heures (c).
(a) Aug. Diiméril et Domartiiiay, Ileeherches expérimentales sur les modificatims imprimtUs
à la température animale par Véther et par le chloroforme [Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1848, l. XXVI, p. 171).
(6) HoU.iiiil, Laws nf Organic and Animal Life, p. 255.
(c) Bi'owii-Séquard, Recherches sur une cause de mort qui existe dans un grand nombre
d'empoisonnements [Ga<ettc méd. de Paris, 1849, l. IV, p. 044 ; — Expcrimental Researchcs,
1853, p. 20).
PRODUCTION DE CHALEUR. 81
du cerveau; mais lorsque la lésion porte sur la partie dont
naissent les nerfs cervicaux de la huitième paire et les nerfs
thoraciques des deux premières paires, il en résulte une élé-
vation dans la température de la tête (1). La section de cette
portion du système nerveux dans des points plus éloignés de
la tête est suivie d'un certain affaiblissement dans la produc-
tion de chaleur ; mais le refroidissement diminue à mesure
que la lésion est située plus près de la région lombaire, où
elle cesse d'avoir une influence bien appréciable sur ce phé-
nomène.
Nous avons vu précédemment que la destruction des gan-
glions du système sympathique dont naissent les nerfs vaso-
moteurs de la tête et des membres, est suivie d'une grande
augmentation de la production de chaleur dans les parties cor-
respondantes de l'organisme (2); mais je ne saurais attribuer
ce phénomène à la cessation d'une action retardatrice que ces
nerfs exerceraient dans les circonstances ordinaires sur le tra-
vail calorifique, et je n'y vois qu'une conséquence de la dilata-
tion que des vaisseaux sanguins éprouvent par suite de la para-
lysie de leurs nerfs moteurs et de l'aftlux considérable de sang
qui en résulte.
Quoi qu'il en soit, il est digne de remarque que toutes les
parties du système sympathique ne paraissent pas jouer un rôle
de ce genre. En effet, Chossat a trouvé que la desiruclion
(1) ai. Budgc a constaté que chez le h ou 5 degrés. Il en conclut que Tac-
Lapin la section de la moelle épinière tion exercée sur les vaisseaux de la
entre la dernière vertèbre cervicale et icle par le grand synip;ithique cervical
la troisième vertèbre dorsale est sui- a son point de départ dans la portion
vie d'une dilatation des artères de la de la moelle épinière indiquée ci-
tête et d'une augmentation de chaleur dessus (a),
dans les oreilles, qui peut s'élever à ('J) Voyez ci-dessiis, page 31.
(a) BufJgc, De l'influence de la moelle épinière sur la chaleur de la tête {Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1853, l. XXXVI, p. 377).
82 NUTRITION.
de la portion du système ganglionnaire qui constitue le plexus
semi -lunaire est suivie d'un anéantissement si complet de la
production de la chaleur, que le corps de l'Animal encore
vivant se refroidit aussi rapidement que le ferait un cadavre
placé dans les mêmes circonstances (1). Ce physiologiste
obtint le même résultat en liant l'artère aorte thoracique,
opération qui n'arrêta pas la circulation dans la tête et les
membres antérieurs, mais qui empêcha le sang d'arriver dans
l'abdomen, où se trouvent les centres nerveux dont il vient
d'être question.
11 est aussi à noter que la température d'un membre para-
lysé est d'ordinaire moins élevée que celle du membre cor-
respondant qui a conservé la sensibilité ainsi que le mouvement,
et que dans quelques cas on a vu le développement de chaleur
y augmenter notablement sous l'influence de l'excitation déter-
minée par l'électricité (2).
§ io. — Faut-il conclure de tous ces faits que la production
de la chaleur est indépendante de Taction comburante de l'oxy-
gène sur l'organisme, et n'est pas une conséquence de la respi-
ration? Non, certes. On pouvait le supposer quand on croyait
que la combinaison de l'oxygène de l'air avec les matières
combustibles fournies par l'économie animale avait lieu dans
(1) Dans une des expériences de ce sujet. Chez un paralytique, il trouva
genre, Cliossat vit la tenipéi'alure du que dans la main du côté sain le
Chigi tomber à 27°, 8 en huit heures, thermomètre marquait 33°, 3, tandis
et dans une autre expérience la tem- que dans Ja main paralysée la tempé-
pérature, qui était Ù0°, 9 avant Topera- rature n'était que de 21°, 67 avant
tion, descendit à 2G degrés dans l'es- l'emploi de l'électricité ; mais elle s'y
pace de dix heures («). éleva à 25 degrés après quelques jours
(2) En 1819, Earle publia quel- de traitement par cet agent exci-
ques observations intéressantes sur ce tant (6).
(a) Cliossat, Influence du système nerveux sur la chaleur animale, dièse, 1820, p. 42.
(6) H. EaHe, Cases and Obsérvalions illustrating the Influence of the Nervous System in
regulating Animal Heat [I^Iedico-chirurgical Transactions, 1819, I. VII, p. 177).
PRODUCTION DE CHALEUR. 8S
les cellules du poumon (1) ; mais aujourd'hui il n'en est ])lus
de même. Nous savons que l'apiiareil respiratoire est seule-
ment la voie par laquelle le principe comburant arrive dans le
torrent de la circulation, et que, transporté par le sang dans
la profondeur de toutes les parties du corps, l'oxygène de l'air
s'unit à du carbone et à de l'hydrogène dans le système capil-
laire général ou dans la substance des tissus où ces vaisseaux
sont répandus. Par conséquent, pour expHquer la diminution
dans le développement de la chaleur qui suit les diverses lésions
du système nerveux, il suffit d'admettre que, d'une manière
directe ou indirecte, la combustion physiologique est plus ou
moins subordonnée à l'action normale du système nerveux,
hypothèse qui n'est en désaccord avec aucun fait bien avéré.
Il me paraît probable que l'influence exercée par les nerfs sur
l'état de contraction ou de dilatation des capillaires sanguins
contribue beaucoup à la production des phénomènes dont
l'étude vient de nous occuper (2); mais j'incline à croire que
(1) Brodie et Chossat ne furent pas W. Edwards et Gentil. Ces physiolo-
les seuls à attribuer au système ner- gistes ont trouvé que le refroidisse-
veux le pouvoir de développer de la ment considérable de Tune des mains
chaleur indépendamment de toute ac- produit par rinimersion de cette partie
tion comburante déterminée par la dans de l'eau glacée est accompagné
respiration. M. de la Tiive pensa qu'on d'un abaissement considérable de la
pouvait attribuer ce phénomène au température de l'autre main non
passage de courants électriques dans immergée (6). Au premier abord , on
les nerfs (a) ; mais, comme nous le ver- pourrait attribuer cet effet éloigné à un
rons par la suite, l'existence de pareils refroidissement dans la masse du sang
courants n'a pu être démontrée. en circulation ; niais il résulte des expé-
(2) Il y a lieu de penser qu'il faut riences plus récentes de MM. Tholozan
attribuer à l'action du système nerveux et Brown-Séquard, que la température
sur le degré de contraction des vais- delà bouche n'est que peu modifiée par
seaux capillaires un phénomène fort le grand refroidissement de la main
remarquable qui a été constaté par immergée ; en sorte que le changement
(a) De la Rive, Observations sjir les causes présumées de la chaleur propre des Animaux
{Blbliothèqtie universelle de Genève, 1820, t. XV, p. 40j.
(6) W. Edwards, Animal Heat (Todd's Cyclop. oj Anat. and PlvjsioL, t. II, p, 060).
M NUTRITION.
l'action nerveuse contribue à déterminer les combinaisons
chimiques qui s'effectuent dans l'intérieur de l'économie, et
qui me paraissent être indubitablement la principale cause
du dégagement de chaleur dont toutes les parties vivantes
du corps de l'Animal sont le siège.
Ainsi, en définitive, c'est toujours à l'introduction de l'oxy-
gène dans l'organisme et à la combinaison de ce principe avec
les matières combustibles fournies, soit par le sang, soit par les
tissus, qu'il faut attribuer la production de la chaleur animale.
Il est aussi à noter que le ralentissement du travail respira-
toire suffit pour produire une diminution plus ou moins grande
dans la production de chaleur. Ainsi, dans les expériences de
Legallois, des Lapins maintenus étendus sur le dos se sont
refroidis de 2 ou o degrés en une heure et demie, et Chossat
a obtenu des résultais semblables en agissant sur des Chiens (1).
Influence ^ \ l\ . — L'aUmcntation exerce aussi une grande infiuence
de
l'alimentation g^p ](. développement de la chaleur dans l'intérieur de l'éco-
sur
la production nomic aniuialc. ïïunter a constaté que, chez les Souris, la pri-
de ciialeur. ^ ^ ' '
vation d'aliments est bientôt suivie d'un abaisseinent notable
dans l'état ihermomé trique de Taulre était beaucoup plus considérable, mais
main paraît devoir dépendre d'une dans ce cas le phénomène était com-
action sympathique exercée par le plcxe,etrabaissementde la température
système nerveux sur les vaisseaux san- devait cire atlribué principalement à
guins de cette dernière partie, et d'une rinsuflisance normale de la produc-
diminution dans la quantité de sang tion de chaleur dans les premiers
en circulation dans celle-ci par suite temps de la vie {b) . Dans des expé-
de la contraction de ces mêmes vais- riences analogues faites par Chossat
seaux (a). sur des Chiens adultes, le refroidissc-
(1) Dans quelques-unes des expé- ment déterminé par la fixation du
riences de Legallois, faites sur des La- corps dans la position indiquée ci-
pins très jeunes, le refroidissement qui dessus n'a jamais dépassé notablement
accompagne cette position du corps o degrés centigrades (c).
(a) Tlio!oz.in et Brown-Scquard, Recherches expérimentales sur quelques-uns des effets du
froid sur l'Homme {Joiirnal de j)hysiolo(jie , 1858, t. I, p. 500).
(b) Legallois, Mém. sur la chaleur des Animaux [Œuvres, t. II, p. i i).
(c) Cliossat, Op. cit., p. 12.
PRODUCTION DE CHALEUU. 85
dans la température du eorps et d'une diminution dans la faculté
de résister à l'action d'un froid intense (1). Plus récemment,
M. Martins, professeur à Montpellier, a fait des observations
analogues (2), et Chossat a mis ce fait mieux en évidence
par ses expériences sur les effets de l'inanition. Il a constaté
que chez des Animaux privés d'aliments la température du
corps s'abaisse nolablcment, et qu'aux approches de la mort
elle est quelquefois de 18 à 20 degrés au-dessous de la
température normale (5). Je rappellerai aussi que chez
(1) Chez une Souris vigoureuse et
iiicn nourrie, Iluntcr ville thcrmom&tre
marquer 99 degrés Fahrenheit clans
i'ahdoinen,près du diaphragme, tandis
que chez un autre individu affaibli par
un long jeûne, l'instrument, placé de
même, ne marqua que 97 degrés.
Le premier de ces Animaux, exposé
pendant une heure à de l'air dont la
température n'était que de 13 degrés
Fahr, , se refroidit intérieurement
d'environ 18 degrés Fahr. Le second,
placé dans les mêmes circonstances,
perdit 23 degrés Fahr. (a).
Des faits du même ordre ont été
notés par les voyageurs qui, en explo-
rant les régions polaires, se sont trou-
vés exposés à des froids intenses et
n'avaient souvent qu'une nourriture
insuffisante. Ainsi, l'un des compa-
gnons du capitaine Franklin, étant
réduit à un état de grande maigreur,
souffrit beaucoup des abaissements
de température qu'il aurait sup-
portés sans gêne dans les circonstances
ordinaires , et il remarqua que les
Hommes avec qui il se trouvait sup-
portaient beaucoup mieux l'influence
du froid de la nuit quand ils avaient
fait un bon repas que lorsqu'ils avaient
passé la journée à jeun (6). Il est
aussi à noter que dan;^ des expériences
sur l'alimentation, M. Hammond con-
stata un abaissement notable de la
température de son corps après avoir
vécu pendant quatre jours de gomme
seulement (c).
(2) M. Martins a eu l'occasion d'ob-
server aux environs deMontpelUer deux
troupeaux de canards qui vivaient dans
la même localité, mais dont l'un n'avait
qu'une nourriture insuffisante, tandis
que l'autre recevait journellement des
rations abondantes et de bonne qua-
lité. Chez les premiers la température
moyenne était Zil", 177, tandis que chez
les seconds elle s'élevait à Z|l°,978. La
différence en faveur des Canards bien
nourris était donc de 0",8 [d).
(3) Dansunedes séries d'expériences
(a) Hunier, Op. cit. {Œuvres, t. IV, p. 218).
(6) J. Franklin, Narrative of aJouniey to the shores of Ihe Polar Sea in 1819, 1820, 1821
and 182-2, p. 424.
(c) Hammond, Recherches expérimentales sur la valeur nutritive et les effets physiologiques
de l'albumine, etc. {Journal de physiologie, 1858, 1. 1, p. 417).
{d) Martins, Mém. sur la température des Oiseaux palmipèdes du nord de l'Europe, p. IG
(extrait des Mémoires de l'Acad. des sciences et lettres de Montpellier, 185G, t. III).
86 NUTRITION.
les Animaux soumis à l'abstinence, la respiration est moins
active que chez ceux qui reçoivent des aliments en quantité
suffisante. J'ai déjà cité les expériences faites sur ce sujet par
faites par Cliossat, douze Pigeons, donl
la température normale avait été déter-
minée préalablement par une longue
série d'observations, furent soumis à
une privation complète d'aliments et
de boissons, jusqu'à leur mort, qui
arriva entrele sixième etle dix-huitième
jour de l'abstinence. Pendant la pre-
mière période de l'expérience, c'est-à-
dire jusqu'au pénultième jour de l'exis-
tence de chacun de ces Animaux,
l'abaissement de la température ne fut
que peu marqué pendant le jour :
observée à midi, elle ne dépassa qu'un
demi-degré, mais l'oscillation journa-
lière était beaucoup plus grande que
dans les circonstances ordinaires, et
le refroidissement nocturne de leur
corps, au lieu d'être seulement eu
moyenne de 0",7ù, comme dans l'état
normal, fut successivement de 2°, 3,
de 3", 2 et de A°,l. Pendant le jour
qui précédail; la mort , les Pigeons
tombaient dans un état de stupeur et
donnaient des signes d'une grande fai-
blesse ; la température s'abaissa alors
rapidement, et au moment de la mort
elle tomba en général à 25 ou 30 de-
grés ; quelquefois même beaucoup
plus bas, par exemple à 22 degrés ou
même à 18°, 5. La marche moyenne
du phénomène est représentée par les
résultais consignés dans le tableau
suivant :
Tempéialure le premier jour de l'oxpcrieiice
„ , , , , -, I (•Premier tiers du temps. .
Température entre le premier et le<\ ,, ., ,. , '
, .... . , ',, , . < Deuxième tiers du temps
pénultième lour de 1 expérience. <_,.., ,. , , '
'^ '' '^ Vlroisiemc tiers du temps
L'antépénultième jour
Le pénultième jour
Au moment de la mort
42,3
42,0
41,8
4d,6
41,4
40,0
20,0
40,4
39,6
38,7
37,9
37,5
36,7
D'autres séries d'expériences du
même genre portèrent sur des Tourte-
relles, des Poules, une Corneille et des
Lapins ; toutes donnèrent des résultats
analogues, et pendant le dernier jour
de la vie le refroidissement de ces Ani'
maux fut en moyenne cent trois fois
plus rapide que pendant chacun des
jours précédents (a).
Des expériences faites plus récem-
ment par M. Ch. Martins sur les effets
de l'abstinence chez les Canards ont
confirmé les résultats obtenus par
Chossat (6).
[a) ChossQt) Op. cit. {Mém. de l'Acad. des sciences Savants, étrangers, i. VIII, p. 545 et
suiv.).
(&) MartitiS) Op. cit. j p. 1 0 (extrait des Mémoires de l'Acad. des sciences et lettres de Montpellier,
1856, t. III).
PRODUCTION DE CHALEUR. 87
M. Boussingault, ainsi que par MM. Bidder el Schmidl (1), et
j'ajouterai que dans les recherches de MM. Regnault et Reiset
sur la respiration des Chiens, on voit la consommation de
l'oxygène tomber de i'\\1h- à 0°",902 par l'effet de l'inani-
tion (2).
§ 15. — Tout ce qui tend à ralentir le mouvement nutritif
ou à affaiblir l'organisme d'une manière quelconque, paraît
tendre aussi à diminuer la puissance productive de la chaleur
animale, et, parmi les circonstances qui agissent de la sorte,
je citerai ici l'action prolongée d'une température élevée. Le
premier effet de la chaleur extérieure sur l'économie est une
excitation générale et une augmentation correspondante dans
la faculté de développer de la chaleur; mais quand ce stimu-
lant devient continu et agit pendant longtemps, il en résulte
un affaiblissement considérable, et l'organisme perd de son
aptitude à produire de la chaleur. Ainsi, en été, l'Homme et
les autres Animaux à sang chaud résistent moins bien à l'ac-
tion réfrigérante d'un milieu dont la température est basse
qu'ils ne le font en hiver. Ces faits, dont la connaissance est
indispensable pour l'intelligence de tout ce qui louche à l'in-
fluence des saisons ou des climats sur l'économie animale, ont
été parfaitement établis par les recherches expérimentales de
mon frère William Edwards. Ce physiologiste habile fit voir
que les Animaux à sang chaud, adultes, exposés au contact d'un
(1) Voyez tome II, page 538. MAI. Regnault et Reiset ont trouvé
(2) Chez un Lapin (espér. D) nourri aussi que chez une Poule la consom-
avec des carottes , la consommation mation d'oxygène était pour un même
d'oxygène était par heure de 3s',590. poids de matière vivante :
Soumis à l'inanition, le même Ani-
mal n'absorbait l'oxygène que dans la ^'^'^^ du régime ordinaire.
proportion de 2S%731 par heure. ^'°** '°"' l'influence de l'inanition (a).
(a) Regnault et Reiset, Recherches chimiques sur la respiration des Animaux {Ann. de chimie
et de physique, 3' série, t. XXVI, p. 414 et 415).
Effets
des climats
chauds.
88 NUTRITION,
air froid, conservent beaucoup mieux leur chaleur propre en
hiver qu'en été (1), et, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire
précédemment, il constata aussi que pendant la saison froide
la consommation d'oxygène par la respiration est beaucoup plus
grande que pendant les chaleurs de l'été.
Influence L'influcnce des climats est analogue à celle des saisons, et la
'"bruTque's"^ faculté dc dévcloppcr de la chaleur est moins grande chez les
laiempLturc liabilants des régions tropicales que chez ceux qui vivent dans
les pays froids. Mais lorsqu'on veut se rendre bien compte des
effets produits sur les uns et sur les autres par les variations
brusques de température, il faut ne pas confondre les impres-
sions déterminées par ces variations avec les modifications
qu'elles peuvent amener graduellement dans la constitution des
individus. La sensation de chaleur ou de froid résulte des chan-
gements subits qui ont lieu dans la production de la chaleur
animale bien plus que de la température réelle de l'organisme,
et cela nous explique comment les personnes qui ont vécu
longtemps dans un climat chaud peuvent être pendant quelque
, temps moins sensibles à l'impression du froid que ne le sont
les habitants d'un pays où la température est d'ordinaire très
basse. La réaction physiologique que celle impression pro-
voque est plus intense chez les faibles producteurs de chaleur
animale que chez les personnes où le développement normal
(l) Dans une de ses expériences sur espèce, placés dans les mêmes condi-
cc sujet, William Edwards plaça dans tions, perdaient en une heure 3°, 6, et
mi vase rempli d'air et entouré de glace à la fin de la troisième heure la tem-
cinq Moineaux adultes. Au mois de fé- pératm-e de leur corps était descen-
vrier, l'abaissement de la température due, terme moyen , à G degrés au-
propre de ces Animaux fut, au bout dessous de sa température initiale. Au
d'une heure, terme moyen, 0°,^, et ne mois d'août, dans une expérience ana-
dépassa dans aucun cas 1 degré ; puis logue, le même auteur constata un
leur température resta stationnaire. refroidissement de /i'',87 dans l'espace
En juillet, quatre Oiseaux de la même de trois heures (a).
(a) W. Edwards, De rinfluencé des agents i^hysiqncs svr la vie, p. 1G3.
PRODUCTION DE CHALEUR.
89
de cette chaleur est en rapport avec les causes de refroidisse-
ment dont elle dépend, et il en résulte pour les premiers une
sensation de chaleur qui n'est pas en accord avec la tempéra-
ture réelle de leur corps ; mais cette réaction n'est que passa-
gère, et après quelque temps, les effets du froid deviennent
plus grands chez les premiers que chez les seconds (1).
§ 16. — Dans l'état actuel de nos connaissances, il n'est influence
^ de divers états
pas possible d'expliquer d'une manière satisfaisante toutes les ratiioiogiques.
variations qui peuvent se manifester dans la production de la
chaleur animale ou dans les sensations qui s'y rapportent.
Ainsi, dans certains états pathologiques, la température du
corps humain s'élève un peu au-dessus du degré normal (2),
et le même phénomène peut être déterminé par l'action de
diverses substances toxiques , sans qu'il se manifeste dans
(1) On a souvent remarqué que les ha-
bitants des régions tropicales qui vien-
nent vivre dans nos climats sont peu
sensibles au froid de l'hiver pendant
la première année de leur séjour en
Europe , tandis que plus tard ils en
souffrent beaucoup, et W. Edwards a
cherché à expliquer cette anomalie ap-
parente par l'observation de ce que l'on
éprouve quand une partie du corps est
refroidie brusquement, comme dans le
cas où la main a été plongée pendant
quelques instants dans de l'eau glacée.
La température de la main s'abaisse,
et la réaction provoquée de la sorte
est suivie d'une sensation de chaleur,
bien que la température de la partie
refroidie soit encore notablement au-
dessous du degré normal (a). Ces re-
marques sont également applicables
aux natifs des pays septentrionaux, qui
souvent se montrent plus sensibles à
un froid léger que ne le sont les habi-
tants des climats doux (6), car ce froid
provoque chez ceux-ci une réaction
qui ne se produit pas chez les premiers,
et qui détermine une sensation de cha-
leur indépendante de l'état thermomé-
trique de l'organisme.
(2) Dans les fièvres dites essentielles,
ainsi que dans celles qui sont sympto-
matiques d'une phlegmasie ou d'un
exanthème , tel que la rougeole , la
scarlatine et la variole, la température
du corps s'élève notablement, et atteint
quelquefois kO degrés ou même Zi2 de-
grés. 11 est à remarquer que dans les
fièvres algides la sensation de froid
(a) W. Edwards, De l'influence des agents physiques sur la vie, p. 485,
(6) Marlins, Du froid thcnnomdtriquc, et de ses relations avec le froid physiologique dans les
plaines et sur les montagnes, p. 43 (extrait des Mémoires de l'Acad. des sciences de Montpellier,
1859, t. IV).
Vin. 7
90 NUTRITION.
l'ctat de la circulation on de la respiration aucun change-
ment appréciable auquel cette circonstance puisse être attri-
buée. Mais aucun de ces faits n'infirme les vues théoriques
que j'ai 'présentées dans le cours de cette Leçon touchant
la source de la chaleur animale, et il est probable que lors-
qu'on les aura mieux étudiés, ils rentreront tous dans la règle
commune, c'est-à-dire qu'ils se montreront comme des con-
séquences de la manière dont la combustion des matières
organiques s'effectue dans la profondeur de toutes les parties
de l'organisme sous l'influence de l'oxygène fourni par la res-
piration.
Conséquence Ccttc combustion physiologlquc , comme nous l'avons vu,
de nSie s'effectue dans toutes les parties de l'organisme, mais ne pré-
de'k'chaieîr scntc pas pailout le même degré d'activité, et par conséquent
l'organisme. Ic modc dc distributiou de la chaleur dans l'intérieur de l'éco-
nomie animale peut jeter quelque lumière sur la manière dont
le travail chimique de la nutrition est réparti. En effet, lors-
qu'on examine attentivement les différences thermométriques
qui existent dans les diverses parties du corps d'un Mammifère
ou d'un Oiseau, on ne tarde pas à reconnaître que ces inégalités
que le malade ressent coïncide sou- sur les variations de la chaleur ani-
vent avec une augmentation de la maie dans diverses maladies ; mais
chaleur thermométrique de son corps. ces recherches n'ont jeté que peu de
Depuis quelques années, les patholo- lumière sur l'histoire physiologique
gistes ont fait beaucoup d'observations de la caloricité (a).
(a) Gavarret, Recherches sti,r la température, du corps dans la fièvre intermittente (l'Expé-
rience, 1839, t. IV, p. 22J.
— Roger, De la température des enfants à l' état physiologique et pathologique {Archives géné-
rales de médecine, i° série, 1844, t. V, p. 467 ; t. VU, p. 472 ; t. VIII, p. 17; t. IX, p. 263).
— \le\mho\tz, Thierischen Wàrme {Encyklopœd. ]Yôrterbuch der medicinischen Wissenschaften,
1846, t. XXXV, p, 523).
— G. Zimmermann, Uelur die Wechselfieberkranken (Archiv flir Physiol. HeilkundC) 1850,
t. IX, p. 382).
-'• Monneret, Traité de pathologie générale, t. II, p. 3 et suiv.
— Joclimann, Beobachtungen iiber die Kôrperiudrme, 1853.
— Maurice, Des modifications de la température animale dans les affections fébrilÉs, thêsEj
Paiis, 1855.
— Micliacl, Specialbeobachlungen der Korpertemperalur im inlermitlerenden Fieber (Archiv
fur physiol. Heilkunde, 1856* t. XV, p. 89).
PRODUCTION DE CHALEUR. 91
ne peuvent dépendre uniquement de lu facilité plus ou moins
grande avec laquelle la chaleur animale se dissipe au dehors dans
les divers organes, et qu'elles doivent résulter, en partie, de
différences locales dans le degré d'activité du travail chimique
qui s'opère dans les tissus vivants, et qui donne lieu au déve-
loppement de cette chaleur. Mais l'étude de la température
propre des diverses parties du corps est moins simple qu'on
ne serait porté à le croire au premier abord, car cette tempé-
rature est subordonnée à celle des parties d'où vient le sang
qui les traverse. En effet, le torrent circulatoire est le grand
égalisaleur de la température intérieure de l'organisme, en
même temps qu'il est la source alimentatrice de la combus-
tion dont l'évolution de la chaleur animale est une consé-
quence. Nos connaissances à ce sujet ne sont encore que peu
avancées ; mais, d'après les recherches de M. Cl. Bernard,
nous voyons que le foie est de toutes les parties celle où ce
mouvement moléculaire paraît être le plus actif (1).
Pour faire un pas de plus dans l'étude de la production de
(1) En introduisant dans diverses
artères et veines, cliez un Animal vi-
vant, de très petits tliermomètres fort
sensibles, M. Cl. Bernard a pu con-
stater , ainsi que je l'ai déjà dit ,
des différences remarcfuables entre la
température du sang qui se rend du
cœur à certaines parties de l'organisme,
ou qui, après avoir traversé celles-ci,
revient vers le centre de l'appareil cir-
culatoire. Dans les points où le sang
revient de parties exposées à des causes
de refroidissement considérable, les
membi'es, par exemple, la température
du sang veineux fut trouvée inférieure
à celle du sang artériel ; mais dans les
points où la déperdition de la chaleur
animale n'est que faible, la tempéra-
ture du courant sanguin fut trouvée au
contraire plus élevée après son passage
dans les vaisseaux capillaires qu'avant
son arrivée dans la profondeur des
tissus vivants. Cette augmentation de
température était presque toujours très
sensible dans le sang qui avait circulé
dans l'épaisseur des parois du tube
digestif, mais devenait encore plus
grande après le passage du liquide
dans le système de la veine porte (a).
Chez des Chiens vigoureux, M. Claude
Bernard trouva que la température
du sang de la veine hépatique était
souvent de Zil degrés, ou même da-
vantage. Il constata aussi que la sub-
[a] Voyez ci-dessus, page 33.
92 NUTRITION.
chaleur chez l'Homme et les autres Animaux, nous nous trou-
vons donc conduit à chercher quelles sont les matières com-
bustibles qui dans la profondeur des organes vivants se com-
binent avec l'oxygène, et donnent ainsi lieu à cette élévation
de température. Sont -ce les matières alimeniaires puisées au
dehors, et charriées par le sang, qui sont brûlées de la sorte
dans l'économie animale? est-ce le sang lui-même qui fournit
ces combustibles, ou bien proviennent-ils de la substance des
tissus vivants, et l'entretien de la combustion physiologique
est-il lié à la destruction de la matière vivante? Ce sont là des
questions qui touchent à la nature même du travail nutritif,
et nous chercherons à les résoudre dans une des prochaines
Leçons.
stance des tissus situés profondément trouvé que l'urine de l'Homme, au
est en général plus chaude que le sang moment de l'émission, avait une tem-
qui en part (a). pérature, terme moyen, de 39°, 5, et
Il est probable que les glandes ré- était par conséquent notablement plus
nales sont, de même que le foie, le chaude que la plupart des autres par-
siége d'un travail calorifique consi- lies du corps (6).
dérable , car M. Brown-Séquard a
{a) Brown -SéquartI, On the Normal Degree of the Température of Man {Expérimental
hesearches, p. 30).
(&) Cl. Bernard, Leçons sur les propriétés physiologiques et les altérations pathologiques des
liquides de l'organisme, 1859, t. I, p. 77 et suiv.).
SOIXANTE-HUITIÈME LEÇON.
Suite de l'étude des phénomènes de nutrition et de leurs conséquences. — Production
de lumière dans l'économie animale, — Causes de la phosphorescence de la
mer.
Production
(le lumière
par
les Animaux.
§ 1 . — Le dégagement de chaleur dont l'étude vient de nous
occuper n'est pas le seul effet physique qui, dans certains cas,
puisse résulter de la combustion respiratoire déterminée par
l'oxygène de l'air dans l'intérieur de l'organisme vivant, et
constituant, comme nous venons de le voir, une des parties
fondamentales du travail de nutrition. C'est à des actions chi-
miques du même ordre que paraît devoir être attribuée la pro-
duction de lumière qui a lieu chez quelques Animaux, et par
conséquent, avant de passer à l'étude de questions d'un autre
ordre , je crois devoir dire quelques mots de ce phénomène
remarquable , au sujet duquel je serai cependant bref , parce
que nous n'en avons qu'une connaissance fort incomplète.
On désigne communément sous le nom de phosphorescence, phosphores
C6nC6
la lueur plus ou moins vive dont brille le corps de divers dueàia
Animaux, soit pendant la vie, soit après la mort, lorsque leur
substance se putréfie. Chez les Poissons, les altérations cada-
vériques sont souvent accompagnées d'une émission de lu-
mière (1), et ce phénomène paraît être dû à la formation lente
putréfaction.
(1) Ce fait n'avait pas échappé à
l'attention de Redi (a), et le physicien
Canton en fit l'objet de quelques ex-
périences intéressantes. Il a constaté
que le corps de divers Poissons récem-
ment morts, le Merlan et le Hareng,
par exemple, devient lumineux après
avoir séjourné pendant quelques heures
dans de l'eau de mer, et communique
sa phosphorescence à ce liquide. L'é-
mission de lumière avait lieu princi-
palement à la surface, au contact de
[a] F. Redi, De Animalculis vivis quœ in corporibus Animalium idvorum reperiuntur observa-
tiones (Opusculorum pnrs lertia, p. 4 5, ôdit. de Costc, 1729).
94 NUTRITION.
de petites quantités d'hydrogène phosphore qui brûle à l'air,
et qui résulte de la décomposition des matières organiques
pho.sphorées des tissus des Animaux par de l'hydrogène nais-
sant (1).
Il est probable que le dégagement de lumière qui a souvent
lieu pendant la putréfaction des débris organiques de beaucoup
d'autres Animaux marins est déterminé par des phénomènes
de combustion du même ordre (2), et que parfois la phospho-
l'air, mais des traînées brillantes se
manifestaient partout où Ton agitait le
liquide avec un bâton. Ces phéno-
mènes ne furent pas déterminés p3r
la macération de ces cadavres dans de
l'eau douce, mais ils se sont montrés
avec beaucoup d'intensité lorsque le
corps d'un Hareng en voie de décom-
position fut placé dans une dissolu-
tion de sel marin. Dans une des expé-
riences de Canton, la phosphores-
cence obtenue ainsi par la putréfac-
tion lente d'un Poisson dans de l'eau
de mer dura pendant toute une se-
maine (a). J'ai souvent remarqué des
phénomènes analogues en observant
des cadavres de Méduses et d'autres
Animaux marins.
(1) M. Mulder a publié dernièrement
des expériences intéressantes sur ce
sujet, et il a fait voir que les phéno-
mènes de phosphorescence en ques-
tion ne dépendent pas de l'existence
de phosphore à l'état de liberté ; ils
sont toujours accompagnés d'un déga-
gement abondant d'ammoniaque, et
paraissent être dus au dégagement
d'un composé d'hydrogène phosphore
qui, au contact de l'air, brûlerait
spontanément (/>).
(2) Il me semble probable que les
points lumineux observés par Quoy et
Gaimard à la surface de parties ulcé-
rées de la peau du dos chez une Tor-
tue de mer vivante dont on avait enlevé
les écailles, dépendaient de quelque
phénomène chimique du même
ordre (c).
Je pense aussi qu'il faut attribuer
à une cause analogue la lumière que
l'urine humaine, la sueur et d'autres
sécrétions répandent dans quelques
cas pathologiques très rares (rf), ainsi
que la phosphorescence de l'urine de
quelques Animaux, tels que la Moufette
d'Amérique (<?),
(a) J. Canton, Experimenis to prove thaï the Luminousness oflhe Sea avises from the Putré-
faction of animal Substances (Philos. Trans., 1769, t. L!X, p. 44C).
(b) Mulder, Natilrlichcs und kilnslliches Phosphovesciren von Fischen {Archiv fur die Hollàn-
dischen Beitrdge zur Nalur und Heilkunde, ISGO, t. II, p. 398).
(c) Quoy et Gaimurd, Observations sur quelques Mollusques et Zoophijtes considérés comme
causes de la phosphorescence de la nier {Ann. des scidnr.es nat., 1825, t. IV, p. 8).
(d) Heinricli, Die Phosphorescent der Kurper, p, 384.
— Driessen, Dissert, de phosphuria et diabète mcllito. Gôllingcn, 1819, p. 28.
— Treviraïuis, Biologie, t. IV, p. 604, et t. V, p. 384.
— Walson, Case of Luminous Breath(The Lancet, 1845, 1. 1, p. 11).
(e) Azara, Essai sur l'histoire naturelle des Quadrupèdes du Paraguay, I. I, p. 213.
— Lann:sdorf, Reise um die ]Yelt, 1812, t. II, p. 184.
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 95
rescence qui se fait remarquer sur les plages sablonneuses
baignées par la mer, dépend de la présence de pareils débris
en voie de décomposition (1); mais, dans l'état actuel de la
science, nous n'avons pas une explication aussi satisfaisante de
la phosphorescence des Animaux vivants, et, bien que dans
certains cas ce phénomène semble être une conséquence de la phosphores-
ccncG
combustion de matières sécrétées par l'organisme et suscep- r*ysioiogique.
tibles de devenir lumineuses au contact de l'oxygène, il est
d'autres circonstances dans lesquelles les choses pourraient
bien ne pas se passer de la môme manière. Pour étudier fruc-
tueusement les causes de la phosphorescence des Animaux, il
faut donc ne pas vouloir généraliser prématurément les résul-
tats fournis par la constatation de quelques faits particuliers, et
examiner successivement Ips différents cas dans lesquels cette
émission de lumière a heu.
Quelques Insectes possèdent, comme chacun le sait, à un insectes
^ ^ lumineux.
haut degré cette faculté singulière, et c'est par les expériences
dont ils ont été l'objet qu'on est parvenu à entrevoir la nature
de ce phénomène remarquable. Tels sont les Lampyres ou
Vers luisants, ainsi nommés parce que la phosphorescence est Lampyres, etc.
beaucoup plus intense chez la femelle que chez le mâle, et
que dans l'espèce qui abonde dans nos campagnes la première
( 1 ) Quelques auteurs on t attribué à rames (a) , ou par toute autre cause ana-
une cause analogue la phosphorescence logue. Mais, ainsi que nous le verrons
des eaux de la mer, qui, dans certaines bientôt, cette émission de lumière dé-
circonstanccs, semblent être converties pend en général, sinon toujours, de la
en une nappe de feu scintillant et présence d'un nombre incalculable d'a-
s'illuminent partout où leur surface nimalcules plus ou moins microsco-
est agitée par les vagues, par le pas- piques qui vivent dans ce hquide, et
sage d'un navire, par le choc des qui sont eux-mêmes phosphorescents.
(a) Canton, Op. cit. (Philos. Trans., 1"G0, t. LIX, p. 44G).
— Commerson, Notes inédites, voyez Losson, art. PiiospiioREîCEXCfc: de la meix (Dictionnaire
des sciences naturelles, t. XI-, p. 40).
— Becquerel, Traité de l'hysique considérée dans ses rapports avec la chimie et les sciences
naturelles, 1844, t. 11, p. IRO.
96 NUTRITION.
reste toujours privée d'ailes et ressemble à une larve v^rmi-
forme. Dans le midi de l'Europe il en existe une autre espèce
du même genre, dont les deux sexes sont ailés (1), et en
voltigeant dans l'atmosphère, ces Insectes produisent pendant
les belles nuits de Tété une illumination mobile d'un effet
charmant (2) ; mais ces Coléoptères sont beaucoup moins
brillants que quelques insectes phosphorescents qui appar-
tiennent à la famille des Taupins ou Élatères, et qui habitent
les parties tropicales de l'Amérique , où ils sont connus
sous le nom de Cucujos (3). On assure que la lumière émise
par ceux-ci est tellement vive , que non-seulement elle a été
souvent utilisée par les voyageurs pour s'éclairer pendant la
(1) Ces Insectes phosphorescents
que les Italiens appellent des Luccioîi,
et que les entomologistes désignent
sous le nom de Lampyris italica,
sont le Xaji.Ttupl; dont parle Aris-
tote , et le Cicindela de Pline. L'es-
pèce que Ton rencontre dans les cam-
pagnes des environs de Paris, ainsi
qu'en Angleterre et en Suède, est le
Lampyris noctiluca ; et il existe en
Europe deux autres espèces du même
genre, savoir : le L. splendidula,
qui est commun en Allemagne, et le
L. heniiptera qui se trouve plus au
midi. On connaît aussi un grand nom-
bre d'espèces exotiques du genre Lam-
pijris ou des autres petits groupes
génériques établis par les entomolo-
gistes aux dépens de la famille des
Lampyrides, et il est probable que
toutes sont plus ou moins phospho-
rescentes. Le Lampyris hemiptera ne
brille que d'un éclat très faible (a),
mais n'est pas privé de la faculté d'é-
mettre de la lumière, ainsi que quel-
ques auteurs l'avaient supposé. L'es-
pèce qui habite la Corse paraît être
distincte des précédentes et a reçu le
nom de Lampyris bicarinata (6).
(2) Dans quelques cas très rares on
a vu les Vers luisants briller jusqu'en
hiver, même en Allemagne (c).
(3) Le Taupin cucujo, ou Elater
noctihicus, Lin., a près de 3 centi-
mètres de long {d). Ou a donné le nom
cVElater phosphorinus à une autre
espèce du même genre qui brille aussi
dans l'obscurité, mais qui est beau-
coup moins grande, et qui se trouve à
Cnyenne (e).
(a) Helbeg, Merkivurdige Beobachtung von Johanniswui'inchen {Voigl's Magasin fur den neiies-
ten Zustand der Natwkunde, 1805, t. IX, p. 1G6).
{b} Mulsant et Revcillèro, Description d'une nouvelle espèce du genre Lampyris {Ann. de la
Société linnéenne deLyon, 2" isdric, 1800, t. VI, p. 146).
(c) P. Mûllcr, Beitr. sur Nalurgesch. des halbdekkigen LeucMktifers Lampyris licmiplcra
(lUiser's jl/flflaiJM fur Insecktcnkuude, 1805, I. IV, p. 175).
(d) Voyez Olivier, Entomologie, Coléoptères, i. U, ii° 31, pi. 2, fig. ^^ a.
le) Idem, ibid., fig'. 14 b.
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 97
nuit, mais qu'elle peut suffire pour la lecture des plus petKs
caractères (1).
Chez tous ces Insectes, la production de lumière paraît être
localisée dans quelques parties bien circonscrites de l'orga-
nisme (2). La position de ces foyers varie; mais en général,
sinon toujours, ils occupent le tronc (3), Chez les Élatères, ils
(1) Pour plus de détails à ce sujet,
je renverrai aux ouvrages généraux
sur l'entomologie (a).
(2) Quelques auteurs pensent que
chez les grands Élatérides phospho-
rescents de l'Amérique tropicale, la
production de lumière a réellement
lieu dans toutes les parties de l'orga-
nisme, et qu'elle est seulement mas-
quée dans la majeure partie de la
surface du corps par l'opacité des té-
guments (b). Mais M. Lacordaire, qui
a eu l'occasion d'étudier ces beaux
Coléoptères à l'état vivant , assure
qu'il n'en est pas ainsi, et que la pro-
duction de lumière est circonscrite
dans trois points, dont deux occupent
la face dorsale du prothorax et un la
partie inférieure et postérieure du
mésothorax. Quand l'Insecte est au
repos, ce dernier foyer n'est pas visi-
ble, mais pendant le vol l'abdomen,
s'écartant un peu du thorax, laisse à
découvert une dépression triangulaire
qui brille d'un éclat assez vif (c). Sui-
vant Sloane (d) et Lees (e), il y aurait
aussi émission de lumière par la face
dorsale de l'abdomen, mais ce der-
nier foyer ne deviendrait visible que
quand les élytres se relèvent. M. Bur-
meister parle aussi de la phosphores-
cence de cette partie du corps (f) ;
mais je dois ajouter que les observa-
tions de M. Lacordaire sont en par-
fait accord avec celles faites vers le
milieu du siècle dernier, par Fouge-
roux (g).
(3) Les exceptions à cette règle sont
douteuses. D'après Afzelius, le Paussus
sphœrocerus, qui habitelacôte de Gui-
née, émettrait une faible lueur par la
massue arrondie qui termine ses an-
tennes (h).
Suivant Sibille Mérian , le grand
prolongement vésiculaire qui sur-
monte la tête du Fulgora lanternaria
d'Amérique serait très phosphores-
cent (^) ; mais cette assertion a été
(a) Kirby and Spence, An Introduction to Entomology, 1817, t. II, p. 409.
— Lacordaire, Introdiiction à l'entomologie, t. II, p. 140.
(b) Brown, Natural Histonj ofjumaica, p. 432.
(c) Lacordaire, Mémoire sur les habitudes des Insectes Coléoptères de l'Amérique méridionale
{Ann. des sciences nat., t. XX, p. 24-1).
(d) Sloane, A Voyage to the Islands of Madera, Jamaica, etc., 1725, t. II, p. 200.
(e) Voyez Curlis, An Account of Elater nocliluciis (The Zoological Journal, 1828, t. III,
p. 381).
(f) Burmeister, Handbuch der Entomologie, t. I, p. 535.
(g) Fougeroux, Mém. sur un Insecte de Cayenne appelé Maréchal, et sur la lumière qu'il donne
(Mém. de l'Acad. des sciences, 1766, p. 341).
[h] Afzelius, Observ. on the genus Paiissui? [Trans. of the Linnean Society, 1798, t. IV,
p. 201).
(i) Mérian , Dissertation sur la génération et les métamorphoses des Insectes de Surinam,
1726, p. 49.
98 NUTRITION.
sont logés dans le thorax, et deux d'entre eux correspondent
à une paire de grandes taches ovalaires situe'es sur la face
supérieure du premier anneau de cette région du corps (i);
mais chez les Lampyres ils occupent la partie inférieure de
l'abdomen (2). Leur nombre varie suivant les sexes aussi bien
que suivant les espèces. Chez le Lampyre noctiluque de nos
campagnes, le maie ne présente qu'une paire de points faible-
ment lumineux, qui occupent le pénultième segment abdo-
minal. Chez la femelle, les trois derniers anneaux du corps
brillent d'un éclat très vif (3).
révoquée en doute par plusieurs voya- tache ocellée qui se voit sur chacun
geurs, tels que le célèbre botaniste des élytres d'un Bupreste de l'Inde (le
Richard (a), Siebcr (6;, le prince de B. ocellata), mais son opinion était
Neuwied , Doubleday et M. Lacor- probablement fondée sur quelque ren-
daire (c). Je dois ajouter cependant seignement inexact,
qu'un voyageur l)e]ge, M. Linden, (1) Sur les individus desséchés que
assure avoir vu un de ces Insectes l'on voit dans les collections eniomo-
briller dans l'obscurité {d). logiques, ces taches sont d'une couleur
Le Fulgora candelaria de la jaunâtre {g).
Chine (e) et le Fulgora pyrrhorhyn- (2) Suivant M. Maille, la totalité du
chus de l'Inde sont considérés aussi corps serait phosphorescente chez le
par quelques auteurs comme ayant la Lampyre noctiluque pendant que cet
tète phosphorescente, mais cette opi- Insecte est à l'état de nymphe (/t), mais
nion n'est pas suffisamment fondée. cela me paraît peu probable.
Il est aussi à noter que Latreille (f) (3) La phosphorescence existe chez
parle de la phosphorescence de la les larves des Lampyres aussi bien
(a) Voyez Olivier, Observations silt le genre Fulgore {Choix de mémoires sur divers objets
d'histoire naturelle, ou Journal d'histoire naturelle, par Lamarck, elc, 1792, t. I, p. 31). —
Encyclopédie méthodique : Histoire naturelle des Insectes, t. VI, p. 562.
(b) Voyez HonmannscsTg-, Ueber das Leuchten derFiilgoren {Mag. der Gesellsch.der naturforsch.
Freunde %u Berlin , 1807, t. I, p. 153).
(c) Maximilien Priiis! zu Wiod Neuwied', Reise nach Brasilien, 1820, t. II, p. 111.
— LacorJaire, Introduction à l'entomologie, t. II, p. 143.
-— Dou))lc(iay, c\c., Discussion on theLuminosityofl''a\gora cmàelsiria [Entomological Magazine,
1836, 1. m, p. 45 et 105).
(i) Weslmael, Sur la phosphorescence du Fulgore porte- lanterne [l'Institut, 1837, t. V,
p. 259).
(e) Voyez Règne animal de Cuvier, 2« édit , t. IV, p. 447.
(/■) Voyez Cuvier, Règne animal, t. IV, p. 447.
(g) Voyez Olivier, Observ. sur le genre Fulgore (Choix de mémoires sur divers objets d'histoire
naturelle, ou Journal d'histoire naturelle par Lamarck, etc., 1792, t. I, p. 31).
(h) M*** (de Rouen), Note sur les habitudes naturelles des larves de Lampyre {Ann. des
sciences nat., 1820, t. VH, p. 355).
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 99
Chez tous les Insectes où les points phosphorescenls ont été
l'objet d'observations anatonaiques (1), on a constaté que la
lumière émanait d'un tissu pulpeux et jaunâtre qui se trouve
appliqué contre une portion transparente du squelette tégu-
nientaire, et qui est entremêlé d'une multitude de fdaments
blanchâtres constitués par des ramifications du système tra-
chéen (2). La structure de ces organes, chez le Lampyre,
a été étudiée récemment par M. Kôlliker (3).
que chez les individusadultes, mais elle
est faible chez les premières (a). Elle
a été observée même dans les œufs de
ces Insectes (6).
(1) Parmi les naturalistes qui, dans
ces derniers temps, se sont occupés de
l'étude anatomique de ces organes, je
citerai principalement M. Peters, de
Berlin, M. Fr. Leydig et M. Kôlli-
ker (c).
(2) Treviranus pensait que la pro-
duction de lumière n'était localisée
dans aucun organe particulier, et avait
son siège dans le tissu graisseux inter-
viscéral {d), mais cette opinion n'est
pas fondée.
(3) Chez le Lampyre italique, l'ap-
pareil phosphorescent occupe la face
inférieur de l'antépénultième et du
pénultième anneau de l'abdomen; il
est séparé de l'intestin par une pelote
de graisse blanche, et consiste en une
paire d'amas de corpuscules arrondis,
jaunes, fortement serrés les uns contre
les autres et entremêlés de nombreuses
ramifications de tubes aérifères.
Un naturaliste italien. Carrera, avait
cru trouver chez ces Insectes un sac
aérien particulier qui, en partant de
la tête, se serait rendu à l'appareil lu-
mineux (e) ; mais c'était probablement
le tube intestinal qu'il avait sous les
yeux, et cet organe ne communique
pas avec le foyer phosphorescent {f).
Chez le Lampyris splendidula mâle,
les organes phosphorescents sont éga-
lement au nombre de deux, et corres-
pondent aux taches blanchâtres qui se
voient à la face ventrale des sixième
et septième segments de l'abdomen.
Chez la femelle, l'organe phosphores-
cent du sixième anneau est double, et
{a) Degeer, Mém. sur un Ver hiisant femelle et sur sa transformation {Mém. de l'Acad. des
sciences, Savants étrangers, 1755, t. II, p. 269).
(b) Diekhoff, Ueber das Leuchten der Lamiiyns arten [Stetliner entomologische Zeitiing,
1842, t. III, p. 118).
(c) Peters, Ueber das Leuchten der Lampyris italica (Miiller's Archiv fur A7iat. und Fhysiol.,
1841, p. 229 ; — Ann. des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVII, p. 254).
— Fr. Lej'dij, Lehrbuch der Histologie, 1857, p. 343, Rg. 183.
— Kôlliker, Ueber die Leuchiorgane von Lampyris {Yerhandl. der Wilrzburg. phys.-med.
Gesellsch., 1858, t. VllI, p. 217). — Prellminary Observ. on the Luminous Organs of Lampyris
(Quarterly Journal of Microscopical Sciences, 1858, t. VIII, p. IGG).
(d) Treviranus, Ueber das Leuchten der Lampyris splendidula (Vermischte Scbriflen, iSiù,
t. I, p. 87).
(e) Carrara, Sur la phosphorescence du Lampyre italique {l'Institut, 1836, I. IV, p. 444).
(0 Voyez Peters, Op. cit.
100
NUTRITION.
Cause §2. — L'émission de lumière est tantôt continue, d'autres
la pro/uciion fois intermittente (1), et souvent elle paraît être subordonnée à
*- "'"""'•^- 1^ volonté de l'animal ; mais elle ne dépend d'aucune action
vitale, car le tissu qui en est le siège peut continuer à être phos-
phorescent pendant fort longtemps, après avoir été séparé du
corps (2) .
Je ne rappellerai pas ici toutes les hypothèses auxquelles les
il existe de cliaque côté une série de
quatre ou cinq spliériiles analogues,
qui s'étendent jusque dans le premier
anneau de l'abdomen, et ne sont pas
toujours disposés symétriquement.
Chez le L. noctiluca femelle, il y a deux
petits organes phosphorescents dans
le huitième anneau ou segment ter-
minal, et un beaucoup plus grand
dans le pénultième anneau, ainsi que
dans l'anneau précédent. Chacun
de ces organes est pourvu d'une tu-
nique membraneuse très délicate, et
se compose principalement d'un amas
compacte de cellules arrondies ou
polygonales, dont les unes renferment
des granules pâles et délicats à noyau
distinct, et les autres des granules
blanchâtres. Des filets nerveux se dis-
tribuent dans l'intérieur de ces amas
d'utricules. Enfin des trachées s'y ra-
mifient en très grand nombre et y
forment des anses. Ce sont les cel-
lules pâles qui produisent la lumière,
et la matière qu'elles contiennent pa-
raît être albumineuse. Les granules des
cellules blanches paraissent être des
concrétions d'urate d'ammoniaque (a).
(1) Chez le Lampyre italique, l'émis-
sion de lumière paraît s'interrompre
complètement de temps en temps
lorsqu'on l'observe superficiellement,
mais dans l'intervalle qui sépare les
éclats, une faible lueur persiste dans
la partie de l'abdomen correspondante
à l'appareil phosphorescent. Lors-
que l'Animal brille fortement, il y a
aussi des intermittences dans ce phé-*
nomène, mais les décharges lumi-
neuses se succèdent avec une très
grande rapidité : IM. Peters a compté
de 80 à 100 de ces éclairs en une
minute (6).
(2) Sloane raconte qu'en se frottant
le visage ou les mains avec un Elater
phosphorescent, on peut rendre la peau
de ces parties lumineuses comme l'est
cet Insecte lui-même (c), et Macartney
constata que les organes phosphores-
cents des Lampyres continuaient à
briller pendant phisieurs heures après
avoir été extraits du corps de ces Ani-
maux {d). Plus récemment beaucoup
de faits analogues ont été observés
par un grand nombre d'autres natu-
ralistes.
(a) Kôlliker, Ueher die Leuchtorgane von Lampuris {Verhandl. der Wûrnburg. phys.-med.
Gesellschafl, d858, t. VIII, p. 1).
(6) Peters, Ueber das Leuchlen der Latnpyris italica (Mï\]hr's. Archîv fur Anat. und Physiol.,
1841, p. 230 ; — Ann. des sciences nal., 2" série, 1842, t. XVII, p. 254).
(c) Sloane, A Voyage to the Islands ofMaiera, Jamaica, etc., 1725, t. II, p. 206.
(d) Macartney, Observ. upon Lttminous Animais {Philos. Trans,, 1810, p. 284).
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 101
physiologistes oui eu recours pour tâcher d'expliquer le piié-
nomèue de la phosphorescence chez les Insectes. Les uns ont
suppose que la lumière répandue dans l'atmosphère pouvait
être emmagasinée par ces Animaux, puis dégagée dans l'inté-
rieur de leur organisme; mais il a été facile de constater
expérimentalement qu'un long séjour dans l'obscurité ne les
empêche pas de briller de leur éclat ordinaire (1). D'autres
naturahstes ont pensé que cette phosphorescence était le
résultat d'une action nerveuse qui développait de rélectricité (2).
Mais un grand nombre de faits bien constatés tendent à prou-
ver qu'elle est due à des phénomènes de combustion, et les
observations qui, au premier abord, semblaient défavorables à
cette opinion , s'expliquent facilement , aujourd'hui que l'on
connaît la structure des organes lumineux.
J . Macaire, de Genève, qui a fait des expériences intéressantes
sur ce sujet, a vu que la matière phosphorescente extraite du
corps d'un Lampyre s'éteint bientôt, quand, à l'aide de la machine
pneumatique, on la soustrait au contact de l'air, mais qu'elle
brille de nouveau si de l'air lui est rendu (3). Ce chimiste a observé
,(1) Dans quelques-unes des expé- mique ou tliermométrique , provoque
i-iences faites par M. Peters, des Lani- l'émission de lumière, et qu'un Lam-
pyres furent trouvés lumineux après pyre phosphorescent placé sur un mul-
avoir été retenus dans une obscurité tiplicateur a déterminé une déviation
profonde pendant huit jours [a], et de l'aiguille aimantée (c). Mais on sait
M. Matteucci a constaté la phosphores- que toute combinaison chimique est
cence chez des individus qui avaient accompagnée de phénomènes galva-
été soustraits à l'action de la lumière niques, et par conséquent le fait de
pendant neuf jours (6). la combustion physiologique suffirait
(2) Cette opinion a été soutenue pour produire ce résultat,
dernièrement par M. Kolliker. 11 s'ap- (3) Macaire, ayant placé un Lampyre
puie principalement sur ce que toute dans un tube recourbé, dans lequel le
excitation nerveuse, mécanique, chi- vide avait été fait préalablement, vit
{a) Peters, Op. cit. [Ann. des sciences nal., 1842, t. XVII, p. 255).
[b] Matieucci, Leçons sur les phénomènes physiques des corps vivants, 1847, p. 1C6.
(C) Kolliker, Ueber die Leuchtorgaac von Lampyns {Verhandl. der phys,- lued. Gesellsch. in
Wûrzburg, 1857, p. 392),
102
NUTRITION.
des effels analogues en plaçant alternativement la même matière
dans des gaz non respirables et dans de l'oxygène (1). Enfin
M. Matteucci, ayant placé des fragmenis de l'abdomen de plu-
sieurs Lampyres dans de l'oxygène, les a vus continuer à briller
dansce gaz comburant pendant quatre jours, tandis que d'autres
fragments semblables placés dans de l'acide carbonique ou dans
de l'hydrogène s'éteignaient au bout de quelques minutes (2) ;
et ce savant constata aussi que l'air dans lequel la substance
lumineuse a conservé pendant longtemps son éclat était dé-
pouillé d'une partie de son oxygène, et devenu impropre à
l'entretien de la combustion (3). On a vu aussi que la phos-
phorescence de cette matière augmente lorsque la température
s'élève un peu, mais cesse lorsque la chaleur atteint environ
50 degrés (4).
l'Animal périr bientôt, et ne plus
émettre de lumière lors même qu'on
le réchauffait doucement; mais ayant
ensuite laissé rentrer de l'air dans le
tube, le corps du Lampyre brilla aus-
sitôt d'un éclat très vif. En faisant
imparfaitement le vide dans un tube
rempli d'air et contenant un de ces
Coléoptères , le même auteur vit la
phosphorescence diminuer peu à peu,
et enfin cesser entièrement pour re-
prendre avec éclat dès que l'on fai-
sait rentrer de l'air dans l'appareil.
Cette expérience peut être répétée
plusieurs fois avec succès sur le même
individu.
(1) En plaçant dans de l'oxygène
des Lampyres phosphorescents^ Ma-
caire vit leur éclat augmenter pendant
un certain temps, mais cesser bientôt
après (a). Suivant ce chimiste , le gaz
protoxyde d'azote produit le même
effet sur ces Insectes (6).
(2) M. Matteucci a remarqué que
les Lampyres périssent et cessent de
briller plus promptement dans l'acide
carbonique que dans l'hydrogène. Les
segments lumineux placés dans l'oxy-
gène y ont brillé trois fois plus long-
temps que dans l'air atmosphérique (c).
(3) Cette absorption d'oxygène est
plus considérable lorsqu'on opère sur
des Lampyres vivants que lorsqu'on
fait usage des segments phosphores-
cents de leur abdomen séparés du reste
du corps {d).
{Il) Macaire constata que la sub-
stance phosphorescente des Lampyres
augmente d'éclat lorsqu'on la chauffe
jusqu'à environ 32 degrés Réaumur,
(n) Maciirc, Op. cil. {Ann. de chimie cl de physique, 1821, t. XVII, p. 2G0).
(6) Idem, ibid., p. 261.
(c) Matleucci, Levons sur les phénomènes j^hysiques des corps vivants, p. IGO.
(d) Idem, ibid.
PRODUCTION DE LUMIERE.
103
Les expériences dans lesquelles on agit sur des Lampyres
inlacls et vivants ne donnent pas toujours des résultats aussi
nels> et l'on conçoit facilement qu'il doit en être ainsi, car les
tubes respiratoires qui se répandent en grand nombre dans les
organes dont la lumière émane, contiennent de l'air; par con-
séquent, lorsque l'x^nimal est plongé dans un gaz impropre à
l'entretien de la combustion, l'oxydation de la matière phos-
phorescente peut continuer d'avoir lieu pendant un temps plus
ou moins long à l'aide de l'air emmagasiné dans le corps. Il
me paraît probable que c'est aussi à raison de la présence de
l'air dans les trachées capillaires autour desquelles se trouvent
groupées les utricules du tissu phosphorescent, que même
des fragments du corps d'un Lampyre peuvent continuer à
émettre de la lumière pendant quelques minutes, lorsqu'ils
sont plongés dans de l'eau ou dans un gaz non respi-
rable (1).
Nous ne savons encore que très peu de chose sur la
nature de la matière dont la combustion paraît être la cause
de la phosphorescence des Lampyres. On n'a pu y décou-
vrir aucune trace de phosphore (2), et les produits de son
Nature
de
la substance
phosphores-
cente
des Lampyres.
mais que si l'on élève davantage la
température, la lumière diminue et
devient rougeâtrc ; enfin qu'elle s'é-
teint tout à fait à h1 degrés Réau-
mur, c'est-à-dire entre 5/i et 55 de-
grés centigrades (a).
(1) M. Mattcucci a constaté que des
fragments de Lampyres qui pendant
quelques minutes avaient continué à
bi'iller, lorsqu'ils étaient placés dans
de l'hydrogène très pur^ y avaient
exhalé une certaine quantité de gaz
acide carbonique (6).
(2) Quelques recherches chimiques
faites par M. Schnetzler, de Vevey,
avaient conduit cet auteur à penser
que la substance lumineuse des Lam-
pyres contenait de la graisse et du
phosphore (c). Mais les résultats qu^il
a obtenus ne suffisent pas pour auto-
l'iser cette conclusion (o?), et ne sont
pas en accord avec les faits constatés
(a) Macaire, Op. cit. {Ann. de chimie et de plujsiqiie, 1821 , t. XVII, p. 265).
(6) Malteuccii Op. cit., p. 164.
(c) Schnelzler, De la production de la lumière chez les Lampyres {Bibliothèque universelle de
Genève, Arch. des sciences ph., 1855, t. XXX, p. 223).
{d) Blanchet, De la production de la lumière chez les Lampyres {Bibliothèque universelle de
Genèvet 185G, t. XXXI, p. 213).
104 NUTRITION.
oxydation paraissent être de l'acide carbonique seulement.
Elle est très altérable , et elle perd facilement la faculté de
développer de la lumière. Ainsi , sous l'influence d'une
légère élévation de température , l'éclat qu'elle répand aug-
mente d'intensité ; mais pour peu que la chaleur dépasse
Zr5 degrés, elle cesse de briller et devient pour toujours inca-
pable de produire de la lumière (1). Le froid diminue la
phosphorescence , mais ne la détruit pas radicalement , et
elle reparaît sous l'influence d'une élévation convenable de
température {'2).
par M. Matieucci. Effectivement, ce
savant a trouvé que la totalité de l'oxy-
gène absorbé par la matière phos-
phorescente est remplacée par de l'a-
cide carbonique. Il a constaté aussi
que le résidu laissé par la combus-
tion de cette substance ne donne lieu
à aucune des réactions qui caracté-
risent les produits contenant du phos-
phore (a).
(i) Lorsque la substance phospho-
rescente a été modifiée de la sorte par
Taction de la chaleur, elle cesse aussi
d'être apte à fixer de l'oxygène, comme
elle le fait dans les circonstances ordi-
naires (6).
(2) En soumeUant à l'action d'un
froid artificiel des Lampyres vivants,
Macaire vit toujours la lumière de ces
Insectes diminuer peu à peu, et s'é-
teindre lorsque la température était
descendue à environ 12 degrés centi-
grades. Ces Animaux mouraient à
0 degré, mais il suffisait de réchauffer
leur corps à 30 ou 32 degrés pour les
voir luire de nouveau. Macaire con-
stata aussi qu'une certaine élévation
de température peut provoquer l'é-
mission de lumière chez des Lampyres
vivants qui ont cessé d'être phospho-
rescents. Ainsi un de ces Insectes qui
était obscur, et qui fut placé dans de
l'eau à environ Ih degrés, redevint
brillant quand, en chauffant le hquide,
on en avait porté la température à
environ 26 degrés, et, sous l'influence
d'une chaleur plus forte, il augmenta
d'éclat jusqu'à ce que la température
eût atteint environ /il degrés; lors-
qu'on chauffa davantage cette eau ,
l'Animal mourut, mais continua d'être
phosphorescent et ne cessa de luire
qu'à environ 57 degrés centigrades (c).
Dans les expériences faites par M. Mat-
teucci sur le Lampyre italique, les
effets du froid ne furent pas aussi
intenses : à environ 0 degré, la lu-
mière, quoique faible, était visible,
mais elle s'éteignit au bout de
quelques minutes dans un mélange
réfrigérant où le thermomètre mar-
quait — 6 degrés. Ce physicien con-
(a) Mattcucci, Leçons sur les phénomènes physiques des corps vivants, p. 170,
(6) Idem, ibid., p. 16(.
(t) Macaire, Op. cit. {Ann. de chimie et de physique, 1821, l. XVII, p, 257).
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 105
Le chlore, l'acide sulfureux, la potasse, l'alcool, l'éther et
beaucoup d'autres agents chimiques privent immédiatement
cette substance de ses propriétés phosphorescentes et en déter-
minent la coagulation. Il est aussi à noter qu'elle se dissout
dans la potasse, ainsi que le font les matières albumineuscs (l),
et qu'en brûlant, elle donne naissance à des produits ammo-
niacaux, ce qui indique qu'elle contient de l'azote. Mais
lorsqu'on la soumet à l'action de l'acide sulfurique et du
sucre, elle ne se comporte pas comme l'albumine, qui dans
ces circonstances se colore en rouge (2). Quelques auteurs
ont pensé qu'elle était un corps gras, mais elle n'est pas comme
ceux-ci susceptible de se dissoudre ni dans l'huile, ni dans
l'éther (3).
C'est une substance organique azotée et riche en carbone,
qui est sécrétée par le tissu granuleux dont se composent les
organes phosphorescents, et il est assez probable qu'elle doit
sa phosphorescence à quelques propriétés analogues à celles qui
donnent à certains bois pourris et à quelques autres substances
carbonées la faculté de brûler spontanément à l'air, et de jeter
un éclat plus ou moins vif par l'effet de cette combustion.
stata aussi que riiitensité de la lumière que de fragments du corps de ces lu-
émise par ces Lampyres augmentait sectes contenant les organes phospho-
à mesure que la température se rescents (a).
rapprochait de 30 degrés Réauraur, (1) La plupart de ces faits ont été
c'est-à-dire 37", 5 centigrades; qu'a- constatés par Macaire.
lors elle cessait d'être intermittente et (2) M. Matteucci a constaté que la
devenait continue. Lorsqu'il chauffa substance phosphorescente des Lam-
davantage, la lueur devenait rougeâtre, pyres n'est ni acide, ni alcaline, et
et à l\0 degrés Réaumur la phospho- qu'elle ne se dissout ni dans l'alcool,
rescence se perdait complètement. Les ni dans l'éther.
résultats furent absolument les mêmes, (3) Macaire considérait la substance
soit que ai. Matteucci opérât sur des phosphorescente comme étant com-
individus vivants, soit qu'il ne fît usage posée principalement d'albumine (b).
{a} MaUcucci, Op. cil., p. 154 et suiv.
(b) Macaire, loc. cit., p. 257.
VIII.
106
NUTRITION.
Phosphores- §3. — La faculté (.rémeitre de la lumière n'appartient pas
cence ' ' '
chez seulement aux Lampyres et aux ïaupins dont je viens de
les Myriapodes i ii p
et parler : elle se fait remarquer chez d'autres Insectes (1), chez
les Crustacés, • i i
un petit nombre de Myriapodes (-2), et chez divers Crustacés
(1) Exemples : le Thyréophore cijno-
phile (a) et la Chenille de la Noctua
occultata (6). Laniarck jiense que la
phosphorescence pourrait hien exis-
ter aussi chez le Chiroscilis bifenes-
trafa (c), et nous avons déjà vu que la
faculté de briller dans l'obscurité a été
également attribuée aux Fulgores, au
Bupreste ocellé et au Paussus sphœ-
rocerus (voyez pages 97 et 98).
Suivant Kirby et Spence, des phé-
nomènes de phosphorescence auraient
été observés aussi chez le GryUotalpa
vulgaris {d) ; mais cela me paraît fort
douteux. On a parlé aussi d'un Scarabée
phosphorescent comme existant dans
le midi de la France (e).
(2) Au xvi^ siècle, Oviedo, Tun des
compagnons de Christophe Colomb,
mentionna l'existence de Myriapodes
lumineux à Saint-Domingue (/"). Car-
mann , Ray et Réaumur parlèrent
également de la phosphorescence de
certains Millepieds d'Europe (g) , et
c'est à raison de cette propriété que
Linné donna à l'un de ces Animaux
le nom de Scolopendra electrica (h).
De nos jours plusieurs naturalistes ont
oljscrvé des Céophiles qui étaient lu-
mineux {i) ; mais on ne sait pas si
ces Scolopcndrides appartiennent réel-
lement à l'espèce lumineuse dont il
vient d'être question. Linné a donné
le nom de Scolopendra phosphorea à
un Myriapodede la même famille, qui,
dit-il, brille comme les Lampyres (/).
Suivant quelques naturalistes, la
phosphorescence s'observerait aussi
dans la classe des Arachnides. Ainsi
Grimm dit qu'en comprimant le corps
des Scorpions de Ceylan, on en fait
sortir un liquide phosphorescent (A:),
et Tilesius a figuré parmi les Animaux
qui contribuent à rendre la mer lumi
(a) Voyez Lalreille, art. Thyréophore du Dictionnaire classique d'Iilstoirc naturelle, t. XVI,
p. 244.
(b) Ginimerthal, Observ. sur la métamorphose de certains Diptères, et sur la phosphorescence
d'une Chenille de Noctuelle [Bulletin de la Sociale (les naturalistes de Moscou, ISS'J, t. V, p. 13GJ.
(c) Lamarclt, Sur deux nouveaux genres d'Insectes delà Nouvelle-Hollande [Ann. du, Muséum,
t. III, p. 262).
(d) Ivirby and Spcncc, An Inlroduetion to Enlomolo(iy, 1817, t. II, p. 42-1.
(e) Luce, Description d'un Insecte phosphorique qu'on rencontre dans le district de Grasse
[Journal de physique, 1794, t. XLIV, p. 300).
(/■) Oviedo, Coronica de las Yndios, lib. XV, cap. ii, p. 13.
[y] Garmann , De luce Seolopendrœ innoix [Ephem. nalttrœ curioBormn , 1G70, dcc. i,
ann. 1, p. 270).
— Hay, Historia Inseclorum, p. 45.
— Roaiimur, Des merveilles des Dails [Mém. de VAcad. des sciences, 1723, p; 204).
[Il) Linné, Systema naturoi, cdit. 12, t. I, p. 10G3.
[i) Newport, Monoyr. of the Class Myriapoda [Trans. of the Linnean Society , t. XtX p. 431).
— Audouin, IXemarques sur la phosphorescence de quelqws Animiux arlicuUs [Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1840, I. M, p. 748).
(j) Linné, Systema naturœ, cdit. 12, t. I, p_. 1064.
[k) H. N. Grinir.i, Sur des Vers luisants [Ephcm. des curieux de la nature, déc. 2, ann. 1 ,
obs. 172).
PRODUCTION DE LUMIÈRIS. ^ 07
inférieurs (1), ainsi que chez beaucoup de Vers qui appar- Les vers,
licnnent pour la plupart à la classe des Annélidcs (*2); chez
lieuse quelques Articulés qui parais-
sent être des Uyclraclinés {a],
(1) Vers le milieu du siècle dernier,
Godelien de Rivillc observa en haute
mer de petits Crustacés qui étaient
très pliospliorescents, et qui, à en ju-
ger par les figures qu'il en donna, de-
vaient appartenir à la famille des
Cypridiens (6).
Quelques-unes des espèces du genre
Sapphirina sont très lumineuses (c),
et c'est probablement un de ces Ani-
maux qui a été figuré par Macartncy
sous le nom erroné de Limulus noc-
tilucus {d) ; mais la plupart des espèces
de ce groupe ne paraissent pas avoir
la faculté d'émettre de la lumière (f),
L'animal phosphorescent que Tilesius
a appelé VOniscus falgens [f] , est
probablement aussi une Sapphirine. Ce
voyageur mentionne également di-
verses espèces de la famille des Cyclo -
piens et des Ilypériniens comme
contribuant à produire la phospho-
rescence de la mer. Viviani a constaté
aussi un développementde lumière chez
diverses espèces de Creveltincs ((/). Le
même phénomène a été observé par
plusieurs naturalistes chez certains Dé-
capodes macroures de la famille des
Salicoques ou des groupes voisins : par
exemple, chez un Crustacé pélagique:
que Banks appela Cancer fulgens {h),
et que Thompson a figuré de nouveau
sous le nom de Noctiluca («) ; chez le
Symphysopus hirtus , le Palœmon
noctilucus, et quelques autres espèces
indéterminables dont Tilesius a donné
des figures (j).
Les petits Crustacés dont les zoolo-
gistes ont formé les genres Phosphoto-
carcinus (k), ou Leucifer, et Poclop-
sis [l], contribuent aussi à rendre la
mer lumineuse.
(2) Vers Icmiheu du siècle dernier,
VianeJli, en observant la phosphores-
cence des lagunes de Venise, trouva
que ce phénomène était dû à la pré-
sence d'animalcules vermiformes qui
émeltentdelalumière (m), etGriselini,
qui les désigna sous le nom de Sco-
lopendres marines , on donna une
{a) TilcMiis, Ueber das nàchtliche Leuchten des Meeresiuassers {Neiie Annalen der Wet'.erani-
schen Gesellschaft fur die gesammte Naturkunde, 1848, t. IV, pi. 21 bis, (ig. 16).
(6) Riville, Mém. sur la mer lumineuse (Mém. del'Acad. des sciences, Savants étrangers,
1700,1.111, p. 209).
(c) Thompson, Zoological Researches, p. 47, pi. 8, fig. 2.
{d} Macartncy, Obscrv. upon Luminous Animais {Philos. Trans., 1810, p. 258, pi. 14, fig. 4).
(6) Dana, Crustacea, t. II, p. 1248 {United States exploring Expédition under the command of
cajit. Wilkes).
{fj Tilesius. Op. cit., f. IV, p. 7 et siiiv., pi. 21G. fig. 14, 15, 18, 24, etc.
{g) Viviani, Phosp'iorescenlia maris, pi. 1, fig. 4, et pi. 2, fig. 2-10.
— Baird, On the Luminousness of the Sca (Loudoii's Mag. of Nat. Ilist., 1839, t. III, p. 306).
(/t) Macartney, loc. cit., pl. 14, fig. 4.
— Tuckey, Whiteness and Luminositg of the Sea [Edinb. Philosophical Journal, 1819, f. I,
p. 217).
(t) h Thompson, Zoological Researches, p. 52, pl. 5, fig. 2.
(,/') Tilesius, loc. cit., pl. 21 a, fig. 2; pl. 21 &, fi-. 19, cic.
[k] Tilesius, Op. cit. {Neue Annakn der Wctte'ranischen Gesellschaft, t. IV, p. 74, pl. 21 a^
fig. Oct 10).
(/) Thompson, 0,0. cit., p. 58, pl. 7, fig.l et 2.
(m) Vianelli, Niiove scoperle intorno aile luce nolturne deU'aqua marina, 1749.
108 NUTRITION.
Mollusques, certains Mollusques (1), et un grand nombre de Zoophytes dont
figure d'après laquelle on peut les
reconnaître pour des Annélides de la
famille des Néréldiens (a). Bientôt
après un voyageur suédois, nommé
Adler, constate des faits analogues [b].
Forskal fit des observations sur des
Annélides phosphorescents de la Mé-
diterranée , qu'il désigna sous les
noms de Nereis cœnilea et N. pela-
gica (c). Othon Fabricius constata la
même propriété chez un Néréidien des
côtes du Groenland [d), et au com-
mencement du siècle actuel, Viviani
publia un travail spécial sur les Anné-
lides qui contribuent à rendre la
mer lumineuse sur la côte de Gênes.
La plupart de ces Vers n'ont pas été
représentés avec assez de précision
pour que l'on puisse les déterminer
spécifiquement avec quelque certitude.
Mais l'un deux est la Sabelle unispi-
rale (e) ; un autre paraît être une
Syllis (/■), et un troisième appartient
probablement au genre Néréide {g).
La phosphorescence a été constatée
plus récemment chez le Pohjnoe ful-
gurans et la Sijllis que M. Ehrenberg
désigne sous le nom de Photocha-
ris (h), ainsi que chez la Syllis fui-
gurans de Dugès («), et le Chœtopte-
rus pergamentaceus (j).
Viviani aobservédes phénomènes de
phosphorescence chez un Turbellaria
qu'il désigne sous le nom de Planaria
rctusa [k).
Dans quelques cas le Ver de terre
ordinaire, ou Lombric terrestre, pré-
sente des phénomènes de phospho-
rescence (l). Il paraît probable que les
Vers lumineux observés sur la côle de
Coromandel par Grimm étaient des
Lombi'iciens (m).
La faculté de développer de la lu-
mière a été constatée aussi chez un
petit nombre de Rotateurs , notam-
ment chez le Synchœta haltica (n).
(1) Quelques auteurs ont rangé les
Poulpes parmi les Animaux phospho-
(n) Griselini, Observ. sur la Scolopendre marine luisante, 1750, p. l-i, pi. i, fig. 2-5.
(6) Adler, Noctiluca marina (Linn., Amxnilates academicœ, 1764, t. III, p. 202, pi. 3).
(c) Forskal, Descriptiones Animalium quœ in itinere Orientali observavit, 1775, p. 100.
{d) Otto Fabricius, Fauna Grœnlandica, 1780, p. 291.
(e) Le Spiragraphis Spallanzani (Viviani, Phosphorescentia maris qualuordecim lucenlium
Animalculonim novis speciebus illustrata, in-4, 1805, pi. 4.
(/■) La Nereis cirrhigena (Viviani, Op. cit., p. H, pi. 3, fig;. 1, 2).
(g) La Nereis radiata (Viviani, Op. cit., pi. 3, fig. 5 et 6).
(h) Ehrenberg-, Das Leuchlen des Meeres (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1834, p, 547).
(i) Voyez Audouin et Milne Edwards, Annélides des côtes de la France {Ann, des sciences nat. ,
1833, t. XXIX, p. 229).
U) ftuatrefagcs. Sur la phosphorescence de qiielques Invertébrés marins {Ami. des sciences
nat., 2' série, 1850, t. XIV, p. 240).
(k) Viviani, Op. cit., p. 13, pi. 3, fig. H et 12.
(l) Flaugergues, Lettre sur le plwsphorisme des Vers de terre (Journal de physique, 1780,
t. XVI, p. 311).
— Bruguiùre, Sur la qualité phosphorescente du Ver de terre en certaines circonstances
{Journal d'histoire naturelle, 1792, t. II, p. 267).
— Foresler, Lettre {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1840, t. XI, p. 712).
— Dugès, Traité de physiologie comparée, 1. 11, p. 14.
— Audouin, Remarques sur la phosphorescence de quelques Animaux articulés {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1840, t. XI, p. 747).
(m) H. N. Grimm, Sîh- des Vers luisants très rares {Éphém. des curieux de la nature, 1G70,
déc. 2, ann. 1, obs. 172).
(n) Ehrenberg, Das Leuchlen des Meeres {Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1834, p. 573, pi. 1,
fig. 2).
109
PRODUCTION DE LUMIERE.
quelques-uns appartiennent à la classe des Échinodermes (1) et zoophyies.
d'aulres à celle des Infusoires (2), mais dont la plupart sont des
Acalèphes, et il y a même des raisons de penser qu'elle peut
exister chez tous ces Animaux pélagiques (3). Nous ne savons
resceiits , mais ces Mollusques à l'é-
tat vivant ne semblent pas avoir la
faculté de développer de la lumière,
et si dans quelques cas ils ont paru
brillants dans l'obscurité, cela tenait
probablement à la présence de matières
étrangères à la surface de leur corps.
Il me paraît en être de même pour
les Moules qu'Adanson dit avoir trou-
vées phosphorescentes (a) ; mais quel-
ques Gastéropodes et beaucoup de I\Iol-
luscoïdes de la classe des Tuniciens
jouissent de cette singulière propriété.
Elle existe à un haut degré chez les
Pyrosomes (b), et a été constatée chez
beaucoup de Biphores (c). D'après
quelques auteurs, une espèce de Li-
mace , VHelix noctiluca , brillerait
aussi dans l'obscurité [d].
Il est aussi à noter que chez le
Cleodora cuspidata une lueur bleuâtre
est développée dans la région abdomi-
nale et apparaît au dehors et au som-
met de la coquille (e).
(1) Quelques Zoophytes de la classe
des Échinodermes sont phosphores-
cents ; cette propriété a été observée
chez des Ophiures: par exemple, chez
une espèce désignée sous le nom à' As-
ter ias noctiluca parViviani(/'),etune
espèce indéterminée des côtes de la
Manche observée par M. de Qualre-
fages {g).
(2) M. Ehrenberg signale l'existence
de cette propriété chez quelques es-
pèces des genres Peridinium et Pro~
rocentrum (h). D'après Michaelis, elle
existerait aussi chez certains Cercaires
et Vorticelles (i).
(3) La faculté d'émettre de la lu-
mière est très fréquente , et d'après
Eschscholtz elle serait même générale
(a) Voyez Benrt de la Taille, Dissert, de Animalibus phosphorescentibus. Groningue, 1821.
(6) Péron, Mém. sur le nouveau genre Pyrosoina {Ann. du Muséum, t. IV, p. Ai\, pi. 72.
— Meyen, Ueber das Leuchten des Meeres (Nova Acta Acad. nat. curies., 1834, t. XVI,
Suppl.,p. 127).
— Benflet, On ihe Light emiltcd bij a species of Pyrosoma {Proceed. of the Zool. Soc, 1833,
t. I, p. 79). — On Noctiiuca; {Op. cit., 1837, t. V, p. 51).
— Huxley, Observ. iiphi the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma (Philos. Trans.,
1851, p. 580).
(c) Bosc, JJist. nat. des Vers, t. II, p. 174.
— Tilesius, Op. cit. (Meue Ann. der Wetteranischen Gesells. fur gesamm. Naturkunde, l8iS,
t. XLIII, pi. 20 a, fig. 1-9).
— Bennet, Observ. on the Phosphorescence ofthe Océan (Proceedings ofthe Zool. Soc, 1837,
p. 1).
(d) Webb et Berlhelot, voy. Dugès, Physiologie comparée, t. II, p. 14.
(e) Bennet , Observ. on the Phosphorescence of the Océan, made during a Voyage from England
ta Sydney (Proceedings ofthe Zool. Soc, 1837, p. 51).
(f) Viviani, Op. cit., p. 5, pi. 1, fig. 1 et 2.
(g) Qualrefage?, Note sur un nouveau mode de phosphorescence observé che% quelques Anne-
lides et Ophiures (Ann. des sciences nat., 2" série, 1843, t. XlX, p. 183).
(h) Ehrenberg', Das Leuchten des Meeres, p. 5(55, pi. 2, fig. 1-6.
(i) Michaelis, Ueber das Leuchten der Ost-See, 1830.
110 NUTRITION.
que peu de chose sur la nature des phénomènes qui déter-
minent la phosphorescence de la plupart de ces Animaux ; mais
dans'la classe des Acalèphes («) ; elle a
étéconstatée dans les espèces suivantes :
La Pelagia noctiluca (&), qui esl très
commune dans la ÎMéditerranée, et qui a
étédécrite d'abord sous les noms de Mé-
dusa pelagica, et de Médusa ipctiluca.
La phosphorescence de cet Acalèphe
a été étudiée par Forskiil, Spallanzani
et plusieurs autres naturalistes (c).
La Pelagia panopyra {d), qui aljonde
dans les mers tropicales, et qui est
très lumineuse (ej.
La Pelagia cyanella , ou Médusa
pelagica de Lœffling(/'), qui se trouve
dans l'océan Atlantique (g) , et qui peut-
être ne devrait pas être séparée spéci-
fiquement de la précédente.
La Médusa aurita (h) , qui est très
commune dans la Méditerranée (*) ;
VOceania pileata et YOceania mi-
croscopica {j).
VOceania Blumenhachii [k],
La Cassiopea canaricjisis, observée
parTilesius dans l'océan Atlantique (/).
La Médusa pellucens de Banks {m),
grande et belle espèce mal caracté-
risée, qui paraît être voisine des Chry-
saorcs.
Le Ciarybdis marsupalis (n), qui
habite la Méditerranée (o).
L'Équorée forskalienne ou Médusa
œquorea (p).
Le Stomobraehium octodenla-
tum (q), que M. Ehrenberg a décrit
sous le nom de Melicertum campa-
nidatum (r).
Le Thaumantias hemisphœrica ou
Médusa hemisphœrica des zoologistes
du siècle dernier (s), petit Acalèphe
de nos mers, dont la phosphorescence
a été notée par plusieurs auteurs (/).
La Willtsia stellata (h), la Saphe-
(a) Eschscliollz, System der Acaleplies, 1829, p. 19.
(b) Voyez l'Atlas du Règne animal de Ciivier, Zoophytes, pi. 44.
(c) Forskal, Descriptiones Animalium quœin ilinere Orienlal'i observavit, ITTS, p. 109.
— Spallanzani, Viaggi aile due Sicilie, 1793, t. IV, p. 216.
{d) Pérou, Voyage aux terres australes, pi. 31, fvg. 2.
{e) Lcsson, Histoire naturelle des Zoophytes acalèphes, p. 389.
(/■) On Pelagia denliculata, Urandt, Schmirmquallen, pi. 14, fig. 2 {Mém. de l'Acad. de Saint-
Pétersbourg, 1838, t. IV).
{g) Bosc, Histoire naturelle des Vers, t. II, p. 140.
— Lesson, Op. cit., p. 392.
(ft) Voyez VAllas du. Règne animal de Cuvior, Zoophytes, pi. 48.
(i) Humholdl, Voyage aux régions équinoxiales du nouveaii continent, t. I, p. 78.
(j) Elireiiberg, Dus Leuchlen des Meeres {Mém. de l'Acad. de Berlin, 1839, p. 538.
(fe) Piallike, Beschreibung der Oceania Blumenbacliii [Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg,
Savants étrangers, t. II, p. 321).
(2) ïilesius, Deitr. zur Naturgesch. der Medusen {Nova Acta Acad. nat. cvrios., 1831, t. XV,
p. 287.)
(m) Macarlney, Op. cit. [Philos. Trans., 1810, pi. 14, llg. 3).
(n) Voyez le Règne animal, Zoophytes, pi, 55, fijj. 1.
(o) Tilesius, voy. Forlies, Op. cit., p. 12.
{p) Forskiil, Op. cit., p. 111.
(r/i Voyez Forbes, A Monogr. of the British nakedeyed Medu;œ , pi. 4, fig. 1 {Piay Socie'.y,
1858).
{r} Ehrenberg:, Das Leiichten des Meeres, p. 538 {loc. cit.). — Ucber die Acalcphen des rothen
Meeres, pi. 8, li^^ 5-7 (Mém. de l'Acad. de Berlin roiir 1835).
(s) Voyez 0. F. Millier, Zoologia Danica, pi. 7, fi^'. 1 -4.
(() Macarlney, Op. cit. {Philos. Trans., 1819, p. 204|.
[u) Forbcj, Monogr. ofthe British niked-eyed. Muliisœ, p. 20, pi. 1, fio'. 1 .
PRODUCTION DE LUMIÈRE. Hl
chez quelques-uns d'entre eux il est facile de constater que la
matière lumineuse est le produit d'une sécrétion, et qu'elle
nia dianema (a) ou Geronia dia-
nema de Pérou (6) , la Dianema
appendiculata (c) et la Dianema ou
Tiina Bairdii {d).
Les Lizzia oclopunciala (e) ei
L. blondina (/), ainsi que la Sarsia
proliféra (g) , le Bougainvillia ni-
gritella (h), la Steenstriipia riibra (?)
et quelques autres Médusaires gym-
nophllialmes de nos mers, dont la
phosphorescence a été signalée par
M. I^each (j).
La phosphorescence a été ohservée
chez la plupart des Acalèphes cilio-
grades, notamment chez la Médusa
beroe de Forskal [Je) , l'Ocyroé ta-
cheté (l), VEucharis multicornis (m),
le Cijdippe pileus (n), la Mnemia
norwegica (o). J'ai observé la même
propriété chez la Chiaja palermi-
tana (p).
Le même phénomène se manifeste
parfois chez les Sertulariens, et, pour
le provoquer, il suffit de plonger une
branche de ces Zoophytes dans de
l'eau douce, ainsi que cela a été con-
staté chez la Sertularia ahietina {q)
et la Laomedia gelatinosa (r).
Quelques Zoophytes de la classe des
Coralliaires sont aussi très phospho-
rescents, notamment les Pennatules (s)
et les Vérétilles (i).
(a) Voyez Foi'bes, Op. cit., pi. 2, fig. i.
{b) Péi'on et Lesueiir, Voyage aux terres australes, Hist. nnt. des Méduses, pi. 4, fig. 1.
(n) Macnrlney, Op. cit. (Philos. Trans., 1810, p. 2GG, pi. 18, lig. 7j.
— Forbes, Op. cit., p. i't.
(d) JoliiisloM, lllustr. in British Zoology (Loiidnn's Mag. of Nat. Hist., 1833, t, VI, p. 320,
fi g. 41).
(e) Oi: Cytœis octopunctata do Sars {Desh. og Jagt, pi. G, iig. 14).
(f) Voyez Forbes, Op. cit., pi. 12, fig. 4.
ig) Idem, ibid., pi. 7, fig. 3.
(ft)ldem, ibid., pi. 12, lig. 2.
(i) Idem, ibid., pi. 13, fig. 1.
ij) Peach, Observ. on the Luminosity of tlie Sea {Ami. and Mag. of Nat. Hist., 2» série, 1850,
t. VI, p. 425).
{li) Forskal, Op. cit., p. IH.
Dclle Chioje, Mem. sulla stor'.a e natomia degli Animall senza vertèbre del regno di
Napoli, t. 111, p. 58.
(/) r.ang. Établissement de la famille des Bcroïdes {.\nn. de la Société d'histoire naturelle,
1828. t. ÎV, p. 173, pi. 20).
(m) Wi!l, Horœ Tergestinœ, 1844, p. 57.
(»i) Ehrenberg, Bas Leuchten des Meeres, p. 539 {loc. cit.).
(o) Forbes, Op. cit., p. 12.
(p) Milne Edwards, Note sxtr quelques Acalèphes clénophores {Ann. des sciences nat., 4» série,
857, t. VII, pi. 14),
(g) Forbes, Op. cit., p. 12.
()') Hassal , Supplem. to a Catalogue of Irlsh Zcophytes [Ann. and Mag. of Nat. Hist., 1 841 ,
t, VII, p. 281).
(s) Odlieliiis, Chinensia Lagerstromania (Linné, Amœnit. acad., 1759, t. IV, p. 359).
— Boliadscli, Be quibusdam Animalibus marinis, 1701, p. ICI.
— r.rant, Notic: reupecling Ihe Slructure and Mode of Groiulh of the Virgiilaria and Pennalida
pliiistdioiea(Edi)i&wrg/i. Journal of Science, 1827, 1. VII, p. 330).
(t) W. Rapp, Vnlersnchungen iiber den Bau einiger Polypen des Millclla- dischen Meeres 'Nova
Acia Acad. nat. curmorum, 1829, l. MY, p. 468,.
de la mer.
112 NUTRITION.
est susceptible de briller sans le concours d'aucune action
vitale. On peut s'en convaincre en observant quelques-uns
" des Mollusques de nos côtes : les Pholades , par exemple.
Ainsi, Pline, en parlant de ces Animaux, qu'il désignait sous
le nom de Dactyles, nous dit que non -seulement la substance
de leur corps émet de la lumière, mais que le liquide qui
s'en écoule lorsqu'on les mange, et qui tombe à terre, pré-
sente le même phénomène (1). Réaumur a constaté l'exacti-
tude de ces observations (2), et en plongeant dans de l'alcool
faible quelques Pholades de nos côtes qui n'étaient que peu
phosphorescentes, j'ai vu un torrent lumineux en descendre et
s'étaler en nappe au fond du vase, où il a continué à luire pen^
dant un certain temps.
^'"'ceîcT^' La phosphorescence de la mer, qui s'observe souvent sur
nos côtes, et qui dans les régions tropicales est un des phéno-
mènes les plus magnifiques que les navigateurs puissent contem-
pler, est produite par la présence de légions innombrables de
petits Animaux presque microscopiques, qui flottent près de la
(1) Voici textuellement ce passage Pholades (ou Dails) vivantes sont lumi-
remarquable de Pline : neux tout comme la surface de leur
« De Dactijlorum mîraculis. peau, et que les particules de substance
» Concharum e génère sunt dactyli qui s'en détachent lorsqu'on les manie,
» ab humanorum unguium similitu- et qui restent adhérentes aux doigts,
» dine appcUati. His natura in tene- non-seulement rendent ceux-ci phos-
» bris , remoto lumine , alio fulgore phorescenis, mais peuvent même com-
» claro, et quanto magis humorem muniquer cette propriété à l'eau dans
» habeant, lucere in ore raandentium, laquelle les mains ainsi enduites ont
» lucere in manibus, atque etiam in été lavées. Ce naturaliste habile nous
» solo ac veste, decidentibus guttis ; apprend également que la substance
» ut procul dubio pateat succi iilam phosphorescente de ces Mollusques
» naluram esse , quam miraremur cesse de briller quand elle a été des-
» etiam in corpore (a). » séchée, mais qu'elle peut redevenir
(2) Réaumur remarque aussi que lumineuse si on l'humecte de nou-
les fragments séparés du corps des veau {b).
(a) Plinii secundi Historiarum mundi liber IX, g lxxxvii, 61.
(6) Réaumur, Des merveilles des Dails, ou de la lumière qu'ils répandent (Mém, de l'Acad.
des sciences, n23, p. 198).
PRODUCTION DR LUMIÈRE. 113
surface de l'eau et qui sont autant de foyers liuiiineux (1). Au
nombre de ces êtres singuliers il faut ranger en première
ligne les Animalcules gélatineux et réniformes qui ont reçu le
nom de NoclUuques (2).
Leur structure est très simple. On n'aperçoit dans leur
(1) La phosphorescence de la mer
est très fréquente pendant les nuits
obscures, sur les côtes méridionales de
la France, où les pêcheurs langue-
dociens la désignent sous le nom d'ar-
denn (a). Elle n'est pas rare sur les
côtes de la Manche, et parfois on
l'observe même dans les régions po-
laires (6).
(2) Depuis l'antiquité jusqu'à nos
jours le phénomène de l'émission de
lumière par la surface de la mer a été
signalé ou même décrit avec détail
par un grand nombre d'auteurs dont
on trouve l'indication dans un mé-
moire publié sur ce sujet, en 183/!i,
par M. Ehrenberg (c).
En 1707, un de nos missionnaires,
le père de Bourges, pubha une bonne
description de ceue phosphorescence,
et remarqua qu'elle était liée à la pré-
sence de matières étrangères d'une
consistance gélatineuse {d) ; mais il
n'examina pas ces substances au mi-
croscope, et par conséquent il ne put
en reconnaître la véritable nature. Les
premières bonnes observations sur les
Animalcules qui d'ordinaire produisent
cette phosphorescence sur nos côtes
datent du milieu du siècle dernier, et
sont dues à Vianelli. On donna d'abord
le nom de Noctihiqiies à la plupart
de ces petits êtres, et c'est de nos
jours seulement qu'il a été réservé au
genre particulier de Zoophytes dont
je parle ici. Vers la même époque,
Rigault et Diquemare les firent con-
naître (c), et Slabber, qui les désigna
sous le nom de Nier-Kwal, c'est-
à-dire Méduse réniforme, en donna
une meilleure figure (/"). Plus récem-
ment , Surlray , médecin au Havre ,
étudia à son tour ces Animalcules
lumineux, mais il se forma des idées
très fausses touchant leur structure
intérieure (g), et ce fut d'après ses
vues que Lamarck et Blainville pla-
cèrent le genre Noctiluque à côté
des Béroés, dans la grande division
des Radiaires mollasses (h), ou auprès
(a) Dunal, Note sw la phosphorescena de la mer dans les environs de Motiipellier {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 83).
(ft) Robert, Phosphorescence de la mer dans les climats froids {Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, 1838, t. VI, p. 518).
(c) Ehrenberg, Dos Leuchten des Meeres. Neiie Beobachtungen nebst Uebersirht der Hauptmo-
mente der geschichtlichen Entwicklung dièses merkwûrdigen PhcCnomens {Abhandlungen der
Akad. der Wissenschaften x,u Berlin, aus 1834, p. 411).
(d) Voyez Choix des Lettres édifiantes (édit. de 1826), t. VIII, p. 174 et suiv.
(«) Diquemare, Observ. sur la lumière dont la mer brille sottvent pendant la nuit [Journal
de phijsique, ms, t. VI, p. 519, pi. 2, fig. 8).
(/■) Slabber, Nalurkundige Verlustigungen, 1778, p. 67, pi. 8, (!§•. 4 et 5.
{g] Les observations de ce naturaliste furent présentées à l'Institut en 1810, et ne furent publiées
que beaucoup plus tard. — Voyez Suriray, Recherches sur la cause ordinaire de la phosphorescence
de la mer, et description de la Noctiluca miliaris {Magazin de zoologie, 1836, cl. X, pi. 1 et 2).
{h) Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, t. Il, p. 470.
114 NUTRITION.
intérieur ni intestin, ni muscles, ni nerfs, ni aucun autre
organe particulier, et la lumière jaillit sous la forme d'étin-
celles de tous les points de leur surface. Elle est provoquée
par l'agitation, ainsi que par toutes espèces d'excitants, soit
physiques, soit chimiques, et elle ressemble beaucoup aux
éclairs qui résulteraient d'une série de petites décharges élec-
triques. M. de Quatrefages, qui a fait sur ce sujet beaucoup
des Dipliycs, parmi les Aciinozoaircs
de la famille des Physogrades (a),
M. Elircnberg donna à ces Animal-
cules un nom nouveau, celui de Mam-
maria, mais il n'ajouta rien d'impor-
tant à leur histoire (6). Enfin, en 18Z|3,
M. Verhaeglie constata que leur orga-
nisation ne ressemble on rien à celle
des Acalèphes ou des Polypes, parmi les-
quels quelques naturalistes les avaient
rangés, mais se rapproche davantage
de celle des Rhizopodes (c), fait qui
ressort également des recherches plus
récentes de M. Doyère (d) et de M. de
Quatrefages. Ce dernier auteur en
a donné de bonnes figures , et les
caractérise de la manière suivante :
Animalcules arrondis, de ^ à ^ de mil-
limètre de diamètre, et de forme très
variable, tantôt sphériquc , d'autres
fois échancrés sur un point de leur
surface, ou même cordiformes ; com-
plètement transparents ; revêtus d'une
double tunique membraniforme ex-
trêmement mince, et pourvus d'une
sorte de tentacule grêle et conique ;
intérieur occupé par une substance
sarcodiquc qui se creuse de vacuoles,
et constitue une sorte de trame dont
les mailles sont occupées par un li-
quide et sont formées par des expan-
sions rhizopodiques. L'émission de lu-
mière a lieu quelquefois simultanément
dans toute l'étendue de la surface du
corps, mais en général des étincelles se
succèdent sur divers points (e).
Le mode d'organisation de ces sin-
guliers Animalcules a été étudié plus
récemment par MM. Buseh, Krohn,
Huxley et Webb {f)
(a) Blainville, Maniiel d'actinologie, p. 140.
(&) Ehrenberg, Das Leucliten des Meeres (Mém. de l'Acad. de Berlin, 1834, p. 4H).
(c) \oyez Vaii Beneden, Rapport sur un Mémoire de M. Verhaeglie, ayant pour litre : Recherches
siir la cause de la phosphorescence de la mer dans les parages d'Ostende [Bulletin de l'Académie
de Bruxelles, 1840, t. XHI, 2" partie, p. 3).
(d) Doyère, Sur la Noctiluque miliaire {l'Institut, 1840, t. XIV, p. 428).
(e) Quatrefages, Observations sur les Noctiluques [Ann. des sciences nat., 3° série, 1850,
t. XIV, p. 220, pi. 5, fig. 1-5). — Mémoire sur la phosphorescence de quelques Animaux inver-
tébrés marins {loc. cit., p. 203).
(f) Buscli, Bsobachtnngen ilber Anat. xmd Entwickelung einiger wirbellosen Seelhiere, 1851,
p. 103.
— Krohn, Notiz ùber die Nocliluca miliaris (Wiegmann's Archiv fur 1852, p. 70, pi. 3,
fig. 2).
— Huxley, On Ihe Structure o/'Nocliluca miliaris {Quarterlg Journal of Microscopical Science,
1855, t m, p. 49).
— Webl), On Ihe Nocliluca miliiaris [Quarterlg Journal of Microscopical Science, 1855,
t. III, p. 102).
PRODUCTION DE LUMIERE.
115
d'observations intéressantes, pense que ces lueurs ne sont pas
dues à des phénomènes de combustion (1), et il les considère
comme étant liées à l'action mécanique des tissus contractiles
qui occu[)ent l'intérieur du corps des Noctiluques (2).
Beaucoup d'Annélides sont aussi très phosphorescents, et
en étudiant au microscope quelques-uns de ces Vers, le natu-
raliste que je viens de citer constata que la lumière émane de
leurs muscles et se développe au moment de la contraction de
ces organes. En raison de ces faits et des diverses considéra-
tions qu'il serait trop long d'exposer ici, M. de Quatrefages et
M. Ehrenberg sont disposés à croire que chez ces Animaux la
phosphorescence résulte d'un développement d'électricité, et
cette opinion est partagée par quelques physiciens; mais elle
(1) M. de Quatrefages a bien coii-
stalé, ainsiquel'avait déjà fait M. Pring,
que les Noctiluques peuvent conti-
nuer à iDrillcr pendant un certain
temps, lorsqu'il ne leur est pas pos-
sible de venir à la surface de l'eau se
mettre en rapport avec l'atmospbère,
ou bien encore lorsque l'eau dans
laquelle elles nagent est en contact
avec des gaz impropres à l'entretien
de la combustion, tels que de l'hydro-
gène ou de l'acide carbonique [a].
Mais, à mon avis, ces faits ne prouvent
pas que la production de lumière n'est
pas due à un pbénomène de combus-
tion ; car l'eau dans laquelle ces Ani-
malcules vivent contient toujours en
dissolution une certaine quantité d'oxy-
gène libre ; c'est cet oxygène qui en-
trelient la combustion respiratoire, et,
lorsqu'il est épuisé, la mort arrive, lé-
sultat qui est accompagné de l'extinc-
tion de la lumière développée dans
l'intérieur de l'organisme de ces petits
Zoopliytes.
(2) M. de Quatrefages a remarqué
que l'expansion (iliforme de substances
sarcodiques qui occupent l'intérieur du
corps des Noctiluques se rompt sou-
vent spontanément, et que c'est dans
les points où ce phénomène est le plus
fréquent que les étincelles sont les plus
nombreuses. 11 a constaté aussi que si
l'on presse entre deux lames de verre
le corps d'un de ces Animalcules, ces
brides se rompent également, et il a
vu que cet écrasement déterminait
toujours une forte émission de lu-
mière (6).
(a) Pring, Observ. and Experimenls on the Noctiluca miliaris, the animalcular Source o]
Ihe Phosphorescence of Vie Brilish Seas ; together with a feio gênerai Rnnnrks on. the Pheno-
mena of Vital Phosplioresrence {Philosophical Magaiine, 3° sorie, ■1849, t. XXXIV, p. iOi).
— Qualrefugos, Mém. sur la phosplwrescence de quelques Invertébrés marins [Ann. des
sciences nat., 3' série, 1850, l. XIV, p. 208).
[b) Qualrefa^os, Op. cit. {toc. cit., p. 270).
116 NUTRITION.
ne me semble pas suffisamment fondée, et j'incline à penser que
eliez les Vers etlesZoopliytes, de môme que chez les Insectes,
ce phénomène doit dépendre de l'oxydation de quelque sub-
stance combustible. En effet, M. Ehrenberga constaté que chez
la Syllis, que ce naturaliste désigne sous le nom de Photo-
charis cirrigera (1), la lumière se montre d'abord par étincelles
dans les appendices tentaculiformes situés à la base de la
rame dorsale des pieds, et gagne ensuite toute la surface du dos,
mais ne se développe pas seulement dans l'intérieur de l'or-
ganisme, et émane aussi du mucus qui suinte à la surface
de la peau. Or, ce mucus continue à briller après qu'on l'a
détaché du corps de l'Animal, et communique sa phospho-
rescence aux objets sur lesquels on l'applique (2), circon-
stance qui est incompatible avec l'hypothèse suivant laquelle
la production de cette lumière dépendrait de l'électricité déve-
loppée dans l'économie animale (3).
(1) Il me paraît probable que la (3) J'ajouterai qu'à la suite de quel-
Photocharis de M. Ehrenberg n'est ques observations faites par Forbes sur
autre chose que la Syllis monillaris la direction constante des traînées
dont Savigny a donné une très belle phosphorescentes qui se manifestent
figure (a). chez les Pennatulides, M. Wilson (d'É-
(2) M. Ehrenberg s'exprime for- dimbourg) a fait des expériences élec-
mellement au sujet de la phosphores- troscopiques en vue de constater le
cence de cette Syllis (6) ; mais je dois développement d'électricité lors de l'é-
ajouter que Dugès, en observant un mission de lumière par ces Animaux ;
autre Annélide du même genre, qu'il mais il n'est arrivé qu'à des résultats
a appelé Syllis fulgurans, n'a pu négatifs, et ce savant conclut de ses
constater aucune excrétion de matière recherches que probablement le phé-
phosphorescente, bien que la lumière nomène est dû à la sécrétion de quel-
développée dans l'intérieur du corps que matière spontanément inflam-
fùt très intense (c). mable {d).
(a) Savigny, Système des Annélides {Description de l'Egypte. Histoire naturelle, Annélides,
pl. 4, ûg. 3).
(b) Ehrenberg, Das Leuchten des Meeres (Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1834, p. 548).
(c) Voyez Audouin et Milne Edwards, Classiftcation des Annélides et description de celles qui
habitent les côtes de France {Ann. des sciences nat., -1833, t. XXIX, p. 229).
(d) Voyez Jolinslon, Hist. of Britisli, Zoophytes, 1847, t. I, p. 151 et suiv.
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 117
On doit ranger aussi, parmi les Animaux marins qui pos-
sèdent au plus haut degré la faculté photogénique, divers
Tuniciers, les Pyrosomes et les Bipliores, par exemple (1),
beaucoup de Coralliaires, tels que les Pennatules, et la plupart
des Acalèphes (t2). Chez ces Zoophytes, de môme que chez les
autres x4nimaux marins, dont je viens de parler, l'émission de
lumière est provoquée par le choc et par toutes les causes qui
déterminent la production de mouvements dans l'intérieur de
l'organisme (3). Souvent ce phénomène ne se manifeste que
dans les parties du corps où des fdores musculaires se con-
tractent, par exemple le long des côtes ciliées des Bercés (/l);
mais ces parties sont aussi celles où l'irrigation physiologique
est la plus active, et, d'après quelques observations que j'ai eu
l'occasion de faire sur des Béroés, ce serait dans l'intérieur des
(1) L'émission de lumière par ces douce active beaucoup la production
Tuniciers a été observée par plusieurs de lumière pendant quelques instants
naturalistes, et contribue parfois beau- chez la plupart des Acalèphes phos-
coup à la phosphorescence de la phorescents ; souvent elle peut même
mer (a). la déterminer quand celle-ci a cessé
(2) Voyez ci-dessus page 109. d'avoir lieu (c).
(3) Pour provoquer les décharges II paraîtrait, d'après les observations
lumineuses chez ces Béroés, il suffit en récentes de M. AUman, que l'action
général d'irriter mécaniquement l'A- préalable de la lumière est défavorable
niraal ; mais lorsque les éclairs se suc- à la phosphorescence des Béroés ; il
cèdent rapidement, leur intensité s'af- n'a pu constater ce phénomène que
faiblit beaucoup, comme si la provi- chez des individus qui étaient restés
sion de matière phosphorescente accu- quelque temps dans l'obscurité (d).
mulée dans l'organisme par un travail (ù) Voyez l'atlas du Règne animal
sécrétoire plus ou moins lent s'épui- de Cuvier, Zoophytes, pi. 56, fig. 1
sait (6). L'immersion dans de l'eau et 2.
(o) Voyez ci-dessus, page 109.
(6) Murrav, On the Luminosity of the Sea (Mem. of the Wernerian Nat. Hist. Soc, 1821,
t. m, p. 466).
— Forbes, A Monograph ofthe British naked-eyed Medusœ, p. 13.
— Bennet, Observ. on the Phosphorescence of Ihe Ocsan {Proceedings of the Royal Society,
1837, p. 1).
(c) Milne Edwards, Observations sur la structure el les fonctions de quelques Zoophytes, etc.
{Ann. des sciences nat., 2' série, t. XVI, p. 216).
((2) AUman, Note on the Phosphorescence of Beroe [Proceedings of Ihe Royal Society of Edin-
burgh, 1862, p. 518).
118 NUTRITION.
canaux sanguilcres que le développement de la lumière parai-
trait avoir son siège. Je suis donc porte à croire que le renou-
vellement du lluidc nourricier qui baigne le tissu sécréteur de
la matière phosphorescenle pourrait bien être une des causes
de l'apparition des éclairs qui de temps en temps sillonnent tout
le voisinage de ces conduits. Il est aussi à noter que chez
d'autres Acalèphes le foyer lumineux est situé dans l'appareil
reproducteur, qui reçoit beaucoup de fluide nourricier, mais
qui n'est que peu coniraclile (1). Enfin on sait depuis longtemps,
par les expériences de Spallanzani, que chez d'autres Animaux
marins qui appartiennent à la même classe, la phosphorescence
persiste après la mort, et peut être transmise à des liquides dans
lesquels on délaye la substance des parties lumineuses de l'or-
ganisme (2).
Quelques observations faites sur la phosphorescence des
(1) Ainsi, ]\I, Ehrcnl)erg a remar-
qué que chez VOceania pileata la
phosphorescence réside clans la por-
tion centrale de la face inférieure de
l'ombrelle, où les ovaires se trouvent
suspendus (a), et Forbcs a vu [que la
lumière émane aussi de l'appareil re-
producteur chez la Dianema appendi-
culata (6).
(2) Spallanzani a constaté que chez
l'Acalèphc qu'il appelle Médusa phos-
phorea, et que l'on désigne aujour-
d'hui sous le nom de Pelagia nocti-
luca (c), l'émission de lumière a lieu
par la portion marginale de l'ombrelle,
oii se trouvent les principaux muscles
locomoteurs. 11 trouva aussi que le
mucus qui lubrifie la surface de la peau
de celte partie est lumineux, et com-
munique la phosphorescence aux doigts
de l'observateur ainsi qu'aux autres
corps auxquels il adhère. Spallanzani
vit aussi que des fragments peu lumi-
neux de cette portion du disque devien-
nent très brillants quand on les plonge
dans de l'eau douce et qu'en faisant
la même expérience avec du lait ce
liquide jetait un éclat encore plus vif.
Le liquide phosphorescent obtenu de
la sorte formait des traînées lumineuses
quand on le répandait à terre, et une
de ces Méduses plongée dans un verre
de lait éclaira si fortement les objets
adjacents, qu'à une distance d'un mètre
on pouvait s'en servir pour lire une
lettre {d).
(a) Elirenlierg, Das Lcuchten des Meeves (Méni. de l'Acad. de Berlin pour 1 834).
(6) l'orbcs) ,1 Momigraph of the Driiish naked-eyed Meduscc, p. 14.
(c] Voyez VAllas du Règne animal rie Cuvicrj Zoopiiytes, pi. 45.
(dj Spallanzani) Viaggi aile Duc Sicilie, 1793, t. IV, p. 216 et suiv.
PRODUCTION DE LUMIÈRE. 110
petits Crustacés qui dans certains parages illuminent la sur-
face de la mer, tendent également à établir cpie l'émission de
la lumière est due à un liquide sécrété par ces Animaux. Ainsi,
pendant un voyage dans le grand Océan , Eydoux et Souleyct
ont vu ces Animaux lancer des jets d'une matière lumi-
neuse qui, en se mêlant à l'eau, rendait ce liquide phospho-
rescent (1).
Il est aussi des Poissons chez lesquels des phénomènes de
phosphorescence ont été observés, mais il ne me paraît pas
bien démontré que la lumière dont brillaient ces Animaux leur
appartînt réellement, et ne fût pas développée par des Ani-
malcules photogènes ou par d'autres corps étrangers dont la
surface de leur peau pouvait être enduite.
Je dois ajouter qu'il paraît y avoir de grandes différences
dans la période de la vie à laquelle se manifeste la faculté pho-
togénique chez les divers Animaux. Dans les uns elle existe
avant la naissance et dure toujours (2), tandis que chez d'autres
elle ne paraît se développer que temporairement.
§ /i. — En résumé, nous voyons que la faculté de produire
de la lumière est beaucoup plus répandue dans le règne animal
qu'on ne serait porté à le croire au premier abord ; car, si elle
n'existe que chez un petit nombre d'Animaux terrestres, qui
(1) La matière phospliorescenlc prennent pas sur quelles espèces de
lancée par ces Crustacés était assez Crustacés pélagiques ces observations
visqueuse pour se coller aux parois du furent faites {a).
vase dans lequel les Animaux étaient (2) 1\I, A.llman a constaté récemment
placés, et son émission produisait d'à- que l'embryon des Béroïdiens dont
bord l'effet d'une fusée brillante, puis on a formé le genre Idya, est pbospho-
formait autour du petit être une sorte rescent avant l'éclosion (6), et j'ai déjà
d'atmosphère lumineuse. Malheureuse- eu l'occasion de dire que les œufs des
ment Eydoux et Souleyet ne nous ap- Lampyriens sont lumineux.
{a) Voyez Blainvillo, Rapport stw les résultats scientifiques du voyage dz la Bonite autour du
monde {Comptes rendus de l'Acaiéinle dis sciences, 1838, t. VI, p. 456).
(!)) Allra:iii, Note ou ihi Ptiosphoréscence of Deroî [Ih'oczedinjs OftHe Rvjal Sic. Of Edinburgh;
1802, p. 518).
120 NUTRITION.
pour la plupart appartiennent à la classe des Insectes, elle est
très commune chez les Invertébrés marins, principalement chez
les espèces dont les tissus sont transparents, et cette circon-
stance me porte à soupçonner que des phénomènes du même
ordre pourraient bien se développer parfois dans la profondeur
de l'organisQie chez d'autres Animaux où ils restent inaperçus
à cause de l'opacité des téguments. Dans l'état actuel de nos
connaissances, il me paraîtrait inutile d'insister davantage sur
l'histoire de ces phénomènes remarquables, et je me bornerai
à engager les naturalistes qui naviguent ou qui habitent les
bords de la mer à faire de nouvelles recherches sur son mode
de production.
Je terminerai donc là cette digression, et dans la prochaine
Leçon je m'occuperai de questions qui touchent plus directe-
ment à l'histoire du travail nutritif.
SOIXANTE -NEUVIÈME LEGON.
Suite de l'étude des phénomènes de iiuliition. — Mutation de la niatièie organique
dans l'organisme. — Pertes subies par le corps d'un Animal privé d'aliments. —
Rôle des matières alimentaires. — Modes d'cvaliialion du degré d'activité de la
combustion nutritive. — Circonstances qui influent sur l'activité de ce travail ;
influence du volume de l'organisme, des dilTérences spécifiqiies , de l'âge; des
sexes , de l'exercice musculaire ; application de ces faits aux procédés employés
pour l'engraissement des Animaux de ferme; inlluence du régime. — Fiation
alimentaire de l'Homme et de quelques Animaux.
§ 1 . — La combustion physiologique, dont l'étude nous a Effets
occupés dans les Leçons précédentes, s'effectue dans l'intérieur la combusiion
du corps des Animaux, et se lie de la manière la plus intime
à presque toutes les manifestations de leur puissance vitale.
Son degré d'intensité est même en rapport avec la grandeur de
l'activité physiologique de ces êtres, et bien que dans certaines
circonstances elle puisse continuer après la mort, on voit tou-
jours la force vitale s'éteindre ou devenir latente, dès qu'elle
s'arrête.
Pour Tentretcnir, il faut nécessairement que l'organisme
puisse disposer de deux choses : d'une quantité suffisante de
l'agent comburant, c'est-à-dire d'oxygène libre ou suscep-
lible d'être enlevé à des corps dans la composition desquels il
entre, et de matières combustibles aptes à brûler dans les con-
ditions où l'Animal doit en faire usage.
La respiration, comme nous l'avons déjà vu, fournit à ces
foyers de combustion l'élément comburant que l'Animal trouve
à l'état de liberté dans l'atmosphère, ou faiblement associé à
l'eau qui est exposée au contact de l'air. Dans quelques cas .
extrêmement rares, l'être animé peut vivre aux dépens de
l'oxygène qui se trouve à l'état de combinaison dans certains
vni. 9
'l'22 NUTRITION.
corps auxquels il en enlève une portion, et il est probable que
souvent des phénomènes du môme ordre ont lieu dans l'inté-
rieur de l'économie, animale [)ar l'action de certaines parties
vivantes sur des matières préalablement oxydées par suite du
travail respiratoire ordinaire ; mais dans l'immense majorité
des cas, c'est l'atmosphère qui fournit directement à l'orga-
nisme l'oxygène nécessaire à l'entretien de la combustion phy-
siologique : par l'acte de la respiration, le lluide nourricier
de l'Animal s'en charge, et sert de véhicule pour le porter
sur les combustibles avec lesquels il doit se combiner (I).
L'oxygène qui est en dissolution dans l'eau, est libre chimi-
quement; les Animaux aquatiques sont donc placés, sous ce
rapport, dans des conditions analogues à celles où se trouvent
les Animaux terrestres, dont le corps est baigné directement
par le fluide atmosphérique. Et jusque dans ces derniers temps
on devait penser que l'action de l'oxygène libre sur l'organisme
était indispensable à l'entretien de la vie chez tous les êtres ani-
més ; mais il existe quelques Animaux inférieurs chez lesquels
le travail respiratoire peut être remplacé par un phénomène
plus complexe, et l'introduction de l'oxygène dans l'économie
peut être obtenue au moyen de la décomposition de certains
composés oxygénés avec lesquels le corps vivant est en conlact.
Cela a été constaté par M. Pasteur, dans ses belles expériences
sur certains Infusoires qui déterminent la fermentation buty-
rique dans les dissolutions de sucre ou d'acide lactique (2), et
(1) Voyez tome I, page /i30 et suiv. L'espèce de fermentation ainsi pi'o-
(2) Il résulte des recherches de duite est accompagnée d'un dégage-
M. Pasteur que certains Vibrions peu- ment d'acide carbonique et d'hydro-
vent vivre sans oxygène libre et en gène. Il est aussi à noter que ces
décomposant des matières organiques, Animalcules périssent très-prompte-
telles que le sucre et l'acide lactique, ment quand ils subissent l'action de
qu'ils transforment en acide butyrique. l'oxygène libre (a).
(a) Pasteur, Animalcules infusoires vivant sans gaz oxygène libre et déterminant des fer-
mentations [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1861, t. LU, p; 344),
SOliaCK DES MATlÈRIiS HIVL'LÉES. 1 -O
il me i)araîl probable que les Helmiiillies qui vivent dans l'in-
térieur du corps, des Animaux sont doués du même pouvoir
désoxydant. Mais, quoiqu'il en soit à cet égard, la règle ordi-
naire pour les êtres animés est d'entretenir la combustion
physiologique au moyen de l'oxygène libre puisé directement
ou indirectement dans l'air atmosphérique; aussi avons-nous
vu que chez tous les Animaux, sauf les espèces intérieures
dont il vient d'être question, la privation de cet élément com-
burant est plus ou moins promptement une cause de mort appa-
rente, suivie de la mort réelle.
Je rappellerai aussi que nous avons constaté précédemment
que l'activité respiratoire des Animaux, ou, en d'autres termes,
la consommation d'oxygène faite par ces êtres est en rapport avec
le degré de leur activité vitale et la grandeur de leur puissance
physiologique. Bientôt nous verrons que les mêmes rapports
existent entre ces phénomènes et la destruction des matières
combustibles dont l'organisme est pourvu, de telle sorte que la
mesure de l'action vitale peut être fournie également bien par
la considération de ces deux ordres de faits. Mais, avant d'a-
border l'élude de ces questions, il faut que nous cherchions à '
bien fixer nos idées au sujet delà source qui fournit à la combus-
tion physiologique les matières combustibles destinées à fixer
l'oxygène introduit sans cesse dans l'organisme par le travail
respiratoire.
§ 2.— Il est évident que les matières brûlées de la sorte source
dans l'intérieur de l'économie animale ne peuvent être que les combusiibie
brûlés dans
substances organiques qui y sont mtrodnites sous la forme d'ali- ror-anisme.
Au moment de mettre celte feuille tion exefcée par certains Vibrions sur
sous presse, j'apprends que cet expé- le tartrate de chaux. Ces Animalcules
rimentateur habile a constaté d'autres vivent sans air, en décomposant l'acide
faits du même ordre en étudiant l'ac- tartrique (a).
(a) Pasteur, Nouvel exemple de fermentation déterminée par des Animalcules infusoires pouvant
vivre sans gax. oxugène libre et en dehors de tout contact avec l'air de l'atmosphère {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 9 mars 1863, t. LVI, p. 410).
124 NUTRITION.
ments, et qui sont versées par l'appareil digestif dans le torrent
de la circulation, ou bien celles qui constituent, soit des dépôts
ou réserves de matières nutritives, comme la graisse, soit le
tissu même des organes. Mais les physiologistes sont partagés
d'opinions au sujet du rôle accompli par ces deux sortes de
corps combustibles. Jadis on pensait que tout ce qui se détruit
dans l'économie provenait de la substance des organes, que
cette substance se renouvelait tout entière avec une grande
rapidité, et que la matière organique fournie par les aliments,
et absorbée par l'appareil digestif, était exclusivement destinée,
soit à la reconstitution des tissus soumis à cette loi de renou-
vellement, soit à la formation des humeurs non excrémenti-
tielles; enfin que toutes les matières excrétées étaient les pro-
duits de cette destruction de la substance vivante.
Travail Cctte hypothèsc reposait sur une multitude de faits fournis
désassiîiiation taut par l'obscrvation journalièrc que par l'expérimentation des
organique, pj^ygioiogistcs. Alusl, chacun saitque, lorsqu'un Anmial estprivé
d'aliments, le poids de son corps diminue plus ou moins rapi-
dement; qu'il perd de ses forces en même temps qu'il perd de
sa substance, et que la mort est toujours la conséquence de ces
pertes, lorsqu'elles dépassent certaines limites. Quand il s'ap-
proprie une quantité suffisante de matières nutritives, son poids
reste stationnaire ou augmente, et cependant il continue à
éprouver des pertes non moins considérables que s'il était
privé d'aliments.
Cuvier, dont le style était souvent remarquable par le brillant
des images aussi bien que par l'élévation des pensées et la
netteté de l'expression, a parfaitement résumé l'opinion des
physiologistes de son époque sur la nature du travail nutritif,
lorsqu'il a dit : « La vie consiste essentiellement dans la
«faculté qu'ont certaines combinaisons corporelles de durer
» pendant un temps et sous une forme déterminée, en attirant
» sans cesse dans leur composition une partie des substances
SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 125
» environnantes, et en rendant aux éléments des portions de
» leur propre substance. La vie est donc un tourbillon plus ou
» moins rapide, plus ou moins compliqué , dont la direction
» est constante, et qui entraîne toujours des molécules de mêmes
» sortes, mais où les molécules individuelles entrent et d'où
» elles sortent continuellement, de manière que la fonne du
» corps vivant lui est plus essentielle que la matière [i). »
11 est indubitable que l'organisme, considéré dans son en-
semble, présente toujours des phénomènes de cet ordre, et que
sans cesse certaines de ses parties se détruisent et disparaissent
pendant que d'autres se forment pour leur succéder et en tenir
lieu. Ainsi chacun sait que nos ongles, de même que nos che-
veux ou les poils de notre barbe, croissent par leur base et s'usent
par leur extrémité opposée, en sorte qu'au bout d'un certain
temps la substance constitutive de chacun de ces appendices
cornés se trouve renouvelée complètement, bien que leur forme
générale n'ait pas changé. Nous avons déjà vu qu'il en est de
même pour la couche de tissu utriculaire qui revêt les membranes
muqueuses du tube digestif, des voies respiratoires et des cavités
glandulaires; dans une autre partie de ce cours je montrerai
que l'épiderme croît de la même manière par sa face interne,
pendant que du côté opposé elle se détruit ou se détache de la
peau. Entln les belles expériences de M. Flourens sur les os
des Mammifères et des Oiseaux étabhssent que pendant le jeune
âge ces organes s'accroissent et s'usent en même temps d'une
manière analogue, mais en sens inverse, c'est-à-dire grandis-
sent par la naissance de couches nouvelles à leur surface, tandis
que vers le centre ils se creusent des cavités produites par la
résorption progressive des couches primitives de leur tissu con-
stitutif. Ce genre de changement a été mis bien en évidence par
l'emploi alimentaire de la garance, qui, répandue dans le fluide
(1) Le Bègne animal distrihué d'après son organisation, 1817, t. I, p. 13.
126 NUTRITION.
nourricier, teint en rouge les parties superficielles des os, phé-
nomène (jui nous permet de reconnaître les portions de la sub-
stance osseuse existante au moment de l'expérience, et de les
distinguer de celles développées après que l'Animal a été remis
à son régime ordinaire (1). Dans tous ces cas il y a remplace-
ment d'une portion de l'ancienne substance constitutive du corps
vivant par de la substance nouvelle ; et comme l'a très-bien fait
remarquer M. Flourens, la théorie de la rénovation matérielle
de l'organisme, conçue delà sorte, est certainement l'expression
(1) Le fait de la coloration des os en
rouge cirez des Cocbons qui mangent
une certaine quantité de garance, avait
été signalé dès le milieu du xv!** siècle
par un certain ^Mizaud, dit IMizaldi (a) ,
mais n'avait pas fixé l'attention des
physiologistes, et était généralement
ignoré lorsqu'en 1736, un chirurgien
anglais, J. Belchier, l'observa par
hasard en dînant chez un teinturier
qui utilisait pour la nourriture de ses
Porcs le son imprégné de garance pro-
venant de ses ateliers. Belchier fit aus-
sitôt des expériences sur la cause de
ce phénomène (6), et il fut suivi dans
cette voie par Duhamel et par plusieurs
autres physiologistes, qui profilèrent
de la coloration du tissu osseux oi)te-
nue de la sorte pour étudier le mode
de croissance des os. Dans une autre
partie de ce cours je rendrai compte
des résultats obtenus ainsi par M. Flou-
rens ou par ses prédécesseurs (c), et
ici je me bornerai à considérer ce sujet
au point de vue de l'étude des phé-
nomènes de nutrition.
On a cru d'abord que le tissu osseux
rougi par le principe colorant de la
garance avait dû se former pendant
que l'Animal recevait dans son orga-
nisme cette substance tinctoriale mê-
lée à ses aliuients. Ainsi Pailherford,
qui fut le premier à reconnaître que
le phénomène en question est dû à
la ppoduclion d'une sorte de laque
résultant de l'union chimique de
l'alizarine, ou principe colorant de la
garance, avec les sels calcaires de l'or-
(a) Mizaldi, MemorahilhnmitiUum et jucundorum ccnturiœ novem lu ciphorismos digestœ,
Lutetiae, 1584, p. 101, cent, vu, aph. 91.
(6) Belchier, An Account of Vie Bones of Animais bebig Changed lo a Red Colour bij aimant
only (Philos. Trahis., 1836, t. XXXIX, p. 287). — Furthei' Account, de. [toc. cit., p. 299).
(c) Duhamel, Su7' une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants
{Mém. de l'Acad. des sciences pour 1739, p. 1). — Sur le développement et la crue des os des
Animaux (Mém. de VAcad. des sciences, 1742, p. 354).
— Bazani, De coloratis animalium quorumdam viv irum ossibus {Comment. Insl. Bononiensis,
1745, t. II, part, 1, p. 129). — De ossium colorandorum artificio per radicem rubùc (Op. cit.,
174G, t. Il, pars 2, p. 124).
— Bœhmer, De radicis Rubiœ tinctorum effectibus in corpore animali {dissert, inaug'.). Lipske,
1752. — }\ouvelles expériences sur les effets que produit la garance dans le corps des Animaux
(Mélanges d'hisioire naturelle, par A. Diilac, 1705, t. 111, p. 227).
— J. Hiinter, Expériences et observations sur le développement des os {Œuvres, t. IV, p. 409).
SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 1*27
de la vérité pour beaucoup de parties de l'économie animale,
sinon pour toutes. Mais ce n'est pas ainsi que l'on se repré-
sente généralement la mutation de la matière vivante dans l'in-
térieur de l'organisme. On suppose que la substance constitu-
tive de chaque fibre, de chaque lamelle de tout tissu vivant se
renouvelle, molécule à molécule; que chacune des molécules
dont ces tissus se composent est usée et détruite sur place, pen-
dant qu'une ou plusieurs molécules nouvelles de môme espèce
viennent en tenir lieu ; en un mot, que les matériaux constitutifs de
ces fibres et de ces lamelles sont renouvelés à peu près comme
les pierres d'un vieil édifice sont parfois remplacées successi-
vement parla substitution de blocs nouveaux à ceux que le temps
a détériorés. On se trouve ainsi conduit à admettre que la matière
ganisme (a) , pensait que celte combi-
naison devait s'effectuer clans le sang
et précéder le dépôt des matières ter-
reuses dans le tissu de l'os. Mais on
sait aujourd'hui par les expériences
de Gibson, ainsi que par celles faites
plus récemment par MM. Doyère et
Serres, que les choses ne se passent
pas ainsi ; que le tissu osseux préexis-
tant se teint en rouge, pourvu que le
fluide nourricier chargé d'alizarine y
pénètre on assez grande abondance.
Ainsi, un fragment d'os enfoncé sous
la peau d'xui Animal soumis au ré-
gime de garance, se colore comme le
font les os vivants du même individu;
et si la coloration du squelette a lieu
promptement chez les jeunes Ani-
maux, tandis qu'elle ne s'effectue que
très-lentement ou très-incomplétement
chez ceux qui sont avancés en âge,
cela dépend seulement des différences
dans le degré de perméabilité du tissu
osseux et dans l'activité de la circula-
tion des fluides nourriciers dans sa sub-
stance aux dernières périodes de la
vie. Dans tous les cas, la fixation de la
garance sur les sels calcaires du tissu
osseux est un phénomène analogue à
celui dû à l'action des mordants dans
la teinture d'une étoffe, et n'est aucu-
nement liée au travail nutritif.
(a) Rutherford, cité d'après Gibson.
— Gibson, 06s. on the Effect ofMadder root on llie Bones of Animais {Mem. of the Lit. and
Philos. Soc. of Manchester, 2° série, 1805, t. I, p. 146).
— Flourens, Recherches sur le dévelopiiement des os et des dents {Archives du Muséum, 1841,
t. H, p. 315).
— Serres et Doyère, Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les Animaux
soumis au régime de la garance {.\nn. des sciences nat., 2» série, 18-42, t. XVII, p. 153).
( — Briillé et Hugueny, Expériences sur le développement des os dans les Mammifères et les
Ciseaux, faites au moyen de l'alimentation par la garance (.\nn. des sciences nat,, 3" série,
1845, t. IV, p. 583).
128 NUTRITION.
dont se compose chaque partie de l'organisme est toujours en
mouvement, et que dans un espace de temps plus ou moins court
la substancedu corps tout entier se trouve renouvelée. Quelques
auteurs ont même cru pouvoir assigner une période détermi-
née pour l'accomplissement de cette rénovation de substance
dans le corps humain. Enfin, beaucoup de physiologistes admet -
tent, conformément à ces vues de l'esprit, que la combustion
physiologiquedontl'économie animale est le siège, estalimentée
uniquement par la substance des tissus ; que la totalité de l'acide
carbonique, de l'urée et des autres produits excrémentitiels for-
més dans l'organisme, provient de cette source, et que par
conséquent aussi toute matière nutritive absorbée par l'Animal
n'est utilisée qu'à la condition d'être fixée dans ces mêmes tis-
sus et d'en devenir partie intégrante (1).
Mais beaucoup de faits paraissaient être peu favorables à cette
hypothèse de la mutation générale et conlinue de la matière
constitutive de l'organisme. Ainsi Duhamel a vu que les parties
du système osseux qui ont été colorées par l'action de la garance
chez un Animal vivant ne se décolorent pas, comme on le sup-
posait d'abord, mais sont cachées sous les nouvelles couches
développées ultérieurement; M. Flourens a montré que les
parties teintes de la sorte conservent leur coloration anormale
jusqu'à ce qu'elles soient elles-mêmes détruites ; que rien n'y
décèle un renouvellement de subslance, et que chez l'individu
parvenu au terme de sa croissance , leur existence paraît
être en général permanente (2). Les rapports qui ont été
constatés par Chossat et plusieurs autres expérimentateurs
(1) Celte hypothèse a été adoptée mutation de la matière dans l'éconn-
récemment par MM. Bischoff et Voit, mie animale (a),
dans leur intéressant travail sur la (2) Duhamel avait d'abord pensé
(a) Th. Bischoff iinJ C. Voit, Die Geselxe der Ernahrunq des Fleischfi'essers djirch neve
Untersvchungen feslgestellt., ISOO.
SOURCE DES MATIÈRES BRULEES. 129
entre le mode d'alimentation et la nature on la quantité des
produits de la sécrétion urinaire, ont môme conduit quelques
physiologistes à penser que dans les circonslances ordinaires
toutes les matières excrétées de l'organisme proviennent direc-
tement des matières étrangères qui y ont été introduites ; de
sorte que la combustion physiologique dont résultent l'acide
carbonique, l'urée, etc., serait eniretenue uniquement par les
aliments (1). Mais cette hypothèse n'est pas admissible, et la
qu'après la cessation du régime de la
garance, les os rougis par celte sub-
stance reprenaient toujours leur cou-
leur primitive (a) ; mais, par la suite
de ses expériences, il reconnut que
chez les jeunes Animaux les parties
rougies de la sorte se retrouvent au-
dessous des couches du tissu osseux
développées ultérieurement (6). M.
Flourens confirma ce résultat, et mon-
tra que dans les cas où la teinte rouge
vient à disparaître, cela no dépend pas
d'un renouvellement moléculaire de la
portion du tissu qui a été garancée,
mais de sa résorption complète par
suite du travail d'accroissement (c),
phénomène sur lequel je reviendrai
lorsque je traiterai du mode de déve-
loppement des os.
Je citerai également ici une des ex-
périences de MAI. Doyère et Serres.
Un jeune pigeon fut soumis au régime
de la garance du 10 mars I8Z1O au
15 avril; le 15 mai on lui amputa une
aile, puis le 30 janvier 18/il on lui
amputa l'autre aile : l'Animal mourut
des suites de cette seconde opération.
Entre les moments où les deux ailes
avaient été amputées, il n'avait reçu
aucun aliment coloré ; cependant les
os correspondants dans ces deux mem-
bres étaient également colorés. (d). 11
est du reste à noter que par le seul
fait du lavage des os colorés opéré
avec du sérum qui ne contient pas
d'alizarine, l'espèce de laque formée
par la combinaison de ce principe
avec le phosphate calcaire des os peut
à la longue abandonner une certaine
quantité d'alizarine et pâlir plus ou
moins (e) ; mais ce phénomène pure-
ment chimique ne ressemble en rien
à la mutation continue de la matière
organique dont les physiologistes par-
lent d'ordinaire sous le nom de mou-
vement nutritif,
(1) Ghossat (de Genève) a fait une
longue séried'expériences intéressantes
sur les circonslances qui influent sur
la sécrétion urinaire chez l'Homme.
Malheureusement il n'a pas dosé di-
rectement les matières azotées et sa-
(a) Duliamel, Sur une racine qui a la faculté de teindre en rouge les os des Animaux vivants
[Mém. de l'Acad. des sciences, il'id, p. A).
(b) Idem, Sur le développement des os {Mém. de l'Acad. des sciences, 1742, p. 365).
(c) Flourens, Op. cit. {Mém. du Muséum, t. II, p. 407).
{d) Dojère et Serres, Exposé de quelques faits relatifs à la coloration des os chez les Animaji.x
soumis au régime de la garance {Ann. des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVII, p. 172).
(iç) Brullé et Hugiieny, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 3« série, d845, t. IV, p. 294).
130 nutrition:
vérité se trouve entre les deux opinions extrêmes Que je viens
d'exposer.
En eftet, d'une part il est évident que des phénomènes de
combustion ont lieu dans les liquides nourriciers de l'économie,
que des matières organiques en dissolution ou en suspension
dans ces fluides peuvent s'y oxyder, et que de ces réactions
chimiques il peut résulter de l'acide carbonique ou d'autres
matières brûlées qui sont ensuite excrétées. La transformation
des sels végétaux en carbonates, que nous avons déjà vue s'opérer
dans le torrent circulatoire, nous en fournit une preuve irré-
cusable (1). Mais, d'autre part, les faits fournis par l'étude des
changements qui ont lieu dans le corps d'un Animal privé de
tout aliment ou nourri d'une manière insuffisante, me semblent
prouver non moins clairement qu'il y a consommation de la
substance des organes par suite de l'action comburante de
lines qui se trouvent excrétées de la
sorte, et il s'est contenté d'en appré-
cier approximativement la quantité en
déterminant d'une part le volume des
liquides évacués, et d'autre part leur
densité; puis en multipliant par un
facteur constant, 3,32, le produit du-
dit volume multiplié par l'excès de la
pesanteur spécifique observée sur celle
de l'eau distillée. La quantité de ma-
tières solides contenues dans les urines
a pu être évaluée de la sorte d'une
manière satisfaisante ; mais co:nnie la
composition du mélange formé par ces
suijstances n'était pas constante, des
erreurs assez grandes pouvaient être
commises quand on venait à appliquer
les résultats ainsi obtenus à l'étude des
mutations do la matière organique
dans l'intérieur de l'organisme. Quoi
qu'il en soit, Chossat a trouvé que la
quantité de matières solides sécrétées
par les reins en vingt- quatre heures
varie beaucoup suivant le régime ;
que cette sécrétion augmente toujours
peu de temps après qu'à la suite des
repas, les produits de digestion arrivent
dans le torrent de la circulation, et
qu'il existe des relations intimes entre
l'abondance de cette excrétion et la
quantité d'aliments albuminoïdes in-
troduits dans l'organisme peu de temps
auparavant. Il en conclut que c'est l'al-
bumine du chyle qui, en traversant les
poumons, se dépouille d'une certaine
quantité d'eau et de carbone pour don-
ner naissance à de l'acide carbonique
et à de l'urée, etc. (a).
(1) Voyez ci - dessus , tome Vif ,
page 531.
(a) Cliossat, Mémoire sur l'analyse des fonctions urinaires {Journal dephysioloiiie deMageivtie,
1825, t. V, p. 65).
Entretien
de
la combustion
physiologique
SOURCE DES MATIÈRES BlîULÉES. 131
l'oxygène dont le sang est chargé, que cette substance orga-
nisée (îoncourt à l'entretien de la combustion vitale, et qu'une
portion des produits excrétés est le résultat des transforma-
tions qu'elle éprouve.
Examinons ce qui se passe dans l'économie des Animaux
qui, étant privéi? d'aliments, ne reçoivent du dehors que l'un
des facteurs des produits excrémentitiels, et tirent l'autre de leur pendant
1 l'abstinence
propre fonds, c'est-à-dire de la substance constitutive de leurs
organes ou de la réserve alimentaire représentée tant par la
graisse emmagasinée dans leur corps que par les principes
albuminoïdes et autres matières combustibles contenues dans
leur sang ou dans les autres fluides de leur organisme.
Ce sujet a été l'objet de plusieurs séries de recherches inté-
ressantes faites, les unes par Chossat (de Genève) , les autres
parM.Boussingaultetson élèveLetellier, puis par MM. Bidder
et Schmidt, à Dorpat, MM. Bischoff et Voit, à Munich, ainsi
que par quelques autres physiologistes; mais il esta regretter
que dans la plupart des cas les résultats constatés par ces expé-
rimentations n'aient pas été aussi complets qu'on aurait pu le
désirer. Chossat, par exemple, n'a fait usage que de la balance
et a négligé l'analyse chimique des matières excrétées, et aucun
de ses successeurs n'a déterminé directement la quantité d'oxy-
gène fixée dans l'économie animale. Cependant tous sont arrivés
à des résultats intéressants, et leui^s travaux jettent beaucoup
de lumière sur ce que j'appellerai la résorption ou consomma-
tion organique, c'est-à-dire la destruchon ou l'abandon des
matières qui entrent dans la composition du corps vivant, et qui
ont été enlevées à l'économie animale, ou, en d'autres termes, la
désorganisation physiologique .
§ 3. — Nous voyons par les expériences de Chossat que chez P'-f^^es
d'une
les Animaux privés d'aliments, le poids du corps diminue plus ou désorganisation
physiologique.
moins rapidement, suivantles espèces, ainsi quesuivant plusieurs
autres circonstances; que dans la première journée de jeûne, la
132 NUTRITION.
perte diurne, c'est-à-dire la perte subie pendant vingt-quatre
heures, est plus considérable que pendant un certain nombre des
jours suivants ; qu'elle diminue en général progressivement sans
présenter cependant de grandes diflerences, et que pendant la
dernière période de l'abstinence mortelle, elle s'élève de nouveau
de manière à devenir très-considérable. La mort est toujours la
conséquence de cette déperdition quand la diminution du poids
total du corps a atteint certaines limites, savoir environ hO ou
50 pour 100 du poids initial (1). Pendant cette abstinence pro-
longée, la combustion respiratoire a continué, l'excrétion de
ses produits a contribué pour beaucoup à la production des
pertes de substance éprouvées par l'Animal ; et l'examen du
cadavre a fait voir que les matières enlevées de la sorte avaient
été fournies non-seulement par la graisse préexistant dans l'or-
ganisme et par le sang, c'est-à-dire par les matières constituant
ce quej 'appelle la réserve nutritive, mais aussi par les muscles et
même par toutes les autres parties vivantes de l'organisme. La
part attribuable au tissu musculaire était d'environ la moitié de la
(1) Dans les expériences de Chossat la dans d'autres circonstances, et je ci-
limite de déperdition compatible avec tarai à ce sujet les expériences de
la vie a paru être de ZtO centièmes du MM. Bidder et Schmidt sur un Chat,
poids initial pour les Mammifères, et de L'Animal ne mourut qu'après avoir
hli centièmes chez les Oiseaux. 11 en perdu 51,7 pour 100 de son poids
fut à peu près de même dans les expé- initial (6), ce qui dépendait probable-
riences que ce physiologiste fit sur di- ment de ce qu'il était très-gras,
vers Vertébrés à sang froid («). ]Mais il Chossat a trouvé que la mort arri-
est évident que celte limite doit varier vait quand le poids du corps était ré-
beaucoup, suivant l'état d'engraissé- duit de la sorte, soit d'une manière
ment de l'Animal au commencement rapide par la privation complète d'a-
de l'expérience. Aussi ne devons-nous limenls (ou l'inanition), soit d'une ma-
pas nous étonner en voyant des résul- nière lente, par suite d'une alimenta-
tats un peu différents être obtenus lion insuffisante (c).
(rt) C. Chossat, Recherches expérimentales sur l'inanition (Mém. de l'Acad. des sciences,
Savants étrangers, 1843, t. VIII, p. 447 et siiiv.).
(6) Bidder et Schmidt, Die Verdauunç/ssâfte und der Stoffwechsel, 1852.
(c) Chossat, Op. cit.
SOURCE DKS MATIÈRES «RULÉES. '13S
perte totale, et celle afférente à la réserve nutritive ne s'élevait
pas au tiers de cette perte intégrale ('!). Je ne présente pas ces
nombres comme l'expression de la consommation réelle de la
substance constitutive des fibres musculaires ou des autres tis-
sus de l'économie; car Chossatn'a pas tenu compte des matières
organiques en dissolution ou en suspension dans les liquides
dont ces parties sont imprégnées, matières que nous devons
considérer comme appartenant à la réserve nutritive, de même
(jue le sang et les dépôts de graisse; mais les résultats que je
viens de rapporter n'en sont pas moins d'une grande impor-
tance pour la connaissance des phénomènes dont l'étude nous
occupe ici.
Dans des recherches analogues faites sur des Tourterelles par
(1) Pour constater la part que les
diverses parties de l'organisme peuvent
ayoir à supporter dans la perte totale
déterminée par l'abstinence, Chossat
a divisé en deux lots les Animaux em-
ployés à ses recherches : ceux du pre-
mier lot furent asphyxiés au commen-
cement de l'expérience, et le poids
total de leur corps, puis le poids de
leur sang, de leur graisse, de leur peau
et de chacun de leurs organes fut
déterminé avec autant de précision que
possible. Les mê.ues observations fu-
rent répétées sur les cadavres des Ani-
maux morts de faim, et la perte subie
par chaque partie de leur corps fut
calculée d'après les termes de compa-
raison fournis par les Animaux as-
phyxiés. D'après ces données, Chossat
a évalué de la manière suivante la perte
intégrale de chaque partie comparée
à son poids initial :
Graisses 0,933
Sang 0,750
Rate 0,7t4
l'ancréas 0,64t
l^iic 0,520
Cœur 0,448
lalestiiis 0,42 4
Muscles locomoleurs. . 0,423
Peau 0,333
Système osseux. . . . 0,167
Sysicme nerveux. . . 0,019
Ainsi la presque totalité de la graisse
avait disparu de l'organisme ; le sang
était réduit des trois quarts de son poids
initial ; les muscles avaient perdu près
de la moitié de leur poids, tandis que
la perte de substance subie par le sys-
tème nerveux avait été au-dessous
de J/50. Une perte intégrale abso-
luede l_'t2s%17se composait de SSs"",/!?
attribuables à la graisse ; de 7s%86 four-
nis par le sang; de 7/iî',63 par le sys-
tème musculaire, de 15s',S7 pour les
glandes, la peau, etc., et de 6s%oZi
pour le système osseux (a).
(a) Chossat, Op. cil. {Méin. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. VIII, p. 530 et 531).
ÏSIl NUTRITION.
l.elcilier, le dosoge de la graisse existant daiir^ l'organisme,
soit chez les individus pris comme terme de comparaison au
commencement de l'expénence, soit chez ceux qui avaient été
privés d'aliments pendant plusieurs jours, a été fait d'une ma-
nière plus exacte, et les résultais obtenus de la sorte indiquent
que la graisse fournit une part un peu plus grande à la consom-
mation physiologique des substances constitutives de l'économie
animale ; mais au moins les deux tiers des pertes éprouvées
pendant l'abstinence devaient encore être attribués aux tissus et
aux autres parties de l'organisme (1).
M. Boussingault a avancé davantage la question. 11 a déter-
miné comparativement les diverses perles intégrales de l'orga-
nisme subies par une Tourterelle privée d'aliments : la quantité
de carbone exhalée par les voies respiratoires chez le même
Animal, et la quantité d'azote, de carbone et d'hydrogène
contenue dans les matières urinaires ou les autres produits
excrémentitiels évacués sous la forme de fèces. Par conséquent
il a pu mieux apprécier la marche de la combusiion vitale dans
ces conditions biologiques. Or, il a trouvé que la quantité de
graisse brûlée dans les vingt-quatre heures pouvait être évaluée
à 2^', 58, tandis que les pertes diverses attribuables à la com-
bustion des principes albuminoïdes de l'organisme s'élevait à
li'\^S (2).
(1) Effectivement , en discutant les poids qu'elles ont éprouvée pendant la
résultats obtenus par Letellier, on voit ' durée de Tabstinence était en moyenne
que les Tourterelles privées d'aliments de 6 "2 grammes. Ces Oiseaux avaient'
pesaient en moyenne IZil grammes, et donc perdu au moins Zil grammes de
par conséquent ne pouvaient contenir substance en sus des pertes dues à la
au début de l'expérience, d'après la consommation de la graisse (a).
moyenne générale servant de terme (2) Dans cette expérience, de même
de comparaison, qu'environ 21 gram- que dans celles de Gliossat, la perle in-
mes de graisse. Or, la perte totale du tégrale diurne s'est notablement abais-
(a) Lelellicr, Observations sur l'action du sucre dans l' alinwntaiion des Granivores (Ann. de
chimie et de physique, 'i' série, 1844, t. XI, p. 150).
SOURCE DES MATIEHES BRULEES.
135
Enfin je signalerai comme une élude pUiscoiuplèlc (in même
sujet les recherches de MM. Bidder et Schmidt sur les effets
de la privation d'aliments chez le Gliat. J'aurai souvent à les
citer, et en ce moment je me bornerai à dire fpi'elles confirment
pleinement les résultats fournis précédemment par les expé-
riences de Ghossat, relativement à la consommation rapide et
considérable de tissu musculaire, aussi bien qu'à l'emploi de
la réserve nutritive pour l'entretien de la combustion phy-
siologique pendant l'abstinence. Ainsi un Animal pesant
2572 grammes fut privé d'aliments ; il vécut de la sorte pen-
dant dix-huit jours, et il perdit pendant ce temps o0^'',807 d'a-
zote, 205"'", 96 de carbone, et 927"', 62 d'eau. Or, pour fournir
à cette dépense, le sang avait perdu 93 centigrammes de son
sée le second jour de rabstinence;
mais elle est restée ensuite à peu près
la même pendant les sept jours que
dura le jeûne. La quantité de carbone
brûlé par FAnimal en vingt-quatre
heures n'atteignait pas la moitié de
celle consommée par le même indi-
vidu dans l'état normal, et a varié de
Osi-jS! à 0s'-,07 par heure, sans que ces
différences aient paru avoir aucun rap-
port constant avec la durée de l'inani-
tion (a).
Voici les quantités de carbone
exhalées par heure, sous la forme
d'acide carbonique , par un de ces
Oiseaux :
G m m.
1° Après avoir mangé .... 0,213
2° Après avoir élé privé d'ali-
ments pendant vintfl- quatre
heures 0,Hi
3° Le quatrième jour d'inani-
tion 0,124
4° Le sixième jour d'inanition. 0,113
5° Le septième jour d'inani-
tion 0,072
Dans une autre expérience faite
sur une Tourterelle du poids de
176 grammes , la quantité d'acide
carbonique produite en une heure a
été de :
0,114 après deux jours d'inanition.
0,121 après quatre jours d'inanition.
0,095 après onze heures seulement
d'inanition.
0,073 après trente-six heures d'inani-
tion.
0,065 après deux jours et demi d'ina-
nition.
0,077 après trois jours et demi d'ina-
nition.
0,077 après quatre jours et demi d'ina-
nition.
(à) Bdussingault, Analyses comparées de l'aliment consommé et des excréments rendus par
Une Tourterelle (Ann. de chimie et de physique, 3" série, 1844, t. XI, p. 448).
136 NUTRITION.
poids initial, la graisse 80 centigrammes, l'appareil muscu-
laire 66 centigrammes, et l'axe cérébro-spinal o7 centigrammes.
Eniin la quantité d'azote exhalée correspond à la désorganisa-
tion de plus de 200 grammes de tissu musculaire supposé sec
et dépouillé de graisse (1).
(1) Les principaux résultats de cette Biclder et Schniidt dans le tableau ci-
expérience ont été résumés par MM. joint {a) :
Di;SIGiXAT10i\
des
ORGANES.
Muscles et ton-
dons
Os
Graisse
Œsophage, esto-
mac el entrailles
Axe cérébro-spi-
nal
Foie
Poumons . . . .
Reins
Raie
Pancréas
Glandes salivaires
Cœur
Aorte et veine
cave
Mésentère et épi-
ploon
Yeux avec leurs
muscles ....
Larynx et trachée
Utérus
Vessie
Ovaires
Peau
Sang'
Bile
REPARTITION DES MATIERES C0\STITUT1VES
DE l'oRGAIMSSIE.
AVANT l'inanition,
POIDS TOTAL 2572 GR,
Poids
à l'état
frais.
Totaux.
1158,32
379,26
310,87
166,95
122,21
27,72
23,U
8,12
7,71
2,00
10,85
3,43
98,15
37,82
5,86
2,50
1,06
155,25
2572,00
Eau.
Sub-
stance
sèche.
881,47
172,56
164,1
129,39
38,86
89,3i
21,95
18,37
6,38
6,00
2,30
8,44
42,60
26,25
3,93
1,92
0,82
130,57
1747,93
276,85
206,70
146,73
37,56
11,02
32,87
5,77
4,77
1,74
1,71
0,60
2,41
0,79
55,55
11,57
1,93
»
0,58
»
0,Ê4
24,68
824,07
APRES L'INANITION,
POIDS TOTAL 1241 GR.
PERTES EPROUVEES
PE\DAXT l'i\A»IT10\'.
POIDS ABSOLU.
Poids
à l'état
frais.
380,98
325,00
215,40
115,40
31,12
49,33
20
21,70
2 27
i',h
1,01
12,33
2,13
19,00
12,02
4,33
10,91
5,36
0,39
9,88 7,52
0,96 0,79
Eau.
28},98
118,30
77,11
88,28
23,71
37,74
15,39
16,58
1,75
0,87
0,61
9,40
1,62
14,17
9,14
2,87
8,61
4,14
0,29
Sub-
stance
sèche.
1241,02
723,87
96,00
206,70
138,29
27,12
7,41
11,69
5,16
5,12
0,52
0.26
0,40
2,93
0,51
4,83
2,88
1,46
2,30
1 22
oiïo
2,36
0,17
Eau.
517,33
— 596,49
— 54,26
— 87,03
— 41,11
— 15,15
— 51,60
— 6,56
— 1,79
— 4,63
— 5,13
— 1,69
+ 0,96
— 1,02
— 28,43
— 17,11
~ '1,06
+ 2 22
123,05
Sub-
stance
sèche.
-1021,00
-180,85
0,0
- 8,4i
- 10,44
- 3,61
- 21,28
- 0,61
- 0,35
1 22
- i;45
- 0,20
0,5:
- 0,28
- 50,72
- 8,69
- 0,47
»
+ 0,64
— 22,32
POIDS
RELATIF
correspoiioaiit
A 400 GR.
66,9
14,3
3u,7
30,9
37,6
59,6
25,9
6,2
72,0
85,4
65,2
37,8
80,7
68,2
26,2
93,7
-306,49
58,4 37,2
65,0
0,0
5,7
27,8
32,9
64,7
10,5
•>
10,2
84,5
58,2
35,6
91,3
75,1
24,3
90,4
(n) Bidder und Schmidt, Die Verdauungssaefte und dev Sto/f'wechsel, 1852, p. 331.
SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. 137
§ l\, — D'après tous ces fails, il me paraît bien démontre que consdquoncc
,.,.,. A, , , de CCS fails.
la combustion physiologKjue peut e(re eniretenuo aux dépens
de la substance constitutive des organes ; mais cette oxydation
de matières albuminoïdes est-elle un phénomène nécessaire ou
n'a-t-elle lieu dans les circonstances dont je viens de parler
que parce que le principe comburant porté dans l'intérieur de
l'économie parla respiration n'y trouve pas une quantité suffi-
sante d'autres combustibles organiques ? En d'autres termes, la
combustion vitale peut-elle être entretenue indifféremment par
toute espèce de matières oxydables, ou doit-elle nécessairement
être alimentée en partie par la substance des tissus animaux ou
d'autres combustibles azotés du même ordre?
Si l'entretien de cette combustion était l'unique condition de
l'activité physiologique des Animaux, ceux-ci devraient pouvoir
se nourrir d'aliments hydrocarbonés sans mélange de matières
azotées, à moins que ce ne fut pendant la période de croissance,
lorsque leurs tissus, en voie de développement, nécessitent
l'assimilation de matériaux semblables à ceux dont ces parties
se composent. On devrait môme s'attendre à voir les aliments
remplir d'autant mieux leur rôle d'agents nutritifs, qu'ils seraient
plus combustibles, ou du moins plus riches en carbone, en hy-
drogène, et par conséquent les substances carbo-hydrogénées,
telles que le sucre ou les graisses, seraient les aliments p'ar
excellence, ou tout au moins des aliments suffisants. Mais il n'en
est pas ainsi : nous savons, par les expériences de Magendie et
de plusieurs autres physiologistes, que ces aliments ne répon-
dent pas à tous les besoins de l'organisme, et que les Animaux
adultes, aussi bien que les Animaux en voie de développement,
meurent toujours plus ou moins promptement quand ils ne
trouvent pas dans leur nourriture des principes organiques
azotés (1).
(1) A répoquc où Magendie enire- Icgistes n'avaient que des idées très-
prit ces recherches (1816), les physio- vagues et fort incomplètes, ou n:ème
Yiu. 10
138 NUTRITION.
Il est aussi à noter qu'un Animal nourri avee de la graisse,
du sucre ou tout autre élément non azoté, continue à excréter
des produits azotés par les voies urinaires. Or, dans ce cas,
l'azote qu'il élimine ne peut provenir que de sa propre sub-
stance, c'est-à-dire des matières azotées qui constituent les
tissus de ses organes, ou qui se trouvent soit en dissolution,
soit en suspension dans son sang et dans les aulres fluides de
l'organisme. La destruction d'une certaine quantité de matières
de cet ordre, et leur transformation en urée ou en quelque pro-
duit analogue, ont lieu constamment, quel que soit le régime
de l'animal.
J'ajouterai qu'un Chien qui ne mange que de la viande
dépouillée de graisse peut, sans diminuer de poids, satisfaire
à toutes les causes de déperdition inhérentes à son mode d'exis-
tence (l). 11 n'en continue pas moins à exhaler de l'acide car-
erronées, sur le rôle des aliments dans comme aliment uniqne, tantôt de la
la nutrition, et assez généralement on gomme , d'autres fois du beurre ou
supposait que les Animaux avaient la de Thuile, Magendie obtint le même
faculté de transformer en matière liislo- résultat (a).
génique toute substance nutritive ; que Ainsi, dans les expériences de
la gomme ou le sucre, par exemple, MM. Bischoff et Voit, relatives à Tin-
se changeaient ainsi en chair, aussi tluence de l'alimentation sur les pro-
bien que l'albumine ou la fibrine. duits de la sécréUon urinaire, nous
Magendie chercha à déterminer si la voyons que chez un Chien dont la
vie d'un Animal pouvait être entre- ration se composait uniquement de
tenue de la sorte à l'afde de matières graisse, la quantité d'urée sécrétée
réputées nutritives, qui ne contien- en vingt-quatre heures était d'environ
nent pas d'azole, et dans ceUe vue il l/i grammes, et renfermait une quan-
soumit des Chiens à l'usage exclusif tité d'azote correspondant à 17 centi-
de sucre et d'eau distillée. Les Ani- grammes pour 1 kilogramme du poids
maux soumis à ce régime dépérirent total du corps (h).
rapidement, la cornée transparente 0)1^^ possibilité d'entretenir de la
s'altéra, la faiblesse générale devint sorte un Chien a été constatée par
extrême, et la mort arriva au bout M. Bischoff.
d'environ cinq semaines. En employant
(n) Mii.ïentlio, Mémoire sur les propriétés niUvillves des substances qui ne contiennent pas
rt'axQfe, ISlG {Journal de médecine de Leroux, 1817, t. XXXVIU).
(b) BiscliofT et, C. Voit, /)je Gesflze der EmAhrung des Fleischfressers, 1860, p/ 150 et suiv.
SOURCE DliS MAÏlÊKtS BHULÉF.S. 139
bonique, ainsi qu'à excréter de l'urée, et cela s'explique faci-
lement, même sans l'intervention des matières grasses emma-
gasinées dans son corps ; car, dans ce cas, il brûle beaucoup
de matières protéiques, comme on peut en juger par l'abon-
dance des produits azotés que ses reins excrètent, et les prin-
cipes albuminoïdes, en s'oxydant pour donner naissance à de
l'urée, doivent nécessairement perdre beaucoup de carbone
et d'hydrogène.
§ 5. — L'étude du mode d'alimentation des Animaux et celle Emploi direct
des produits ordinaires du travail nutritif dont ils sont le siège, po'ïren'iretkn
nous conduisent également à reconnaître que, dans l'état normal, comhiiuon
la combustion vitale est entretenue en partie par la substance p^y"°^°s'que.
des organes et en partie par les substances combustibles non
azotées qui se trouvent dans le sang, ou qui sont emmagasinées
autrement dans l'intérieur du corps, et qui ne sont pas aptes à
servir de matériaux pour la constitution des tissus vivants. C'est
donc avec raison que M. Dumas, dans ses savantes leçons sur
la chimie physiologique, faites il y a une vingtaine d'années à
noire école de médecine, et M. Liebig, dans une série de pu-
blications d'un haut intérêt sur le même sujet, ont divisé les
aliments en deux classes principales : ceux qui ne sont destinés
qu'à l'entretien de la combustion vitale, et ceux qui sont assi-
milables aux parties vivantes de l'organisme. Les premiers sont
appelés communément les aliments respiratoires^ et consistent
en substances organiques carbo-hydrogénées, qui ne renferment
pas d'azote, telles que le sucre et les graisses; les seconds ont
reçu le nom &' aliments plastiques^ et sont des principes immé-
diats protéiques, renfermant de l'azote aussi bien que du car-^'
bone, de l'hydrogène et de l'oxygène : par exemple, de la llbrine^
de l'albumine et de la caséine.
Cette distinction est très-utile et a beaucoup contribué aux
progrès de nos connaissances relatives aux phénomènes de nu-
trition j mais en général les chimistes la présentent d'une ma^
Résumé.
l/lO NUTRITION.
nière trop absolue, et c'est à tort que M. Liebig considère les
aliments respiratoires comme étant les seuls qui servent à l'en-
tretien de la combustion vilale, et les aliments plasticjues comme
étant employés uniquement à la conslitution des tissus orga-
nisés. Dans l'économie animale, il y a toujours oxydation d'une
(juantité plus ou moins considérable de matières albuminoïdes,
car il y a toujours production et excrétion d'urée ou de quel-
(jue autre principe urinaire du môme ordre, et le carbone éli-
miné des matières azotées pendant cette transformation doit
concourir, comme celui des aliments non azotés, à la produc-
tion de l'acide carbonique exhalé par l'appareil respiratoire.
En effet, la protéine, que l'on peut considérer comme le type
des aliments plastiques, se compose de C'^°H^^4z^0'-, et l'urée
a pour formule C^H'*Az^O- ; par conséquent, 5^', 462 de pro-
téine, en donnant naissance à 1°',875 d'urée, laissent en liberté
2^', 6-23 de carbone, qui, transformés en acide carbonique,
représenteront plus de ll^',GOO de ce dernier gaz. Il en résulte
que chaque gramme d'urée produit de la sorte suppose une
production correspondante d'environ 5 grammes d'acide car-
bonique (1).
§ 6. — En résumé, nous voyons donc que le cor|)s d'un
Animal vivant doit être considéré comme étant nécessairement
(1) En effer, les équivalents don-
nent :
C'^o = 3000,00
H3J = 387,50
Az» = 875,00
012 ^ 1200,00
5462,50
D'après un calcul analogue, on sait
que la quantité d'urée contenant
875 grammes d'azole pèse 1875 gram-
mes, car Az^ doit s'y trouver com-
biné avec :
C^ = 375
Hio = 125
0» = 500
Ce qui donne pour le poids de l'urée
produit 2622. Or, sur les 3000 par-
lies de carbone contenues dans la pro-
téine, l'urée n'en a employé que 375 ; il
reste donc 35 équivalents de carbone
( = 2625 parties), qui, transformés
en acide carbonique ( = 00^), auront
fixé 70 équivalents d'oxygène (soit
7000), et donnent, par conséquent,
9625 parties de ce composé.
SOURCE DES MATIÈRES BRÛLÉES. \l\i
le siège d'une combuslion physiologique qui csl délerminée
par l'oxygène introduit dans l'économie par le moyen de la res-
piration, et qui est entretenue en partie aux dépens de la sub-
stance des tissus dont l'oxydation et la destruction partielle sont
une conséquence des fonctions qu'ils ont à accomplir dans les
phénomènes complexes de la vie, et qui peut être alimentée
aussi en partie à l'aide de matières organiques combustibles,
mais non organisables, qui ne constituent pas, à proprement
parler, les organes vivants, et sont contenues seulement dans le
fluide nourricier ou emmagasinées dans diverses parties de
l'économie animale à titre de réserve alimentaire.
11 en résulte que la combustion vitale est plus active que ne
le supposent les phénomènes qui déterminent l'oxydation et la
consommation de la substance vivante. Par la pensée nous
pouvons la diviser en deux parties, dont l'une est nécessaire-
ment désorganisatrice, et dont l'autre ne présente paslemême
caractère.
La première, comme nous le verrons bientôt, paraît être
corrélative du développement de la force mécanique et des autres
manifestations de la puissance vitale. La seconde semble être
une conséquence toute chimique de la propriété comburante de
l'oxygène dont l'organisme se charge, et de la nature combus-
tible des matières qui constituent le corps vivant ou qui sont
contenues dans son intérieur; elle peut devenir désorganisa-
trice comme la première, mais ne l'est pas nécessairement;
elle le devient quand l'oxygène qui est en circulation dans l'é-
conomie, et qui n'est pas employé pour l'oxydation nécessaire
de la substance vivante, ne se trouve pas en présence de ma-
tières inertes suffisamment combustibles, ainsi que cela se voit
chez les Animaux privés de nourriture; mais, dans les circon-
stances biologiques ordinaires, elle est entretenue directement
par les matières alimentaires qui sont incluses dans l'organisme
sans en faire partie intégrante.
1/|2 MiTRITlON.
i^oie 11 rilsullo également de ces fails friie les aliinents doivent
des alimenls. ^
avoir un double rôle à remplir. D'une part, ils doivent servir
à réparer les pertes inévitables que les solides vivants de l'or-
ganisme subissent, ainsi qu'à augmenter la masse de ces mêmes
solides, tant que la croissance n'en est pas achevée. D'autre
part, ils doivent concourir directement à l'entretien de la com-
bustion respiratoire, de façon à préserver la substance des lis-
sus de toute oxydation superllue, de toute destruction qui n'est
pas commandée par le rôle physiologique des organes auxquels
ils apparliennent.
Je continuerai d'appeler aliments respiratoires ceux qui sont
inaptes à constituer un tissu vivant, et qui servent essentielle-
ment à l'entretien de la combustion physiologique; mais il ne
faut pas oublier que les aliments plastiques, c'est-à-dire com-
posés de substance organisable et viable, sont également des
matières qui fournissent soit directement, soit indirectement, des
éléments combustibles à celte espèce de feu vital ; et si les varia-
tions dans le langage scientifique ne présentaient pas de graves
inconvénients, j'aurais préféré substituer au nom d'aliments
respiratoires celui (ï aliments protecteurs ; car leur principal
rôle me semble être, je le répète, d'empêcher que la combus-
tion respiratoire ne soit entretenue par une portion plus grande
de matière organisée que ne le nécessite l'action fonctionnelle
des organes.
§ 7. — La comparaison des produits de la sécrétion urinaire
chez un Animal qui tour à tour est soumis à l'abstinence com-
plète, ou nourri avec des aliments non azotés, met bien en évi-
dence le rôle protecteur de ces derniers, par rapport aux pré-
cédents. Lorsqu'un Animal est privé de nourriture, il ne peut
entretenir la combustion respiratoire qu'à l'aide de combustibles
fournis par sa propre substance, c'est-à-dire parles matières
combustibles de ses tissus ou par celles existant sous la forme de
réserve, soit dans les dépôts graisseux, soit dans le sang et les
RÔLI5 DES ALIMENTS. 1^3
autres fluides de l'économie. En elTcl, le poids do son corps
diminue alors progressivement, el, ainsi que je l'ai déjà dit,
celte perte est déterminée en parlic par l'excrétion d'une cer-
taine quantité d'urée ; mais si le même Animal reçoit journelle-
ment une ration de graisse sans addition d'aucun aliment azolé,
non-seulement le dépérissement est moindre, mais la quantité
absolue d'urée est diminuée. Ainsi, dans une série d'expériences
fort instructives faites sur ce sujet par MM. Bischoff et Voit, le
même Animal a perdu par les voies urinaires, en vingt-quatre
heures, terme moyen, entre âOet'i"2 centigrammes d'azote pour
chaque kilogramme du poids de l'organisme, quand il était privé
d'aliments, et seulement 17 centigrammes d'azote quand il
recevait une ration de graisse.
§ 8. — Mais si les aliments doivent préserver les tissus vi- conséquences
vants des causes de destruction dépendant d'une oxydation des aiimems
n A , ,-, I ' \ p • relatives
superflue, en même temps qu ns sont appelés a tournn^ aux au régime.
organes les matières voulues pour leur croissance et pour la
réparation des pertes auxquelles leur substance est nécessaire-
ment assujettie, on conçoit que ces corps, pour bien remplir leur
rôle, doivent être de deux sortes : les uns doivent être essentiel-
lement réparateurs et organisables ; les autres doivent être doués
d'une affinité plus grande pour l'oxygène que ne le sont les
matériaux constitutifs des tissus vivants, c'est-à-dire' doivent être
plus combustibles. Or, ces caractères sont réunis, d'une partdans
les aliments azotés, que nous avons appelés plastiques, d'autre
part dans les aliments carbo-hydrogénés, que nous avons dési-
gnés sous le nom d'aliments respiratoires. Nous pouvons donc
prévoir que le régime le plus favorable à l'accomplissement
du travail nutritif doit être un régime mixte dans lequel il entre
à la fois, suivant certaines proportions, des aliments azotés, tels
que la fibrine, l'albumine ou la caséine, et des ahments dépour-
vus d'azote, mais riches en carbone et très-oxydables, tels que
les fécules, les sucres et les graisses.
\llk NUTRITION.
uiiiiié § 9. — L'expérience est pleinement d'accord avec ces vues
d'une 1 / . 11 ' 1 1 • • 1 1 1
alimentation Uieonqucs, ct 1 ctudc chimiquc des substances que la nature
destine uniquement à l'alimentalion des jeunes Animaux, dont
la nutrition doit être à la fois facile et forte, suffirait même pour
nous apprendre qu'un pareil mélange convient mieux que tout
autre régime. En effet, il est deux produits animaux, qui sont
pour ainsi dire les types les plus parfaits de l'aliment, savoir : le
lait, qui est la nourriture préparée par la Nature pour répondre
aux besoins de l'Homme et des autres Mammifères pendant les
premiers temps de leur vie ; et le jaune d'œuf, qui est une pro-
vision de matière nutritive destinée à être employée d'une ma-
nière analogue par l'embryon des Animaux ovipares, en atten-
dant que ces êtres puissent chercber dans le monde extérieur
les aliments qui leur conviendront. Or, le lait et le jaune d'œuf,
comme nous le verrons par la suite, sont l'un et l'autre des
corps riches en principes albuminoïdes et en principes gras,
c'est-à-dire en aliments plastiques et respiratoires. Ainsi, par
son exemple, la Nature nous enseigne à donner aux Animaux
que nous voulons nourrir le mieux possible, des aliments
mixtes.
Il est également à remarquer que la plupart des aliments
dont les Animaux font usage instinctivement, sont en réalité
des mélanges de ce genre. En effet, les Carnassiers trouvent
dans leur proie des matières grasses aussi bien que des matières
albuminoïdes, et presque toujours les substances végétales
que les phytophages mangent contiennent du gluten 'ou quel-
que autre principe azoté du même ordre, associé à de la fécule,
du sucre ou des corps gras. Seulement, dans les aliments d'o-
rigine animale, ce sont les matières plastiques qui prédominent,
tandis que dans les aliments végétaux, ce sont d'ordinaire les
principes immédiats carbo-hydrogénés qui abondent.
§ 10. — Avant d'aller plus avant dans l'étude des phéno-
mènes de combustion dont l'économie animale est le siège.
ROLE DES ALIMENTS. 1Ù5
et d'examiner plus en détail les conséquences de celte action influence
de l'irri^alion
chimique, je dois rappeler que la destruction des combus- piosioiogiquo
^ sur
tibles orofaniques ef'fecluée ainsi n'est pas la seule cause de la résorption.
déperdition de substance agissant dans l'organisme, et que,
par conséquent, ce n'est pas uniquement pour répondre aux
besoins créés de la sorte, que l'Homme et les Animaux sont .
soumis à la nécessité de s'assimiler sans cesse de nouvelles
quantités de matières étrangères. En effet, nous avons vu que
de l'eau en quantité plus ou moins considérable circule toujours
dans l'intérieur de leur corps, et qu'une partie de ce liquide
s'échappe constamment au dehors sous la forme d'urine et d'au-
tres humeurs excrémentitielles. Or, cette eau lave, pour ainsi
dire, les tissus qu'elle baigne, et doit entraîner avec elle une
portion des matières solubles qui entrent dans leur composition
ou qui s'y trouvent déposées. Par conséquent, pour empêcher
cette soustraction de matière, ou pour en contre-balancer les
effets, il faut que l'eau introduite dans l'organisme soit accom-
pagnée d'une certaine proportion de ces mômes substances
solubles dont la présence l'empêche de se charger de celles
préexistanles dans les tissus, ou permette à ceux-ci d'y puiser
pour réparer les pertes qu'ils peuvent avoir subies.
Pour mettre bien en évidence ce genre d'échanges qui s'éta-
blit entre les solides et les liquides de l'économie animale, sui-
vant que les uns ou les autres sont plus ou moins chargés des
matières pour lesquelles ils ont une certaine affinité, il me
paraît utile de prendre en considération certains phénomènes
que l'on n'observe pas dans les circonstances ordinaires, et qui
sont faciles à constater d'une manière nelte.
L'élude du mode d'action des poisons sur l'économie ani-
male a permis aux physiologistes de reconnaître que beaucoup
de substances minérales, qui ne sont pas des malériaux nor-
maux de l'organisme et qui sont portées dans le torrent de la
circulation par absorption ou autrement, se déposent dans le
l/l6 JNUTRITIOiN.
lissii de certains organes, et s'y (Combinent de manière à y être
retenues avec pins on moins de force. Ces tissus enlèvent
donc au sang une portion de ces matières minérales dont la
présence dans l'économie est accidentelle ; mais lorsque, par
suite de la cessation de l'arrivée de ces matières étrangères
et du renouvellement normal de l'eau dans le fluide nourricier,
celui-ci cesse d'en être chargé, il redissout peu à peu les sub-
stances qu'il avait abandonnées lorsqu'il en était saturé, et les
expulse ensuite au dehors avec la portion de llcjuide qu'il cède
aux organes excréteurs. Ainsi, dans les cas d'empoisonnement
par les préparations arsenicales , la substance toxique est
absorbée et introduite dans le sang ; puis elle circule avec ce
fluide dans toutes les parties du corps, mais elle s'arrête dans
certaines parties, et se iixe plus particulièrement dans le tissu
du foie et de quelques autres organes, où elle s'accumule de
façon à être facile à découvrir par les procédés d'analyse dont
la chimie moderne dispose (1). Mais lorsque les désordres
(1) Ce dépôt de l'acide arsénieux vn qu'à la suite de l'adminislration
dans la substance des divers tissus de quotidienne d'une certaine quantité
l'organisme, lorsque cette matière rai- de tartre émétique, pendant plusieurs
nérale se trouve dans le torrent de la jours, l'antimoine se retrouve en pro-
circulation, a été très-bien établi par portions à peu près égales dans toutes
Orfiia. Ce toxicologiste a constaté aussi les ^parties de l'organisme ; mais lors-
que le poison ainsi emmagasiné est en- que les Animaux qui ont été empoi-
suite résorbé et expulsé de l'organisme sonnés de la sorte ne périssent pas et
parla sécrétion urinaire; circonstance sont remis à leur régime ordinaire, ce
qui explique l'utilité des diurétiques métal disparaît assez promptement du
dans les cas où de petites quantités tissu musculaire et de quelques autres
d'arsenic ont été absorbées (a). parties du corps, tandis qu'il séjourne
Des faits du même ordre ont été fort longtemps dans le foie, dans le
fournis par l'étude de l'action lente tissu adipeux et dans les os. Chez un
des préparations antimoniales sur Chien qui fut tué quatre mois après la
l'économie animale. Ainsi, en expéri- résorption de l'émétiiiue, on trouva
mentant sur des Chiens, M. Millon a des quantités considérables d'anti-
(a) Orfila, Mémoires «ic l'empoisonnement {Mém. de l'Acad. demédecine, 1840, t. VIII, p. 418)
- Traité de toxicologie, 1852, t. 1, p. 453).
RÔLE DES ALIMENTS. ilil
produits ainsi ne sont pas mortels, et que l'introduction do
l'arsenic dans le sang ne continue pas, le métal déposé de la
sorte est peu à peu repris par les fluides en circulation et
éliminé de l'organisme par la sécrétion urinaire. Il en est de
même pour le mercure et pour le plomb -, suivant qu'il en existe
davantage dans le sang ou dans les tissus qui sont aptes à s'en
emparer, le torrent irrigaloire en dépose ou en enlève à mesure
qu'il traverse ceux-ci, et, lorsque les solides vivants ont été
chargés d'une de ces substances toxiques, on peut en accélérer
la résorption et l'expulsion au dehors en introduisant dans le
sang certains médicaments qui rendent ce liquide plus apte
à attaquer et à dissoudre les composés insolubles que ce métal
avait formés dans la profondeur des organes : par exemple, en
administrant de l'iodure de potassium (1).
Il en résulte que par l'effet de la combustion physiologique
d'une part, et du lavage irrigatoire d'autre part, toutes les sub-
stances combustibles ou solubles qui entrent dans la compo-
moJne dans le foie et dans les os, Les composés mercuriels insolubles ,
mais les autres parties du corps n'en tels que ceux résultant de l'action du
contenaient que fort peu (a). sublimécorrosif sur les matières albu-
M. A. F. Orfila a constaté qu'à la minoïdes, se dissolvent dans l'iodure
suite de l'introduction lente des sels so- de potassium, et cette substance, in-
lubles de plomb et de cuivre dans Téco- troduite dans le torrent de la circula-
nomie animale, ces métaux pouvaient tion, les déplace, puis les entraîne au
séjourner dans le foie, les os, etc., dehors par les voies urinaires. Cela ex-
pendant huit mois ou même davan- plique l'utilité de l'emploi de ce médi-
tage , mais que peu à peu ils sont cament dans les cas d'intoxication lente
résorbés et excrétés avec les urines, par le merciu"e. Des effets analogues
la sueur, etc. (6). sont produits par l'iodure de potas-
(1) On doit à M. jMelsens des re- sium, lorsque l'organisme est chargé
cherches intéressantes sur ce sujet. de matières contenant du plomb (c),
(a) Millon, Sur la permanence de l'antimoine dans les organes vivajits [Revue scientiflque et
industrielle, 1847, t. XXVI, p. 3i)).
(fc) A. F. Orfila, De l'éliminalion des poisons, Ihèse. Paris, 1852.
(r) Miîlseiis, Mémoire sur l'emploi de l'iodure de potassium pour combattre les affections
saturnines et mercurielles [Ami. de chimie et de physique, 3' série, 1849, t. XXVI, p. 21 5j,
— Parke?, On the Elimination of Lead by lodide of potassium [British and Foreign Med.
Review, 1853, p. 522).
MxS NUTRITION.
bilion du corps animal sont susceptibles d'être détruites ou
enlevées, et que pour empêcher ces pertes ou pour les réparer,
l'être vivant a besoin d'introduire continuellement dans son
organisme de nouvelles provisions de chacune de ces sub-
stances, lors môme que sa croissance est terminée, et que son
poids doit rester stationnaire. Pour se nourrir, il lui faut donc
non-seulement des matières organisées propres à la formation
de ses tissus, et des ahments de la respiration, mais aussi
toutes les substances inorganiques qui sont nécessaires à la
constitution, soit de ses organes, soit de ses humeurs, et qui
sont sans cesse entraînées au dehors avec l'eau dont les reins
ou les autres glandes opèrent l'excrétion.
Ainsi rx4nimal adulte, de même que l'Animal en voie do
développement, a besoin de trouver dans ses aliments, en cer-
taines proportions, tous les éléments constitutifs des corps
composés qui sont à leur tour les matériaux dont ses organes
sont formés, et il faut que ces éléments lui soient fournis dans
un état tel, qu'il puisse les utiliser, c'est-à-dire déjà combinés
de façon à fournir les matériaux dont je viens de parler, ou des
substances à l'aide desquelles il pourra les produire.
Pour connaître les besoins nutritifs d'un Animal, il suffit
donc de connaître ce qui compose son organisme et la quantité
de chacun de ses matériaux constitutifs qu'il perd en un temps
donné, soit par les voies respiratoires, soit par la sécrétion
urinaire ou toute autre excrétion.
Diversité § li . — Ainsi que chacun le sait, les corps que les cliimistes
chimiques appellent sunples ou elementan^es, parce qu on n en peut ob-
l'introduciion t^nir quc des molécules d'une même sorte, ne peuvent être
est nécessaire. •!',•. • '' •< p ' i f ij
m détruits , m crées , m transtormes par les lorces dont
l'Homme dispose, et, à cet égard, la puissance vitale n'est pas
plus grande. Aucun élément chimique ne peut donc naître dans
l'économie animale, et tous les corps simples qui s'y trouvent
ont dû y arriver du dehors. Jadis quelques physiologistes pen-
RÔLE DES ALIMENTS. 1/|9
saient qu'il n'en était pas ainsi, et que certains élcinenis étaient
créés dans l'intérieur de l'organisme ; mais c'est là une erreur
dont la réfutation serait aujourd'hui su[)erllue, et il suffit de la
signaler en termes précis pour en l'aire justice. U est vrai que
dans quelques cas certains éléments n'arrivent dans le corps
de quelques Animaux qu'en si petites quantités à la fois, que
nos moyens d'analyse ne nous permettent pas d'en constater
toujours la présence dans les aliments ou les boissons dont ces
êtres font usage ; mais toutes les fois que l'origine des malières
constitutives de l'organisation a été attentivement examinée, on
a pu se convaincre de la généralité de la loi que je viens de
rappeler.
Pour dresser la liste complète des éléments qui entrent dans Anaio-ie
_ , Je composition
la composition de la substance constitutive de l'organisme, il des principaux
aliments.
faut analyser le corps tout entier de l'Animal dont on s'occu[)e.
Mais l'étude que nous avons déjà faite de la composition du sang
peut nous suffire en ce moment, car ce liquide est en quelque
sorte le fonds commun dont toutes les parties de l'économie
tirent leur substance, et par conséquent il doit contenir tout ce
(]ue ces parties renferment. Je me bornerai donc à rappeler ici
<]ue ce fluide nourricier est formé par de l'eau tenant en disso-
lution ou en suspension des matières minérales fort diverses,
aussi bien que des matières organiques, parmi lesquelles il en
est qui sont composées noù-seulement d'azote, de carbone,
d'hydrogène et d'oxygène, mais aussi de soufre et de phos-
phore. Au nombre des substances inorganiques se trouvaient
le chlorure de sodium, des sulfates et des phosphates de soude,
de potasse, de chaux et de magnésie ; enfin des composés de
silice, de fer, etc. Par conséquent, il faut que l'Homme et les
Animaux trouvent dans leurs aliments non-seulement du car-
bone, de l'azote, do l'hydrogène et de l'oxygène, mais aussi du
soufre, du phosphore, du chlore, du sodium, du calcium, et
tous les autres éléments que je viens d'énumérer.
150 NUTRITION.
Du reste, sauf les proportions qui varient, les mêmes élé-
ments essentiels se trouvent réunis dans le eorps de tous les
êtres vivants, que ceux-ci soient des Animaux ou des plantes;
et par conséquent la substance des uns et des autres peut tou-
jours êlre un aliment complet pour l'Animal qui a le pouvoir
d'en absorber une quantité suffisante. Ainsi, le régime du
Carnassier et celui de l'Herbivore diftërent entre eux beaucoup
moins qu'on ne serait porté à le croire au premier abord. La
proie dont le premier se nourrit contient beaucoup de matières
grasses associées à des matières azotées, et par conséquent
fournit à celui-ci un mélange d'aliments respiratoires et plas-
tiques, en même temps que des phosphates terreux et les autres
sels minéraux dont l'organismea besoin (1). Dans le régime de
l'Herbivore, la proportion des matières carbo-hydrogénées est
plus considérable ; mais dans presque tous les aliments végé-
taux, tels que la Nature les fournit, il y a aussi des substances
azotées, et si l'Animal est capable de digérer rme quantité
considérable de ces matières végétales, il y trouve en définitive
tout l'azote dont il a besoin.
11 est aussi à noter qu'en général les Animaux boivent en
quantité plus ou moins considérable de l'eau, qui fient en disso-
{\) 011 doit â MM. Gilbert et Lawes des Animaux de boucherie,' les pre-
Une longue série de recherches très- raières sont beaucoup plus abondantes,
intéressantes sur la composition chi- Quand ces Animaux ont été engraissés
mique de Tensemble de l'organisme pour le marché, on trouve chez le
des divers Animaux de boucherie Bœuf deux ou trois fois autant de
employés en Angleterre, et sur celle graisse que de matières azotées sèches,
des différentes parties de leur corps. Chez les Moulons, celte proportion
Us ont trouvé que la viande , telle s'élève ordinairement à U pour 1, et
qu'on la mange ordinairement, con- atteint quelquefois 6 pour 1 (a). En
tient plus de matières grasses que France, les Animaux de boucherie ne
de substance azotée sèche, et que sont pas chai'gés d'autant de graisse
dans le corps entier de la plupart qu'en Angleterre.
(a) Lawcs and Gilbert, Ou ihc Composition of some of the Animais fed and stlaughtered as
humun food {Philos. Trans., 1859, p. 521).
EVALUATION DES BESOINS.
151
lulion des sels calcaires et aulres. Or, ces matières minérales
concourent aussi à l'entretien du travail nutritif dont leur orga-
nisme est le siège, et il est probable que si beaucoup d'Ani-
maux marins périssent plus ou moins prompîement dans l'eau
douce, cela dépend souvent de ce qu'ils ne trouvent pas dans
celle-ci, comme dans l'eau de la mer, toutes les substances
minérales dont ils ont besoin pour la constitution de leur orga-
nisme (1).
Ainsi, en résumé, nous voyons que, pour l'alimentation
normale des Animaux, il faut la réunion de trois sortes de sub-
stances : des madères organiques plastiques (2), des matières
organiques essentiellement combustibles, et des matières miné-
rales, lesquelles se trouvent effectivement associées dans pres-
(1) 11 me paraît également très-pro-
bable que l'inaptitude de certains Ani-
maux marins à vivre dans l'eau douce,
ou de certains Animaux d'eau douce
à vivre dans l'eau salée, dépend des
phénomènes osmotiques qui se pro-
duisent lorsqu'ils changent de miUeu.
Ainsi l'Animal qui habite les eaux de
la mer doit, par un effet d'endosmose,
se charger d'une quantité inaccoutu-
mée d'eau, lorsqu'il vient à être plongé
dans de l'eau qui n'est pas chargée de
sel, et l'Animal d'eau douce qui subit
le contact de l'eau de la mer doit au
contraire céder à ce liquide une cer-
taine quantité de l'eau dont les tissus
situés près de la surface de son corps
sont chargés. Il serait intéressant
d'étudier à ce point de vue l'action
des bains.
L'insalubrité des eaux qui provien-
nent de la fonte des neiges et qui n'ont
pas coulé longtemps sur un sol chargé
de sels calcaires, dépend en partie de
leur trop grande pureté et de l'absence
d'une proportion convenable de ma-
tières calcaires en dissolution.
(2) Hien ne nous autorise à penser
que les substances azotées non orga-
niques puissent servir à la nutrition
de la plupart des Animaux , et se
substituer aux matières albuminoïdes
dans les phénomènes histogéniques.
Je dois ajouter, cependant, que quel-
ques chimistes pensent que les compo -
ses ammoniacaux peuvent èU'e utilisés
dans l'intérieur de l'organisme. Ainsi,
M. Kuhlmann, ayant remarqué que les
Mollusquesd'eau douce se multipliaient
beaucoup dans les fossés d'une usine
où arrivaient des eaux chargées de
bicarbonate d'ammoniaque, entreprit
quelques expériences sur l'emploi des
sels ammoniacaux dans l'alimentation
des Cochons. Il constata que ces Ani-
maux peuvent en prendre sans incon-
vénient des doses considérables mêlées
à leurs aliments, et que, sous l'in-
fluence de ce régime, leur urine devient
plus alcaUne et paraît plus chargée
15*2 NUTRITION.
que toutes les substances alimentaires, telles que la Nature les
fournit.
Modes , ,
j'appréciaiioi. § ^ '2 • — H Tcsulte également tic l'ensemble des faits dont
des bcsoms . . i, -i • • i • v
nuirilifs. je Viens de rendre compte, que 1 utuisation des matières ali-
mentaires dans la profondeur de l'organisme est corrélative de
l'oxydation de ces mômes matières ou de celles qu'elles rem-
placent, et que, par conséquent, tout ce travail intérieur, que
je désignerai d'une manière générale sous le nom de mutation
nutritive, est subordonné Ji l'absorption et à la fixation de
l'oxygène introduit dans l'économie animale par l'acte de la
respiration. Il doit donc y avoir une relation directe entre la
grandeur de la puissance respiratoire et l'intensité du mouve-
ment nutritif. Par conséquent encore, nous pourrons juger de
la valeur fonctionnelle de ce mouvement par la quantité d'air
que l'Animal consomme (1).
Les connaissances que nous avons acquises au commence-
ment de ce Cours, touchant l'activité respiratoire des divers
Animaux et du même Animal, quand il est placé dans des con-
ditions différentes, peuvent ainsi nous aider dans l'appréciation
des mutations nutritives. Mais les recherches relatives aux
d'urée que dans les circonslances taitrate d'ammoniaque est un aliment
ordinaires (a). tout comme le serait de l'albumine ou
Pour les Animalcules qui jouent le de la caséine (6).
rôle de ferments, et qui vivent à la (I) Tout ce que je dis ici s'ap-
manière des Végétaux, en réduisant plique aux Animaux ordinaires ; mais
des matières oxydées, la faculté d'uti- les recherches récentes de M. Pasteur
liser les composés ammoniacaux dans m'obligent à faire des réserves au
le travail nutritif a été mise hors de sujet des êtres animés microscopiques
doute par les expériences de ÎM. Pas- qui appartiennent à la catégorie des
teur. Effectivement, ce savant a con- ferments, et qui ne respirent pas de la
staté que pour ces êtres singuliers, le même manière que les précédents (c).
(a) Kuhlmanii, Ce l'influence des alcalis dans divers phénomène!^ nalurcls, et en particulier
du rôle que joue V ammoniaque dans la nulrilion des Animaux ^(Comptes rendus de l'Académie
des sciences, IS^T, t. XXIV, p. 263).
(6) Pasleur, Mémoire sur les corpuscules organises qui existent duns l'atmosphère {Ann. des
sciences nat., 4' série, 1851, t. XVI, p. 95).
(c) Voyez ci-dessus, pajc 122.
ÉVALUATION DES BESOINS. 153
quantités d'oxygène employées par les êtres animés sont peu
nombreuses, et elles présentent des dilTieultés considérables.
Ce sera donc principalement par l'examen de (ails d'un autre
ordre que nous chercherons à nous éclairer sur la marche des
phénomènes de combustion ou de rénovation organique dont
l'étude nous occupe en ce moment.
En effet, pour évaluer les résultats de ces actions molécu-
laires, il n'est pas indispensable de tenir compte de l'élément
comburant ; il suffit de prendre en considération les combus-
tibles physiologiques, et de connaître, soit la quantité de ces
corps qui arrivent dans l'organisme, sans en augmenter le
poids, soit la quantité des divers produits excrémentitiels qui
s'échappent de l'économie animale, genre de détermination qui
est en général facile.
On appelle ration (Tentretien^ la quantité d'aliments qu'un
Animal doit consommer pour subvenir d'une manière complète
aux besoins de la mutation nutritive dont son organisme est le
siège. Ce travail s'effectue alors sans perte ni gain apparent, et
le poids du corps reste stationnaire ou n'oscille qu'entre des
limites très-étroites. Si l'ahmentation est insuftisante, la com-
bustion vitale est entretenue en partie au moins à l'aide de la
substance propre de l'Animal, et alors le poids de son corps
diminue proporlionnément aux pertes qu'il subit. Si , au
contraire, sous l'influence d'un régime déterminé, le poids de
son corps augmente, il en faut conclure que la quantité des
matières étrangères introduites dans son organisme dépasse celle
dont il peut opérer la destruction et l'éhmination. Quand l'Ani-
mal est encore jeune et en voie de développement, cet excédant
est employé en totalité ou en partie à la formation de tissus
nouveaux; mais lorsque l'iVnimal est adulte, les matières com-
bustibles surabondantes s'accumulent dans diverses parties,
principalement sous la forme de graisse, et constituent des
réserves de substance nutritive. 11 en résulte qu'en tenant
vni. 11
15/l INUTRITION.
compte de ki quantité d'aliments consommés par un Animal et
du poids de son corps, on peut évaluer avec une précision suf-
fisante le degré d'activité de la mutation nutritive qui s'opère
dans son organisme , sans avoir égard, ni à l'oxygène qu'il
absorbe, ni aux matières qu'il excrète.
La même question peut être résolue par l'évaluation des
diverses excrétions qui, étant les produits de la mutation nutri-
tive, donnent aussi la mesure de ce phénomène.
Enfin, on peut juger aussi de l'activité plus ou moins grande
du travail nutritif par la déperdition totale que l'animal subit
quand il ne reçoit du dehors aucun aliment et vit aux dépens
de sa propre subslance.
Circonstances § ] 3 . __ Du rcstc, qucllc quc soit la méthode d'investigation
sur le degré cuiployée, OU rccounaît facilement qu'il existe de grandes diffé-
d'activité , ii ,• •, r , ni
du travail rcuces daus l activité avec laquelle les mutations nutritives
s'effectuent non -seulement chez les divers Animaux, mais aussi
chez les individus d'une même espèce, suivant l'âge, le sexe et
une multitude d'autres circonstances.
■ Influence II cst d'obscrvatiou que, lorsque toutes choses sont égales
poids du corps, d'ailleurs, le volume du corps influe beaucoup sur la quantité
de matière organique consommée par un Animal. Chacun sait
qu'un Homme grand a besoin de plus d'aHments qu'un individu
de petite taille, et que la ration d'entretien d'un petit Cheval
serait insuffisante pour un Cheval dont la taille serait élevée. Il
est vrai que chez deux Animaux de même espèce ou d'espèces
voisines, cette consommation n'est pas tout à fait proportion-
nelle au poids de l'organisme, et que, comparativement à ce
poids, elle est plus forte chez les petits individus que chez les
grands ; mais il y a toujours, chez les Animaux dont l'activité
vitale est à peu près la même, un rapport intime entre la quan-
tité de matière vivante dont l'organisme se compose et la quan-
tité de matière ahmenlaire ou organisée qui est employée à
l'enlrelien du mouvement nutritif. Il en résulte que chez les
QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 155
individus de grande taille, la quantité (le matières iirinaires excré-
tées journellement est aussi plus considérable que chez les indivi-
dus de même espèce dont le poids du corps est moins élevé. Cela
ressort nettement des observations faites sur l'Homme [lar plu-
sieurs physiologistes. Ainsi, dans les recherches de M. Scherer,
la quantité d'urée sécrétée en vingt-quatre heures s'est élevée à
environ 13, 18, 27 et 30 grammes chez quatre individus dont
le poids du corps élait de 16, 22, 62 et 70 kilogrammes (1).
(1) Voici les principaux faits con-
statés par M. Scherer sur les quatre
individus mentionnés ci-dessus. Dans
la dernière colonne, on a indiqué la
quantité proportionnelle d'urée, cal-
culée pour une même unité du poids
du corps, savoir, 1 kilogramme :
MATIÈRES
PROPORT. D'UHÉE
AGE.
POIDS.
URINE.
URÉE.
cxlraclives,
etc.
MATIÈRE
inorganique.
pour 1 kilogr.
du poids du corps.
Ans.
Kilogr.
Gram.
Giani.
Gram.
Gram.
Gram.
N° 1 (fille). . .
31/2
16
755
12,98
2,17
10,98
0,81
N° 2 (garçon).
7
22
1077
18,29
3,88
10,23
0,82
N' 3 (homme).
22
62
2156
27,008
24,33
23,627
0,43
N» 4 (homme).
38
70
1761
29,824
20,484
20,919
0,42
Des recherches analogues faites par
M. Tiumniel et par M. Bischoflf ont
donné des résultais semblables, sauf en
ce qui concerne un vieillard, comme
on peut le voir par le tableau suivant :
EXPÉRIENCES DE M. RUMMEL.
Proportion
Age. Poids. Urée. d'urée
pour 1 kilogr.
Ans. Kilogr. Gram. Gram.
EXPERIENCES DE M. BISCHOFF.
Age. Poids.
An
1. 3
2. 16
3. 18
4. 43
5. 45
66
99
104
Urée.
Gram.
11,27
19,86
20,19
25,32
37,70
Proporlion
d'urée
pour 1 kilogr.
Gram.
0,53 ,
0,41
0,30
0,28
0,35
1. 3
2. 4
3. 5
4. 18
5. 31
6. 65
13,6
14,5
16,7
58
71
57
13,57
15,59
18,22
36,52
39,28
19,17
1,03
1,08
1,08
0.62
0,51
0,33
Je dois ajouter que les individus
désignés ici sous le n" 3 dans les expé-
riences de M. Piummel, et sous les
n°^ 3 et Zi dans celles de M. Bischoft",
étaient du sexe féminin (a).
(a) Scherer, Vergleichende UntÊrsuchungen der in 24 Stunden durch den Harn austrelenden
Stoffe {Verhandlungen der Phys. Med. Gesellschaft in Wiïrx^burg, 1852, t. III, p. 180).
— Rummel, Beitràge %ii den vergl. Untevsuch. der in 24 Slunden durch den Harn ausge ■
schiedenen Stoffe [Yerhandl. der Phgs. Med. Gesellsch. aw Wûnburg, 1854, t. V, p. 110).
— Bischoff, Der Harnstoff als Maass des Stoffweehsels, 1853, p. 25 et suiv.
J56 NUTRITION.
Effeclivement, toutes les particules de substance organisée
dont l'économie animale se compose, semblent participer à ce
travail métamorphique et concourir à la production des matières
excrémentitielles, dont la quantité nous donne la mesure de la
somme des actions partielles accomplies de la sorte ; mais de
même que la mutation de la matière n'est pas également rapide
dans tous les organes d'un même individu, le degré de puis-
sance mutatoire dont les parties correspondantes sont douées
chez les divers Animaux peut varier. Par conséquent, il peut y
avoir, à poids égaux, de grandes différences dans la consom-
mation physiologique.
Ainsi nous avons vu, an commencement de cette Leçon, que
tous les Animaux meurent lorsqu'ils ne reçoivent pas du dehors
de nouvelles provisions de matières nutritives, et vivent aux
dépens de leur propre substance jusqu'à ce qu'ils aient atteint
un certain degré de dépérissement. La quantité de matière qu'ils
peuvent perdre ainsi sans que la mort en résulte, paraît être à
peu près la même pour tous ; mais il existe des différences
énormes dans la durée du temps pendant lequel ils peuvent
vivre ainsi sur eux-mêmes, et par conséquent dans la rapidité
avec laquelle ils dépensent la matière qu'il leur est possible
d'abandonner (1). Nous voyons, par exemple, dans les expé-
riences de Chossat, que les Mammifères et les Oiseaux privés
(1) Chossat conclut de ses expé- la même valem' physiologique, il fau-
riences, que dans l'inanition, c'est-à- drait que l'état initial de l'organisme
dire l'abstinence complète de tout ali- fût toujours le même, quant à la ré-
ment organique, la durée de la vie est serve nutritive contenue dans le corps
égale à la perte intégrale proportion- de l'Animal. Or, il existe à cet égard
nelle divisée par la perte diurne des différences très-considérables, et
proportionnellement moyenne(a); mais par conséquent la question est moins
il est évident que pour que la perte simple qu'on ne serait porté à le sup-
intégrale proportionnelle ait toujours poser au premier abord.
(a) Cliossat, Op. cit. (il/m. de l'Acad, des sciences , Sav. élrang., l. VIII, p. 472).
QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 157
d'aliments organiques, et ne recevant que de l'eau, n'ont résisté
à l'inanition qu'environ dix jours, terme moyen, et ont perdu
en moyenne /i2 millièmes de leur poids chaque jour 5 tandis
que les Grenouilles placées dans des conditions analogues ont
vécu aux dépens de leur propre substance pendant neuf mois ;
en moyenne, et quelquefois jusqu'à quatorze ou quinze mois,
mais que la perte de poids subie par ces Animaux n'élait en
moyenne que d'environ 0,0015 de leur poids initial, c'est-à-
dire environ un trentième de celle constatée chez les Verté-
brés à sang chaud. Chossat a obtenu des résultats analogues
en opérant sur des Reptiles et des Poissons; en sorte qu'on
peut poser en règle que la consommation de matière organique
nécessaire à l'entretien de la vie est beaucoup plus considérable
chez les Mamniifères et les Oiseaux que chez les Vertébrés
à sang froid.
Je pourrais citer ici beaucoup d'autres faits propres à mon-
trer l'inégalité qui existe entre les Animaux supérieurs et ceux
dont l'activité vitale est moindre, quant à la grandeur des
besoins nutritifs et à la faculté de vivre avec peu, inégalité qui
implique des différences correspondantes dans le travail de
mutation de la matière organique dont l'économie est le siège ;
mais je me bornerai à faire remarquer que les résultats aux-
quels nous arrivons de la sorte sont parfaitement conformes à
ceux que nous a déjà fournis l'étude des phénomènes de la res-
piration. En effet, nous avons vu que la quantité d'oxygène
absorbée en un temps donné par les divers Animaux est loin
d'être proportionnelle au poids de la matière vivante dont leur
corps se compose, et varie beaucoup suivant le degré de puis-
sance physiologique dont ils sont doués. Ainsi, nous avons vu
qu'un Poisson, lors même qu'il est beaucoup plus gros qu'un
Oiseau, peut vivre pendant plus d'une heure avec une quantité
d'air qui serait insuffisante pour l'entretien de la respiration de
158 NUTRITION.
l'Oiseau pendant une minute (1). Or, la quantité de l'élément
comburant, dont les Animaux font usage, est nécessairement
en rapport avec la quantité de matières combustibles qu'ils
consument, et par conséquent les Animaux dont la respiration
est la plus active sont aussi ceux qui effectuent avec le plus
de rapidité la mutation nutritive dont tout corps vivant est le
siège.
En étudiant la respiration, nous avons vu aussi qu'il existe des
rapports étroits entre l'aclivité de cette fonction et les diverses
manifestations de la puissance vitale ; que plus les actions phy-
siologiques sont grandes, plus la consommation d'oxygène est
considérable, et que tout déploiement de force est accompagné
de phénomènes de combustion organique. Nous pouvons donc
prévoir qu'il doit en être de même pour l'emploi des matières
combustibles dont la transformation accompagne ou constitue
le mouvement nutritif, et que par conséquent l'abondance des
produits excrémentitiels fournis par l'organisme, ainsi que la
quantité de matière alimentaire nécessaire pour contre-balancer
ces pertes, sont subordonnées au degré de puissance physiolo-
gique déployée par l'Animal.
Voyons si l'expérience confirmera ce raisonnement.
Influence § 14- — Ou Sait dcpuis l'autlquité que l'âge influe beaucoup
de rage. ^^^^ |.^ focuUé dc supportcT l'abstinence; que chez les jeunes
Animaux le besoin de nourriture se fait sentir à de courts inter-
valles, tandis que dans l'âge mûr, et surtout dans la vieillesse,
le jeijine peut être soutenu pendant plus longtemps sans aucun
inconvénient grave. Le tableau tragique que le Dante trace des
souffrances d'Ugohn et de ses enfants est l'expression de ce qui
doit arriver quand des personnes dont l'âge diffère beaucoup
périssent d'inanition : c'est le plus jeune qui meurt d'abord, et
le plus vieux qui résiste le plus. Or, cela ne dépend pas de ce
(1) Voyez tome II, page 516 et suivantes.
QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 159
que celui-ci peut supporter des pertes plus grandes que le pre-
mier, mais de ce qu'en un temps donné il perd moins : les
expériences de Chossat nous le démontrent. En évaluant com-
parativement ces pertes par la diminution du poids du corps
chez des Tourterelles dont les unes étaient jeunes, d'autres
adultes, et d'autres encore plus avancées en âge, ce physiolo-
giste trouva que la perte diurne proportionnelle était :
de 81 millièmes chez les premières,
de 59 millièmes chez les secondes,
et de 35 millièmes seulement chez les dernières.
Or les premières, c'est-à-dire les plus jeunes, sont mortes de
faim au bout de trois jours ; les secondes ont vécu sans aliments
pendant six jours, et les plus âgées ont résisté aux effets mortels
de l'inanition pendant treize jours. 11 est vrai que dans ce cas
la perte intégrale a été beaucoup plus forte chez les individus
les plus âgés, mais cette cause de différence, dépendant peut-
être de la proportion de graisse accumulée préalablement dans
leur corps, ne suffirait pas pour rendre compte des différences
observées ; et l'inégalité |dans la durée de la vie alimentée uni-
quement par la substance de l'Animal dépendait évidemment
en majeure partie delà grande inégahté que la balance a révélée
dans la dépense physiologique (1). Nous savons, d'ailleurs,
(1) Il est à regretter que l'âge des jours, vit la mort arriver après qua-
Tourterelles employées par Chossat rante-huit heures d'abstinence, tandis
n'ait pas pu être constaté direclement que des individus âgés de plus de six
et n'ait été évalué que par les diffé- ans résistèrent encore après plus de
rences dans leurs poids (a). trente jours de diète absolue ; d'autres
Des faits du même ordre ont été Chiens déjà grands, mais plus jeunes
constatés sur des Chiens par Magen- que ces derniers, ont vécu sept, chx,
die. Ce physiologiste, en expérimen- onze, quinze et vingt jours sans ali-
tant sur des Animaux âgés de quatre ments (6). Des expériences analogues
(a) Chossat, Op. cit., p. iQQ.
(6) Magendie, Rapport fait à l'Académie des sciences au nom de la Commission dite de la
gélatine (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1841, t. XIII, p. 255).
160 NUTRITION.
que la combustion respiratoire est beaucoup plus active chez
l'enfant que chez l'adulte, et s'affaiblit considérablement chez
le vieillard. x\insi, nous avons vu que dans des conditions ana-
logues un enfant a consommé par jour une quantité de carbone
correspondant à 6 grammes pour chaque kilogramme du poids
intégral de son corps, tandis que chez un adulte cette consom-
mation diurne n'était, proportionnellement au poids total de
l'organisme, que de 3 grammes (1).
La grande diminution dans le travail de mutation nutritive
qui nous est démontrée par ces faits ressort également de
l'étude des produits delà sécrétion urinaire. Ainsi, M. Lecanu
a trouvé que la quantité moyenne d'urée excrétée en vingt-
quatre heures était d'environ 28 grammes pour les Hommes
adultes de vingt à quarante ans, et d'environ 13 grammes pour
des garçons de huit ans ; or le poids du corps augmente beau-
coup plus que dans le rapport de 1 à 2 à dater de ce dernier
âge. Enfin, le même chimiste a vu que la sécrétion diurne de
l'urée n'était plus que d'environ 8 grammes chez des vieillards ;
elle était par conséquent de beaucoup inférieure à ce qu'il avait
constaté chez les enfants de huit ans, malgré la différence en
sens inverse qui devait exister dans le poids total du corps (2).
ont été constatées par CoUard de Mar- valent. Je dois ajouter que le dosage
tigny dans ses expériences sur les de l'urée contenue dans l'urine d'en-
effets de l'abstinence chez les Lapins fants de trois ou quatre ans n'a pas
adultes et jeunes (a). donné des résultats en accord avec la
(1) Voyez tome II, page 566. marche générale des phénomènes in-
(2) 11 est à regretter que dans ses diqués ci-dessus ; car la quantité abso-
recherches sur la sécrétion journa- lue de ce produit excrémentitiel n'était
lière de l'urine, M. Lecanu n'ait tenu pas égale au tiers de celle fournie par
un compte exact ni du poids des indi- les urines d'enfants de huit ans, et la
vidus soumis à ses expériences, ni de différence dans le poids du corps est
la quaniité d'aliments qu'ils rece- loin d'être dans la même propor lion (6).
(a) CoUard de Martigny, Recherches expérimentales sur les effets de Vubstinence complète
(Journal de pliysiologie de Magendie, 1828, t. VIII, p. 1C3).
(b) Lecanu, Nouvelles recherches sur l'urine humaine (Ann. des sciences nat., 2» série, 1839,
t. XII, p. i06).
QUANTITÉ DES PRODUITS DR CR TRAVAIL. 161
Ces vues sont pleinement confirmées par les résultais obtenus
plus récemment à l'aide d'expériences dans lesquelles les pro-
portions entre le poids total de l'organisme et le rendement
journalier de l'appareil urinaire ont été détermiuées directe-
ment. Ainsi, dans les recherches de M. Scherer, la quantité
d'urée excrétée en vingt-quatre heures élait de 0^',81 par
kilogramme chez un jeune garçon de sept ans, et de 0^',62 chez
mi adulte de trente-huit ans. Dans une série d'expériences
analogues faites par M. Rummel, la décroissance des produits
urinaires à mesure que l'Homme avance en âge était encore
plus marquée. Ainsi, il y avait par kilogramme :
Gram.
1,08 chez un garçon de huit ans ;
0,62 chez un jeune homme de dix-huit ans ;
0,51 chez un homme de trente et un ans;
0,33 chez un vieillard de soixante-cinq ans.
Des difféi^ences du même ordre ont été constatées par
M.Bischoff(l).
§ 15. — La consommation des matières organiques dépen-
dant du mouvement nutritif diffère aussi suivant les sexes, et elle ''^ '^''^■
est beaucoup plus grande chez l'Homme que chez la Femme.
Nous avons déjà vu qu'à poids égal, le corps fournit beaucoup
plus d'acide carbonique chez les petites filles que chez les gar-
çons, et qu'à l'âge adulte, l'inégalité est encore ti^ès-grande,
quoique modifiée par diverses circonstances dépendantes des
fonctions de reproduction (2). La quantité des produits de la
combustion physiologique qui s'échappent de l'organisme par
les voies urinaires est également beaucoup moins considéi\ablc
chez la Femme que chez l'Homme (3).
(1) Voy. ci-dessus page 155, note. M. Lecanu, la quantité d'urée excré-
(2) Voyez tome II, page 565. tée en \ingt-quatre lieures était, en
(3) Ainsi , dans les expériences de moyenne, de '28 grammes pour les
Influence
Influence
du volume
du
corps.
Influence
de l'activilé
musculairei
162 NUTRITION.
§ 16. — Cependant, ainsi que je l'ai déjà dit, quand toutes
choses sont égales d'ailleurs, l'activité vitale est en général
plus grande chez les petits Animaux que chez ceux dont le
corps est plus volumineux, et, pour un même poids de matière
vivante, les premiers consomment plus d'oxygène et brûlent
plus de carbone que les seconds. Cette inégalité entraîne avec
elle des différences correspondantes dans la proportion des
produits excrémentitiels éliminés de l'organisme, et dans celle
des matières alimentaires nécessaires pour constituer la ration
d'entretien. En étudiant les phénomènes de la respiration, nous
en avons déjà eu des preuves (1), et lorsque nous nous occu-
perons de l'engraissement de nos Animaux de boucherie,
j'aurai à signaler d'autres faits du même ordre qui sont non
moins significatifs (2).
§ 17. — Dans une précédente Leçon, nous avons vu que le
développement de la force musculaire est accompagné d'une
Hommes adultes , et seulement de
19 grammes pour les Femmes {a).
Nous avons vu ci-dessus que les re-
cherches de M. Bisclîoff mettent encore
mieux cette différence en lumière.
Ainsi, dans le tableau qui représente les
résultats obtenus par ce physiologiste,
on trouve que pour 1 kilogramme du
poids total du corps il y avait journel-
lement :
Grnin;
0,35 d'urée chez un homme do quarante-
cinq ans ;
0,28 d'ure'e chez une femme de quarante-
trois ans (6).
M. Beigel a trouvé, pour 1 kilo-
gramme du poids total, entre 0^^,àl\ et
Qs^ôl chez l'Homme, et seulement de
Oe^Sg à 0e%/i7 chez la Femme. La
moyenne était pour l'Homme ii^^,kQ,
et pour la Femme 0S'',/i2 (c).
(1) Voyez tome II, page 515.
(2) En général, les Animaux de
petite taille supportent l'abstinence
moins bien que les grands. Ainsi l\edl,
qui fit beaucoup d'expériences sur les
effets de la faim, estima que les Rats
ne peuvent vivre plus de trois jom's
sans aliments, tandis que les Chiens
qu'il soumettait à une diète absolue,
ne mouraient de faim que vers le
trente-quatrième ou même le trente-
sixième jour (cZ).
(a) Lecanu, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 2« série, t. XII, p. 106).
(6) Bischoff, Der llarnstoff als Maass des Stoffivechsels , p. 25.
(c) Beigel, Op. cit. (Nova Acta Acad. nat. ciirios., 1855, t. XVII, p. 500 et 501).
(d) Redi, De Animalculis vivis quœ in corporibus Animalium vivorum reperiuntur observa-
liones {Opiiscitlorum pars lertia, p. 1838, édit. de Cosle, 1729).
QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 163
augmentation de la combustion respiratoire. En effet , nous
avons trouvé que chez les Insectes la quantité d'acide carbo-
nique exhalé, quand l'Animal fait des mouvements violents,
est dans certains cas vingt-sept fois plus considérable que
dans l'état de repos ; et que chez l'Homme, la différence,
quoique beaucoup moins grande, est encore très-notable : car,
dans les expériences de Séguin, un Homme au repos n'a con-
sommé que 300 pouces cubes d'oxygène, tandis que dans le
même espace de temps il en employait 800 pouces cubes,
lorsqu'il faisait des efforts musculaires intenses (1). Tout
récemment , de nouvelles recherches ont été faites sur ce
sujet par M. Smith, et elles mettent encore mieux en évidence
l'influence de l'action musculaire sur la combustion respira-
toire. En effet, ce physiologiste estime qu'en vingt -quatre
heures la quantité d'acide carbonique qu'il exhalait par les pou-
mons était, en moyenne :
28,8 onces (ou environ 815 grammes) pendant un repos complet ;
33,43 (ou 948 grammes) quand il marchait et agissait de la manière ordinaire ;
45,7 (ou 1293 grammes) quand il effectuait un travail musculaire considé-
rable (2).
Le rendement de la sécrétion urinaire est également aug-
(1) Voyez tome II, page 531. carbonique exhalée par minute était
(2) Les recherches de M. E. Smith de 18,1 grains (ou lg%16) quand il
furent faites à l'aide d'un appareil marchait à raison de 2 milles par
qui, sans gêner la respiration, per- heure , et s'élevait à 25,83 grains
mettait de recueilhr et de doser la quand il accélérait le pas de façon
quantité totale de vapeur d'eau et à faire 3 milles (ou près de 3 kilo-
d'acide carbonique qui s'échappaient mètres ) par heure ; puis , quand il
des poumons, ainsi que d'évaluer le était assis, la quantité du même gaz
volume de l'air qui passait dans ces était d'environ 10 grains (Og%65);
organes. enfin, lorsque étant couché, il était
Dans une de ses expériences faites sous l'influence du sommeil, la quan-
sur un Homme qui pesait 86\8, et tité correspondante tombait au-des-
qui portait un appareil spirométrique gous de 5 grains ou 0s%32 (a).
pesant 3'', 400, la quantité d'acide
(a) E. Smith, Expérimental Inquiries into the Chemicnl and other Phenomena of Respiration
(Philos. Trans., 1859, p. 693).
164 NUTRITION.
mente par l'exercice musculaire. Ainsi, dans des expériences
faites par M. Beigel, un Homme bien nourri, qui, en vingt-
quatre heures n'excrétait que liQ grammes d'urée quand il
était au repos, en fournissait 52=', 32 lorsqu'il faisait beaucoup
d'exercice (1). Il paraîtrait aussi que ce genre d'activité phy-
siologique tend à augmenter la puissance comburante de l'or-
ganisme, et à rendre plus complète l'oxydation des matières
brûlées dans le travail nutritif; car M. Hammond a trouvé que,
sous l'influence de l'exercice musculaire, la proportion d'acide
urique diminue dans l'urine, tandis que celle de l'urée aug-
mente (2).
(1) Lorsque la nourriture était in-
suffisante, la différence déterminée par
l'état de repos ou d'activité muscu-
laire n'était que dans le rapport de 31
à 33 (a).
Dans des expériences comparatives
faites sur des Chiens qui recevaient la
même ration, mais qui étaient tantôt
au repos, d'autres fois astreints à un
travail musculaire fatigant, M. Voit a
vu la quantité d'urée différer dans la
proportion de 109^'", 8 à 11^^%!, et
même 117e%2 (6).
(2) Voici les résultats obtenus par
ce physiologiste en expérimentant sur
le même individu :
POIDS
DE L'URÉE.
POIDS
DE l'acide urique.
487 grains.
G82
864,9
24,8
13,7
8,2
Se livrant à un travail musculaire modéré. .
Travail musculaire très-considérablo
Le même auteur a vu apparaître de
l'urée dans l'urine d'un Boa qui était
dans un état d'excitation, tandis que
dans les circonstances ordinaires ce
produit n'en contenait pas (c).
M. Bergholz a constaté que l'acti-
vité musculaire des membres infé-
rieurs est accompagnée d'une augmen-
tation plus grande dans la production
des matières urinaires que ne le sont
les mouvements exécutés parles mem-
bres thoraciques [d) ; et cette différence
(a) Beigel, Op. cit. {Nova Acta Acad. iiat. curios., 1855, t. XVII).
[h) Voit, Untersiiclmnoen ûber den Einflvss des KochsaJzes, des Koffees und der ifuskelbeive-
gunyen au f den Stofwechsel. Munich, 1860.
(c) Hammond, Un the Relations existing between Urea and Uric Acid {The American Journal
of Médical Science, 1855, t. XXIX, p. 119).
{d) Bergholz, Veber die ïiarnmenge bci Letuegwig der unieren und oberen Eœtremitâten
{Archiv filr Anat. imd Physiol., 1801, p. 131J.
QUANTITÉ DES PllODUlTS DE CE TllWAIL. 165
D'après les tails que nous venons de passer en revue, nous conscamnces
^ . , . I relatives
pouvons prévoir que lorsqu'on veut appliquer speeialement la à l'cngraissc-
' 1 • ^ i> ment.
matière alimentaire au développement des tissus et a 1 aecuuui-
lation de la graisse, il faut éviter tout déploiement de forée mus-
culaire, et, autant que cela est compatible avec l'entretien de la
santé, maintenir l'organisme dans un état de repos profond,
car la matière combustible qui serait détruite pour produire
le mouvement serait perdue pour l'objet que l'on se pro-
pose. La pratique a depuis longtemps conduit les agronomes
à reconnaître cette règle de zootechnie , et lorsqu'ils veulent
déterminer une obésité rapide, ils condamnent à une inaction
aussi complète que possible les sujets sur lesquels ils opèrent.
§ 18. — Le régime exerce une influence plus grande sur la influence
^ du régime.
quantité des matières excrémentitielles expulsées de 1 organisme
par les voies urinaires. Chossat publia en 1825 une longue série
d'expériences intéressantes sur ce sujet, mais il ne détermina
pas directement le poids des divers produits de la sécrétion
rénale, et c'est dans ces dernières années seulement que des
recherches à ce sujet ont été faites avec toute la précision dési-
rable. Néanmoins les expériences de Chossat montrent claire-
ment que la quantité de ces substances urinaires croît avec la
quantité des alimenls, quand ceux-ci restent les mêmes, et qu'à
poids égaux d'aliments, elle augmente à mesure que le régime
devient plus riche en matières azotées (1). Plus récemment
pourrait bien dépendre d'une certaine Dans une seconde série d'expé-
gène que la contraction des muscles riences les aliments étaient les mêmes,
moteurs du bras détermine dans le mais leur poids était de 60 onces par
jeu de l'appareil respiratoire. jour, et la moyenne diurne de Fexcré-
(1) Dans une première série d'expé- tion urinaire s'éleva à 500 grains,
riences qui dura dix jours, la nourri- Sous l'influence d'un régime végéto-
ture consista principalement en paiii, albumineux, la sécrétion urinaire était
et le poids total des alimenls était en représentée par 339 grains quand la
moyenne de 39 onces par jour. La quantité des aliments était de 25 ou
moyenne diurne des matières urinaires 23 onces par jour, et par 513 à 568
était représentée par 390 grains. quand la même ration pesait 36 onces.
166 NUTRITION.
M. Lebmann, chimiste distingué de l'Allemagne, dont j'ai sou-
vent à citer les travaux, lit sur lui-même une série d'expériences
dont les résultats sont encore plus significatifs, comme on peut
s'en convaincre en jetant les yeux sur le tableau suivant, où se
trouvent réunies les moyennes obtenues par l'analyse des
urines évacuées en vingt-quatre heures, sous l'intluence de
divers régimes (1) :
RÉGIME.
TOTAL
des
MATIÈRES FIXES.
URÉE.
ACIDE
URIQDE.
MATIÈRES
EXTRACTIVES
ET SELS,
Non azoté
Aliments végétaux. .
Aliments mixtes. . .
Régime animal . . .
Gram.
/il, 63
59,2/1
67,82
87,/i/i
Gram.
15,/|08
22,/i81
32,/i96
53,198
Gram.
0,735
1,021
1,183
l,/l78
Gram.
17,139
19,312
12,7/|6
7,31/1
M. Beigel a profité d'un mode de traitement adopté dans
Enfin, lorsque le régime était essen- aliments, Chossat trouva que pour un
tiellement animal , les produits uri- même poids d'aliments secs, la sécré-
naires s'élevèrent dans la proportion don urinaire était représentée par :
de 339 à 53/i, quand le poids des ali-
ments fut porté de 23 à 30 onces par ^^ ^ ^^ s^^'''"^ ''''^ ^^ '^^'"^' P^''^»'-^^-
73 ffrains avec le réeime albumiiieux.
jour.
Pour un même poids de matières La diflférence était donc à peu près
alimentaires (l once), la quantité de ma- dans le rapport de 1 à /i.
tière urinaire, évaluée comme dans les je dois ajouter que le facteur va-
expériences précédentes, varia dans niable dont Chossat se sert pour é va-
les proportions suivantes : luer la sécrétion urinaire est le produit
Gram. ^^ 1* multipHcation du volume de
Régime panaire 9,9 l'urine par la pesanteur spécifique de
Régime '«'égéio-aibumineux. . . 10,7 ^p liquide, et quc, pouf arriver à la
Régime alburaineux 13,6 connaissance de la quantité de ma-
Régimevégéio-fibrineux .... 14,2 ^.,^,^^ ^^j.^^^ excrétées, il admet que
Régime fibrineux 17,o „ , . * i.^. i-r
ce facteur doit être multiplié par un
Enfin, en tenant compte de la quan- facteur constant 3 (a).
tité d'eau contenue dans ces divers (1) Les aliments non azotés compo-
(o) Cbossat, Mêm, sur l'analyse des fonctions urinaires {Journal de physiologie de Magendie,
1825, t. V, p. 65).
QUANTITÉ DES PRODUITS DE CE TRAVAIL. 167
quelques hôpitaux de l'Allemagne, et appelé hungerkur, pour
faire des observations sur la quantité dfe matières urinaires
sécrétées journellement par l'Homme, sous l'intluence d'un
régime extrêmement sévère ; et en comparant les résultats ainsi
obtenus avec ceux fournis par un individu dont l'alimentation
était abondante et très riche en matières animales, il a vu que
la quantité d'urée était en moyenne de 18 à 23 grammes dans
le premier cas, et qu'elle s'élevait de /|.6 à 52 grammes dans le
second cas (1).
sant la ration dans la première série
d'expériences étaient de la graisse, de
Tamidon et du sucre. Les aliments vé-
gétaux composaient la seconde espèce
de ration.
M. Hauglîton (de Dublin) a fait éga-
lement un certain nombre d'expé-
riences relatives à l'Influence du ré-
gime sur la quantité d'urée excrétée en
vingt-quatre beures. Les principaux
résultats qu'il a obtenus sont résumés
dans les tableaux suivants (a) :
AGE DES INDIVIDUS.
POIDS
des corps.
QUANTITE
d'urine.
QUANTITE
d'urée.
ACIDE
uriqiie.
ACIDE
phosphorique.
Ans.
N» 1 37
N" 2 35
N° 3 19
N° 4 39
N° 5 40
N» 6 40
N» 1 63
N* 2 22
N" 3 31
N» 4 22
N* 5 31
Livres.
126
126
126
174
189
145
173
132
146
146
146
Régime animal.
Onces
34
62
52
50
45
41
Régime végétal.
Grains.
Gialns.
465,09
1,02
677,25
11,88
644,62
1,04
554,10
7,40
630,00
5,29
484,30
0,71
70
81
45
56
43
367,50
578,81
315,00
366,12
342,55
0,50
0,71
1,69(6)
2,48
2,03 (6)
Grains.
47,14
43,28
40,78
38,10
23,72
29,43
30,00
32,47
22,78
27,54
20,70
(1) Le hungerkur, ou traitement
par la faim, est quelquefois employé
dans les cas d'affections sypbilitiques ;
le malade ne reçoit qu'un quart de
ration, composé de soupe, de pain et
de tisane sudorifique (c).
(a) S. Hauglîton, On the Natural Contents of the Healthy Urine of Man (The Dublin quai'-
lerly Journal of Médical Science , 1859, t. XXVIII, p. 5 et 6).
(6) Dans ces deu.K cas l'acide urique était mêlé à de l'acide hippurique,
(c) Beigelt Op. cit. {NovaActa Acad. nati curios>, 1855, t. XVII, p. 527).
168 NUTRITION.
Je pourrais citer également ici des recherches semblables à
celles de M. Lehmann, qui ont été laites par plusieurs physiolo-
gistes, et qui ont fourni des resultats analogues ; mais je préfère
passer tout de suite à l'examen des faits obtenus par l'expéri-
mentation sur les Animaux, car, dans ce cas, on peut intro-
duire des différences plus grandes dans le régime et le mieux
réglementer. On doit à MM. Bidder et Schmidt un travail très-
remarquable sur ce sujet. Ces physiologistes ont opéré sur nn
Chat (1), et ils ont évalué de la manière suivante, pour vingt-
quatre heures, les principaux produits dont l'excrétion peut
être considérée comme donnant la mesure des transmutations
de matière dont l'organisme est le siège dans diverses condi-
tions de régime.
PRIVATION
d'alitnenis
solides ;
eau
à discrétion.
NOURRITURE
ordinaire
sans eau.
NOURRITURE
ordinaire
avec eau.
ALIMENTATION
la plus
abondante
possible,
et eau
à discrétion.
Excrétion pulmonaire.
Acide carbonique .
Eau
16,30
15,G0
21,32
17,08
?0,32
15,36
Excrétion urinaire et fécale.
Eau
Urée
Substances inorganiques.
Soufre
Acide phosphorique . . .
55,Zi7
1,237
0,225
0,0/1 1
0,071
23,i9
3,050
0,461
0,090
0,178
50,59
2,958
0,/|/il
0,0«6
3/1,88
1/1,70
67,72
5,152
0,760
0,l/i0
L'accroissement de la combustion physiologique dépendante
(1) Dans CCS expériences, l'Animal de régime, qui furent maintenues pen-
fut placé , autant que possible, dans les dant plusieurs semaines consécu-
mOmcs conditions, sauf les différences tives (a).
(«) Bidder et Sclnnidt, Die Verdaimngssafle und der Sto/fwechsel, 1852, p. 345,
RATION d'entretien DE l'jIOMMK. 103
de riiitroduclioii d'aliinciils (laiis l'économie niiimale est éga-
lement indiquée par les dilTércnces f|iie l'on observe dans les
(ILianlités d'acide carbonique exbalécs en un temps donn;''. Je ne
l'eviendrai pas ici sur les preuves que j'en ai déjà fournies dans
uFie des premières Leçons de ce cours (l), et je me bornerai à /
ajouter que dans les expériences récenles sur la respiration de
l'bomme, par M. Smith, des fails du môme ordre ont été
constatés (2).
§ 19. — En résumé, nous voyons que les matières excré- ncsumé.
mentilielles provenant, soit de la décomposition des matériaux
constitutifs de l'organisme, soit des substances alimeniaires oti
des composés auxquels celles-ci donnent naissaiice [)ar leur
association à l'oxygène que la respiration introduit dans le lluidc
nourricier, s'échappent de l'économie animale, sous diverses
formes, par trois voies principales : la surface respiratoire,
l'appareil urinaire et l'intestin; que les perles effectuées de la
sorte varient suivant les espèces, les iridividus et les condi-
tions biologiques dans lesquelles ceux-ci se trouvent, mais
qu'on peut établir en principe général que toujours elles sont
dans un certain rapport avec le degré d'activité vitale déployé
par l'Animal. Enfin, que tout être vivant, pour rester dans son
état normal, doit s'approprier chacun des éléments chimiques
dont son corps se compose en quantités égales à celles de ces
mêmes matières (ju'il expulse de son organisme.
Pour connaître quels sont les besoins nutritifs de l'Homme Évauiaiion
. , des besoins
OU d un Anmial quelconque dont la croissance est termmec et de rnomaie.
(1) Voyez lome II, page 539. fluencc d'un régime ordinaire, et à
(^2) SM. Smith, en expérimentant sur 2i,7/!i cette même quantité pendant
Ini-mème, fut conduit à évaluer en une abstinence presque complète pro-
moyenne à 33,97 onces la quantité longée pendant plus de vingt-quatre
d'acide carbonique exhalée sons l'in- heures (a).
{a) Siiiilli, On ihe Chemical and ollicr l'Iieiioinciia of Iksplration {Pliilûs. Traiis , iEÔ'J.
p. (303 et 090).
viii. 1 2
nutritive.
170 NUTRITION.
dont le poids reste stationnairc, il sutTit donc de connaître sa
dépense physiologique, c'est-à-dire la quantité de chacun de ses
cléments constitutifs qu'il perd en vingt-quatre heures, et de
connaître la forme sous laquelle ces mêmes éléments doivent
se trouver associés dans sa ration quotidienne pour qu'il puisse
les utiliser.
Dépense Or, nous avons vu dans les précédentes Leçons que cette
dépense physiologique consiste principalement en carbone et en
azote. Nous avons constaté aussi qu'en général, chez un Homme
de taille ordinaire, l'exhalation pulmonaire verse journellement
dans l'atmosphère environ 7G0 grammes d'acide carbonique,
quantité qui contient 207 grammes de carbone (i). D'autre
part, on sait qu'en France la taille de l'Homme est en général
peu élevée, et que le poids moyen de son corps peut être
estimé à environ 64 kilogrammes. Par conséquent, il perd
de la sorte, en vingt-quatre heures, à peu près 7— ^ de son
poids, ou, en d'autres mots, pour chatjue kilogramme de son
poids physiologique, il emploie environ â^%25 de carbone pour
alimenter le travail excrétoire dont ses poumons sont le
siège. Mais pour un Homme de grande taille, cette consom-
mation de carbone serait plus considérable, et elle s'élèverait
aussi si l'individu faisait un grand déploiement de force mus-
culaire (2).
(1) Voyez tome II, page 506 et sui- Pétai de repos, et 8^63 onces, c'est-à-
Vantes. dire 2Zi5 grammes, quand ils se li-
(2) Cette évaluation, qu'on iie doit vraient à un exercice modéré ; enfin
considérer que comme une approxi- il,7 onces, ou 331 grammes, quand le
mation, concorde très-bien avec les travail musculaire était très-considé-
résultats fournis par les recherches rable. On peut donc considérer l'exha-
récentes de M. Smith. Ce pliysiolo- lation de 2/i5 grammes de carbone par
giste a trouvé que les quatre Hommes jour, comme représentant l'état nor-
sur lesquels il expérimenta devaient mal de ces individus ; et si l'on tient
exhaler par les poumons, en vingt- compte du poids du corps de ces per-
quatre heures, terme moyen, l,\[\li sonnes, on voit que, pour xme même
onces, ou 203 grammes de carbone, à quantité de matière vivante, lacombus-
RATION d'eNTKETIEN DE l'hOMME. 171
En établissant ce compte des dépenses de l'organisme, nous
ne devons pas oublier que l'appareil respiratoire n'est pas la
seule voie par laquelle le carbone est expulsé de l'économie, et
qu'il s'en trouve aussi dans les urines, ainsi que dans les pro-
duits sécrétés par l'appareil digestif, et évacués avec le résidu
local laissé parles aliments. Or, nous savons que, terme moyen,
l'Homme excrète, en vingt-quatre heures, environ 28 grammes
d'urée (1), et que l'urée, dont la composition est représentée par
la formule C^H*Az'"0-, contient 1/5" de son poids de carbone.
L'organisme dépense donc journellement, sous la forme d'urée,
environ 5^', 6 de ce dernier élément, et si l'on tient compte du
carbone contenu dans les autres produits organiques sécrétés
par les reins, matière dont le poids s'élève à environ 2 grammes
par jour, et dont la composition ne s'éloigne que peu de celle
de l'urée, on arrivera à un total d'environ 6 grammes, comme
représentant les pertes en carbone attribuables à l'excrétion
urinaire.
La quantité de matières organiques provenant de la bile,
des sucs intestinaux, et des autres produits que l'organisme
verse dans le tube digestif et évacue sous la forme de fèces, est
peu considérable ; elle ne s'élève pas à plus de 25 ou 30 gram-
mes (2), et ne renferme qu'environ 15 grammes de carbone.
Par conséquent, en faisant la somme de la dépense physiolo-
gique, on trouve que la quantité de carbone excrétée journel-
lement est en moyenne d'environ 230 grammes (3).
lion physiologique ne devait être que giqucs ordinaires, ces individus exlia-
peu différente de ce qui a été admis ci- laient donc par kilogramme du poids
dessus. En effet, les Hommes en ques- du corps Ss^i de carbone (a),
lion étaient de grande taille, et le poids (1) Voyez tome VII, page ôlà.
moyen de leur corps s'élevait à T2 ki- (2) Voyez tome VII, page 1 58, note,
logrammes ; dans les conditions biolo- (3) Ces évaluations se rapprochent
(a) SiiiUli, Oit Ihc Chemical and other Phenomcna cf Respiratmi {Philos. Traits. i 1850,
p. 093).
172 NUTunioK.
La déperdilioii d'azolc, comme je Vu'i déji'i dif, n lieu princi-
palement par les voies urinaires. Pour ! gramme de carbone,
l'urée contient S'', 33 de cet élément, et par conséquent les
28- grammes d'urée excrétés journellement emportent de
l'organisme environ il'\S d'azote, quantité qu'il faut élever
à environ 19 grammes, si l'on veut y comprendre l'azote des
autres matières urinaires. Les évacuations alvines entraînent
au dehors environ 2 grammes d'azote par jour (i), et par
conséquent la dépense totale de l'organisme peut être évaluée à
environ 21 grammes d'azote en vingt- quatre heures.
D'après ces données, nous pouvons prévoir que, dans les
circonstances ordinaires, l'Homme doit trouver dans sa ration
quotidienne au moins 230 grammes de carbone et 21 grammes
d'azote assimilables ; que si ses alimenls ne lui fournissent pas
sous une forme utilisable ce poids d'azote et de carbone, il
vivra en partie aux dépens de sa propre substance, et le poids
de son corps diminuera proportionnément au déficit nutritif.
Si, au contraire, sa ration contient une quantité plus grande de
ces mêmes éléments, le surplus sera excrété sous la forme de
fèces, ou bien sera consommé physiologiquement, et détermi-
nera, soit un accroissement dans l'activilé de la combustion
nutritive et une augmentation proportionnelle dans les produits
excrétés par les voies respiratoires et urinaires, soit une accu-
mulation de graisse ou d'autres matières organiques dans l'in-
beaucoup des résultats obtenus par Dans une seconde série d'expé-
M. Barrai dans une série d'expériences riences faites pendant Tété, le poids
faites sur lui-même pendant l'biver. des fèces, au lieu d'être en moyenne
L'analyse des fèces donna par jour : de 29 grammes par jour, s'est trouvé
réduit ;"i 17 grammes, et par consé-
quent ces matières ne renfermaient
^y^ote." 2,8 qu'environ 9 grammes de carbone (a).
Oxygène 8,8 (l) Voyez tome Vil, page 586.
Carbone 15,3
Hyrlrogcne 2,5
(o) DaiTjl, Slulme chimique des AiiimauX: p. 218 ctsuiv.
RATION d'entretien DE l'hOMME. 173
térieur de l'économie, et une augmentation correspondante du
poids du corps.
§ 20. — r Les résultats fournis par la pralique et par l'expé- ,.'^*JJ°,"g^
rience sont en parfait accord avec les déductions théoriques que ^^ l'Homrae.
je viens de présenter; mais, pour en bien apprécier la portée,
il faut tenir compte des circonstances biologiques qui influent
le plus sur l'activité du travail nulritif, et par conséquent aussi
sur l'étendue des besoins. Or, parmi ces circonstances, il faut
ranger en première ligne la quantité de travail musculaire
effectuée par les Hommes dont on étudie le mode d 'alimenta-
tion, leur taille et leur âge.
Des recherches expérimentales très-intéressantes ont été
faites, il y a quelques années, par M. Barrai, sur la composi-
tion chimique de la ration alimentaire d'un Homme adulte dont
le genre de vie n'entraînait aucune dépense considérable de •
force musculaire.
Dans une série d'observations , les ahments consommés
chaque jour contenaient en moyenne environ :
21 grammes d'azote,
26/is%8 de carbone.
Dans une seconde série d'observations, M. Barrai trouva :
27E',9 d'azoïe,
366 grammes de carbone.
La moyenne générale donna pour la consommation ordi-
naire :
2!ig'',7 d'azote,
olti grammes de carbone.
Enfin, la comparaison de ces quantités avec le poids du
corps montra que pour chaque kilogramme de ce poids l'orga-
nisme avait reçu journellement, sous la forme d'aliments :
/lû centigrammes d'azote
et ijs'',9 (le carI)one.
■Mil NUTRITION,
Ces résuKals, comme on le voit, ne s'éloignent que très-peu
des évaluations que la théorie nous avait conduit à adopter,
savoir , pour la ration d'entretien d'un Homme , terme
moyen :
21 grammes d'azoïe
et 230 grammes de carbone (1).
Un accord non moins remarquable existe entre ces évalua-
tions et les données statistiques fournies par une enquête almi-
nistrative faite, il y a dix ans, en Ecosse, sur le régime des
prisonniers. Il s'agissait de constater si la ration des détenus,
dans des conditions de la plus stricte économie, était ou non
suffisante pour subvenir aux besoins physiologiques ; et afin de
(1) Dans ses reclierches sur la sta-
tique chimique du corps humain ,
M. Barrai détermina le poids et la com-
position élémentaire des diverses ma-
tières alimentaires dont les personnes
soumises à ses investigations firent
usage ; chaque série d'expériences
dura cinq jours, et les résultats obte-
nus servirent de terme de comparaison
pour l'étude des matières excrétées de
l'organisme. La première série d'expé-
riences, portant sur un homme âgé de
vingt-neuf ans et pesant Z|7'S7, fut
faite en hiver ; la seconde, faite sur la
même personne, eut lieu en été ; la
troisième porta sur un Homme âgé de
cinquante-neuf ans et pesant 58'', 7;
enfin la quatrième fut pratiquée sur
une femme âgée de trente-deux ans et
pesant 62 kilogr. Pour le moment,
je laisse de côté une autre série d'ex-
périences faites sur un enfant.
Le tableau suivant résume les prin-
cipaux faits constatés relatifs à la
composition des aliments consommés
chaque jour, terme moyen :
MATIÈRE ORGANIQUE SÈCHE,
MATIÈRES
MINÉRALES
fixes.
EAU.
CARBONE.
AZOTE.
Gram.
NM 717
31,2
20,1
31,2
23,5
1998, G
1842,4
900,2
1737,4
306,2
2G4,9
331,8
292,7
27,9
21 2
27,'3
22,4
N» 2 520
N» 3 073
^° 4 573
Moycnno çôn^rale. . G21
20,5
1894,0
313,8
24,7 (a)
(a) Barrai, Statique chimique des Animaiix, p. 240 il siiiv.
RATION d'entretien DE l'iIOMME. 175
résoudre cette question, on tint compte du poids de chaque indi-
vidu à son entrée dans la prison et à sa sortie, ainsi que de la
quantité des divers aliments qui lui étaient alloués chaque jour.
Les documents recueillis de la sorte par un des professeurs les
plus distingués de l'école médicale d'Edimbourg, M. Christison,
ne nous permettent pas de calculer avec précision la quantité
de matières combustibles et assinuhibles dont se composaient
ces rations; mais on en peut juger d'une manière approxima-
tive, et je ne m'éloignerai certainement que peu de la vérité en
estimant à 17 grammes d'azote et 212 grammes de carbone
le poids de ces deux principes essentiels fournis chaque jour,
sous la forme d'aliments, à chacun des détenus dans la princi-
pale prison de l'Ecosse (1). Ces quantités sont un peu inférieures
(1) Cette enquête eut lien, par ordre
du conseil général des prisons, dans
toutes les principales villes de l'Ecosse ;
mais malheureusement les aliments ne
furent pesés qu'à l'état humide, et c'est
seulement par une approximation in-
directe que M. Chrisiison a pu évaluer
la quantité des matières nutritives,
NOAIS
des
VILLES.
Edimbourg
Glasgow. .
Aberdeen .
Sterling. .
Ayr. . . .
Dundee . .
Penh. . .
RATION
évaluée en onces.
Aliments
azotés.
4,05
4,0G
3,98
4,27
4,17
2,73
2,68
Aliments
non azotés.
d2,87
12,58
13,03
13,40
13,20
14,06
14,11
.soit azotées, soit non azotées, dont
chaque ration réglementaire se com-
posait. C'est donc seulement d'une
manière encore moins rigoureuse que
l'on peut estimer les quantités de car-
bone et d'azote contenues dans ces
rations. Voici, du resie, les principaux
faits signalés par ce physiologiste.
PROPORTION
des individus sur 100
dont le poids fut
maintenu
ou auirnienté.
82,0
07,0
68,0
29,0
50,0
46,0
diminué.
18,0
32,0
32,0
71,0
50,0
54,0
PERTE
MOYENNE
des individus
dont
la ration
était
insuflisante.
1,5
4,0
4,2
5,0
5,25
3,2
La ration des détenus à Edimbourg Glasgow, où le régime était à peu de
suffisait, comme on le voit, à 72 indi- chose près le même , l'alimentation
vidus sur 100 ; mais dans la prison de é[ait insuffisante ponr environ le tiers
176 NUTRITION.
fi celles que je viens de présenter comme devant, en général,
entrer dans la ration d'entretien d'un Homme. Or, elles étaient
insuCtisantes pour répondre aux besoins physiologiques d'un
nombre considérable de détenus. Le séjour des prisonniers
dans cette maison de détention n'était pas long, et cependant
chez 18 individus sur 100 le poids du corps diminua notable-
ment sous l'influence de ce régime.
Il est aussi à noter que, d'après les calculs de M. Liebig,
la ration alimentaire fournie aux détenus de la maison d'arrêt
de Giessen contiendrait environ 265 grammes de carbone,
quantité qui ne dépasse que de très-peu nos évaluations théo-
riques (1).
La nourriture fourme à nos soldats suffit à presque tous ces
Hommes, et doit même être considérée comme surabondante
pour un grand nombre d'entre eux, car on sait que souvent ils
vendent ou donnent aux indigents une portion de leur pain de
munition. Or, nous voyons par les calculs de M. Dumas que
de la population ; et cependant, dans 1 i livre de pain, conlenant 14,5 lolhs (6) do
l'un et l'autre de ces établissements, carbone.
le déficit, calculé d'après les vues ^ ^''"' ^' ^""I'^' «°""^"^"' ^' '""'^ ^' ''"
bone.
livre de pommes de terre, contenant 2 lolhs de
carbone.
théoriques exposées ci-dessus, n'avait
été en moyenne que d'environ h gram.
d'azote et de 18 grammes de carbone. ^otal : 1 7 lollis, ou 265 grammes de carbone.
Dans les prisons où la ration était plus
faible, elle devenait insuffisante pour Le même chimiste évahie à 297
l'entretien du poids initial de l'orga- grammes par individu la quantité de
nisme pour la moitié ou même pour carbone contenue dans les aliiuenîs
les trois quarts des individus (a). consommés journellement par chaque
(1) M. Liebig nous apprend que individu dans une famille particulière
dans celte prison les détenus ne sont q„i ^e composait de cinq adultes et de
astreints à aucun travail fatigant, et t,.Qig enfants (c).
reçoivent, tenue moyen, par jour :
(a) Christison, An Aecotint ofsome Experiments on the Diet of Prisoners [The MonthUj Journal
of Médical Science, 1852, t. XIV, p. 415).
{bj Le lolli correspond à i 5si",r).
(f) LiL'lii.;r, C/iinu/ onjaniqne appllqui'e à la phnsiolodie aniinilc, Irad. pn- GcrbarJl, ^842,
p. 39 et :i03.
RATION d'entretien DE l'hOMME. 177
dans l'armée française les cavaliers, c'est-H-t1ire des Hommes
qui ont Ions une taille bien au-dessus de la moyenne, trouvent
dans leur ration journalière entre '22 et :23 grammes d'azote
associés à 330 grammes de carbone (1).
Chacun sait que l'état de repos ou d'activité musculaire indue
beaucoup sur la quantité d'aliments qui est nécessaire pour
satisfaire à nos besoins ou pour soutenir les forces de nos fconsommation
' _ _ alimentaire.
Animaux de travail. Le dicton populaire : « Qui dort dîne »,
est sans doute une grande exagération, mais montre que depuis
longtemps on a généralement reconnu l'existence de rapports
étroits entre la dépense nutritive et le déploiement de la force
Influence
de l'activitd
musculaire
sur la
(1) M. Dumas nous apprend que la
ration de ces soldats se compose de :
125 grammes de viande fraîche , contenant
70 grammes de matières azotées
supposées sèches.
1066 grammes de pain, dont 750 grammes de
pain de munition et 516 grammes de
pain blanc, le tout contenant 64 gram-
mes de matières azotées sèches et
596 grammes de matières non azo-
tées sèches.
200 grammes de légumincux, contenant 20
grammes de matières azotées sèches
et i 50 grammes de matières non
azotées.
125 grammes de carottes, choux, navets, etc.,
qui ne contiennent que des quantités
insignifiantes de matières nutritives.
Total : 154 grammes do matières azotées
sèches , contenant environ 22s'',5
d'azole.
746 grammes de matières alimentaires non
azotées, contenant environ 328 gram-
mes de carbone (a).
Gasparin, agronome irès-distingué,
qui a réuni beaucoup de documents
intéressants relatifs à l'alimentation de
l'Homme et des Animaux, donne une
évaluation un peu plus élevée de la
ration des soldais français. Suivant cet
auteur, chaque Homme reçoit jour-
nellement :
750 grammes de pain de munition, contenant
9s',15 d'azote et 282 grammes de car-
bone et d'hydrogène.
516 grammes de pain blanc, contenant 6,45
d'azote et 193 grammes de carbone et
d'hydrogène.
125 grammes de viande, contenant 3,02 d'a-
zote et 18 grammes de carbone et d'hy-
drogène.
150 grammes de haricots, contenant 5,70 d'a-
zote et 80 grammes de carbone et
d'hydrogène.
500 grammes de pommes de terre, contenant
1,80 d'azole et 77 grammes de carbone
et d'hydrogène.
Total : 2041 grammes d'aliments, contenant
■49d'',8 de matières grasses, et fournis-
sant 26sr,12 d'azole et 650 grammes
de carbone et d'hydrogène.
Le même aulour donne, d'après des
(a) Diim^s, Traité de clnmie appliquée aux arts, 1840, l. Vill, p. 40G.
178 NUTRITION.
physique. Il est d'observalion journalière que la ration dont
un Cheval peut se contenter, lorsqu'il reste à l'écurie, ne
saurait lui suffire quand il agit, et que la quantité d'ahmenis
dont il a besoin auguienle avec la quantité de travail mécanique
qu'il effectue. Ainsi, les agronomes estiment que, pour consti-
tuer la ration d'entretien d'un de ces Animaux lorsqu'il est
au repos, il suffit d'une quantité d'aliments contenant, pour
100 kilogrammes du poids du corps, 20 grammes d'azote et
[\i''2 grammes de carbone; mais que, pour le Cheval qui tra-
vaille, il faut augmenter cette ration dans la proportion d'envi-
ron Sk milligrammes d'azote par tonneau mètre, c'est-à-dire
1000 kilogrammes de force déployée (1).
documents officiels, le tableau suivant
de la ration des ouvriers de la marine
de l'État :
750 grammes de pain ilc miiiiilion, contenant
9s'',l 5 d'azote et 28ïî g'raniuies de car-
bone et d'Iiydrogèiie.
250 grammes de viande, contenant G, 04 d'a-
2ote et 36 grammes de cnibone cl
d'hydrogène.
00 granmies de fromage, contenant 3,~\ d'a-
zote et 48 grammes de carijuno et
d'hydrogèr.e.
120 grammes de haricots secs, contenant 4,50
d'azote et 04 grammes de carbone et
d'hydrogène.
CO grammes de riz, contenant 0,72 d'azote
et 34 grammes de caibone et d'hydro-
gène.
Total : 24si',i8 d'azote et 464 grammes de
carbone et d'hydrogène (fl).
En Angleterre, les soldats reçoivent
journellement 1530 grammes d'ali-
ments contenant environ 285 grammes
de carbone, dont le quart à peu près
provient de substances azotées (6).
Enlin , d'après les évaluations de
i\!. Liebig, les soldats hessois reçoivent
journcllcmeni une ration contenant
27,8 lotbs , c'est - t"» - dire environ
/i35 grammes de carbone (c).
(1) D'après Gasparin, la ration d'un
Cheval du poids de liiG kilogrammes
doit cire équivalente, pour l'entretien
organique, ù 7'^,23 de foin, contenant
83»', 20 d'azote, et de plus, pom* le
travail que nécessite le labour ordi-
naire du sol pendant douze heures,
à 9'',69 de foin, contenant llis%/i7
d'azote : total, 16'", 92 de foin renfer-
mant une quantité da matières albu-
minoïdes correspondant à 19/is%75
d'azote. D'une manière générale, cet
auteur estime que, pour 100 kilogf.
du poids du corps, la ration alimen-
taire du Cheval qui travaille doit ren-
fermer 1x7 grammes d'azote à l'état de
(a) Gasparin, Cours d'agriculture, t. V, p 395.
{bj Playfair, On the Food of Man [Edinburgh new Philos. Journal, 1S54, t. LVI, p. 200),
(c) Liebig, Op. cil., p. 295.
RATION d'entretien DE l'ifommr. 179
La consommation de l'Homme est subordonnée aux mômes
causes de variations, et lorsque le travail forcé a été introduit
dans le régime de divers établissements pénitenciers, on n'a
pas tardé à reconnaître que la ration alimentaire qui avait suffi
aux détenus inactifs était insuffisante pour ceux dont les occu-
pations nécessitent un certain déploiement de force méca-
nique (1). Ainsi, dans une des prisons de l'Allemagne, dont
M. Liebig nous a fait connaître le régime, les détenus sont
astreints à un travail fatigant, et pour les nourrir on a trouvé
nécessaire de leur fournir journellement une ration contenant
03 grammes de carbone de plus que n'en renferment les aliments
consommés par les prisonniers de la maison d'arrêt de Giessen
où le travail n'est pas obligatoire (5). Divers documents sta-
tistiques réunis et discutés par Gasparin ont même conduit ce
savant agronome à penser que la différence entre la ration
d'entretien d'un Homme condamné au repos et la ration com-
plète d'un ouvrier effectuant un travail mécanique pénible,
celui du terrassier ou du batteur de blé par exemple, était plus
considérable quant aux aliments plastiques. En effet, il regarde
la ration d'entretien comme pouvant être réduite, dans le pre-
mier cas, à environ 12^', 5 d'azote et 26û de carbone, tandis
que dans le second cas il l'estime à 25 grammes d'azote et
,S00 grammes de carbone (3).
principes allDuminoïdes et une quan- sonnicrsde la maison pénitentiaire de
tité correspondante de carbone (a). ÎMarienschloss, où le travail est forcé,
(1) Dans la prison de Carliste, où les consomment par jour environ 323
détenus qui ne travaillent pas reçoi- grammes de carbone, tandis que pour
vent 13,6 onces d'aliments par jour, ceux de la maison d'arrêt de Gif^ssen,
on a trouvé qn'il fallait donner au qui sont privés de tout exercice, la
moins 15 onces à ceux qu étaient cm- ration alimentaire ne renferme que
ployés à des travaux de force (6). 265 grammes de carbone [c].
(2) M. Liebig a constaté que les pri- (3) Gasparin n'a pas donné les bases
(a) Gasparin, Cours d'agriculture, t. V, p. 401.
(6) Christison, 0/). cit. [The Monthlij Journal of Med. Science, 1852, I. XIV, p. 42G).
(c) Liebig, Chimie organique appliquée à la physiologie aninale, p. 39.
Influence
de r.'igo
sur I:i
consomninlion
aiiracnlairt'.
180 NUTRITION.
î^ 2i. — Nous avons vu précédemment que dans la vieillesse
la eombustion physiologique se ralentit. Par conséquent, la
quantité de conibuslihles organiques nécessaire pour alimenter
le travail nutritif doit être moins considérable que dans la force
de l'âge. Celte différence se manifeste dans les recherches faites
en Ecosse sur le régime des prisonniers (1), ainsi que dans les
expériences de M. Barrai. Ce chimiste trouva que la consom-
de ses calculs relatifs à rétablissement
de la raUon d'entretien de l'Homme au
repos, et il se borne à dire que ses
résultats sont déduits de beaucoup
d'observations recueillies dans des
couvents et des prisons (c). Pour
l'évaluation de la ration de travail, il
rapporte les comptes annuels de l'ali-
mentation des laboureurs dans divers
établissements agricoles, et de quel-
ques autres ouvriers. On peut résumer
de la manière suivante les principaux
résultats ainsi obtenus, relatifs à la
consommation journalière de ces ou-
vriers, dans dilîérentes parties de la
France :
AZOTE.
CARBONE ET HYDROGÈNE.
Cram.
24,3
24,7
27,4
20,2
Gnim.
723
591
971
945
Fermes du déparlement du Nord
Fermes du département de la Corrôze. . . ,
24,1
805
La cpiantité d'azote contenue dans
ces rations ne s'éloigne que peu ,
terme moyen, de ce que nous avons
considéré comme strictement sufBsant;
mais les aliments liydrocarbonés sont
beaucoup plus abondants que dans
nos évaluations théoriques.
(1) En comparant les effets d'une
alimentation uniforme chez des per-
sonnes dont les unes étaient âgées de
seize à vingt ans, et les autres de plus
de vingt ans, M. Christison a trouvé
qu'à Edimbourg la même ration était
insuflisante pour 31 sur 100 dans le
premier groupe , et seulement pour
2Zi individus sur 100 dans le second.
A Glasgow, la différence fut encore
plus considérable : soumis au même
régime, les Hommes âgés de plus de
vingt ans diminuèrent de poids dans
la proportion de 36 individus sur 100,
tandis que chez ceux âgés de seize
à vingt ans, cette proportion s'éleva à
53 pour ICO (6).
iii) Oasparin, C.oiii's d'ngricuUxire, t. V, p. 395.
\J)) CliiisliMMi, 0/1. rU. {The Monthln Joiirnnl nf Hetlkal Science, lfiJ2, I, \IV, p. 'i"22).
Influence
tlu sexe.
RATION d'iCNTRETIKN DE* l'iiOMME. 181
mation des aliinenls, évaluée cra[)n^s la (juaiililé de car!)OMe
con(eniic dans ces substances, élait en rnoyeniic, pour chaque
kilogramme du poids du corps, Qf^%6 chez un Homme de vingL-
neuf ans, et seulement de S"', 6 cliez un Homme de près de
soixante ans. Chez un enfimt de six ans, elle était dans la pro-
portion de plus de 10 grammes de carbone pour le même poids
physiologique (1).
D'après ce que nous savons relativement aux produits du
travail nutritif chez l'Homme et la Femme, nous devons nous
attendre à trouver que leur ration d'entretien n'est pas la môme ;
et eiïectivement chacun sait , par l'observation journalière ,
qu'en général une différence assez notable existe dans la quan-
tité d'aliments qu'ils consomment ('2).
§ 22. — L'étude des variations qui se manifestent dans la
production de la chaleur animale nous conduit à reconnaître la tempérauire.
aussi que, sous l'influence d'un froid modéré, les phénomènes
d'oxydation augmentent d'intensité (3), et par conséquent la
théorie aurait pu suffire encore pour nous faire penser qu'en
hiver la consommation alimentaire doit être plus grande qu'en
été. L'observation journalière prouve qu'effectivement il en est
Intliience
(1) Le petit garçon sur lequel
AI. Bnrral fit des observations pesait
15 kilogrammes, et consommait par
jom- en moyenne 315s'', 8 de matière
organique sèche, contenant 15li^%'o de
carbone et 7s'',92 d'azote.
La consommation d'eau était de
1,069, et les matières minérales fixes
contenues dans les aliments pesaient
environ 9°'',U (a).
(2) La différence dans les besoins
alimentaires, suivant les sexes, ressort
nettement des observations de Al. Chris-
tison sur le régime des prisonniers. A
Edimbourg, où la ration était la même
pour tous les détenus, elle fut trouvée
suflisante pour 90 Femmes sur 100 ;
tandis que pour les Hommes elle n'é-
tait suffisante que pour environ 73 in-
dividus sur 100. Dans la prison de
Glasgow la ration alimentaire était in-
suffisante pour 21,7 l^emmcs et pour
hi Hommes sur 100 (6).
(3) Voyez ci-dessus, page 87.
(a) lînmil, SUU'uiuc chhmqm des Animaux, |i. 'ioG.
(I;; Chrisiiott, 'J;). cit. [T.is Mj'ilkly JjM\nl of Mjp/Ji! S:lc:ijs, ISj'2, l. \î\', p. i2ï).
{82 NUTRITION.
ainsi, et nous voyons, par les expériences de statique chimique
dues à M. Barrai, que les différences déterminées de la sorte
peuvent être fort considérables ; car ce chimiste trouva qu'en
hiver il lui fallaitjournellemcnt, pour se nourrir convenablement,
717 grammes de matière alimentaire organique sèche, tandis
qu'en été il n'en prenait que 520 grammes(l). Les climats influent
non moins sur la grandeur des besoins nutritifs de l'Homme,
et chacun sait que les peuples des pays chauds sont en général
d'une sobriété remarrjuable, tandis que ceux des régions froides
sont renommés pour leur voracité. Cette différence se révèle
déjà lorsque l'on compare le régime alimentaire de nos labou-
reurs dans le département du Nord et dans le midi de la France.
En effet , d'après les documents statistiques rapportés par
M. de Gasparin, chaque ouvrier agricole consommerait par
jour 2/i grammes d'azote et 591 grammes de carbone et d'hy-
drogène dans cette région méridionale, tandis que dans la partie
la plus septentrionale de la France cette consommation s'élève-
rait à ^21^\li d'azote et à 971 grammes de carbone et d'hydro-
gène. Au premier abord, on pourrait supposer que cela dépend
uniquement de la distribution inégale des richesses dans ces
deux parties de notre pays-, mais si l'on établit la même com-
paraison entre les agriculteurs du midi de la France et ceux du
canton de Vaud en Suisse , où l'aisance est moins grande
qu'aux environs de Lille et où le climat est aussi froid pendant
une grande partie de l'année, on obtient des résultats ana-
logues (2). On sait que rien n'est épargné pour assurer le bien-
(1) La quantité de caibolie Cdiilcmi riences faites siir la même pei'sonne en
dans la ration alimentaire était, terme été («)i
moyen, d'environ 366 grammes dans (2) Cet ailtenr a donné les détails
la série d'expériences faites en hiver, de la consommation ordinaire des ou-
ct de 26/i granunes dans les expé- vi'icrsdcragricullarc à Vallcyncs-soiis-
(a) Barrai, StatlqM cliiinique des Animaux, p. 247 et siliv.
RATION d'entretien DE l'hOMME. 183
être des soldats anglais qui tiennent garnison dans l'Inde, mais
la ration qui leur est fournie est cependant notablement infé-
rieure à celle que ces mômes Hommes reçoivent quand ils sont
en Angleterre (i). S'il faut en croire les récits de beaucoup de
voyageurs, les habitants des régions circompolaires seraient
d'une voracité inconcevable et sembleraient ne pouvoir jamais
se rassasier. Mais il y a eu, suivant toute probabilité, beaucoup
d'exagération dans l'évaluation de la quantité d'aliments qu'ils
sont susceptibles de digérer (2); et s'ils se chargent énor-
mément l'estomac lorsque l'occasion s'en présente, ils sont
souvent exposés aux effets de la disette, en sorte que la des-
Lanie, dans le canton de Vaud, cl il a
calculé que la ration journalière de
chacun de ces Hommes renferme
STs^S d'azote associés à Q[\2 grammes
de carbone et d'hydrogène (o).
(1) D'après les documents recueillis
par M. Playfair, on voit que la con-
sommation journalière du soldat an-
glais correspond à environ 287 gram-
mes de carbone, lorsque celui-ci tient
garnison en Angleterre, et à environ
267 grammes lorsqu'il habite l'Inde.
Dans le premier cas, il reçoit aussi
un peu plus d'aliments azotés que dans
le second (6).
(2) Ainsi , il me semble difficile
d'ajouter foi aux assertions de beau-
coup de voyageurs relativement à la
voracité des habitants de la partie
septentrionale de la Sibérie et des
autres régions circompolaires. Co-
chrane, par exemple, assure que sou-
vent il a vu un Tonguie ou un Yakout
dévorer 20 kilogrammes de viande par
jour, et un amiral russe, Saritcheff,
rapporte avoir vu un Homme de cette
dernière nation manger, à un seul
repas , lU kilogrammes de riz cuit
avec du beurre (c).
Le capitaine Parry, pendant son
séjour parmi les Esquimaux, a con-
staté qu'à la suite d'une pèche abon-
dante, ces Hommes se gorgent parfois
d'aliments au point de ne pouvoir
plus se mouvoir et d'être obligés de
rester couchés dans leurs huttes. Vou-
lant apprécier la capacité digestive
d'un jeune Esquimau, ce navigateur
pesa les aliments dont on lui permit
de manger à discrétion, et il fut con-
staté ainsi qu'en un seul repas, cet
individu consomma plus de 5 kilo-
grammes de viande et de pain, ac-
compagnés d'environ un demi-litre de
sauce épaisse et de beaucoup de bois-
son alcoolique (f^.
(a) Gasparin, Cours d'agriculture, t. V, p. 396.
(6) Playfair, On the Food of Mail in différent Conditions of Age and Einploijnunt {Edinburgh
new i'Iiilosophical Journal, 185i, t. LVI, p. 2G6).
(c) J. D. Gochrane, Narrative of a Pedestrious Journcy through Russia and Siberian Tartary
ta Ihe Frozen Sea, 1824, t. I, p. 235.
(d) Parry, Journal of a second Voyage for the Dlscovery of a Nortli-west Passage froni the
Atlantic la the Pacific, performed in the years 1821, 22, 23, p. 413.
Pation
alimentaire
de divers
Animaux.
184 NliTRITlON.
cription de leurs festins ne nous éclaire que peu sur leur con-
soumialion moyenne : et i)Our ne pas donner d'idées fausses à
ce sujet, je me bornerai à dire, d'une manière générale, que
dans les climats très-froids, l'Hoiiunc a réellement besoin de
beaucoup plus de nourriture que dans les pays chauds (1).
§23. — Nous ne savons que peu de choses relatives à la
fjuantité de matières nutritives qui est nécessaire pour l'entre-
tien de l'organisme de la plupart des Animaux, mais un grand
nombre d'observations ont été enregistrées touchant l'alimen-
tation des espèces domestiques dont la production est un objet
d'industrie rurale, et même on a fait sur ce sujet quehjues
recherches expérimentales dont les {)hysiologisles doivent tenir
grand compte. Ainsi, M. Boussingault, dans ses études sur l'ali-
mentation des Tourterelles, chercha à déterminer le minimum
d'aliments plastiques qui, associé à des aliments respiratoires en
abondance, pouvait suffire au maintien du poids initial d'un de
(3es Animaux qui pesait 130 grammes, et il trouva que sa ration
devait contenir au moins 31 centigrammes de matières albumi-
(1) M. Scliavliiig, après avoir criti-
qué avec raison les assertions exagérées
de iieaucoiip de voyageurs touchant la
consonnnalion des habitants des pays
froids, me semble être tombé dans un
oxès contraire, en soutenant que dans
les régions circompolaires l'Homme
n'a pas besoin d'une ration alimentaire
plus forte que dans la zone torride. Il
s'appuie principalement sur des docu-
ments qui lui ont été fournis par
l'administration de la marine danoise,
relatifs à la consoomiation faite par
l'équipage d'un navire qui a navigué
successivement pendant plusieurs mois
dans les mers du Kord et des Antilles,
pièces d'où il résulterait que la ration
journalière des Hommes était notable-
ment plus élevée dans les régions tro-
picales que dans les régions froides du
glo])e (a). Mais il me paraît probable
qu'il y avait là quelque cause d'erreur
inaperçue par Fauteur de ce travail ;
et je ferai remarquer à ce sujet que le
capitaine Hoss, qui a vécu beaucoup
parmi les Esquimaux, dit positivement
que la ration de viande qu'il leur four-
nissait d'ordinaire était six fois plus
considérable que celle dont un Anglais
se contenterait (6).
(a) Scliarling, Foi'lsatle Forsiin foi- al bestenmc deii mcciigde Kulsijre et Mcnncskc mlaander
i i4 timev {Del Videnskabernes Selskables Afkandinuier, 1«45, l. XI, p. 381).
(bj lios>, S.irralive ofa second Voyage in Search ofa N. ))'. Passage, \>. 44i,i.
RATION d'entretien DES ANIMAUX. 185
noïdes ; ce qui suppose l'azote alimcutaire dans la proportion
d'environ 31 milligrammes pour chaque kilogramme de l'ctrc
vivant (1). Des observations analogues, mais moins précises,
ont conduit ce savant à considérer la nourriture des Bœufs et
des Chevaux comme insuffisante, quand elle ne renferme pas
des principes albuminoïdes dans les proportions de 200 ou
même 225 grammes pour 100 kilogrammes du poids du corps,
tandis que pour les Porcs cette quantité relative descendrait à
environ l/iO grammes (2). Du reste, je ne cite ici ces résultais
que pour montrer que, suivant toute apparence, la ration d'ali-
ments plastiques requise pour l'entretien d'un même poids de
l'organisme varie considérablement suivant les espèces et les
individus, aussi bien que suivant les conditions biologiques (3).
(1) M. Boiissingault a constaté d'a-
bord que la Tourterelle mise en expé-
rience était parfaitement rationnée
avec IZi grammes de millet; puis il
diminua progressivement la quantité
de ce grain, dans lequel il existe une
proportion considérable de principes
albuminoïdes, et il remplaça largement
le déficit par des aliments non azotés,
tels que de l'amidon, du sucre et du
beurre. Or, il a trouvé que, sous l'in-
fluence de ce régime mixte, le poids
initial de l'Animal ne se soutenait plus
lorsque la ration de millet fût ré-
duite à !*''■', 5 par jour, bien que dans
celte circonstance la quantité d'amidon
et de beurre consommés suffisait am-
plement pour satisfaire à la dépense
totale de carbone occasionnée par la
respiration et les autres évacuations.
Or, is%5 de millet renferme 0,31 de
principes albuminoïdes, et par consé-
quent M. Boussingault en conclut que
ce poids d'aliments azotés était insuf-
fisant pour l'entretien de l'organisme
de cet Animal, dont le poids était de
130 grammes, quelle que fût l'abon-
dance des aliments carbo-hydrogénés,
mais non azotés (a).
('2) i\I. Boussingault, sans s'expli-
quer formellement sur la quantité
d'aliments plastiques dont ces Ani-
maux ont besoin pour maintenir leur
corps au même poids, dit que la ration
quotidienne lui paraît être insuffisante
quand l'albumine ou la légumine qui
s'y trouve tombe au-dessous de :
kii.
1,20 pour une Vaclic laitière pesant 000 kilo-
grammes.
d ,00 pour un Ciieval de travail pesant 500 lii-
logrammes.
0,90 pom- un Clioval pesant 400 kilOa'rammes.
0,12 pour un Porc pesant 85 kilogrammes (6).
(3) J'ajouterai cependant, à titre de
renseignement, que, suivant M. de
(a) Boussingault, lîtoiioiiiic rurale, 2' cdil., 1851, t. Il, [>. 275.
(b) Idem, Op. cil , t. 11, p. 27 U.
VIU.
i86 ' NUTRITION.
Ces différences peuvent dépendre jusqu'à un certain point
de la part que le tissu graisseux forme dans le poids total de
l'Animal (1), mais elles tiennent probablement aussi au degré
d'activité du travail nutritif effectué dans les organes; et à ce
sujet je rappellerai .que nous avons déjà constaté que, toutes
choses égales d'ailleurs, les produits do la combustion phy-
siologique correspondant à un poids donné de substance vivante
sont plus abondants chez les petits Animaux que chez les
Gasparin, la ration d'entretien crun
Cheval qui ne travaille pas doit conte-
nir de l'azote dans la proportion de
20 grammes d'azote et du carbone
dans la proporlion de /jl2 grammes
pour 100 kilogrammes du poids de
l'Animal ; mais que pour le Cheval qui
travaille à la charrue, cette ration doit
être ausment(5e dans la proportion de
130 pour 100. Ainsi, il eslime qu'un
cheval du poids de /jlG kilogrammes
doit consommer une ration correspon-
dant à 83s'',2 d'azote pour les jours de
repos, et à 19Z(S'',75 pour les jours de
travail (a).
M. Baudement, qui a étudié avec
beaucoup de soin les variations de
poids du corps des Chevaux de cava-
lerie qui étaient nourris avec la ra-
tion réglementaire, a constaté qu'elle
est suffisante, même pour ceux dont
le poids s'élève à plus de fiOt) kilogr.
Or, cette ration pour les Chevaux de
réserve consistant en 5 kilogrammes de
foin, 5 kilogrammes de paille et Zi'^,2
d'avoine, et pour les Chevaux de ligne
en h kilogrammes de foin, 5 kilo-
grammes de paille et 5^,[i d'avoine,
fournit aux premiers 9098', /i/j d'ali-
menls plastiques et o^,128,li6 d'ali-
ments respiratoires ; aux seconds ,
757S",88dc matières azotées et 2''^',G9^
d'alimenis non azotés (h).
M. Allibert, qui a réuni et discuté
beaucoup d'oliservations relatives au
régime alimeniaire des divers Ani-
maux domestiques, évalue à environ
2 grammes par kilogramme du poids
du corps la quantité de matières albumi-
noïdes consommées paries Chevaux de
l'artillerie de la garde impériale, et à
2s%5 la quantité des mêmes principes
azotés existant dans la portion de la
ration correspondant au même poids
du corps pour les Chevaux de travail
ordinaire. Cet auteur évalue aussi à
2 grammes par kilogramme du poids
de l'organisme la quantité d'aliments
plastiques nécessaires pour l'entretien
des Bœufs et des Vaches, en ajoutant
toutefois à la ration de ces dernières
un supplément correspondant à la pro-
duction du lait.
(1) Le tissu graisseux ne jouit que
de très-peu d'activité physiologique,
et par conséquent la ration d'entretien
nécessaire pour réparer les perles
quolidienncs de l'organisme ne doit
pas être la même pour les individus
de même poids qui seraient sembla-
(ai Gasparin, Cours d'agricuUure, 1. V, p. 40 I.
(6) Biiiiilcmrnl, Eludes expérimentales sur Valimcnlalion du bclail (Annales de l'IasUlul agi'j-
nomique de Versailles, 1852, i. I, p. t2l).
r.ATioN d'entiietien dls ammalx. 187
grands (1), et que par conséquent nous devons penser que [)ro-
porlionncment à leur poids, ces derniers consomment moins
d'alimcnls que les premiers. L'observation confirme celte opi-
nion, et ce lait nous explique pourquoi les agriculteurs qui
élèvent des Animaux de boucherie trouvent en général plus de
profil à opérer sur des races de grande taille (2).
blcs ciili'c eux sous tous les rapports,
sauf la proporlion de graisse dont leur
corps serait chargé, et ceux dont le
poids est dû priacipalcment au déve-
loppement du système musculaire con-
sommeront plus d'aliments que ceux
dont le corps est chargé de graisse.
Aussi, dans les expériences sur l'en-
graissement des Animaux domesli -
qucs, voit-on que proportionnellement
au poids vif, la quantité d'aliments em-
ployés diminue à mesure que l'em-
bonpoint augmente. Gela a été mis
très-bien en évidence par les recber-
chcs de MM. Lawes et Gilbert sur le
régime des porcs {a).
(1) Voyez ci-dessus, page 5î.
(2) M. Baudement a mis ce fait très-
bien en évidence par ses expériences
sur l'alimentation des Chevaux et des
Bœufs. !l a conclu de ces recherches
que, pour 100 kilogr. de poids vif, les
Chevaux exigent journellement :
207 grammes d'alimcnls azolds cl 070 grammes
d'alimenls respiratoires, quand ils pèsent de
400 à 450 kilogrammes.
i 03 grammcsd'aliments azolcs cl 070 grammes
d'à imcnis respiratoires, quand ils pèsent de
500 à 550 kiloirramraes.
D'après le même auteur, les Bœufs
du poids de :
000 à 050 kilogrammescxigcnt 104 grammes
do matières azole'cs et C2G grammes d'ali-
mcnls respiratoires pour 100 kilogrammes de
poids vif.
700 à 750 kilogrammes exigent pour le même
poids \if seulement 140 grammes d'aliments
azotés associes à 020 grammes d'aliments
non azotes.
750 à 800 kilogramiKcs exigent pour le même
poids vif 135 grammes d'aliments azolo's et
G20 grammes d'aliments respiratoires [ti).
J'ajouterai que, d'après Î\I. Allibcrt,
les Poneys, dont le poids n'est que
d'en vil on 200 kilogrammes, doivent
trouver dans leur ration journalière
des principes albuminoïdes dans la
proportion de o grammes par kilo-
gramme, tandis que pour les grands
Chevaux d'artillerie , il estime ceUe
quantité relative à 2 grammes seule-
" ment.
Le même auteur a fait une série
d'expériences sur l'alimentaliou des
L^ipins et des Souris, et il estime que
pour le même poids de substance vi-
vante, les premiers ont besoin de trou-
ver dans leur nourriture iournalière
(a) I.a-.ves, Pig fccdlurj {Journal ofihc Royal AijiiaLltural Soclely of England, 1353, t. XIV,
p. 495.
— Lawos and Gilbert, On the EiiiUvalency of Starch and Sugctr i'i Fool {Ihport of Ihe
24iii meeting of Ihe British Assxiation, 1854, p. 428).
(b) Baudement, Expériences sur la valeur alimentaire de plusieurs espèces de betteraves
introduites dans la ration des Bœufs de travail [Mém de la Société centrale d'agriculture, 1853,
2' partie, p. 3i-3).
188
NUTRITION.
Influence
de certaines
raalicres
minérales.
§ 2/i. — Il est aussi à noter que certaines substances qui ne
sont pas susceptibles d'être brûlées dans l'intérieur de l'éco-
nomie animale, ni d'être utilisées pour la constitution des tissus
vivants, paraissent pouvoir exercer une influence considérable
sur la marche du travail nutritif, et ralentir ou accélérer les
métamorphoses chimiques qui ont pour résultat final la forma-
tion des produits excrémentitiels. Ainsi l'arsenic, administré à
petites doses, paraît ralentir la combustion respiratoire et favo-
riser l'accumulation de la graisse dans le corps de l'Homme et
des Animaux (1) ; tandis que l'iode, porté dans le torrent de la
8 grammes de matières albiiminoïdes.
Enfin, pour les Souris dont le poids
moyen est seulement de i 6 grammes,
il évalue à /i6 grammes la proportion
de ces aliments plastiques calculée
toujours par 1 kilogramme du poids
du corps (a). Proportionnément àleurs
poids, ces petits Animaux consomme-
raient donc 2U fois plus d'aliments
azotés que ne le font les Chevaux.
(1) MM. Sclimidt et Stiiravvage (de
Dorpat) ont fait une série d'expériences
intéressantes, relatives à l'influence que
l'introduction de petites doses d'acide
arsénJeux exerce sur le travail nutritif
chez les Chats. Ils ont trouvé que cette
médication détermine une grande di-
minution dans l'exhalation de l'acide
carbonique et dans l'excrétion de
l'urée. La différence s'est élevée de 20
à /lO pour 100 de la production ordi-
naire ; et lorsque les fonctions digcs-
tives ne sont pas troublées, le poids
du corps peut être notablement aug-
menté par suite des effets ainsi pro *
duits (6).
L'arsenic (ou acide arsénieux) est,
comme on le sait, un poison violent
lorsqu'il est introduit en quantité un
peu considérable dans l'économie ; et
si quelques Animaux semblent résister
mieux que l'Homme à son action
toxique, cela dépend seulement de ce
qu'il ne séjourne que peu dans leur
tube digestif, et n'est absorbé qu'en
très-petite quantité avant d'être expulsé
au dehors avec les déjections. C'est de
la sorte que l'acide arsénieux sohde a
pu être employé à hautes doses dans
le traitement de la pleurésie chronique
chez les Moutons (c), et administré de
la même manière à des Bœufs et à des
Chevaux (d) ; mais, employé en disso-
lution, il est absorbé assez rapidement
pour que son action toxique ordinaire
se manifeste (e).
(a) AUibert, Alimentation des Animaux domestiques , 18G2, p. 32.
(b) C. Sclimidt uncl L. Sliii'awaje, Veber dcii Einlluss der arsenigen Sâure auf deii Stoffwechsel
(Molcàcholt's Untersuchungen zur Nalurlehre, ISSO, t. VI, p. 283).
(c) Cambcsscdes, voyez Gasparin, Note sur l'emploi de l'arsenic à hautes doses dans le traile-
vient de la pleurésie chronique des Moutons {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1843,
t. XVI, p. 23).
{di Dantrcr etFlandin, Note sur l'emploi de l'arsenic {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
■1S43, I, XVI, p. 53 cl 136).
{e) liognctla. Note sur l'arsenic considéré comme remide cliex, les Animaux domestiques
{Comptes rendus de l'Acad. des sciences, i. XVI, [>. 57).
minérales
ilans
a nulrilion.
RATION d'kNTRETIRN. MATIKRES MINÉRALES. 189
circulation, tend à activer divers phénomènes de résorption,
et à déterminer l'amaigrissement. Mais co sont là des sujets
dont l'étude appartient à la médecine plus qu'à la physiologie,
et par.consé(|uent je ne m'y arrêterai pas davantage ici.
§ 25. — Dans les considérations que je viens de présenter, ^^^ ^.^.^^
il n'a été guère question que des matières alimentaires de
nature organique ; mais nous avons déjà vu qu'il existe des
matières minérales en proportion plus ou moins considérahlc
dans toutes les parties solides et liquides de l'économie animale;
que ces malières y jouent des rôles importants, et que les
humeurs excrémentitielles en entraînent sans cesse au dehors.
Il faut donc que la ration d'entretien de l'Homme et des Ani-
maux renferme une quantité de chacune de ces substances
correspondante à celle nécessaire pour contre-balancer ces
pertes, ainsi que pour fournir à l'accroissement du corps lorsque
celui-ci est dans sa période de développement. Dans la plupart
des circonstances, ces substances minérales existent en quan-
hté suffisante dans les aliments naturels que fournissent les
deux règnes organiques ou dans les eaux employées comme
boisson ; mais il n'en est pas toujours ainsi, et alors la ration
d'entretien doit nécessairement contenir des sels minéraux
aussi bien que de l'eau et des aliments azotés et carbo-hydro-
génés. Ainsi, dans l'accomplissement des actes physiologiques
normaux, certains Animaux font une très-forte dépense de
chaux carbonatéc, et, pour compléter leur recette quotidienne,
ils ont besoin de manger des matières minérales aussi bien que
des aliments ordinaires. La Poule est dans ce cas : les œufs
qu'elle pond en grand nombre emportent journellement une
quantité très-considérable de chaux qui est le principal élément
constilutif de la coquille, et c'est en partie pour fournir à la
sécrétion dont son oviducte est le siège, que la Nature lui
a donne l'instinct de picoter dans le sol et d'avaler de petits
fragments de terre. Si elle est privée de celte ressource, elle
sel commun
JOO NUTniTIOX.
cpiiiso bicnlùt hi réserve de carbonate calcaire emmagasiné
dans son organisme, et ne pond pins (1).
Un phénomène analogue, mais dont l'importance est plus
grande, a été constaté expérimentalement par Chossat sur des
Tourterelles. En empêchant ces Oiseaux d'avaler des fragments
de pierre et en les nourrissant de grains seulement, ce physio-
logiste a vu que leurs os cessaient d'avoir la consistance ordi-
naire et devenaient friables. Pour eux, les petites pierres cal-
caires sont des aliments nécessaires, dont la privation est en
général très-promptement suivie de la mort (2).
^'°l^ § 26, — L'importance physiologique du chlorure de
sodium est rendue manifeste par ce que nous avons déjà vu
relativement à la présence de ce corps dans le sang et à son
influence sur la conservalion des globules hématiques dans le
sérum (3). Nous avons vu également que la sécrétion du suc
gastrique nécessaire pour l'accomplissement du travail digestif
est accompagnée d'une élimination d'acide chlorhydrique en
quantité considérable (ù); enfin, nous avons constaté aussi
l'excrétion de beaucoup de chlorure de sodium par les voies
(1) Vauqaelin a observé cette par- caires dans la ration des Pigeons, la
ticularité en nourrissant avec de friabilité des os ne résulte pas d'un
l'avoine seulement une Poule qui , changement dans la composi.ion chi-
sous l'influence de son régime or- miqiie de la substance osseuse et
dinaire, pondait un œuf tous les d'une diminution dans la proportion
jours (a). d'^s cléments uiinérau>: de ce tissu,
(2) Dans ces expériences de Chossat, mais d'un ralentissement dans le tra-
ie tissu osseux a été en partie résorbé, vail nutritif producteur ou réparateur,
et le squelette est devenu très-fra- de façon que la quantité de tissu os-
gile (6) ; mais on voit, par les recher- seux devient insuffisante (c).
ches plus récentes de mon fils, que (3) Voyez tome I, page 19G,
lors de l'insuffisance des matières cal- (U) Voyez tome Vif, page 26.
(fi) Vauquelin, Expériences sur les excrémenls des Poules compares à la nourrUnrc qu'elles
prennent {Ann. de chimie, 1799, t. XXIX, p. 20).
(ft) Cliossat, Note sur le système osseux [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, iS^ti,
t. XIV, p. 451).
(c) Alplionjo Miiiio RihvnrJ?, Expériences sur lu nutrition des os {.Uin . des sciences nnt.,
I. XV, p. 251).
RATION d'entretien. EAU. 191
urinaircs (1). Il en résulte que la ration d'cnlrclicn de l'Homme
et dos Animaux qui se rapproehent de lui par leur mode de
constitution, doit contenir une certaine quantité de cette sub-
stance minérale. Pour l'Homme, la proportion de chlorure de
sodium qui existe dans les aliments tels que la Nature nous les
fournit, est en général insuffisante, et il est très-utile d'y ajouter
une petite quantité de cette matière saline. Dans certaines
circonstances, il en est de même pour les Moutons et pour.
quelques autres de nos Animaux domestiques ; mais dans ces
derniers temps les agriculteurs et les économistes ont singu-
lièrement exagéré les avantages de cette pratique, et ils ont
évalué avec non moins d'exagération la consommation utile du
sel pour l'alimentation de l'Homme (2). C'est à tort que l'on
considère la quantité de chlorure de sodium contenu d'ordi-
mire dans les urines comme donnant la mesure de la quantité
que la ration d'entretien doit contenir, car nne grande partie
du sel excrété de la sorte a traversé rapidement l'organisme
sans y avoir joué aucun rôle utile, et l'excrétion de cette
substance peut diminuer beaucoup sans qu'il en résulte aucun
inconvénient grave (3) ; mais, d'un autre côté, l'addition d'une
certaine proportion de ce condiment aux aliments dont nous
faisons usage est bonne non-seulement pour stimuler notre
(1) Voyez tome Vif, page 517. vent ua livre de M. Barrai, parce qu'on
(•i) Beaucoup de ces exagérations y trouve des renseignements utiles aux
ont été inspirées par le désir de faire physiologistes (a). Pour Fappréciation
iibolir l'impôt dont le sel a été peu- des arguments invoqués par M. Demos-
dant longtemps l'objet. Cette question niay et autres, je renverrai à un rap-
a fait naître de nombreuses publica- port que j'ai adressé au ministre de
lions il y a une quinzaine d'années, l'agriculture en 1850 (6).
et parmi les plaidoyers eu faveur de (3)M. Wuncl a trouvé qu'en s'abs -
cette mesure financière, je citerai sou- tenant complélemcnt de l'usage du
(a) Barrai, Slaiique chimique des Animaux appliquée spcciale.nenl à la quesûon île l'emploi
agricole du sel, •! 850.
(b) Milno lîclwaiJs, Rapport sur la production cl remploi du sel en Anglderre, '1850.
192 NUTRITION.
appélit, mais aussi pour entretenir les forces digestives, et pour
modifier l'action exercée par l'eau qui peut se trouver intro-
duite en quantité considérable dans le torrent de la circulation
par l'absorption gastrique, et qui s'échappe ensuite de l'éco-
nomie par les reins. 11 me paraît bien démontré que l'emploi
de ce condiment tend à augmenter le travail de mutation de la
matière organique dont résultent les produits excrémenti-
tiels urinaires ; mais il ne me semble pas aussi bien prouvé
que ce résultat soit une conséquence directe de l'action du
chlorure de sodium sur les substances en voie de transforma-
lion (1), et ne dépende pas seulement de ce qu'un régime salé
sel de cuisine pendant cinq jours, la parles voies urinaires a diminué de la
quantité de cette substance excrétée manière suivante :
l"jour. . .
2» jour. . .
3° jour. . .
4" jour. . .
5" jour, . .
QUANTITÉ d'urine ÉVACUÉE.
QUANTITÉ DE CHLORURE DE SODIUM EXCRÉTÉE.
Ccntimt'trps riibrs.
2022
1428
121G
1341
1045
Crninnifs.
7,207
3,623
2,437
1,359
1,091 (rt).
(1) M. Bischoff a trouvé qu'un
Chien qui mangeait journellement 500
grammes de bœuf, excrétait 22ê^50
d'urée lorsqu'il ne recevait pas de sel,
et 28s'',3û lorsqu'on avait ajouté du
sel à sa boisson. Cela suppose une
augmentation journalière de 5s%8/i
dans la consommation nutritive des
matières azotées sous rinflucnce du
sel (6).
Quelques auteurs ont considéré le
cblornre de sodium comme exerçant
une influence très-considérable sur
Tengraissement des Animaux, et Ton
a été jusqu'à dire sérieusement
qu'une livre de sel fait 10 livres de
graisse (c) ; mais dans la plupart des
expériences bien faites par les agro-
nomes, on n'a pu constater aucim
effet de ce genre (d). La discussion des
(a) W. WuiilI, Ueber den Kochsalzgehalt des Ilarns (Journal fur praktische Chemie, 1853,
t. LIX, p. 267).
(b) Bischoff, Einfluss des Kochsalzes aiif die Harnstoffenlleerurg {Annalcn der Chemie und
Pharm., 1853, i. LXXXVl I, p. 109).
(r) Uemiismay, voyez le Moniteur universel du 20 mai 1847.
(d) liaiirier, Ex\érienccs sur le sel ordinaire employé pour l'amendement des terres et l'en-
graissemenc des Aiiimaux. Nancy, 1847.
— liarihéloiny, Observaiions sur l'emploi du sel en agriculture [Mém de la Sociélé centrale
d'agncullurc, 1848-1R40, p. 411).
RATION d'entretien, EAU. 193
provoque la soif et détermine l'introduclion d'une qnanlité
plus considérable d'eau dans l'organisme, circonstance qui, à
son tour, active le travail de résorption nutritive et d'excré-
tion (1).
En effet, l'eau introduite dans notre corps sous la forme de
boisson ne sert pas seulement à remplacer l'eau [)erdue par
suite de la transpiration pulmonaire et des autres excrétions ;
elle active l'absorption des produits de la digestion, elle aug-
mente les effets du lavage organique résultant du passage des
courants sanguins dans la substance des tissus, et elle rend
plus abondantes les évacuations effectuées par la sécrétion
rénale (2).
reclierclies de M. Boussingault sur ce
sujet confirme cette opinion (a) ; mais
remploi d'une certaine quantité de sel
peut être utile en agriculture pour ex-
citer les Animaux h manger des four-
rages avariés dont le goût leur déplaît,
ou pour combattre les elfels d'un sol
trop humide, lorsqu'il s'agitdel'élevage
des Moutons (6). M. Boussingault a
remarqué que les bêles bovines qui,
dans ses élables, recevaient une ra-
tion de sel, avaient le poil plus lisse
et plus beau que les autres (c).
(1) Il est cependant à noter que,
d'après les expériences faites par
M, Barrai sur des IMoutons, le sel pa-
raît avoir augmenté la sécrétion uri-
naire, non-seulement d'une manière
absolue, mais aussi proportionnément
à la quantité d'eau employée comme
boisson. Sous l'influence du régime
salé, cet auteur a trouvé aussi que la
proportion d'azote excrétée par les
voies urinaires était beaucoup plus
considérable que sous l'influence du
régime ordinaire (d).
(2) Pour étudier l'influence que
l'eau exerce sur le travail nutritif,
chez l'Homme, M. Bôker fit sur lui-
même une série d'expériences dans
lesquelles, après avoir constaté quelle
était la quantité d'aliments néces-
saire pour maintenir sans variations
le poids de son corps dans les circon-
stances ordinaires, il continua ce ré-
gime, mais en variant la quantité
d'eau employée comme boisson. Pen-
dant une semaine il ne prit journelle-
ment que l'260 grammes de ce liquide,
et pendant une autre période de même
durée il en prit 3080 grammes par
jour. Sous l'influence de cette ingur-
gitation considérable de liquide le
besoin d'aliments se fit sentir davan-
(a) Milne Edwards, Rapport sur la production et l'emploi du sel, p, 73.
[b] Delafond, Sur l'emploi du sel marin dans l'économie des Animaux domestiques [Mém. de la
Société centrale d'agriculture, 1S49, 1" partie, p. 385).
{c) Boussingault, Heclierches entreprises pour déterminer l'inlluence que le sel ajouté à la
ration exerce sur le développement du bétail [Ann. de chimie, 1847, t. XIX, p. 117 ; t. XX,
p. 113, et t. XXll, p. 116).
((/) Barrai, Statique chimique des Animaux, p. 437 et siiiv.
de
Holc
eau.
19/l Nl'TRITION.
La qunnlilc d'cnii qui, sous la forme de boisson, est néces-
saire pour constituer la ralion d'entrelien, varie beaucoup,
suivant les Animaux , suivant les conditions biologiques qui
influent sur la transpiration insensible, et suivant le degré de
sécheresse des alimenls solides. Quelques Animaux ne boivent
jamais ou presque jamais, parce qu'ils trouvent dans leurs
aliments la quantité d'eau dont ils ont besoin : le Lapin est
dans ce cas (l) ; mais d'autres en boivent beaucoup. Ainsi,
tage, et ii éprouva de la faiblesse ; le
poids de son corps diminua, el la quan-
tité d'urine augmenta beaucoup pro-
portionnelleuicnt à celle de Peau em-
ployée. La quantité d'acide carbonique
. exhalé par les poumons ne varia pas,
et la perte du poids du corps résulta
d'une augmentation dans le travail
sécréloire, d'où l'auteur conclut que
le passage de l'eau à travers l'orga-
nisme accélère la marche des phéno-
mènes de désassimiblion dont celui-ci
est le siège («).
MM. Falck et Scheller ont étu-
dié l'influence que la privation des
boissons ou i'usagc libre de l'eau
exercent sur la consommation des ali-
ments et sur les produits excrémen-
tiliels du travail nutritif chez les Pi-
geons. Ils ont vu que ces Animaux
mangent beaucoup plus quand ils
boivent comme d'ordinaire, qm lors-
qu'ils sont piivés d'eau, et que les
pertes subies par l'organisme , soit
sous la forme d'acide carbonique et
d'eau à l'état de vapeur exhalée par
les voies respiratoires, soit sous celle
de produits urinaires et de matières
alvines, diminuent dans une propor-
tion non moins grande sous l'influence
de la soif. Dans une des expériences
faites par ces physiologistes, les pertes
par la respiration et la transpiration
insensibles tombèrent ainsi de 66 à 11,
et celles dues aux évacuations urinaires
et alvines de lih à G9 par le fait de la
privation d'eau (6).
(!) Il en est de même du Cochon
d'Jndc, delà Souris et de plusieurs au-
tres Rongeurs, l'iusieurs Oiseaux de
proie ne boivent que rarement, et
peuvent se passer d'eau pendant très-
longtemps. Ainsi , Lassaigne a gardé
un Duc pendant huit mois sans lui
donner à boire, et en le nourrissant
seuleuîcnt avec un petit anima! ou un
morceau de viande fraîche chaque
jour (c).
Quelques zoolo;:;isle3 ont rangé
aussi le Lézard parmi les Animaux
qui ne boivent pas, mais ils étaieiu
dans l'erreur à ce sujet (c/).
(a) Bokfir, Untersiichungen ûber die Wirkungen des Wassers {Nova Aeta Acad. nal. curios.,
1. XXIV, p,. 307).
(h) Falck iind Tli. Sclieffer, Der Stoffivechsel an Kôvper durstender, durststillender nnd ver-
durstender VOgel {Archiv fûv physiologisclie Heilkumle, 1854, 1. XIII, p. Ci).
(c) Leiircl el Lassaigne, Uecherches pour servir à l'histoire de la digestion, 1825, p. 4 93.
(d) Dugès, Recherches anatomiques et physiologiques sur la déglutiiion dans les lieptiks {Ann.
des sciences nat., 1827, t. XII, p. 3G0j.
RATiON 1) KiNTP.ETIEN nK L HOMME.
195
un Cheval qui trouve eîiaquc jour environ 1 kilogramme et
quart d'eau dans ses aliments solides, en prend d'ordinaire
environ 6 litres sous la forme de boisson (1). Le Bœuf en con-
somme encore plus, et la quantité totale d'eau qu'il reçoit
quotidiennement sous diverses formes s'élève d'ordinaire à
environ 90 grammes pour cliaqne kilogramme du poids de
son corj)s. Pour les Vaches laitières, cette quantité est encore
plus élevée par suite do la déperdition due à la sécrétion mam-
maire (2).
Plusieurs anciens physiologistes ont cherché à évaluer la
quantité d'eau dont l'Homme a besoin journeHement ; mais on
ne peut rien établir de général à ce sujet, car les variations
sont très-considérables suivant les individus, la température
extérieure, l'état hygrométrique de l'air et une foule d'autres
circonstances (o).
(1) Le Cheval qai a servi aux re-
cherclies de M. Boussingault sur l'a-
limentalion pesait environ ZiOO kilo-
grammes, et recevaitpar jour, tantsous
la forme de boisson que dansles aliments
solides, 17 378 grammes d'eau ; ce qui
correspond à environ h3 grammes pour
chaque kilogramme du poids de TA-
nimal (a). Dans une expérience faite
à Alfort par Lassaigne, cette propor-
tion était de Zi3 pour 1000 [h).
(2) AI. AlHbcrt a trouvé que chez un
Bœuf qui pesait 797 kilogrammes, la
consommation totale d'eau était de
72 kilogrammes par jour, et que chez
un autre individu du poids de G.'jG kilo-
grammes, cette même consommation
était de 58 kilogrammes. Enfin, chez
un troisième individu qui pesait 555
kilogrammes, elle n'était que de 50 ki-
logrammes, ce qui donne pour chacun
de ces Animaux 90 grammes par kilo-
gramme du poids total du corps. Chez
des Vaches, cette consommation d'eau
était dans la proportion de 120 gram-
mes par kilogramme du poids de l'a-
nimal (c).
Le même auteur évalue à 150 gram-
mes pour chaque kilogramme du poids
do l'Animal la quantité d'eau qui
entre dans la ration d'un Porc, tandis
que cette proportion ne s'élèvert:ir,
d'après ses calculs, qu'il- 68 ou même à
63 seulement chez les Moutons.
(3) Quelques auteurs ont évalué la
quantité des boissons par rapport à
celle des aliments. Ainsi Sanctorius a
cru pouvoir établir que, normalement,
(a) Boiissiajault, Analyses comparées des aliments consommés et des produits rendus par iin
Cheval soumis à la ration d'entretien (Ann. de cldmii et de physique, 1839, t. IjXXF, p. 134;.
(6) Alliliert, Alimentation des Animaux domestiques, If^di, p. 101.
{c) Idem, Op. cil., p. 105.
19G NUTRITION.
Ainsi que chacun le sait, la privalion des boissons occa-
sionne à l'Homme des souffrances très-vives ; il en est de
même pour la plupart des aulres Animaux. Mais les effets de
ce genre d'abstinence ne sont pas aussi graves qu'on pour-
rait le croire au premier abord , et lorsque les aliments
organiques nécessaires pour constituer la ration d'entretien
manquent, la mort est souvent accélérée plutôt que retardée
par le libre usage de l'eau; ce qui s'explique facilement par
l'augmentation des perles par excrétion que détermine le pas-
sage d'une quantité considérable de ce liquide par les voies
minaires (1).
§ 27. — Nous venons de passer en revue les principales
circonstances qui influent sur la consommation nutritive de
l'Homme adulte ; nous avons cherché aussi à déterminer la
quantité de chacun des principaux éléments chimiques que
le corps humain a besoin de s'approprier. Mais les no-
lions acquises de la sorte ne peuvent nous suffire, et |)our
compléter nos études relatives à la nutrition de l'Homme
pour un partie d'aliments solides , mais les Lapins qui, en étant soumis
rriomme buvait normalement plus de à l'inanition , se trouvaient privés
trois parties (en poids) d'eau ; suivant d'eau, ont vécu notablement moins
Cornaro, cette proportion serait comme longtemps que ceux qui buvaient à
1 : 1,16, et suivant Uobinson, comme discrétion. Par l'ingestion forcée d'une
1 : 2,5 (a). certaine quantité d'eau dans l'esto-
(1) Ainsi, dans des expériences sur mac des Animaux privés d'aliments,
ce sujet, faites par Chossat sur des Chossat a vu la vie êire abrégée
'J'ourterelles, la mort est arrivée plus d'une manière très-remarquable. Ceux
promptement chez les individus qui qui étaient soumis à cette ingestion
buvaient de l'eau à volonté que chez n'ont vécu , terme moyen, que sept
ceux qui en étaient privés. Pour les jours, tandis que ceux qui étaient
Pigeons, la durée de la vie a été à privés d'eau ne sont morts qu'au bout
peu près la même dans les deux cas; de onze jours d'abstinence (6).
(a) Voyez Bunlacl), Traité de physiologie, t. IX, p. 287.
(b) Chossat, Recherches expérimentales siir l'inanition (Muni, de l'Acad. des sciences, Savants
étrangers, 1843, t. VIU, p. 501).
RATION d'entretien DE l'hOMME. 197
et des Animaux, il nous faut encore chercher sous quelle
forme ces matières doivent être fournies à l'organisme, et
approfondir davantage l'histoire physiologique des substances
alimentaires : c'est ce que nous forons dans la prochaine
Leçon .
SOIXANTE -DIXIÈME LEÇON.
Suite de l'ctLicle des pliénomèncs de nulrition, — De la valeur nulrilive des divers
• aliments.
Valeur § 1 . — 11 Q suffi cIg l'obsorvation journalière pour faire re-
des aiiraenis. coiinaître que tous les aliments ne possèdent pas au mêuic degré
la puissance nutritive, et, lorsque les agronomes ont voulu
donner à la zoofcclmic des bases scienlitiques, ils ont compris
que pour l'économie rurale il importait de connaître avec au-
tant de précision que possible les dilTérenccs qui peuvent
exister à cet égard entre les diverses substances dont ils com-
posent la ration do leurs Animaux domestiques. Les physiolo-
gistes ont attaché aussi beaucoup d'intérêt à la solution des
questions de cet ordre, et les personnes qui s'occupent d'éco-
nomie sociale et d'administration publique n'ont {)u y rester
indifférentes. Aussi, depuis une vingtaine d'années, des recher-
ches expérimentales fort nombreuses ont été faites sur ce sujet,
et l'on a cherché à déterminer avec précision, d'une part, quels
sont les besoins nutritifs de l'Homme et des Animaux que nous
élevons pour notre service; d'autre part, quelle est la valeur
physiologique relative des différents aliments. M. Boussiu-
gault fut un des premiers à tenter la construction d'une table
d'équivalents nutritifs, et d'importants travaux relatifs à l'aii-
mentalion de l'Homme ont été faits plus récemment par plu-
sieurs chimistes, au nombre desquels je placerai en première
ligne M, Liebig.
rroporiion L'cau sc trouvc en si grande abondance dans la nature, qu'en
contenue général la valeur vénale de la quantité de ce liquide dont un
les'divers Hommc OU uu Animal a besoin pour sa boisson est pour ainsi
dire nulle, et qu'on n'en tient aucun compte dans les évalua-
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 11)0
lions dont il est ici ([uestion. Lorsqu'on veut comjinrer entre
eux la puissance nutritive des divers aliments, il faut donc dé-
terminer tout d'abord la jiroportion d'eau que ces corps peu-
vent contenir, et les considérer que comme s'ils étaient à l'éiat
sec, bien que cène soit jamais ainsi qu'on en lasse usage. Dans
les premiers essais Adts par les chimistes pour apprécier la va-
leur physiologique des substances alimentaires, on se contenta
des données obtenues de la sorte : et effectivement, quand il
s'agit seulement de matières qui, par leur nalurc, se ressemblent
beaucoup entre elles, on peut arriver ainsi à des approxima-
tions satisfaisantes dans beaucoup de cas (1); mais lorsqu'on
veut approfondir l'étude théorique de ces questions, il faut né-
cessairement tenir grand compte de la composition et des pro-
priétés de la portion solide des alimcnls, aussi bien que de leur
quantité.
(1) En '1818, le ni.inislre de l'inté-
rieur voulant s'éclairer sur la valeur
nutritive des diverses substances em-
ployées pour l'alimentation des déte-
nus, a:îressa à la Faculté de médecine
de Paris une série de questions à ce
sujet, et, pour y répondre, Vauquclin
et Percy dosèrent la quantité d'eau et la
proportion de matières exlractivcs con-
tenues dans un certain nombre de ces
corps. Ils trouvèrent q:c la quantité
de matière sèche contenue dans 1 kilo-
gramme d'aliment était de :
750 pour lo pain ordiiiiiirc de Paris.
340 pour la viaiids maigre do Bœuf.
230 pour les pommes do terre,
144 pour les cpinards.
143 pour les carotics.
89 pour les choux.
80 pour les navets.
Ce fut d'après ces bases que Vau-
quelin et Percy dressèrent un tableati
de la valeur nutritive comparative des
principaux aliments employés dans les
prisons (a).
Dans toutes les recherches faites
sur le même sujet depuis vin^t ans,
il a été tenu compte de la proportion
d'eau qui se trouve associée aux
matières organiques dans les sub-
stances alimentaires, et, pour pins de
détails relatifs aux. faits de cet ordre ,
je renverrai aux tableaux que je don-
nerai dans une autre partie de celte
Leçon (6).
J'ajouterai que i\l, Lawes et Gilbert
ont déterminé la proportion d'eau
contenue dans les dilierentes par-
lies du corps des animaux de bou-
cherie (c).
la) Percy et Vauquelin, Rapport fait à la l'acuUé de médecine le 9 avril 1815 {Bulletin de la
Faculté et de la Société de médecine, i. VI, p. 75).
(6) Voyez ci-après, page 208.
(c) I-awes and Gilliert, Expérimental Inquirn into thc Composition ofsom: of thc Animais fcd
and sl'Vfihtered as lluman Foo.l {l'hilos. 'i'rans , ISô'J, t. CXLIX, p. oSO cl fuiv.).
200 NUTRITION.
^nuS"" ^^^^ ^'^ pratique, on peut suivre une autre marehe, et arriver
par des tâtonnements à connaître la quantité de tel ou tel
. aliment particulier qui peut être substitué à une quantité déter-
minée de telle autre substance nutritive dans la ration d'entre-
tien d'un Animal adulte, c'est-à-dire dans la ration à l'aide de
laquelle on satisfait à tous ses besoins et l'on maintient son corps
dans nn état slationnaire. Plusieurs agronomes ont publié des
observations de ce genre; mais dans une exploitation rurale
il est toujours fort difficile d'obtenir ainsi des résultats nets et
constants, car les conditions dans lesquelles on opère varient
trop, et, du reste, les faits enregistrés de la sorte ne pou-
vaient résoudre la plupart des questions les plus importantes
pour l'étude physiologique de l'alimentation. M. Boussingault
a donc rendu à la science un service considérable, lorsqu'il a
• fait intervenir dans ces recherches l'analyse élémentaire des
matières alimentaires, et qu'il a établi des comparaisons pré-
cises entre leur pouvoir nutritif et leur richesse en azote ou tout
autre principe constitutif.
Évaiuaiion Lcs prcmièrcs expériences de M. Boussingault portent sur
d'après l'aïolc ,, ,. . i » • i r- i i r^^ i . i
conienu. 1 aliincntalion des Animaux de lerme, tels que le Cheval et la
Yache, dont la nourriture se compose de substances très-riches
en carbone, mais généralement pauvres en azote. Or, les faits
dont j'ai rendu compte dans les précédentes Leçons nous ont
montré que pour subvenir à la dépense nutritive de ces Ani-
maux, il faut que leur ration quotidienne renferme une quantité
considérable d'azote. Nous ne devons donc pas nous étonner
si, dans le cas particulier que je viens d'indiquer, la condition
dominatrice ait été la proportion de matières azotées contenues
dans l'aliment. En effet, M. Boussingault a été frappé de la
concordance qu'il trouvait entre la puissance nutritive des di-
verses substances végétales dont il faisait usage pour la nour-
rilure de ses Animaux de ferme et la f|uantité d'azote que ces
substances contiennent. 11 crut même [louvoir poser en prin-
VALEUR NUTRITIVE DES DIVEUS ALIMENTS. 201
cipe que la propriété alimentaire des végétaux réside essentiel-
lement dans leurs matières azotées, et que leur faculté nutri-
tive est proportionnelle à la quantité d'azole qui entre dans leur
composition; enfin, il dressa d'après ces vues une table d'équi-
valenls nutritifs, dans laquelle il donna le poids de chaque ali-
ment correspondant à une quantité constante d'azote.
Comme exemples de ces différences, je dirai que pour fournir
à un Animal la quantité d'azote contenue dans 100 grammes
de foin ordinaire, il faut :
Grammes,
68 d'avoine des magasins militaires
de Paris.
60 d'avoine d'Alsace, première qua-
lité.
58 de seigle d'Alsace , première
qualité.
55 de froment d'Alsace.
'27 de pois secs.
25 de lentilles.
22 de tourteau de lin.
iZi de tourteau d'arachis.
Grammes.
885 de navets.
669 de betteraves blanches de Si-
lésie.
548 de betteraves champêtres.
Ù79 de paille de seigle nouvelle.
un de choux pommés.
382 de carottes.
319 de pommes de terre.
235 de paille de froment ancienne.
209 de fanes de pomme de terre.
nu de paille de lentilles.
83 de foin de luzerne.
Celte inégalité dépend en grande partie de la proportion d'eau
contenue dans ces substances, mais elle correspond aussi en
partie à la proportion d'azote que renferme la matière sèche ;
ainsi, en faisant abstraction de l'eau et en analysant la matière
sèche, M. Boussingault trouva pour 100 grammes :
ûs%/i3 d'azote dans la paille de froment ancienne.
l'^ôO dans la pomme de terre ordinaire.
2s'^,30 dans le froment d'Alsace.
3s'',8Zi dans les pois jaunes.
56'^,20 dans le tourteau de lin.
8B'',89 dans le tourteau d'arachis,
En se fondant sur l'hypothèse de la proportionnalité de l'azote
contenu dans ces aliments et de leur pouvoir nutritif, M. Bous-
singault a fait diverses expériences dans lesquelles une portion
du foin de la ration ordinaire fut remplacée par son équivalent
vin. lu
202 NUTRITION.
théorique de paille, d'avoine, etc., et dans un grand nombre
de cas il vit que le poids du corps de l'Animal restait station-
naire, malgré ces changements de régime ; mais dans d'autres
cas, il n'en fut pas de même, et il n'y eut pas accord entre la
théorie et les résultats observés (i).
Le désaccord deviendrait encore plus grand, si l'on compa-
rait entre elles d'autres substances alimentaires, telles que du
riz, de la viande, du thé ou du café, et l'écorce de certaines
plantes. En effet, les divers principes immédiats azotés qui
peuvent se rencontrer dans une substance végétale ou animale
• ne sont pas tous également utilisables dans le travail nutritif
dont l'économie animale est le siège, et, du reste, nous savons
déjà que les substances carbo-hydrogénées sont aptes à se
substituer en partie aux matières azotées comme aliment de la
combustion physiologique, et par conséquent, en théorie aussi
bien que dans la pratique, il faut en tenir grand compte. Il
paraîtrait même que pour l'engraissement de nos Animaux de
boucherie, leur rôle serait plus important que celui des prin-
cipes azotés (2). Les questions relatives à la nutrition des
(1) Pour plus de détails, au sujet II est aussi à noter que, dans quel-
de la proportion d'azote contenue ques substances alimentaires végé-
dans les divers aliments , et de la taies, il existe des sels ammoniacaux
valeur nutritive de ces substances, je en quantité fort notable, et que, par
renverrai aux ouvrages de M. Boussin- conséquent, la totalité de l'azote fourni
gault {a). Mais je dois ajouter que par l'analyse élémentaire n'y est pas
dans la dernière édition de son traité applicable à la nutrition. Dans VAga-
d' Économie rurale (1851), ce clii- r^c^is prime/^ws, par exemple, à l'état
miste éminent a beaucoup modifié ses frais, on a trouvé environ 2 millièmes
premières idées sur les équivalents de ces sels (6).
nutritifs, et qu'il n'attribue plus une (2) Ce résultat ressort des rccher-
importance aussi grande à la propor- ches de M. Lawes sur l'engraissement
tiond'azote contenue dans les aliments. des Moutons et des Porcs (c)^
(a) Boussingault, Recherches sur la (luantité d'awte contenue dans les fourrages et sur leurs
équivalents [Ann. de chimie et de physique, 1836, t. LXIII, p. 225, et t. LXVII, p. 409). —
Economie iniralc, 1844, t. II, p. 38G et suiv.
(6) Voeicker, On the percentage of Nitrogen as an index to the Nutritive valour of food
(Report of the Drilish Association for the Advancernent a f Science, 1850, Transactions, p. 04).
(c) Lawes, AgricuUural Chemislry, Sheep-feeding and Manure {Mirnal of the R. Agricul'
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 203
xVnimaux sont d'ailleurs beaucoup plus complexes qu'on ne
serait porté à le croire au premier abord, et la valeur physio-
logique des aliments dépend non-seulement de leur composition
élémentaire et des qualités qui leur sont propres , mais aussi de
lem- mode d'association, et l'on se formerait des idées fausses
du rôle que ces substances sont susceptibles de remplir, si
on les considérait seulement d'une manière isolée (1).
(1) La connaissance de la composi-
tion élémentaire des substances em-
ployées pour l'alimentation, soit de
l'Homme, soit de nos Animaux do-
mestiques, n'en est pas moins indis-
pensable pour toute étude scientifique
de la valeur nutritive de ces matières,
et depuis quelques années beaucoup
de recherches ont été faites sur ce
sujet.
Voici les principaux résultats ob-
tenus par MM. Schlossbergcr et Kemp,
en opérant sur 100 parties de ma-
tières sèches (a) :
ALIMENTS ANALYSES.
Lait de Vache
Lait de Femme
Fromage de Dunlop
Fromage liollandais de Gouda. .
Fromage de Chester
Fromage de Gloiicester double .
Fromage de Gloucester vieux . .
Jaune d'œuf
Huîtres
Foie et bile de Crabe
Moules crues
Moules bouillies
Foie de Bœuf.
Foie de Pigeon
Soupe conservée
Anguille crue
Anguille bouillie
Anguille traitée par l'alcool bouillant.
Saumon frais
Saumon bouilli
Saumon trailc par l'alcool. . . .
Hareng cru
Hareng bouilli
Hareng traité par ralcool ....
3,78
1,50
6,03
7,11
6,75
6,98
5,27
13,14
5,25
7,52
8,41
10,15
10,66
11,80
12,16
6,91
6,82
14, 45
12,35
9,70
15,62
14,48
12,85
14,54
ALIMENTS ANALYSES.
Laitance du Hareng. . . .
Cabillaud frais
Cabillaud bouilli
Cabillaud traité par l'alcool
Plie {Flaunder) crue . . .
Plie bouillie
Plie traitée par l'alcool . .
Raie crue
Raie traitée par l'alcool. .
Crabe
Pigeon cru
Pigeon bouilli. ......
Pigeon traité par l'alcool .
Agneau cru
Agneau traité par l'alcool.
Mouton cru
Mouton bouilli
Mouton traité par l'alcool .
Bœuf cru
Bœuf traité par l'alcool. .
Jambon cru
Jambon bouilli
Jambon traité par l'alcool.
Blanc d'œuf
tural Soc. of England, 1849, t. X, p. 276). — Pig feeding (Journ. of the AgricuU. Soc. of
England, 1853, t. XIV, p. 521).
— Lawes and Gilbert, On the Composition of foods in relation to Respiration and Feeding o[
Animais (Report of the 22'!' meeting of the British Association, p. 323).
(a) Schlossberger und Kemp, Versuch »m einer Nutritionsskale unserer Nahrungsmittel ans
beiden organischen Reichen, hergeleitet ans ihrem Stickstoffgehalt [Arch, f. Physiol. Heilli.,
1846, t. V, p. 17).
Ëvaluation
d'après
20/l NUTRITION.
Jadis boaucoiip de physiologistes croyaient devoir refuser le
ia"qiiantïic 110111 d 'aliuieiits aux substances qui ne suffisent pas à l'entretien
carbone, dc la vlc, ct, après avoir constaté que le sucre, la gomme et
les autres natures organiques non azotées ne remplissent pas
ces conditions, on trouva que certaines substances azotées, la
gélatine, par exemple, étaient également inaptes à répondre
à tous les besoins de l'organisme ; en sorte que l'on consi-
déra ce corps comme ne pouvant être employé ntilement pour
la nourriture de l'Homme ct des Animaux. Mais cette manière
d'envisager la question manquait de justesse, et des expériences
précises montrèrent que la gélatine est susceptible de concourir
à l'entretien du travail nutritif, pourvu (ju'elle se trouve asso-
ciée à des substances excitantes qui en facilitent la digestion et
l'emploi ultérieur dans l'intérieur de l'organisme (i).
(1) Cette question fut soulevée à
l'occasion de l'emploi des soupes dites
économiques dans les hôpitaux et au-
tres établissements destinés à secourir
les indigents. Darcet avait beaucoup
préconisé l'usage de ces soupes, dont
le principal ingrédient était de la gé-
latine extraite des os dc boucherie
parla coction à haxite température, ou
au moyen d'un traitement préalable par
l'acide chlorhydriquc (a). Cependant
les produits obtenus de la sorte étaient
fort mauvais et furent l'objet dc plain-
tes très-vives , à la suite desquels
M. Donné, Ganal, :\Iagendie et plu-
sieurs autres médecins firent des ex-
périences, dont il leur parut résulter
que la gélatine ne possédait pas dc
propriétés nutritives (6). Mais les re-
cherches expérimentales de William
Edwards et Balzac prouvent que cette
substance, tout en étant un aliment
insuffisant est susceptible de jouer un
rôle important dans la nutrition. Ainsi,
un petit Chien mis au régime du pain et
de la gélatine pendant soixante-quinze
jours augmenta de poids de 159
grammes; dans une autre expérience,
le même Animal soumis au même ré-
gime augmenta de 29 grammes en
vingt et un jours; mais, étant ensuite
privé de gélatine et nourri avec du pain
et de l'eau seulement, il perdit 333,
grammes en trente- trois jours. Un au-
(a) Darcet, Mémoire sur les os provenant de la viande de bouclierie, dans lequel on traite de
la conservation dz ces os, de l'extraction de leur gélatine par le moyen de la vapeur, et de
l'usage alimentaire de la dissolution gélatineuse qu'on en obtient (Recueil industriel, par Moléon),
cL im L^rand nombre d'autres notes publiées dans le même recueil.
(6; Doiuic, Mémoire sur l'emploi de la gélatine comme substance alimentaire {Archives géné-
rales de médecine, 2' série, 1835, t. VIII, p. 240).
— Gannal, Letlre adressée à M. le baron Thenard, 1841.
— Magendie, IXapport fait à l'Académie des sciences au nom de la Commission dite de la
gélatine [Comptes rculus de l'Académie, 1841, t. XIII, p. 237).
— Licbig, Nouvelles lettres sur la chimie, 1852, p. 206.
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 205
Il est évident que dans l'étude théorique des aliments il faut
tenir grand compte de la quantité d'oxygène que ces corps
renferment; car leur valeur comme combustible diminue pro-
portionnellement à celte quantité, puisque cet élément com-
burant s'y trouve déjà à l'état de combinaison avec un ou
plusieurs des autres éléments constitutifs de la matière orga-
nique dont il neutralise la puissance comme agent combustible.
Ce n'est donc pas la proportion totale de l'hydrogène ou du
carbone contenus dans un aliment qui inllue sur sa puissance
nutritive, mais la quantité de l'un et de l'autre de ces élé-
ments qui se trouve en excès, lorsqu'on suppose que la totalité
de l'oxygène avec lequel ils sont associés est employée à les
transformer en eau ou en acide carbonique. /Vinsi, le sucre
tre individu nourri de pain et de gé-
latine pendant trente-quatre jours
perdit 209 grammes de son poids, et
dans un égal espace de temps il perdit
hGli grammes lorsqu'il était mis au
régime du pain et de l'eau seulement.
Enfin, dans d'autres expériences, ces
physiologistes constatèrent qu'un Chien
nourri avec du pain et de la gélatine
assaisonnés de quelques cuillerées de
bouillon bien sapide gagna en quinze
jours 1418 grammes. Or, dans ce cas,
la quantité pondérale de matière
alimentaire, autre que la gélatine que
renfermait le bouillon, était insigni-
fiante, et aurait été évidemment in-
suffisante pour maintenir l'organisme
à son poids initial, si elle avait été ad-
ministrée seule (a).
Des expériences faites plus ré-
cemment sur le même sujet par
M!\I. Bischoff et Voit prouvent égale-
ment que la gélatine peut tenir lieu
d'une portion de la matière azotée
nécessaire à la nutrition. Ainsi, un
Chien du poids de 33 040 grammes
reçut journellement 200 grammes de
viande et 200 grammes de gélatine ; il
perdit journellement 134 grammes de
son poids. On augmenta alors de
100 grammes de gélatine la ration du
même Animal, et l'on trouva que ses
pertes se réduisirent à 77 grammes
par jour. Ainsi, 100 grammes de géla-
tine par jour avaient diminué de
23 grammes la perte du poids du
corps chaque jour. Ces expérimenta-
teurs pensent, du reste, que la valeur
nutritive de la gélatine, comparée à
celle de l'albumine, est très-faible (en-
viron 1/4), et que pour subvenir aux
dépenses physiologiques de l'orga-
nisme avec cette substance seulement,
il faudrait des quantités bien supé-
rieures à celles que l'appareil digestif
est capable d'absorber (6).
(a) W. Edwards et Balzac, Recherches expérimentales sur l'emploi de la gélatine comme sub-
stance alimentaire {Archives générales de médecine, d835, 2' série, t. VII, p. 272, et Ann. des
se. nat., 4831, t. XXVI, p. 318).
{b) bischoff nnd Voit, Die Cesetxe der Ernflhrung des Fleisch presser s, 1860, p. 215 et suiv.
Délcrmination
206 NUTRITION.
de lait et la stéarine renferment à peu près la même quantité
d'hydrogène pour une quantité donnée de carbone : mais, dans
le sucre de lait, il existe autant d'équivalents d'oxygène qu'il
y a d'équivalents d'hydrogène, et par conséquent cette sub-
stance ne joue le rôle de combustible qu'à raison de son
carbone ; tandis que dans la stéarine on trouve pour chaque
équivalent d'oxygène près de 9 équivalents d'hydrogène. La
stéarine est par conséquent une substance dont la valeur,
comme combustible, est plus grande que celle du sucre (1).
Du reste, pour bien juger de la valeur nutritive des ahments
.^''^ par l'étude de leur composition chimique, il ne faut pas se con-
principes ' '■ i 7 r
immédiats, tcutcr dcs résultats fournis par l'analvse élémentaire, et il est
nécessaire de déterminer les proportions suivant lesquelles les
différents groupes de principes immédiats s'y trouvent asso-
ciés. En effet, il faut pouvoir se rendre compte de la quan^
tité des matières albuminoïdes, des substances sucrées ou
transformables en sucre (2), et des corps gras que l'aliment
(1) En effet, la composition élé- l'oxygène en proportion voulue pour
mentaire du sucre de lait est repré- constituer de l'eau,
sentée par C^^W^O-^, et celle de la Des considérations de cet ordre ont
stéarine par C'H'OQS. uj^ certain conduit MINI. Lawes et Gilbert à re-
poids de sucre de lait qui, en brûlant, garder les graisses mixtes qui se trou-
donnerait naissance à 71 équivalents vent dans le corps des Animaux de
d'acide carbonique, fixerait 62 équi- boucherie comme des combustibles
valents d'oxygène sur l'hydrogène con- physiologiques dont la valeur égale
tenu dans cette substance : total, 133 celle de deux fois et demie leur poids
d'oxygène ; tandis que la quantité de de matière amylacée (a).
sucre de lait qui,- en s'oxydant, don- (2) Nous avons vu précédemment
nerait naissance à un même poids que les substances amylacées sont
d'acide carbonique, ne fixerait néces- transformées en glucose par l'action
sairement, pour la constitution de ce des sucs digestifs, et par conséquent
produit, en tout que les 71 équiva- on doit considérer ces matières comme
lents d'oxygène , la totalité de son ayant la même valeur nutritive que
hydrogène étant déjà associée à de le sucre. C'est, du reste, ce qui a
(a) Lawes antl Gilbert, Expérimental Inquiry into the Composition of tlie Animais fcd and
slauglUered as Haman food (Philos. Trans., 1S5S, p. 551).
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 207
renferme (1); il est bon de doser aussi les matières salines,
mais en général cela n'est pas nécessaire pour les évaluations
approximatives dont on a besoin, soit dans les recherches
physiologiques, soit dans les calculs agronomiques; aussi la
plupart des chimistes qui ont dressé des tables de ce genre
se sont-ils bornés à indiquer les quantités d'eau, d'azote, de
carbone et de matières grasses que contient un poids donné
des divers aliments dont ils parlent.
Comme exemple de ces documents, dont les physiologistes
ont souvent besoin, je citerai ici la partie principale du tableau
donné par M. Payen dans un ouvrage consacré spécialement
à l'histoire des substances alimentaires. Je suppose que la
quantité de chaque aliment nommé soit égale à 100 grammes,
et j'ajouterai que, pour évaluer approximativement la quantité
de matières albuminoïdes qu'ils contiennent, il suffit de multi-
plier par 6,5 le poids de l'azote obtenu.
été constaté expérimentalement par quantitéd'eauvariaentre57et87pour
MM. Lawes et Gilbert. En employant 100 ; la proportion de principes albu-
comparativement l'amidon et le sucre minoïdes était en général de 3 h h pour
de canne pour l'alimentation des 100, mais dans quelques cas elle tomba
Porcs , ces agronomes ont vu que à 2 pour 100, et dans d'autres elle
pour des poids égaux de ces matières s'éleva jusqu'à 10,9 pour 100; celle
supposées à l'état sec, il y avait égalité des matières grasses varia entre 1,50
dans l'accroissement du poids du et 0,52 ; celle des matières amylacées
corps (a). ou sucrées varia entre 3,98 et 22,6 ;
(1) M. Way a fait une série de re- enfin, le dosage des matières miné-
elierches sur les proportions d'eau, de raies donne de 0,52 à Zi,17 pour
substances azotées et de matières gras- dOO. Dans une autre série d'expérien-
ses contenues dans diverses espèces ces, M. Way détermina la proportion
d'herbages employées pour l'alimen- d'azote contenue dans ces mêmes four-
tation des bestiaux en Angleterre. La rages (6).
(a) Lawes and Gilbert, On the Equivalency of Starch and Sugar in food {Report of the
24"' meeting of the British Association held in ■1854, p, 421).
(b) Way, On the relative Nutritive and Fattening Properties of différent natural and artificial
Grasses {Journal oftheR. AgricuUural Soc. of England, 1853, t. XIV, p. il\).
208
NUTRITION.
NOMS DES ALIMENTS.
Viande (sans os)
OEufs (blanc et jaune ensemble).
Lait de Vache
Lait de Chèvre
Fromage de Brie
Fromage de Gruyère
Cliocolat
Fèves
Haricots
Lentilles
Pois ■
Blé dur du Midi ■
Blé tendre
Farine blanche de Paris . . . ,
Farine de seigle
Orge d'hiver, ou escourgeon.
Maïs
Sai'rasin
Riz
Gruau d'avoine
Pain blanc de Paris
Pain de munition (nouveau) .
Pain de farine de blé dur. . .
Châtaignes ordinaires
Châtaignes sèches
Pommes de terre
Carottes
Figues fraîches
Figues sèches
Pruneaux
Lard
Beurre ordinaire (frais). . . .
Huile d'olive
AZOTE. CARBONE
1,90
0,66
0,69
2,25
5
1,52
Zl,50
3,88
3,75
3,50
3
1,81
1,6/1
1,75
1,90
1,70
1,95
1,08
1,95
1,08
1,20
2,20
0,6Zi
3,0/1
0,2/1
0,31
0,/il
0,92
0,73
1,18
0,6/1
0,00
11
12,50
7
7,60
2/1,60
36
/l8
/lO
/il
/lO
/il
10
39
39
/il
ZlO
hli
/lO
/l3
/il
29,50
30
31
35
/l8
10
5,50
15,50
3/1
28
61,1^1
67
77
GRAISSE.
7
3,70
/l,10
5,56
2/1
26
2,10
2,80
2,65
2,10
2,10
1,75
1,80
2,25
2,20
8,80
2
0,80
6,10
1,20
1,50
1,70
/1,/J0
6
0,10
0,15
0,00
0,00
0,00
71
82
86
EAU.
78,50
80
86,50
83,60
58
/lO
8
15
12
12
10
12
l/l
l/l
15
13
12
12
13
13
36
35
37
26
10
7/1
88
66
25
26
20
1/1
2
Je dois ajouter que les nombres désignés dans le tableau ne
sont pas rigoureusement applicables à toutes les variétés de
grains ou de légumineuses d'une même espèce, car la compo-
sition de ces plantes est sujette à quelques variations suivant las
conditions dans lesquelles la culture en a été faite ; mais ici nous
n'avons besoin que d'approximations. Quant à la proportion du
soufre et des autres matières inorganiques contenues dans les
aliments, les différences sont si faibles, qu'il est rarement né-
cessaire d'en tenir compte dans l'évaluation de la valeur nutri-
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 209
tive des rations. Du reste, le dosage en a été fait par divers
chimisles (1).
Il est également à noter que, dans un grand noinjjrc de sub-
stances alimentaires employées par les agricLiKcm^s pour la
nourriture des animaux de ferme, il existe, en proportions plus
ou moins fortes, des matières organiques qui, d'ordinaire, ne
sont digérées que d'une manière incomplète, et sont évacuées
(1) Voici, par exemple, les résultais obtenus d'une longue série d'analyses
faites par M. Ilorsford (a).
MATIERES ANALYSEES.
Farine de froment de Vienne, n° ■] . .
Farine do froment de Vienne, n° 2 . .
Farine de fioment de Vienne, n" 3 . .
Froment de Talavera, de llolienheira . .
Froment de Wiiillinglen, de Ilohenlieim
Froment de Sandomir, de Hohenheim. .
Farine de seigle de Vienne, n° i. . . .
Farine de seigle de Vienne, n° 2. . . .
Seigle [Staudenrogen) de Holionlieim. .
Seigle (Schilfrogen) de Hohenheim . . .
Polenta de Vienne
Maïs de Hohenheim
Avoine de Giessen
Orge de Hohenheim
Orge d'hiver de Hohenheim
Avoine du Kamtchatka, de Hohenheim .
Avoine blanche de Hohenheim
Riz ordinaire
Farine de sarrasin de Vienne
Sarrasin fartare de Hohenheim
Pois verls de Vienne
Pois de Giessen
Haricots de Vienne
Fèves
Lentilles
Pommes de terre blanches
Pommes de terre violettes
Carottes
Betteraves
Radis
Turneps jaunes
Choux
Oignons ,
3.00
"2 12
3^44
2,50
2,68
2,69
1,87
2,93
2,78
2,47
2,14
2,30
2,07
2,31
2,79
2,39
1,10
1,08
1,56
4,42
4,57
4,47
4,59
4,77
1,56
1,20
1,67
2,43
1,81
1,45
1,78
1,18
0,23
0,15
0,25
0,18
0,19
0,19
0,13
0,21
0,15
0,18
0,15
0.16
0,15
0,10
0,20
0,17
0,20
0,08
0,07
0,11
0,14
0,14
0,14
0,14
0,15
0,11
0,08
0,12
0,17
0,13
0,10
0.14
0,70
0,66
1,10
2,80
3,13
2,40
1,33
1,07
0,80
2.37
0,80
1,92
2,01
2,84
5,52
3,20
4,14
0,36
1,09
2,30
3,18
2,79
4,38
4,01
2,60
3,71
3,36
5,77
6,43
5,02
4,01
7,02
8,53
19,16
13,54
21,97
16,54
17,11
17,18
11,94
18,71
17,75
15,77
13,00
14,68
13,22
14,74
17,81
15,20
18,00
7,40
0,89
9,96
28,02
29,18
28,54
29,31
30,46
9,96
7,66
10,66
15,50
11,56
9,25
12,64
7,53
79,77
85,37
78,03
80,78
78,58
78,89
85,05
78,97
80,86
82,67
84,90
84,52
84,52
84,80
80,04
86,05
83,08
91,00
91,52
90,38
07,31
00,22
60,70
66,17
05,06
80,30
88,20
84,59
73,18
78,49
90,32
81,33
13,85
13,05
12,73
15.43
13,93
15,48
13,78
14,68
13,94
13,82
13,36
14,96
14,40
10,79
13,80
12,71
12,94
15,14
15,12
14.19
13,43
19,50
13,41
15,80
13,01
74,95
08,94
80,10
81,01
82,25
83,28
87,78
93,78
(a) HorsforJ, Ueber den Werth verschiedener vegetabilischer Nahnmgsmittel, liergeleitet aus
ihrem Stkkstoffgehalt {Ann. der Chemie und Pharm., 1848, t. LVIII, p. IGOi,
210 NUTRITION.
au dehors sans avoir servi à l'entretien de l'organisme. Il est
donc utile de connaître la quantité de matières réellement uti-
lisables que ces aliments renferment, et dans cette vue on peut
consulter avec avantage les analyses dans lesquelles on a dosé
la quantité de principes amylacés contenus dans ces corps (1).
Pour montrer l'étendue des différences qui peuvent exister à
cet égard entre diverses substances alimentaires dont on fait
souvent usage pour la nourriture de nos Animaux domestiques,
il me suffira de citer ici un petit nombre d'exemples. Ainsi les
(1) Dans les analyses élémentaires
ordinaires des substances alimentaires
végétales, on dose en bloc la totalité
du carbone provenant de la cellulose,
de la cire et d'autres matières plus ou
moins indigestes, aussi bien que celui
fourni par les principes amylacés ou
sucrés. Dans les analyses dont les
résultats ont été consignés dans le
tableau suivant, M. Kroker a déterminé
la proportion de ces dernières sub-
stances carbo-hydrogénées digestibles
qui se trouvent dans 100 parties de
matières sèches (o).
Amidon de haricots pur.
Farine de froment, n° 4 ,
Farine de froment, n° 2
Farine de froment, n° 3
Froment de Talavera. . ,
Farine de seigle, n° i.
Farine de seigle, n° 2.
Farine de seigle, n° 3.
Seigle (Staudenrogen) .
Seigle {Schilfrogen] . .
Avoine des prairies . .
Avoine du Kamtchatka.
Farine d'orge
Orge
Orge de Jérusalem. . .
Farine de sarrasin . . .
Sarrasin
Farine de maïs
Maïs
Epeaulre
Riz
Fèves
Pois
Lentilles
NUMÉRO i.
99,96
65,21
66,93
57,70
55,92
61,26
54,88
57,07
44,39
47,71
37,93
39,55
64,63
38,62
42,66
77,74
65,88
55,51
85,76
37,71
38,81
39,62
NUMÉRO 2.
66,16
67,42
57,21
56,59
60,56
54,12
57,77
44,80
47,13
36,90
40,17
64;i8
37,99
42,03
66,80
53,76
86,63
37,79
38,70
40,08
{a) Krocker, Bestimmu7iy des Stârkmehlgehaltes in vegetalilisclien Nahrungsmitleln. {A7in.
der Chem. und Pharm., 1848, t. LVlII,p. 212).
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 211
agronomes évaluent à âOO grammes la quantilé de substances
indigestes contenue dans 1 kilogramme de paille d'avoine; à 220
la quantité des mêmes matières contenue dans le môme poids
de luzerne sèche; à 17 grammes le résidu digestif de i kilo-
gramme de feuilles de betteraves, et à k grammes seulement
ce même résidu laissé par la digestion de 1 kilogramme de
pommes de terre jannes. En général, ces différences dépendent
principalement du degré d'agrégation moléculaire des tissus,
et le déchet nutritif est d'autant moindre, que la proportion
d'eau contenue dans la substance végétale est plus élevée. Mais
on ne peut pas toujours juger de la digestibilité de ces aliments
par des considérations de cet ordre; car la Betterave à sucre,
par exemple, contient plus d'eau que les pommes de terre dont
je viens de parler, et cependant elle fournit six fois plus de ma-
tières indigestes (1).
(1) M. AUibert, professeur à l'école
d'agriculture de Grignon, en traitant
des rations équivalentes pour l'alimen-
tation des Animaux domestiques, a
donné un laljleau dans lequel toutes
ces indications se trouvent réunies.
L'intérêt qui s'attache aux connais-
sances de cet ordre me détermine à
reproduire ici ce document.
Tableau de la composition des aliments {pour 1 kilogramme).
S
ta V
O
u
u
3
'S
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RAPPORT
du
rn
H
E-1
ri
E-
e:
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3,6
140
24]
35
Grains et graines.
Avoine
Blé poulard
Blé roug;e
Blé corné.
Orge d'hiver
Seigle
Sarrasin
Maïs d'Alsace
Riz
Millet
212
NUTRITION.
Différences i^ 2 . — Dii Fcsle, l'utilïté pliysiologique des alimeiils ne
entre "" ' . .
des maiitres (lépeiKl pos sculemeiit de leur eomposilion chimique ; elle est
jsomériques. , , / • > i nu i ' i •
subordonnée aussi a leur mode d arrangement moleculan^e et
à leur degré d'absorbabilité.
L'influence exercée par le mode de groupement des atomes
constitutifs d'un corps sur sa valeur nutritive a été mise en lu-
mière de la manière la plus évidente par les recherches expé-
rimentales de M. Pasteur, relatives aux dilTérentes variétés de
l'acide tarlrique. En effet, ce chimiste habile a constaté que
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35
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20
205
103
Giaine de clianvre
l'Jb
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137
34
58
14
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265
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212
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256
6,1
7,2
147
310
61
270
41
85
Tourteaux.
327
335
121
332
308
139
129
60
84
48
67
298
317
1,68
1,6
134
C8
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117
22
21
Tourteaux de pavot
Tourteaux d'œilletle
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136
233
139
101
81
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117
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19
'l'ourteaiix do colza
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105
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23
Touileaux de ihènevis
263
95
388
153
60
48
296
2,1
53
20
27
Tourleaux de noix
328
168
118
60
456
64
194
27
90
10
72
S
384
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34
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22
43
Tourteaux de faînes
Tourteaux de sesamo
424
153
163
68
82
66
287
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100
50
17
Marc ce raisin distillé
37
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Pain de créions
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Foins.
Foin de pré naturel
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100
Regain de | ré naturel
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35
35
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6
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51
220
42
60
250
54
207
Trètle fané
Trèfle en vert
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 213
les ôlrcs organisés qui déterminent la Fermentation alcoolique
détruisent l'acide tartrique ordinaire, lequel est pour eux une
sorte d'aliment, mais qu'ils sont inaptes à agir de la même ma-
nière sur la variété du môme composé appelée acide tartrique
gauche; et cependant cette dernière substance ne diCIcrc de la
précédente que par le mode de groupement dyssymétrique
de ses molécules constitutives (1).
NOMS
des
ALIMENT;
Pailles.
Paille de froment (nouv.) . . .
Paille de seijle
Pai le d'avoine
Paille d'oi'ïe d'hiver
Balles de froment (menue paille)
Feuilles et fanes vertes.
Feuilles de betteraves
Feuilles de carottes
Feuilles de vigne (pampres) . . ,
Fanes de topinambour
Feuilles de maïs
Racines et tubercules.
Bellcraves à sucre
Carottes blanches
Panais
Navets blancs
Navets jaunes
Navels turneps
Rutabagas
Pommes de terre jaunes . . . . .
Pommes de terre rouges. ...
To[)inambour
Choux pommés ,
Potirons (citrouilles)
Pommes à cidre ,
Gram.
22
15
51
14
0,10
1,7
1,5
0,5
2
2
3
9
0,5
0,5
Gram
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205
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9
7
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7
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10
9
13
820
(1) M. Pasteur a montré qu'il existe
quatre variétés d'acide tartrique, dont
l'une, l'acide tartrique ordinaire, qui
tourne à droite la lumière polarisée ;
une seconde qui tourne cette lumière
à gauche; une troisième, appelée acide
racémique, qui se compose d'une mo-
lécule de chacun des corps précédents,
et une quatrième variété qui, sans être
composée de la sorte, est hiaclive sur
214 NUTRITION.
Peut-être faudrait-il rapporter à quelque circonstance de
même ordre la dil'férence que Magendie a constatée entre la
valeur alimentaire des os crus ou cuits pour la nutrition des
chiens. Ce physiologiste a trouvé que les Animaux dont la
ration journalière se composait d'eau et de parenchyme des os
dépouillé des matières calcaires par l'action d'un acide ou mo-
difié par la cuisson, s'affaiblissaient rapidement, et mouraient
d'inanition, tandis que ceux qu'il nourrissait avec des os crus
ont vécu pendant plus de trois mois, sans éprouver ni perte de
poids, ni trouble dans leur santé (1).
desFoprie^tés § ^- — Lcs propHétés osmotiqucs dcs corps influcut bcau-
osmotiques. ^.Qyp g^^, jg j.^|g ^^^ ^g^ substauccs sout susccptiblcs de rem-
plir dans la nutrition des Animaux, et l'analyse élémentaire est
insuffisante pour nous éclairer sur ce genre de propriétés phy-
sico-chimiques. Ainsi la gomlne arabique desséchée à une tem-
pérature de 100 degrés présente la même composition chimique
que le sucre ; dans l'une et l'autre de ces substances on trouve
12 équivalents de carbone unis aux éléments de 11 équivalents
d'eau ; mais, ainsi que nous l'avons vu précédemment, le sucre
la lumière polarisée. Or, en soumet- l'un peut être utilisé par les êtres
tant de l'acide racémique à l'action de microscopiques en question, tandis que
la levure de bière, cet expérimenta- l'autre ne le peut pas, bien que la coni-
teur a trouvé que la fermentation position chimique des deux corps soit
s'établit aux dépens de Facide tartri- identique (a).
que droit (ou Ordinaire) contenu dans (1) Dans ces recherches, les os
cette sul^slance, et la transforme, mais avaientctédépouilléspréalablementdes
que l'acide tartrique gauche ainsi mis parties molles environnantes et d'une
en liberté reste intact. Le caractère portion de leur graisse; mais je dois
de dyssymétrie moléculaire qui établit ajouter que les expériences en ques-
la différence entre ces deux acides, tion ne me paraissent pas avoir été
et qui est propre aux matières orga- faites d'une manière aussi comparative
niques, modifie donc les affinités chi- qu'on aurait pu le désirer, et elles ne
miques de ce composé, et fait que m'inspirent que peu de confiance {b),
(a) Pasteur, Mémoire sui* la fermentallon de Vacide lartrique {Comptes rendus de l'Académie
des sciences, 1858, t. XLVI, p. 615).
(6) Magendie, Rapport sur la gélatine, etc. {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1841,
t. XIII, p. 269).
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 215
en dissolution traverse facilement les membranes animales,
tandis que la gomme est peu diffusible et ne passe qu'avec une
lenteur extrême dans la substance de ces tissus organiques (1).
Il est aussi à noter que les sucs digestifs paraissent être impuis-
sants à transformer la gomme en sucre (2), et, d'après cet en-
semble de faits, nous pouvons prévoir que l'absorption de cette
substance par les parois de l'intestin ne saurait être rapide ; par
conséquent aussi, que sa valeur nutritive, comparée à celle du
sucre, ne peut être que très-faible. Effectivement il en est ainsi.
Les expériences directes faites par Tiedemann et Gmelin,
M. Boussingault et quelques autres physiologistes, montrent que
la gomme ne peut contribuer notablement à la nutrition des
Animaux (3).
(1) Voyez lome V, page 38 et sui-
vantes.
(2) M. Blondlot a trouvé que de la
gomme soumise pendant plus de vingt-
quatre lie ures à l'action d'un suc gastri-
que très-actif s'y était dissoute sans
avoir éprouvé aucun changement dans
ses propriétés chimiques (a). M. Fre-
rich a obtenu le même résultat en fai-
sant agir sur cette substance, pendant
quarante-huit heures, soit du suc gas-
trique, soit de la salive ou du suc pan-
créatique (6), et M. Lehmann a vu que
non-seulement la gomme restait inal-
térée en présence de la salive ou du
suc pancréatiqift, mais qu'elle retar-
dait l'action transformatrice que ces
substances exercent sur l'amidon (c).
(3) Tiedemann et Gmelin soumirent
une Oie au régime exclusif de la
gomme, et ils retrouvèrent celte sub-
stance inaltérée dans les excréments.
Enfin l'Animal mourut d'inanition
au bout de seize jours, après avoir
perdu environ 1/9^ de son poids ini-
tial (d).
L'indigestibilité de la gomme est
mise aussi en évidence par une des
expériences de M. Boussingault. Il fit
avaler à un Canard 50 grammes de
cette substance, et au bout de neuf
heures il en avait déjà retrouvé Zj6
grammes dans les excréments (e).
Enfin, M. Lehmann injecta pen-
dant plusieurs jours de suite, dans
l'estomac d'un Lapin, 10 grammes de
gomme en dissolution dans 90 gram-
mes d'eau, et il ne put découvrir au-
cune trace de cette substance, ni dans
l'urine, pendant la vie de l'Animal, ni
dans, le chyle ou dans le sang après
qu'on l'eut tué (/"}.
(a) Blondlot, Traité analytique de la digestion, 1843, p. S!98.
(6) Frerich, Vei'dauung (Wagner's Handworterbuch der Physiologie, 1846, t. III, p. 406).
(c) Lehmann, Lehrbuch der physiologischen Chemie, t. III, p. 239.
(d) Tiedemann et Gmelin, Recherches expérimentales sur la digestion, t. II, p. 213.
(e) Boussingault, Expériences statiques sur la digestion {Ann, de chimie et de physique,
3' série, 1846, t. XVIII, p. 461).
(f) Lehmann, lac. cit., p. 240.
216 NUTRITION.
Rapports Dgs coiisidcrations de môme ordre nous pcnncltront aussi de
entre lii
consommation saisir la caiise d'une autre partieularite de l'histoire physiolo-
pliysiologiquc . i n i • , , •
ot le degré gique de I ahmenlation.
derdivers ° J'ai déjà eu l'oeeasion de dire que l'Homme, et les Animaux
qui se rapproebent le plus de lui par leur organisation, ne peu-
vent vivre longtemps d'un seul principe immédiat organique,
quelque nutritif que soit ce corps; qu'il leur faut des aliments
complexes, et qu'en général la variété dans le régime est même
une condition de bonne sustentation. Cela ne dépend pas tant
de l'insuffisance de ces matières comme source des matériaux
dont l'assimilation est nécessaire, que des limites de la puis-
sance digestive, ou du pouvoir absorbant des parois de la
cavité alimentaire pour une même substance, et de l'aptitude
de l'organisme à recevoir en même temps des matières diverses
comme si celles-ci étaient seules.
Ainsi, dans une série d'expériences très -intéressantes faites
par M. Boussingault sur la digestion chez le Canard, nous
voyons que la quantité d'albumine que l'Animal était suscep-
tible d'absorber n'était en moyenne que d'environ 1°'',26
seulement par heure. Gavé avec de la gélatine seulement, il en
absorbait pendant le même espace de temps environ 4°', 40 ;
enfin , nourri avec un mélange de ces deux substances, il
absorbait par heure 1 gramme d'albumine et environ [i^\2Q de
gélatine, c'est-à-dire presque autant de chacune d'elles que
si elles avaient été ingérées dans l'estomac isolément. Or,
1^',26 d'albumine sèche ne renferme qu'environ 0'',6S de
• carbone, et le Canard consomme par heure à peu près 1^',25
de ce principe combustible. L'albumine seule est donc pour lui
un aliment insuffisant ; mais, associée à de la gélatine, elle
constitue une ration qui peut répondre aux besoins physiolo-
giques dépendants de la combustion respiratoire. La quantité
de fibrine que les Canards peuvent digérer en un temps
donné est également insuffisante pour introduire dans le tor-
VALEUR iNUÏlUTlVE DES DIVEIIS ALIMENTS. 217
rent de la circulation la quantité de carbone correspondante à
celle que le travail respiratoire élimine de l'organisme pen-
dant !e môme espace de temps, et par conséquent les Ani-
maux de cette espèce soumis à un régime composé de fibrine
seulement seraient réduils à briilcr une parlie de leur propre
substance, perdraient de leur poids, et finiraient par mourir
d'inanition (1) ; mais nourris avec de la viande, c'est-à-dire
avec un aliment complexe qui contient de la graisse , de
l'albumine et d'autres principes assimilables associés à de la
librine, ces Oiseaux peuvent subvenir à tous les besoins de
la combustion pbysiologique, car la quanlité de carbone qu'ils
absorbent alors peut dépasser celle qui est contenue dans l'acide
carboni(iue qu'ils exhalent.
11 résulte également de ces expériences, que l'absorption des
matières grasses par les parois du tube digestif est trop lente
chez les Canards pour que la quanlité de carbone fourni de la
sorte à l'organisme puisse suffire à alimenter la combustion
respiratoire, et par conséquent, lors même que des principes
azotés ne seraient pas nécessaires pour constituer la ration
d'entretien de ces Animaux, les corps gras ne pourraient suf-
fire pour les nourrir.
Les résultats numériques que je viens de présenter ne sont
(1) Dans ces expériences, un Canard élimine de l'organisme au moins is^'iS
fut nourri avec du l3œuf bouilli, se- par heure (e)-
paré de la graisse et réduit à Téiat de II est aussi à noter que dans les cx-
fibrine presque pure par des lavages périences do Magendic, des Chiens
convenables. La quantité digérée et nourris avec de la fibrine seulement en
absorbée en treize heures et demie consommèrent beaucoup, mais néan-
s'éleva à 'J/jS^lO, ce qui donne par moins présentèrent tous les signes
heure 1°'',78. Or, ce dernier poids de d'une alimentation insuffisante, et l'un
fibrine ne fournit pas 1 gramme de de ces Animaux mourut d'inanition
carbone, tandis que la respiration en au bout de deux mois (6).
(a) Boufsingault, Expériences statiques sur la difjestioii {Ann. de clùmle et de physique,
3° scric, 1840, l. XVII!, p. il 3).
(6) Magendic, Rapport sur la gélatine {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1841,
t XIII, p. 272).
Vin. 15
218 Nli'lRiTION.
cvidemiiiciiL applicables qu'aux cas particuliers qui les out
Iburiiis, et de ce que les Canards ne sauraient vivre de fibrine
ou d'albumine seulement , il ne faudrait pas conclure qu'il
n'existe pas d'autres Animaux ])Our lesquels l'une ou l'autre de
ces substances serait un aliment suffisant. Mais les faits que
nous venons de passer en revue n'en ont pas moins une grande
portée, car ils nous montrent que l'efficacité de toute ration ali-
mentaire est subordonnée à trois choses : à la composition chi-
mique des substances dont elle est formée ; à la rapidité plus
ou moins grande avec laquelle l'absorption s'en effectue, et à la
grandeur des besoins nutritifs de l'animal. Ainsi, on conçoit
facilement que si un être animé qui posséderait la même puis-
sance digestive que le Canard, respirait d'une manière beau-
coup moins active, il pourrait entretenir la combustion physio-
logique dont il serait le siège à l'aide du carbone introduit dans
son organisme par l'albumine ou par la fibrine dont il se sus-
tenterait; et que la variété dans le régime doit être d'autant plus
grande, que la puissance absorbante de l'appareil digesfif sera
plus petite relativement à l'intensité de la combustion respira-
toire et des autres phénomènes du travail nutritif.
§ /i. — Pour constituer, sans emploi superflu de matière
ahmentaire, la ration d'entrefien d'un Animal, il faut évidem-
ment que la quantité de substance nutritive qu'il en peut tirer
journellement porte dans le torrent delà circulation, sous une
forme assimilable, une quantité de carbone, d'hydrogène et
d'azote correspondante à celle de chacun de ces éléments chi*
miques qui entrent dans la composition de l'acide carbonique
exhalé en vingt -quatre heures, et dans l'urée ou les autres ma-
tières excrémentitiellesdont la production est une conséquence
nécessaire du travail nutritif. La composifion de cette ration
doit donc dépendre en partie du rapport qui existe entre le degré
d'activité de la combustion respiratoire qui détermine la for-
mation de cet acide carbonique et lu grandeur des }»hénomènes
VALEUR NUTRITlVli) DES DIVERS ALIMENTS. 211)
cl)iini([iies qui amènent la transluri nation des [)rinei[)cs orga-
niques azotés en produits urinaires. Si l'emploi néeessaire de
ces dernières substances est restreint et la combustion physiolo-
gique de carbone très-active, les aliments hydro-carbonés, tels
que la fécule, le sucre ou les graisses doivent être en pro[)or-
tion considérable relativement aux aliments albuminoïdes; car
la portion de ceux-ci qui ne serait pas employée dans l'orga-
nisme pour réparer les pertes occasionnées par la production
nécessaire d'urée ou d'autres principes de même ordre, et qui
ne servirait qu'à donner du carbone ou de l'hydrogène, intro-
duirait inutilement dans l'économie un excédant d'azote, et son
absorption occasionnerait une dépense superflue des forces
digestives. En composant la ration d'après ces principes, il
y aura donc économie pour la consommation ahmentaire et
allégement pour le travail digestif. Mais ces avantages ne sont
pas les seuls qui pourront résulter d'un régime mixte^ comparé
à un régime exclusivement albuminoïde. Si la combuslion res- cii^'ic
, . . . lies râlions
piratoire nécessite l'introduction de beaucoup de cai^bone, et si complexes.
la puissance élémentaire de l'appareil urinaire n'est pas très-
grande, l'alimentation de cette combustion au moyen de ma-
tières albuminoïdes pourra amener la production de produits
urinaires, tels que l'acide urique, en quantitét trop considérable
]»our que l'organisme puisse s'en débarrasser en temps utile, et il
pourra en résulter une accumulation de ces matières dans l'inté-
rieur de l'économie, ainsi que cela se Voit souvent dans certains
états pathologiques, tels que la goutte (1). Or, l'observation nous
(1) Nous avons déjà eu l'occasion déterminer la formation de graviers
de voir que dans les affections de ce dans les reins (6). Les concrétions
genre le sang est parfois très-chargé arthritiques sont en général formées
de matières urinaires (a), et que l'em- aussi en grande partie par des
ploi d'une nourriture trop azotée peut urates (c).
[a] Voyez tome I, page 200.
(6) Voyez tome VII, page 476.
(c) Voyez Lliéritier, Traité de cidmie pallwlogique, \\ 094.
— Simon, Animal Ghemisli'u, I. II, p. 477.
Ralion
alimentaire
de
l'Homme.
220 NUTRITION.
a de{)uis longtemps appris que les alTections de ce genre se
dcclarcnt le plus souvent chez des personnes qui se livrent trop
aux plaisirs de la table. Les médecins savent aussi que, pour
combattre ces maladies, il suffit parfois de substituera l'emploi
des viandes succulentes un régime végétal.
Ainsi, supposons un Animal qui, en remplissant normale-
ment le travail nutritif nécessaire au maintien de l'élat slation-
naire de son organisme, produira par jour 800 grammes d'ocidc
carbonique et 20 grammes d'urée ou d'autres matières urinaires
analogues. S'il se nourrissait de fibrine ou de caséine seule-
ment , il lui faudrait pour sa ralion (juotidienne environ
o75 grammes de ces substances, car la fibrine, de môme
que la caséine, ne renferme que 55 pour 100 de carbone
environ; mais ce poids de fibrine portera dans l'économie
60 grammes d'azote, tandis que pour remplacer la quantité
d'azote excrétée normalement par les voies urinaires, il suffi-
rait de IxO grammes de ce même élément. Si, au contraire,
sa ration se compose de 25 grammes de fibrine et de
250 grammes de matières grasses, il pourra satisfaire aux
mêmes besoins en n'employant chaque jour que 275 grammes
d'alimenls.
§ 5. — C'est en examinant à ce point de vue les substances
complexes dont l'Homme fait sa nourriture ordinaire, ou dont il
se sert pour suslenler les Animaux placés dans sa dépendance,
que nous pouvons juger de la part qui doit être attribuée à cha-
cune d'elles dans la composition des rations destinées à ces
usages.
Ainsi le pain, qui constitue la base principale delà nourriliu^e
d'tme grande partie de la population en France, renferme des
principes amylacés associés à des matières azotées et mêlés à
des sels inorganiques et à beaucoup d'eau. Sa composition varie
un peu suivant celle du blé dont on s'est servi pour le faire, et
suivant la manière dont la mouture de ce grain a été prati-
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 221
quée (1), Celui qui est généralement employé à Paris contient,
pour 100 parties en poids :
33 parties d'eau.
56,7 parties de malif'rcs amylacées, principalemciii de l'amidon el de la
dextrine. . •
i,'6 partie de substances grasses.
7 parties de substances azotées, telles que glutine, rd)rine, caséine et albu-
inine, que l'on confond comninnénient sous le nom de glulen.
2 parties de pliospliates de chaux et de magnésie, chlorure de sodium et
autres substances minérales.
(1) Considérées sous le rapport ali- grasses que le périspermc ; enfin, les
mcntaire, les nombreuses variétés de principes albuminoïdes qu'il renferme
froments diffèrent entre elles princi- n'ont pas les mêmes propriétés que
paiement par la proportion des ma- celles de la partie profonde du grain,
tières azotées contenues dans le grain, qui est blanche et beaucoup plus
et, à raison de ces différences, on les riche en gluten souple et élastique,
divise en trois catégories, savoir : les II en résulte que , suivant que le
blés durs, les blés demi-durs et les blutage ou le procédé de mouture
blés tendres. Les blés durs sont les employé enlève le son plus ou moins
plus riches en gluten ou principes al- complètement, la farine est plus ou
buminoïdes, dont la proportion s'élève moins blanche, et apte à donner
en général à près de 20 pour 100 ou par le pétrissage avec de l'eau une
même davantage (22,7 dans le blé de pâte susceptible de bien lever. La
Venezuela). Les blés demi-durs n'en coloration du pain bis est générale-
renferment qu'environ 16 pour 100, ment attribuée au son, mais elle dé-
et les blés tendres n'en ont qu'à peu pend principalement de l'actfon exer-
près 12 pour 100 (a). cée sur le gluten par une matière
La mouture a pour objet la sépara- particulière, appelée céréaline, qui se
tion plus ou moins complète des té- trouve à la surface du périsperme,
guments de la graine, dont les débris en contact avec le tégument de la
constituent le so7i, et du périsperme qui graine (6).
renferme la fécule, et qui, resté entier La farine des boulangers de Paris
ou faiblement divisé, prend le nom contient :
de qruau, tandis que broyé d'une ma- ^ ^""'"'
nière plus complète, il prend la forme ^,^^^^ , ^
de farine. Le son est coloré et cou- Amidon 728
tient beaucoup de cellulose (environ Glucose 4,2
U centièmes) , et plus de matières Dextrine 2,8 (c).
(a) Payen, Précis de chimie industrielle, 1859, f. II, p. 154.
(6) Ctievreul, Rapport sur un mémoire de M. Mège-Mouriez, ayant pour titre : necherches
chimiques sur le froment, sa farine et sa panification {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
4857, t. XLIV, p. 40).
(c) Dumas, Traité de chimie, t. VT, p. 589.
'222 * NUTRITION.
Par conséquent , 100 grammes de ce pain renferment
P'',08 d'azote et environ 30 grammes de carbone.
Or, nous avons vu précédemment que, ferme moyen, la
dépense pliysiologiqued'un homme pouvait être représentée par
21 grammes d'azote et 230 grammes de carbone.
Pour fournir à son organisme une quantité de carbone équi-
valente à celle qu'il exhale, il suffirait donc d'nne ration d'en-
viron 750 grammes de pain. Mais ce poids de pain ne lui don-
nerait qu'environ 8 grammes d'azote ; et, pour trouver dan's un
tel aliment la quantité de principes albuminoïdes dont il a besoin,
il lui faudra digérer, non pas 750 grammes de pain seulement,
mais plus de 2 kilogrammes.
Si l'Homme se nourrissait de riz seulement, le manque d'ali-
ments plastiques serait encore plus grand. En effet, 100 grammes
decelte céréale ne contiennent qu'environ 7 grammes de matières
azotées associées à près de ^^0 grammes de substances amylacées,
à quelques traces de matières grasses, un peu de cellulose et
une très-faible proportion de matières minérales. Pour fournir
une quantité de carbone équivalente à celle qui est brûlée dans
l'organisme de l'individu dont il vient d'être question, il suffirait
l>resque de 650 grammes de riz ; mais cette ration ne donnerait
guère que 7 grammes d'azote, et le déficit des aliments plas-
tiques correspondrait à l/i grammes de ce dernier élément.
Supposons, au contraire, la ration de l'Homme composée uni-
quement de viande de boucherie peu chargée de graisse. Nous
avons vu précédemment que 100 grammes de cette matière ali-
mentaire contiennent 78^', 50 d'eau et seulement 11 grammes
de carbone associés à 3 grammes d'azote. Pour fournir à la
dépense physiologique en matières azotées, il suffirait donc
d'environ 700 grammes de cette viande; mais une pareille
ration ne donnerait que 71 grammes de carbone, au lieu de 230,
(pi'il aurait fallu introduire dans l'organisme. ^
Nous voyons donc que, pour rendre le régime de l'Homme
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 223
approprié à ses besoins nutritifs, sans dépense superflue des
madères alimentaires et des forces digestives, il faut y réunir,
dans certaines proportions, des substances animales et végé-
tales. Par exemple, une ration composée de 600 grammes do
pain et de 500 grammes de viande donnerait 235 grammes de
carbone et environ 21 grammes d'azote, c'est-à-dire les quan-
tités voulues. Cette ration ne contiendrait cependant en tout
que 512 grammes de matières solides, tandis que la ration
composée de pain seulement, et pesant 2 kilogrammes, en con-
tiendra 1350 grammes. Une ration composée uniquement de
fibrine ou d'autres matières albuminoïdes et de graisse en pro-
portions convenables serait encore plus substantielle, car, pour
des poids égaux de substance alimentaire sèche, elle donnerait
une proportion plus élevée de principes plastiques et de com-
posés carbo-hydrogénés utilisables à titre de combustibles ;
mais, ainsi que nous l'avons déjà vu, l'absorption des corps
gras ne peut, en général, s'effectuer que lentement, et, par
conséquent, l'usage d'une certaine quantité de fécule ou
de sucre comme aliment respiratoire est généralement préfé-
rable (1).
Lorsqu'on veut nourrir d'une manière suffisante les Hommes,
tout en ne faisant que la moindre dépense pécuniaire possible,
(1) On doit à M. Hoppe une série Un mélange de viande crue pilée
d'expériences intéressantes , relatives et de sucre constitue un excellent ali-
au rôle du sucre dans l'alimentation nient pour les très-jeunes enfants qui
des Chiens. Il a constaté qu'en asso- viennent d'être sevrés, et qui ne di-
ciant cette substance à la viande, ou gèrent pas le lait de Vache en quan-
détermine une diminution dans la tité suffisante pour y trouver toute la
quantité d'urée excrétée et une aug- nourriture dont ils ont besoin. J'ai eu
mentation plus rapide du poids du plusieurs fois l'occasion d'en constater
corps, que dans le cas où la ration se l'utilité,
compose de viande seulement (a).
(a) Hoppe, Ueber den Einfluss des Rohrzuckers auf die Verdammg vnd Erndhnmg lirrhiv
fur pathoL Anat. und Physiologie, 1856, t. X, p. \U}.
22/| NUTRITION.
il faut tenir grand compte des faits de cet ordre, et prendre en
considération, d'une part la valeur vénale des différents ali-
ments, d'autre part leur valeur physiologique relative aussi
bien qu'absolue (1). L'art de composer à bon marché des
rations d'un pouvoir nutritif déterminé pour l'usage des Ani-
maux de ferme est aussi d'une grande importance en agro-
nomie. Mais ces questions ne sont pas de notre domaine, et
nous ne devons nous en occuper qu'on tant que leur étude
peut jeter d'uliles lumières sur l'histoire générale de la nutri-
tion ; elles sont, coQime on le voit, très-compliquées, et, pom^
les résoudre, il ne suffit pas des données fournies' par l'analyse
chimique, il (\iut aussi avoir égard à l'ensemble des propriétés
de chaque substance alimentaire, et bien connaître les besoins
réels que le travail nutritif fait naître dans les organismes
vivants , suivant les conditions dans lesquelles ces organismes
fonctionnent.
§ 6. — D'après ce que nous savons déjà sur l'emploi pby-
de siologique des matières alimentaires, nous pouvons prévoir
égaleuient que la composition de la ration la plus convenable
pour un Animal déterminé pourra varier, suivant qu'il sera
jeune ou que sa croissance sera terminée, ou bien encore sui-
vant qu'il sera au repos, ou qu'il fera un grand usage de sa
force musculaire. Toutes choses étant égales d'ailleurs, le jeune
Animal a besoin de fournir au travail histogénique dont dépend
sa croissance, en môme temps qu'il fournit à l'entrelien de la
combustion respiratoire ; par conséquent, il aura besoin d'une
plus forte proportion d'aliments azotés que l'animal adulte,
(1) Je citerai à ce sujet des reclier- sur la valeur relative du pain et de la
ches intéressantes qui ont été faites viande de liouclierie plus ou moins
récemment par MM. Lawes et Gilbert chargée de graisse (a).
(tt) Lawcs and Gilbert, Expérimental Inqu'mj into Ihe Composition of the Animais feJ and
slaughtered as Ihiman food (Philos. Trans., -1858, p. 508 et sniv.).
l'âge.
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 225
dont le corps ne grandit plus. Aussi, en comparant le régime
alimenlaire qu'une longue pratique a conduit à adopter dans
divers clablissements publics, pour des adultes et pour des
enfants, a-t-on remarqué que la ration des derniers conlient
proportionnellement plus d'aliments plastiques et moins d'ali-
ments respiratoires que celle des premiers (I).
Comme nous l'avons déjà vu, l'activité musculaire accélère
le travail chimique dont dépend la transformation des matières
albuminoïdes en principes urinaires, et par conséquent aussi,
quelle que soit dans ces conditions la quantité de carbone brûlé
dans l'organisme, il faut plus d'aliments plastiques que chez
l'individu au repos. Sur ce point, les résultats fournis parla pra-
tique sont parfaitement d'accord avec les vues théoriques, et
chacun sait que l'ouvrier qui exécute des travaux de force a
besoin de manger plus de viande ou d'autres aliments azotés
que l'homme de lettres, dont le système musculaire ne fonctionne
que peu (2). Un exemple remarquable de l'inOuence que le
Influence
du
travail
musculaire.
(1) M. Playfair a publié des re-
cherches statistiques très-intéressantes
sur le régime alimentaire des sol-
dats, des prisonniers et des collégiens
en Angleterre. Il a fait connaître non-
seulement le poids des aliments azo-
tés et non azotés qui sont consom-
més par individu pendant une se-
maine , mais aussi la quantité totale
de carbone qui est contenue dans ces
substances, et la proportion existant
entre le carbone des aUments appar-
tenant aux deux classes de substances
indiquées ci-dessus, ce qui permet de
bien apprécier la proportion des ali-
ments plastiques et des aliments dits
respiratoires dans ces diverses rations.
Or, nous voyons, par les documents
réunis dans ce travail, que si l'on re-
présente par l la quantité de carbone
contenu dans les aliments plastiques,
celle du carbone contenu dans les ali-
ments respiratoires est d'environ 5 ^
dans le régime adopté pour les garçons
des écoles publiques de Londres, de 6,1
dans celui employé pour les adultes
dans les maisons de refuge de la même
ville, et de 6,8 pour les adultes dans
les prisons (a).
(•2) Je citerai, à ce sujet, rm fait en-
registré par M. Playfair. Les détenus
dans les prisons anglaises au Bengale
sont nourris de manière à recevoir,
pour une quantité d'aliments azotés
(a) Playfair, On the Food of Mail under différent Conditions of Age and Employment
(Edinhurgh netc Philos, Journal, i854, t. LVF, p. 260).
Influence
de
la température
226 NUTRITION.
R'gime plus ou moins azoté exerco sur le développement des
forces physiques de l'Homme, s'est produit, d y a quelques
années, lorsqu'on exécutait entre Paris et Rouen les grands tra-
vaux nécessaires pour l'établissement du chemin de fer qui
relie ces deux villes. Les entrepreneurs de terrassement avaient
fait venir plusieurs escouades d'ouvriers anglais, et avaient
remarqué que ceux-ci mangeaient beaucoup plus de viande
que les ouvriers français employés aux mêmes travaux, mais
faisaient aussi beaucoup plus d'ouvrage ; on mit alors les
ouvriers français à un régime alimentaire analogue, et bientôt
on les vit déployer non moins de force que leurs compagnons
d'outre-Manche (1).
§ 7. — La température atmosphérique paraît exercer aussi
une certaine influence sur la nature des aliments qui convien-
nent le mieux à l'Homme et aux Animaux, ainsi que sur l'em-
ploi que ces êtres sont susceptibles de faire des matières assi-
milables (2). Dans les pays très-froids, où la dépense de chaleur
contenant 1 de carbone, des aliments ouvriers français ne mangeaient que
carlîo-liydiogénés dans la proportion pcude viande, et se nourrissaient prin-
de 7,6 lorsqu'ils ne sont pas astreints cipalement de pain et de légumes,
au travail, et de 5,9 lorsqu'ils sont con- Des observations analogues ont été
damnés à des travaux de force. Les faites en Irlande, où les ouvriers se
premiers reçoivent par semaine envi- nourrissent d'ordinaire de pommes de
ron 18 onces d'aliments azotés, les terre et de lait seulement (6).
seconds plus de 28 onces des mêmes (2) M. May a fait une série d'cxpé-
substances (a). riences relatives à la température la
(1) Les ouvriers anglais dont il est plus favorable à l'utilisation de la ra-
ici question consommaient journelle- tion alimentaire des Vaches, et il a
menl 660 grammes de viande, 700 trouvé que c'est dans une atmosphère
grammes de pain, 1 kilogramme de à 12» ou 13" centigrades que ces Ani-
pommes de terre et 2 kilogrammes de maux produisent le plus de lait et de
bière, ils recevaient ainsi 3ls%9 viande à l'aide d'une quantité donnée
d'azote alimentaire, tandis que les d'aliments (c).
(a) Playfair, Op. cit. (Edinh. netv Philos. Joimi., 1854, t. LVI, p. 26G).
(6) Payen, Des substances alimentaires, p. 379.
(c) May, Bei welcher Temperatur vArd bel Kiihen das Fulter am hesten verwerlhel (Molesolioll's
Untersvchungen ^ur Naturlehre, 1858, t. V, p. 319).
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS, 227
animale est très-grande, et où, par conséquent, la combustion
physiologique doit être très-active, la consommation des matières
grasses est en général fort considérable, et, comme l'a trèS'
bien fait remarquer M. Liebig, ce régime est en parfaite har-
monie avec les besoins du travail respiratoire, car les graisses
sont, de toutes les substances alimentaires, celles qui, pour un
poids délerminé de matière, fournissent le plus de combustibles
et dégagent le plus de chaleur par le fait de leur oxydation. En
effet, ces substances sont très-riclies en hydrogène et en car-
bone, mais ne contiennent que peu d'oxygène; on conçoit donc
que, dans ces circonslances, des matières de ce genre puissent
être plus utiles que des alimenls féculents ou sncrés, dans
lesquels la totalité de l'hydrogène se trouve associée à de l'oxy-
gène dans les proportions voulues pour former de l'eau, et par
conséquent ne sauraient être utilisés comme combustibles dans le
travail respiratoire (1). Il est aussi à noter que, toutes choses
étant égales" d'ailleurs, l'absorption d'une substance est d'autant
plus facile, qu'il en existe moins dans le torrent de la circula-
tion, et que, par conséquent, la combustion rapide des matières
grasses sous l'intluence de l'oxygène inspiré, qui semble devoir
s'effectuer dans les climats très-froids, doit tendre à augmenter
la puissance de l'action absorbante exercée sur les matières de
même ordre par les parois du canal digestif. Aussi plusieurs
des voyageurs qui ont visité les terres polaires insistent-ils non-
seulement sur la grande consomma lion d'huile que font les
habitants de ces régions glacées, mais aussi sur l'aptitude qu'ils
avaient acquise eux-mêmes à suivre un régime analogue dont
(1) M. Liebig a fait remarquer avec les matières amylacées, sont des ali-
raison que les graisses contenant, pour ments respiratoires plus puissants, et
un même poids de carbone et d'iiydro- que ce fait explique leur utilité dans
gène, dix fois moins d'oxygène que le régime des habitants du Nord (a).
(a) Lieliig, Nouvelles Lettres sur In chimie, p. 124, 141, elc.
2*28 NUTRITION.
ils se seraient mal nccommodés dans les climals tempe'rés ou
chauds (1). J'ajouterai que la quantité de chaleur dégagée par
la combustion de l'hydrogène est presque trois fois aussi con-
sidérable que celle qui résulte de la transformation du carbone
en acide carbonique (2).
Engraissemeni. § 8. — Lorsqu'uu Animal mange à discrétion, la quantité
d'alimenls qu'il consomme est en général réglée par la grandeur
de la puissance fonctionnelle de son appareil digestif. Si cette
puissance est insuffisante pour répondre aux besoins du travail
nutritif, de môme que lorsque la ration alimenfaire est trop
faible, l'Animal vit en parlie aux dépens de sa propre substance,
et le poids de son corps diminue plus ou moins rapidement.
Mais lorsqu'au contraire la quantité de matière assimilable in-
troduite dans le torrent de la circulation par l'appareil digestif
est supérieure à celle des combustibles employés à l'entretien
de la combustion respiratoire et du travail histogénique néces-
saire pour la croissance du corps, la majeure partie de l'excé-
dant est emmagasinée dans l'organisme, et la réserve nutritive
ainsi formée constitue du tissu graisseux.
L'aptitude des animaux à se charger ainsi de graisse varie
beaucoup suivant les espèces et môme suivant les individus (o).
(1) Je citerai parliciilièremcnt, à cet et qui se trouvaient dans leur état or-
égard, les ojjservations de M. Taylor (a), dinaire, celte quantité constitua 18,7
(2) Voyez ci- dessus, page 2/i. pour 100 du poids total du corps,
(3) La quantité totale de matières mais chez des individus surchargés
grasses contenues dans le corps de de graisse, elle s'éleva à /i5,8 de ce
divers Animaux de houcherie, et ex- même poids total.
traite, soit par la fusion ou l'exprès- Chez les Cochons de basse- cour, la
sion, soit par l'action dissolvante de graisse représenta les 23 centièmes du
l'éther, a été déterminée avec beau- poids de l'organisme, et chez les Co-
coup de soin par MM. Lawes et Gil- chons gras elle s'est trouvée dans la
bert. proportion de /i2,2 pour 100.
Chez des Moutons qui n'avaient pas Chez les Bœufs ordinaires, cette pro-
été mis au régime de l'engraissement, portion était de 19 pour 100, et, chez
(6) Baron Taylor, Northern Travels, 1858, p. 40.
VALEUR ISUTUITIVE DES UlVEllS ALIMENTS.
220
Chez quel(jucs races de Moutons, elle est porlcc si loin, (jii'eri
peu de temps le poids du corps peut être presque doublé de la
sorte; mais, en général, lorsque l'accumulaliori de la graisse
dans l'organisme dépasse certaines limites, il en résulte un état
pathologique. Elle est favorisée par toutes les circonslancesqui,
sans affaiblir la puissance digcslivc et absorbante, diminuent
l'activité du travail nutritif (1). Nous avons déjà vu (jue le
repos musculaire est une de ces circonstances. L'inactivité
des organes reprodueleurs tend à produire le môme effet,
et la zootechnie pratique nous apprend que la castration
prédispose à l'engraissement la plupart de nos Animaux domes-
tiques.
§9. — Nous avons vu précédemment (|ue certaines sub-
stances îcndcnt à ralentir le travail de combustion pliysiolo-
Aclion
de diverses
substances
sur
la nutrition.
au Animal de même espèce bien en-
graissé, elle s'est élevée à oO,l pour
100.
Enfin, chez les jeunes individus, les
matières grasses étaient moins abon-
dantes. Ainsi, chez un Veau gras, le
poids de ces substances ne constituait
que l/i,8 pour 100 du poids total, et
chez un Agneau engraissé, elles en-
traient pour 28,5 centièmes dans le
poids total du corps [a).
(l) Beaucoup d'agronomes qui ont
écrit sur l'élevage de nos Animaux de
boucherie ont considéré le grand dé-
veloppement des poumons et l'activité
respiratoire comme étant des condi-
tions favorables à l'engraissement ;
mais il n'en est pas ainsi. 11 est vrai
que les individus dont le thorax est
grand et les membres petits, sont en
général plus aptes à tirer bon parti
de leurs aliments et à engraisser rapi-
dement; aussi, en favorisant par la
.'élection des reproducteurs le déve-
loppement de ces particularités phy-
siologiques, les agdcuUeurs sont- ils
parvenus à accroître beaucoup cette
aptitude dans certaines races de Mou-
tons et de Boeufs. Mais les dimensions
de la région thoracique du corps ne
sont pas en relation avec la capacité
pulmonaire ou l'activité respiratoire,
et tout ce qui tend à augmenter la
combuslion physiologique est défavo-
rable à l'utilisation des aliments pour
la production de la graisse. On doit à
M. Bauderaent de très-bonnes recher-
ches sur ce sujet {b).
(a) Lawes and Gilberl, An Expcrime ital [iiquinj inlo Un ComposUio.i ofsome of Iha Anhnds
fed and slaughtered as Humaii fuod [Philos. Trans., 1859, p. 509).
(b) Baudemeiit, Observations sur Ici rapports qui e.tlslent entre le développement de li poi-
trine, la conformation et les aptitudes des races bovines (Ann. du, Conservatoire des arts et
métiers, et Ann. des sciencesuat., i° série, 1801, t. XV, p. 331).
250 NUTRITION.
gi(iue dont l'cconomie animale est le siège (1). 11 est donc
évident que ces matières, si elles n'exercent aucune action
nuisible sur l'organisme, pourront tenir lieu d'une portion des
aliments combustibles dont la ration d'entretien se compose
d'ordinaire ; et si, en même temps, elles excitent le système
nerveux de façon à relever les forces, et si elles sont suscep-
tibles de jouer le rôle de combustibles dans l'action de la
respiration, elles pourront avoir une importance considérable
Café dans la nutrition. Tel est le café, dont plusieurs peuples font,
comme chacun lésait, un grand usage. ]\]. Lelimann a con-
staté expérimentalement que chez l'homme l'action de cette
substance tend à diminuer beaucoup la production de l'urée et
des matières salines dont l'existence dépend du travail d'oxy-
dation qui s'opère dans toutes les parties vivantes de l'éco-
nomie animale (2).
Alcool. Des effets analogues paraissent résulter de l'emploi de plu-
sieurs autres substances qui exercent une aciion stimulante sur
le système nerveux : le thé (3) et l'alcool, par exemple. Nous
avons déjà eu l'occasion de voir que l'usage des liquides spiri-
tueux est Suivi d'une diminution dans la quantité d'acide car-
(1) Vo^ez ci-dessus, page 188. solides consommés diminua, terme
(2) L'opinion contraire a été sou- moyen, de 12 grammes par jour; mais
tenue par M. Zobel (a). que la perte de poids subie par Forga-
(3) M. Bôcker a étudié cxpérimen- nisme était cei)cndant beaucoup ré-
lalement l'action de l'infusion de thé diiite. La différence était dans le raj)-
sar l'économie animale dans des cir- port de 539 à 336. La quantité d'uré t
constances d'alimentation insuffisante excrétée en vingt-quatre heures di-
pour l'entretien du poids du corps, et niinua d'environ 1 gramme sous Pin-
il a constaté que lorsque ce liquide fluence du thé, mais la quantité d'acide
était substitué à l'eau dont il buvait carbonique expulsé par les poumons
d'ordinaire , la quantité d'aliments resta constante (6).
(a) Zobel, Reflexioneii ûber Knffeinhaltige Geiiussmillcl [Prciger Vlertcljahischrilï fur die
pyakt. Ileilkunde, 1853, t. II, p. 105).
(6) Bôcker, Versiwha ùber die ^Vil•kung des Thees (Archiv des Verdns fier OemciitsuluifUichc
Arbeileu *!«' FOrderung der wissenschaftlichcn Heilkunde, 4853)^
VALEUR NUTRITIVE DES DIVERS ALIMENTS. 231
buuiquc Iburnie par la combustion respiratoire (l) ; il en csl
(le même pour l'urée et les autres produits de la mutation de
la matière organique qui constitue ou accompagne le travail
nutritif (2). L'usage modéré de l'alcool tend à ralentir la con-
somiïiation nutritive des combustibles organiques, tout en
soutenant les forces de l'économie animale. Lorsque la nour-
j'iture est abondante, l'influence de cette substance devient ainsi
nuisible plutôt qu'utile ; mais lorsque la ration alimentaire
par elle-même est insuffisante, elle peut, jusqu'à un certain
point, suppléer à ce déficit, non-seulement en contribuant
directement à l'entretien de la combustion respiratoire, mais
aussi en retardant la marche de ce travail. Des expériences
intéressantes ont été faites à ce sujet par M. Hammond, qui a
vu l'emploi d'une certaine dose de liquides spiritueux arrêter
les pertes de poids que le corps éprouvait par suite d'une
nourriture insuffisante, et diminuer en même temps la quantilé
de tous les produits excrémentitiels de l'organisme (3).
(1) Voyez tome II, page 535. Phosphates terreux 0,27
(2) M. Bôcker, en expérimentant sur Sels décomposabies par la
lui-même, trouva que l'emploi ali- chaleur et matières extrac
, ,, , , T . 1, livcs 13,36
mentau-e de lalcool diminnç d'une
manière très-notable les produits ex- L'emploi de l'alcool réduisit aussi la
crémentitiels du travail nutritif. En quantité d'acide carbonique excrété
comparant ces produits pendant l'em- par les poumons, d'environ lG'o,7hli
ploi de la ration d'entretien ordinaire, centimètres cubes par jour, mais ne
avec ou sans l'addition d'une certaine parut pas influer sur la quantité d'eau
quantité d'alcool, il fut conduit à éva- exhalée (a).
hier cette diminution de la manière (3) Dans nne des séries d'expérien-
suivante : ces faites par ce physiologiste sur
lui-même, le poids du corps dimi-
nuait journellement de 0,28, par suite
Urine 1151,7
Eâu contenue dans l'urine. 1115i49 . .
-, ,.> . . ,., n^ al d mie ahmenlation msuihsante , lors-
Matiere unnaire solide. . . 30, a* '
Uj.^g ^3 3Q qu'il ajouta à sa ration 12 drachmes
Acide urique 0,09 d'alcool étendu d'eau. En cinq jours
Mucus 0,09 de ce nouveau régime, non-seulement
(a) Bdcker, Beitrâge x-w Hellkimde (voyez British and Foreigri Med.-Chii'. Heview, 1854,
t; XIV, p. 398).
OAO
Bière, etc.
ISIJTIUTIO.N.
§ 10. — il est aussi à noter que la euiiiposilion de la ralion
aliuicnlairc peut influer d'une manière [)lus marquée sur cer-
taines parties du travail éliminatoire dont l'organisme est le
siège que sur l'ensemble de ce phénomène. Ainsi la quantité
de phosphate terreux que le lavage irrigatoire enlève aux tissus
et verse dans les voies urinaires est diminuée par l'emploi
alimentaire du sucre en proportion considérable (1), et l'usage
de la bière paraît activer singulièrement l'excrétion du chlorure
de sodium (2).
ramaigrissement tïu arrèlé , mais le
poids du corps s'éleva notablement.
En même temps, l'exhalation d'acide
carbonique par les poumons avait été
réduite d'environ 312 grammes par
jour, et l'excrétion quotidienne d'urée
diminuée de 5/i,5 grains (a).
On pense assez généralement que
l'alcool est un aliment de la respira-
lion, et qu'après avoir été introduit
dans le torrent de la circulation, il est
en majeure partie oxydé, de façon à
donner naissance finalement à de
l'acide carbonique et à de l'eau (h).
Il semblait même résulter des expé-
riences de M. Duchek, que ce liquide
était d'abord transformé en aldé-
hyde (c). Mais les reclicrches plus
récentes de MM. Lallemand, Perrin et
Duray tendent à établir que cette
transformation n'a pas lieu, et que la
plus grande partie de l'alcool absorbé
est assez promptement exhalée par les
poumons [d).
(1) M. Bocker a remarqué que l'cm-
i)loi du sucre, comme aliment, tend à
diminuer notablement l'élimination des
phosphates terreux par les voies uri-
naires. Il évalue à 0s%013 la diffé-
rence déterminée de la sorte dans
l'excrétion du phosphate de chaux par
kilogramme du poids du corps, et il
conclut de ses observations que ce
comestible retarde le travail de dés-
assimilation dans le tissu osseux (e).
(2) Il résulte des recherches expé-
rimentales de M. Bocker sur les effets
produits par l'usage de la bière, que
cette boisson, indépendamment de l'ac-
tion qu'elle exerce à raison de son
alcool, inffue d'une manière remar-
quable sur l'excrétion du chlorure de
sodium par les voies urinaires. D'a-
près l'analyse de la bière employée,
on constata que ce liquide ne conte-
nait que des traces de chlorure de so-
dium et très-peu de chlorure de potas-
sium ; cependant les jours où i\l. Bocker
[a] Voyez Day, Clœmislry in Us Relalions lo Physiology and Mcdicinc, 18G0, p. 515.
(';) Bouchai'dat et Sanrlras, De la digestion des boissons alcooliques, et de leur rôle dans la
nulrition {Annales de chimie et de phijsique, 'i' série, 18i", t. XXI, p. 456).
— Liebiî^, Nouvelles lettres sur la chimie, p. 'iii.
(c) Diiclic'k, Ueber das Verhallen des Alkohols iin thierlschen Organismus [Pragcr Vicrtcl-
jahrschrilt fïtr praktisclie Heïlkunde, 1851^).
{d) Lallcniaml, l'crrin cl D»r;iv, Du rôle de Valcool et des aiiesthéslqucs dans l'organisme,
1860.
(e) Docker, Beitrcige ;iu;- Ikilkundc (\oy. Brilish and Foreigii Mcd.-Chir. llevieiu, 1854,
l.XIV.p. 403).
VALEUR MTUITIVE DES DlVEliS AIJMEMS. 'îloO
Je dois rappeler éi^alementici que quelques peuples peu avoii- subsunces
' f^ 1 i i niinôi-ales.
ces en civilisation emploient parfois comme aliment des matières
terreuses, et apaisent ainsi les souffrances de la faim ou même
se nourrissent un peu. Les substances minérales employées
de la sorte renferment quelquefois des débris de matières
organiques en proportion assez considérable pour donner à ces
corps un faible pouvoir nutritif; mais, dans d'autres cas, elles
sont trop pauvres en principes de ce genre pour que leur utilité
puisse être expliquée de la sorte, et il est probable qu'alors elles
agissent seulement comme absorbants, pour s'emparer du suc
gastrique et empêcher son action sur les parois de l'estomac (1).
en prenait une certaine quantité à ses servent d'aliment contiennent une sub-
repas, ses urines contenaient jusqu'à stance animale provenant des Infusoires
3 grammes de chlorure de plus que qui s'y trouvent en grand nombre,
dans les circonstances ordinaires (a). C'est le cas pour le Bergmehl, ou farine
(1) Humboldt a constaté ce singu- de montagne, dont les Lapons mangent
lier mode d'alimentation chez les en temps de disette (e).
Ottomaques , peuplade des bords Les Chinois ont aussi recours à des
de rOrénoque, dans l'Amérique du matières terreuses pour apaiser leur
Sud (6). MM. Spix et Martius signa- faim en temps de disette (/"), mais
lent les mêmes habitudes chez des In- cette sorte de farine minérale ne ren-
diens de la rivière des Amazones (c), ferme que très-peu de matières orga-
et Labillardière a observé des faits niques (g).
analogues chez les habitants de quel- Des observations relatives à l'emploi
ques villages de Java {d). L'espèce de de la terre en guise d'aliment ont été
terre glaise employée de la sorte ne recueillies par plusieurs autres au-
paraît pas contenir de matières orga- teurs (li), mais elles soiU en général
niques, mais d'autres terres qui parfois fort incomplètes.
(a) Bocker, Ueber die Wirkung des Bïers (Archiv des Vereins fur fjcmelnsch. Arbietcn x,ur
l-'ôrderung der tvissensch. UeUkuude, 1854).
(b) Humboldt, Tableaux de la nature, t. I, p. 188 cl suiv.
(c) Spix et Marlius, Reise in Brasilien, i. II, p. 527.
{d) Labillardière, Voyage à la, recherche de la Pérouse, t. II, p. 322).
(e) Humboldt, Lettre (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, t. IV, p. 293).
— Trail, Examination and Anahjsis of the Berg-Meal or Minerai J'our {ound in West Bolhnia
(Trans. of the Roy. Soc. of Edinburyh, 1844, 1. XV, p. 145).
— Retzius, Matière pulvérulente formée de dépouilles siliceuses d'infusoires , et désignée sous
le nom de farine minérale, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1838, t. VI, p. 350).
if) Biot, Note sur des matières premières employées en Chine dans les temps de famine, sous
le nom de farine de pierre [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, i. IV, p. 301).
— Stanislas Julien, Sur la farine fossile (Comptes rendus de l'Acad. des scienoes, dSil,
t, XIII, p. 358).
(g) Payen, Note sur la farine fossile des Chinois {Comptes rendus de l'Acad. des sciemes, 1841 ,
t. xm, p. 480).
(h) Voyez Burdacli, Traité de physiologie, t. IX, p. 260,
vni. 16
23/i MJTKlTlOiN.
iiisioyénùsc. §11. — Les subslances alimenlaires que nous venons de
passer en revue ne peuvent être utilisées pour l'entretien de la
vie de l'Animal qu'après avoir été absorbées et introduites dans
le torrent delà circulation. La digestion, comme nous l'avons
déjà vu, a pour but de les rendre absorbables et souvent aussi
çVen modifier les propriétés chimiques ; mais, quoi qu'il en
soit à cet égard, lorsque ces matières sont arrivées dans le
sang, elles s'y mêlent aux autres principes dont ce liquide se
compose, et dès lors on peut en général les considérer comme
des parties constitutives du fluide nourricier. En effet, leur
rôle ultérieur se confond avec celui des matières préexistantes
dans le sang, et elles servent tout d'abord à réparer les pertes
que celui-ci éprouve sans cesse par suite des sécrétions, de
la combustion physiologique, ou des autres phénomènes à la
production desquels il contribue. En poursuivant dans cette
direction l'étude du travail nutritif dont l'économie aniaiale est
le siège, nous nous trouvons donc ramenés à notre point de
départ, c'est-à-dire à l'examen du rôle du sang dans l'orga-
nisme, sujet dont j'ai traité dans les premières Leçons de ce
cours, et ici je n'aurai que peu de choses à ajouter à ce que
j'ai eu l'occasion d'en dire précédemment. Si je voulais appro*
fondir davantage ces questions, je me trouverais bientôt réduit
à n'exposer que des conjectures assez vagues, et par conséquent
je dois être bref.
D'après l'ensemble des faits dont j'ai rendu compte^ nous
devons penser, ce me semble, que la partie essentiellement
nutritive du sang n'est en réalité que le sérum, qui tient en
dissolution de l'albumine ainsi qu'une foule d'autres matières
eombustibles, et que la fixation de l'oxygène sur ces matières
est déterminée principalement par l'action des solides vivants,
dont les uns affectent la forme d'organites isolés et flottent au
milieu du fluide nourricier, où ils constituent les globules du
«ang, et dont les autres, agrégés d'une manière plus ou moins
UÔLK DU SAiNG. 2Ô5
intime, composaient les divers tissus, tels (lue les membranes,
les muscles ou la substance glandulaire. Pour que les phéno-
mènes nutritif de cet ordre se manifestent, il n'est donc pas
nécessaire que le sang tout entier, c'est-à-dire le plasma et
les globules, arrive en contact .avec la partie vivante; il sul'lit
que le sérum y parvienne, et par conséquent aussi, quoique la
multiplicité des vaisseaux sanguins soit une circonstance très-
favorable à l'activité du travail nutritif, en rendant l'abord de
ce liquide plus rapide et plus abondant dans les solides adja-
cents, la vascularité d'un tissu n'est pas une condition néces-
saire pour l'établissement du mouvement nutritif dans sa pro-
fondeur. Il faut seulement que le solide vivant soit perméable
aux liquides, et c'est ainsi que des réactions de chimie physio-
logique d'une grande importance peuvent avoir lieu dans l'inté-
rieur des utricules qui constituent les tissus épilhéliques en
général, aussi bien que la substance des glandes, quoique ces
utricules soient dépourvus de vaisseaux sanguins. Cela nous
permet aussi de comprendre comment les phénomènes essen-
tiels de la nutrition peuvent se manifester de la même manière
chez tous les Animaux, que ceux-ci soient ou non pourvus d'un
système de vaisseaux destinés au service de l'irrigation orga-
nique.
Mais les réactions chimiques, qui jouent un rôle si important
dans la vie végétative de tous les êtres vivants, ne sont pas les
seuls phénomènes de nutrition dont l'étude doive nous occu-
peri Les matières plastiques contenues dans le fluide nourricier
sont employées en partie à constituer les tissus qui provoquent
ces réactions, et, pour achever cette partie de nos études phy-
siologiques, il faut par conséquent examiner aussi comment
l'organisation de ces substances s'effectue, comment un Animal
peut s'accroître, et comment il peut réparer les pertes qu'il
éprouve. Mais tout ce qui se rappoi'te au travail histogéniquci
ne peut être bien saisi que lorsqu'on connaît ce qui se passe
2o6 NUTunioN.
daijs l'embryon au moment où loutes les parlies vivantes com-
meneent à se constituer et s'accroissent avec le plus de rapi-
dité, le terminerai donc ici la longue série de Leçons consa-
crées spécialement à l'histoire des fonctions de nutrition, et je
compléterai cette partie de ma tâche à mesure que j'avancerai
dans l'étude d'un autre groupe de phénomènes qui se lient
d'une manière intime à ceux dont je viens de parler, mais qui
ont pour objet principal la multiplication des individus vivants.
Par conséquent j'aborderai maintenant l'histoire des fonctions
de reproduction, me proposant de ne traiter des phénomènes de
la vie de relation qu'après avoir achevé l'étude des fonctions
de la vie végétative.
SOIXANTE ET ONZIÈME LEÇON.
1)E LA REPRODUCTION DES ANIMAUX. — Réfutation de l'hypothèse des gôncralioiis
dite? spontanées.
§ 1. — Chacun sait que la durée de tout être vivant a des Dcsirucuon
limites infranchissables, et qu'après avoir existé pendant un renouvellement
temps plus ou moins long, les Animaux, comme les Plantes, êtres vivants.
meurent nécessairement, mais que cette destruction des indi-
vidus n'entraîne pas la disparition des espèces ou types orga-
niques dont ils sont des représentants, car ils ont tous la faculté
de produire d'autres individus faits à leur image, et de perpé-
tuer leur race par voie de génération. Chacun sait aussi que
le Chêne et le Froment, de même que le Chien, le Cheval et
l'Homme, ne peuvent naître que de leurs semblables, dont ils
sont des produits et dont ils tirent leur puissance vitale. En
cela, comme en beaucoup d'autres choses, ces êtres organisés
diffèrent radicalement des corps bruts, qui durent tant qu'une
force étrangère ne vient pas désassocier leurs molécules con-
stitutives, qui ne sont jamais engendrées par leurs semblables
et qui résultent toujours de l'union ou de la décomposition de
corps dont la nature diffère de la leur. Ainsi un atome de craie
n'est pas produit par de la craie qui préexisterait, mais naît de là
combinaison d'un atome de chaux et d'un atome d'acide carbo-
nique ; de même que tous les autres corps bruts, il n'a ni
ascendants ni descendants de son espèce, et il est une consé-
quence des propriétés dont est douée la matière qui le con-
stitue ; tandis que les corps organisés dont je viens de parler
ne se forment que sous l'influence d'un autre individu de leur
espèce qui imprime à la matière destinée à les constituer un
VIII. 17
dos Animaux
€st parfo
obscure
238 REPUODLCTION.
cachet parlicLilicr, on même temps qu'il y communique la puis-
sance vitale dont il est lui-môme anime. Aucun de ces êtres
n'existerait s'il n'avait été engendre par des parents, et si les
grandes lois de la Nature ont réellement la généralité que je leur
ai souvent attribuée dans le cours de ces Leçons, nous devons
penser qu'il en sera de même pour tout ce qui vit; que tous les
Animaux, ainsi que toutes les Plantes, doivent être des descen-
dants d'autres Animaux et d'autres Plantes, et que leur multi-
plication à la surface de notre globe est toujours une consé-
quence de la faculté génératrice dont les individus de leur
espèce sont doués.
L'origine Dans l'immense majorité des cas, il est facile de s'assurer
e't't™'^ qu'effectivement les Animaux et les Plantes se reproduisent, et
ne peuvent naître que s'ils ont été procréés de la sorte. Mais
dans quelques circonstances cette filiation n'est pas également
évidente, et parfois même on ne s'explique pas bien, au pre-
mier abord, comment certains Animaux peuvent avoir une
origine semblable. On ne leur connaît pas de mère, et l'on ne
voit même pas d'Animaux de leur espèce dans les lieux où ils
naissent. Ainsi il n'est pas rare de voir des Anguilles, des Apus
et d'autres Animaux aquatiques se montrer en nombre consi-
dérable dans des mares ou même dans de petites flaques d'eau
pluviales, au milieu de terres qui étaient restées à sec pendant
de longues années, et qui par conséquent n'avaient pu être habi-
tables pour des êtres de cette nature. Lorsqu'un cadavre exposé
à l'action de l'air se putréfie, on voit souvent des milliers de
petits Animaux vermiformes s'y développer, et dans quelques
cas on trouve des parasites non-seulement dans les intestins de
beaucoup d'Animaux, mais aussi jusque dans la substance
d'organes en apparence inaccessibles à des êtres venant du
dehors, dans la substance du foie, dans le globe de l'œil et
dans l'intérieur du crâne, aussi bien que dans le centre de cer-
tains fruits et dans le tissu du bois.
HYPOTHÈSE DR LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2?)0
Pour rendre compte de faits de cet ordre, les philosoplies de Hjpotii,w.
l'antiquité imaginèrent que le limon de la terre , les chairs la génmaiion
corrompues et d autres substances privées de vie, pouvaient, sponinnéo.
sous l'influence de la chaleur, de l'air et de l'eau, se constituer
en corps organisés qui prendraient vie sans avoir été engendrés
par aucun être vivant. Par un singulier emploi des mots, on a
appelé génératiofi spontanée ce mode d'origine de corps vivants
qui ne seraient pas des produits d'une génération quelconque, et
qui se constitueraient de toutes pièces sans le concours d'aucun
organisme préexistant; qui seraient créés et non engendrés.
Cette manière d'expliquer la formation des Animaux dont
l'origine était entourée d'obscurité fut généralement adoptée
par les naturahstes anciens et par les écrivains du moyen âge ;
aujourd'hui encore quelques physiologistes y ont recours, et
dans ces derniers temps elle a été soutenue avec ardeur par
quelques hommes de talent. Mais, à mesure que la science a
fait des progrès, on a vu presque toutes les prétendues excep-
tions à la loi de la multiplication des êtres vivants par voie de
génération rentrer successivement dans la règle commune , et
il me semble impossible de ne pas croire que, dans l'état actuel
des choses, la vie est toujours transmise, que la matière brute
ou morte ne saurait à elle seule se constituer en forme d'être
organisé, et acquérir le mode d'activité qui caractérise soit un
Animal, soit une Plante, et que la multiplication de ces êtres
s'effectue d'après le même principe essentiel, que ces corps
soient des Hommes ou des Monades ; en d'autres termes, que
tout corps vivant provient d'un corps qui vit.
§ 2. — Il me paraîtrait presque inutile de rapporter ici tout
ce que les anciens ont dit de la production des Animaux par le
limon des fleuves ou la corruption des cadavres. Chacun de
nous, dès son enfance, a été familiarisé avec les idées de ce
genre par la lecture de l'un des plus grands poètes de l'antiquité,
et ce que Virgile raconte des Abeilles du berger Aristée n'était
240 REPRODUCTION.
(jiK^ l'expression des croyances partagées par tous les natura-
listes de son temps. Le grand Aristote avait pensé de même, et
généralisant des observations incomplètes, il avait dit que tout
corps sec qui devient humide, ainsi que tout corps humide qui
se dessèche, produit des Animaux, pourvu qu'il soit susceptible
de les nourrir (1).
Quelques naturalistes du moyen âge et de l'époque de la
renaissance firent un usage encore plus immodéré d'hypothèses
analogues. Ainsi un érudit célèbre du xvn' siècle, le père Kir-
cher, assura que la chair d'un Serpent desséchée et réduite en
poudre, puis semée dans de la terre et arrosée par la pluie,
(1) Au (tribut du cinquième livre de
son Histoire des Animaux, Aristote
s'exprime de la manière suivante : « Il
y a des Animaux qui sont produits par
d'autres Animaux qu'une forme com-
mune place dans le même genre, et il
y en a qui naissent d'eux-mêmes sans
être produits par des Animaux sem-
blables. Ceux-ci viennent ou de la terre
putréfiée, ou des plantes, comme la
plupart des Insectes ; ou bien ils se
produisent dans les Animaux mêmes
des superfluités qui peuvent se trou-
ver dans les différentes parties de leur
corps. » Dans beaucoup d'autres pas-
sages, Aristote parle de la production
d'Animaux par le limon ou d'autres
matières analogues : ainsi il explique
de la sorte h formation des larves
qu'il appelle des Ascarides, et qui, en
se niétamorphosanl , deviennent des
Mouches du genre Empis ; il dit que
les Poux naissent de la chair, et que
les Puces résultent d'une fermentation
qui se développe dans les ordures; il
attribue aussi à la génération dite spon-
tanée la formation des Teignes qui
rongent la laine, et des Acarus de la
cire, ainsi que celle des Anguilles et de
quelques autres Poissons [a).
Diodore de Sicile mentionne le dé-
veloppement d'une foule d'Animaux
aux dépens du limon du Nil échauffé
par les rayons du soleil (6), et Plutar-
que assure que le sol de l'Egypte paraît
engendrer spontanément des Rats (c).
La fable que Virgile raconte au sujet
de la production des Abeilles au moyen
du cadavre d'un bœuf (d) a été ac-
ceptée sans critique par Pline (e).
(a) Aristote, Histoire des Animaux, trad. de Camus, t, I, p. 237, 291, 313, 363, 367, etc.
(6) Diodore, Bibliothèque historique, trad. par Gros, 4 8-46, t. I, p. 12.
(c) Quelques auteurs ont fait remarquer que ce passage ne saurait s]app)iquer au Rat proprement
dit, qui n'était pas connu des anciens ; mais on sait qu'il existe en Kgypie une autre espèce du
même genre qui, clans les temps modernes, a été désignée sous le nom de Mus cohirinus (voyez
Geoffroy Saint-Hilaire, Description de l'Egypte: Hist.nat., t. II, p. 733, Mammifères, pi. 5, fig. 1).
(d) Virgile, Géorrjiques, chant IV.
(e) l'Une, llistoriarum mundi lib. XI, § xxiii.
IiyPOTIIKSK I^E r,A r.KNÉRATION DITR RI'ONTANKF,, 2/|1
donne nalssanco à des Vers (|ui bienlol se Iransformenl en Sei'-
penls (1).
En 1638, un premier coup fiU porte; à (ouïes ees idées
fausses par un médecin de Florence, dont j"ai déjà eu rocca-
sion de parler dans une précédente Leeon, François Redi (2).
A l'aide d'expériences non moins simples que probantes, ce
naturaliste constata que les prétendus A^ers qui se montrent
dans les charognes sont des larves d'Insectes ; que ces larves
ne sont pas des produits de la putréfaction, mais naissent des
œufs qui sont déposés sur la chair par des Mouches, et que les
matières corrompues dont on les supposait provenir ne sont en
réalité qu'un aliment dont ils se nourrissent (o).
FApéiiences
de P.eili.
(1) Ce savant, trop crédule, s'occu-
pait de linguistique, de mathématiques
et de physique, aussi bien que d'his-
toire naturelle, et il fut un des pre-
miers à chercher à interpréter les hié-
roglyphes égyptiens. Il mourut à Rome
en 1680, Ce fut en partie pour con-
trôler les assertions consignées dans
un de ses ouvrages (a), que Redi entre-
prit les expériences dont il va être
question.
(2) Voyez tome V, page 255.
(3) Après avoir rendu compte de
beaucoup d'expériences faites pour
établir que les Animaux vermiformes
qui se développent dans la chair en
putréfaction sont des larves destinées à
se transformer en Mouches de diffé-
rentes sortes, Redi s'exprime dans les
termes suivants :
« D'après ces faits que je venais
d'acquérir, je commençais à soupçon-
ner que tous les Vers qui naissent dans
les chairs y sont produits par des Mou-
ches et non par ces chairs mêmes,
et je me confirmais d'autant plus
dans cette idée, qu'à chaque nouvelle
génération produite par mes soins,
j'avais toujours vu des Mouches vol-
tiger et s'arrêter sur les chairs avant
qu'il y parût des Vers, et que les
^louches qui s'y formaient ensuite
étaient de même espèce que celles que
j'avais vues s'y poser. Mais ce soupçon
n'aurait été d'aucun poids si l'expé-
rience ne l'eût confirmé ; c'est pour-
quoi, au mois de juillet, je mis dans
quatre bouteilles à large cou, un Ser-
pent, quatre petites Anguilles et un
morceau de veau. Je bouchai bien
exactement ces bouteilles avec du papier
que j'arrêtai sur leur orifice en le ser-
rant autour du goulot avec une ficelle;
après quoi je mis des mêmes choses
et en même quantité dans autant de
bouteilles que je laissai ouvertes. Peu
de temps après, les Poissons et les
chairs de ces seconds vaisseaux se rem-
plirent de Vers et je voyais les Mouches
y entrer et en sortir librement ; mais
je n'ai pas aperçu un seul Ver dans
les bouteilles bouchées, quoiqu'il se fût
{a) Kirchev, Mvndvs sitliterranexis, lib. XII.
Observation
de
Vallisnieri.
2/l2 REPRODUCTION.
Redi resta dans le doute concernant le mode d'origine de
certains Vers ou larves que l'on trouve souvent dans l'inté-
rieur du corps de divers Animaux vivants ou dans la sub-
stance de certaines Plantes en pleine végétation, et, tout en
refusant à la matière morte la faculté de s'organiser sponta-
nément et de devenir ainsi un corps vivant, il inclina à penser
que la force vitale dont les Plantes, aussi bien que les êtres ani-
més, sont douées pouvait déterminer dans leur organisme la
production d'Animaux parasites. Mais un de ses disciples,
Vallisnieri, ne tarda pas à faire rentrer dans la règle commune
un grand nombre de ces anomalies présumées, car il constata
que divers Insectes qui se développent dans l'intérieur des
fruits sont les produits d'une génération ordinaire, et qu'ils
sont déposés à l'état d'œufs dans la substance des Végétaux,
ou y pénètrent du dehors à l'état de larves pour y vivre et y
grandir (1).
écoulé plusieurs mois depuis que ces
matières y avaient été renfermées; on
voyait quelquefois sur le papier qui les
couvrait de petits Vers qui cherchaient
un passage pour s'introduire dans ces
bouteilles : ils semblaient s'efforcer
de pénétrer jusqu'à ces chairs qui
étaient corrompues et qui exhalaient
une odeur fétide... Je ne me conten-
tai pas de ces expériences, j'en fis une
infinité d'autres en différents temps et
avec différentes sortes de vaisseaux, et
pour ne négliger aucune espèce de
tentatives, je fis enfouir plusieurs fois
dans la terre des morceaux de chair,
que j'eus soin de faire recouvrir de
terre bien exactement ; et quoiqu'ils y
restassent plusieurs semaines, il ne s'y
engendra jamais de Vers, comme il
s'en formait sur toutes les chairs sur
lesquelles les Mouches s'étaient po-
sées (a). »
Uedi constata aussi l'existence d'or-
ganes reproducteurs chez divers Vers
intestinaux que l'on supposait généra-
lement ne se multiplier que par la gé-
nération dite spontanée (6).
(1) Vallisnieri était un neveu de
l'illustre Malpighi, et il pratiquait la
médecine à Padoue, vers le commen-
cement du XVIII* siècle ; on lui doit
beaucoup d'observations intéressantes
sur la génération des Insectes dont
les larves vivent dans ou sur les végé-
taux. Il reconnut aussi que l'Animal
vermiforme appelé OEstre, qui se déve-
(a) Redi, Expérimenta circa generationem Insectonnn (édit. de Leyde, 1739), p. 32 et
suiv.).
(b) Tdem, De AnimalcuUs vivis quœ in corporibus AnimaUum vivorvm reperinntur observa-
tiones, édit. de Lovde, 4729.
HYI'OTHÈSIi Di: L\ GÉ.NliKATION IJITi: Sl'OMAiNKIi. 2/l3
UiJ autre iiaturalisle du xvii' siècle, douL le nom revient sou-
vent dans ces Leçons , Swammerdain [i], combattit avec non
moins de succès les erreurs qui régnaient depuis l'antiquité,
louchant l'aptitude de la matière brute à former spontanément
beaucoup d'Animaux intérieurs (2). Ainsi il fit voir que les
Abeilles, dont le nombre se compte par milliers dans chaque
ruche, sont toutes le produit, non pas de la putréfaction des
cadavres, comme on l'avait prétendu, mais du développement
des œufs pondus par l'individu que les anciens appelaient le
m, et que les modernes désignent par le nom mieux approprié
de 7'eine (3). Il constata que les Poux sortent d'un œuf, et en
l'icclicrclies
SwaiimioriJain,
elc.
loppe dans l'intestin du Clioval, est en-
gendré par une sorte de iMoache, mais
il se trompa sur la manière dont ce
parasite est introduit du dehors dans
l'intérieur du corps de l'Animal où il
vit (o). Vallisnieri pensait que la fe-
melle pénétrait dans l'anus du Che-
val pour y pondre -ses œufs, tandis
qu'en réalité elle les dépose à l'exté-
rieur et les colle aux poils de cet Ani-
mal, sur une des parties du corps que
celui-ci a l'habitude de lécher. Le
Cheval ramasse avec sa langue les
larves qui sortent des œufs ainsi
placés, les avale et les introduit dans
son estomac, où elles séjournent fort
longtemps ; de là ces parasites passent
dans l'intestin et s'échappent au dehors
par l'anus, pour aller en terre achever
leurs métamorphoses (b).
(1) Voyez tome J, page à2.
(2) Swanimerdam ne ménagea pas
ses expressions lorsqu'il parla des par-
tisans de l'hypothèse des générations
dites spontanées. yVinsi, en traitant de
l'Abeille, il dit : « Quoique ce vsoit le
comble de l'absurdité d'imaginer que
la pourriture soit capable d'engendrer
des Animaux aussibien organisésquele
sont les Abeilles, c'est cependant l'opi-
nion de la plus grande partie des Hom-
mes, parce qu'on juge sans vouloir rien
examiner (c). » Enfin, il termine son
ouvrage par ces mots : « En examinant
donc attentivement le développement
des Insectes, des Animaux qui ont du
sang et des Végétaux, on reconnaît que
tous ces êtres croissent et se dévelop-
pent suivant une même loi, et l'on sent
combien est fausse l'opinion de la gé-
nération spontanée, qui attribue à des
causes fortuites des effets si réguliers et
si constants {d). »
(3) Les résultats généraux des re-
cherches de Swammerdam sur la gé-
nération des Abeilles et des autres
Insectes furent publiés du vivant de ce
naturaliste en 1669 (e) ; mais la plupart
(a) Vallisnieri, Délia curiosa origine degll Sviluppi e de costiimi ammirabili di molli Inselli
{Opère flsico-mediche, t. I, p. 3).
{bj Bracy-Claïke, An Essaij ou tlic Bots of Horses and other Animais, 1815, p, t" et suiv.
(c) Swammerdam , Biblia Naturœ, t. I, p. 530.
(d) Idem, Op. cit., t. 11, p. 863.
(e) Swammerdam, Histoire générale des Insectes, p. 96, cic.
2/t/l KEPRODLCTION.
pondent, comme les autres Insectes (1); enfin il expliqua d'une
manière très-judicieuse l'origine des larves qui habitent dans
l'intérieur des excroissances végétales appelées galles, ou dans
la s,ubstance des feuilles de diverses plantes (2). L'histoire du
mode de reproduction de ces parasites, et de beaucoup d'autres
Insectes dont les mœurs sont analogues, ne fut complétée que
bien plus tard par les belles recherches de Réaumur; mais
les faits introduits dans la science par Redi, Swammerdam et
Vallisnieri auraient probablement sufti pour faire justice de
de SCS observations ne furent connues
du monde savant que longtemps après
sa mort, lorsqu'on 1737, son grand
ouvrage, inlitulé Biblia Nalurœ, seu
historia Insectorum in certas classes
reducta, fui édité par son compatriote
l'illustre médecin Boerhaave. Une tra-
duction française de ce livre parut en
J758 dans le 5' volume de la collec-
tion académique de Dijon.
(l) Dans quelques cas, les Poux se
développent sur le corps humain en
nombre si prodigieux, qu'au premier
abord on a cru ne pouvoir s'expliquer
leur mulliplication par la voie ordi-
naire de la génération, et qu'on a sup-
posé qu'ils naissaient de la substance
de notre organisme, opinion qui a été
soutenue encore de nos jours par quel-
ques auteurs. Les médecins ont con-
sidéré ce phénomène comme dû à
une maladie particulière qu'ils dési-
gnent sous le nom de phthiriasis, et
parmi les personnes qui ont été infestées
de la sorte, on cite plusieurs hommes
célèbres : par exemple, Alcman, poëlc
grec («) , Platon, le dictateur Sylla ,
les deux Hérodes, l'empereui' Maxiniiil
et le roi d'Espagne Philippe IL. On a
même attribué à cette maladie la mort
de plusieurs de ces personnages.
Ainsi que je l'ai déjà dit, les partisans
de l'hypothèse des générations dites
spontanées pensaient que les Puces
naissaient de la poussière et d'autres
matières inertes; mais en 1682, Leeu-
wenhoek constata que ces Insectes pon-
dent des œufs et se multiplient par la
voie de la génération ordinaire ; il fit
connaître en même temps les méta-
morphoses qu'ds subissent dans le
jeune âge (6).
(2) Swammerdam n'eut pas l'occa-
sion d'observer la manière dont les œufs
sont introduits dans le tissu de la
plante, qui, en se développant, consti-
tuera une galle, mais il constata que
ces œufs donnent naissance à des lar-
ves qui, après s'être nourries delà sub-
stance végétale dont elles sont entou-
rées; se transforment en Insectes ailés
qui produisent à leur tour des œufs
semblables à cous dont elles étaient
elles-mêmes sorties (c).
(a) SwahimerJam , Biblia Salurœ, t. H, p. 7-23 et buiv.
(6) Lcu\venho>:k, Arcana Naturœ détecta, epist. LXXvi yOiicra, I. 11, p. ^'25].
(t) BunJucli, Trailc de physlolofjic, t. (, p. liO,
HYPOTHÈSE DE L\ GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE, 2/l5
l'hypothèse des générations spontanées (1), si, vers la fin du
xvn' siècle, une découverte importante, en reculant les limites
de l'observation possible , n'eût fait naître d'autres diffi-
cultés pour l'explication desquelles on eut de nouveau recours
à des suppositions analogues à celles dont la fausseté venait
d'être reconnue pour tous les cas susceptibles d'être étudiés
d'une manière approfondie.
En examinant au microscope de l'eau pluviale qui était restée Découve. le
\ ' • des
exposée à l'air, Leeuwenhoek (2) y découvrit une multitude infusoires.
d'êtres animés, d'une pefitesse extrême, qui n'y existaient pas
au moment où il avait recueilli ce liquide. Il constata aussi que
des Animalcules microscopiques analogues se développent par
myriades dans l'eau où l'on fait infuser des matières orga-
niques, par exemple du poivre ou du foin, et il ouvrit ainsi
un champ nouveau aux investigations des observateurs ainsi
qu'aux hypothèses des physiologistes spéculatifs (3) . De bonne
(1) En 1737, Réaumur disait: «Nous (3) Les premières observations de
n'avons plus besoin de combattre le Leeuwenhoek sur le développement
sentiment absurde dans lequel on a été des Animalcules microscopiques dans
pendant si longtemps sur l'origine des l'eau pluviale datent de 1675, mais ne
Insectes des galles ; il n'est plus de furent publiées que quelque temps
philosophe qui osât soutenir avec les après. Il constata aussi la présence de
anciens, peut-être même n'en est-il ces petits êtres dans de l'eau dé puits,
plus de capable de penser que quel- dans de l'eau provenant de la fonte
ques parties d'une plante peuvent, en des neiges, et dans l'eau de la mer.
se pourrissant, devenir un Ver, une Enfin, il vit ces Animalcules se déve-
Mouche, en un mot un Insecte, qui est lopper en très-grand nombre dans de
un assemblage de tant d'admirables l'eau où il avait fait infuser du poi-
organes (a). » Les observations de ce vre (6). Afin de donner une idée de la
grand naturaliste sur la génération des petitesse et de l'abondance de ces Ani-
Insectes qui se développent dans l'in- malcules, Leeuwenhoek chercha à cal-
térieur des plantes sont pleines d'in- culer combien une seule goutte d'eau
térèt et d'une exactitude parfaite. pouvait en contenir, et il arriva à
(2) Voyez tome I, page /i2. cette conclusion que, dans certains cas,
(a) Réaumur, Mémoires pour servir à l'hisloire des Insectes, t. III, p. 474.
(6) A. Van Leeuwenhoek, Lettcr concernijig little Animais by him observed in rahl Waler
and snoui luater ; as also walcr containing pepper had laiii infused (Philos. Trans., 1678,
I. XII, p. 821).
viii. 18
2/i6 KliPRODUCTlON.
Hypoihèses heuFC quclcjues naturalistes attribuèrent cette production
l'clalives
à l'origine d'Animalcules à une sorte d'ensemencement d'œufs ou de
de CCS
Animalcules, gemies QUI, cngendrés par d'autres Animalcules de même
espèce, auraient été entraînés par les vents et flotteraient dans
l'atmosphère au milieu des poussières dont l'air est toujours
plus ou moins chargé (1). Mais d'autres auteurs, ne pouvant
apercevoir ni œufs ni germes de ce genre, crurent préférable
d'expliquer la naissance de ces petits êtres comme les anciens
expliquaient la formation des Abeilles d'Aristée ou la multipli-
cation des Rats de l'Egypte, c'est-à-dire en supposant que la
matière inorganique ou morte, soumise à l'action de la cha-
leur et de l'humidité, posséderait la faculté de s'organiser et
de constituer des êtres animés, lesquels vivraient sans avoir
reçu la vie d'un autre corps vivant; ou, en d'autres termes,
ils attribuaient l'apparition de ces Animalcules à une génération
dite spontanée.
Vers le milieu du siècle dernier, ces questions ardues occu-
pèrent beaucoup l'attention des naturalistes, et donnèrent nais-
sance à deux hypothèses opposées qui ont eu trop de célébrité
pour que je n'en dise pas quelques mots.
il pouvait y en avoir plus de vingt- cle, interpréta de la sorte les faits
septniillions (a). Entîn, ilconstata avec observés par LeeuAvenhoek et par lui-
beaucoup de soin que les Animalcules même, relatifs au développement des
de l'eau pluviale n'existaient pas dans Animalcules dansl'eau exposée à l'air,
ce liquide au moment de sa clnUe, et etcontcnantdesmatièresnutrilives](c).
qu'ils s'y étaient développés quelques Ce fut aussi l'hypothèse que Spallan-
jours après (6). zani et quelques autres auteurs adop-
(1) Henry Baker, l'un des micro- tèrent pour expliquer l'apparition des
graphes les pi us laborieux du xviii'^siè- Animalcules dans les infusions [d).
(a) Leeuwenliook, Lelter wherein some Account is glven of the Manner of his ohsevving so
great a number of living Animais in diverse sorts ofvjater, elc. [Philos. Trans., 1G78, f. XII,
p. 844).
(6) Leciiwenlioek, Anolher Letter concerning his Observations on rain tuater {Philos. Trans.,
1702, t. XXIII, p. H52),
(c) Baker, The Microscope made easij, 1742, p. 69.
((/) Spallaiizaiii, Opuscules de physique animale et Végétale, frad. par Scnebier, 1787, t. I,
p. 232 el suiv.
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉIlATION DITE SPONTANÉE. 2!\1
En réfléchissant sur les phénomènes naturels plutôt (m'en Embuîiomeni
des germes.
observant la nature, un philosophe genevois, Bonct, fut con-
duit à penser que non-seulement un Animal ne pouvait se con-
stituer de toutes pièces et prendre vie sans avoir été engendre
par un Animal préexistant, mais qu'il ne pouvait être une
création de celui-ci ; que le jeune se développait dans le corps
de sa mère sans être en réalité formé par elle, et qu'il y
préexistait à l'état de germe. Appliquant ensuite ce mode de
raisonnement à la série des êtres dont cette mère était elie-r
même descendue et à la progéniture future de ses produits,
Bonet arriva à penser que le premier individu de chaque race
devait contenir, inclus les uns dans les autres, les germes de
tous les individus dont il était destiné à être la souche, de sorte
que tous ces individus auraient existé à l'état de germes dès
la création du Règne animal, et n'auraient fait que se déve-
lopper à mesure qu'ils se seraient dépouillés successivement
des enveloppes constituées par des germes placés moins pro-
fondément. C'est cette hypothèse singuhère que l'on connaît
sous le nom de théorie de V emboîtement des germes. Notre
imagination s'en effraye comme de l'idée de l'infini, et cepen-
dant Guvier considéra cette manière d'envisager le mystère
de la multiplication des êtres vivants comme étant préférable
à toute autre (1).
Buffon, dont les conceptions nous charment toujours par Moiécuiéâ
leur grandeur, lors môme qu'on ne saurait les considérer '"^''^^'^"^^
comme l'expression des faits acquis à la science, se plaça à un
autre point de vue, et, adoptant en partie les idées de Mauper-
tuis sur l'attraction élective des molécules (2), il regarda la
(1) J'ai souvent entendu Guvier s'ex- (2) Maupertuis, dont la célébrité est
pliquer à ce sujet dans la conversa- due surtout au voyage qu'il fit en La-
lion, et son opinion a été recueillie par ponie avec Clusant et quelques au-
son collaborateur Laurillard (a). très savants pour vérifier les idées de
*
(a) Laurillard, Éloge de Ciwier {llecherches suv les ossements fossiles, cdil, in~8, t. I, p. 57).
Buffon.
2^|8 HEPRODUCTiON.
vitalité comme étant une propriété indestructible, non pas de la
matière en général, mais de la matière organisée, c'est-à-dire de
la substance constitutive des êtres vivants; il pensa que chaque
molécule de cette matière vit par elle-même, et que la manière
dont son activité physiologique se manifeste, dépend de son
mode d'association avec d'autres molécules organiques. Le
corps d'un Animal ou d'une Plante ne serait donc qu'une réu-
nion d'une multitude d'êtres vivants ayant chacun leur indivi-
dualité, et susceptibles de se réunir de mille manières différentes
pour constituer autant d'autres Animaux ou d'autres Plantes ; ce
que nous appelons la mort d'un de ces êtres complexes ne serait
alors que la dissolution d'une de ces associations, et les molé-
cules organiques ainsi mises en liberté continueraient à vivre
isolément, ou entreraient dans de nouvelles combinaisons pour
former d'une part les Monades, par exemple, d'autre part
quelque corps vivant plus complexe, tel qu'un Insecte ou un
Quadrupède.
Telle est, en peu de mots , l'essence de la théorie dite des
molécules organiques de Buffon , théorie d'après laquelle les
Animalcules qui naissent dans les infusions ne seraient que
des molécules des matières animales ou végétales mises en
liberté par la destruction de l'association physiologique dont elles
Newton touchant Taplatissement de la blages analogues à ceux dont ces mê-
terre aux pôles, combattit fortement la mes molécules proviennent, propriété
théorie de la préexistence et de l'em- qu'il comparait tantôt à l'affinité chi-
boîtement des germes. Il crut pouvoir mique ou à l'attraction en vertu de
expliquer la formation des organismes laquelle les parties constitutives d'un
en supposant que les molécules de la cristal se réunissent suivant un ordre
matière organisabie sont douées d'une déterminé, tantôt à une sorte d'instinct
sorte d'attraction élective en vertu de ou de souvenir d'un état antérieur,
laquelle ces atomes se rapprocheraient Les premiers écrits de Maupertuis sur
et s'uniraient danscertains rapports, de ce sujet parurent peu d'années avant
façon à donner naissance à desassem- ceux de BuU'on (a).
(n) Maupertuis, Venus physique, 1744 {Œuvres, t. II, p. 3).
— Essai siw la formation des corps organisés, Berlin, 1754 (Œuvres, I. II, p. 139).
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2^9
faisaient préalablement partie, et redeveniies actives isolément
après avoir cessé de manifester leur puissance vitale par un
genre d'activité dépendant de leur mode de réunion en un orga-
nisme complexe. Ce serait cette matière organique, et par
conséquent vivante, qui, retenue dans l'intérieur de certains
Animaux ou de certaines Plantes, formerait des Vers intestinaux
ou d'autres parasites. Enfin, ce seraient encore ces molécules
organiques qui, en s'associant dans l'intérieur des organes de
la reproduction d'un être vivant, imitant le mode d'assem-
blage des molécules dont le corps de celui-ci se compose, rem-
pliraient une sorte de moule virtuel fourni par cet organisme
préexistant, et constitueraient ainsi l'embryon destiné à perpé-
tuer sa race (1).
L'hypothèse de la multiplication des êtres animés sans l'in- Renouvellement
de l'hypotlièse
tervention d'Animaux engendreurs, et par le jeu seulement des .de«
. . , . générations
lorces physiques ou chimiques dont la matière inerte est douce, spontanées.
ou, en d'autres termes, l'hypothèse de la génération dite spon-
tanée fut adoptée par la plupart des micrographes du dernier siè-
cle, et elle compte aujourd'hui plus d'un défenseur habile; mais
elle a été sans cesse déplacée, et n'a jamais pu être soutenue
d'une manière plausible que sur les contins extrêmes du
(1) Ces idées de Buffon relative- trouvent, et comme l'a déjà fait remar-
ment aux propriétés des molécules quer M. Flourens, notre célèbre zoo-
organiques et à leur rôle dans la mul- logiste y reproduit, au sujet de la géné-
tiplication des Animaux, furent basées ration dite spontanée, toutes les nié-
en grande partie sur les observations prises des anciens (c). Cependant nous
microscopiques faites sous ses yeux verrons bientôt qu'en restreignant dans
par Needham(a), et on les trouve ex- certaines limites l'hypothèse des mo-
posées dans le premier volume de son lécules organiques, c'est-à-dire de
Histoire naturelle {b). En Msani ceM- l'indépendance biologique des parti-
vre, il faut se tenir en garde contre une cules constitutives de l'économie ani-
multitude d'opinions erronées qui s'y maie, on est dans le vrai.
(a) Needham, Summary ofsome late Observations upon Génération, Composition and Becom-
position of Animal and Vegetable Substances (Philos. Trans., 1748, t. XLV, p. 615).
(6) Buffon, Histoire des Aiiimaux, 1748.
le) Flourens, Buffon, histoire de ses travaux et de ses idées, 1844, p. 79. ^
250 REPRODUCTION.
domaine de l'observation, là où la constatation des faits pré-
sentait de grandes difficultés. Les partisans de l'opinion con-
traire gagnèrent lentement du terrain, et ù mesure qu'ils por-
tèrent la lumière à l'iiorizon brumeux de la science , ils
firent rentrer dans la règle commune un grand nombre de
cas particuliers où l'origine des êtres vivants par la voie de
l'engendrement, n'ayant pu être constatée, avait été niée ; mais
en même temps les limites connues de la création biologique
ont été reculées, et de nouvelles difficultés de même ordre ont
surgi. Pour expliquer ces cas obscurs, on a eu recours, comme
jadis, à l'bypothèse de la génération dite spontanée. Ainsi le
perfectionnement récent des microscopes a permis de recon-
naître que les corpuscules d'une petitesse extrême qui com-
posent les substances appelées ferments, la levure de bière
par exemple, sont des êtres vivants, et, pour se rendre compte
de l'apparition de ces corpuscules dans les liquides en fermen-
tation, quelques physiologistes ont supposé qu'ils naissaient de
la matière inerte sans avoir reçu la vie d'aucun être vivant. La
question s'est donc transportée sur ce terrain nouveau, et il est
probable que des déplacements analogues éterniseront le débat,
car il y aura toujours certains esprits enclins à supposer que là
où la filiation des Animaux similaires n'est pas manifeste, on
est autorisé à dire que les nouveaux venus n'avaient pas de
parents et se sont constitués de toutes pièces sans le concours
d'aucun être vivant préexistant. Mais pour ceux qui placent
quelque confiance dans les inductions fondées sur l'analogie, la
généralisation progressive de la règle commune sera un motif
puissant pour croire que l'origine de ces petits êtres ne diffère pas
essentiellement de celle des autres Animaux ou de celle des
Plantes dont le mode de multiplication a été bien étudié; que
l'obscurité dont leur filiation est encore entourée sera dissipée un
jour, et qu'alors ces prétendues exceptions à la grande loi de la
transmission de la vie disparaîtront comme ont déjà disparu
HYPOTHÈSE DE L\ GÉNÉRATION DITK SPONTANÉE. 251
les exceptions citées jadis par le crédule Pline on par le père
Kircher.
Quoi qu'il en soit, ces difficultés physiologiques doivent être
examinées ici d'une manière attentive, et, pour faciliter l'ap-
préciation des faits et des arguments employés dans la discus-
sion de ces questions ardues, il me paraît nécessaire de préciser
nettement les hypothèses ainsi que les idées dont ces hypo-
thèses sont l'expression, puis d'étudier successivement les
divers ordres de faits sur lesquels le débat s'établit aujour-
d'hui.
§ 3, — Les mots génération et spontanée s'accordent si mal Distinciions
11 1 M 1) 1 • " ôlablir
ensemble, que quelques auteurs ont cru utile u y substituer une ausi.jet
expression nouvelle, et de désigner sous le nom dliétérogénie rhétûio^énie,
la production d'un être vivant qui ne procéderait pas d'un être
de son espèce, qui serait dénué de parents, et qui résulterait
d'une génération primordiale ou création. Ces auteurs appellent
homogénie, la production des Animaux et des Plantes qui sont
procréés par des êtres vivants semblables à eux (1). Mais le mot
hétérogénie, que l'on donne comme synonyme de génération
spontanée, de génération primordiale et de génération équi-
voque, s'applique, comme on le voit, à des choses qui pour-
raient être très-différentes et qu'il importe de ne pas confondre,
savoir :
1° La formation d'un être vivant par l'organisation spontanée
de la matière brute ou de la matière morte, sans le concours
ou l'influence d'aucun être déjà existant, mode d'origine que,
pour la commodité de la discussion, j'appellerai agénétigue.
2° La formation d'individus vivants par suite de la désassocia-
(1) Un physiologiste allemand dont expressions dans notre langage scien-
rou vrage a eu beaucoup d'admirateurs tifiqae (a) , et aujourd'hui la plupart des
en France, Bardach, a introduit ces hétérogénistes les emploient.
(«) Biirdacli, Traiié de physiologie, traj. par JourJan, 1837, I. I, p. 8.
252 REPRODUCTION.
tioii départies qui, constituées par l'action vitale d'un Animal
ou d'une Plante, et ayant participé à la puissance vitale de cet
être, conserveraient la faculté de vivre et de se développer de
façon à réaliser certaines formes organiques après que celui-ci
aurait été frappé de mort et son organisme détruit ; mode de
multiplication que l'on pourrait appeler nécrogénie.
3° La formation d'êtres particuliers par l'action physiolo-
gique d'un organisme vivant qui leur transmettrait le principe
de la vie sans leur imprimer les caractères organiques qu'il
possède lui-même; l'être nouveau serait procréé, mais ne
serait pas de la même nature que ses parents et représenterait
une autre espèce. J'appellerai œénogénie cette descendance
d'une souche étrangère (1).
Dans les cas de naissance agénétique, soit que l'être nou-
veau se constituât avec des matières inorganiques, telles que
l'eau, l'acide carbonique et l'ammoniaque, soit qu'il résultât de
quelque transformation d'une substance organique, telle que
la fibrine, l'albumine ou la cellulose végétale, il ne recevrait le
mouvement vital, le principe de la vie, d'aucun être vivant ;
la force dont il serait animé appartiendrait tout entière à la
matière dont il se compose, et serait une propriété inhérente
à cette matière, propriété qui serait tantôt latente, d'autres fois
active à la manière de l'affinité chimique ou d i mouvement
calorifique, et qui se manifesterait de telle ou telle manière
suivant les circonstances dans lesquelles cette même matière
serait placée. Dans les autres hypothèses, la vie serait com-
muniquée à la matière inerte par un être vivant; mais, dans le
cas de la nécrogénie, il y aurait discontinuité dans la manifes-
tafion de cette force acquise, qui deviendrait latente lorsque
l'association des molécules organiques ainsi douées deviendrait
(1) J'aurais préféré le nom (Thé- une acception différente et beaucoup
térogénie si ce mot n'avait déjà reçu pins étendue.
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 253
inapte à fonctionner en commun, ou, en d'autres mots, lorsque
l'individu dont elles font partie serait frappé de mort, mais
qui rentrerait en jeu lorsque ces mêmes molécules, redevenues
libres, seraient susceptibles de contracter de nouvelles asso-
ciations.
Au premier abord, toutes ces distinctions peuvent paraître
un peu subtiles, mais elles ont en réalité une importance con-
sidérable, et c'est en partie pour les avoir négligées que les
physiologistes ont souvent discuté d'une manière vague et
obscure sur les questions de cet ordre.
§ /i . — Examinons, en premier lieu, si nous devons croire Examen
, ^ de l'hypothèse
OU ne pas croule que, dans l'état actuel de la Nature, des êtres de la formation
, , , . . I agénétique
vivants naissent par agenesie, et ne tirent leur puissance vitale des Animaux.
que de la matière inerte, c'est-à-dire inorganique ou morte,
dont ils se composent.
Aujourd'hui cette hypothèse a été assez généralement aban-
donnée en ce qui concerne les Animaux dont le corps n'est
pas trop exigu pour être observable sans l'emploi du micros-
cope (1); mais quelques physiologistes y ont encore recours
pour expliquer l'origine de ce qu'ils appellent les proto-
organismes, c'est-à-dire des Animalcules et des Végétaux d'une
petitesse extrême, tels que des Mycodermes et des globules de
(1) Au commencement du siècle ac- des Monocles, de Podures et autres
tuel, un auteur que les partisans de Insectes (a). Vers la même époque,
l'hypothèse des naissances agénési- Gruithuisen annonça qu'il avait fait
ques citent parfois encore aujourd'hui, naître des Infusoires à l'aide de diverses
Fray, publia un grand nombre d'expé- substances minérales, telles que le
riences dans lesquelles il crut avoir granit et l'anthracite (6). Plus récem-
constaté la formation spontanée, non- ment, Cross assurait avoir fait naître
seulement de beaucoup d'Infusoires, des Acariis en électrisant une pierre
mais aussi de Crustacés de la famille vésuvienne humide (c).
(a) Fray, Essai sur l'origine des corps organisés et inorganisés, in-8, 1817.
(b) Gruiihuisen, Beitrâge xur Phtjsiologie und Eautognosie, 1812.
(c) Cross, Lettre à M. Roberton (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1837, t. V, p. C40).
254 REPRODUCTION.
ferment, qui naissent souvent dans l'eau exposée à l'aclion
de l'almosplière ou renfermant des matières organiques en
infusion (1),
La plupart des naturalistes pensent au contraire que les
êtres microscopiques dont ces infusions se peuplent ont une
origine semblable à celle des Animaux ou des Plantes ordi-
naires, et qu'ils sont le résultat du développement d'œufs, de
germes ou de quelque autre sorte de propaguies, c'est-à-dire
de corpuscules préorganisés qui, engendrés par des êtres
vivants, auraient été introduits accidentellement dans le liquide
avec les matières que l'on y fait infuser, ou y auraient été
déposés par l'atmosphère. On sait, en effet, que les Infusoires
sont susceptibles de se reproduire comme le font les êtres
(1) Ainsi, un savant zoologiste de naturalistes (6). Enfin, seS opinions
Rouen, M. Pouchet, soutient cette ma- paraissent être partagées par Tanato-
nière de voir avec une grande perse- miste le plus éminent que l'Angleterre
vérance, et il a fait sur ce sujet de possède aujourd'hui , M. Richard
nombreuses publications (a). 11 a été Owen (c). î\lais ce dernier ne semble
secondé dans ses efforts par M. Joly, pas avoir traité la question expérimen-
professeur à la Faculté des sciences talement, et paraît ne l'avoir envisagée
de Toulouse, et par quelques autres qu'au point de vue théorique.
(fl) Pouchet, llétérogénie, ou Traité de la généralicn spontanée, basé sur de nouvelles expé-
riences.In-S, Paris, 1859.
— Corps organisés recueillis dans l'air par la neige (Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
dSOO, t. L, p, 532 el 572).
— Moyen de rassembler dans un espace infiniment petit tous les corpuscules normalement
invisibles contenus dans un volume déterminé d'air (loc. cit., p. '748).
— Genèse des proto-organismes dans l'air calciné et à l'aide de corps putrescibles portés à
la température de 150 degrés {loc. cit., p. ■1014).
— Phénomènes blologiqties des fermentations {Moniteiir scientifique, 1862, t. IV, p. 545).
— Études expérimentales sur la genèse spontanée (Ann. des sciences nat,, 4" scrie, 18(32,
t. XVIII, p. 276).
(6) Joly et Ch. Musset, Recherches sur l'origine, la germination et la fructification de la levure
debière {Monileur scientifique, 1861).
— Réfutation de l'une des expériences capitales de M. Pasteur, suivie d'études physiolo-
giques sur l'hétérogénie {Moniteur scientifique).
— Cil. Musset, Nouvelles recherches expérimentales sur l'hétérogénie, ou génération spontanée,
Ihèse, Faculté tics sciences de Bordeaux, 1862.
— Joly, Examen critique du mémoire de M. Pasteur, relatif aux générations spontanées
{Mém. de l'Acad. des sciences de Toulouse, 6° série, 1863, t. 1, p. 215).
— Montogazza, Ricerche sxdla generazione degli Infusorii (extrait du Joxirnal Lombard des
sciences, lettres et arts, nouvelle série, 1858, t. III).
— Schauffliausen, Ueber die generatio œquivoca {Verhandl. des naturhistorischen Vereines von
Bonn, 1861, Sitzungsber., p. 106).
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 255
organisés dont la taille est plus considérable; et l'on sait éga-
lement que non-seulement des graines et des œufs peuvent
rester pendant fort longtemps dans un état de vie latente sans
perdre la faculté de reprendre la vie active lorsque les circon-
stances sont favorables à l'exercice de leurs facultés (1), mais
que des Animalcules adultes peuvent présenter des phéno-
mènes de même ordre et conserver leur vitalité après
avoir été réduits à un état de mort apparente par la dessic-
cation (2). Enfin nous savons aussi que la dissémination des
corpuscules légers par les courants atmosphériques est chose
facile. Aucun physiologiste ne révoque en doute la puissance
génératrice des Animalcules et des Végétaux microscopiques,
(1) Les graines qui renferment des
inatières grasses susceptibles de deve-
nir rances au contact de l'air perdent
en général assez promptement la fa-
culté de germer , mais parmi les
autres il en est qui peuvent conserver
une vitalité latente pendant un temps
extrêmement long. Un nombre consi-
dérable de faits de cet ordre ont été cités
par P. de Candolle (a), par exemple
la germination d'un Haricot qui avait
été conservé depuis plus de cent ans
au Jardin des plantes, dans la collec-
tion de Tournefort (6). Robert Brown
a constaté la même propriété chez
des graines de Nelumbium specio-
sum conservées depuis plus de cent
cinquante ans dans Therbier de
Sloane (c). L'abbé Audierne a vu lever
des graines d'Héliotrope, de Lupulin et
de diverses autres plantes qui avaient
été trouvées dans un tombeau gallo-
romain situé près de Bergerac, et pa-
raissant dater du iv" et du V^ siècle [d).
Plusieurs auteurs assurent même avoir
vu germer des graines qui avaient été
conservées depuis la plus haute anti-
quité dans des étuis de momies égyp'
tiennes ; mais la plupartde cesobserva-
tions ne méritent que peu de confiance,
et, dans certains cas de ce genre, les
expérimentateurs paraissent avoir été
victimes de fraudes pratiquées par les
marchands d'antiquités. H me sem-
ble cependant difficile d'expliquer de
la sorte un fait de ce genre constaté
avec beaucoup de soin par le comte de
Sternberg {e).
(2) Voyez tome VII, page 526 et
suivantes.
(a) Pyr. de Candolle, Physiologie végétale, t. II, p, 621.
(6) Girardin, Conservation des graines.
(c) Alph. de Candolle, Géographie botanique, t. I, p. 542.
(d) Desmoulins, Notice sur des graines trouvées dans des tombeaux romains, et qui ont con-
servé leur faculté germinative (Actes de la Société linnéenne de Bordeaux, 1835, t. VII, p. 65).
(c) Sternbei-g, Ueber die lieimung einiger aus agrjptischen Momien erhaltenen Getreide kôrner
(Flora, 1835, p. 3).
256 REPRODUCTION.
et, pour se convaincre de la possibilité du transport de leurs
propagules par la voie que je viens d'indiquer, il suffit de se
rappeler la quantité énorme de poussière qui flotte toujours
dans l'air, et la difficulté que nous éprouvons à préserver de
son contact les objets qui ne sont pas renfermés dans des vases
hermétiquement fermés. Des corpuscules bien plus gros et bien
plus lourds que ne doivent l'être les propagules en question
sont charriés de la sorte à des distances immenses, ainsi qu'on
a pu s'en assurer en observant les poussières tombées de
l'atmosphère dans les pays situés sous le vent de quelques
volcans en éruption (1). Nous savons également que le trans-
port des graines par les courants atmosphériques est un des
moyens employés par la Nature pour effectuer la dispersion
des espèces végétales à la surface du globe ; et par consé-
quent en attribuant à des phénomènes analogues l'apparition
de corpuscules vivants dans les eaux chargées de matières
propres à la nutrition de ces petits êtres, on explique l'origine
de ceux-ci d'une manière bien plus plausible qu'en les sup-
posant formés par une génération dite spontanée.
Mais, en science, on ne saurait se contenter d'une proba-
bihté de cet ordre, et, pour se prononcer en faveur de l'une ou
(1) En 1815, lors de l'éruption du de Lichens comestibles qui ont lieu
grand volcan de Sumbawa, des cen- parfois en Perse et en Asie Mineure :
dres lancées du cratère furent trans- les pluies de pollen que l'on observe
portées par les vents jusqu'à Am- assez souvent dans les mêmes ré-
boine, dont la distance est d'environ gions; enfin, les pluies de petits
290 lieues. En îSZiô, les cendres de Crapauds et de petits Poissons qui,
rHéclaarrivèrentpar la même voie jus- dans quelques cas, ont été entraînés
qu'en Angleterre, et dans plus d'une au loin par les vents,
éruption du Vésuve, les cendres de Je rappellerai également que la pous-
ce volcan allèrent tomber en Syrie et sière d'eau et de sel marin enlevée à
à Consiantinople. la surface de la mer, et entraînée de la
Comme exemples du transport des même manière dans l'atmosphère, se
corps solides par les courants de l'at- répand à une distance considérable
mosphère, on peut citer aussi les pluies dans l'intérieur des terres.
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 257
de l'autre des deux hypothèses que je viens d'exposer, il fallait
les soumettre à l'épreuve de l'expérimentation , c'est-à-dire
chercher à provoquer les phénomènes en question dans des
circonstances compatibles seulement avec l'une ou l'autre de
ces explications. Spallanzani, dont le nom revient toutes les
fois qu'il s'agit d'élucider une des grandes questions de la
physiologie générale, fut un des premiers à tenter cette épreuve
d'une manière conforme à la saine raison, et quoiqu'il ne par-
vînt pas à résoudre complètement le problème, il eut le mérite
de le bien poser.
Pour décider si les êtres vivants qui se montrent dans une Expériences
. , de Spallanzani.
infusion y naissent de propagules ou germes préorganisés,
ou s'y forment directement par l'organisation spontanée de la
matière non vivante, il fallait examiner si ces Infusoires se
développent lorsque l'infusion ne contient rien qui vive, et se
trouve placée dans des conditions telles qu'aucun corpuscule
vivant ou apte à vivre ne puisse y arriver du dehors (1). Spal-
lanzani suivit cette marche logique, et, afin de remplir les deux
conditions essentielles de l'expérience, il eut d'abord recours
à la chaleur pour détruire la vie dans tout ce qui pouvait
exister dans ses infusions , puis il conserva celles-ci en vases
clos afin de les soustraire à l'influence de l'atmosphère, et
d'empêcher ainsi toute introduction nouvelle de corpuscules
vivants ou viables (2). En effet, il savait que ni les Animaux ni
les Plantes ne résistent à une certaine élévation de tempé-
rature, que les graines aussi bien que les œufs perdent la
faculté de se développer et de donner naissance à des êtres
(1) INeedliam fut le premier à tenter de Needtiam et deBiiffon, relativement
des expériences de ce genre (a). à l'origine des Infusoires (6) ; mais ce
(2) En 1765, Spallanzani publia une ne fut qu'en 1777 que parut l'ensemble
première dissertation sur les systèmes de ses expériences sur ce sujet (c).
(«) Ncedliam, Op. cit. {Philos. Trans., 1748).
(b) Spallanzani, Saggio di osservaxioni microscopiche concernenti il sislema délia generazioM
de' signori Ncedham e Buffon {Dlsserta^toni due, Modena, 1705).
(c)Ideni, Opuscules de physique animale et végétale, trad. par Senebier, 1777, 2 vol. in-8.
258 REPRODUCTION.
vivants, lorsqu'on les chaufie de la sorte. Pour s'éclairer davan-
tage sur le degré de chaleur incompatible avec la vie, il fit
une longue série d'expériences, et il vit que les œufs ainsi que
les graines résistent parfois à des températures qui seraient
fatales pour les Animaux ou les Plantes qui sont déjà dévelop-
pés, et que cette résistance est plus grande lorsque les corps
reproducteurs en question sont secs que lorsqu'ils sont hu-
mides ; mais il trouva que la vitalité des uns et des autres était
toujours détruite par l'action un peu prolongée de l'eau en
ébulhtion. Il en conclut qu'en faisant bouillir l'eau et les ma-
tières organiques mises en infusion, il devait tuer infailhble-
ment tout ce qui pouvait y exister de vivant, et que pour
empêcher le développement ultérieur d'êtres vivants dans le
liquide ainsi préparé, il suffirait de le renfermer hermétique-
ment de façon à le soustraire à l'action de l'air, pourvu que
la matière inerte ne fût pas capable de s'organiser et de prendre
vie spontanément.
Spallanzani prépara de la sorte une série d'infusions qui,
après avoir été soumises à l'ébullition, furent placées dans des
vases dont les uns étaient ouverts, dont d'autres furent bou-
chés avec du coton seulement, et d'autres fermés aussi exac-
tement que possible. Dans les premiers, c'est-à-dire dans les
vases ouverts, les Animalcules microscopiques ne tardèrent
guère à se montrer par myriades, mais dans les autres il n'en
trouva que peu, et leur nombre était d'autant moindre que la
clôture avait été plus complète (1). Il ne parvint jamais à em-
(1) Baker avait déjà remarqué que on ne voit que très-peu de ces petits
si l'on recouvre avec de la mousseline, êtres s'y développer, et il argua de ce
ou de la toile fine, une infusion de fait pour soutenir que les Infusoires
racine ou de foin qui, dans les circon- ne s'y forment pas de toutes pièces et
stances ordinaires, donne naissance à naissent d'œufs déposés par l'atmos-
des animalcules en grande abondance, phère (o).
(a) Baker, The Micvoscope made easy, 4742, p. 6U.
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 259
pécher complétementrapparition de quelques Infusoires d'une
petitesse extrême ; mais, d'après la tendance générale des faits
constatés de la sorte, il se confirma dans l'opinion que ces êtres
ne naissent que de germes préorganisés charriés par l'atmos-
phère et déposés dans les matières en infusion, comme les
Plantes naissent dans le sol par le développement des graines
qui y ont trouvé gîte et nourriture.
Les expériences de Spallanzani devaient paraître décisives
pour tous les Infusoires que ce physiologiste appela des Ani-
malcules d'ordre supérieur; mais il n'en était pas de même
pour les êtres encore plus microscopiques, qu'il appela des
Animalcules du dernier ordre, et, pour généraliser d'une ma-
nière légitime ses conclusions touchant le mode d'origine de
tous ces corpuscules vivants, il fallait supposer que les germes
de ces Infusoires inférieurs n'avaient pas été tués par les
moyens employés utilement pour les autres propagules orga-
nisés, ou qu'ils n'avaient pas été arrêtés par la clôture des
vases contenant les infusions. Il est vrai que d'autres natura-
listes constatèrent que les êtres vivants ne se montrent pas
dans les infusions préalablement soumises à l'ébullition et dont
ia surface est séparée de l'atmosphère par une couche d'huile ;
pour les empêcher d'apparaître, il suffit aussi de renfermer
ces infusions dans un flacon dont le bouchon de verre touche
la surface du liquide; mais, dans tous ces cas, l'oxygène de
l'air n'arrivait pas à l'infusion, et l'on pouvait supposer que
l'absence des Animalcules dépendait du défaut d'air respi-
rable. Pour quelques-uns de ces êtres microscopiques, cette
explication n'était guère admissible, car plusieurs expérimen-
tateurs avaient vu des Infusoires se développer dans des liquides
en contact avec de l'hydrogène ou avec de l'azote seulement.
Cependant l'objection n'était pas sans gravité, et, pour résoudre
d'une manière plus satisfaisante la question de l'origine de ces
petits êtres, il fallait avoir recours à d'autres expériences.
!260 • REPRODUCTION.
Autres En voicl 11116 qul m'a semblé plus concluante. De l'eau et
tnalogrcT des matières organiques furent placées dans deux longs tubes
en forme d'éprouvettes ; l'un de ces tubes, dont les deux tiers
étaient occupés par de l'air, fut alors fermé, à la lampe par son
extrémité supérieure et ensuite plongé dans de l'eau bouillante,
ainsi que l'autre tube resté ouvert. Le bain fut maintenu en
ébullition pendant le temps nécessaire pour que l'équilibre
de température dût s'établir à peu de chose près entre les
deux infusions et le liquide extérieur; puis on laissa refroi-
dir les tubes et on les abandonna à eux-mêmes, en ayant soin
d'examiner de temps en temps leur contenu à travers leurs
parois transparentes. Au bout de quelques jours, je vis des
Infusoires se mettre en mouvement dans celui des deux tubes
qui était resté en communication libre avec l'atmosphère ,
tandis que dans l'autre tube dont la clôture hermétique avait
précédé l'action présumée mortelle de la chaleur, je ne vis
jamais apparaître un seul Animalcule (1).
Quelque temps auparavant, une expérience semblable avait été
faite en Allemagne par M. Schultze et avait donné les mêmes
résultats -, mais on pouvait encore y faire des objections, car
l'air emprisonné dans le vase pouvait avoir été altéré par les
matières organiques en infusion, et l'on pouvait supposer que
l'absence des Animalcules dans le liquide avait dépendu de
cette circonstance. Pour mieux éclaircir la question, le natu-
raliste que je viens de nommer disposa donc son appareil de
(1) Cette expérience a été faite il y nière fort inexacte dans quelques ou-
a plus de vingt-cinq ans, et j'en ai vrages (o), et c'est pour cette raison
souvent rendu compte dans mes cours que j'ai cru devoir en rappeler les
publics, mais. on en a parlé d'une ma- détails (6).
(a) Longet, Traité de physiologie, t. II, p. 638.
(b) Milnc Edwards, Remarques sur la valeur des faits qui sont considérés par quelques nalu-
ralisles comme étant propres à prouver l'existence de la génération spontanée des Animatix
(Ann. des sciences nat., i° série, 1858, t. IX, p. 35'J).
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 261
façon à pouvoir y renouveler l'iiir à volonté, mais à n'y laisser
pénétrer ce fluide qu'après l'avoir purifié en le faisant passer
à travers un bain d'acide sulfurique. Aucun être vivant ne
se montra dans le vase tant que l'air qui y arriva fut ainsi
dépouillé de tout corps organisé ; mais les Infusoires s'y déve-
loppèrent lorsqu'on y laissa entrer de l'air ordinaire chargé des
poussières qui flottent dans l'atmosphère (1).
(1) Pour faire cette expérience,
Schultze remplit a moitié , avec de
Tenu distillée, mi flacon de cristal
contenant des fragments de matières
organisées, et le ferma avec un bou-
chon traversé par deux tubes coudés ;
puis il le plonga dans de l'eau bouil-
lante, et pendant que la vapeur se dé-
gageait par les tubes dont je viens de
parler, il adapta à chacun de ceux-ci
un petit laveur de Liebig, dans l'un
desquels on plaça de l'acide sulfarique
concentré, tandis que dans l'autre on
plaça une solution de potasse. Ces deux
liquides interceptaient toute communi-
cation entre l'atmosphère et l'intérieur
du flacon ; mais pour renouveler l'air
dans celui-ci, il suffisait d'aspirer par
l'extrémité du laveur contenant de la
potasse. L'air arrivait alors dans le
vase, après avoir barboté dans Facide
sulfurique. Pendant près de deux mois
l'air du flacon fut renouvelé de la
sorte plusieurs fois par jour, et l'on
constata que pendant tout ce laps de
temps aucun Infusoire ne se montra.
On dL'boucha alors le flacon alin d'y
laisser pénétrer l'air librement ; l'infu-
sion ne contenait alors ni moisissures,
ni Conferves, ni Animalcules, mais au
bout de peu de jours des Monades,
des Vibrions et même des Rotateurs
s'y développèrent (a).
Des expériences faites vers la même
époque sur la fernfentation putride,
par Schwann et par quelques autres
chimistes, prouvèrent que l'air pur ne
provoque pas ce phénomène, tandis
que l'air chargé des matières étran-
gères qui se trouvent dans l'atmos-
phère le détermine (6). Plus récem-
ment, les expériences de M. Schrœder
et de M. Dusch nous apprirent
que le principe dont dépend cette
altération des matières putrescibles
n'est pas un fluide, car, pour l'arrêter
au passage, il suffisait de filtrer l'air
à travers une couche de coton (c).
(a) Schultze, Resultate eïner expérimental. Be.ib. ûber generatio equivoca (Poggendorff's
AnnaleiL derPkysik und Cliemie, 183G, t. XXXIX, p. 437). — Expériences siu- les générations
éqicivoques [Ann. des sciences nat., 2" série, 4836, t. VllI, p. 320).
(6) Scliwann, Vorlaufige Mittheilung, betreffend Versuche ûber die Weingahrung und Fâul-
niss (Poij'gcndorff's Annalm der Physik und Chemie, 1831, t. XLI, p. 184).
— Ure, Expériences sur la fermentation {BibUotllèq^ie universelle de Genève, 1839, t. XXllI,
p. 422).
— HelmhoUz Ueber das Wesen der Fâulniss und Gdhrung (Miiller's Archiv fur Physiologie,
1843, p. 453).
(c) Schiœdcr unJ DliscIi, Ueber Filtralion der Luft in Be:&ielmng auf Fâulniss und Gdhrung
(Journal fiir prakt. Chemie, 1854, t. LXl, p. 485).
VUl.
19
faites
par '
elc,
262 REPRODUCTION.
Plus récemment, M. Claude Bernard a constaté que si une
dissolution de gélatine et de sucre, après avoir bouilli, reste
en contact direct avec l'atmosphère, il s'y développe rapide-
ment des végétaux microscopiques, tandis que si l'air n'y
arrive qu'après avoir traversé un tube chauffé au rouge, aucun
être vivant ne se montre dans le liquide ; d'où ce savant
conclut avec raison que les germes de ces êtres vivants sont
introduits dans le liquide par l'atmosphère (1).
Observations Tous CCS faits étaicut favorables à l'opinion de Baker et de
MÎÏouciiet, Spallanzani touchant l'origine des Infusoires ; mais des résultats
négatifs ne sont que rarement suffisants pour la solution d'une
question biologique, et, en 1858, quelques naturahstes d'un
mérite considérable présentèrent de nouveaux arguments en
faveur de l'hypothiîse des générations dites spontanées. Ainsi,
M. Pouchet assura que les Infusoires apparaissent dans l'eau
où l'on fait macérer des substances organisées, lors même
que ces matières ont été soumises à ime température qui
Enfin, on sait aujourd'hui que ce fer- (1) Le végétal qui s'était développé
ment est constitué par des êtres vi- dans le vase ouvert, était le Penicil-
vanls microscopiques {a) ; par consé- lium glaucum (c).
quent, les résultats constatés par les J\I. Dumas est arrivé à des résultats
savants que je viens de citer sont analogues en opérant sur des matières
applicables à la question de l'origine organiques chauffées à 120 degrés,
des Infusoires. puis placées dans de l'eau artificielle,
Je dois ajouter que peu de temps et mises en contact successivement
avant sa mort, Jules [laime avait répété avec de l'air préalablement chauffé
dans mon laboratoire, à la Sorbonne, au rouge, ou de l'air chargé de cor-
les expériences de M. Schultze , et puscules organiques qui flottent dans
était arrivé aux mêmes résultats (6). l'atmosphère {d).
(a) Cagnard-Lalour, Mém.sur lo, fermentation vineuse {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
4837, t. IV, p. 905).
(b) Voyez Lacaze-Duthiers, Lettre sur les recherches de M. Haime concernant les générations
spontanées {Comptes rendus de V Académie des sciences, t. XLVIU, p. HO).
(c) Claude Bernard, Observations relatives aux prétendues ijénérations spontanées {Ann. des
sciences nat., A' série, 1858, t. IX, p. 364). — Leçons stir les propriétés physiologiques et les
allérntions pathologiques des liquides de l'organisme, 1. I, p. 488.
(d) Dumas, Observations relatives aux prétendues générations spontanées {Ann. des sciences
nat,, 4' série, 1858, t. IX, p. 365).
HYPOTHÈSE DE LA GÉINÉRATION DITE SPONTANÉE. 263
avoisine celle de l'eau bouillante et qu'on les soustrait complè-
tement à l'action de l'air non dépouillé de corpuscules étran-
gers (i). Il me paraissait probable que ce résultat, de même
que ceux obtenus jadis par Fray, et que les faits de môme ordre
invoqués par d'autres naturalistes à l'appui des opinions de
M. Pouchet, dépendaient de quelque vice dans le mode d'expé-
rimentation : soit de l'insuffisance de la chaleur employée
pour tuer les germes ou autres propagules contenus dans l'eau,
dans les matières mises en infusion ou même peut-être adhé-
rentes à la surface interne du vase, soit dans l'imperfection de
la clôture de l'appareil ou du défaut de purification de l'air
admis dans celui-ci (2). Mais la discussion placée sur ce ter-
rain aurait pu s'éterniser, car elle roulait sur le degré de con-
fiance qu'on devait accorder à l'habileté de l'expérimentateur.
Pour avancer la question, il fallait donc de nouveaux éléments
(1) La principale expérience de étiive dont la température était de
M. Poucliet a été faite de la manière 100 degrés. Auboutde quelques jours,
suivante par ce naturaliste et son col- des végétations de Pénicillium glau-
laborateur M. Houzeau. Un flacon cmn se montrèrent dans l'infusion, et
bouché à Fémeri fut rempli d'eau , plus tard on y aperçut des Amibes,
puis fermé hermétiquement et ren- des Trachélies , des Monades et des
versé sur une cuve à mercure ; on Vibrions (a). Les faits constatés par
rempUt ensuite aux trois quarts ce M. Pasteur, et dont il sera bientôt
vase avec un mélange d'oxygène et question, feront saisir au premier coup
d'azote dans les proportions voulues, d'œil le défaut capital de cette expé-
pour constituer de l'air artificiel, et rience (voy. page 266).
l'on y introduisit une certaine quantité (2) Voyez à ce sujet les remaix:|ues
de foin qui avait été préalablement présentées à l'Académie, le 5 janvier
exposé, durant vingt minutes, dans une 1859 (&).
(a) Pouchet, Note sur des Proto-organismes nés spontanément dans de l'air artificiel et dans
le gaz oxygène {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1858, t. XLVII, p. 979, et Ann. des
sciences nat., 4° série, 1858, t. IX, p. 347).
— Poiicliet et Houzeau, Expériences sur les générations spontanées (Comptes rendus de l'Acad.
des sciences, 1858, t. XLVII, p. 982, et Ann. des sciences nat., i' série, t. IX, p. 350).
{b) Milne Edwards, Remarques sur la valeur des faits qui sont considérés par quelques natu-
ralistes comme étant propres à prouver l'existence de la génération spontanée des Animaux
(Comptes rendus, t. XLVIII, p. 23, et Ann. des sciences nat., i° série, 1858, t. IX, p. 353j.
— Observations sur la question des générations spontanées, par MM. Payen, de Quatrefages,
Claude Bernard et Dumas (Comptes rendus, t. XLVIII, et Ann, des sciences nat., 4» série, t. IX,
p. 360).
264 RKPRODUCTION.
de conviction, et des preuves qui me paraissent décisives ne
tardèrent pas à nous être fournies par les belles expériences
de M. Pasteur (1).
Expériences Jusqu'alors l'existence de propagules ou de germes d'Infu-
de M. Pasteur. . -, ,, , , , , . , , ^ i .11
son^es dans I atmosphère était une hypothèse plausible pour
expliquer l'origine de ces êtres d'une manière conforme aux
lois générales de la reproduction ; mais c'était une supposition
seulement, et l'on n'avait pu ni voir ni saisir ces corpuscules
reproducteurs. M. Pasteur, en faisant passer de l'air à travers
divers corps qui remphssaient l'office de fibres, du coton ou
de l'amiante, par exemple, est parvenu à arrêter ces germes
ou propagules, et, en les semant dans des infusions placées
dans des vases hermétiquement fermés, il a pu déterminer à
volonté le développement d'êtres vivants dans des conditions
où aucun phénomène vital ne se serait manifesté si cet ense-
mencement n'avait eu lieu. Ses expériences ont été instituées
de manière à éviter toutes les causes d'erreur qu'il nous est
possible d'imaginer, et les résultats qu'elles lui ont fournis
' me paraissent inattaquables. Les arguments à l'aide desquels
M. Pouchet, M. Joly et quelques autres naturalistes ont cherché
à les renverser ne me semblent avoir aucune valeur, et, sans
m'arrêter à les réfuter (j2), je me bornerai à citer ici quelques
(1) Les recherclies de M. Pasteur dées par cet habile expérimentateur
sur Ja génération dite spontanée lurent sont discutées d'ime manière ïippro-
d'aijord communiquées à l'Académie fondie (6).
des sciences dans une série de noies (a), (2) Pom* plus de détails à ce sujet,
puis réunies et coordonnées dans un je renverrai aux publications faites par
mémoire où toutes les questions abor- ces divers naturalistes (c), aux dis-
la) Pasleur, Expériences relatives aux générations dites spontanées {Comptes rendus de l'Àcad.
des sciences, 1860, t. L, p. 303, et Ann. des sciences nat., i^ série, t. Xll, p. 85).
— De l'origine des ferments. Nonvelles expériences relatives aux générations dites sponta-
nées (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, iXC>0, t. L, p. 8-49).
(b) Pasleur, Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère, et examen
de la doctrine des générations spontanées {Ann. des sciences nat., 4* série, ISOl, t. XVI, !>, 5).
(c) Voyez ci-dessus, page 254.
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 2(55
parties du beau travail de M. Pasteur, car les détails qu'il
donne suffiront, je pense, pour oonvainerc tous les esprits
impartiaux, et montrent combien il est facile de laisser passer
inaperçues des causes d'erreur.
M. Pasteur constata d'abord que si l'on place dans un ballon
de verre une dissolution de sucre mêlée à des substances albu-
minoïdes et à une petite quantité de matières minérales pro-
venant de l'incinération de la levure de bière ; si l'on bouche
ensuite ce ballon en étirant à la lampe son col elfdé, et si,
après avoir effectué cette clôture hermétique, on chauffe le
liquide à 100 degrés, la fermentation ne s'y établit pas. 11
ne s'y développe ni globules de ferment, ni Mucédinées, ni
aucune autre espèce d'êtres vivants, lorsqu'on fait pénétrer
dans le ballon ainsi disposé de l'air qui a été calciné en passant
à travers un tube chauffé au rouge, et qui, après avoir été
purifié de la sorte, n'a pu se charger d'aucun corps organisé.
Cette expérience, répétée un grand nombre de fois, a toujours
donné, entre les mains de M. Pasteur, le même résultat. Les
choses se passaient encore de la même manière lorsqu'une
certaine quantité des poussières organisées qui flottaient dans
l'atmosphère, et qui avaient été recueillies par la fdtration de
l'air, fut placée dans le col du ballon de façon à ne pas subir
l'influence destructive de la chaleur et à ne pas arriver dans
le liquide mis en expérience ; mais, lorsque après avoir laissé
eussions qui ont eu lieu entre M. Pas- bonne en 1862 (a), et aux aulres pu-
teur et ses antagonistes , dans des blications faites sur ce sujet par divers
réunions scientifiques tenues à la Sor- auteurs (6).
(a) Voyez la Revue des Sociétés savantes, sciences mathématiques physiques et naturelles,
1862, t. I, p. 64 et suivantes.
(6) LavîiUée Poussin, Le viviparisme et la question des générations spmtanées (extrait de la
Revue catholique de Louvain, ISOS).
— Jobard, De la génération spontanée [le Progrès international, Bruxelles, 28 août 1861),
— G. Gallo, SuUe generazioni spontanée (Giornale di faiinacia, 1860;.
— Salmibeni, Sulla elerogenia ovvero sulla generazione spontanea. Modena, 1863.
— Voyez aussi les publications dt'jà citées patjes 254 et suivantes.
266 REPRODUCTION.
l'appareil clans cet élat pendant un temps plus ou moins long,
on l'inclinait de façon à faire tomber cette poussière dans
le bain chargé de sucre et d'albumine , on voyait toujours
des signes de fermentation se manifester promptement dans
le liq^uide, et au bout de quelques heures des productions
organiques s'y développer. Le point où ces poussières tom-
baient dans le bain était toujours celui où les végétations
commençaient , et si ces mêmes corpuscules, au lieu d'élre
portés directement dans l'infusion, étaient exposés préalable-
ment à une température d'environ 100 degrés, ils restaient
inactifs, et la production d'înfusoires n'avait pas lieu. Mais
pour dépouiller complètement de ces propagules les instru™
monts ou les matières employés dans ces expériences, il
faut des précautions parfois minulieuses. Ainsi, M. Pasteur
a constaté que les germes déposés par l'atmosphère à la
surface d'un bain de mercure peuvent suffire pour rendre
les gaz ([ui traversent ce liquide aptes à produire des phéno-
mènes de génération prétendue spontanée ; l'air, en passant
dans le mercure, peut se charger de ces germes , les porter
avec lui dans les infusions , y introduire des principes de
vie et y faire naître des êtres organisés dont la multi-
plication est rapide. Cela nous explique comment, dans beau-
coup d'expériences où les naturalistes croyaient s'èlre mis à
l'abri de toute cause d'erreur, les infusions sur lesquelles
ils opéraient avaient pu se peupler d'Animalcules sans que
l'origine de ces petits êtres ait éîé due à un phénomène
agénétique.
En effet, ces corpuscules organisés qui flottent dans l'at-
mosphère, et qui, en tombant dans un liquide approprié
à leurs besoins , se développent en Animalcules ou en
Végétaux microscopiques, et pullulent avec une rapidité
extrême, de façon à donner promptement naissance à une
population innombrable, sont pour la plupart d'une petitesse
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 267
extrême (1), et peuvent cire déposés indifféremment sur la sur-
face de tous les objets employés dans les expériences de ce
genre, sur les matières organiques mises en infusion dans
l'eau, sur la paroi interne du vase, dans les interstices des
bouchons servant à clore l'appareil, ou dans l'air qui est empri-
sonné dans celui-ci ou qui y pénètre du dehors. La valeur de
l'expérience comme argument dans le débat relatif à l'ori-
gine des Infusoires qui se montrent dans une infusion que l'on
suppose avoir été séquestrée complètement et préalablement
purgée de tout corps étranger, dépend donc entièrement du
succès avec lequel l'expérimentateur se débarrasse de tout
germe viable contenu de son appareil, et empêche ensuite des
corpuscules de ce genre d'y pénétrer. Or, la destruction de
la propriété germinative des propagules en question ne se fait
pas toujours aussi facilement que l'on pourrait le croire de
prime abord. Nous savons, par les expériences de Doyère,
que certains Animalcules , lorsqu'ils sont convenablement
desséchés, peuvent supporter des températures qui dépas-
sent de beaucoup celle de l'eau bouillante (2), et l'on a con-
staté aussi que les germes de quelques végétaux microsco-
piques ne sont pas tués par la chaleur des fours où se fait la
cuisson du pain (o). On comprend donc que, dans beaucoup de
(1) U. Pouchel: pense que les œufs (2) Voyez tome VII, page 529.
de Vorticelles sont au contraire d'un (3) Ce fait a été constaté par
volume relativement très - considé- M. Payen, à l'occasion de ses recher-
rable : savoir, 0"i",Oii (a) ; mais ce ches sur les causes de la coloration du
qu'il a pris pour des œufs étaient pro- pain de munition en rouge (c), obser-
bablement des Vorticelles enkystées (6). vée à Paris il y a quelques années (d).
a) Pouchet, Note sur le développement et l'organisation des Infusoires [Comptes rendus de
Acad. des sciences, 1849, t. XXVIII, p. 82).
(b) Claparède et Laclimann, Études sur les Infusoires et les Rhizopodes, 1861, t. If, p. 81.
(c) Payen, Op. cit. {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1859, t. XLVIII, p. 30).
(d) Lesunie, Rapport sur une altération extraordinaire du pain de munition (Ann, de chimie
et de physique, 3° série, 1843, t. IX, p, 5).
268 KEPRODUCTION.
cas, la chaleur employée en vue de détruire la vitalité des
corpuscules contenus dans une infusion ou dans les parlies
accessoires de l'appareil, ait pu être insuffisante, et que des
germes emprisonnés dans le vase avec les substances que l'on
croyait dépouillées de toute matière vivante aient pu échapper
à cette cause de destruction. Un seul de ces corpuscules invi-
sibles, même pour notre œil armé d'une loupe ordinaire,
pourrait suffire pour peupler le liquide séquestré; car lorsque
les circonstances sont favorables, ces petits êtres se repro-
duisent avec une grande rapidité , et leur fécondité est
extrême (l). Si l'on écarte d'une manière judicieuse les
causes d'erreur, on voit que les êtres vivants ne se montrent
jamais là où des germes vivants (2) n'ont pu arriver du
dehors : ainsi , dans une des séries d'expériences faites par
M. Pasteur pour empêcher le développement d'Infusoires au
sein des infusions placées dans des ballons de verre restés
ouverts , il a suffi de recourber le col de ces vases de façon
que la poussière tombant verticalement dans l'atmosphère ne
pût y pénétrer (o).
Il est aussi à noter que si la naissance des Infusoires était due
(l) D'après les calculs de M. Ehren- covo si les clrconslances étaiont favo-
berg, il paraît qu'eu mettant en expé- râbles (a).
rie.nce un Rotateur, on peut obtenir (2) .l'emploie ici le mot vivant clans
au dixième jour un million de ces son acception la plus large, c'est-à-dire
petits êtres; U millions le onzième pour exprimer l'idée de la vie latente
jour, et 16 millions le seizième jour. des graines et des œufs, anssi bien que
Vom-]e.sMnsoiresd\[spolygastriques, de la vie sensible de l'être qui végète
la progression serait encore plus ra- ou qui exerce de tonte autre manière
pidc, car, d'après M. Ehrenberg, le ses fonctions biologiques,
premier million serait obtenu dès le {'6) Je dois ajouter que les expé-
seplième jour , et la multiplication riences de M. Pasteur, répétées par
pourrait devenir plus considérable en- quelques autres naturalistes, n'ont pas
la) Ehi'ciibertr, Piecherches sur le développement et la durée de la vie des Animaux infusoires
lAnn. des sciences nat., 2" série, 1834, t, 1, p. 207).
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 569
seulement aux propriétés de la matière organique, de l'eau et de
l'air, la production de ces êtres microscopirpies devrait avoir
conslamment lieu, quand ces corps inertes sont en présence et
que la température est convenable pour le développement de
pareils produits; de même que du sulfate de chaux se forme
toutes les fois que le chimiste verse de l'acide sulfurique sur de
la craie. Or, M. Pasteur a constaté qu'il n'en est pas ainsi, et
que la proportion des cas dans lesquels une infusion se peuple
d'êtres vivants devient d'autant plus faible que les circon-
stances dans lesquelles on opère sont moins favorables à l'exis-
tence de corpuscules organisés en suspension dans l'atmos-
phère. Ainsi , en faisant des expériences comparatives avec
de l'air puisé au milieu d'une grandç ville, ou dans une cave
protbnde , dans un champ cultivé ou au sommet d'une haute
montagne, au miheu de neiges éternelles qui s'opposent à
toute végétation, M. Pasteur a vu que tantôt les Infusoires
ne manquaient pas d'apparaître dans tous ses vases, tandis que
d'autres fois il n'en obtenait que dans cinq vases sur vingt, ou
même dans un seul, tandis que les dix-neuf autres restaient
stériles. Plus les conditions dans lesquelles il se plaçait étaient
défavorables au transport des germes végétaux ou animaux
par les courants atmosphériques et au dépôt de ces poussières
viables dans ses infusions, moins il y avait de chance d'obtenir
dans celles-ci la naissance des x4nimalcules ou des Végétaux
microscopiques dont les hétérogénistes atlribuent la formation
donné les mêmes résultais (a), mais M. Pastem- m'a rendu témoin, et dont
je pense que cela devait dépendre les résultats ont été placés sous les yeux
de quelque défaut dans les procédés de l'Académie, me semblent à l'abri de
opératoires employés par ces derniers toute cause d'erreur et me paraissent
auteurs ; car les expériences dont être complètement probantes.
la) 3. Wyman, Experimeiits on the Formalioii of Infusoria in boiled Solulions of Organic
yialter cnctnscd in liermelicalhj sealed Vesscls and supplied witli ]nire Air {Ameiican Journal
or Science, 1802, t. XXXIV).
- Miisfct Konvelks recherches expérimentales sur riiélèrogénic, thèse. Bordeaux, 1862,
270 REPRODUCTION.
à la matière employée de la même manière dans toutes les
expériences (1).
cunckision, Nous voyons done que chacune des prétendues exceptions à
la loi de la formation des êtres vivants par voie de généra-
tion a disparu de la science dès que l'on en eut fait une étude
approfondie. Lorsque la peuplade sauvage de l'une de ces îles
qui sont isolées au milieu du grand Océan, vit pour la pre-
mière fois des matelots jetés sur ses côtes par quelque nau-
frage, elle crut, dit-on, que ces étrangers étaient descendus du
ciel, ou nés, comme les Poissons, au fond des eaux ; mais elle
ne tarda pas à reconnaître qu'ils venaient d'une terre inconnue
située au delà des limites étroites de l'horizon, et dès lors
elle n'attribua plus à une autre origine les nouveaux arrivants
qu'elle vit aborder dans ses domaines , lors même qu'elle
(1 ) Pour faire ces expériences ,
M. Pasteur plaça dans des jjallons de
verre les infusions reconnues propres
à être le siège des générations pré-
tendues spontanées , mais ne conte-
nant rien de vivant ; puis il fit le vide
dans ces vases et les ferma herméli-
quemeat. Les ballons ainsi préparés
furent ensuite transportés dans les
lieux dont on voulait étudier Tair; là
on les ouvrit pour laisser enîrer ce
fluide, et aussitôt après on les ferma
de nouveau en prenant toutes les pré-
cautions désirables pour empêcher
l'introduction de corps étrangers.
Dans onze ballons préparés de la
sorte et remplis avec de l'air pris dans
la cour de l'Observatoire à Paris, le
développement d'Infusoires ne fit dé-
faut nulle part ; mais sur dix ballons
remplis d'air dans la cave de cet éta-
blissement où la température est con-
stante, et où par conséquent il n'y a
que peu de courants, neuf restèrent
stériles et un seul donna des Infu-
soir es.
Dans une autre expérience, M. Pas-
teur opéra de la même manière sur
soixante ballons , dont vingt furent
ouverts dans la campagne, loin des
habitations, au pied du Jura, dont
un pareil nombre fut ensuite ouvert
au sommet d'une des montagnes de
cette chaîne , dont l'altitude est de
850 mètres au-dessus du niveau de la
mer ; enfin les vingt autres furent
remplis d'air sur le flanc du Mont-
Blanc, près de la mer de glace, à une
élévation de 2000 mètres.
Dans la première série de ballons,
les Jnfusoires se montrèrent dans neuf
de ces vases et onze restèrent stériles.
Dans la deuxième série , celle des
ballons ouverts au haut du Jura, les
Infusoires ne se développèrent que
dans cinq vases, et dans les quinze
HYPOTHÈSE DE LA GÉNÉRATION DITE SPONTANÉE. 271
ne put apercevoir le navire qui les y avait transportes. Les
partisans de l'hypothèse de la naissance agénctique des Ani-
malcules dont les infusions se peuplent me semblent raisonner
de la même manière que ces insulaires ignorants , lorsque
ceux-ci n'avaient pas encore appris qu'ils n'étaient pas les seuls
habitants de notre globe, et que la mer n'était pas un obstacle
infranchissable pour les peuples civilisés. Mais je pense qu'à
la longue ces physiologistes se laisseront convaincre par des
observations analogues à celles qui ont dû dissiper peu à peu
les erreurs des Océaniens dont je viens de parler ; et que tôt
ou tard tous les naturalistes seront d'accord pour reconnaître
que la même loi fondamentale régit la production du chêne
autres il n'y eut aucun indice d'acti-
vité vitale.
Enfin, dans la troisième série, celle
des ballons ouverts sur le Mont-Blanc,
dix-neuf de ces vases restèrent stériles
et un seul se peupla d'Infasoires (a).
Or, cette stérilité des infusions em-
ployées dans les expériences faites à
de grandes altitudes où l'air est pur,
ne dépendait en aucune façon de la
nature des matières dont ces infusions
se composaient, car un des ballons
restés clos pendant plus de trois ans
ayant été ouvert et placé dans des con-
ditions où les poussières charriées par
l'atmosphère peuvent y tomber, donna
des Infusoires dans l'espace de quel-
ques jours (6).
Des expériences analogues ont été
faites récemment dans les Pyrénées
(à la Maladetta) par MM. Pouchet,
Joly et Musset ; mais les résultats ob-
tenus ne furent pas les mêmes que
dans les cas dont je viens de parler.
Ces physiologistes, ayant opéré sur
huit ballons, virent des Infusoires se
développer dans tous (c). Peut-on
en conclure que les faits annoncés
par M. Pasteur sont inexacts ? Évi-
demment non. Les expériences de
MM. Pouchet , Joly et Musset , en
supposant qu'elles aient été bien faites,
prouveraient seulement que dans le
lieu et au moment où les huit vases
de ces naturalistes ont été remplis
d'air , l'atmosphère était chargée de
plus de poussières organiques qu'il n'y
en avait au haut du Jura au moment
où M. Pasteur s'y rendit. Ces expé-
riences ne fournissent donc aucun ar-
gument sohde à l'appui de l'hypothèse
de l'hétérogénie.
{a) Pasteur, Mém. sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère {Ann. des
sciences nat., i' série, 1861, t. XVI, p. 75 etsuiv.).
(6) Pasleur, Note en réponse des observations critiques, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1863, l. LVII, p. 7'J4).
(c) Expériences sur l'hétérogénie exécutées dans l'intérieur des glaciers de la Maladetta
[Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1863, t. LVII, p. 358).
nc'crojrencsio.
272 REPRODUCTION.
et des moindres moisissures, celledc l'iiomme et de la monade;
en un mot, la naissance de tout ce qui est doué de vie.
Examen . § 5. — Eu attendant, je ne m'occuperai pas davantage ici de
de riiypollièsc . ' i . i •. i •
doiapioduciion celfc Qucstion sans cesse résolue et sans cesse reproduite depuis
*"' par'"™' le temps d'Aristote jusqu'à nos jours; et laissant de côté l'hypo-
thèse de l'origine agénésique des Animaux, je me hâte d'aborder
l'examen d'un autre point de l'histoire de la multiplication de
ces êtres : l'hypothèse de leur production par nécrogénésie.
Dans l'état actuel de la science, il serait oiseux de discuter
la portion des idées de Buffon qui sont relatives à l'indestructi-
bilité de la matière organisable et à l'impuissance où seraient
les êtres vivants d'en former de toutes pièces. Effectivement on
sait que les Plantes et même que certains Animaux inférieurs
peuvent, avec de l'eau, de l'acide carbonique, des sels ammo-
niacaux et d'autres matières minérales, fabriquer pour ainsi
dire les composés chimiques qui sont nécessaires à la constitu-
tion de leurs organes, et former, avec la substance ainsi pré-
parée, des tissus vivants. Sous l'intluence des forces vitales, la
matière inorganique peut donc devenir de la matière vivante.
Mais la théorie des molécules organiques de Buffon, dégagée
de ce qui est relatif à l'origine de la matière vivante, ne choque
aucun des principes fondamentaux de la physiologie, et mérite
de fixer notre attention ; je m'y arrêterai même d'autant plus
volontiers, que l'examen de cette question me fournira l'occa-
sion de parler de divers faits importants à signaler, et qui ne
trouveraient peut-être que difficilement leur place dans les
autres parties de ce cours.
Ainsi que je l'ai déjà dit (1), Buffon considérait les Animaux
et les plantes comme étant formés par l'assemblage d'un certain
nombre de molécules organiques douées chacune de la puissance
vitale, et réunies dans certains rapports de façon à constituer
(1) Voyez ci-dessus, page 2/i7.
HYPOTHÈSE DE LVlÉTÉnOGÉNIE. 273
par leur assemblage tel ou Ici organisme parliculier dont le mode
d'activilé dépendrait du caractère de cette association, mais
dontla destruction ou mort n'influerait en rien sur les propriétés
essentielles de la matière vivante des molécules dont je viens
de parler, et aurait seulement pour effet de leur rendre leur
indépendance individuelle, et de leur permettre de contrac-
ter entre eljes de nouvelles alliances , d'où résulteraient
d'autres organismes. L'idée ({u'implique le mot imÀécvle ne
nous permet pas d'employer ici le langage de Buffon; mais si
l'on substitue à celte expression le mot organite, on peut dire,
avec ce grand naturaliste, que la vie de ces matériaux de l'or-
ganisme n'est pas nécessairement liée à la vie générale de
l'être dont ils font partie ; que chaque organite, devenu un corps
vivant sous l'intluence de la vie de l'Animal ou de la Plante qui
le produit, a une vitalité propre, et peut conserver celle puis-
sance biologique pendant un temps plus ou moins long après
avoir cessé d'être uni à ses associés, c'est-à-dire aux autres
parties de l'organisme de l'être producteur. Ainsi, les globules
hématiques qui flottent dans le fluide nourricier des Animaux,
et qui ont été l'objet de nos études au commencement de ce
cours, sont, comme nous l'avons vu, des organites libres et
vivants, des individus biologiques qui, pendant la période em-
bryonnaire, sont susceptibles de se reproduire par division
spontanée ou par bourgeonnement, mais qui meurent prompte-
ment lorsqu'ils sortent de leur milieu ordinaire. Les Sperma-
tozoïdes, dont l'étude nous occupera bientôt, sont également des
produits de l'organisme qui jouissent d'une vie individuelle, et
qui peuvent même conserver leur mode d'activité spéciale
pendant longtemps après avoir été séparés de l'être dans l'inté-
rieur duquel ils ont pris naissance. La vitalité propre de beau-
coup de parties solides de l'économie animale est également
mise en évidence par les signes d'activité qu'elles donnent
après leur ablation : chacun sait que les Ironçons du corps d'un
27/l REPRODUCTION.
Yer de terre continuent à se mouvoir après avoir été séparés,
et des expériences récentes relatives aux greffes animales et
à la transplantation de fragments de tissus vivants sur des
parties éloignées de l'organisme, ou même d'un animal à un
autre, prouvent que si les conditions dans lesquelles les parties
vivantes se trouvent placées sont favorables à leur existence,
elles peuvent continuer à vivre après avoir cessé d'appartenir
à l'individu dont elles étaient primitivement des matériaux
constitutifs (1).
Dans la prochaine Leçon, nous verrons mêuie que chez cer-
(1) On trouve dans les écrits des
chirurgiens un nombre assez considé-
rable d'observations de cas dans les-
quels certaines parties du corps hu-
main, après avoir été complètement
séparées de l'organisme et avoir été
remises en place, s'y sont entées de
façon à faire disparaître toute solution
de continuité et à continuer de vivre
comme elles vivaient avant l'accident.
Or, on ne conçoit pas la possibilité
d'une soudure semblable entre le corps
vivant et une parde réellement morte.
On sait que les greffes animales peuvent,
dans certaines circonstances, avoir heu
assez facilement, si le fragment appli-
qué à la surface d'une plaie saine
reste pendant un certain temps en con-
tinuité de substance avec l'être vivant.
C'est sur la connaissance de ces faits
que repose le principe de la rhinoplas-
lie, opération dans laquelle le chirur-
gien fabrique en quelque sorte un nez
nouveau à l'aide d'un lambeau de la
peau du front. On doit donc penser que
dans les cas où des fragments du corps,
après avoir été complètement séparés,
ont repris de la sorte, ils avaient con-
servé une vitalité qui leur était propre.
Parmi les histoires de nez coupés
d'une manière complète et réintégrés,
la plus célèbre et l'une des plus authen-
tiques, au moins en apparence, est
cehe publiée en 1731, par Garengeot.
Un soldat, se battant avec un de ses
camarades , fut mordu par celui-ci
de façon qu'il lui emporta la presque
totalité de la partie cartilagineuse du
nez. Le morceau ainsi détaché tomba
à terre, et ayant été ramassé et lavé,
fut ajusté à sa place natureUe et main-
tenu avec un emplâtre agglutinatif;
la réunion s'opéra proraptement, et
était complète au bout de quelques
jours (a). Le récit de Garengeot,
quoique en accord avec quelques ob-
servations plus anciennes {b), ne ren-
contra pendant longtemps que des
incrédules ; mais des faits analogues
ayant été constatés par plusieurs
[a] Garengeot, Traité des opérations de chirurgie, 2" édit., 1731.
(6);Par exemple, celles de Fioravanli, chirurgien du xvr siècle, deMollnelii et de Winsœlt
voyez Jobert, de Lamballe', Traité de chirurgie plastique, 1. 1, p. ^109).
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 275
tains Animaux inférieurs, ainsi que chez beaucoup de Vég(3-
taux, des fragments de l'organisme, après avoir clé délacljés,
se développent et se complètent de façon à devenir des Ani-
maux ou des Plantes semblables à l'être dont ces fragments
proviennent, et que la scissiparité est un des procédés que la
nature emploie pour la multiplication des individus.
En se plaçant au point de vue de la théorie, on peut donc
concevoir la possibilité d'un phénomène de même ordre qui
serait poussé plus loin, et qui aurait pour conséquence la trans-
formation des organites ou éléments anatomiques d'un tissu
autres cliirurgiens (a), la possibilité de Dans quelques cas, l'oreille, après
cette soudure est considérée aujoui- avoir été complètement coupée ou
d'iiui comme étant démontrée. La arrachée, a pu être réintégrée (c), et
plupart des expérimentateurs qui ont la réunion entre une portion de doigt
essayé de faire des réintégrations de et le moignon de cet appendice a
ce genre chez des Chiens ou d'autres été obtenue dans plusieurs circon-
Animaux n'ont pas réussi ; mais Dief- stances {d).
fenbach y est parvenu une fois (6). Des lambeaux de peau de la face et
(a) Loubet, Traité des plaies d'armes à feu, 1753.
— Hoffacker, Ueber die Anheilung abgehaueiier Stûcke der Nasè und Lippen (Ann. clin, de
Ileidelberg, 1828, t. IV, p. 322)
— Wiesmann, De coalitu partium a reliquo corpore prorsus disjimetarum. Lipsiœ, 1824.
— Carlezzi, Rappicciatura, curaz-ionc e total risaldamento di unnaso mo%7io co' denli, 1833
(voy. Gazette médicale, 1834, p. 634).
(6) DiefTenbach, Nonnulia de regeneratione et transplantatione (dissert, inaug.) , Herbipoli,
1822 (voy. Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médicales, 1830, t. XXXVIII,
p. 271).
(c) Magnin, Portion de l'oreille droite entièrement séparée, méthodiquement réappliquce et
complètement réunie {Bulletin de la Faculté de médecine, 1818, t. VI, p. 507).
{dj Lenhossek, voyez Bui-dach {Traité de physiologie, t. VIII, p. 291).
— Balfour, Observations on Adhésion luith two Cases démonstrative of the Poiuers of Nature
to reunite Parts luhich hâve been separated from the Animal System. In-8, Edimbourg, 1814.
— Bailly, Case of Reunion of the first Phalanx of the middle Finger {Edinburgh Med. and
Surg. Journal, 1815, t. XI, p. 317).
— Schopper, voyez Burdach {Op. cit., t. VIII, p. 291).
— Bronn, Wieder-Anheilung eincs ganzlich abgeschnittenen Fingers (P.iist's Maga%in fur die
gesammte Heilkunde, 1823, t. XIV, p. 112.
— Lespegnol, Observations sur la réunion immédiate d'un doigt qui avait été eniièrement
coupé et séparé du corps {Journal de médecine de Leroux, 1817, t. XXXIX, p. 273).
— Wiesmann, Op. cit.
— Hoffacker, Op. cit.
— Houlion, Case of Adhésion of a divided Porllm of a Finger after it had been for some time
altogether separated from ils Connexions {Lonion Med. Repositorg, 1826, t. XXV, p. 147).
— Sommé, Traité de l'inflammation, 1830, p. 12.
— 'Piédssne\,ilém. sur la réwnion des parties complétemsnt séparées du corps {Bulletin de
la Société anatomique, 1830).
— Jobert (de Lamballe), Trailé de chirurgie plastique, t. I, p. 415.
576 " RKPHODUCTION.
animal ou végélal en autant d'individus vivants ; et si les utri-"
cules, sphérules ou filaments qui constituent ces éléments, et qui
conserveront leur vitalité particulière après avoir été désunis,
d'autres parties ont souvent été i-epla-
cés avec succès (a) . Le périoste est une
des parties dont la vie locale et indé-
pendante paraît pouvoir se conserver le
plus longtemps, et dont la transplan-
tation était la plus facile. Depuis long-
temps on est parvenu à faire reprendre
des fragments d'os qui avaient été
détachés par le trépan (6) , et M. Flou-
rens a constaté que cliez les Cochons
d'Inde ces fragments du squelette pou-
vaient être transplantés d'un individu
sur un autre (c). Des résultats ana-
logues ont été obtenus plus récem-
ment par M. Ollier [d), et vers la fiu
du siècle dernier , Ilunter constata
le rétablissement des connexions vas-
culaires entre des dents arrachées et
les individus, dans la mâchoire desquels
ces parties avaient été replantées (e).
Les ergots des coqs et d'autres oiseaux
reprennent très-bien racine, non-seu-
lement à la place dont ils ont été déta-
chés, mais d'un individu à un autre,
et même sur le crâne ; l'appendice
ainsi transplanté continue à croître,
et acquiert parfois une longueur
très-considérable (/'). Enfin, des por-
tions de nerfs ont été transplantées
d'une manière analogue (g) , et, suivant
Himter, le testicule d'un Coq introduit
dans la cavité abdominale d'une Poule
y aurait contracté des connexions vas-
culaires et aurait continué à vivre (/i).
Enfin, chez des Rats, la queue dépouil-
lée de ses téguments a pu être greffée
dans le tissu cellulaire sous-cutané
d'un autre individu [i).
Le temps écoulé entre l'ablation de
la partie et sa réapplication a été par-
(«) Baronio, Degli innesH Animali. Milano, 1804.
— Velpeau, Nouveaux Eléments de médecine opératoire, 2" édit., 1839, 1. 1.
■ — Bcrt, De la greffe animale, Ihèse, 1863, p. 71.
(6) Merreni, Animadversiones quœdam chirurgicales experimenlis in Animalibus faclis illus-
trntœ. Giessen, 1810.
— Wallher, Wiederein heilung bel der Trépanation ausgehohrten Knochenscheibe (J. der
Chirurg. voii Graofe uml Waltlier, 1821, 1. II).
(c) Floiirens, Note sur la durn-mère ou périoste interne des os du crâne {Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1859, t. XLIX, p. 227).
(d) OUior, Recherches expérimentales sur la production artificielle des os au mogen de la
transplantation du périoste, etc. (Journal de physiologie, 1859, t. II, p. 12). — De la produc-
tion artificielle des os au moyen de la transplantation du périoste et dés greffes osseuses
(Gazette médicale, 1839).
ie) Hunier, Traité des dents (Œuvres, t. II, p. 83). — Traité du sang, de l'inflammation, etc.
[Œuvres, t. III, p. 290).
(f) Duhamel, Recherches sur la réunion des plaies des arbres, etc. (Mém. de l'Acad. des
sciences, 1746, p. 350, pi. 28 et 29).
— Iliinlci-, Traité du sang, de l'inflammation, etc., deuxième parlie {Œuvres, t. III, p. 309
et siiiv.).
— Baronio, Op. cit.
(g) Pliilipeaux cl Viilpian, Note sur la régénération, des nerfs transplantés (Comptes rendus
de l'Acad. des sciences, 1801, t. LU, p. 849).
Ih) Hnnter, Op. cit. (Œuvres, t. I, p. 455).
(() Bert, De la greffe animale, p. 51.
HYPOTHESE DE L HETEROGE.NIE.
277
étaient doués de la facuKé do se mulliplier par boiirgeoririeinciil
ou de toule autre manière, ainsi (jue e'est le eas pour bcaucouj)
de cellules histogéniques, on concevrait aussi la possibilité
d'une production d'êtres vivants par suite de la désagrégation
de la matière vivante dont se compose le corpsd'un Animal ou
d'une Plante (1). Entin, si les corpuscules ainsi mis en liberté
avaient la même structure que les Animalcules des infu-
sions, ou étaient susceptibles d'acquérir cette structure par rclTet
de leur développement, il n'y aurait aucune raison pour ne pas
admettre que les corpuscules dontje viens de parler deviennent
fois très-considérable. Ainsi, M. Vel-
peau oljtint la reprise de la pulpe du
doigt, qui n'avait été remise en place
qu'une demi-heure après rablation de
celte partie (a), et M. Ollier a pu opé-
rer, avec non moins de succès , la
réintégration d'une portion de doigt
qui était séparée depuis quarante
minutes (6). On cite des cas dans
lesquels le fragment du doigt n'a été
replacé que plusieurs heures après
l'accident, et s'est cependant conso-
lidé complètement (c). M. Ollier a
transplanté avec succès des lambeaux
de périoste pris sur des Animaux
morts depuis vingt-quatre ou même
vingt-cinq heures, et il a constaté que
l'influence d'une température basse
est favorable à la conservation dea
propriétés vitales de ce tissu ostéogé-
nique (d). Enfin M. Bert a greffé sous la
peau d'un Rat la queue d'un autre Rat
mort depuis vingt-quatre heures (e).
(1) Les observations de M. G, Jaeger
tendent à établir que, dans certaines
circonstances, le corps des Hydres se
désagrège, et que les cellules élémen-
taires ainsi mises en liberté conti-
nueraient à vivre et s'enkysteraient. Il
pense même que ces portions de sub-
stance organique se transforment ainsi
en Amibes ; mais cette opinion ne pa-
raît pas être fondée, et rien ne prouve
que les corpuscules enkystés de la sorte
subissent ultérieurement un dévelop-
pement quelconque (f).
{a) Velpeau, Nouveaux Eléments de médecine opér-atoire, 2' édition, 1839, t. I, p. 619.
(6) Ollier, Nouvelle note sur les greffes périostiques {Comptes rendus de l'Acad. des sciences
1861, t. LU, p. 1087). '
(c) Bailey, Op. cit. {Edinburgh Médical Review, 1815, t. X, p. 317).
— Regnault, voyez Barthélémy (Journal hebdomadaire, t. V, p. 15).
— Carlizzi, Op. cit.
{d) Ollier, Note sur des transplantations d'os pris sur des Animaux morts depuis un certain
laps de temps [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1860, (. L, p. 103).
(e) Bert, De la greffe animale, tlièse. Paris, 1863, p. 53.
(/■) Jœger, Ueber das spontané Zerfallen der Sussiuasserpolypen nebst einigen Bemerkungen
ùber Generationswechsel (Sitaungsbericht der Wiener Akad,, 1860, t. XXXIX, p. 321).
Vin.
20
278 REPRODUCTION.
des Intiisoires, et que ceux-ci soient, par conséquent, des pro-
duits de la nécrogénésie (1).
A l'époque où les microscopes n'étaient encore que peu per-
rcctronnés, on croyait généralement à cette identité de struc-
ture entre les Infusoires et les éléments anatomiqnes des tissus ;
on considérait les uns et les autres comme étant formés seu-
lement par de petites masses d'une substance gélatineuse
amorphe, et plus d'un observateur a cru avoir été un témoin
oculaire de la transformation de ces particules en Monades ou
en Kolpodes, par exemple (2). Mais aujourd'hui on sait que cette
(1) Parmi les mici'ographes du siècle très-simples, se montrer dans les in-
dernier, qui ont expliqué de la sorte fusions à mesure que des particules
la formation des yVnimalcules infusoi- d'une forme analogue se détachaient
res, je citerai en première ligne Oihon des tissus organiques en macération, on
Frédéricli Muller {a). Une opinion pouvait être assez facilement induit à
assez semblable fut soutenue par Glei- croire que c'étaient ces particules elles-
chen (6), et de nos jours, cette manière mêmes qui, en devenant libres, consti-
de voir a eu beaucoup de partisans : tuaient des Infusoires. Dans quelques
Treviranus,Burdach et M. Pineau, par circonstances, il était même très-diffi-
exemple (c). Les vues présentées par cile de ne pas s'en laisser imposer par
M. Gros (de Moscou) , au sujet de ce qu'il des apparences trompeuses (e). Ainsi,
nomme génération ascendante, s'en ]M. Donné, en étudiant au microscope
rapproche et à beaucoup d'égards {d). le mouvement ciliaire qui se fait remar-
(2) Lorsqu'en 1822, je commençais quer à la surface de diverses mem-
à m'occuper de l'étude de ces ques- branes muqueuses, constata que ce
tiens, les microscopes qui étaient entre mouvementpeut persister pendant plus
les mains de la plupart des observa- de trente heures sur de très-petits
teurs étaient si mauvais, qu'on était fragments détachés de la membrane pi-
exposé à une foule d'erreurs, et qu'en tuitaire, et que par la désagrégation de
voyant les Animalcules, en apparence ce tissu, des particules de l'épithélium
(a) 0. 1<\ Millier, Vermitim terrestrium et fluviatilium historia, 1773, t. I, p, 21.
(b) Gleichen, Dissertation sur la génération, les Animalcules spermatiques et ceuai d'infusion,
trad. de l'allomand, an VII, p. 41.
(c) Treviramis, Biologie, t. 11.
— Burdach, Traité de physiologie, t. I, p. 13.
— Pineau, Recherches sur le développement des Infusoires et des moisissures {Ann. des sciences
nat., 3' série, 1845, t. ni, p. 182j.
(d) Gros, De l'embryogénie ascendante des espèces ou générations perfeclives équivoqiles et
spontanées (Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou,, 1851, t. XXIU). — • Loi nouvelle
de la génération ascendante [Op. cit., 1854, t. XXVII, p. 967). — Note sur la génération
spontanée, etc. {Ann. des sciences nat., 3' série, 185:2, t. XVll, p. 193).
(e) Voyez Dumas, art, GÉNÉRATION, Dictionnaire classique d,' histoire naturelle, 1825, l. VU,
p. iU*
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 279
ideiititc de structure n'existe pas ; que dans l'immciise majorité
des cas, sinon toujours, les Animalcules microscopiques ont en
réalité une structure très-complexe, et ne ressemblent aux
organiles en question que par leur petitesse et leurs formes
arrondies; enfin on sait aussi que les Inlusoires se repro-
duisent comme le font les autres Animaux ou Plantes (1), et,
dans l'état actuel de nos connaissances, rien ne vient à l'appui
de l'hypothèse de leur production par nécrogénésie (2).
portant des cils s'en séparent, et nagent
pendant fort longtemps de manière à
simuler exactement autant de Mo-
nades (a).
(1) Ce sont les belles observations
deM. Ehrenbergsur Torganisation des
Infiisoires, qui ont le plus conUibué à
saper les bases de cette hypotbèse (6),
et, dans ces derniers temps, le mode
de reproduction de ces petits êtres a
été étudié de manière à ne laisser
aucune incertitude quant à leur multi-
plication par voie de génération (c).
(2) Comme exemple des erreurs dont
il est difficile de se préserver dans les
recherches sur l'origine des êtres mi-
croscopiques, je citerai ici les résultats
annoncés il y a quelques années par
jM. Cienkowski et réfutés ensuite par le
même naturaliste. En observant des
grains de fécule mis en infusion, il les
avait vus s'entourer d'une enveloppe
membraniforme, puis se dissoudre peu
cl peu et être remplacés par des Infu-
soires (d). Ces faits furent constatés
aussi par d'autres micrograplies, et on
les considéra comme démonstratifs de
la production d'Animalcules au moyen
de l'organisation spontanée de la ma-
tière constitutive des grains de fé-
cule (e). Mais les recherches ulté-
rieures de M. Cienkowski les ont fait
rentrer dans la règle commune ; car
ce naturaliste a montré que la pré-
tendue enveloppe membraniforme dont
le grain de fécule semblait s'entourer,
loin d'être lin produit de celui-ci, est
en réalité le corps d'un Animalcule
préexistant , qui , venant s'étendre
sur le corpuscule amylacé, l'entoure
pour s'en nourrir, de sorte que les
petits êtres vivants qui naissaient en-
suite dans l'intérieur de l'espèce de
cellule ainsi formée descendaient de
cet Animalcule, et non de la matière
amylacée incluse (f).
{a) Donné, Sur le mouvement ciliaire {L'Institut, 1S37, t. V, p. 343).
(6) Elirenberg, Organisation, Sijsteniatik und geographisches Verhâltaiss def Infusicnsthier •
chen, tSSO (Mém, de l'Académie de Berlin).
(c) Balbiani, Becherches sur les phénomènes sexuels des Infusoires (Journal de phy Biologie,
1861, t. IV, p. 102).
— Stein, Die Infusionsthierclien aufihre Entiviekebmg untersuclit, ISS^.
— Claparède ctLachmann, Etudes sur les Infusoires, t. II, p. 74 et suiv,
(d) Cienkowski, Zur Genesis eines ein'ueltigen Organismus.
(e) Regel, Professor CienkowskVs Entdeckiuig um Erx-eugung ( Botaniscke Zeilung, 1856,
n« 38, t.' XIV, p. 665).
— Merkliii, Nachtrdgliclie Bemerkungen %ur Kartoffelkrankheit [Bulletin de la Société des
naturalistes de Moscou, 1850, I. XXIX, p. 304).
(f) Cienkowski, Ueber meinen Beweis filr die Generatio prlmaria (Bulletin de la classe
phgsico -mathématique de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, 1859, t. XVII, p. 81);
XCllOLTOIlÔsio
280 REPRODUCTION.
wypuiiusc § 6. — ÏMois si tout être vivant est produit par un antre être
ï Amm-ulx'' cjui vit, ct sî, (bus l'immense majorité des cas, il est facile de
voir que les jeunes ainsi formés sont des individus de la même
espèce que les parents dont ils proviennent, faut-il en conclure
que le Règne animal tout entier est soumis à la loi de l'homogé-
nésie, et, dans quelques circonstances, la puissance génétique
ne pourrait-elle s'exercer d'une autre manière, et l'être (jui
reçoit la vie de tel ou tel Animal ne pourra-t-il pas être essen-
tiellement différent de celui-ci ? xVinsi l'Helminthe qui apparaît
dans l'intérieur de l'organisme d'un Poisson, d'un Chien ou
d'un Homme n'est-il pas un produit de cet organisme^
Les parasites diffèrent entre eux suivant les espèces animales
où ils vivent ; et quelquefois même suivant les parties du corps
où on les rencontre ; souvent les places qu'ils occupent sont
situées si profondément et sont si hien fermées de toutes parts,
qu'au premier ahord on doit supposer que de pareils hôtes n'au-
raient pu y pénétrer du dehors. Il est aussi à noter que dans un
grand nombre de cas on n'aperçoit chez ces parasites aucune
trace de l'existence d'organes génitaux. D'autres fois les Hel-
minthes sont pourvus d'un appareil de reproduction^ et pondent
des œufs ; mais, dans le lieu qu'ils habitent, on ne voit aucun
jeune naître de ces œufs, et lors même que ceux-ci en produi-
raient après leur expulsion au dehors, il resterait encore ii expli-
quer comment cette progéniture pourrait, de là, pénétrer dans le
corps d'autres victimes et s'y établir. Enlin, la plupart de ces
parasites ont une conformation très- différente de celle des Ani-
maux qui vivent dans le monde extérieur, et ne semblent au
premier abord ne pouvoir être assimilés à aucun de ceux-ci.
Ces considérations et beaucoup d'autres arguments analo-
gues avaient porté la plupart des naturalistes à penser que les
Vers intestinaux étaient engendrés par l'être dont le corps en est
infesté, et, par conséquent, que si ces parasites n'étaient pas le
résultat d'un phénomène de nécrogénésie, comme le suppo»
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 281
saient les partisans de rhypollièsc des gcncralions sponta-
nées, ils étaient produits par xénogénésie.
Mais aniourd'hiii l'origine des Vers intestinaux n'est plus un W'^dc
' (le firoi)agalion
mystère pour les physiologistes. On sait qu'ils naissent les uns -J'» ver,
•^ ^ I ^ o 1 inicsiinaux.elc.
des autres eomme le font les Animaux ordinaires; que la plupart
d'entre eux subissent, dans le jeune âge, des métamorphoses
variées qui les rendent diffîeiles à reconnaître, et qu'en général
ils voyagent nécessairement du corps d'un Animal dans le corps
d'un Animal d'espèce différente, pour y aclieverleur dévelop-
pement et s'y reproduire au moyen d'œufs dont l'évolution
ne pourra se faire que dans quelque autre milieu (1). On a pu
(I) Jusque dans ces derniers temps
Tapparition des Vers intestinaux dans
la profondeur du corps de l'Homme
et des autres Animaux était attribuée,
par la plupart des naturalistes et des
médecins, à un phénomène de généra-
tion dite spontanée , ot aujourd'hui
encore cette manière de voir compte
des partisans (a). Quelques auteurs
ont cherché à expliquer ces faits par
l'hérédité, en supposant que les para-
sites en question, ou tout au moins
leurs germes, étaient transmis aux
jeunes par les parents dont ils nais-
saient (6) ; mais celte hypothèse a de-
puis longtemps disparu de la science,
et depuis près d'un siècle d'autres
zoologistes, dont le nombre va crois-
sant chaque jour, pensent que tout
Helminthe provient, par voie de gé-
nération, d'un autre llelminlhe de son
espèce, et arrive dans le corps de
l'Animal qui l'héberge à l'état d'œuf,
de germe ou de larve, soit avec les
aliments ou les boissons, soit de quelque
autre manière (c). Celte dernière opi-
nion paraissait d'abord peu conciliable
avec beaucoup de fait:? ; mais elle est
devenue admissible dès qu'on eut en-
trevu la possibilité de certaines trans-
formations chez les parasites qui chan-
gent de résidence.
Le premier fait important à l'appui
de l'hypothèse des transmigrations des
Helminthes fut introduit dans la science
vers la fin du siècle dernier par un
naturaliste danois nommé Abildgaard.
Cet auteur constata expérimentale-
ment que les Vers intestinaux qui sont
nommés aujourd'hui Schistocéphales,
(a) Cremser, Traité zoologique et physiologique des Vers intestinaux de l'Homme, 1824.
■ — Burdach, Traité de physiologie, t. I, p. 27.
— Dugès, Traité de physiologie comparée, ISSO, t. III, p. 204.
— Bérard, Cours de physiologie, d848, t. I, p. 99.
— Poucliet, Hétéroyénie, ou Traité de la génération spontanée, 1859, p. 526 et siiiv.
{h) Brera, Mem. sopra iprincipali Vermi del corpo tmiano, 18dl.
(c) Pallas, De Insectis viventibus intra viventia, 1768.
282 REPRODUCTION.
suivre beaucoup de ces elres singuliers dans leurs migrations,
les semer en quelque sorte dans les organismes propres à les
héberger, les voir pénétrer à travers les tissus de leurs holes,
et constater les métamorphoses qu'ils subissent; enfin, on a pu
se procurer leur progéniture et s'en servir pour renouveler
avec succès les expériences d'ensemencement dont je viens
de parler. En ce moment, il serait prématuré d'étudier d'une
manière approfondie cette partie curieuse et complexe de l'his-
et qui se trouvent dans le corps
de rÉpinoche , peuvent continuer de
vivre dans l'intestin du Canard ,
lorsque le Poisson qui les renfermait
a été mangé par cet Oiseau (a). Vers
la même époque, des expériences
analogues furent tentées par Bloch sur
les Ligules des Poissons, et }>ar Gœze
sur les Cestoïdes du Chai; mais elles
furent mal combinées et ne donnèrent
que des résultats négatifs (6), La ques-
tion en resta là pendant près d'un
demi-siècle, bien qu'en 1829 Creplin
eût fait connaître toutes les formes
intermédiaires entre les Vers intesti-
naux des i^oissons et ceux des Canards,
dont les transmigrations avaient été
signalées précédemment par Abild-
gaard (c). En 18/i2, l'attention des
physiologistes fut appelée de nouveau
sur ce sujet par une observation due à
M. de Siebold. Ce naturaliste distingué
reconnut l'identité de structure entre
la portion cépbalique du Cysticerque
de la Souris et la tête du Tœnia crassi-
collis du Chat {d). Quelques années
après, j\I. Van Beneden, professeur à
l'université de Louvain, fit voir que
les Tétrarhynques qui vivent dans l'in-
térieur du corps des Poissons osseux
ne diffèrent de certains Vers intesti-
naux des Poissons cartilagineux que
par l'absence de l'appareil reproduc-
teur, et que ces derniers Helminihes
doivent être considérés comme la
forme adulte des premiers. Ce ne se-
rait donc qu'en mangeant les Poissons
osseux infestés de Tétrarhynques que
les Poisçons cartilagineux recevraient
dans leur intestin les parasites qui y
vivent (e). Enfin, en 1851,1e fait de
ces transmigrations et de ces méta-
morphoses des Helminthes a été établi
expérimentalement par le docteur
Iviichenmeister, qui, en administrant à
des Chiens et h des Chats le Cysti-
(a) Ahildgaard, Om Indvolde Orme (Skrivter of Naturhistone Selskabet Kiobenhaven, il9Q,
1. 1, p. 20).
(b) Blocli, Traité de la génération des Vers des intestins, trad. de l'allemand, 1788, p. 94.
— Gœze, Versuch einer Naturgeschichte der Eingetveideiinmner thierschen Kuiyer, ili^,
p. 26 el 291.
(c) CrepUn, Novie observationes de Enlozois, 1829.
'(/). Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 158, noie. — Ueber den genera-
iionsiuechsel der Cestoiden (Zeitschrift fur wissensch. ZooL, 1850, t. II). — Mém. sur la
génération alternante des Cestoïdes [Ann. des sciences nat., 3° série, 1851, I. XV, p. 180).
(e) Van Beneden , Recherches sur la Faune littorale de la Belgique. Les Vers cestoïdes
considérés sous le rapport physiologique, embryologique et x-ooclassique {Mém-, de l'Acad. de
Belgique, t. XXV),
HYPOTHÈSE DE l'hétkrogi^:nik. 283
toire physiologique des Helminthes; nous y revieuLlrons
bientôt, et ici je pourrais, peut-être, me borner à ajouter
que leur mode de multiplication ne présente rien d'anomal ;
que, de môme que les Animaux supérieurs, ils perpétuent
leur espèce par voie de génération, et que les jeunes ne
diffèrent par rien d'essentiel de ce (ju'étaient leurs parents
immédiats ou médiats à la même période de leur existence.
Mais je crois préférable de ne pas m'en tenir à de simples
assertions, et je citerai quelques faits à l'appui de ce que je
viens de dire.
§ 7. — Le premier exemple dont j'arguerai nous est Migrations
„ ^ '' 1 ,,- lies Pilaires,
fourni par les parasites que l'on rencontre souvent dans 1 m-
térieur du corps des Sauterelles, des Chenilles et de plusieurs
autres Animaux de la même classe, et que les zoologistes
cercus 'pisiformis du Lièvre et du zoologistes, et les résultats en furent si
Lapin, a vu ce Ver se transformer en favorables à l'hypothèse en question,
Ténia (a). Des expériences analogues qu'aujourd'hui presque tous les zoo-
furent entreprises aussitôt par M. de logistes-physiologistes s'accordent pour
Siebold, M. Haubner, M. Gurlt, M, Van la considérer comme étant l'exprès-
Beneden, ainsi que par plusieurs autres sion de la vérité (6).
/a) Kuchenmeisler, Ueherdie Umivandlung der Finnen in Baniiuûrmer ' (PraQcr Viertel-
jahrsschrift, 1852, t. XXXIII, n° i, p. 106). — Ueher Cestoden in Allgemeinen nnd die des
Menschen ins Besondere. In-8, Zitlau, 4853. — Die in nnd an dem Kdrper des lehenden
Mensclien vorkommendeii Parasiten. Leipsig, 1855.
(b) Siebold, Expériences sîir la transformation des Vers vésiculaires ou Cyslicerques en
Ténias {Ann. des sciences nat., .3' série, 1852, t. XVIII, p. 377). — Ueber die Band-und-
Blaseiuïirmer. Leipzig-, 1854. — Mém. sur les Vers rubanés et vésiculaires de l'Homme et des
Animaux [Ann. des sciences nat., 4" série, 1855, t. IV, p. 48).
— Lewaltl, De Cysticercorum in Tœnia metamorphosi (clissert. inaug.). Berolini, 1852.
- — Roll, On the Resuit of tlie Administration of the Tape-Worm.
— Milne Edwards, Compte rendit de quelques nouvelles expériences sur la transmission et
les métamorphoses des Vers intestinatcx (Comptes rendais de VAcadémie des sciences, 1855,
t. XL, p. 997).
— Van Beneden, Mém. sur les Vers intestinaux, p. 151 et suiv. {Supplément aux Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1858, 1. 11).
— R. Leuckart, Blasenbandiuûrmer und ihre Entwickdung, 185G.
— Baillet, Expériences sur la production du Cœ-nure cérébral chez le Mouton (Journal des
vétérinaires du- Midi, 2" série, 1856, i. IX. p. 97). — Compte rendu d' expériences faites à
l'école vétérinaire de Toulouse sur l'organisation et la reproduction des Cestoïdes du genre
Tœnia [Ann. des sciences nat., 4» série, t. X, p. 1 90). — Expériences sur le tournis de la Chèvre
et du Bœuf (Ann. des sciences nat., 4" série, 1859, t. XI, p. 303). — Expériences sur le Cysli-
cercus tennicollis et sur le Tœnia qui résulte de sa transformation dans l'intestin du Clneu
{.Ann. des sciences nat,, 1861, t. XVI, p. 99).
!28/i. REPRODUCTION.
connaissent sous le nom de Filaria Insectorum. Ces Vers sont
dépourvus d'organes reproducteurs, et beaucoup de naturalistes
attribuaient leur formation à un pbénomcne de génération spon-
tanée. Mais un belmintologiste babile de l'une de nos facultés
provinciales, Félix Dujardin , ayant constaté que les Vers
terricoles appelés Mermis ne diffèrent de ces Filaires que par
l'existence d'un appareil génital, d'autres pliysiologistes furent
conduits à penser que les parasites en question pourraient
bien n'être que de jeunes Mermis qui, à l'état de larves, se
logeraient dans le corps des Insectes, et en sortiraient plus tard
pour s'enfoncer en terre, y achever leur développement, et
s'y reproduire de la manière ordinaire (1). M. Siebold, pro-
fesseur à l'université de Munich, partageant cette opinion,
la soumit à l'épreuve de l'expérience, et il reconnut de la
sorte qu'effectivement les Filaires ne font qu'un séjour tem-
poraire dans l'intérieur du corps des Insectes; qu'à l'époque
où leur croissance est achevée, ils émigrent pour descendre
en terre, où ils ne tardent pas à acquérir des organes généra-
teurs; qu'arrivés ainsi à maturité, ils pondent des œufs; qu'au
printemps suivant, ces œufs donnent naissance à une nouvelle
génération de petits Vers filiformes agames ; enfin, que ces
jeunes Vers attaquent les Chenilles ou autres Insectes qui
sont à leur portée, en perforant les téguments, et s'introduisent
dans l'intérieur du corps de ces Animaux pour y vivre en
parasites, et s'y développer comme l'avaient fait les Filaires
dont ils descendent (2).
(1) LesobservaUonsde F. Diijardln ce naturalisle ne l'appuya d'aucune
sur la structure des Mermis et sur les expérience concluante,
caractères de leurs emlîryons rendirent (2) Les expériences de M. de Sie-
cette opinion trcs-probable (a). Mais bold sur rémigration nécessaire des
(fl) V. Diijarilin, Mein. sur la structure anatomhiue des Gordius et d'un autre Ilelinhilhe, If
Mermis, qu'on a confondu avec eux {Ann. des sciences nat., H» série, 1842, t. XVIII, p. ■129).
HYPOTHÈSE DE l'iiétérogénii:. 285
Ainsi ces Vers ont besoin d'habiter successivement la terre
humide, où ils prennent naissance; l'intérieur du corps d'un
Animal, où ils rencontrent la nourriture qui leur convient et où
ils grandissent, sans pouvoir arriver à maturité; puis la terre,
où ils deviennent aptes à se reproduire, et où ils pondent les
œufs dont sortiront de nouveaux Vers, destinés à elre bientôt
des parasites comme l'avaient été leurs procréateurs.
Des phénomènes analogues, mais plus compliqués, ont été Mi-rations
constatés chez les Ténias, et nous permettent d expliquer la
présence de ces Vers parasites dans l'intestin de l'Homme, du
Chien et de quelques autres Animanx, sans avoir recours aux
hypothèses des hétérogénistes. En eflet,on sait aujourd'hui, par
les expériences d'un médecin de Zittau, M. Kûchenmeister, et
par celles de M. VanBeneden, de M. de Siebold et de plusieurs
aulres naturahstes, que les Vers vésiculaires agames, qui ont
reçu le nom de Cysticerques et qui se trouvent dans l'intérieur
du corps des Rats, des Souris, des Lapins, etc., ne sont autre
chose que de jeunes Ténias dont le développement ne peut pas
s'achever dans les conditions biologiques où ces parasites se
trouvent ; que ces Vers subissent des métamorphoses remar-
quables lorsque l'hôte qui les logeait, ayant servi d'aliment à
un Chien ou à un autre JMammifère Carnivore ou omnivore, ils
se trouvent transportés dans l'intestin d'un de ces animaux. Ils
perdent alors leur vésicule aquifère, et s'allongent de plus en
Filnires des Insectes, et leur iransfor- vent dans le corps de divers Pois-
ination en Mermis albicans, ont été sons sont aussi les larves des Asca-
faites avec beaucoup de soin et ne me rides qui vivent en parasites dans
paraissent laisser rien à désirer (a). la cavité digestive des Phoques et
Ce zoologiste habile pense que les Fi- des divers Oiseaux aquatiques carni-
laires agames que l'on trouve sou- vores.
(a) Siebold, Ueber die Fadenwûrmer der Insecten {Entomologische Zeitung, 1848, p. 290). —
Uebev die Dand-uiid Blasenwiirmer, etc., 1854 : Mém. sin' les Vers rubanés et vésiculaires de
l'Homme et des Animaux et sur la production des Helminthes en général {Ann. des sciences
nat., 4" série, 1855, t. IV, p. 53 et suiv.).
286 REPRODUCTION.
plus, par le développement d'une longue série de segments,
dans chacun desquels se trouve un appareil reproducteur très-
complexe (1). Là se forment des œufs en nombre immense,
mais ces œufs ne peuvent se développer sur place et sont ex-
pulsés au dehors. Tombés à terre, ils donnent naissance à de
petits Vers qui périraient plus ou moins promptement, s'ils
restaient sur le sol, mais qui prospèrent lorsque, déposés sur
des plantes dont certains Mammifères, tels que les Rats ou les
Lapins, se nourrissent, ils sont portés dans l'intestin de l'un de
ces Animaux, ou bien encore lorsqu'on se transportant eux-
mêmes, ils parviennent à se loger dans les fosses nasales d'un
Mouton (2). Dans ce nouveau gîte, ils se fixent au moyen de
crochets dont leur tête est munie, et, en se développant, ils
deviennent des Cysticerques ou quelque autre Ver parasite du
même groupe, qui, pour se reproduire, a besoin de changer de
gîte encore une fois, et de pénétrer dans l'intestin d'un autre
(1) Voyez ci-dessus, page 281, sa présence détermine la maladie con-
note. nue sous le nom de tournis. Intro-
{2)LeCœ7iuruscerebralisestunYev duit dans le canal digestif du chien,
qui, à l'état de scolex, est pourvu d'une les Cœnures perdent leur vésicule, et
grosse vésicule hydatique sur divers chaque individu se développe en un
points de laquelle des phénomènes de Ténia d'espèce particulière qui est
gemmiparité se manifestent ; en sorte pourvu d'organes reproducteurs et
que peu à peu toute une colonie de pond des œufs. Enfin, ces œufs, éva--
ces parasites naît sur une poche aqui- eues par le Chien et portés dans le
fère commune. A cette période de son canal digestif du Mouton, donnent
existence, ce parasite se loge dans le naissance à des Cœnures , ainsi que
cerveau de divers Ruminants, mais cela a été constaté expérimentalement
plus particulièrement des Moutons, où par plusieurs naturalistes {à).
(a) Voyez V Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 40, ûg. 1.
— Numan, Verhandeling over den Veelkop-blaaswom der Hersenen, pi. Oetsuiv. (Neder-
landsche Institut, 4850).
(6) Haubner, Agronomische Zeltung, 1851, n° 10 (voyez Kiichennieisler , Parasiten, t. I,
p. 22 etsuiv.).
— Van Beneden, Sur le Cocnure du Mouton {Bulletin de l'Acad. de Belgique, 1854, l. XXI,
p. 300). — Développement du Cœnure cérc'bral du Mouton (loc. cit., 2» partie, t. XXI, p. 15).
— Baillet, Expériences sur le tournis de la Chèvre et du BœufiJournnl des vétérinaires du
Midi, 1859).
— Alphonse Milne Edwards cl Vaillant, Infection du Mouton par le Taenia rœniirus (rjnslilut,
1863, t, XXX, p. 189).
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGI^NIE, 287
AiliQial propre à l'héberger. Ainsi, les Cystieerques du Rai
sont les jeunes du Ténia du Chat, et les Cystieerques du Lapin,
en achevant leur développement, constituent les Ténias dont
les Chiens sont infestés. M. Kûehennneister s'en est assuré,
en administrant à des Chiens des aliments chargés de Cysti-
eerques de Lapin, et en constatant que les Vers vésiculaircs,
semés de la sorte dans l'intérieur du corps du Chien , dc-
vieïinent des Ténias (1). Enfin, celte découverte capitale a été
complétée par d'autres expériences, dans lesquelles on déter-
mina le développement des Cystieerques dans l'intérieur du
corps des Lapins, en faisant avaler à ces petits quadrupèdes
des œufs provenant du Ténia du Chien (2).
(1) Comme les Ténias sont très-
communs chez les Chiens adultes, et
particulièrement chez les Chiens er-
rants dont les physiologistes se servent
d'ordinaire pour leurs vivisections, il
était nécessaii'e, pour rendre cette ex-
périence probante, de faire usage de
très-jeunes Animaux qui ne s'étaient
encore nourris que de lait ; car, à cet
âge, ils sont en général exempts de
parasites de ce genre. Pour plus de
détails au sujet de la transmigration
et des métamorphoses de ces Vers in-
testinaux, je renverrai aux ouvrages
que j'ai déjà cités (voyez page 281,
note).
(2) M. Leuckart a vu les œufs du
Tœnia serrata du Chien donner nais-
sance, dans le tube intestinal du Lapin,
à des embryons longs d'environ im
douzième de millimètre, qui pénètrent
dans la substance du foie en nombre
très-considérable et s'y développent. 11
pense que_ces petits Vers transpercent
la membrane muqueuse de l'intestin,
et arrivent ainsi dans des branches de
la veine porte qui les conduiraient
dans le foie (a).
Il y a quelques raisons de penstr
que l'introduction des œufs du Ténia
du Chien dans le tube digestif de
l'Homme peut y déterminer le dév;?-
loppementde Cystieerques, et produire
ainsi une maladie vermineuse du fde
qui est extrêmement commune «n
Islande {b).
(a) Leuckart, Nouvelles expériences sur le développement des Vers intestinaux {Ann. îes
sciences nat., i' série, 1855, t. lll, p. 351).
(6) Schleisner, Island undei'soqt. Forsoçj til en Nosographie of Island. Copenliagiie, 1849.
— Eschriclit, Om de Hijdatiders Nahir og Oprindelse, der fremhalde den i Island endemis[-e
Leversygge [Danske Vldensk. selsk. t'orhandl., 1853),
— Kiichenmeister, Parasiten, t. I, p. 169 etsuiv.
— Siebold, Mém. sur les Yevs rnbanés et vésiculaires {Ann. des sciences v.ot., 4' sére
1855, p. 204), '
288 REPRODUCTION.
Il est probable que le Ver solitaire, on Ténia de l'Homme,
est dû pareillement à un Cyslicerque qui vit en parasite dans
le corps du Cochon , et que des causes analogues déter-
minent le développement de beaucoup d'autres Vers intesti-
naux (1).
Migrations Quclqucfois Ics voyagcs imposés aux parasites sont plus
Douves' eic. Hombrcux ct plus compliqués. L'espèce de Douve, du genre
Monoslome, qui se trouve dans le foie du Canard ctdo quelques
autres Animaux aquatiques, nous en fournit un exemple des
plus curieux. Ce parasite est pourvu d'organes reproducteurs,
et pond un grand nombre d'œufs qui, expulsés au dehors,
donnent naissance à autant de petits Animaux aquatiques. IMais
(1) On comprend qu'il soit difficile
d'établir oxpérimentalement ce fait;
quelques essais ont cependant été ten-
tés dans ce but, et le résultat en a été
fivorable à l'opinion émise ci-dessus,
y^insi quelque temps avant l'exécu-
lion d'un criminel condamné à la
décapitation, M. Kiichenmeister mêla
aux aliments de cette personne de la
\iande de Porc contenant des Cjsli-
cerques, et à l'autopsie , il trouva
(^ans l'intestin quatre petits Ténias
céjà fixés à la membrane muqueuse
et en voie de développement (a\
N. Leuckart administra aussi des Cys-
t cerques du Cochon à un malade dont
h mort éiait imminente et à deux au-
fcs personnes qui s'étaient prêtées
Aolontairementà ces expériences. Dans
k premier cas, le résultat fut négatif;
nais, dans le second, il en fut autre-
ment : en examinant les évacuations
alvines provoquées par des vermi-
fuges , il trouva dans les matières
rendues par l'un de ces individus
plusieurs Cysticerques en voie de
développement, et deux Ténias qiti
avaient tous les caractères du Ver
solitaire (6). Enfin, des expériences
analogues ont été faites par M. Ilum-
bert (de Genève) : ce naturaliste avala
quatorze Cysticerques, et quelques
mois après, il rendit par les selles, à
plusieurs reprises, des fragments de
Ténias (c).
nés arguments en faveur del'opinion
que le Ténia de l'Homme provient des
Cysticerques contenus dans la chair
des animaux dont celui-ci se nourrit,
avaient été fournis précédemment
par les observations de beaucoup de
médecins et de voyageurs. Ainsi on
{a) Kiichcnnieister, Expériences relatives à la transmission des Vers inUstinatix chez l'espèce
kiDiaiiie (Ann. des sciences nat., i" série, -1855, t. 111, p. 377).
(b) Leuckart, flic lilasenwiirmcr iind ilire Enliuickclung, 1856.
(c) Vojez Bei'lholus, Dissertation sur les métamorphoses des Cesto'ides. Ilièsi^. Monipellier, 1856,
iP 106.
HYPOTHÈSE DE l'hétérogénie. 289
ces jeunes, que quelques auteurs appellent des proscolex,
n'ont pas le mode d'organisation propre à leur mère: ils res-
semblent à des Infusoircs ; toute la surface de leur corps
est garnie de cils vibratiles, qui l'ont fonction de rames nata-
toires, et dans leur intérieur on n'aperçoit aucune trace d'or-
ganes génitaux. Mais bientôt on y voit apparaître une espèce
de sac contractile, appelé scolex, qui ne tarde pas a être mis
en liberté; après quoi, le petit être qui provient directement
du Monostone meurt et se détruit. Or, le scolex, ou sporo-
cyste, dont je viens de parler, est un Ver qui va se loger
dans la chambre respiratoire d'un Mollusque gastéropode
sait qu'en Abyssinie, ce parasite est
d'une fréquence extrême (a), et que,
dans cette partie de l'Afrique, on fait
grand usage de viande crue ou à peine
cuite. 11 paraît aussi que , dans ce
pays, les musulmans, à qui l'usage
de la viande de Porc est interdit, ne
sont pas sujets à cette affection vermi-
neuse (6) , et qne les religieux de
l'ordre des Chartreux, qui ne vivent
que de substances végétales, en sont
également exempts (c). Plusieurs mé-
decins ont remarqué que le Ver soli-
taire cstparliculièrement fréquent chez
les charcutiers et les cuisiniers. A
Saint-Pétersbourg, où le Ténia est très-
rare et où les médecins ont employé
avec avantage l'usage de la viande
crue pour le traitement de certaines
affections du canal intestinal, on a
constaté que les malades soumis à ce
régime avaient souvent le Ténia (d) .
Il me paraît probable que le Co-
chon n'est pas le seul Animal dont la
chair soit susceptible de contenir des
Cysticerques aptes à se développer
en Ténias dans le tube digestif de
rilomme, et que , par conséquent,
l'introduction de ces Vers dans notre
organisme n'est pas nécessairement
subordonnée à l'emploi alimentaire
du Porc cru ou imparfaitement cuit ;
mais il y a lieu de penser que, dans
la plupart des cas, la présence du Ver
solitaire dans notre intestin est due à
l'usage de cette viande infestée de
Cysticerques cellulaires à l'état vivant.
La cuisson doit avoir pour effet de
tuer ces Vers vésiculaires, et de rendre
le Porc ladre inapte à donner le Ténia.
(a) Cnicc, Vouage en Nuhie, etc., trad. de Tanglais, 1797, i. IX, p. d67),
■ — Roclict d'Héricom-l, Second voyage sur les deux rives de la mer Rouge.
• — Feirol et Galmier, Voyage en Abyssinie,-i8il, t. II, p. 4 00.
— Bilharz, Ein Beitrclg ssztr Helminthographia humajia {Zeitschrift fur ivissemch. Zoologie,
1853, l. IV,p. 53).
(6) Bnice, Op. cit.
— Aiibcrt, Méin. sur les substances anlhelminthiques usUées eu Abyssinie (Mdni. de l'Acad.
de médecine, 1841, i. IX, p. 689).
(c) Reiiileiii, Dewerkungen ûber deii Urspnmg des breiten Bandwurms in dcn Gedarmcn dcr
Menschen. Wien, 1855, p. 25.
[d) Voyez Davaine, Traité des Entoxoaires, p. 89 et suiv,
290 REPRODUCTION.
aquatique, la Limnce des étangs, cly passeriiiver. Là ce parasite
donne naissance à des jeunes, qui n'ont pas sa forme et qui ne
djiïèrcnt pas de certains Animaux décrits jadis par les zoolo-
gistes sous le nom de Cercaires. Leur corps, aplati et ovoïde,
est armé antérieurement d'une espèce de dard, et se termine
en arrière par une queue flexible au moyen de laquelle ils
nagent avec agilité. Bientôt ces Cercaires, devenus libres,
s'attaquent aux téguments de la Limnée, les perforent au
moyen de leur pointe frontale, et pénètrent dans l'intérieur du
corps de ce Mollusque , où ils s'entourent d'une vésicule
appelée kyste. Ainsi enkystés, ils perdent leur armure fron-
tale, ainsi que leur longue queue, et deviennent semblables à
de petits Monostomes, si ce n'est qu'ils manquent complètement
d'organes reproducteurs. Mais lorsque la Limnée qui les loge
a été mangée par un Canard ou par quelque autre Animal
analogue, et que, par suite de la digestion du corps où il
était renfermé, le Cercaire, privé de queue, devient libre dans
l'intérieur du canal intestinal de son nouvel hôte, il achève
son développement et acquiert un appareil reproducteur (1).
(1) Ces faits curieux ne furent ac- sans en souilçonner la véritable na-
quis à la science que peu à peu^ et ture ; et vers la même époque, Bory
pendant longtemps on n'en connut ni Saint-Vincent crut avoir perfeclionné
l'enchaînement, ni la portée. Vers la la classification méthodique du Règne
fin du siècle dernier, Othon Frédéric animal en rangeant ces petits êtres
Millier donna le nom de Cercaria à dans une division générique particu-
divers Animalcules microscopiques , lière, sous le nom d" Histrionella (o).
parmi lesquels se trouvaient les Cer- En 1818, Bojanus constata que l'un
caires dont je viens de parler, ou du de ces Cercaires vit en parasite sur
moins des espèces qui en sont très- la Limnée des étangs, et il fit con-
voisines. En 1817 , Kitsch observa naître l'existence des sporocyslcs
mieux ces prétendus Infusoires, mais qui se trouvent aitssi chez ce Mol-
(a) 0. 1^ Millier, Vmnium terrestrium et /luviatilium hisloria, 1773, t. I, p. 07.
— ISilsch, lieitragc %ur Iiifusorienkunde, oder Naturbeschreibimg der Zerkarien und Bacil-
larien, 1817 (iVeîie Schrift. der nat. Gesellsch. zu Halle, t. III).
— Bory Saiiit-Vincenl, Histoire naturelle des Zoophytes , etc. (Encyclopédie indlhodiqve ,
p. l'Ji).
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 291
Le cycle de phénomènes singuliers dont je viens d'indiquer
brièvement les principaux traits recommence alors : le nou-
veau Monostome vivant dans l'intestin du Canard pond des
œufs dont naissent des larves ciliées qui mènent une vie
errante, puis donnent naissance à un Animal destiné à vivre
en parasite dans le poumon d'une Limnée, et à produire une
lusque (a). En 1826, M. Baer dé-
couvrit les relations qui existent entre
les Gercaires et les sporocystes, dans
l'intérieur desquels ces Animalcules se
développent (6). Quelques années
après, M. Wagner signale à l'atten-
tion des physiologistes d'autres faits
de même ordre (c), et M. Nitsch avait
déjà constaté l'enkystement de ces
Gercaires et la disposition de leur
appendice caudal {d). D'autre part,
les lielmintologistes avaient fait con-
naître les caractères zoologiqucs et
le mode d'existence de ces espèces de
Douves qui sont parasites des Oiseaux
d'eau, et qui sont désignées sous le
nom de Monostomum mutabile {e) . En
1835, M. Siebold découvrit le mode
de reproduction de ces Helminthes,
et constata le développement d'un être
vivant dans l'intérieur du corps des
embryons ciliés qui en naissent; mais
il pensa d'abord que cet animal inclus
n'était autre chose qu'un parasite (f).
En 18/|2, M. Steenstrup appela l'atten-
tion des naturalistes sur la signification
de ces singuliers phénomènes (g). En-
fin, dans un mémoire qui fera époque
dans l'histoire de l'helminthologie ,
M. Siebold fit connaître les relations
qui existent entre les embryons et les
Vers monostomes , les tubes cercari-
génères, les Gercaires et les Mono-
stomes parfaits (h).
Beaucoup d'autres faits analogues,
relatifs aux transmigrations et aux
métamorphoses des Vers de l'ordre
des Trématodes, ont été constatés plus
récemment par plusieurs naturalistes,
et plus particulièrement par M. de
Filippi («')• J'ajouterai que l'on trouve,
dans l'ouvrage récent de M. Leuckart
(a) Bojanus, Kur%e Nachricht ûher'die Zerkarien und ihren Fundort (tsis, 1818, U l, p. 729).
(6) Baer, BeUrâge %ur Kenntniss der niedern Thiere (Nova Acta Acad. iiat. curios., t. XIII,
p. 627, pi. 31, fig. G).
(c) Wagner, Beobachtungen ûber den Bau und die Entwickelung der Infusorien, etc. {Isis,
1832, p. 394). — Bemerkungen ûhev Cercaria (Isis, 1834, p. 131).
(d) Ni(sch, Op. cit.
(e) Zeder, Nachtrag ■x.ur Naturgeschichte der Eingeiueidewilrmer, 1806, p. 154.
— Creplin, Novœ observ. de Entoaois, d829, p. 49.
— Mehlis, Observationes de Trematodibiis (Isis, 1831, p. 171).
(f'i C. T. Yon Siebold, Helmintologisclie Beitrdge (Wiegraann's Archiv fur Naturgeseldchte,
1835, t. I, p. 45).
(g) Steenstrup, Ueber den Generationswechsel, 1842. — On the AUernation of Génération
translated by Bush (Ray's Society, 18-45).
(h) Siebold, Ueber die Band und Blasenwûrmer. Leipzig, 1854, p. 17 et siiiv. — Mcm, sur
les Vers rubanés et vésiciUaires (Ann. des sciences nat., 4" série, 1855, t. IV, p. 61 et suiv.).
(i) Vh. de F\\ippi, Mém. pour servira l'histoire génétique des Trématodes Mém. de V Acad. de
Turin, 2= série, t. XV,et Anw. des sciences nat. , 4' série, 1854, t. II, p. 255. — [Deu.xièmeméin.,
1865 (Mém, de l'Acad, d& Turin, 2' série, t. XVI), — Troisième mémoire, 1867 (Acad, Ae
292 REPRODUCTION.
foule de CercDires qui, dcvcnaut parasiles d'un de ces Mol-
lusques dont les Canards et d'autres Animaux aquatiques se
nourrissent, arrivent enfin dans la cavité digestive de l'un
de ceux-ci, et ainsi de suite.
Ces métamorplioses, ces migrations, cette aptitude de cer-
tains jeunes Helminthes à perforer les tissus vivants de leurs
hôtes (1), et celte dissemblance entre beaucoup de ces para-
sites et leurs descendants directs, nous donnent la clef d'une
foule de faits qui, pendant longtemps, étaient inexplicables par
les lois générales de la physiologie, et qui étaient invoqués
comme des arguments sans réplique en faveur des vieilles
idées d'hétérogénie. Il est vrai que nous n'avons pas encore
les lumières nécessaires pour préciser le mode d'origine de
tous les parasites qui se rencontrent dans l'intérieur de l'orga-
nisme des divers Animaux; mais, chaque jour, le nombre de
ces difficultés diminue, et nous voyons rentrer dans la règle
commune la naissance de quelques-uns de ces êtres singu-
liers (2). Ainsi , dernièrement encore , les hétérogénistes
sur les parasites de l'IIomme, un ration des Ussus par les jeunes Hel-
exposé très-complet de Tétaf actuel minthes, les observations de M. Van
de la science relativement au mode Beneden sur le Tœnia dispar de la
de propagation des Helminthes, et Grenouille, et celles de M. Baillet sur
beaucoup de faits nouveaux d'un in- les Cysticerques (6).
térèt considérable (a). (2) Les partisans de l'hypothèse des
(1) Voyez, au sujet de cette perfo- généraUons dites spontanées ont beau-
Tiiriii, I. XVIII). — Quelques nouvelles observations sur les larves des Trémalodes {Ann. des
sciences nat., 4» série, 1850, t. VI, p. 83).
— De la Valellc de Saint-Georges, Symbolœ ad Trematodum evolutionis historiam. Berolini,
1853.
— UouWme, De la reproduction des Trématodes endo-parasites, 1856 {Mém. de l'Institut
(jénevois, t. 111).
— Giiirlo Wagpiicr, Bcitrâ(ie zur Enlwickel. der Eingeweideivurmer (Naturkundige Vcrhand-
lungen, 1857, t. XHI).
— Pa^'ciisleclicr, Treinatodcnlarven und Trematoden. Helmintologischer Beitrag, 1857.
(a) Riid. Lcuckail, Ute mcnschlichen l'arasiten. Leipzig, 1862 et 18G3.
(6) Van Beneden, Nouvelles observations sur le développement des Vers cesto'ides {Ann, des
sciences mt,, 3° série, 1853, t, XX, p, 318).
HYPOTHÈSE DE l'hÉTÉROGÉNIE. ^'d?>
citaient, comme ime preuve de la formation agcncsi([iie des
Helminthes, le développement du Trichina spiralis dans la
profondeur des muscles du corps humain ; mais, à [)cine c(ît
argument avait-il été employé , que des expériences faites en
Allemagne sont venues montrer que ce^Ver agamc est en
réalité le produit génésique d'un Helminthe très-voisin des
coup insisté sur ce que parfois la pré-
sence cl'Helmintlies a été constatée
dans l'intérieur du corps d'un fœtus ou
de très-jeunes animaux qui n'avaient
encore pris d'autre nourriture que le
lait de leur mère, et qui, par consé-
quent, ne pouvaient être considérés
comme ayant reçu ces parasites du
dehors mêlés à leurs aliments. Des
faits de ce genre ont été signalés par
les médecins de l'antiquité aussi bien
que par plusieurs observateurs mo-
dernes (a) . Mais l'origine de ces Vers
par homogénésie s'explique facilement
depuis que l'on a constaté que beau-
coup de ces Animaux, à l'état de larve,
peuvent perforer la substance des tissus
organiques, et voyager dans l'intérieur
du corps d'un être vivant à peu près
comme le Ver de terre voyage dans le sol
humide (6). En effet, puisque ces para-
sites traversent les parois de l'intestin,
ainsi que le péritoine, et se répandent
parfois jusque dans la profondeur des
muscles des membres (c), ou se logent
dans l'intérieur des vaisseaux san-
guins (d), on comprend facilement la
possibilité de leur arrivée dans l'uté-
rus et leur passage jusque dans l'inté-
rieur du corps du fœtus contenu dans
cet organe.
La présence de parasites animaux
et végétaux dans l'intérieur des œufs
a été constatée également dans quel-
ques cas, et, en général, elle peut
être expliquée de la même manière (e).
Dans quelques cas, les parasites se
rendent directement dans l'œuf à tra-
vers la coquille, sans laisser de traces
visibles de leur passage, ainsi que
IM. Panceri l'a constaté réceniment
pour plusieurs Cryptogames (/).
(«) Baillet, Expériences sur le Cyslicercus tereticoUis, etc.
(b) Hippocrate, Des maladies, liv. IV {Œuvres, trad. par Littré, t. VII, p. 597).
(c) Par exemple, chez le fœtus humain, par Kerckliiig, Dolce et Brendel (voy. Davaine, Traité des
Eiilozoaires, 1860, p. 8).
— Chez le fœtus du Mouton. Voy. Froramann, Observ. de verminoso in Ovibus et Juvencis
reperto hepate [Ephemcrid. Acad., 1675, déc. 1, an». 6 et 7, obs. 188, p. 145).
— Valcntin, Distomeneier in der Riikenmarksliohle eines Fôtus (MiiUer's Archiv fur Anat.
imd PhysioL, 1840, p. 317).
(d) M. Davaine vient de constater expérimentalement des faits de ce genre en inoculant sur divers
Animaux les parasites filiformes qui pullulent dans le torrent de la circulation chez les Moutons
aflectés de la maladie que les vétérinaires désignent sous le nom de sang de rate. (Davaine, Recherches
surlesinfusoires du sang, etc., dans Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1863, t. LVII,
p. 220.)
(e) Barthélémy, Etudes sur le développement et les migrations d'un Nématoïde parasite de
l'œuf de la Limace grise (.inn. des sciences nat., 4' série, 1858, t. X, p. 41).
(f) Panceri, Del coloramento deU'albumine d'uovo di Gallina e dci criptogami che crescheno
nelle uove {Atti délia Soc. italiana di scieme nalurali, 1800, t. II, p. 271).
viu. 21
29 /j. REPRODUCTION.
Trichocéphales, et qu'on pouvait en infester le tissu musculaire
de divers Animaux , en ingérant dans le tube digestif de
ceux-ci des aliments qui renfermaient des parasites de cette
espèce (1).
Tout dernièrement encore, l'origine du Bothriocéphale, qui
infeste souvent le corps humain, particulièrement en Suisse, en
Pologne et en Russie, était entourée de beaucoup d'obscurité.
Mais des recherches expérimentales, faites simultanément à
Saint-Pétersbourg par M. Knoch, et à Genève par M. Ber-
tholus, ont prouvé que c'est sous la forme de larves ciliées
(1) Les migrations du Trîchina spi-
ralis paraissent avoir beaucoup d'ana-
logie avec celles des Filaires dont il a
été déjà question ci-dessus (page 283).
C'est à l'état de scolex ou de larves
dépourvues d'organes génitaux qu'on
les rencontre dans le tissu musculaire
où ils s'enkystent. On les a trouvés sous
cette forme chez l'Homme (a), ainsi que
chez quelques autres Mammifères (5).
M. Herbst, ayant administré à de jeunes
Chiens de la chair d'un Blaireau in-
festée de Trichines , trouva , trois
mois après, les muscles de ces ani-
maux envahis par un nombre immense
de ces petits Vei'sfiUformes (c). M. Vir-
chow (de Berlin) a fait des expériences
analogues, et il a constaté que le
Trichiiia spiralis de l'Homme, ingéré
dans l'estomac d'un Chien, se dé-
pouille de son kyste, et, devenu libre,
achève son évolution dans l'intestin
de cet Animal. Là les organes géné-
rateurs de ces parasites se développent
et produisent des spermatozoïdes ainsi
que des œufs. En faisant manger à un
Lapin de la viande contenant des Tri-
chines, ce physiologiste a observé les
mêmes faits, et il a constaté, en outre,
que ces parasites, rendus libres dans
l'intestin de ce Rongeur, deviennent
sexués, et donnent naissance à de pe-
tits Vers iiliformes qui perforent en-
suite les parois du canal digestif pour
se répandre dans toutes les parties de
l'organisme. M. VirchoAv a obtenu de
la sorte cinq générations de Trichines,
en faisant manger simplement à des
Lapins la chair musculaire des Ani-
maux chez lesquels il avait déterminé
{a) Hilton, Notes of a peculiar appearence observed in Human Muscle, probably depeiiding
upon the Formation of very small Cysticerci {Londoii Médical Gaxettc, 1853, t. XI, p. 005).
— Owen, Description of a Microscopical Entozoar infesting the Muscles ofthe Human Body
(Trans. of the Zool. Soc, 1835, t. I, p. 315, pi. il, Cig. 1-8).
— Luschka, Zur Naturgeschichte der Trichiiia spiralis {Zeitschrift filr wisseiisch, Zool., 1851,
t. m, p. 69, pi. 3).
(6) Siebold, Helmintholorjischc Beitrdge (Wiegmann's Archiv filr Naturgeschichte, 1888, t. I,
p. 312).
— Leidy, Existence of Trichina in the Hog {Ann. of Nat. Hist., 1847, t. XIX, p. 358).
(c) Herbst, Expériences sur la transmission des Vers intestinaux {Ann, des sciences nat.,
3' série, 1852, t. XVII, p. 65).
HYPOTHÈSE DE L HÉTÉROGÉNIE. 295
que ces Vers sortent de l'œuf; qu'ils vivent alors dans les eaux
douces, puis s'enkystent et ne subissent leur développement
complet qu'après être arrivés dans l'intestin propre à leur
servir d'habitation (1).
Beaucoup d'autres faits analogues ont été constatés depuis
quelques années ; mais je ne pourrais, sans m'éloigner de l'ob-
jet de nos études actuelles, entrer dans plus de détails relatifs
à l'origine des Vers intestinaux. Du reste, le peu de mots que
je viens d'en dire me semble devoir suffire pour montrer
l'erreur de ceux qui, faute de connaître le mode d'introduction
expéninentalenieiitla reproduclion de
ces Vers (a). Des faits analogues ont été
constatés par M. R. Leuckart. Ce natu-
raliste a trouvé que la transformation
des Trichines agames en Vers sexués
n'a jamais lieu dans le tissu muscu-
laire, mais s'effectue très-rapidement
dans le canal intestinal des divers
Mammifères qui ont mangé de la chair
infestée de la sorte, et que les parasites
liliformes qui naissent de ces individus
prolifiques dans le tube digestif d'un
Animal nourri de cette façon pénètrent
dans le tissu conjonctif interorganique
de celui-ci, pour aller se loger dans
l'épaisseur des muscles, où ils s'en-
kystent (6). Il est donc présumaiile
que la présence des Trichines dans les
muscles du corps humain dépend de
l'emploi alimentaire de la chair du
Lapin ou de quelque autre Animal
infesté de la sorte, et dont la cuisson
n'aura pas été assez complète pour
tuer ces parasites.
(1) La fécondité de ce Bothriocé-
phale est immense. Ainsi, dans un de
ces Vers examiné par Eschricht (de
Copenhague), le nombre des œufs s'est
élevé à plus de dix millions (c). La
forme larvaire de ces Helminthes pa-
raît avojr été constatée d'abord par
Schubart {d), mais l'histoire de leur
développement n'a été étudiée d'une
manière approfondie que par les deux
naturalistes cités ci-dessus (e), et c'est
principalement au mémoire publié sur
ce sujet par M. Knocli que je renverrai
pour plus de détails.
(a) Virchow, Recherches sur le développement du Trichiiia spiralis ( Comptes rendus de
l'Acad. des sciences, 1859, t. XLIX, p. 660). — Note sur ie Trichina spiralis [Comptes rendus
de l'Acad. des sciences, "1860, t. LT, p. 13).
(6) R. Leucliart, Untersuchungen «6gr Trichina spiralis. In-i, Leipzig-, 1860.
(c) Eschriclit, Anat. phijs. Untersuch. ûber die Botlinocephalus, p. 144 {NovaAcla Acad. nat.
curios., 1840, t. IX, supplémenl).
(d) Voyez Van Beneden et Gervais, Zoologie médicale, t. 11, p. 230, noie.
(e) Knoch, Die Naturgeschichte des breiten Bandwurms (Bolluioceplialus latus) mit beson-
derer Berûchsichligung seiner Entwickelungsgeschichte (Mém. de l'Acad. des sciences de Saint-
Pétersbourg, 7° séné, t. V).
— Beriholus, Sur le développement du Bothriocéphalc de l'Homme {Comptes rendus de l'Acad.-
des sciences, 18G3, t. LVII, p. 569).
296 REPRODUCTION.
de ces parnsites dans le corps de leurs hôtes, se croyaient
autorisés à les considérer comme des produits de l'organisation
.spontanée de la matière inerte, ou, en d'autres mois, de la
génération dite spontanée. Là, de même que pour les larves
de Mouches observées par Redi, et pour les Abeilles, dont
l'histoire physiologique a été étudiée par Swammerdam, la
multiplication des individus est régie par les lois générales
qui président à l'origine des Animaux supérieurs. Le caractère
essentiel des phénomènes zoologiques est partout le même,
et la Nature n'a pas, comme le supposent les hétérogénistes,
deux poids et deux mesures* suivant qu'elle veut produire un
Animal microscopique ou un Animal gigantesque, un Animal
obscur et parcimonieusement doté ou un Animal doué des
facultés les plus merveilleuses. Toujours l'être vivant descend
d'un être qui vit.
Résumé. § 8. — En résumé, nous voyons donc que, non-seulement
la vie se transmet, et que les corps organisés sont toujours des
produits de corps doués de ce mode d'activité, mais aussi que
dans tous les cas où cette fihation a pu être observée, les
individus qui naissent sont de même espèce que les individus
dont ils descendent. Tout ce qui vit aujourd'hui à la surface du
globe a été engendré, et chaque être qui engendre imprime à
ses produits le cachet organique propre à certains termes de
la série d'individus dont il est lui-même descendu. Le jeune
Animal peut ne pas ressembler en tout à ses parents, mais en
général les différences sont légères et ne portent que sur les
détails secondaires de l'organisme. Nous examinerons dans une
autre occasion quelles peuvent être les limites de ces variations
individuelles chez divers membres d'une même lignée, et quelles
sont les circonslancesqui déterminent ces particularités indivi-
duelles. Ici il me suffira de constater que chez les Auimaux,
aussi bien que dans les Plantes, on ne connaît aucun individu qui
ne soit fait à l'image de l'un de ses ancêtres, et qui ne ressemble
HYPOTHESE DE l'hÉTÉROGÉNIE. 297
à l'être dont il sort de In même fneon que celiii-ei ressemblait ù
certains de ses procréateurs. On appelle espèce^ le groupe d'indi-
vidus qui se ressemblent entre eux au même degré que l'on sait
devoir se ressembler ceux qui naissent d'une même soucbe;
groupe que l'on peut considérer par conséquent comme ayant
une origine commune. La loi générale qui régit aujom^d'bui la
multiplication des Animaux et le renouvellement des êlres ani-
més dont la terre est peuplée, est donc V homogénésie, ou la
production du jeune par des parents qui sont, dans certaines
limites, ses semblables. Nous verrons ailleurs que dans quel-
ques cas la conformation du jeune peut s'éloigner considérable-
ment de celle de son ascendant immédiat, et ne répéter l'image
que d'un ancêtre plus ou moins reculé; mais alors la progé-
niture de ce jeune ne diffère en rien d'essentiel de son
aïeul, et par l'effet de ces retours périodiques à un môme
type , ce type se perpétue tout aussi bien que dans les cas
où il se retrouve cliez tous les individus qui proviennent
les uns des autres (1), Une espèce peut s'éteindre ou se
diviser, pour ainsi dire, en un certain nombre de races qui
ont chacune leur cachet particulier, mais jamais on ne voit
un Animal naître d'un Animal d'une espèce aulre que la
sienne, et, sous Tinfluenee des conditions dans lesquelles notre
globe se trouve aujourd'hui, aucune transmutation zoologique
ne semble être possible. En était-il toujours de même, et, à cer-
taines périodes géologiques, les modifications introduites dans
l'organisation des êtres qui se succédaient par voie de généra-
tion ont-elles été plus considérables, et ont- elles amené l'ap-
parition de types assez dissemblables pour que l'analogie nous
conduise à les considérer comme des représentants d'autant
(1) Cette rotation de deux ou de tiennent à une même lignée, constitue
plusieurs types chez les difl'érents ter- ce que les zoologistes modernes ont
mes d'une série d'individus qui appar- appelé des yénérations alternantes.
298 REPRODUCTION.
d'espèces particulières? C'esL ce que l'on ne saurait dire dans
l'état actuel de nos connaissances, mais j'incline à croire qu'il a
dû y avoir des transmutations de cet ordre, et que beaucoup
de, fossiles qui ont été considérés comme appartenant à des
espèces différentes de celles de J^époque actuelle , ne sont
en réalité que des races particulières. Peut-être môme les
différences entre certaines séries de termes d'une même
lignée d'individus ont-elles été plus grandes encore. Ici ces
questions ne sauraient être assez approfondies pour que la dis-
cussion en soit utile, et tout en me proposant d'y revenir un
jour, je ne m'y arrêterai pas en ce moment, car il nous faut
maintenant étudier les divers modes suivant lesquels la î'epro-
duclion des Animaux peut avoir lieu.
Cette étude sera le sujet de la prochaine Leçon.
SOIXANTE -DOUZIEME LEÇON.
Des divers modes de reproduction des Animaux. — Scissiparité. — Gemmiparité.
— Multiplication par des bulbilles. — Oviparilô ; g-énéralioii scxucllo. — ;
Composition et structure des œufs.
§ I. — Dans l'un et l'autre Règne organique, la multiplica- Trois nmjes
,.,.., ^ . 11. "N mi.'^i. principaux
tion des individus peut se faire de plusieurs manières, lantot de
elle résulte du fractionnement du corps de l'individu souche, '"''"' """"'*
phénomène que les physiologistes désignent sous le nom de
scissiparité. D'autres fois elle est une conséquence de l'accrois-
sement d'une portion de ce corps qui, en se développant,
devient semblable à l'individu dont elle dépend ; c'est ce que
l'on appelle gemmiparité , ou reproduction par bourgeonne-
ment. Enfin, dans d'autres cas, elle a lieu au moyen d'œufs ou
de graines, c'est-à-dire de corps qui se séparent de l'organisme
producteur avant d'avoir donné naissance à une première
ébauche de l'organisme nouveau, mais f|ui sont aptes à se
constituer de la sorte quand ils sont placés dans des conditions
déterminées. Du reste, ces divers modes de reproduction ont un
caractère commun, et, pour bien saisir celui-ci, il me semble
utile de prendre d'abord en considération certains phénomènes
dénutrition dont j'ai déjà eu l'occasion de dire quelques mots
dans une des précédentes Leçons.
§ 2. — Tous les êtres vivants, avons-nous vu, ont la faculté de considérations
, , 11- • prélinninaires.
s assimiler des matières étrangères qu'ils emploient en partie
à constituer de la matière vivante, laquelle est disposée d'une
manière déterminée, mais variable, suivant les espèces, et con-
court à la réalisation d'un certain type ou plan d'organisation.
300 REPRODUCTION.
C'est ainsi que (ont êlre vivant augmente de volume pendant la
première période de son existence, que diverses parties de son
corps s'accroissent sans cesse, et que d'autres restent en appa-
rence les mêmes, bien qu'une portion de leur substance puisse
se détruire continuellement. Qnelquelbis ce travail plastique a
pour effet d'opérer périodiquement le développement d'or-
ganes d'un volume considérable et d'une forme constante, tels
que les bois dont la tête du Cerf est ornée. Dans d'autres
circonstances, par suite d'un phénomène analogue, l'organisme
répare des mutilations accidenlelles, et se rétablit dans son
intégrité après avoir subi des perles plus ou moins considé-
rables. L'action nutritive s'exerce donc normalement suivant
un certain mode, et tend à réaliser, chez tous les Animaux,
une forme virtuelle propre à l'espèce dont l'individu est un
des représentants. Chez l'Homme et les autres Animaux
supérieurs, celle puissance réparatrice est fort limitée et ne
détermine jamais la régénération d'une portion considérable du
corps; elle peut faire disparaître des solutions de continuité et
opérer la cicatrisalion des plaies par le développement d'un
tissu nouveau qui se soude intimement aux surfaces mises
à nu accidentellement ; elle se manifeste aussi par la produc-
tion de la substance osseuse dans les cas de fracture et de
résection de certaines parties du squelette ; elle peut même,
dans quelques cas, amener le rétabHssement d'un conducteur
nerveux, d'un vaisseau sanguin ou d'une portion du canal
intestinal , mais elle ne donne jamais des résultats considé-
rables, et ses produits plastiques sont toujours fort simples (1).
Cljez des Animaux moins élevés, il en est autrement, et les
(1) Il paraît y avoir lien dépenser des observations de M. Simpson, cfne
que pendant la vie embryonnaire, la dans l'espèce hnraaine la reproduction
tendance à la reconstitution des parties d'cni membre tout entier est alors pos-
manquantes est plus marquée que chez sible. Ce médecin a fait connaître plu-
ies Animaux adultes, et il résulterait sieurs cas dans lesquels l'amputation
SCISSIPARITÉ. 301
parties reproduites de la sorte peuvent être à la fois très-
volumineuses et d'une structure fort com[»lexe.
Ainsi, chacun sait que la queue des Lézards se casse faci-
lement, mais que la mutilation déterminée de la sorte n'est
que temporaire, et que bientôt un nouvel appendice caudal se
développe à la place de celui qui a été détaché (1).
Chez quelques autres Vertébrés inférieurs (2), et notam-
ment chez les Tritons ou Salamandres aquatiques, la puissance
réparatrice de l'organisme est même plus grande encore ; et
les pattes, avec leurs os, leurs muscles, leurs vaisseaux san-
guins et leurs nerfs, peuvent être reproduites de la sorte.
On a vu aussi la mâchoire inférieure et le globe de l'œil se
régénérer complètement chez ces singuliers Batraciens (3).
spontanée d'un membre chez de très- est représentée que par un stylet car-
jeunes embryons semble avoir eu lieu, tilagineux. M. li. Millier a publié sur
et aurait été suivie du développement ce sujet des observations intéres-
d'un membre nouveau à l'extrémité santés {d).
du moignon (o). (2) Broussonnet dit avoir vu la na-
(1) Ce singulier phénomène a été geoire d'un Poisson se reproduire (e) , •
constatéchez les Scinqueset les Orvets, mais Dugès a répété cette expérience
aussi bien que chez les Lézards, par sans succès (/"). Une reprodiiction par-
les naturalistes de l'antiquité (6). Il a tielle de ce genre a été observée chez
lieu aussi chez les Geckos (c). un Syngnathe (g).
La queue advenlive a en général (3) Vers le milieu du siècle dernier,
la même forme que la queue primor- le phénomène de la reproduction de
dialc ; mais sa structure est moins la queue et des membres des Tritons
perfectionnée. Ainsi la colonne rachi- et des Salamandres a été étudié par
dienne, au lieu d'être constituée par plusieurs naturalistes, mais plus par-
une série de vertèbres osseuses, n'y liculièrement par Waterelti, Spallan-
(a) Voyez Carponter, Principlcs of Comparative Physiology, 1854, p. 480.
(6) Pline, Historia muncll, lib. xxix, cap. 38.
(c) Dugès, Physiolorjie comparée, t. 111, p. 188.
((/) H. Millier, Eine Eidechse, Lacerta viridis, mit z-ivei iiber einandfr gelagerteii Schwân%en
tvelche beide als das Product einer ûberrcichten und durch feinern Bau des wiedererzeugteii
bemerkenswerther Reproductionskraft erscheinen (Verhandlungeii der Phijs. -Med. Gesellschaft
in Wûvzburg, 1852, t. II, p. 6l3).
{e) Broussonnet, Mémoire sur la régénération de quelques parties du corps des Poissons {Mém.
de l'Acad. des sciences, 178G, p. 084).
(() Dugès, Physiologie comparée, 1839, t. III, p. 190.
Iff) Malm, Note sur la reproduction des parties de l'organisme et sur leur multiplication chez
certains Animaux., et plus particulièrement chez- un Syngnathe à deux queues {Ann. des sciences
nat., 4° série, t. .WIII, p. 35C).
Batrarion^
S02 REPRODUCTION.
Chez les Crabes, les Écrevisses et beaucoup d'autres Crus-
tacés, la reproduction des membres se fait avec une facilité
encore plus grande (i). Les Araignées peuvent aussi réparer
zani, ]\IuiTay et Bonnet (a). Ce der-
nier auteur a fait reproduire la même
patte jusqu'à quatre fois sur un de
ces Batraciens, et il a constaté la régé-
nération du globe de l'œil après l'ex-
tirpation de cet organe. Le même
résultat a été obtenu par Blumen-
bacli (6). Plus récemment, la régé-
nération de quelques parties a été
observée chez les mêmes Animaux
par plusieurs physiologistes (c).
J'ajouterai que Bluraenbach, ayant
détruit avec im instrument pointu
les yeux d'un Lézard vert , assure
avoir vu ces organes se reproduire
très-promptement (d),
(1) La production d'une patte nou-
velle n'a pas lieu indifféremment sur
tous les points de la longueur du
membre et ne se fait qu'à l'extrémité
de l'article qui suit la hanche, et qui
a été désigné sous le nom de basi^
podite (e). Cette pièce du squelette
légumentairc est unie à l'article sui-
vant par soudure circulaire , mais il
s'en sépare avec une grande facilité :
ainsi il suffit à l'Animal de se roidir
brusquement pour en opérer la rup-
ture , et, lorsqu'il se trouve retenu
par le pied ou que le membre a
été cassé sur quelque autre point ,
il ne manque pas de pratiquer de la
sorte l'amputation de la partie qui
le gêne. L'hémorrhagie s'arrête pres-
que immédiatement , et le moignon
se cicatrise ; puis un tubercule se
forme sur la snrface terminale de
celui-ci, et cet appendice , en gran-
dissant, devient une nouvelle patte.
Les pieds-mâchoires et les antennes
se reproduisent de la même ma-
nière (/').
(a) Plateretii , Sulla riproduzione délie ganibe e délia coda délie Salamandre aquajicole
[Scella di opiiscoli interess., t. XXVII, p. 18).
— Spallanzani, Prodromo di un'opera da imprimersi sopra le riprodu&ioni animali, d768.
— Miirray, Comment, de redlntegratione partium nexu suo solectarum vel amissarum.
Gcitlingue, 4 787.
— Ch. Bonnet, Sur la reproduction des membres de la Salamandre aquatique (Œuvres d'his-
toire naturelle et de philosophie, 1" parlie, t. V, p. 177).
(b) Blumenbach, Kleine Schriften zur verglelchenden Physiologie, 1800, p. 129.
(c) Siebokl, Observationes quœdam de Salamandris et Tritonibus, cap. iv. Berol.
— Todd, On the Process of P,eproduction of theMembers ofthe Aquatic Salamander {Quarlerhj
Journal of Ihe fimjal Institution, 1824, t. XVI, p. 84).
(d) Blumenbacl), Spécimen physiologiœ comparativœ , 1787, p. 31.
(e) Milne Edwards, Observations sur le squelette tégumentaire des Crustacés [Ann. des sciences
nat.yS'série, 1851 , t. XVI, p. 289, pi. H , fig. 9).
(/■) Réaiimur, Sur les diverses reproductions qui se font dans les Ecrevisses, etc. {Mém. de
l'Acad. des sciences, 1712, p. 223, pi. 12).
— Collinson, Some Observ. on the Cancer major (Philos. Trans., 1745, t. XLIV, p. 70).
— Parsons, Philosoph. Obsei'v. on the analogy between the Propagation of Animais and that of
Yegetables, 1752, p. 193.
— Boilier, Sur la reproduction des pattes des Ci'abes (Observ. sur la physique, etc., deRozior,
1778, I. XI, p. 33).
— Mac CiiUocli, On the Means by which Crabs throw off their Claïus (The Quarterly Jonrn.
of Se. lin. and Arts of the Royal Institution, 1826. t. XX, p. 1).
— Heinekcn, Experiinents and Observations on the casting off and Heproduction of the Legs
in Crabs and Spiders (The Zoological Journal, 1829, t. IV, p. 284).
— Gûodsir, On the Pteproduction oflost parts in the Cruslacea (British Assoc. for theAdvanc.
of science, 1S44, Procced., p. 08).
SCISSIPARITÉ. 305
la perte d'une patte tout entière (1). Il en est de môme
pour les Myriopodes (2), et chez certains Insectes on a con-
staté des phénomènes de même ordre (3). On a vu un travail
réparateur analogue s'établir chez les Limaçons et chez
.d'autres Mollusques dont une grande partie de la tôte [Ix) avait
La reproduciion des pattes a été ken(c).J. Millier a fait voir que chez les
constatée aussi cliez les Cloportes. jeunes Pliasmiens la régénération dos
(1) Ce phénomène a été constaté pattes peut avoir lieu (d), et des faits
par Lepelletier de Saint-Fargeau et du même ordre ont été ohservés par
par quelques autres naturalistes. La Fortnum et par Newport (e).
reproduction du membre a lieu lors Gœze a constaté la réparation de
de la mue («). mutilations analogues chez une larve
(2) G. Newport a constaté expéri- de Perle (/).
mentalement, chez des Iules et des On doit aussi à Newport des expé-
Lithobies, la reproduction des pattes riences intéressantes sur le dévelop-
et des antennes, et, d'après les indices pement des pattes chez la nymphe
de régénération que cet entomologiste des Vanesses, après l'amputation de
a observés sur un grand nombre de ces appendices chez la chenille (g).
Myriopodes de la collection du Musée [h) Le fait de la reproduction de la
britannique , ce phénomène paraît ne tête des Colimaçons fut annoncé en
pas être rare dans la nature (6). 176Zi par Spallanzani [h), et provoqua
(3) La reproduction des antennes aussitôt un grand nombre de recher-
a été constatée chez des larves de ches dont les résultats furent d'abord
Blattes et des Forficules, ainsi que chez défavorables à l'opinion du savant
quelques autres Insectes, par Heine- naturaliste de Modène (i) ; mais les
(a) Lepelletier, Extrait d'un mémoire sur les Araignées (Nouveau Bulletin de la Société philo-
matique, iSlS, t. IIÎ, p. <i5i).
— Heincken, Op. cit. {Zool. Journal, d829, t. IV, p. 284).
(6) Newporl, On tlie Reproduciion of; lost parts in Myriopoda and Insects (Philos. Trans.,
1844-, p. 283, pi. 14, Rg. 1-3).
(c) Heincken, On the Reproduction of the Members in Spiders and Insects (Zool. Journal,
4 029, t. IV, p. 294).
(d) Millier, Manuel de physiologie, t. I, p. 310.
(e) Forinum, I.-etter on the Reproduction of the Limbs in a Species of Phasmidœ, the Diiira
violescens (Proceed. of the Entomol. Soc. of London, 1844. p. 98).
— Newport, Op. cit. (Philos. Trans., 1844. p. 288, pi. 14, ûg. 4).
(f) Gœze, Reproductionskraft bei den Insekten (Nalurforscher , 1778, n° 12, p. 221).
(g) Newport, Op. cit. (Philos. Trans., 1844, p. 389, pi. 14, Hg. 6-lti).
(h) Spallanzani, Prodrome di un' opéra sopra le reproduiioni animali, p. 60.
(i) Wartel, Mémoire sur les Limaçons terrestres de l'Artois, pour servir à Vhistoire naturelle
de cette province, 17 08.
— Valraont de Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle, 1776, t. V, p. 133.
— Adanson, Lettre à Bonnet (Journal de physique, ïlll, t. X, p. 173).
— Cotte, E.epériences sur les Limaçons (Journal des savants, 1770, t. I, p. 357). — Suite
des expériences et des observations sur les Limaçons (Journal de physique, 1774, t III
p. 370).
r— Voltaire, Questions siir l'Encyclopédie, 4' parlie, 1774, art. Colimaçon,
304 UEPRODUCTION.
été enlevée, et rien n'est plus commun que de trouver, sur les
bords de la mer, des Astéries dont plusieurs branches sont en
train de se reconstituer (i).
Nous voyons donc que chez tous ces Animaux l'organisme
tend toujours à se compléter, et que dans les espèces inférieures
cette tendance peut amener la reconstitution d'une partie con-
sidérable du corps.
scissipariié Kg, — j)q ^^ ^u phénouiènc de la scissiparité, il n'y a qu'un
pas à faire. Effectivement, nous avons vu, dans la dernière
Leçon, que les diverses parties de l'organisme possèdent une
vitalité propre, et que plusieurs d'entre elles, séparées du
reste de l'individu, peuvent, dans certains cas, continuer à
vivre pendant très-longtemps (2). Supposons que cliez un
expériences communiquées à l'Aca- Pour plus de détails sur ce sujet,
demie des sciences par Roos, et répé- je renverrai à Tarlicle Hélice publié
tées par Pillustre Lavoisier, ainsi que par Blainville dans le Dictionnaire
par Schœirer, Bonnet, 0. F. Millier des sciences naturelles, tome XX,
et Tarenne, ne laissèrent subsister page lii'S.
aucun doute sur la possibilité de la (1) En 17/il , à l'instigation de
régénération des tentacules, des ma- Réaumur , des expériences sur la
choires et d'une grande partie de la reproduction des parties chez les
tête (a). Suivant Tarenne, le cerveau Astéries et les Actinies furent faites
se reconstituerait aussi bien que la par Bernard de Jussieu et par Guel-
masse buccale ; mais il paraîtrait que tard (c). Dicquemare fit, tpielques an-
l'intégrité du collier nerveux circum- nées après, des rcclierches plus nom-
œsophagien est une condition indis- breuses et plus variées sur le même
pensable à h conservation de la vie de sujet (c?).
ces Mollusques (6). (2) Voyez ci-dessus, page 27/i.
(a) Voyez Colle, Op. cit. (Journal des savants, 1770, l. I, p. 357).
— SchaîlTor, Versuche iïber die Repvoduklion der Schnecken, 1768-1770.
— Bonnet, Expériences sur la n'géndration de la tête du Limaçon terrestre {Journal de
physique, Mil, t. X, p. 169).
— 0. F. Millier, Observations sur la reproduclion des parties, et notamment de la tête des
Limar.ons à coquille {Journal de physique, 1778, t. \1I, p. 111).
— Tarenne, Cochliopérie, recueil d'expériences sur les Hélices terrestres, 1808,
(6) Ougès, Trailà de physiologie comparée, t. III, p. 190.
— Moquin-Tandon , Histoire naturelle des Molhisques terrestres et fluviatiles de France,
p. 274.
(c) Kéaunnir, Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, p. ix.
Id) Dicquemare, .4« Essay towards clucidaling the History of sea Anemonies (Philos. Trans.,
1773, p. 371).
SCISSIPARITÉ. 305
Animal où celte aptitude à vivre isolément serait très-grande
dans certaines parties de l'économie, la puissance réparatrice
soit développée à un plus haut degré que chez le Lézard ou
la Salamandre, mais s'exerce d'une manière analogue, et
nous concevrons que la portion amputée, en continuant à
vivre, pourra se compléter de façon à réaliser le type propre
à l'espèce dont elle provient, et à constituer ainsi un individu
nouveau (1).
Effectivement, c'est de la sorte que les choses se passent
chez les Lombrics ou Vers de terre, les Naïs et quelques autres
Animaux annelés. Bonnet, à qui l'on doit une longue série
d'expériences intéressantes sur ce sujet, constata que si l'on
coupe en deux le corps d'un de ces Vers, chaque fragment
peut continuer à vivre et peut se compléter : la portion anté-
rieure en reproduisant une portion caudale dont elle avait été
privée, et la portion postérieure en reproduisant une tête. Les
deux Animaux formés ainsi aux dépens d'un individu unique
furent divisés à leur tour, et il en résulta quatre individus
dont la multiphcation par scissiparité fut effectuée avec non
(1) On doit à M. Vulpian des trise et des parties nouvelles s'y déve-
o!iservations intéressantes sur la per- loppent par bourgeonnement.. Dans
sistance de la vie dans la queue une des expériences faites par ce phy-
des très-jeunes têtards de Grenouille, siologiste, la queue séparée du corps
après l'ablation de celte partie. Non- a vécu pendant neuf jours ; dans un
seulement la queue ainsi séparée autre cas elle n'a péri qu'au bout de
peut continuer à vivre . et à se dix jours, et pendant ce temps elle
mouvoir spontanément pendant plu- avait considérablement grandi {a). Il
sieurs jours, mais dans certains cas y a évidemment là un degré inlermé-
elle continue à être le siège de phé- diaire entre ce qui se voit chez le
nomènes bistogéniques fort reniar- Lézard et chez les Animaux scissi-
quables. Quelquefois la plaie se cica- pares.
(a) Vulpian, Notice sur les phénomènes qui se passent dans la queue des très-jeunes embryons
de Grenouille lorsqu'on la détache du corps {Comptes rendus de la Société de biolotjie pour 1858,
]î° série, t. V, p. 81). — ■ Nouvelle expérience sur la survie des queties d'embryons de Grenouille-
après leur séparation du corps {Comptes rendus de la Société di biologie pour 1859, 2' sérig
t. VI, p. 7, pi. 9, fi-. 1 et 2j,
506 REPRODUCTION.
moins de facilité. Entin, une seule Nais, ayant été divisée en
vingt-quatre portions, donna encore des résultats analogues.
Presque tous ces fragments vécurent, se complétèrent, et devin-
rent autant d'individus semblables à l'individu souche (1).
Les Planaires peuvent également se multiplier par le fait de
la division de leur corps (2) ; mais ce sont les Hydres on
Polypes d'eau douce qui possèdent au plus haut degré cette
(1) Les expériences de Bonnet sur La reproduction d'une tête à l'ex-
la multiplication des Nais furent entre- trémité antérieure du tronçon posté-
prises à l'occasion de la découverte de rieur du corps d'un Lombric terrestre
Trembley sur les Hydres ou Polypes a été observée par Réaumur, ainsi que
d'eau douce, qui avaient excité forte- par des naturalistes plus récents {d).
ment l'intérêt de ce philosophe (a). (2) Ce fait, incomplètement aperçu
Des faits de même ordre ont été con- par Pallas , a été bien établi par les
statés plus récemment par plusieurs expériences de Draparnaud, Moquin-
autres naturalistes , tels que Gœze , Tandon et Dugès. Ce dernier, ayant
Rœsel, Spallanzani, Dugès (6). partagé, soit en travers, soit longitu-
Chez le Tubifex des ruisseaux , le dinalement, le corps de plusieurs Pla-
ll'onçon antérieur du corps se com- naires, vit chaque fragment se déve-
plète par la reproduction d'une queue, lopper de façon à former bientôt un
mais le tronçon postérieur n'est pas individu complet (e).
doué d'une puissance réparatrice ana- Il est probable que les phénomènes
logue (c). de régénération et de scissiparité dé-
(a) Bonnet, fraité d'hliectologie, ou observations stif q^ielques espèces de Vers d'ëail douce
qui, coupés en morceaux, deviennent autant d'Animaux complets, 1745, t. II.
(b) Gœze, Von xerschnittenen Wasserwilrmern, deren Stûcke nach einigen Tageti iL'iederwach-
sen und volkommene Thiere iverden (Der Naturforscher, 1774, n" 3, p. 28).
— Spallanzani, Prodroma di un' opéra, p. 13.
— Rœsel, Inseclenbelustigungen, t. III, p. 433.
— Dugès, Becherchcs szw la circulation, la respiration et la reproduction des Annélides
abranches {Ann. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 316).
(c) i. à'ÙàXkem, Histoire naturelle des Tubifex des ruisseaux, p. 32 {Mém. couronnés de
l'Acad. de Belgique, t. XXVI).
(d) Réaumur, Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes, 1742, t. VI, préface, p. LXtv.
— Ginanni, Lettera intorno alla scoperta degli Insetti che si molliplicano mediante la sexionc
de'loi'o corpi, Raccolta d'opuscoli scienlificidiCalogierà,llil, t. XXXVII, p. 255.
— Vandelli, De Vermium terrœ reproduclione, 1758.
— Vallisnieri, Sopra alcune reprodu%ioni de Lombrichi terrestri.
— Spallanzani, Prodromo, p. 12.
— Murray, Observ. de Lumbricorum setis {Opuscula, 1786, t. II, p. 401).
— Sanç;iovanni, Uebcr die Reproduction des Regenwurms (Froriep's Notizen, 1824, p. 230).
— Diigôs, Recherclies sur la circulation, la respiration et la reproduction des Annélides
abranches (Ann. des sciences nat., 1828, t. XV, p. 316).
— Newport, On the Reproduction of lost parts in Earthworms (Proceed, of tlie Linn. Soc,
1856, t. Il, p. 25G).
(e) Dugès, Recherches sur l'organisation et les mœurs des Planaires {Ann. des sciences nal.,
1828, l. XV, p. 167).
SCISSIPARITÉ. 307
propriété singulière. Au début de ce cours, j'ai pu l'occasion
de parler des expériences intéressantes laites sur ces Animaux
'par ïrembley et par d'autres naturalistes (1). Nous avons vu
alors que, chez ces petits êtres, tout fragment de l'organisme
qui est susceptible de vivre sans le concours d'autres parties,
tend à se développer de façon à réaliser la forme propre aux
Animaux dont il provient, et si les circonstances dans les-
quelles il est placé sont favorables à son existence, il devient
bientôt un individu complet.
s A. — Dans tous les cas dont ie viens de parler, la multi- scissiparité
'J " , , normale.
plicationdes Animaux par la division de leur corps n a ete qu un
accident et ne s'est produite qu'à la suite de mutilations dues à
des causes étrangères à la marche des phénomènes biologiques.
Mais dans d'autres cas cette division en deux ou en plusieurs
fragments est le résultat d'un travail physiologique normal, et
ce fractionnement , suivi du développement des parties ainsi
séparées, est un des procédés dont la Nature fait usage pour
constituer de nouveaux représentants de certains types zoolo-
giques.
En étudiant les Polypes d'eau douce, Trembley constata
des faits de ce genre : il vit le corps d'un de ces Animaux
se contracter circulairement vers le miheu, puis se rompre
crits par Sliaw comme ayant été ob- n'ont jamais donné des résultats de
serves chez des Hirudinées (o) lui ce genre. Les tronçons du corps d'un
avaient été offerts par des Plaaariés, de ces Annélides peuvent vivre très-
car dans d'autres circonstances il longtemps, mais ils ne se cicatrisent
avait évidemment confondu ces Ani- pas (6).
maux , et les expériences faites sur (1) Voyez la première Leçon de ce
les Sangsues par d'autres naturalistes cours (tome 1", page 18).
(a) Shavv, Description of the Hirudo viridis {Trans. of thc Linn. Soc, 1791, t. I, p. 94J,
(b) Dillenius, De Hirudine {Ephem. Acad. nat. curios., 1719, cent, vu et viii, p. 338].
— Thomas, Mémoire pour servir à l'histoire naturelle des Sangsues, 1806, p. 127.
— Vitel, Traité de la Sangsue médicinale, 1809, t. XXVIII, p. 331.
— Caréna, Monographie du genre Hirudo {Memorie délia R. Accad. délie scicnze di Torino,
1820, t. XXV, p. 313).
— Rossi, Osservazioni inlorno a due por^loni di Sanguisuga (Mem. delV Accad. délie science
di Torino, 1822, t. XXVU, p. 137),
— Moquin-Tandon,ilfo7iofl'rapftie di la famille des Hirudinées, 1846, p. 193.
308 REPRODUCTION.
dans le point étranglé de la sorte, et chaque fragment se déve-
lopper de façon à devenir bientôt un individu complet (1).
Certains Acalèplies, lorsqu'ils sont à l'état de strobile, sedivi-'
sent spontanément en un grand nombre de tronçons discoïdes
qui deviennent autant de Méduses (2), et un phénomène
analogue paraît môme être très-commun chez beaucoup de
(1) Trembley a vu la scissiparité se
produire à différentes liauteurs dans
le corps du Polype souche ; mais ce
mode de multiplication n'a lieu que
rarement chez ces Animaux (a). Lau-
rent a vérifié les observations de Trem-
bley, cl a trouvé qu'on pouvait déter-
miner artificiellement la formation
de ces boutures en plaçant autour du
corps des Hydres une ligature médio-
crement serrée {h).
Ainsi que je l'ai déjà dit, 1\1. G. Jbg-
ger a vu que, dans certaines circon-
stances, le corps de ces l'olypes se dés-
agrégeait ; que lessphérules ou cellules
élémentaires de leur substance, ainsi
mises en liberté, vivent pendant des
mois entiers en présentant des mou-
vements analogues à ceux des Ami-
bes, puis s'enkystent parfois. Suivant
cet auteur , les corpuscules de tissu
vivant ainsi désagrégés deviendraient,
l'année suivante, autant de nouvelles
Hydres. 11 désigne ce mode de multi-
plication sous le nom de diaspora-
genèse, ou propagation par dissémina»
tion, et il pense que les propagules
ainsi formés sont les corps décrits par
les zoologistes sous le nom d'Ami-
bes (c); mais ainsi que l'a fait remar-
quer j\l. Claparède, ils en diffèrent
considérablement , et la production
d'Hydres nouvelles au moyen de cel-
lules élémentaires désassociées d'un
individu souche est loin d'être prouvée
par les observations de M. Jaeger.
(2) Les strobiles ou individus polypi-
formes de la Médusa aurita se mul-
tiplient de la sorte (d). Nous aurons
à revenir sur ce sujet, lorsque nous
étudierons les phénomènes de géné-
ration alternante chez les Acalèphes,
et ici je me bornerai à ajouter que
la division spontanée des strobiles a
été attribuée à un bourgeonnement
par quelques auteurs (e) , mais offre
bien les caractères de la scissiparité,
comme on peut le voir par les obser-
vations de M. Van Beneden et de
M. Agassiz {[).
{a) Trembley, Mémoire pour servir à l'histoire d'un genre de Polypes, t. II, p. 54 el 147.
(6) Lnnrent, Nouvelles recherches sur i Hydre {Voyage de la Bonite, Zoophytologie, p. 25).
(tj G. Jœger, Ueber das spontané Zerfatlen der Siisswasserpolypennebst einigen Bemerkungen
iXber Generationswechsel (Sit^ungsbericht der 'Wiener Akad., 1800, t. XXXIX, p. 3il).
(d) Sars, Beskrivelser og iagattagelser, 1835, p. 16, pi. I , fig;. 6. — Mém. sur le développe-
ment de la Médusa aiirita {Ami. des sciences nat., 2° série, 1841, t. XVI, p. 321, pi. 15,
Rg. 43-4G).
(e) Desor, Lettre sur la génération médusijmre des Polypes hydraires (Ann. des sciences nat.,
3» série, 1849, t. XII, p. 211).
{f) Van Pcncden, La strobilisalion des Scyphistomes (Bulleiin de l'Acad. de Belgique, 2' série,
1859, I. VII, p. 451).
— Agassiz, Contributions lo th6 Naliiral Uistory of thç Unitii-States of America, t. IV, p. 32,
pi. H, lia.
SCISSIPARITÉ. 309
Madréporaires dont le corps se bifurque antorieureirient, et
donne ainsi naissance à deux individus portés sur un tronc
commun (1). Ce dernier genre de scissiparité se voit épjale-
merit chez les Vorticelles, et y détermine la formation d'indi-
vidus qui peuvent devenir complètement libres (2). Les Infu-
(1) Dans la grande majorité des cas,
la scissiparité des Zoantliaires com-
mence dans la région péristomienne^
qui, cessant d'être circulaire, devient
un peu ovalaire ; un second orifice
buccal se forme ensuite à côté du
premier, dans l'intérieur du cercle des
tentacules ; puis ce cercle s'infléchit
dans les points correspondant à l'es-
pace compris entre les deux bouches,
et les points rentrants s'approchent
peu à peu, de façon à constituer bien-
tôt deux anneaux conjugués, comme
le chiffre oo , au centre de chacun des -
quels se trouve un orifice buccal.
Chez quelques Goralliaires, tels que les
Méandrines, la division ne va pas plus
loin, et il en résulte des séries d'indi-
vidus qui restent entièrement unis en-
tre eux dans toute leur hauteur ; mais
en général les disques péi'istomiens
s'écartent l'un de l'autre, et, par l'ef-
fet de la croissance, acquièrent chacun
un corps particulier qui est une bi-
furcation de celui de l'individu souche.
Chez les Madréporaires , ce mode
de multiplication détermine des dis-
positions particulières du polypier,
qui peut être massif, corymbiforme
ou rameux (o). M. Dana a attribué à
tort ce phénomène à un bourgeonne-
ment calycinal, mais il a donné de
très-bonnes figures des états succes-
sifs ou définitifs de divers Zoanthaires
qui se fissiparèrent (6). '
Dalyell a constaté la reproduction
scissipareau moyen de petits fragments
détachés du bord du pied chez VAc-
tinia lacer ata (c).
Je ne connais aucun exemple de
scissiparité chez les Goralliaires de l'or-
dre des Alcyonaires.
(2) Vers le milieu du siècle dernier,
Trembley observa ce mode de multi-
plication chez le Vorticella arbus-
cula (d), et plus récemment le même
phénomène a été étudié par M. Ehren.
berg(e)etpar plusieurs autres natura-
listes. L'individu qui va se comporter
de la sorte se contracte en forme de
boucle, puis se divise longitudinale-
ment d'avant en arrière; la section
commence dans la région péristo-
mienne, de façon que l'un des nou-
veaux individus conserve le vestibule,
la bouche, l'œsophage et le bulbe ou
estomac, où se forment les bols ali-
mentaires de l'individu souche, et que
l'autre jeune conserve la plus grande
partie de la spire des cirres buc-
(fl) Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, 1. 1, p. 27 et 76.
(ft) Dana, Zoophytes, p. 77, fig. 35-39, pi. 7, fig. 1, etc. (Uiiiled States exploring Expédition
Mider the command of Captain. Wilkes, 18i6).
(c) Dalyell, Rare and remarkable Animais ofScotland, 1848, t. II, p. 230, pi. il, fig. 15.
(d) Trembley, Observations upon several Species of uiater Insects of the Polypous kind
{Philos. Trans., 1744, t. XLIV, p. 627, pi. 1, Rg. 9).
(e) Ehrenberg, Infusionsthierchen, 1838, pi. 25, fig. 3, etc.
VIII. 22
310 REPRODUCTION.
soires proprement dits peuvent se multiplier par le même
procédé (1), et quelquefois l'individu souche se partage en
(juatre ou même en huit portions qui deviennent chacune un
eaux à rextrémité de lacfuellc se
développe une nouvelle cavilé di-
gestive. M. Stein pensait que toute
la portion péristomienne de Tindi-
vidu souche était résorbée avant le
commencement de la division du
corps en deux portions, et se déve-
loppait de houveau sur chacune de
celle-ci; mais MM. Claparède et
Lachmann ont constaté que cette ré-
sorption n'a pas lieu, et que tous
les organes de l'individu souche en-
ti'ent dans la constitution de l'un ou de
l'autre des deux jeunes individus (a).
Tantôt chaque indi-vidu ainsi formé
prolonge, pour son compte, le pédon-
cule par lequel il adhère au reste de
la colonie; d'aulres fois ils acquièrent
une couronne ciliaire postérieure et
se détachent ensuite pour demeurer
libres et nager ; ou bien encore l'un
se détache et l'aulre reste adhérent
au pédoncule.
(1) Tous les Infusoires proprement
dits paraissent pouvoir se multiplier
par scissiparité ; mais il résulte des
observations récentes de M. Balbiani,
que les apparences attribuvies à ce
mode de reproduction dépendent sou-
vent d'un simple rapprochement sexuel
de deux individus qui s'accolent côte
à côte par la partie antérieure de leur
corps (h). En 1765, Beccaria aurait
vu quelque chose de semblable (c),
mais en 1769, Saussure constata le
phénomène de la scissiparité chez ces
Animalcules (d), et plus récemment
M. Ehrenberg, à qui l'on doit une
foule d'observations sur ce sujet, mon-
tra que, suivant les espèces, la divi-
sion du corps peut avoir lieu trans-
versalement , longitudinalement ou
dans les deux sens (e). Ainsi, dans
certaines circonstances, le Colpoda
cucuUus s'enkysta, puis se divise en
deux portions qui, à leur tour, se par-
tagent de la même manière ; et par-
fois cette scissiparité est portée en-
core plus loin, de façon qu'il se forme
huit jeunes qui se revêtent chacun
d'un kyste particulier et sortent ensuite
du kyste primordial par suite de la
rupture de celui-ci (/"). Dans d'autres
cas, ces Kolpodes paraissent se diviser
eiî deux ou en quatre individus sans
s'^être enkystés ; mais, ainsi que je l'ai
déjà dit, les micrographes sont au-
jourd'hui partagés d'opinion touchant
la signification de ces phénomènes,
et, dans beaucoup de cas, ce que l'on
a pris pour de la scissiparité pourrait
bien être une sorte d'accouplement ou
le résultat d'un travail génésique in-
terne {g).
(a) Cl;iparède et Lachmann, Etudes sur les Infusoires el les Rhizopodes , 3° partie, p. 247.
(6) Biilbisni, liecherches sur les phénomènes sexuels des Infusoires (extrait du Journal de
physiologie, 1861 ).
(c) Voyez Spallanzani, Opuscules de physique, t. I, p. 168.
{d) Voypz Spallanzani, Op. cit., t. I, p. i68.
(g) Elircnbcri;, Die Infusionsthierchen, etc.
(/■) Sicin, Die Infusionsthierchen, p. 21.
(g) Baibiiii, Eludes sur ta propagation des Protozoaires (Journal de physiologie, 1860, t. III,
p. 71). — Recherches sur les phénomènes sexuels des Infusoires [l'ov. cit., 1861j.
SCISSIPARITE.
Mi
Animalcule particulier (i). Des exemples de scissiparité ont
été constatés également chez les Rhizopodcs (2j. Enfin, ces
Animaux inférieurs ne sont pas les seuls qui soient susceptibles
dte se multiplier ainsi par la division spontanée de leur corps;
beaucoup d'Annélides sont dans le même cas, et nous oiïrent
normalement des phénomènes semblables à ceux dont j'ai déjà
rendu compte en parlant des expériences de Bonnet et d'autres
physiologistes sur les Nais ou sur les Lombrics terrestres.
Comme exemples d'Annélides qui se reproduisent de la sorte
au moyen d'une partie plus ou moins considérable de la por-
tion postérieure de leur corps, je citerai les Naïs, les Syllis, les
Myrianes et quelques Serpuliens (3).
(1) La mulliplication par scissipa-
rité n'a été observée que dans un petit
nombre de cas. Dujardin a vu des
fragments du corps des Amibes ou Frô-
lées vivre pendant très- longtemps (a),
>I. Schneider a vu, chez la Difflugia
enchœlis, deux individus résulter de
la division spontanée d''an seul (6) ;
MM. Glaparède et Lachmann ont dé-
crit un phénomène analogue chez
l-¥rnwla epishjlidis- (c).
(2) La reproduction des Spongillespar
scissiparité a été étudiée par Laurent.
Le fragment détaclié artificiellement
ou naturellement du Zoophyte souche
se creuse d'une cavité qui bientôt
s'ouvre au dehors, et constitue la partie
centrale d'un système de canaux
aquifères (d). Il est aussi à noter que
les Spongiaires jouissent à un très-
haut degré de la faculté de réparer
les solutions de continuité, et que les
parties complètement séparées ou
même étrangères l'une à l'autre se
soudent rapidement entre elles dès
qu'elles sont en contact (e).
(3) Il paraît y avoir des différences
assez considérables dans la manière
dont la multiplication par scissiparité
s'effectue chez les divers Annélides, et
quelquefois le résultat semble être
compliqué par des phénomènes de
gemmation.
Chez la Naïs prohoscidea , dont
la scissiparité a été constatée par
O. F. MuUer, Gruithuisen et quel-
ques autres naturalistes, le corps de
l'individu souche se partage en deux
portions à peu près égales, et à
l'extrémité antérieure de la portion
(a) Dnjarditi, Histoire naturelle des Infusoires, p. 230.
(6) Selinei.ter, Beitrâge mr Naturgeschictite der Infusorien (Archiv fur Amt. und Phvsin'
1<8^4«, p. 204). ■ j u..,
(c) Glaparède et Lachmann, Op. cit., 3" partie, p. 209, pi. 10, fig'. 2, etc.
{d} Laurent, Nouvelles recherches sur la Spongille, o!t Éponge d'eau douce iVouAnf d,- in
Bonite, Zoophytolocie, p. 1 33). \'"yugc at m
(e) Bowerbanli, On the vital Poivers of tke Spongiadce{Briîish Association for the Advnne
of Sciences, d856, Proceed. of the Sect., p. 438). ' ^'ivanc.
312 REPRODUCTION.
Gcmaiipanié. § 5. — La gemmipanté est un phénomène fort analogue à
la scissiparité ; la production de l'individu nouveau est aussi
une conséquence directe du mode de croissance du corps de
l'individu souche (1); mais les parties préexistantes de celui-ci
n'entrent pas dans l'organisation du jeune ou n'y occupent
postérieure une lête se développe
avant que la séparation ait com-
mencé (a). L'Annélide errant , dé-
crit par 0. F. Millier sous le nom
de Nereis proliféra (b), et appelé
Autolytus par les auteurs les plus
récents (c) , présente un mode de
division spontanée analogue, et M. de
Quatrefages a observé les mêmes
phénomènes chez une Srjllis de nos
côtes (d).
Chez les Serpulins, que l'on a dési-
gnés sous les noms de Prolula dys-
teri (e) et Filoyrana implexa {f),
une portion notable du corps de l'in-
dividu souche entre aussi dans la
composition de l'organisme du second
individu nouveau ; mais chez la My-
riana, que j'ai observée sur les côtes
de la Sicile, un ou deux des derniers
anneaux du corps semblent être les
seuls qui concourent directement à
la formation du jeune, et la presque
totalité de l'organisme de celui-ci ré-
sulte d'une sorte de bourgeonnement;
enfin, ce n'est pas un individu seule-
ment qui naît à l'arrière du corps de
l'individu souche, mais une série nom-
breuse de petits, qui sont d'autant plus
jeunes qu'ils sont placés plus en
avant (g).
(1) Dans le langage employé par
Burdacb, ces deux modes de multi-
plication sont désignés sous le nom
commun de génération accrémenti-
tielle, et la gemmiparité a été appe-
lée aussi génération surculaire (h).
M. Huxley a représenté les mêmes
idées d'une manière un peu différente
en appelant développement continu la
propagation par division ou par bour-
geonnement, et propagation discon-
tinue la multiplication que Burdach
appelait sécrémentitielle (i).
(fl) 0. F. Millier, Zoologia Danica, 1788, t. II, p. 15, pi. 52, fig. 6.
(b) Idem, Naturgeschichte einiger Wurmarten, pi. 1 , fig. 2 .
— Rœsel, Insectenbelustigungen, t. III, p. bH, pi. 92, fig. 3, etc.
— Gruithuisen, Anatomie der gezûgelten Naïs (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXF,
2" partie, p. 244, pi. 35, fig. 1 et 3).
(c) Grube, Die Familien der Anneliden (Wiegmann's Archiv fur Naturgeschichte, 1850, t. I,
p. 310).
Agassiz, on Alternate Génération in Annelids and the Embryology »/■ Autolytus coronatus
(Boston Journal of Nat. Hist., 1862, t. VII, p. 384.)
(d) Voyez Milne Edwards, Rapport sur une série de mémoires de M. de Quatrefages, relatifs à
l'organisation des Animaux sans vertèbres des côtes de la Manche (Ann. des sciences nat.,
S- série, 1844, t. I, p. 22).
{e) Huxley, On a Hermaphrodite and Fissiparous species of Tubicolar Annelid (Edinburgh New
PhilosophicalJournal, 1855).
— Krohn, Uebcr die Erscheinungen bei der Fortpflanzung von Syllis proliféra und Autolytus
prolifer (Archiv fur Naturgeschichte von "Wiegmann, 1852, t. I, p. 66).
(/■) Sors, Fauna littoralis Norwegiœ, 1" parlie, p. 87, pi. 10, tlg. 18 et 19.
(g) Milne Edwards, Observations sur le développement des Annélides (Ann. des sciences nat.,
3' série, 1845, t III. p. 170, pi. 11, fig. 05).
(h) Burdach, Traité de physiologie, t. I, p. 48.
(i) Huxley, On Agamic Reproduction (Trans. of the Linn. Soc, 1857, t. XXII, p. 219),
GEMMlPARITÉo 313
qu'une place très-minime, et celui-ci est constitue par des
tissus de nouvelle formation qui se développent sur un ou
plusieurs points du corps de l'individu producteur et qui
sont en continuité de substance avec ces mêmes parties. La
tendance à coordonner la matière assimilée de façon à réaliser
la forme zoologique propre à l'espèce, au lieu de se manifester
dans des fraguients plus ou moins volumineux de l'organisme
souche, se concentre ici dans un tissu nouveau produit par cet
organisme, mais ne pouvant vivre encore d'une vie indépen-
dante, et devant, pendant un certain temps, rester en connexion
intime avec l'individu qui l'engendre et le nourrit.
Les Hydres ou Polypes à bras des eaux douces se prêtent Mod
très-bien à l'étude du mode de formation des bourgeons ou "^ Ts'"""
excroissances reproductrices. Ces petits Animaux, comme j'ai repSturs
déjà eu l'occasion de le dire, ont le corps à peu près cylin- *^ "'' ' '''•
drique et creusé dans presque toute sa longueur d'une grande
cavité digestive qui inférieurement se termine en cul-de-sac, et,
par l'extrémité opposée, communique avec le dehors au moyen
d'une bouche située au sommet d'un renflement dont la base
est entourée d'un cercle de bras ou tentacules filiformes. Le
bourgeon ne consiste d'abord que dans un léger renflement
d'un point bien circonscrit de la paroi latérale de la cavité
stomacale qui fait alors saiflie à la surface du corps et prend
bientôt la forme d'un tubercule ou mamelon (1). Celui-ci s'al-
(1) La multiplicaiion des Hydres par volume exercent sur les parois de la
gemmation a été très-bien étudiée par cavité digestive. En général, les bour-
Trembley et par plusieurs autres natu- geons reproducteui-s se développent
ralistes. Elle a lieu fréquemment pen- près du pied de l'Animal, et il est
dant la saison chaude , quelquefois rare d'en voir plus de ti'ois ou quatre
aussi en hiver, et paraît être provo- sur le même individu ; mais en nour-
quée par l'excitation mécanique que rissant ces Polypes abondamment avec
les matières alimentaires d'un certain des larves dont le corps est anguleux
(a) Trembley, Mémoires 'pour servir à l'histoire d'tm genre de Polypes d'eau doute, l. II, p. 3
et suiv.
31 â- REPRODUCTION.
longe et se creuse d'une cavité qui en occupe l'axe, et qui est un
prolongement de l'estomac de l'individu souche, mais qui ne
communique pas directement avec l'extérieur et se termine en
cul-de-sac extérieurement. Les tentacules commencent alors
à naître autour de l'extrémité libre du bourgeon, dont la base
se rétrécit et se transforme en un cylindre plein, de manière
à interrompre la communication entre la cavité centrale de
l'individu en voie de formation et l'estomac de l'individu
souche. Puis l'extrémité opposée du bourgeon se renfle et se
perfore pour donner naissance à la bouche. Enfin le pied
s'étrangle, et le nouveau Polype ainsi constitué se détache
de rindividu producteur pour devenir libre et jouir d'une
vie complètement indépendante de la sienne,
siuitiiiiicaiion ^a plupart des Coralliaires, les Sertulariens, quelques Médu-
.;oraUiaires, saircs, Ics Bryozoaircs et certaines Ascidies, sont susceptibles
ar blur'geon- ^6 sc multiplicr d'unc façon analogue ; il en est de même pour
nemcnt. (.eptains Vers. Mais en général les nouveaux individus provenant
de bourgeons restent fixés sur l'individu souche et se repro-
duisent à leur tour par gemmafion ; il en résulte des colonies
ou agrégats de Polypes qui sont unis par continuité de sub-
stance, et constituent en quelque sorte un Animal complexe.
Tantôt l'estomac du jeune reste en communication directe avec
celui de l'individu dont il naît (1), d'autres fois il s'en trouve
séparé par une portion du tissu commun ; mais en général
et distend sur certains points leur liaires de l'ordre des Alcyonaires,
estomac, on a vu des bourgeons se dont j'ai formé le genre Alcyoni-
forraer sur les parties moyenne et dia (6) ou ParalGxjonium (c).
antérieure du corps (a). La gemmation C'est à raison d'un mode de geni-
n'a jamais lieu sur les tentacules. mation analogue que les colonies de
(1) Par exemple, chez les Coral- Sertulariens présentent une cavité di-
(o) Laurent, Nouvelles recherches sur la Spongille, ou Éponge d'eau douce, p. 4 {Voyage de
la Bonite, Zoophytologie).
(b) Milne Edwards, Mémoire sur un nouveau genre de la famille des Alcyonaires {Ann, des
sciences nat., 2» série, 1835, t. IV, p. 328, pi. 1-2, fig. 1, et pi. •13, fig. 6).
(ft) Idem, Histoire des Coralliaires, t. I, p. 429.
GEMMIPARITÉ. 3i5
(les voies restent ouvertes pour le passage des liquides nour-
riciers d'un estomac à l'autre, de façon que l'alimentation de
chaque membre de la communauté profite à ses voisins. 11 est
aussi à noter que chez certains Coralliaires les tourgeons se
forment dans l'épaisseur de la couche extérieure du corps du
Polype ou du tissu commun qui unit entre eux les divers
individus (1), et que chez les Bryozoaires, ainsi que chez les
gestivc et irrigatoh'e rameuse et com-
mune (a). Lorsque le bourgeon repro-
ducteur commence à se former, il ne
consiste qu'en un épaississement du
tissu mou qui tapisse intérieurement
la tige cornée de ces Zaophytes, et qui
circonscrit leur cavité digestive ; à
mesure que cette excroissance grossit,
la portion adjacente du polypier se
dilate , et il en résulte bientôt un
tubercule qui s'allonge en forme de
branche, puis se renfle à son extré-
mité. Un canal central s'y creuse en-
suite, et la partie terminale qui va
constituer la portion protractile du
Polype se sépare latéralement de la
partie correspondante du polypier qui
affecte la forme d'mie cupule ; elle de-
vient ainsi cla viforme, et la couronne de
tentacules circumbuccaux commence
à se dessiner sur son bord antérieur ;
enfin, la bouche se constitue, et ces
derniers appendices s'allongent et de-
viennent protractiles. Divers degrés de
l'évolution de ces bourgeons ont été
décrits et figurés par plusieurs natura-
listes chez les Campanulaires ou Ser-
tulaires (6). La multiplication par
bourgeons a été observée aussi chez
quelques Médusaires du groupe des
Gy mnophthalmes, notamment chez des
Thaumantias et des Lizzies (c).
(1) Ainsi, chez les Alcyons propre-
ment dits, ou Lobulaires, où le cœ-
ncnchyme est Irès-épais et parcouru
par une multitude de canaux rameux
qui naissent du fond de la cavité
digestive de chaque individu, le bour-
geonnement consiste d'abord en une
sorte d'hypertrophie de ce tissu com-
mun. 11 se forme ainsi une protubé-
rance plus ou moins volumineuse dans
l'épaisseur de laquelle se développent
ensuite plusieurs individus nouveaux.
Pendant la première période de cette
gemmation, la partie en voie de déve-
loppement ressemble extrêmement à
im Spongiaire [d).
(a) Voyez tome III, pac^e 52.
(6) Ca\o\in\, Memorie per servir e alla si oria de' PoUpi mariiii, 1T85, p. 151, pi. 5, fig. 3.
— F. Meyen, Obsei'valiones znologicce (Nova Acta Acad. nat. curios., 1834, t. XVII, Supplé-
ment, pi. 30. iig. 1 et 2; pi. S'a, 33, 34).
— Lister, Soine Obseruatiois on Ihe Structure and Fiuictions of Tubular and Cellular Polypi
and AscidicB (Philos. Trans., 1834, p. 373, pi. 9, etc.).
— Van Beneden, Mémoire sur les Campanu' aires delà côte d'Ostende considérées sous les
rapports physiologique, embryologique et zoologique [Mém. de l'Acad. de Bruxelles, 1844, t. XVII,
p. 21, pi. 1, fig 5-11).
— Idem. Recherches sur V embryogénie des Tubulaires {loc. cit., pi. 5, &g. 10-14).
— Agassiz, Contributi ins to the Natural History of the United States of America, t. IX.
(c) Sars, Fauna Norwegiœ.
— K. Foi'bes,.A Monograph of the Britlsh naked-eyed Medusx, p. -16 {Ray Society, 1858).
(d) Miliie Edwards, Observations sur les Alcyons proprement dits (Ann. des sciences nat.,
S° série, 1835, t. IV, p. 339, pi. 16, fig. 1 et 6).
316 REPRODUCTION.
Ascidies, ils sont fournis par les parois de la cavité viscérale,
de façon à n'avoir aucune connexion avec le tube digestif de
l'individu souche (1) ; mais, dans tous les cas, la cavité dont le
bourgeon se creuse, est d'abord un prolongement ou diverti-
(l) Chez certaines Ascidies agré-
gées, telles que la Claveline lépadi-
forme, des prolongements semblables
à des stolons naissent du pied de l'Ani-
mal, et contiennent chacun un appen-
dice tabulaire de la tunique mem-
braneuse qui tapisse la cavité viscérale
dans lequel le sang dont ce réservoir
est rempli circule librement. Ces sto-
lons rampent sur le sol, et à leur extré-
mité naît un tubercule qui, en se
développant, devient un nouvel indi-
vidu (a). Chez les Ascidies composées,
le bourgeonnement se fait à peu près
de la même manière, si ce n'est que
le prolongement digitiforme de la tu-
nique de la cavité abdominale, au lieu
d'être contenu dans un appendice ra-
diciforme du système tégumentaire ,
reste empâté dans la profondeur de ce
dernier tissu (6).
Chez les Bryozoaires, les bourgeons
reproducteurs se développent tantôt
sur des prolongements stoloniformes
de l'individu souche (c), tantôt sur la
côte (d) ou à l'extrémité antérieure
du corps de celui-ci (e).
Le mode de reproduction des Bi-
phores,qui n'ont pas d'appareil génital,
paraît devoir être considéré aussi
comme un phénomène de gemmi-
parité ; seulement le bourgeonnement
a lieu dans un point déterminé à l'in-
térieur du corps et se continue de
façon à produire une série d'individus
qui restent unis entre eux en forme
de chaîne double ou de ruban, et
qui se reproduisent seulement au
moyen d'œufs Isolés (f). Nous re-
viendrons sur ce sujet en traitant
des phénomènes des générations alter-
nantes.
(a)MiliicEihvards, Observations sur les Ascidies composées, p. 4i, pi. 2, lig. 1, 1 S, etc.
(6) Idem, Op. cit., pi. T, fig. i, lb,i c,3b, 5 a, etc.
(c) Exemples : Vesir.ularia : voy. Thompson, Zoological Researches, 5" mcm , pi. 2, fig. i.
— Botverbankia : voy. Fare, Observ. on the minute Struct. ofsome of the higher Forms of
Polypi {Philos. Trans., 1837, p. 400, pi. 9, fi^. 2).
Laguncula rcpens : voy. Van Beneden, Recherches sur l'orga^iisation des Lagiincula (Mém.
de l'Acad. des sciences de Bruxelles, 1845, t. XVIII, pi. 2 et 3).
Pedicellina belgica: voy. Van Beneden, Recherches sur les Bryozoaires, histoire naturelle du
genre Pedicellina (Mém. de l'Acad. des sciences de Bruxelles, 1845, t. XVIII, pi. 9 et 10).
{d) Exemple : Alcyonelle, ou Lophopus cristallinus : voy. Trembley, Mém. pour servir à l'histoire
des Polypes, t. II, p. 140, pi. 10, fig. 8 — Raspail, Histoire naturelle de l'Alcyonelle fluviatile
(Mémoires de la Société d'histoire naturelle, 1828, t. IV, p. 114, pi. 13, fig. 3, 1, 5, etc.).
— Allman A Monographof the fresh water Polyzoa , p. 35, pi. H , dg. 10-16 {Ray. Soc,
1856).
(e) Exemple : Paludicella :\oy. Dumorlier et Van Beneden, Histoire naturelle des Polypes com-
posés d'eau, douce, 2' partie, p. 52, pi. 2 et 3 {Mém. de l'Acad. des sciences de Bruxelles,
1. XV).
{/■) Chamisso, De animalibus quibusdam in circumnavigatione terrœ observalis, 1819.
— - Escliricht, Anatomisk-physiologiske underOsgelser over Salperne {Mém. de l'Acad. des sciences
de Copenhague, 1839, t. VIM, p. 297, pi. 4).
— Krolm, Observations sur la génération et te développement des Biphores {Ann. des sciences
naU, 3" série, 1846, t. VI, p. 110).
— Huxley, Observ. upon the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma {Philos. Trans.,
1851, p. 573).
GEMMIPARITÉ. 317
culum, soit de l'estomac, soit des branches radiculaires qui
partent de cette cavité, ou bien de la grande chambre viscé-
rale qui contient le fluide nourricier, de sorte qu'il y a toujours
une solidarité nutritive plus ou moins complète entre les divers
individus. Entin, le siège des phénomènes d'accroissement
reproducteur varie, et il en résulte des différences considé-
rables dans le mode de groupement des individus et dans la
forme générale de l'agrégat constitué par ces colonies zoolo-
giques. Ainsi, chez les uns, les bourgeons peuvent naître sur
tous les points de la surface latérale du corps des individus
reproducteurs, et, en se développant, ils constituent alors des
branches disposées irrégulièrement, ou en gerbe ; tandis que
chez d'autres, la gemmation est limitée au pourtour du pied ou
à certains points déterminés de l'un des côtés du corps (i).
(1) Comme exemple de cette disse- de ces Polypes est au contraire fort
mination de la faculté gemmipare sur court, le- cœnenchyme s'étale en lame
tous les points de la surface latérale plus ou moins mince à Tune des sur-
du corps du Polype, je citerai d'abord faces de laquelle tous les Polypes font
les Hydres d'eau douce. Chez la plu- saillie , tandis que la surface opposée
part des Alcyonaires, celte propriété adhère à quelque corps étranger ,
est répandue dans toutes les parties comme chez les Anthélies (6) , ou
du cœnenchyme épais qui revêt exté- donne naissance à un Polype épider-
rieureraent ces Animaux et qui con- mique basilaire, comme chez le Corail
stitue leur polypiéroïde. Lorsque leur et les Gorgones (c). D'autres fois la
corps a une forme allongée et que portion du cœnenchyme qui va être
le cœnenchymû se développe de fa- le siège du travail reproducteur s'al-
çon à empâter toute la colonie, il en longe d'abord, etconstitue une branche
résulte des masses plus ou moins ar- rampante en forme de stolon à l'extré-
l'ondies, dans l'intérieur desquelles les mité de laquelle le jeune individu se
individus sont disposés en gerbe, ainsi développe, ainsi que cela se voit chez
que cela se voit chez les Alcyons les Cornulaires {d).
proprement dits (o). Lorsque le corps Dans l'ordre des Zoanthaires , on
(a) Milne Edwards, Observations sur les Alcyojis {Ann. des sciences nat., 2» série, 1835,
t. IV, p. 339, pi. 15 et 16).
(6) Savigny, Egypte (Histoire naturelle. Polypes, pi. 1, fig. 5).
— Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaii'es , t. [, pi. B, i , fig. 3.
(c) Cavolini, Mem. per servire alla storia dei Polipl marini, pi. 1.
— Milne Edwards, Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes, pi. 79 et 80.
(d) Idem, ibid., pi. 65, fig. 3.
318 REPRODUCTION.
innuencL' L'étude de ces parlicularités est d'un grand intérêt pour
ce phénomène Thistoirc morpliologiquc des Coralliaires et de leurs polypiers,
la conforniHiion uiais ne saurait trouver place ici, et je me bornerai a ajouter
lies Animaux , ''i, ,.,.., ,., ..
a?ré?cs. qu en gênerai tous les individus produits ainsi par gemmation
se ressemblent entre eux ; mais qu'il n'en est pas toujours
ainsi, et .que chez certains Zoophytes, ainsi que chez plusieurs
Bryozoaires, les différences sont parfois si considérables, que
l'association physiologique se trouve composée de membres
dont les fonctions, de même que la structure, sont dissem-
blables (1). La division du travail s'introduit alors dans l'as-
sociation , et les divers individus peuvent être considérés
rencontre des diflTérences analogues tence de deux sortes d'individus chez
dans la position des bourgeons el dans le Tendra zostericola {g), et M. de
les rapports des divers individus entre Oiiatrefages a observé des faits ana-
eux. Il en résulte que le polypier est logues chez les Synbydres. Celles-ci se
tantôt arborescent (a), tantôt mas- développent par bourgeonnement siu
slf (b), et d'autres fois étalé en forme une expansion basilaire commune, et
de lame (c). Quelquefois aussi les s'élèvent parallèlement entre elles en
jeunes naissent sur une expansion restant libres, excepté par le pied: les
basilaire de l'individu souche, et ne unes sont pourvues d'une couronne de
communiquent avec lui que par l'in- tentacules grêles , d'une bouche et
termédiaire de celte expansion (fZ) ; d'une cavité digestive qui communique
d'autres fois l'expansion proligère est inférieurement avec celle de ses con-
stoloniforme (e). Pour plus de détails ' génères au moyen de canalicules ; les
à ce sujet, je renverrai aux traités autres n'ont pas d'appareil digestif et
spéciaux sur les Coralliaires [f). donnent naissance à des bulbilles ou
(1) M. Nordmann a constaté Texis- bourgeons reproducteurs caducs (/;).
{a) Exemple : le Dendroplujllea ramea (voy. V Atlas du Règne animal, Zoophytes, pi. 83,
fig. i).
(b) Exemple : V Astéroïdes calycularis (voy. VAIlas du Règne animal, Zooph., pi. 83, fig. 2).
(c) Exemple : la Turbinaire grise, ou Explanaire mésentérme (voy. ï' Atlas du Règne animal.
Zoopii., pi. 83 ter, fitî. 2),
((/) Exemples : le Polythoa mamellosa (voyez Lamouroux, Op. cit., pi. 1, fior. i).
(e) Exemple : le Zoanlhus sociatiis (voyez Lamouroux, Exiwsition méthodique des genres
de l'ordre des Pohjpiers, pi. 1 , fig-, 4 et 6).
(f) Dana, Zoophytes, p. 57 et suiv. (United States exploring expédition under the command of
Caplain ^Yllkcs).
— Milne Edwards, Histoire naturelle des Coralliaires, t. I, p. 28 el suiv.
■{g) Nordmann, Recherches sur l'anatomie et le développement du Tendra zostericola (Voyage
dans la Russie méridionale et la Crimée, par Demidoff, ^840, t. 111, p. 631, Polypes, pi. 2).
(h) A. de Quatrefages, Méni. sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2' série, 1844,
t. XX, p. 230, pi. 8 et 9).
QETVIMIiPAJRrrÉ. Wi^
comme des organes particuliers d'un être complexe. Parfois
même la ligne de démarcation entre les Animatix agrégés et
les Animaux simples, mais à parties homologues multiples,
devient ainsi assez difficile à établir, et les zoologistes ne sont
pas tous d'accord au sujet de la manière d'envisager la consti-
tution de certains corps animés , tels que les Stéphanomies et
autres Hydrostatiques, qui, pour les uns, sont descolonies d'in-
dividus polymorphes unis organiquement par une partie com-
mune, tandis que pour d'autres, ce sont des individus pourvus
d'une multitude d'organes de deux ou de trois sortes qui se
répètent indéfiniment (1). Des incertitudes du même ordre *
existent au sujet du mode de constitution de certains Vers, tels
que le Ténia, qui se compose d'une série d'articles dont la pro-
duction est due à un phénomène de bourgeonnement, et dont
la structure offre la plus grande analogie avec celle de quel-
ques Animaux de la même classe dont le corps est simple :
(1) Lesiieur fut le premier à émeUrc d'hiii la plupart des naluralistes s'ac-
l'opinion que les Sléplianoraies étaient cordent à regarder ces singuliers êtres
des Animaux agre'gés vivant en so- comme des colonies de Zoophytes lié-
ciété (a) ; mais jusqu'à ces derniers téromorphes. (6) Mais, ainsi que je'
temps, la plupart des zoologistes peu- viens de le dire, la ligne de démarcation
saient que les dilïérentes parties de entre les individus agrégés de la
ces chaînes animées étaient plutôt des sorte, et les zooniles ou segments de
organes d'un seul et même individu. certains Animaux annelés qui se mul-
M.Vogt, puis MM. Leuckart, Huxley, tiplient par une sorte de bourgeon-
Kôlliker et quelques autres zoologistes, nement, est difficile à fixer avec pré-
ont donné des bases plus solides à cision (c).
rhypothèse de Lesueur, et aujour-
(à) Voyez Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, 481 G. t. fi, p. 4G2.
[b) Vogt, Recherches sur les Animaux inférieurs de la Méditerranée, 1854.
— Leuckarl, Ueber den Bau der Physatie <Zeilschnft fur ivissensch. Zoologie, 1851, t. III,
p. ISO). — Mém, sur la structure des Phijsalies et des Siphonophores [Ann. des sciences nat.,
3' série, 1852, t. XVIll, p. 201).
— Agassiz, Contributions to the Natural Mistory of the United States, 1860, t. III, p. 50 et
suiv.
(c) Quatrefages, Mém. sur l'organisation des Physalies {Ann. des sciences nat., i' série, 1854,
t. II, p. 137).
— R. Leuckart, Ueber den Polymorphismm der Individuen, oder die 'Erscheimmgen der
Ardeitstheilung in der Natur, iSbi.
320 REPRODUCTION.
jadis la plupart des zoologistes considéraient un Ténia à seg-
ments multiples comme étant un seul individu, tandis qu'au-
jourd'hui la plupart des auteurs regardent ces espèces de
rubans articulés comme des colonies composées d'autant d'in-
dividus que l'on y compte de segments (1).
r.eprojuciion § 6. — Dans quclqucs cas, la multiplication des Animaux,
par
i.uihiics. tout en étant encore un phénomène de nutrition, s'effectue
d'une manière un peu différente. La portion de l'organisme de
- l'individu souche qui correspond au bourgeon reproducteur se
détache avant d'avoir constitué un nouvel individu semblable
* au premier, mais n'en continue pas moins à vivre et à s'ac-
croître, et, en se développant, elle acquiert le mode de structure
propre aux représentants parfaits de son espèce. On désigne
sous le nom de bulbilles ces espèces de bourgeons caducs qui,
de même que chacun des fragments du corps d'un Animal fissi-
pare, jouissent de la propriété de se compléter de façon à réa-
liser la forme typique propre de leur race. On en a observé
chez quelques Zoophytes : chez les Synhydres, par exemple (2).
Mais ce mode de reproduction est très-rare dans le Règne
animal, et, du reste, les êtres chez lesquels il existe, de même
que les espèces scissipares ou gemmipares, sont susceptibles de
se multiplier aussi par oviparité.
HepiodMetion § 7. — Chcz la plupart des Animaux, et notamment chez
mojcn' ,iœufs. tous ccux qui sont élevés en organisation, ce dernier mode de
(1) Je reviendrai sur ce sujet lorsque l'individu souche. Celte excroissance
je traiterai des générations alternantes. s'allonge, puis s'étrangle à sa base, et
(2) M. de Quatrefages a fait con- enfin devient libre ; elle constitue alors
naître ce mode de reproduction chez un corps ovoïde isolé et indépendant,
la Synhydre parasite. Les bulbilles ou qui bientôt se fixe, s'allonge, se garnit
bourgeons caducs se montrent d'à- d'une couronne de tentacules à son
bord sous la forme d'un tubercule sommet, et se perfore de façon à con-
creux dont l'intérieur communique stituer un nouvel individu polypi-
librement avec la cavité digestive de forme (o).
(a) Quatrefages, Mémoire sur la Synhydre parasite (Ann. des sciences nat., 2» série, 1843,
t. XIX. p. 243, pi. 8, fig. 9 à IG).
OVIPARITÉ. 321
reproduction est le seul qui existe, et, comme je viens de le
dire, on l'observe aussi chez presque toutes les espèces qui
sont scissiparesou gemmipares. Quelques êtres microscopiques,
qui, à raison de leur petitesse extrême, n'ont pu être étudiés
d'une manière complète, ne nous ont pas encore rendus témoins
de ce phénomène ; mais il me semble probable qu'ils doivent
être susceptibles de se multiplier de la sorte, et par consé-
quent la génération ovipare me paraît devoir être considérée
comme une faculté commune à tous les Animaux.
Dans ce travail reproducteur, la formation de l'individu
nouveau n'est pas une conséquence de l'extension du tissu
constitutif de l'individu souche; la matière plastique qui y
donne naissance est produite par celui-ci sans être mise en
continuité de substance avec lui ; elle en est indépendante avant
d'être le siège d'aucun phénomène embryogénique appréciable,
et elle possède seulement l'aptitude à un développement de ce
genre. Tout en étant logé plus ou moins profondément dans la
substance du tissu vivant de l'individu souche , le corps
reproducteur n'y adhère pas, et dès l'origine il est isolé de
façon à avoir une individuahté propre. 11 consiste en une cel-
lule ou vésicule membraneuse contenant de la matière orga-
nisable, et quel que soit le degré de simplicité ou de compli-
cation de sa structure, il peut être désigné d'une manière
générale sous le nom d'œuf.
La partie essentielle de ce corps reproducteur est toujours consiiiution
,■, / 1 > T • 71' -1 » • . de l'œuf.
constituée par une sphère dite miellme, qui loge primitivement
dans sa partie centrale une cellule arrondie à parois membra-
neuses, appelée vésicule g erminative^ onvésicule de Purkinje,
en l'honneur d'un habile physiologiste de Breslau à qui on en
doit la découverte (1). Cette utricule renferme un liquide albu-
(1) Cette observation capitale, faite bliée pour la première fois en 1825, à
d'abord sur l'œuf des Oiseaux, fut pu- l'occasion du jubilé semi-séculaire de
322 REPRODUCTION.
wu'Wn^. iiiineux qui est lantôi d'une transparence parfaite, d'autres fois
eiiargé de corpuscules qui ont été désignés sous le nom de
lâches germinatives (i). Elle est entourée d'une couche plus
ou .moins épaisse de matière semi-fluide, visqueuse et gra-
nuleuse, qui est en général fortement colorée soit en jaune,
soit en brun, en vert, ou de quelque autre manière, et qui est
appelée le vitellus. C'est elle qui forme le jaune de l'œuf de
la Poule. A l'aide du microscope, on y distingue d'ordinaire
trois sortes de corpuscules: des granules blanchâtres, qui
paraissent devoir être considérés comme destinés à entrer
directement dans la constitution de l'embryon, à en être les
premiers matériaux, et qui peuvent être désignés sous le nom
de corpuscules plastiques ; des sphérules ou cellules d'un
volume plus considérable , appelées plus spécialement les
globules vitellins, qui ne paraissent jouer qu'un rôle indirect
Bluinenbach (a), et fut exposée d'une (1) Le contenu de la vésicule ger-
maniève plus complète par M. Pur- minative fut étudié vers la même
klnje dans d'autres écrits (6). En époque avec beaucoup de soin par
1833, M. Cosle découvrit la vésicule M. Wagner (/"), et l'on donne parfois
gerrainative de l'œuf des Mammi- le nom de ce physiologiste aux taches
fères (c), et bientôt après plusieurs dites germinatives qu'y s'y font re-
autres publications eurent lieu sur le marquer. D'après M. Van Beneden,
même sujet (d). M. Baer avait de son cette tache serait parfois due à- la pré-
côté constaté l'existence de cette vési- sence d'une cellule logée dans l'inté-
cule dans l'œuf d'un grand nombre rieur de la vésicule germinativc (g).
d'Animaux inférieurs (e).
(a) J. E. Purkinje, Symbolœ ad ovi historiam ante iiicubationem. Leipsig, 1825.
(6) Seconde ddiiioii de l'opuscule précédent, 1830 — Arllcle El, àms le BeHiiier Encyclope-
dischcs Worterbuch, 1834-, t. X.
(c) Cosle, Recherches sur la génération des Mammifères, 1834, p. 29.
(d) Wliarlon Jones, On the Ova of Mari and Mammiferous Brutes asthey exist in the Ovaries
before impreijnation, and on the discovery in them of a vestcle {London Médical Gazette, 1838,
p. 680).
Bernliardt et Valenlin, Symbolae ad ovi Mammalium historiam ante prœgiiatwnem, 1834.
(c) Baer, Lettre sur la formation de l'œuf.
(/■) y^?iix\av,EinigeBemerkungenund Fragen ûberdas Keimblâschen (Miiller's^rc'iiy fiir Anat.
und PliysioL., 18:}5, p. 373, pi. 8, fi^. 1-7). — Prodromias historix geaerationis llominis alque
Animalium, 1836.
(g) Van Benedon, Recherches sur la structure de l'ce,uf dans un nouveau genre de Polype
(Bulletin de l'Acad. de Bruxelles, 1847, t. VIII, p. 89).
CONSTITUTION DE l'01':UF. o'i.)
dans la formation du futur Animal, et qui consistent essen-
tiellement en matière nutritive; enfin des sphérules trans-
parentes, qui réfractent fortement la lumière, et <]ui ne pa-
raissent être que des gouttelettes d'huile (4). L'analyse composition
chimique nous apprend que le vitellus se compose princi- du viteiius.
paiement de matières albuminoïées associées à des sels orga-
niques et presque toujours aussi à des corps gras (2) ; mais
(1) Les matériaux organiques du masse vitelline ou do l'albumino, sans
vitelhis ont été étudiés au microscope clierclier à déterminer le mode de
par plusieurs observateurs, parmi les- distribution des matières entre les di-
qucls je citerai MM. Baer, Wagner, vers éléments organiques de ces
Schwann, Goste, Prévost et Lebert, corps (6).
Gourty, Thompson, etc. (a). On sait depuis longtemps que le
(2) La composition chimique des jaune de l'œuf de la Poule contient
œufs, mais plus particulièrement de une huile particulière (c), et, d'après
Tœuf de la Poule, a été étudiée par l'analyse de Prout, les matières grasses
plusieurs expérimentateurs ; mais nos s'y trouveraient dans la proportion de
connaissances à ce sujet laissent en- 29 parties sur 100, associées à 17 cen-
core beaucoup à désirer: car, d'une lièmes d'albumine et à oli centièmes
part, la distinction des principes im- d'eau (d) ; mais des recherches plus
médiats dont le vitellus est formé récentes ont fait voir que la compo-
présente de grandes difficultés , et, sition de ce vitellus est beaucoup plus
d'autre part, les chimistes n'ont exa- complexe. Ainsi , M. Chevreul en a
miné en général que l'ensemble de la extrait deux principes colorants, l'un
(a) Baer, Etvjkkelangsgeschichte der Thiere, t. II, p. 19.
— Waajner, Histoire de la génération et du développement, trad. par Habots, 4 841, p^ 41'..
— Sclnvann, Mikroscopische Untersuchungen i'tber die Natureinstimmungen in der Structiir
und dent Wachsthum der Thiere und Pflanzen, 1839, p. 55.
— Geste. Histoire générale et particulière du développement des êtres organisés, 18-17, t. I,
p. 86 et siiiv.
— Prévost et Lebert, Méin. sur la formation des organes de Va circulation, etc. (Ann. des
sciences nat., 3" série, 1844, 1. 1, p. 266 et suiv., pi. 1, ùg. 2-10).
— Gourty, Mém. sur la structure et les fonctions des appendices vitellins de la vésicule ombi-
licale du Poulet {Ann. des sciencei nat., 3' série, 1848, t. IX, p. 11).
— Allen Tliompson,art. OvuM (Todd's Cyclopœdia of Anat . and Physiol., t. V, p. 71, fig. 52, etc.
— Remak, Untersach. iiber die Entwickelunq der Wirbelthiere, 1855, p. 3.
— KôUiker, Entwickelungsgeschichtë des Menschen und der hôheren Thiere, 1861, t. I,
p. 41.
(b) Quelques observations à ce sujet ont été faites par Lehmann (Lehrbuch der phgsiologisclien
Chemie, 1853, t. II, p. 306 et suiv.).
(c) Macquer, Dict. de chimie, 1781 , t. II, p. 145.
— Hatcheti, voy. Homo, On the Formation of fat in the intestine of the TMpole and the use
of the yelk in the Formation of the Embrgo in the Egg (Philos. Trans., 1816, t. GVI, p. 308).
(d)'9ro\i\., Some: Experimenls on the Changes which take place in the fixtd principïes of the
Egg during incubation (Philos. Trans., 182:2, p. 388).
o2/i REPRODUCTION.
que la nature des substances azotées dont je viens de parler
varie suivant les Animaux. Tantôt elles ne diffèrent pas sensi-
blement de l'albumine proprement dite, tandis que d'autre-
fois elles s'en éloignent assez pour être considérées par les chi-
mistes comme constituant toute une série de principes immé-
diats particuliers, auxquels on a donné les noms de vileUine^
jaune, l'autre rouge (a). MM. Dumas
et Cahours y ont reconnu une matière
albuminoïde particulière qui a reçu le
nom devitelline (b), et qui ressemble
beaucoup à la fibrine (c) , mais que
quelques chimistes considèrent comme
un mélange de caséine et d'albu-
mine (d), hypothèse qui ne semble
cependant pas en accord avec la com-
position élémentaire de ces différentes
substances. Le jaune de l'œuf de la
Poule contient aussi de l'albumine, et
M. Lehmann paraît en avoir extrait de
la caséiae (e). Les matières grasses
que l'on en tire sont de l'oléine, de la
margarine, de la cholestérine, ou un
corps qui y ressemble beaucoup, une
matière grasse contenantdu phosphore,
et qui a été décrite sous le nom de
cérébrine ; enfin des acides marga-
rique et oléique. Mais, suivant M. Go-
bley, ces acides, ainsi que la matière
phosphorée, résulteraient de la dé-
composition d'une substance visqueuse
à laquelle ce chimiste a donné le nom
de lécithine (/"). Enfin M. Lehmann a
toujours trouvé dans le vitellus du
glucose (y).
Le jaune de l'œuf de Poule est légè-
rement alcalin et contient divers sels,
principalement à base de potasse (/().
L'acide phosphorique paraît être aussi
un des principaux principes constitu-
tifs de ces composés, et l'on y a trouvé
aussi de l'acide lactique (z). D'après
les recherches de M. Poleck, les chlo-
rures paraîtraient y manquer complè-
tement ; mais il résulte des analyses
des cendres du vitellus dues à M. Go-
bley et à MM. Rose et Weber, que le
chlorure de sodium n'y fait pas com-
plètement défaut (j). Enfin, on y a
signalé aussi la présence du fer et de
la silice.
(a) Chevreul, art. Œuf du Diclioiinaire des sciences naturelles, -1825, t. XXXV, p. 444.
(6) Dumas ei Caliours, Mém. sur les matières azotées neutres de l'organisation (Aim. de
chimie et deplvjsique, 2' série, t. VI, p. 423).
(c) Fremy et Pelouze, Traité de chimie, tSST, t. VI, p. 79.
(d) Lehmann, Lehrbuch der p)ujsiologischen Chemie, t. II.
— Day, Chemislry in its relations ta Physiology and Medicine, 1860, p. 114.
(e) Lehmann, Op. cit.
If) Gobley, Sur l'existence des acides oléique, margarique et phosphoglycérique dans le jaune
de V ceuf (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XXI, p. 766).
{g) Lehmann, Op. cit.
(h) Poleck, Analyse der Asche von Eiweiss (PoggendorfTs Annalen der Physik und Chemie,
1850, t. LXXIX, p. 155).
(i) Gobley, Recherches chimiques sur le jaune de V œuf {Comptes rendus de l'Acad. des sciences,
1845, t. XXI, p. 989 ; — Journal de pharmacie, 3* série, 1846, t. IX, p. 5).
(j) Pvose, Ueber die anorganischen Beslandtheile in den organischen Korpern (Poggendorfif's
Annalen, 1850, t. LXXIX, p. 399).
CONSTITUTION DE l'oEUF. ^^25
{['emydine, d'ichtliine, otc. (1). Enfin la masse glulincuso con-
stituée de la sorte est d'ordinaire limitée extéiieurcincnt par une
tunique utriculiforme qui est connue sous le nom de membrane
■vitelline.
Souvent la cellule ou sphère vitelline est entourée d'une
couche albumineuse plus ou moins épaisse, qui constitue le
blanc de l'œuf des Oiseaux, et qui à son tour est d'ordinaire con-
tenue dans une vésicule membraneuse ; on appelle cette partie
accessoire Valbumen (2), et dans la plupart des cas sa tunique
est à son tour revêtue d'une coque plus ou moins sohde dont
la nature varie suivant les Animaux. Chez les Oiseaux, ainsi
(i) M. Fremy a fait en comiBun
avec M. Valenciennes une série inté-
ressante de reclierchcs sur la compo-
sition cliiraique de l'œuf dans les dif-
férentes classes d'Animaux (a), et il
résulte des expériences de ces savants
que la vitelline ne se rencontre que
dans le vitellus des Oiseaux et de
quelques Reptiles ; que chez les Tor-
tues, l'œuf, très-riche en albumine et
en huile phosphorée, contient un prin-
cipe immédiat particulier auquel le
nom d'éiriydine a été donné ; que
chez les Batraciens et les Poissons
plagiostomes, les granules vitellins
sont formés par une autre substance
nommée ichthine , et que chez les
Poissons osseux celte dernière matière
est remplacée par des principes qui
s'en distinguent chimiquement, et qui
ont reçu les noms (ïichthidine et
à'ichthuline ; que la matière albumi-
noïde de l'œuf des Mollusques n'est
pas coagulable par la chaleur et dif-
fère de celle des autres œufs; enfin,
que chez les In sectes et les Arach-
nides, le vitellus contient, associé à
des corps gras, une substance orga-
nique précipitable par l'eau et parais-
sant être d'une nature particulière.
Du reste, toutes ces substances, lors
même qu'elles seraient réellement
autant de principes immédiats parti-
culiers, appartiendraient à un même
groupe, et par leur composition élé-
mentaire elles ressemblent beaucoup
à de l'albumine qui serait associée à
quelque matière phosphorée.
Il est aussi à noter que les corps
gras paraissent manquer complètement
dans l'œuf de quelques Animaux :
ainsi M. Fremy n'en a trouvé aucune
trace dans les œufs du Limaçon.
(2) La plupart des chimistes consi-
dèrent le blanc de l'œuf de la Poule
comme étant de l'albumine pure :
mais cette opinion est erronée ; il
contient aussi des matières grasses,
des carbonates alcalins et d'autres
sels ; enfin, M. Lehmann y a toujours
(a) Fremy et Valenciennes, Recherches sur la composition des œufs dans la série des Animaux
(Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1854, t. XXXVIII, p. -409, 525 et 57G).
Viii. 23
326 REPRODUCTION.
que chez divers Reptiles, c'est une lame calcaire ou coquille ;
chez d'antres Reptiles, elle est formée par une substance coriace
et flexible ; chez certains Poissons, elle a la consistance de la
corne, et chez les Insectes elle présente souvent l'aspect d'un
grillage. Du reste, cette coque, de même que la membrane de
l'aJbumen et l'albumen lui-même, ne joue qu'un rôle acces-
soire dans la constitution de l'œuf, et toutes ces parties peuvent
manquer de façon à réduire celui-ci à la sphère vitellme seu-
lement.
L'œuf est dès son origine un corps doué de vie ; il est le
siège de phénomènes physiologiques remarquables, et il se
développe par l'effet d'un travail intérieur qui a de l'analogie
avec le mouvement nutritif dont les tissus de l'organisme sont le
siège chez tous les Animaux. De même que tous les êtres
vivants, il est d'abord très-petit, mais il grandit en s'assimi-
lant des matières étrangères, et, à mesure qu'il s'accroît de la
sorte, sa constitution se modifie. En ce moment, je ne puis entrer
dans aucun détail à ce sujet; mais je puis dire d'une manière
générale que l'œuf est constitué d'abord par la vésicule germi-
native, autour de laquelle se développe ensuite le vitellus (i).
Celui-ci est formé primitivement par des granules qui parais-
trouvé du sucre (a). U est aussi à violacé, tandis que celui des œufs de
noter que Ton y remarque des diffé- certains Poissons ne colore pas ce
rences assez grandes chez diverses réactifquandils'y dissout. La tempéra-
espèces d'Oiseaux ; et il paraîtrait ture à laquelle cette substance se coa-
même , d'après les expériences de gule varie aussi ; mais il me paraît
M. Fremy, que les substances albu- probable que cela peut dépendre de
minoïdes qu'il contient ne sont pas la proportion de soude qui s'y trouve
de même nature dans toutes les associée.
classes du Règne animal (6) : ainsi, le Nous aurons bientôt à revenir sur
blanc de l'œuf dos Oiseaux, en se dis- l'étude de la structure de cette partie
solvant dans l'acide chlorhydrique , de l'œuf,
donne au liquide une couleur bleu (1) Quelques Animaux inférieurs se
(a) Lelimann, Lehrbuch der physiologischen Chemie, 1853, t. II, p. 312.
[bj Fremy et Valenciennes, Op. cit. — I''remy ei Pelouze, Traité de chimie, t. YI, p. 242, etc.
COiNSTlTUTlON DE l'oEL'F. 327
seni; être pour la plupart des corpuscules plastiques seulement,
et chez certains Animaux il n'en acquiert pas d'autres; mais
ailleurs des cellules vitellines se constituent en grande abondance
autour delà couche primitive dont je viens de parler et élaborent
dans leur intérieur des matières nutritives particulières. Ainsi,
chez la Poule, l'œuf naissant est incolore dans les premiers
temps de son existence et ne se charge de principes jaunes qu'à
une période plus avancée de son développement. La tunique
vitelline se constitue après que le vitellus lui-même est formié,
et souvent elle reste imparfaite pendant très-longtemps, de
façon à ne pas interrompre toute communication entre les
parties fondamentales de l'œuf et l'extérieur, et à présenter un
orifice appelé micropyle.
Le volume des œufs arrivés à maturité n'est aucunement
en rapport avec la grandeur des Animaux qui les produisent, et
dépend principalement de la quantité de matières nutritives
qui entrent dans la composition du vitellus ou qui se dépo-
sent plus superficiellement. Tantôt les éléments plastiques
existent presque seuls, ou du moins se trouvent disséminés sur
toute l'étendue de la sphère vitelline, et alors les phénomènes
embryogéniques primordiaux dont ils sont le siège affectent la
constitution de la totalité de cette sphère, ainsi que nous le
verrons bientôt lorsque nous étudierons la segmentation qui
précède l'apparition des premiers linéaments de l'Animal
futur. D'autres fois ces mêmes éléments sont associés à une
quantité si considérable de cellules viteUines, qu'ils ne peuvent
prêtent particulièrement bien à l'é- diée avec soin par M. Nelson, et le
tucle des premières périodes du déve- Mermis albicans, sur la reproduction
loppement de l'œuf. Tels sont les duquel nous devons à M. Meisner des
Ascarides, dont l'ovologie a été étu- observations intéressantes (o).
(a) Nelson, On the Reproduction of the Ascaris mystax {Philos. Trans,, 1852, p. 563,
pi. -2S).
— Mclsner, Beitrdge zur Anatomie und Physiologie von Mermis albicans [Zeitschrift fur
wissenschafUiche Zoologie, 1854, t. V, p. 207).
328 REPRODUCTION.
occuper qu'une pelile portion de la surface du globe vitellin,et
qu'ils y constituent seulement, à l'entour de la vésicule germi-
native, une tache blanchâtre qui est connue sous le nom de
cicatricule^ et qui, en se fractionnant au début du travail em-
bryogénique, ne modifie pas l'aspect général du vitellus.
D'autres différences encore plus importantes dépendent des
rapports qui existent entre la quantité de matière assimilable
dont l'œuf est pourvu, et la quantité de matière organisée
dont le corps de l'Animal futur élaboré dans cet œuf doit
être composé pour que ce nouvel être soit apte à vivre dans le
monde extérieur et à s'y développer. Tantôt l'œuf arrivé à ma-
turité, c'est-à-dire dans l'état où il est susceptible de devenir
le siège d'un travail embryogénique, renferme toute la matière
organisable que ce travail doit mettre en œuvre pour constituer
l'Animal nouveau, et celui-ci ne reçoit plus rien de l'être dont
il provient, au moins jusqu'au moment de la naissance. D'autres
fois la provision de matière organisable renfermée dans l'œuf
mur serait loin de suffire aux besoins de l'embryon en voie de
développement, et l'œuf continue à se nourrir et à grandir après
que celui-ci a commencé à se développer dans son intérieur ;
à cet effet, il tire de l'organisme procréateur de nouvelles
quantités de matière assimilable, à mesure que le travail
embryogénique avance, et, pour s'approvisionner de la sorte, il
contracte de nouvelles relations avec le corps vivant, dont il a
tiré son origine.
Il existe donc trois sortes d'œufs. Les uns que j'appellerai
des œufs incomplets, parce que leur contenu ne suffit pas à la
nourriture de l'embryon. D'autres qui sont au contraire des
œufs complets, c'est-à-dire pourvus de tous les matériaux consti-
tutifs de l'embryon, mais qui ne possèdent qu'une faible pro-
vision de corpuscules vitellins, en sorte que la croissance du
jeune Animal ne peut faire que peu de progrès avant la nais-
sance. Enfin d'autres encore qui sont, non-seulement des œufs
CONSTITUTION DE l'oeUF. 329
complets comme les précédents, mais des œufs encore plus
chargés de matières nutritives, et dont la splière vitelline se dé-
veloppe au point que sa portion plastique prend la forme d'une
tache locale ou cicatricule.
Les œufs à cicatricule ou à grand vitellus sont propres aux
Oiseaux et aux Mollusques de la classe des Céphalopodes. Les
œufs complets à petit vitellus se rencontrent chez les Reptiles,
les Batraciens, la plupart des Poissons et presque tous les Ani-
maux invertébrés. Enfin les œufs que j'ai appelés incomplets
appartiennent aux Mammifères et à quelques Poissons.
§ 8. — Chez quelques Animaux inférieurs, tels que les organes
reproducteurs.
Spongiaires et les Hydres d'eau douce, les œufs peuvent se
former dans toutes les parties du corps de l'individu souche (1);
mais, dans l'immense majorité des cas, la production de ces
vésicules reproductrices est l'apanage exclusif d'un organe
particulier appelé ovaire^ et presque toujours aussi l'œuf élaboré
par celui-ci ne possède pas en lui-même tout ce qui est néces-
saire à l'établissement du travail embryogénique, et, pour être
apte à devenir le siège de ce phénomène, il a besoin de
subir l'influence d'un autre produit physiologique qui le
(1) La production d'œiifs dans la que d'ordinaire les œufs ne se forment
substance des parois du corps des qu'autour du pied de l'Animal , mais
Hydres a été entrevue par Trembley que dans des conditions favorables ils
et par Rœsel (a). Pallas l'a bien con- peuvent naître sur tous les points du
statée en 1766, et depuis lors ce phé- corps. Us naissent également dans
nomène a été étudié par plusieui's l'épaisseur de la substance des parois
naturalistes (6) ; mais c'est principa- de la cavité digestive, et, en se déve-
lemeiit aux observations de L. Laurent loppant, déterminent à la surface exté-
que l'on est redevable de la connais- rieure la production de tumeurs pus-
sance du fait de la diffusion de la tulif ormes qui, en se rompant, les
faculté ovogénique. Ce zoologiste a vu laissent échapper au dehors (c).
(o) Trembley, Mém. pour servir à l'hisloire du Polype, t. II, p. 97.
— Rœsel, Insecten- Belustigungen, t. III, suppl., pi. 83.
(6) Pallas, Elenchus Zoophytorum, 1766, p. 28.
— Ehrenberg, Ueber Hydra viridis {Abhandl. der Berlin. Akad., ISSC.)
(c) Laurent, Recherches sur l'Hydre et l'Éponge d'eau douce. 1844, p. 11 et tuiv., pi. 2.
330 REPRODUCTION.
féconde et qui semble y imprimer le mouvement vital. Cet
agent excitateur est nommé sperme, ou liqueur séminale,
et la partie de l'économie qui le produit est appelée Vorgane
mâle, tandis que les ovaires et leurs annexes constituent ce
que l'on nomme appareil femelle.
Quelquefois ces deux sortes d'instruments physiologiques
existent chez le même individu , et les Animaux qui présentent
ce mode d'organisation sont dits androgynes ou hermaphro-
dites. D'autres fois la division du travail est portée plus loin
et les sexes sont séparés : l'appareil producteur de l'œuf se
trouve chez un individu qui ne possède pas d'organes mâles et
qui est appelé une femelle, tandis que l'appareil sécréteur de la
semence est porté par un individu dépourvu d'ovaire et appelé
mâle. Chaque espèce zoologique, pour être représentée d'une
manière complète et pour pouvoir se perpétuer, doit alors
être constituée par deux individus de sexes différents, un mâle
et une femelle.
Différences Chcz Ics Animaux inférieurs, les individus de sexes différents
ne se distinguent entre eux que par les caractères de l'appareil
reproducteur, et pour les reconnaître il est souvent nécessaire
d'examiner attentivement les produits de leurs organes géni-
taux. Ainsi, chez beaucoup de Mollusques dont les sexes sont
séparés, les mâles ne peuvent être distingués des femelles qu'à
l'époque où ils sont prêts à se reproduire (1) ; mais, chez la
(l) Cette similitude de conforma- division de cette classe de Mollusques
tion a fait méconnaître pendant long- en ti'ois groupes : les dioïques, les
temps l'existence d'organes mâles monoïques et les hermaphrodites ou
chez divers Mollusques et Zoophytes. unisexués (a) ; mais les monoïques
Ainsi , Blainvillc pensait que chez sont les seuls qui soient androgynes ,
beaucoup de Gastéropodes, tous les et les Gastéropodes, que l'on supposait
individus étaient femelles seulement, pourvus d'organes femelles seulement,
et il établit sur cette considération la sont en réalité dioïques (6).
(fl) Blainville, Mollusques {Dictionnaire des sciences naturelles, t. XXXII, |i. 286).
(&) Milne Edwards, Observ. sur les organes sexuels de divers Mollusques (Ann. des sciences
nat., 2- série, 1840, t. XIII, p. 375).
sexuelles.
REPRODUCTION SEXUELLE. 331
plupart des Animaux plus élevés en organisation, les différences
sexuelles sont accompagnées de particularités qui portent sur
d'autres parties de Téconomie, et qui souvent n'ont même
aucune relation apparente avec les fonctions de la génération.
€es différences sexuelles, que l'on pourrait appeler secondaires,
sont très-prononcées chez beaucoup d'Insectes, ainsi que chez
la plupart des Mammifères et des Oiseaux ; mais elles ne se
manifestent que rarement dans le jeune âge, et en général les
femelles adultes ressemblent aux jeunes beaucoup plus que ne
le font les mâles. Il est aussi à noter que d'ordinaire les diffé-
rences spécifiques qui existent chez les divers membres d'un
même genre sont moins grandes chez les femelles que chez les
mâles. Les premières sont des représentants plus vrais du
type moyen de l'espèce ou du genre, et c'est chez le mâle que
se développent au plus haut degré les caractères propres de
•chaque espèce en particulier. Ainsi, tout ce luxe de plumage
qui rend beaucoup d'Oiseaux si remarquables n'existe ordinai-
rement que chez le mâle adulte, et c'est seulement chez les
individus du même sexe que l'on rencontre les formes extraor-
dinaires qui donnent à divers Coléoptères un aspect des plus
bizarres : par exemple les énormes pinces mandibulaires du
Lucane cerf-volant et les cornes du Scarabée Hercule.
La tendance de la Nature semble être de porter le dévelop-
pement organique plus loin chez le mâle que chez la femelle
et de ne l'effectuer que plus lentement. Ainsi, chez plusieurs
Insectes, la femelle reste aptère comme l'est la larve (1), et il
serait superflu de rappeler ici que dans l'espèce humaine la
précocité de la Femme est plus grande que celle de l'Homme.
La faculté génératrice n'existe jamais dans le jeune âge ; elle
(1) Par exemple, chez le Lampyre sous le nom vulgaire de Ver liiî^
commun, dont la femelle est connue sant (a).
(a) Voyez l'Atlas du Règne animal de Guvier, Insectes, pi. 39, fig. 5 et 6.
S3""2 REPRODUCTION.
ne se développe qu'à une période plus ou moins avancée de la
vie, lorsque l'activité physiologique de l'organisme cesse d'être
appliquée principalement à l'accroissement du corps, et que
l'Animal est parvenu à une taille qu'il ne devra dépasser que
peu, ou, en d'autres termes, lorsqu'il est arrivé à l'état
adulte. Chez beaucoup d'Animaux, la plupart des Insectes, par
exemple, elle ne s'exerce que pendant un temps très-court,
et le travail de propagation est bientôt suivi de la mort des
reproducteurs ; mais chez d'autres l'activité sexuelle se pro-
longe, soit d'une manière continue, soit périodiquement pen-
dant une grande partie de la vie, et ne cesse que dans la
vieillesse.
L'ahmentation, la température et les autres conditions bio-
logiques exercent beaucoup d'influence sur l'époque où la
fécondité se manifeste; mais celle-ci varie surtout suivant la
nature des Animaux, et c'est lorsque nous étudierons l'histoire
de la reproduction dans chacun des groupes zoologiques en
particulier que nous pourrons nous en occuper le plus utile-
ment- C'est aussi en faisant cette étude que nous examinerons
en détail le mode de constitution des organes de la généra-
tion ; mais avant que d'aborder ces points, il nous faut examiner
d'une manière générale le phénomène fondamental de la fécon-
dation et en bien préciser le caractère, sujet dont je traiterai
dans la prochaine Leçon.
SOIXANTE -TREIZIÈME LEÇON.
De la génération sexuelle. — Condition de la fécondation de l'œuf; contact de la
sphère vitellineavecla liqueur séminale. — Étude de ce liquide. — Spermatozoïdes;
leur conformation et leur moile de développement; leur rôle dans la fécondation
de l'œuf. — Organes de la reproduction chez les divers Animaux; pcrfeclionne-
ment progressif de ces instruments conformément au principe de la division du
travail physiologique. — Hermaphrodisme complet; hermaplirodisme relatif; séiia-
ration des sexes ; fécondation intérieure ; viviparisme ; lactation, etc. — Parthéno-
genèse.
§ 1. — Les médecins physiologistes et les naturalisles de "jj;;;;°";^''
l'antiquité, se livrant à des spéculations de l'esprit plutôt qu'à^^ fécondation.
l'observation des faits, ont créé beaucoup d'hypothèses pour
expliquer le phénomène de la fécondation, mais n'ont eu à ce
sujet que des idées fausses. Ils supposaient que dans l'espèce
humaine, • ainsi que chez les autres Mammifères, un liquide
séminal était élaboré par la mère aussi bien que par le père, et
que le produit de la conception était le résultat du mélange de
ces deux fluides ; ils étaient partagés d'opinion quant à l'ori-
gine de ces liquides prolifiques, mais aucun d'eux ne soup-
çonna que chez les Animaux vivipares la femelle produisît des
œufs, comme cela était si facile à reconnaîlre chez les Ovi-
pares (1). Cette hypothèse régna sans conteste jusqu'au milieu
(1) Hippocrate supposait que la fe- respondantes ; enfin que l'embryon ré-
melle, aussi bien que le mâle, produi- sultait du mélange de ces deux sortes
sait dans toutes les parties de l'orga- de liquides prolifiques dans l'utérus
nisme une liqueur sémiaale qui était de la mère (a). Aristote attribuait
transportée dans la moelle épinière, et aussi la conception à l'union de la
de là dans l'appareil génital par les liqueur séminale du père avec un
reins, et que les éléments de cette liquide analogue élaboré par la mère ;
semence représentaient chacun les mais il combattit les opinions d'Hip-
parties dont ils provenaient, de façon pocrate relativement à l'origine de ces
à donner naissance à des parties cor- matières, et il pensa que la liqueur
(a) Hippocrate, De la génération, etc. {Œuvres, trad. par Litlré, t. YII, p. 741).
S3/l REPRODUCTION.
du xvii' siècle, époque à laquelle Harvey s'efforça de jeter de
nouvelles lumières sur l'histoire de la génération à l'aide de
recherches expérimentales faites sur les Animaux. La marche
suivie par ce grand physiologiste était excellente ; mais les
moyens d'investigalion lui firent défaut, et, induit en erreur
par quelques observations incomplètes, il fut conduit à consi-
dérer la fécondation comme résultant de l'action exercée par
le sperme du mâle sur l'organisme de la femelle, sorte de
contagion qui aurait rendu celle-ci apte à produire des œufs
féconds (1).
Fécondation Si Ics physiologistcs, au lieu de s'en tenir à l'étude des phé-
'l'œufs , 1 1 • T 1 i • r -
déj;, pondus, noraenes de la vie chez les Anmiaux supérieurs, avaient exa-
miné attentivement ce qui se passe chez les Poissons, cette
hypothèse n'aurait pas été accueillie avec faveur, et par ana-
logie, au moins, ils auraient été conduits à considérer la fécon-
dation comme étant toujours la conséquence de l'action directe
de la liqueur séminale du mâle sur les produits de l'appareil
génital de la femelle; ils auraient pensé aussi que ces der-
niers produits consistent, non pas en un hquide, ainsi que le
supposaient les anciens, mais en ceufs inaptes à devenir le
siège d'un travail embryogénique, sans avoir subi cette influence
spéciale.
séminale de la femelle élait un pro- sur deux séries d'observaUons, l'une
duit du sang des menstrues [a). Ga- relative à la faculté que possède la
lien admettait aussi l'existence d'une Poule de produire des œufs sans le
liqueur séminale chez la femme ; mais concours du mâle , à la stérilité de
il attribua la sécrétion de ce produit ces œufs et à la durée de l'influence
aux ovaires, organes qu'il considéra fécondante du coït chez ces Oiseaux ;
comme les analogues des testicules du l'autre portant siu' la non-existence
mâle et qu'il désigna même sous le de hquides reproducteurs dans la ma-
nom de testicules femelles (6). trice des Biches peu de temps après
(1) llarvey se fonda principalement l'accouplement (c).
(a) Arislole. De generalione Animalium, lib. I [Opei'a omnia, t. I, p. 1048).
(6) Galien, De semine, lib. II.
(c) Harvey, Exercitationes de generatione Animalium, oxefcit. xxxii, lxvii, etc.
FÉCONDATION. «^«^5
En effet, les zoologistes n'ignorent pas que souvent les
Poissons remontent les rivières pour ehercher au loin des lieux
propres à la reproduction, et que parfois les femelles arrivent
seules dans ces frayères et y déposent leurs œufs avant que
les mâles les aient suivies ; que les œufs ainsi pondus ne se
développent qu'à la condition d'être fécondés ultérieurement,
et que cette fécondation est produite lorsque le mâle, sans
s'être approché de la femelle, verse sa laitance sur les œufs
ainsi pondus. Divers faits de cet ordre n'avaient pas échappé
à l'attention des pêcheurs, et vers 1763 on avait même pro-
posé d'en faire l'application à la pisciculture, en opérant arti-
ficiellement la fécondation des œufs de Poissons dont on vou-
lait se servir pour le repeuplement des étangs ou des cours
d'eau (i).
Il était donc évident que chez ces Animaux la prétendue
influence du sperme sur la faculté génératrice de la femelle
ne pouvait entrer en jeu, et que la condition essentielle de la
fécondation des œufs produits par celle-ci était le contact
direct de ces corps avec la liqueur séminale du mâle.
On savait également que, chez la Grenouille et le Crapaud,
il n'y a pas de véritable coït, et que le mâle féconde les œufs de
(1) Cette manière d'obtenir la multi- après par Goldstein (b). Vers 18Û6,
plication de la Truite fut décrite avec elle fut présentée comme une inven-
détail en 1763, par un naturaliste tion nouvelle par deux pêcheurs des
hanovrien nommé Jacobi (a), etcom- Vosges (c), et elle a donné lieu à
muniquée à Duhamel peu de temps beaucoup de publications {d).
(a) Voyez Yarrel, A History of British Fishes, 1841, t. II, p. 87 etsuiv.
(6) Duhamel du Monceau, Traité des pêches, 1773, 2° partie, p. 334.
(c) Voyez Milne Edwards, Rapport sur la pisciculture, adressé au ministre de l'agriculture et
du commerce {Aim. des sciences nat., 3° série, ISSO, t. XIV, p. 53).
(d) Sliaw, Expérimental Observations on the Development and Groivth of Salmon Fray (Trans.
ofthe Royal Soc. ofEdinburgh, 1841, t. XIV).
— Boccius, A Treatise on the Production and Managment of Fish in fresh waters !/y arti-
ficial Spawning , etc., 1848.
— Costè, Instructions pratiques sur la pisciculture, 1853.
336 r.EPRODUCTION.
la femelle après leur ponte en les arrosant de sa semence à
mesure qu'ils sont expulses au dehors (1).
Tous ces faits remarquables restèrent cependant négligés ou
ignorés des physiologistes, et, pour introduire dans la science
des notions saines touchant la fécondation, il a fallu une longue
série de recherches expérimentales faites vers la fin du siècle
dernier par l'illustre Spallanzani, dont le nom revient souvent
dans le cours de ces Leçons. Après avoir vérifié les observa-
tions de plusieurs de ses prédécesseurs sur le mode de fécon-
dation des œufs de la Grenouille, du Crapaud et du Triton, ou
Salamandre aquatique, Spallanzani constata que si l'on empêche
la liqueur séminale du mâle de baigner les œufs pondus par la
femelle avec laquelle celui-ci est accouplé, on rend ces œufs
stériles. Puis il opéra sur des œufs de Crapaud retirés de l'ab-
domen d'un de ces Batraciens qui n'avait pas vu le mâle, les
arrosa avec de la hqueur séminale extraite directement des
testicules d'un Crapaud de même espèce, et bientôt après
il vit le développement de l'embryon commencer dans ces œufs
fécondés ainsi artificiellement et se poursuivre comme dans
des u^ufs dont la fécondation aurait été obtenue par les procédés
ordinaires de la Nature (2).
Spallanzani obtint le même résultat en opérant d'une manière
(1) Ces faits furent bien observés riences de Spallanzani furent faites
par Swammerclam et par Rœsel (a). en 1777 et 1780, et elles portèrent
(2) Malpighi(6)futlepremieràtenter d'abord sur des Crapauds, des Gre-
des expériences de fécondation arti- nouilles et des Tritons. Il réussit éga-
ficielle ; il opéra sur des œufs de Vers lement à féconder artificiellement des
à soie , mais il ne réussit pas (c). œufs de Vers à soie, et il obtint un
Bibiena fit des essais analogues, mais résultat analogue cbez une Chienne
sans plus de succès [d). Les expé- par Finjection d'une certaine quantité
(a) Swammcrdam, Biblia Naturœ, t. II, p. SdO, pi. 48, fig. 1.
— Rœsel, Historia naturalis Rananim, 1758, pi. d, fig. 2 ; pi. 13, ûg. 2, elc.
(b) Voyez tome I, page 41.
(c) Malpighi, Dissertalio de Bombyce (Opéra omnia, t. II).
(d) bibiena, Spicilegiiim de Bombyce [CommencAcad. Borioniensis, t. V, pars I, p, 1767).
FÉCONDATION. 337
semblable sur des œufs de Grenouille et de Triton; et, depuis
un demi-sièele, ses expériences ont été répétées avec succès
par beaucoup de physiologistes: la fécondation artificielle des
œufs par l'effet du contact de ces corps avec de la liqueur
séminale a été obtenue chez un grand nombre Animaux inver-
tébrés, aussi bien que chez des Batraciens et des Poissons.
Enfin, on a pu constater que chez les Mammifères l'introduc-
tion du sperme dans l'utérus de la femelle ne détermine pas
la fécondation de celle-ci , à moins que ce liquide ne puisse
arriver en contact avec les œufs détachés de ses ovaires. Ainsi,
plusieurs physiologistes ont vu que la ligature des conduits
qui mènent de ces organes à l'utérus empêche la fécondation
des œufs qui sont situés en amont de cet obstacle, mais n'agit
pas de même sur ceux qui sont déjà descendus plus bas (1).
de sperme dans le vagin de cet Ani- volatile du sperme pour opérer des
mal [a). fécondations (c).
Quelques physiologistes avaient (1) Des expériences de ce genre ont
pensé que la propriété fécondante du été faites sur des Lapines par Haigh-
sperme résidait dans la vapeur qui ton, Grasmeyer, Blundell et plusieurs
peut se dégager de ce liquide, et qui autres physiologistes {d). La ligature
avait été désignée sous le nom (Vaura de Toviducte d'un côté n'a pas em-
seminalis. Spallanzani fit des expé- péché le passage de l'ovule de To-
riences à ce sujet, et reconnut que des vaire dans la partie supérieure de ce
émanations de ce genre sont sans in- conduit , ni le développement des
fluence sur les œufs, tandis que le jeunes dans l'utérus du côté opposé,
contact direct de ces corps et de la mais a toujours été suivie de la stéri-
liqueur séminale détermine leur fé- lité de la moitié correspondante de
condation (6). MM. Prévost et Dumas l'appareil génital. Nous reviendrons
ont constaté également, et avec plus sur ces faits en étudiant l'histoire de
de rigueur, l'inaptitude de la partie la reproduction chez les Mammifères.
ia] Spallanzani, Expériences pour servir à l'histoire de la génération des Animaux et des
Plantes. Genève, 1780.
(b) Spallanzani, Op. cit., chap. v.
(c) Prévost et Dumas, Deuxième mémoire sur la génération {Ann. des sciences nat., 1824,
t. II, p. 138).
(d) Haigliton, An Expérimental Inquiry concerning .Animal Imprégnation {Philos. Trans.,
1797, p. 159).
— Grasmeyer, Commentatio de conceptione et fecundatione humana. Gottingen, 1789.
— Blundell, Rescarches PInjsiological and Pathological, 1825, p. 32 et suiv.
§38 REPRODUCTION.
Condition II est doiic bicn établi aujourd'hui que l'aptitude de l'œuf
la fccondaiion. à développeF UD être nouveau ne dépend pas de l'influence
exercée par le mâle sur l'organisme de la femelle, mais de
l'aclion directe de la liqueur séminale sur cet œuf, phénomène
qui n'a lieu que par l'effet du contact mutuel du sperme et de ce
corps reproducteur.
Elude § 2. — Ce résultat capital étant acquis , poussons nos
'^séminak." invcsligations plus loin, et cherchons si nous pouvons décou-
vrir dans quelle partie du sperme réside la propriété fécondante.
La composition chimique de ce liquide n'offre rien de bien
particulier, si ce n'est l'existence de matières grasses phospho-
rées que l'on y trouve mêlées à des substances albumi-
noïdes (1). Mais ses caractères physiques sont des plus remar-
quables. En effet, lorsqu'on examine au microscope le sperme
d'un Chien, d'un Coq, d'une Grenouille, ou de l'un quelcon-
que des Animaux dont les physiologistes font ordinairement
usage pour leurs recherches, on y aperçoit une multitude in-
calculable de corpuscules vermiformes qui se meuvent avec
agilité et nagent en battant l'eau avec leur queue.
(1) La composition chimique de la constitution des tissus épitliéliques (c),
liqueur séminale de THomme a été Plus récemment, l'analyse de la lai-
étudiée par Vauquelin et quelques au- tance de Carpe a été faite par M. Prê-
tres expérimentateurs du commen- richs et par M. Goblcy, qui ont re-
cement du siècle actuel ; cependant connu dans ce liquide l'existence d'une
elle n'est encore que très-imparfai- matière grasse phosphorée, de sub-
tement connue (a). Ils y trouvèrent stances albuminoïdes et de divers
ime matière albuminoïdequi, suivant sels. Ce dernier chimiste y distingua
Berzelius, serait un principe immédiat plusieurs corps gras, notamment de
particulier, et qui a été désignée sous la cholestérine, de l'oléine, de la mar-
ie nom de spermatine [b) , mais qui garine, de la cérébrine et de la léci-
n'est probablement qu'un albuminate t^ine, matière qui se trouve aussi
de soude, ou cette substance protéique dans les œufs, et qui, de même que la
qui joue le principal rôle dans la cérébrine, contient du phosphore (d).
(a) Vauquelin, Expériences sur le sperme humain {Ann. de chimie^ 1791, t. IX, p. 64).
(6) Berzelius, Traité de chimie, trad. par Valerius, 1849, t. 111, p. 758.
(c) Voyez Wagner and Leuckart, art. Semen (Todd's Cyclop. of Anat. and PhysioL, t. IV).
(d) Gobley, Recherches chimiques sur la laitance de Carpe (Bulletin de l'Acad. de médecine,
t. XVI, p. 721).
FÉCONDATION. 339
La découverte de ces corpuscules animés, que l'on a dési- spermaio^ïdes
gnés d'abord sous le nom d'Animalcules spermatiqties^ mais
que l'on appelle communément aujourd'hui des Spermato-
zoïdes^ dwte de 1677, et on la doit à un étudiant en médecine
nomuié Ham. Comme on le pense bien, elle excita vivement
l'intérêt des physiologistes, et Leeuwenhoek, le plus habile
micrographe du xvu' siècle, en augmenta promptement l'im-
portance en l'étendant à beaucoup d'Animaux (1). On se con-
tenta d'abord de répéter les observations de ce naturaliste, ou
de bâtir des théories relatives au rôle des Spermatozoïdes
dans l'acte de la reproduction (2); mais quelques savants en
(1) Louis Ham, que quelques au-
teurs appellent Hammen ou Hammius,
vit pour la première fois les Sperma-
tozoïdes en août 1677 en examinant
au microscope la liqueur séminale
d'im Homme atteint de gonorrhée, et
il communiqua aussitôt ce fait à Leeu-
wenhoek, qui, après l'avoir vérifié,
en donna connaissance à la Société
royale de Londres par une lettre datée
du mois de novembre de la même
année (a). Bientôt après, ce dernier
micrographe monti'a à plusieurs natu-
ralistes des Spermatozoïdes vivants,
entre autres à Huyghens, le père du
célèbre physicien (6), et il constata
aussi l'existence de ces filaments mo-
biles dans le sperme du Chien, du
Lapin, du Bouc, du Coq et de plu-
sieurs autres Animaux. Vers le milieu
de l'année 1678, un autre savant hol-
landais, Hartsœker, en parla (c), et plus
tard ce dernier revendiqua le mérite de
cette découverte , qu'il assura avoir
faite en 107Zi sans oser la publier (d) ;
mais, quoi qu'il en soit à cet égard,
c'est incontestablement à Ham et à
Leeuwenhoek que la science est re-
devable de la connaissance des Sper-
matozoïdes. Ce dernier les a observés,
non-seulement chez divers Mammi-
fères, mais aussi chez des Oiseaux,
des Poissons, des Mollusques et des
Insectes.
(2) Pour l'énuméraiion des auteurs
qui se sont empressés de répéter les
observations de Leeuwenhoek sur
l'existence de Spermatozoïdes (ou
Animalcules spermatiques, ainsi qu'on
les appelait alors), je renverrai à un
ouvrage de Schurig sur l'histoire de
liqueur séminale (e).
(a) Leeuwenhoek, Observ. de natis e sernine genitali AnimaleuUs {Philosophical Transactions,
n° 442, 1677, t. XII, p. 1040).
(6) Birch, The Histortj of the Royal Society, 1757, t. III, p. 415.
(c) Hartsœker, Extrait d'une lettre sur la manière de faire les nouveaux microscopes, etc.
{Journal des savants, 1678, p. b55).
(d) Ideui, Essai de dioptriqite, 1694, g 88, suite des Conjectures physiques, liv. I, dissert, vu,
art. 1, 1712.
(e) Schurig', Spermatologia, 1720.
3^0 REPRODUCTION.
lirenl l'objet d'études plus approfondies (1), et de nos jours
des recherches du même ordre ont été poursuivies dans toutes ^
les parties du Règne animal (2). La présence des Sperma-
tozoïdes a été constatée dans la liqueur séminale d'une multi-
tude de Zoophytes, de Mollusques et d'Animaux annelés,
aussi bien que dans celle des Vertébrés de toutes les classes,
et, dans l'immense majorité des cas, ces corpuscules ani-
més présentent les mêmes caractères généraux , bien que
leurs formes et leurs dimensions puissent varier considéra-
blement suivant les espèces. En général, ils ressemblent à
des fils flexibles dont l'extrémité antérieure est plus ou moins
(1) Spallanzani el Gleiclien furent (2) MM. Prévost et Dumas furent
les seuls naturalistes qui pendant le les premiers à reprendre de nos jours
xviii^ siècle contribuèrent à avancer Téfude des Spermatozoïdes, dont les
notablement nos connaissances rcla- physiologistes du cornmencement du
tives aux Spermatozoïdes [a). D'autres siècle actuel avaient cessé de s'occu-
écrivains de cette époque nièrent per (e). Plus récemment, des reclier-
l'cxistence de ces corpuscules (6), ou ches très-étendues et très-approfondies
les confondirent, soi,t avec des parti- ont été faites sur le même sujet par
cules huileuses (c), soit avec les glo- un grand nombre d'observateurs ,
bules ou les détritus dont les diverses parmi lesquels j'aurai à citer princi-
sécrétions sont d'ordinaire plus ou paiement I\1M. R. Wagner, Siebold ,
moins chargées [d). Mandl, et KoUiker (/").
(a) Spallanzani, Opuscules de physique, 1777, t. II, p. 90 el suiv.
— Gleiclien, AbhandL uoer die Sameii-und Injusions-Thicrchen, 1778. — Dissert, sur la
pdnération, les Animalcules spermatiqucs, et ceux des liifusoires, avec des observations micros
topiques sur le sperme, etc., trad. de l'allemand, an VII.
(b) lleisier, Analomie, 1735, p. 235.
• — Serinci, De piincipio aut causa corpus animale formante. Allilorf, 175G.
— Ulainville, Cours de pliysiologie générale et comparée, 1833, t. III, p. 214.
(c) Linné, Sponsalia plantarum {Amœnilates academicœ, 174G, 1. 1, p. 79j.
{dj Nceillnmi, Nouvelles observations microscopiques,
— BulTon, Histoire des animaux, chap. vu.
— Ascii, De natura spermatis. Gôilingen, 1756.
(e) Prévost et Uiimas, Essai sur les Animalcules spcrmaliques de divers animaux (Mém. de la
S'ic de physique de Genève, 1821, t. I, p. 180j. — Nouvelle théorie de la génération (Ann.
des sciences nat., 1824, t. I, p. 10 et puiv., pi.).
(/"i Iludolpli Wagner, Fragmente sur Pliysiologii der Zeugung, vorzûglich ztiv mikrosko-
],ischen Analyse des Samen's (extrait des Mémoires de l'Acad. de Bavière, 1837).
— NVa-nei- and R. Lciickart, art. Semen (Todd's Cyclopœdia of Anut. and Physiol., t. IV,
p. 4"2 cl suiv.).
— Kullikor, Ileitràge zûr Kenntniss der Geschlechtsverhâltniss und der Samenflùssigkeil
luirbelloser Th'iere. Berlin, 1841. — Die Dildung der Simenjaden in Blœscheii {Denkschriften
der Schweilzerischen Gcsellschaft (ûr die gesammten Naltirwissenschaften, 184G, t. VIIIJ.
FÉCONDATION, S/jl
renflée, de façon à simuler une tête, et dont la portion suivante sperm.i(o/oï,jr,
est amincie graduellement en manière de queue. Chez l'Homme, Mammifères.
par exemple, leur partie céphaloïde, très-grosse, aplatie, un
peu élargie en arrière et subpiriforme, est suivie d'un fila-
ment caudal de longueur médiocre, qui devient excessivement
grêle et difficile à apercevoir vers le bout (1) ; le tout mesure
à peu près 6 centièmes de millimètre (2). Les Spermatozoïdes
des autres Mammifères ont en général une forme analogue ;
quelquefois cependant leur tête est élargie en avant en manière
de raquette , par exemple chez l'Écureuil ; et d'autres fois elle
est comprimée latéralement, élevée en crête et recourbée en
avant, de façon à ressembler au crochet d'un hameçon, disposi-
tion qui est très-marquée chez le Rat (3). Il est aussi à noter
(1) Les Spermatozoïdes de l'Homme je renverrai à l'ouvrage de M, Mandl
ont été figurés par plusieurs microgra- sur VAnatomie microscopique.
phes (a). (3) Dans la famille des Singes, les
(2) M. KôUiker évalue les dimen- Spermatozoïdes ressemblent beaucoup
sions de la portion céphaloïde de ces à ceux de l'Homme (c). ils ont une
corpusculesentre0""n,0035et0"'"%005 forme analogue chez le Cheval {d),
de long, sur 0°*°',018 à 0™'", 008 de l'Ane (e) etc., Chez d'autres Mammifè-
large et O^^jOOl à G"™, 0018 d'épais- res, la portion céphaloïde est ovalaire,
seur ; la longueur de la queue est par exemple chez le Hérisson (/), la
d'environ 0'"°',005 (6). Pour plus de Taupe [g], le Cochon d'Inde (A), l'É-
détails relatifs aux dimensions des cureuil d'Hudson(*), elle Chevreuil (j),
Spermatozoïdes chez divers Animaux, ou même élargie antérieui'eraent ,
(«) Voyez Gleichen, Dissert, sur la génération, pi. 1.
— Bory Saint-Vincent, Dictionnaire classique d'histoire naturelle, pi. 57, fig. 1.
— Dujardin, Sur les Zoospermes des Mammifères (Ann. des sciences nat., 2' série, t. Vlll,
pl. 9, fîg. 6).
— Wagner, Fragmente zitr Physiol. der Zeugung, pl. 1, fier. 1. — Icônes physiologiœ, -ISSO,
pl. 1, fig, t.
— Mandl, Anatomie microscopique, t. I, 2'" partie, pl. 10, fig. 17.
(b) Kôliiker, Eléments d'histologie humaine, p. 557.
(c) Exemple : les Spermatozoïdes du Cercopithecus ruber (voy. Wagner, Fragmente, p], -1,
tlg. 2, et Icônes physiol., pl. 1, fig. 'S, n° i).
(d) Voyez Prévost et Dumas, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1824, t. I, pi. 12, fig. c).
(e) Voyez Dnjardin, Op. cit. (Ann. des Sciences nat., 2' série, 1. VITT, pl. 0, fig. 7).
(0 Voyez Wagner, Op. cit., pl. 1, fig. 5.
((/) Wagner, Icônes physiol., pl. 1, fig. 3, n° 3.
(h) Voyez Dujardin, Op. cit., pl. 9, fig. 8.
(i) Burnett, On Spermatic Particules (Mem. of the American Academy, new .séries.
ij) Wagner, Icônes physiol, pl. i, fig. 3, n" 9, fig. 40, vol. V.
Vlll. 24
342 REPRODUCTION.
spermatozoùics quc (lans Cette classe il n'existe aucun rapport entre la taille des
des Oiseaux, ^ i i i ~i i • • i
Reptiles, Ole. Aniffiaux et la grandeur de leurs Spermatozoïdes : anisi, chez
le Chien et le Chat, ces corpuscules ont à peu près la même
longueur que chez l'Homme, et chez la Souris ils sont trois
ou quatre fois plus longs.
Chez les Oiseaux, les Spermatozoïdes sont en général beau-
coup plus longs, et leur portion céphaloïde est grêle, cylin-
drique ou atténuée aux deux bouts, plus ou moins flexueuse
et souvent peu distincte delà base de la queue (1). Leur forme
est à peu près la même chez les Reptiles, les Batraciens et les
Poissons de fedre des Sélaciens (2) ; mais, chez les Poissons
osseux, leur portion antérieure est d'ordinaire globuleuse, et
ainsi que cela se voit chez le Bouc et courbures seulement, tantôt beaucoup
le Bélier (o), et cette disposition est plus (/').
même plus marquée chez TÉcureuil (2) Les Spermatozoïdes des Reptiles
commun (6). n'ont été observés que dans, un petit
La forme en serpette dont il a été nombre d'espèces. Chez le Lézard com-
question ci-dessus n'existe pas seule- mun, ils ont la forme d'un cylindre
ment chez le Rat, on l'observe aussi arrondi aux deux bouts et terminé
chez la Souris (c). postérieurement par une queue très-
(1) En général, chez les Oiseaux la grêle, mais ils ne sont pas enroulés en
portion antérieure des Spermatozoïdes tire-bouchon comme chez la plupart
est allongée et s'atténue graduelle- des Oiseaux {g) ; chez la Tortue grec-
ment en arrière, de façon à ne pas que, leur portion céphaloïde est lan-
être nettement séparée de la portion céolée (/i).
caudale (d). Quelquefois cependant Chez la plupart des Batraciens anou-
elle est cyhndrique jusqu'à l'origine res, la portion antérieure de ces corpus-
de la queue, qui est très-grêle dès sa cules séminaux est également cylin-
base (e). Leur portion antérieure est drique et la portion caudale filiforme
ordinairement contournée en spirale, dès sa base (^') ; mais cliez les Pélo-
et présente tantôt trois ou quatre bâtes, ils sont amincis graduellement
(a) Prévost et Dumas. Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1824., t. I, pi. 42, fig. B et 0).
(&) Wagner et Leuckart, Op. cit. (Todd's Gyclop., of Anat. and Physiol., t. IV, p. 475, fig. 32).
(c) Wagner, Icônes physiol., pi. 1, fig. 3, n"" G et 7.
(d) Exemple : les Spermatozoïdes du Pinson et de beaucoup d'autres Passereaux (voy. Wagner,
Icônes, pi. 1 , fig. 4).
(e) Exemple : les Spermatozoïdes du Coq: voy. Wagner, Icônes, pi. i, fig. 4 i.
(f) Par exemple, chez le Merle {Turdus menda): voy. Wagner, Op. cit., pi. i, fig. 4 f.
(g) Voyez Wagner, Fragmente %ur Physiol. der Zeugung, pi. 2, fig. 15.
(h) Kolliker, Die Bildung der Samenfdden in BUischen, 4840, pi. 1 , fig. 44.
(i) Voyez Wagner, Op. cit., pi. 2, fîg. 70.
lÉCONDATION. ^^^
leur queue très-coiirle et excessivement fttéJe (1). Chez quel-
ques Batraciens, notamment les Tritons, cette dernière por-
tion du Spermatozoïde paraît être garnie d'une sorte de crête
membraneuse très-délicate qui ondule avec rapidité, et la plu-
part des micrographes pensent que cette particularité est due
aux mouvements d'une crête membraneuse ou de la partie
terminale delà queue, qui serait recourbée en avant ou enroulée
en spirale autour de la portion précédente (2).
en arrière et contournés comme chez les la Loche des étangs (g). Chez quel-
Oiseaux (a) ; enfin, chez les Salaman- ques Poissons osseux, elle est cylindri-
dres etles Tritons, la portion céphaloïde que et allongée j par exemple chez le
se rétrécit graduellement en avant (6). Flet ou Platessa flesus, L. (h)
Chez les Squales, les Spermatozoïdes ('2) Le mouvement vibralile qui se
ressemblent tout à fait à ceux des Oi- produit le long de la queue des Sper-
seaux ; leur portion céphaloïde est matozoïdes, des Tritons n'avait pas
grêle et contournée en hélice delà échappé à Spallanzani, qui a décrit cet
même manière (c) ; ils ont une confor- appendice comme étant garni lalérale-
mation analogue chez les Raies {d} ei ment d'une série de pointes (i). L'at-
cliez la Torpille (e) ; ceux des Lam- lention des micrographes fut fixée de
proies ressemblent davantage aux nouveau sur ce phénomène il y a une
Spermatozoïdes des Grenouilles, vingtaine d'années ; mais les observa-
(1) En général, la portion cépha- teurs n'ont pu se mettre d'accord sur
loïde de ces corpuscules spermatiques la nature de la, disposition organique
est splîérique seulement (/") ; mais quel- dont il dépend. M. Siebold l'attribue à
quefois on l'emarque à sa partie posté- im enroulement récurrent de la queue,
rieure une petite boule dont naît et son opinion est partagée par la plu-
l'appendice caudal, par exemple chez part des naturahstes allemands {j} ;
{a) Voyez Wagner et Leuckart, art. Sêiïen (Tod'd's Cyclop., t. IV, p. 482, fig-. 3'42).
(6) Par exemple, chez \a. Salamandra maculata {\'oy. Wagner, Op. cit., pi. 2, fig. 17) ; le Triton
ifineus (Wagner, loc, cit.).
(c) Voyez Wagner, Op. cit., pi, 2, flg. 2t.
— KôUiker, Op. cit., pi. 1, fig. 12.
(d) Voyez Lallemand, Observ. sur le développement des zoospermes de là Raié{Ann. des sciences
nat., 2» série, 1841, t. XV, pi. 10, fig. 15).
(e) Voyez Wagner, Fragmente zur Physiol. dei' Zeugung, pt. 2, fig. 20.
(/■) Par exemple, chez la Carpe: -voy. Dujardin, Op. {cit., Ann. des sciences nat. 2° ■^érie
t. VIII, pi. 9, fig. 10.)
— La Brème : voy. Wagner, Op. cit., fig. 19.
— Le Leuciscus chrysoleuchas (espèce d'Able de l'Amériqiie), voy', Burnett, Remarks upon the
Origin, elc, nf the Spermatic Particles, fig. 11 (Mcm. of the .\merica71 Academy new
séries, t. V).
(g) Voyez Wagner et Leuckart, Op. cit. (Todd's Ojclop., t. IV, p. 183, fig. 347),
(h) Voyez Burnett, Op. cit., fig. 5.
(i) Spallanzani, Opuscules de physique, 1777, t. II, p. 119, pi. d, fig. 7.
U) Wagner, Fragmente %ur Physiol. der Zengung, p. 13, pi. 2, fig. 18.
3/1 /i
REPKODL'CTION.
Spermatozoïdes Clicz les Aiiimaux iiivertébrés , les Spermatozoïdes pré-
des , , ' ^ ^
Mollusques, senlent en gênerai des formes analogues à celles qui prédo-
minent dans l'embranchement des Vertébrés. Ainsi, chez les
Mollusques, ils n'offrent sous ce rapport rien qui soit bien
important à noter (1) ; mais je dois faire remarquer que chez"
quelques-uns de ces Animaux, les Céphalopodes, par exemple,
ils ne sont pas libres dans la liqueur séminale, et se trouvent
Dujardin l'explique par l'enroulement
d'un fil accessoire (o) ; enfin, Aniici
or M. Ponchet pensent qu'il est du
aux ondulations d'une crête membra-
neuse (6), et je suis porté à croire qu'ils
ont raison (c).
Les Spermatozoïdes du Bombinator
igneus présentent une disposition ana-
logue, seulement ils sont beaucoup
plus petits {d).
(1) Les Spermatozoïdes des Cépha-
lopodes sont filiformes et médiocre-
ment élargis antérieurement ; leur
portion céphaloïde est cylindrique et
arrondie aux deux bouts et leur queue
est très-grêle. Leur grandeur varie
beaucoup suivant les espèces: ainsi,
chez la Sèche, ils n'ont pas le quart de
la longueur de ceux del'Élédone mus-
quée (e).
Dans la classe des Gastéropodes, ils
offrent des différences plus considéra-
bles. Quelquefois ils sont filiformes,
graduellement atténués vers l'extré-
mité postérieure et ondulés ou con-
tournés en spirale comme ceux de
beaucoup d'Oiseaux (/") ; d'autres fois
ces filaments se replient en boucle et
leurs deux extrémités se tordent en-
semble [g), ou bien, tout en conservant
la même forme générale, ils restent
étendus (/() ; mais, chez la plupart de
ces Mollusques, leur portion anté-
rieure est brusquement élargie en
— Mayer, Ucher die FlimmerbeiL'egimgen (Froriep's Nolix,en, 1830, p. 245).
► — Siebold , Keine Flimmerorgane an den Spennatozoen der Salamander (Froriep's Netig
Notixen, 1837, l. Il, p. 281).
(a) Dujardin, Nouveau Manuel de V observateur du microscope, 1843, p. 100.
(6) Pouchet, Sur la structure et les mouvements des Zoospermes du Triton cristatus {Comptes
rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XX, p. 1341).
(c) Milne Edwards, Rapport, etc. (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1846, t. XXIf,
p. 636).
{d) Voyez Wagner et Leuckart, Op. cil. (Todd's Cyclop., t. IV, p. 481, fig. 341).
(e) Milne Edwards, Observations sur la structure elles fonciions de quelQues Zoophytes,
Mollusques et Crustacés des côtes de la France (Anu. des sciences nat., 2° série, 1842,
t. XVIU, pi. 17, fig. 7, et pi. 14, fig. 5).
(f) Par exemple, chez les Doris : voy. Wagner et Leuckart, art. SëMEN (Todd's Cyclop. of Anal.
andPhysiol., vol. IV, p. 4b5, fig-. 356 A).
— La Paludino vivipare; voy. Wagner et Leuckart, Op. cit., p. 356 B.
(g) Par exemple, chez l'Anibi etie, ou Succinea amphibia : voy. Wagner, Fragmente %w Physiol.
der Zeugung, [il. 3, fig. 24. — Siehold, Ueber die Spermatoznen der Crustaceen, Insecten, Cas-
teropoden, etc. (Mullci's .ii'c/iiv filr Anut. und Physiol., 1836, pi. 2, fig. l-li.
{h) Par exemple , chez la Carinaire : voy. Milne Edwards, Observations sur la structure de
quelques Znophiitcs et Mollusques [Ann . des sciences nat,, 2" série, 1842, t. XVIII, pi. xi,
fi?. 7).
FÉCONDATION. 3^5
renfermés dans des réceptacles appelés spermatophores, sur
l'histoire desquels nous aurons bientôt à revenir (1). Les par-
manière de tête ovalaire ou piri- matozoïdcs est en g(?néral nettement
forme (a). Les Spermatozoïdes des caracttîrisée {cl).
Gastéropodes pulmoncs sont en gé- Il en est de même chez bs Mollus-
néral remarquablement longs, et leur coïdcs, notamment chez les Acidiesdu
renflement céphaloïde est épaissi en genre P/wi/usm (e) et les Botrylles(/").
dessus à sa partie postérieure (b) ; Les SpermatozoMes des Bryozoaires
tuais il est à noter qne ces filaments ont été observés dans plusieurs cspè-
ne sont pas encore arrivés à maturité ces, telles que le Tendra zosteri-
lorsqu'ils sont évacués par le mâle et cola (g) , le Flusira carnosa (h) ,
qu'ils subissent des changements con- le Halodactylus diaphanus {i) , le
sidérables après leur dépôt dans l'or- Palludicella Ehrenbergi (j), les Al-
ganisme de la femelle (c). cyonelles {k), etc.
Dans l'ordre des Mollusques acé- (1) Ces Spermatophores sont des
phales, la portion céphaloïde des Sper- tubes qui, après avoir été assez bien
(a) Par exemple, chez la Pa(elle : voy. Wagner et Leuckart, loc. cit., p. 185, fig. 355 A.
— L'Oscabrion : voy. Wagner et Leiickarl, loc. cit., ûg. 355 B.
— Le Vermet: voy. Lacaze-Dulhiers, Méin. sur l'anatomie et l'embi'yolo(iie du Vermet (Ann.
des sciences nal., 4« série, 1860, 1. Mil, p. 246, pi. 5, fig. 9).
— Du Pleurobranche orangé : voy. Lacaze-Dulhiers, Histoire anatomique et physiologique du
Pleurobranche {Ann. des sciences nat., i' série, 1859, t. XI, p. 365, pi. lOd, fig. 0).
(6) Par exemple, chez l'Hélix pomatia : voy. Kollikcr, Die Bildung der Samenfàden, pi. i , fig. 3.
— Wagner et Leuckart, Op. cit. (Cyclop. of Anat. and Physiol., t. IV, p. 486, fig. 357).; —
ilandl, Anatomie microscopique, 2' série, pi. iù, fig. 14.
— Le Limnée des étangs : voy. Wagner, Fragmente fiur Physiol. der Zeugung, pi. 3. fig. 26.
(c) Gratiolei, Observations sur les Zoospermes des Hélices {Journal de conchyliologie, 1850,
t. I, p. 116, pi. 9).
(d) Exemples : les Spermatozoïdes du Cyclas cornea, observés par M. W^agner (Entdeckung
mânniicher Cischlcchlstheile bei den Actinien, in Wiegmann's Archiv fur Nalurgeschichie,
1835, pi. 3, fig. S ; — Fragmente zur Physiol. der Zeuqiing, pi. 3, fig. 28).
— De l'Anodonte : voy Siebold, Fernere Beobachtung ûber die SpermatOioen der u'irbellosen
Thiere (Mtiller's Archiv fiir Anat. und Physiol., 1837, pi. 20, fig. 14)
— Delà Clavagelle et du Taret : voy. Kôllikor, Die Bildung, etc., pi. 2, fig. 29.
— Du Taret: voy. Kolliker, Op, cit., pi. 2, fig. 28 ; — Lacaze, Mcm. sur le genre Taret
(Ann. des sciences nat., 4" série, 1849, t. XI, pi. 9, fig. 34).
- — De l'Huître, de la Moule commu:;e, de VUnio, de la ïrigonelle, du Pecten, des Bucardes, du
Spondyle, de l'Anomie, du Dentale, etc., figurés (lar Lacaze- Dulbiers (/!cc/iC7'ches «ur les organes
génitaux des Acéphales lamellibranches, dans Ann. des sciences nat., 4° série, 1854, t. H, pi. 6
à 9; — • Mcm. sur l'organisation de l'Anomie, loc. cit., pi. 2, fig, 7 ; — Histoire de l'organisalion
et du développement du Dentale, dans Ann. des science^: nat., 4* série, 1856, t. VII, pi. 7,
lig. 8).
(e) KôHiker, Die Bildung, pi. 3, fig. 53.
(/■) Idem, ibid., pi. 3, fig. 54 et suiv.
(gi Nordmann, Becherches microscopiques sur l'anatomie et le developpemenl du Tendra zosle-
ricola (Demidofî, Voyage en Crimée, 1. ill, p. 668, Polypes, pi. 2, fig. 6).
{h) Kolliker, Beitrage, pi. 2, fig. 17.
(i) Van Beneden, Recherches sur les Bryox^oaires, pi. 8, fig. 4 o [Mém de l'Acad. de Bruxelles,
t. XVIII).
(i) Allman, A Monograph of tlie frcsh tvater Poly^oa, pi. 1 1 , fig. 25 (Bay Society, 1856).
{k) Dumorljor et Van Bencdcii , Uistoic-e nalurelle des Polypes composés d'un atome, pi. 5,
|i?. i,
3/|G UEPIIOULCTION.
spcrraaiozouics ticLilarités cjuc nous présente le sperme de qiiel([ues Insectes
'''ariïc~'' dépendent du mode de groupement des Spermatozoïdes plutôt
que de la conformation de ces corps (1) ; mais chez la plu-
pqrt des Crustacés et des Arachnides ils paraissent être rem-
placés par des vésicules qui ont souvent une structure fort
singulière, et qui sont probablement des spermatophores ou des
organites producteurs des Spermatozoïdes plutôt que les ana-
logues de ces derniers corpuscules. Chez les Crabes et les
Homards, par exemple, la liqueur séminale est remplie de
vésicules garnies d'appendices radiaires qui n'exécutent aucun
mouvement spontané (2) ; mais chez d'autres Podophthalmaires,
les Mysis, par exemple, des Spermatozoïdes ordinaires se
développent dans l'intérieur de gaines analogues et ne tardent
observés par Swammerdam et par la même classe les Spermatozoïdes soiU
Necdham, ont été pris par quelques filiformes et repliés en boucle avec
naturalistes modernes pour des Vers leurs deux extrémités confondues en-
parasites. Pour plus de détails sur semble [d] et il est à noter que la boucle
leur histoire, je renverrai ù lui mé- ainsi formée a été prise quelquefois
moire que j'ai publié sur ce sujet il pour un renflement céphaloïde (e).
y a une vingtaine d'années (a). Il est aussi a remarquer que chez quel-
(1) Ainsi, chez les Sauterelles et les ques Insectes les Spermatozoïdes sont
Criquets, les Spermatozoïdes sont fixés renfermés dans des ampoules qui fon^
par leur extrémité céphaloïde sur office de Spermatophores : par exemple,
une sorte de ruban, de façon à consti- ciiez les Grillons (/"j.
tuer par leur assemblage un grand fila- (2) Chez le Homard, ces corpuscules
ment barbu latéralement qui ressemble séminaux se composent d'une cellule
il une plume [h). Il en est de même ovalaire ou allongée, renfermant à l'une
chez plusieurs autres Insectes (c). de ses extrémités une petite vésicule
Chez beaucoup d'autres Animaux de ou amas de matières organiques grisâ-
(a) Milno Edwards, Observations sur la slruclure et les fonctions de quelques Zoophyles, Mol-
lusques et Crustacés des cotes de la France {Ann. des sciences nat., 2° série, d842, t. XVIII,
p.331).
(b) Siebold, Ueber die SpermatozoUcn der Locuslincn {Acta Acad. nat. curios., t. XXI, p. 251,
|d. 14, fig. 15).
(c) Par exemple, la Cig'alc (voy. Diijardin, Nouveau Manuel de l'observateur au microscope,
pi. ll.fij. 18), et le Sphodrus terricota, de l'ordre des Coléoplères (Op. cit., fig-. 19).
(d) Hammerschmidt, Ueber die Spermatozoen der Insecten (Isis, 1838, p. 358, pi. 4).
(e) Siebold, Ueber die Spermatox,oen der Crustaceen, Insecten, etc. (Miiller's Archiv fiir Anal,
iind Physiol., 1830, p. 3, pi. 2).
(/) Lespés, Mémoire sur les Spermatophores du Grylius campcsiris {Ann. des sciences nat.,
4» série, I. lH, p- 360 ; t, IV, p. 241).
FÉCONDATION. î5/l7
pas à devenir libres (1); enfin, chez quelques autres Crustacés,
la liqueur séminale ne diffère en rien de celle des Animaux
des autres classes (!2).
très, et donnant naissance, par cette
même extrémité, à trois longs appen-
dices roides etstyliformesqui divergent-
comme des rayons (a). Leur confor-
mation est à peu près la même chez la
Galatée (6) ; mais cliez l'Écrevisse (c) ,
ainsi que chez la plupart des Décapo-
des brachyurcs, leur portion centrale
est constituée par une vésicule sphé-
rîque ou lenticulaire dont partent en
rayonnant deux ou plusieurs petits
appendices styliformes (d). Chez d'au-
tres Crustacés du même groupe, la
forme de ces corpuscules est intermé-
diaire aux deux types dont je viens
déparier (e).
Chez les Pagures, ils ont d'abord une
forme analogue à celle qui se rencontre
chez les Crabes (/") ; mais ils acquièrent
en se développant une sorte de boyau
très-allongé qui fait saillie entre la base
de la couronne radiaire (g).
(1) On sait, par les observations de
MM. Frey et Leuckart, que chez les
Mysis le sperme renferme d'abord des
capsules qui ne paraissent difiércr des
corpuscules séminaux dont il vient
d'être question que par l'absence de
rayons; qu'ensuite des Spermatozoïdes
filiformes se développent dans l'inté-
rieur de ces capsules, et qu'enfin ces
Spermatozoïdes en sortent pour deve-
nir libres, état dans lequel leur forme
ne présente rien d'anormal (li). Chez
quelques Crustacés inférieurs , la li-
queur séminale est logée dans des
tubes qui font fonction de Sperma-
tophores, et qui ont quelque analogie
avec ceux des Céphalopodes, sans
avoir une structure si complexe. Ces
corps ont été observés chez les Cy-
clopes («■).
(2) Chez les Crustacés édriophthal-
mes, la liqueur séminale renferme
(a) Valenlin, Repertorium fur ISSS, p. 188.
— Kôlliker, Beitrdge %ur Kenntnissder Geschlechtsverliâltnisse, pi. 3, fig-. 23. — Observ.
pour servir à l'histoire des organes sexuels et du liquide séminal des Crustacés, etc. {Ann. des
sciences nat., 2' série, t. XIX, p. 335, pi. 9B, ûg. 3).
— Goodsir, Anatomical and Pathological Observations, pi. 5, fiçf. 19.
(6) Kôlliker, Op. cit. (Annales, t. XIX, pi. 9 B, fig. 2).
(c) Henle, Ueber die Gattung Branchiobdella (Miiller's Archiv fur Anal, und Physiol, 1835,
pi. 14, fig. 12).
— Siebold, Ueber die Spermatozoen , etc. (Miiller's Archiv fiir Anat. und Physiol, 1836,
pi. 3, fig. 24;.
— Mandl, Anatomie microscopique, 2* série, pi. 10, fig. 13.
(d) Par exemple, chez le Tourteau {Cancer pagurus): voy. Kôlliker, Op. cit. (inn. des sciences
naf., t. XIX, pi. 9B, fig. 7).
— Le Carcinus mcenas : Voy. Kôlliker, loc. cit., fig. 4;
— Le Stenorhynchus phalangiwn : voy. Kôlliker, loc. cit., fig. 0.
— VHyas aranea : voy. Kôlliker, loc. cit., fig. 5.
— Le Maia squinado : voy. Kôlliker, Die Bildung derSamenfdden, pi. 3, fig. 38,
— La Dromia Rumphii : voy. Kôlliker, Op. cit., pi. 3, fig. 4.6.
(e) Kôlliker, Beitrdge, Ueber die Bildu7ig der Samenfdden, pi. 3, fig. 50.
(/■) KôUilier, Beitrdge, pi. 2, fig. 21.
(g) Kôlliker, Die Bildung der Samenfdden. pi. 3, fig. 36 et 37.
(h) Frey et Leuckart, Beitrdge zur Kenntniss wirbelloser Thiere, 1847, pi. 10, fig. 16.
(i) Siebold , Beitrdge z-ur Naturgeschichte der wirbellosen Thiere, 1839, p. 36, pi. 2,
fi?'. 41, 405.
3/l5 RKPHODUCTION.
Dans la classe des Arachnides, la liqueur séminale présente
des anomalies analogues à celles que les Crustacés viennent
de nous offrir. Chez les Scorpions, on y voit des Spermato-
zoïdes ordinaires (1); mais, chez les Aranéides, ce liquide ne
contient que des capsules comparables à celles des Crabes,
quoique dépourvues de rayons, et les corpuscules filiformes
que l'on a vus se développer dans l'intérieur de ces cellules
chez quelques Araignées n'ont présenté ni appendice caudal,
ni mouvements spontanés; du reste, leur histoire réclame de
nouvelles études (2).
L'existence de Spermatozoïdes a été constatée aussi chez
des Spermatozoïdes dont la conforma- ayant l'apparence d'un Spermatozoïde
tlon ne présente rien d'important à qui serait dépourvu d'un appendice
noter (a) , mais ils ne paraissent pas caudal et ne serait pas mobile {d). Pour
jouir de la faculté de se mouvoir plus de détails au sujet des capsules
spontanément. spermatiques des Arachnides, je ren-
diez les Balanes, on a trouvé des verrai à l'article Semen publié par
capsules spermatiques fusiformes à MM. Wagner et Leuckart dans le
deux rayons, qui paraissent être assez Cyclopœdia of Anatomy and Physio-
semblables à celles des Crustacés dé- logy de M. Todd.
capodes (6), Chez les Myriapodes chilopodes, les
(1) Ces Zoospermes sont filiformes capsules spermatiques ont aussi la
et graduellement atténués d'avant en forme de petites cellules membra-
arrière (c). neuses dans lesquelles se développe
(2) Chez les Épéires, le sperme con- tantôt un disque conique (e), tantôt
tient des cellules sphériqiies renfer- deux corpuscules analogues (/") ; chez
mant chacun un noyau qui se trans- les Ghilognathes, ils consistent en fila-
forme en un corpuscule cylindrique ments capillaires enroulés en cercle (g^).
(a) Par exemple, chez la Crevetle des ruisseaux, ou Gammarus pulex : voy. Wagner et Leuckarl,
art. Semen (Toiid's Cyclop. ofAnat. and Physiol., t. IV, p. 495, fig. 384).
— Chez VHyperia Medusarum : voy. Kolliker, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1843, t. XIX,
pl. 9 B, lis-. 9).
(b) Kolliker, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1843, t. XIX, pl. 9 B, fig. 10).
(c) KôMiker, Die Bildimg der Samenfàdea, pl. 2, fig. 16.
(dj Voyez Todd's Cyclopœdia of Anatomy, t. IV, p. 491, fig. 374.
(e) Par exemple, chez l'Iule terrestre : voy. Wagner et Leuckart, art. Semen (Tode's Cyclopœdia
ol Anat. and t'hysiol., t. IV, p 492, fig. 376 et 377).
(f) l'ar exemple, chez VIulus fabulosus : voy. Wagner et Leuckart, loc. cit., p. 493, fig. 378.
{g) Par exemple, chez la Lilhobic : voy. Slein, Ueber die Geschlechtsverhaltnisse der Myriopo-
deii, etc. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1842, pl. 13, fig. 19).
— Chez les Géophiles : voy. Stein, loc. cit., pl. 14, fig. 33.
FÉCONDATION. 3^9
beaucoup de Vers (1), ainsi que chez un grand nombre de spermatozoïdes
Zoophytes,(2), et dans ces groupes inférieurs du Règne animal ils <!«« zoophyics.
(1) Chez les Annélides, lesSperma- (2) Les Spermatozoïdes des Coral-
lozoïdes ont en général un renflement llaires et des Échinodermes sont pour-
Céphaloïdebien distinct, quoique cylin- vus d'un renflement céplialoïde assez
drique et peu élargi (a); quelquefois gros, bien distinct du filament caudal,
ils se contournent en hélice d'une ma- et en général ovalaire (g) , mais quel-
nière très-remarquable (b). Chez les quefois globuleux (h).
Glepsines et les Néphélis, ils sont cou- La conformation des corpuscules
tenus dans des spermaiophorcs (c). séminaux est à peu près la même chez
Chez les Nemertiens surtout, leur les Médusaires (î) ; il est cependant à
portion céphaloïde est subovalaire, noter que quelquefois leur portion
mais peu élargie et allongée (d), d'au- céphaloïde est cylindrique et très-
très fois piriforrae (e). élargie, par exemple chez la Cassiopée
Chez la Planaire verruqueuse, les bourbonienne (j).
Spermatozoïdes sont filiformes, très- Enfin on en a constaté l'existence
allongés et sans renflement cépha- chez les Spongilles(A;), les Téthyes(/)-
loïde distinct (/").
(a) Parexemple, chez le Lombric terrestre : voy. Kôlliker, Die Bildung der Samenfâden, pi. 2,|fit,'.17.
— Les Polyophlhalmiens : voy. Qualrefages, Mém. sur la famille des Polyophthalmiens (Ann,
des sciences nat., 3* série, i850, t. XIII, pi. 2, tvg. 13).
— Les Hermelies : -voy. Quatrefages, Mém. sur la famille des Hermelliens (Ann. des sciences
nat., 3- série, i848, t. X, p). 3, fig. 2).
— • LcsSyllis: voy. Keferstein, Untersucliungen Hier niedere Seethiere [Zeitschr. fur wissensch.
Zool., t. xil, pi. 9, fig. ii).
{b) Kôlliker, Beitrâge %ur Kenntniss der Geschlechtsverhàllnisse und der Samenflilssigkeit
wirbelloserThiere, i8il,i>\. 2, fig'. 16.
(c) Fr. Millier, Ueber die Geschlechtstheile von Clepsine und Nephelis (Miiller's Archiv fur Anat.
und PhysioL, 1846, p. 138, pi. 8, ûg. 11-13].
— Robin, Mémoire sur les Spermatophorss de quelques Hirudinées [Ann. des sciences nat.,
4* série, 1861 , t. XVII, p. 5, pi. 2).
(d) Par exemple, chez le Nemertes Khronii et le N. Epponbergii : voy. Kôlliker, Die Bildung der
Samenfâden, pi. 3,fi^. 51 et 52.
— Le Borlasia balmea : voy. Quatrefages, Mém. sur la famille des Nemertiens {Ann. des
sciences nat., 3* série, 1846, t. VI, pi. 9, fig. 6).
(e) Par exemple, chez la Polia humilisel]aP.baculus:\oy.Quatre{agesloc. cit., pi. 11, fig. 5 et 6.
if) Kôlliker, Op cit., pi. 3, fig. 59.
(g) Exemples : les Spermatozoïdes de diverses espèces d'Actinies : voy. Kôlliker, Beitrâge, pi. 1 ,
fig. 1, 2 et 3.
— Ceux de VEchinus saxatilis : voy. Kôlliker, Op. cit., pi. 1 , fig. i.
(h) Par exemple, chez les Synaptes : voy. Qiialrefages, Mém. sur la Synapte de Duvernoy (Ann.
des sciences nat., 2* série, 1842, t. XVII, pi. 5, fig. 2).
— La Comalule de la Méditerranée : voy. KôUiker, Die Bildutig der Samenfâden in Blâschen,
pi. 2, fig. 19.
(i) Par exemple, chez les Equorées : voy. Milne Edwards, Observations sur la structure, etc.,
de quelques Zoophytes {Ann. des sciences nat., 2' série, 1841, t. XVI, pi. 1, fig. 1 d).
— Les Chrysaores : voy. Kôlliker, Beitrâge, pi. 1, fig. 9.
— Les Rhizostomes : voy. Kôlliker, Op. cit., pi. 1 , fig. 8.
— Le Polyclonia frondosa : Agassiz, Contributions to the Natural History of the Uniled-
States, t. m, pi. 13 a, fig. 23.
(j) Kôlliker, Die Bildung der Samenfâden, pi. 2, fig. 18.
(fc) Leberkiihn, Zur Entwickelungsgeschichte der Spongilen (Miiller's Archiv fur Anat. unii
Physiol, 1856, p. 560, pi. 15, fig. 3i ; pi. 18, fig. 17).
(0 Huxley, Zoological Notes and Observations, on the Anat. ofihc gênas Tethva (Ann. ofNai.
Hist., 2* série, 1851, t. VII, j>, 370.
350 REPRODUCTION.
ne présentent aucune particularilé notable dans leur mode de
conformation ou dans leur manière d'être, mais ils ressem-
blent beaucoup aux corpuscules urticants qui se déve-
loppent dans certaines parties du système tégumentaire, ou
même dans des organes intérieurs, chez un grand nombre
Mode d'Acalèphes et de Coralliaires, et au premier abord il est facile
de
développement dc les confoudrc avec ces organiles (l).
des
spermatozoaires Dans CCS dcmiers temps, le mode de développement des
Spermatozoïdes a été étudié avec beaucoup de soin par plu-
sieurs physiologistes, mais principalement par M. Kolliker(2).
Ces corpuscules se constituent dans l'intérieur de petites
(1) Les corpuscules qui constituent cellules ou vésicules membraneuses
les cordons filiformes éjaculés par di- paraît avoir été annoncé à la Société
verses Actinies, et qui ont été décrits des sciences naturelles en 1835 , par
d'abord par M. Wagner comme étant Pelletier (d) ; mais celte communica-
des Spermatozoïdes (a), ne sont autre tion ne donna alors lieu à aucune pu-
chose que des nématocystes ou cap- blication(e), et M. Wagner fut le pre-
sules sétifères urticantes. Les vérita- mier à consigner dans les annales
blés Spermatozoïdes des Actinies ont de la science des observations à ce
été observés plus tard par M. Kôl- sujet (f). L'étude du mode de forma-
liker (6). On connaît également ceux tion de ces corpuscules spermatiques
de plusieurs autres Coralliaires (c). fut ensuite portée beaucoup plus loin
(2) Le fait du développement des par M. Kôlliker, et elle a donné lieu à
Spermatozoïdes dans l'intérieur des plusieurs autres publications (g).
(a) R. Wagner, Entdeckung mânnlichei' Geschlechlslhdle bel den Aclinien (Wicgraann's
Archiv fur Naturgeschichte, 1835, t. II, p. 215, pi. 3, fig-. 7).
(6) Ktilliker, Beitrage, pi. 1, fig. 13.
(c) Par exemple, du Cériantlie: voy. J. Haime, Mémoire sur le Cérianthe (Ann. des sciences
nat., -i' série, 1854, t. I, p. 377, pi. 8, fig. 5).
— Du Corail: voy. Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du Corail, pi. 9, fig. 4!2.
(d) Voyez Pelletier, Sur l'origine et le développement des ^oospermes de la Grenouille (l'Insti-
tut, 1838, p. 132). — Observations sur le mode de formation et le développement des Zoo-
spermes chez les Batraciens {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1840, t. XI, p. 816).
(«) Voyez le Bulletin de la Société des sciences naturelles de France, in-4, n" 1 à 3.
(/■) Rud. Wagner, Die Gcnesis der Samenttiierchen (Mùller's Archiv fur Anut. und PhysioL,
1836, p. 225, pi. 9). — Fragmente x,ur Physiologie der Zeugung. — Ueber die Spermatozoen
(Wiegmann's Archiv fur Naturgeschichte, 1839, p, 40, pi. 2).
(g) Kôlliker, Die Bildung der Samenfdden in Bldschen, 1846 (Neve Denkschriften der
Allgem. Schweitzerischen Gesellschaft fur gesammte Naturivissenschaften, t. VIII).
— W. Bin-nett, Researches xipon the Ongin, Mode of Development and Nature of the Spermalic
Particles among the four classes of Yerlebrated Animais {Mem. of the American Acad., new
séries, vol. V).
— D. Martine, Obnervations sur le développement des Spermatozoïdes des Raies et des Tor-
pilles (Ann. des sciences nat., 1846, 3' série t. V, p. 171.
— Lallemand, Observations sur le développement des Zoospermes de la Raie {Ann. des sciences
nat., 2- série, 1841, t. XV, p. 247).
FÉCONDATION. 354
cellules ou utricules membraneuses spliérif(ues, et ces cel-
lules naissent en nombre plus ou moins considérable dans
l'intérieur d'une cellule commune. Les parois de ces cellules se
détruisent spontanément lorsque leur rôle physiologique est
accompli, et suivant que la disparition desntricules secondaires
ou internes a lieu avant ou après celle des parois de la cellule
mère, ou cellule enveloppante commune, la disposition des
Spermatozoïdes varie. Lorsque la cellule mère cesse d'exister
avant que les cellules secondaires soient mûres, celles-ci de-
viennent libres, et, comme chacune d'elles produit dans son
intérieur un Spermatozoïde, ces corpuscules séminaux naissent
isolément dans le liquide qui les renferme. Mais dans le cas
contraire, c'est-à-dire quand les parois des utricules secon-
daires se détruisent avant que la cellule commune ait cessé
de la tenir emprisonnée, les Spermatozoïdes se trouvent réunis
en nombre considérable dans un réceptacle commun, et sou-
vent ils s'y disposent en faisceau ou d'une manière radiaire
autour d'une masse albuminoïde centrale. Or, quand il en est
ainsi, il arrive fréquemment (jue la cellule mère ou cellule
commune se détruit à son tour avant la désassociation du
groupe ainsi constitué, et que par conséquent les Spermato-
zoïdes, quand ils viennent à être mis à nu, se montrent d'abord
sous la forme de paquets plus ou moins gros; mais bientôt ils
se séparent entre eux et deviennent libres tout comme ceux
qui sont nés isolément (1). Le premier de ces modes de forma-
tion se rencontre chez la plupart des Mammifères (2), ainsi que
(1) Chez le Pinson (Fringilla cœ- rieure ou caudale de ces corpuscules
lebs), par exemple, les Spermatozoïdes est déjà dégagée et libre; ils forment
sont réunis parallèlement en un fais- ainsi une sorte de pinceau («).
ceau très-long dont la portion anlé- (2) Ce mode de développement des
rieure reste engagée dans la capsule Spermatozoïdes a été étudié plus parti-
commune, lorsque la portion posté- culièreraent chez le Lapin (&).
(a) Woynz Wagner, Icônes physiologicœ, ri\, i, Rg. i-,
(b) Kôllikcr, Die Bijdunrj der Samenfdden, pi, l, fig. 11,
352 REPRODUCTION.
chez beaucoup d'autres Animaux ; le second a été observé chez
un grand nombre d'Oiseaux, de Batraciens, de Poissons carti-
lagineux, de Mollusques, d'Insectes et de Vers.
Le microscope ne nous a permis jusqu'ici de rien découvrir
touchant la structure intérieure des Spermatozoïdes; leur sub-
stance constitutive paraît être amorphe (1); mais, comme je
l'ai déjà dit, ces singuliers corpuscules jouissent de propriétés
physiologiques très-remarquables. Ainsi , ils exécutent des
mouvements qui paraissent être volontaires , ils nagent avec
une grande agilité en battant l'eau avec leur longue queue, et,
pour peu que l'on observe leurs allures, on ne saurait douter
de leur vitaHté. Ils ressemblent beaucoup à des Animaux ver-
miformes qui seraient d'une petitesse extrême, et les anciens
micrographes les désignaient sous les noms à' Animalcules
spermatiques ou de Spermatozoaires . Quelques auteurs les
considèrent comme des parasites comparables aux Vers intes-
tinaux, et leur ont assigné une place dans les cadres zoolo-
giques (2); mais ils ne sont en réalité que des produits de
l'organisme assez analogues aux cils vibratiles des membranes
muqueuses dont j'ai déjà eu plus d'une fois à parler. Ils ne
périssent d'ordinaire que plus ou moins longtemps après qu'ils
(1) Plusieurs observateurs ont cru (2) Ilill fut le premier à assigner
avoir découvert dans l'intérieur de cer- aux Spermatozoïdes une place précise
tains Spermatozoïdes des organes dis- dans la classification du règne animal :
tincts, par exemple un tube intestinal ; il les rangea, avec les Vorticelles, dans
mais les apparences très-vagues dont son genre Macrocerum (6) ; d'autres
ils arguent ne peuvent être interprétées zoologistes les ont considérés comme
delà sorte (a). très-voisins des Cercariés (c).
(a) Valentin, Ueber die Spennatozoen des Bdren (Nova Acta Acad. nat. curios., t. XIX, p. 239,
pi. 24).
— Ehrenberg, Itifusionsthierclien , p. 465.
— Henle, Ueber die Gattung Branchiobdella (Mùller's Archiv fiir Anat. und PhysioL, ISHTi,
p. 574).
Ib) Hill, Hislonj of Animais, 1752.
(f) Pallas, Elenchus Zoophytorum, 1766, p. 416.
— 0. F. Millier, Vermiuin terrestrium et lluvialiliiim hisloria, 1773, l. 1, p. 65.
— Bory Saint-Vincent, art. Zoospiïrmes (Dictioun. classique d'hisl, ml-, t. XVI, p. 7o'2),
— Ciivicr, ncgnc animal, 3* cdil., 1838, t. lU, p. 336,
FÉCONDATION. 353
ont qiiiUé l'ôtrc qui les îi formés, et les conditions les plus
favorables à la prolongation de leur existence varient suivant
les espèces auxquelles ils appartiennent et les circonstances
dans lesquelles la Nature les destine à vivre (1). Ainsi ceux de
beaucoup d'Animaux marins périssent promptement dans l'eau
douce, tandis qu'ils paraissent se plaire dans l'eau salée, et
pour ceux de certains Animaux qui fréquentent les eaux douces,
une dissolution de chlorure de sodium peu concentrée agit
comme un poison (2). En général, ils ne vivent que quelques
heures quand ils sont exposés à l'air ou répandus dans l'eau ;
(1) La mort de l'animal qui renferme
dans son corps les Spermatozoïdes
n'entraîne pas nécessairement la cessa-
tion de la vie de ceux-ci , et parfois même
ils se conservent mieux dans le cada-
vre 011 dans la glande séminale extir-
pée que s'ils avaient été mis en liberté et
abandonnés à eux-mêmes. Ainsi, M. de
Quatrefages a trouvé des Spermatozoï-
des vivants dans les testicules chez des
Brochets morts depuis trois jours (a).
Du reste, leur force de résistance varie
beaucoup suivant les Animaux aux-
quels ils appartiennent. Ainsi les Sper-
matozoïdes des Poissons périssent en
général très- promptement après leur
sortie de l'organisme, et M. de Quatre-
fages ne les a vus vivre que quelques
minutes , lors même qu'il les plaçait
dans les conditions les plus favora-
bles : environ deux minutes pour
ceux de la Perche et du Barbeau,
trois minutes pour ceux de la Carpe,
et un peu plus de huit minutes pour
ceux du Brochet (6); mais, dans une
des expériences faites par M. Wa-
gner sur la laitance d'une Perche con-
servée dans un verre sans mélange
d'eau et à une basse température, les
Spermatozoïdes étaient encore vivants
au bout de quatre jours (c). Spallan-
zani a trouvé que les Spermatozoïdes
du Chien, exposés à l'air, ne vivaient
qu'environ un quart-d'heure, tandis
que ceux du Cheval ne périssaient
quelquefois qu'au bout de deux heures,
et que ceux de l'Homme conservaient
leurs mouvements pendant sept ou huit
heures {d). L'urine normale, le mucus
médiocrement épais, et la plupart des
autres liquides de l'économie animale
qui sont faiblement alcalins, ne leur
sont pas nuisibles (e).
(2) La vitalité des Spermatozoïdes
semble ne pouvoir se manifester que
lorsque leur substance renferme une
certaine quantité d'eau, quantité qui
serait variable suivant les espèces, et
(a)Quatrefages, Recherches sur la vitalité des Spermatozoïdes de quelques Poissons d'eau douce
[Ann. des sciences nat., 3* série, 1853, t. XIX, p. 350j.
(b) Qualrefages, Op. cit., p. 342.
(c) Wagner, Traité de physiologie, trad. par Haliels, 1841 , p. 26.
(d) Spallanzani, Opuscules de physique, t. II, p. i87, Hl, "115, e(c,
(e) Donné, Cours de mirroscopie , p. 28f>.
354
REPRODUCTION..
mais, ainsi que nous le verrons bientôt, ils conservent parfois
toute leur activité pendant plusieurs mois, lorsqu'ils ont été
déposés dans les organes génitaux de la femelle (1). L'étin-
celle électrique les tue immédiatement et ils ne résistent
rinfluence de Teau plus ou moins
chargée de sel ou d'autres matières
dont Taction chimique n'est pas nota-
ble sur ces corps, paraît dépendre
principalement des phénomènes osmo-
tiques que ce liquide détermine. Ainsi,
la dessiccation rend les Spermatozoïdes
immobiles, mais ne les tue pas tou-
jours, et dans quelques cas il suûit de
leur donner de l'eau pour les rendre à
toute leur activité. L'action de l'eau,
chargée d'albumine , de sucre , de
gomme, s'explique de la même ma-
nière : dans une dissolution trop con-
centrée, les Spermatozoïdes abandon-
nent une portion de l'eau qui serait
nécessaire à l'exercice de leurs fonc-
tions, et lorsqu'ils ont été rendus im-
mobiles de la sorte, ils peuvent re-
prendre leur mobilité par l'addition
d'une certaine quantité d'eau pure [a).
Pour les Spermatozoïdes des Animaux
marins, qui sont destinés à subir le
contact de l'eau salée, l'action de l'eaii
douce est beaucoup plus nuisible que
pour les Spermatozoïdes des Animaux
terrestres ou fluviatiles, et détermine
souvent leur mort instantanément.
Aussi les Spermatozoïdes des Vers
marins du genre Hermelle périssent
instantanément au contact de l'eau
douce (6),
(1) Ainsi, chez les Insectes, les Sper-
matozoïdes déposés dans l'appareil
sexuel de la femelle peuvent y rester
vivants des semaines et même des mois
entiers. Il en est de même pour cer-
tains Animaux vertébrés, la Salaman-
dre terrestre , par exemple (c). Il est
aussi à noter que chez quelques Ani-
maux le développement des Sperma-
tozoïdes ne s'achève qu'après l'intro-
duction de ces corpuscules dans l'ap-
pareil génital femelle : par exemple,
chez les Colimaçons (d).
La température exerce beaucoup
d'influence sur la résistance vitale des
Spermatozoïdes qui ont été expulsés
au dehors. Ainsi Spallanzani a vu les
Spermatozoïdes de l'Homme, placés du
reste dans des conditions analogues,
mourir en moins d'un quart d'heure,
à la température de 2 à 3 degrés au-
dessus de zéro, tandis qu'ils vécurent
deux heures à 10 degrés, trois heures
à environ 14 degrés, et de sept à huit
heures à 27 ou 28 degrés (e). M. de
Quatrefages a constaté des faits du
même ordre chez les Spermatozoïdes
des Poissons (f).
(a) KôUiker, Veber die VUalitât und die Entivickclung der Samenfàdeii (Verhandlungen der
Physiologischa Math. Gesetlschaft., 1855, t. VI).
(ft) Quatrefages, Reclierclies expérimentales sur les Spermatozoïdes des Ilermelles et des Tarets
[Ami. des sciences nat., 3' série, 1850, t. XIII, p. 112).
(c) Siebold, Ueber das receptacxdum seminis der weiblichen Urudelcii [Zeitschr. fiir wissensch.
Zoologie, 1858, t. IX, p. 463).
(d) Gratiolet, JSote sur les Zoospermes des Hélices et sur les métamorphoses qu'ils subissent
dans la vésicule copulatncc, où ils ont été déposés pendant l'accouplement {Journal de conchy .
Uologie, 1850, t. I, p. 116 et 236).
(ej Spallanzani, Op. cil., l. II, p. 107.
(/■) Quatrefages, Sur la vitalité des Spermato%oïdes (Ann. des scien. nat., 3' p.éne, i.X\X,
p. 347).
FÉCONDATION. 355
guère mieux à l'action de beaucoup de matières toxiques (I). Du
reste, la faculté d'exécuter des mouvements, quoique étant en
général très-développée chez les Spermatozoïdes qui sont
parvenus à l'état de maturité, n'existe pas chez les corpuscules
séminaux qui paraissent être appelés à jouer le même rôle chez
certains Animaux inférieurs.
Considérés par quelques naturalistes comme des parasites R^'c
des
comparables aux Yers intcsiinaux, et comme n'ayant aucun speimaiozoïHes
^ dans
rôle à remplir dans le travail de la reproduction ('i), les Sper- la fécondation.
matozoïdes sont regardés par la plupart des physiologistes
comme des agents essentiels de la fécondation, et quelques
auteurs ont été jusqu'à supposer qu'ils étaient des ébauches
d'embryons destinés à se développer dans l'intérieur de l'œuf
(1) MM. Prévost et Dumas ont vu rosif, étendue dans 20 millions de par-
que l'étincelle électrique frappait de lies d'eau de mer, tue les Spermato-
mort tous les Spermatozoïdes sur zoïdes du Taret en moins de deux
lesquels portèrent leurs expériences ; heures (c).
mais ils n'ont pas obtenu des effets (2) Ainsi Burdach, dont le Traité ^ '
analogues en employant un courant de Physiologie a joui d'une grande
galvanique (a). vogue en France aussi bien qu'en Alle-
Les agents chimiques qui coagu- magne, dit formellement que les Ani-
lent l'albumine, ou qui modiflent de malcules spermatiques sont des Infu-
quelque autre manière la substance soires qui se développent dans le
constitutive des Spermatozoïdes, les sperme, quand ce liquide est devenu
tuent plus ou moins promptement. En très-décomposable ; qu'ils n'ont avec
général, les dissolutions alcalines très- l'organisme souche aucime connexion
faibles ne leur nuisent pas, mais ils essentielle, que ce n'est pas en eux
ne résistent que peu à l'action des que réside la faculté procréatrice, enfin
acides, et certaines matières minérales qu'ils ne sont qu'un effet accessoire et
sont pour eux des poisons violents, un phénomène concomitant de cette
même à très-faibles doses (6). Ainsi une faculté (d). Il serait difficile d'accumu-
partie d'eau saturée de sublimé cor- 1er plus d'erreurs en si peu de lignes.
(a) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur des Animaux mâles etc.
[Ann. des sciences nat., 1824, 1. 1, p. 288).
(6) Kraemer, Observ. minos, et experim. de motu Spermatozoonun (Dissert, inaug.}. Galtin*
gue, 1842.
(c) Quatrefages, Sur un moyen de mettre les approvisionnements de bois de la marine à Vabri
de la piqiire des Tarets (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXVI, p. 113j.
— Kdliiker, Physiol. studien ûber die Samenflussigkeit (Zeitschr. fûv wissensch. Zool
1836, t. VII, p. 201). ' ' "'
(d) Burdafh, Traité de physiologie, trad. par Jourdan, 1857, t. F, p. 133 et 134.
356 REPRODUCTION,
et à devenir ainsi le jeune Anima], dont la mère serait pour
ainsi dire la nourrice seulement. Il me paraîtrait oiseux de
rappeler ici tout ce qui a été imaginé à ce sujet dans le cours
du siècle dernier, lorsque l'imperfection des microscopes expo-
sait les observateurs inhabiles à une foule d'erreurs (1); mais
on ne s'est pas trompé lorsqu'on a attribué aux Spermatozoïdes
une grande importance, et les expériences rigoureuses dont la
science a été enrichie plus récemment prouvent que c'est en
eux que réside la puissance fécondante de la liqueur séminale.
Notons d'abord que chez les jeunes Animaux qui ne sont
pas encore aptes à la reproduction, les liquides contenus dans
les organes génitaux du mâle ne renferment pas de Sperma-
tozoïdes, et que chez les Animaux où la faculté reproductrice
ne se réveille qu'à une certaine saison de l'année, ces corpus-
cules animés n'existent, ou du moins ne sont complètement
développés qn'à cette même époque, et manquent ou n'existent
que dans un état d'imperfection évident pendant le reste de
l'année (2). On sait que certains Animaux hybrides sont sté-
(l) On cite souvent, à ce sujet, qu'il trouva dans les ovaires ainsi que
une prétendue observation de Dalem- dans d'autres parties (d) et il considéra
patins, qui aurait vu dans la liqueur les uns et les autres comme étant de
séminale un Animalcule se dépouiller ces molécules organiques dont j'ai
de son enveloppe, et montrer alors très- déjà eu à parler dans la précédente
distinctement la forme d'un corps hu- Leçon (e). Needham adopta des vues
main avec tète, bras, jambes, etc. (a). analogues, et considéra les Spermato-
Mais l'écrit dans lequel cette relation zoïdes comme étant le résultat de la
se trouvait (6) paraît n'avoir été qu'une décomposition du sperme,
plaisanterie faite par François de Plan- (2) Je reviendrai sur ce sujet lorsque
tade, secrétaire de la Société royale de je traiterai de la reproduction dans
Montpellier (c). Bufïon confondit les chacun des principaux groupes du
Spermatozoïdes avec les corpuscules llègne animal,
agités par le mouvement brownien,
(a) Buffon, Histoire des Animaux {Œuvres, édit. de Desmarest, l. XII, p. d63).
(6) Dalempatius, Lettre concernant une observation microscopique de la semence qu'on trouvé
dans la Nouvelle république des lettres, i 699.
le) Portai, Histoire de l'unatomie, t. IV, p. 231.
(d) Buffon, Histoire des Animaux, p. 189 et suiv.
{e} Voyez ri-dessus, page 247.
FÉCONDATION. 357
rilcs, les Mulets, par exemple, et le microseope a souvent permis
de constater que chez ces métis inféconds il n'y a pas de Sper-
matozoïdes (1). Enfin, dans les cas où la vieillesse amène
l'impuissance, ces corpuscules spermatiques manquent égale-
ment (^2).
Dans diverses expériences sur la fécondation artificielle, on pieuve»
, 11- ' • 1 I 1 tie la facullé
a constate que la liqueur semmale dans laquelle les Spermato- fécondame
zoïdes avaient été tués, soit par une exposition prolongée à spermatozoïdes.
l'air, soit par l'action de la chaleur ou de divers agents chimi-
ques, était sans action sur les œufs, et Spallanzani a trouvé que
la filtration de ce liquide suffit pour produire le même résultat.
D'après tous ces faits, on devait être très-porté à croire que
la puissance fécondante du sperme était liée à l'existence et à la
vitalité des Spermatozoïdes dont ce hquide est chargé ; mais,
pour ohtenir la démonstration de ce fait, il fallait des expé-
riences comparatives, et celles-ci n'ont été bien instituées
que de nos jours. On les doit à deux savants dont j'ai eu sou-
vent l'occasion de citer les travaux, Prévost (de Genève), et
M. Dumas, qui, avant d'être un des chimistes les plus émi-
(1) L'absence de Spermatozoïdes les dimensions, ni la forme de ceux
dans la liqueur séminale des Mulets propres à l'une ou à l'autre des espè-
ordinaires a été constatée par plusieurs ces citées (6).
naturalistes. Dans quelques casexcep- (2) Dans certains cas de stérilité du
tionnels, ces métis deviennent fé- mâle, les Spermatozoïdes existent en
conds (a). petit nombre dans la liqueur sémi-
M. Wagner a trouvé quelques Sper- nale, mais n'atteignent pas leur déve-
matozoïdes dans la liqueur séminale loppement normal, ainsi que j'ai eu
d'un métis de Serin et de Chardonne- l'occasion de Pobser ver chez un Coq très-
ret, mais ces corpuscules n'avaient ni vieux et inapte à la reproduction (c).
(fl) Hobenstreit, Journal encyclopédique, 17G3 (voy. Bonnel., Cûnsidéralions sur les corps
oryanisés, t. H, p. 211).
— Gleichen, Dissertation sur la génération, p. 45.
— Prévost et Dumas, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1824, t. F, p. 184).
— Hausmann, Ueber den Mangel der Samenthierclien bei Haustlueren, lS4k
(6) Wagner, Physiologie, p. 38.
(c) Lallemand, Observ. sur l'origine et le mode de dévsloppanent des /^oosper.nes {Ann. des
sciences nat., 3" série, 1841, t. XV, p. 43).
viu. 25
358 REPRODUCTION,
nents de son temps, s'occupait avec un succès éclatant d'études
physiologiques.
Dans toutes les expériences dont je viens de rendre compte,
de même que dans celles où les Spermatozoïdes avaient été
tués par un choc électrique, on ne pouvait pas être certain que
la perte de la puissance fécondante fût occasionnée par la mort
de ces corps, et ne tînt pas à d'autres modifications déterminées
dans la conshtulion de la liqueur séminale par les agents dont
on avait fait usage. Dans l'expérience de Spallanzani sur le
sperme étendu d'eau et filtré, on pouvait aussi attribuer, non
à l'absence de Spermatozoaires, mais à l'altération de quelque
autre partie de la liqueur prolifique, l'inaptitude de celle-ci à
féconder les œufs. Pour décider la question, il fallait s'assurer
qu'il n'en était pas ainsi, et cela a été fait par MM. Prévost
et Dumas de la manière suivante :
Une certaine quantité de sperme de Grenouille convenable-
ment étendu d'eau fut jetée sur un filtre approprié à cet usage ;
puis le liquide qui s'écoula à travers le papier, et qui ne ren-
fermait pas de spermatozoïdes, fut mis en contact avec des œufs
non fécondés; d'autres œufs semblables furent alors arrosés
avec le résidu resté sur le filtre, et qui consistait essentielle-
ment en Spermatozoïdes. Ces derniers œufs donnèrent bientôt
des indices de fécondation et se développèrent d'une manière nor-
male, tandis que les premiers restèrent stériles et ne tardèrent
pas à se corrompre. Ainsi le sperme dépouillé de ses Spermato-
zoïdes avait perdu ses propriétés fécondantes, et les Sperma-
tozoïdes, séparés mécaniquement des autres parties constitu-
tives de ce liquide, avaient conservé cette faculté. La même
expérience^ répétée plusieurs fois, donna toujours les mêmes
résultats (i). Il est donc évident que c'est aux Spermatozoaires
(1) MM. Prévost et Dumas varièrent monstration, et toutes leurs expérîen-
de diverses manières ce genre de dé- ces, dont il serait trop long de donner
FÉCOMDATKIN. 359
(jiic le inclange, cY'sl-;i-(îiro la liqueur spcrmaliquc, doit son
pouvoir fécondant.
il est également à noler que, dans tontes ces expériences de
fécondation artificielle, le niicroscope fit découvrir un nombre
plus ou moins considérable de Spermatozoaires fixés sur la
surface de l'œuf de la (grenouille ou pénétrant dans la sub-
stance albumineuse dont la sphère vitelline est entourée.
§ 3. — La condition de toute fécondation paraît être en lcs
effet le contact matériel des Spermatozoïdes vivants avec l'œuf ^''^pSeï *
à l'état de maturité. Les faits nous manquent pour décider si ce '''"'^''®"^-
sont ces singuliers corps eux-mêmes qui possèdent la propriété
fécondante, ou s'ils sont seulement les agents chargés de trans-
porter jusque sur l'œuf une matière fécondante particulière qui
serait distincte de leur substance constitutive. Mais pour que le
mouvement organisateur qu'ils impriment à l'œuf soit suffisant
pour déterminer la formation d'un Animal nouveau, une quan-
tité de la matière fécondante supérieure à celle fournie par un
de ces corps paraîtrait être nécessaire. Dans les expériences
de MM. Prévost et Dumas, on trouva toujours plusieurs Sper-
matozoïdes sur chaque œuf (i), et, dans des recherches ana-
ici le détail, tendirent à prouver que et plus récemment Newport a obtenu
le contact direct des Spermatozoïdes et les mêmes résultats en se servant d'un
de Tœuf est la condition essentielle de filtre (c).
la fécondation de celui-ci (a). En 18i0, (1) Ces physiologistes remarquèrent
Prévost répéta avec succès cette expé- aussi que le nombre des œufs fécondés
rience en séparant les parties liquides était toujours très-inférieur à celui des
et solides du sperme de la Grenouille Spermatozoïdes employés {d). M. de
au moyen d'une action osmotique (6), Quatrefages a obtenu des résultats
(a) Prévost et Dumas, Second Mémoire sur la géiiéi'ation {Aan. des sciences nat., 1821, t. II,
p. 141- et suiv.).
(6) Prévost, Rechei'ches sur les Aiiimalcules spermatiques {Comptes rendus de l'Acad. des
sciences, 1840, t. XI, p. 908).
(c) G. Newport, On the Imprégnation of the Ovum in ihe Amphibia [Philos. Trans., 1850.
p. 169).
(d) Prévost et Dumas, deuxième Mémoire sur la génération {Ann. des sciences nat., 1824',
t. II, p. 145 et suiv ).
â60 . REPRODUCTION.
logiies faites plus récemment en Angleterre par Newport, on
a vu que le travail embryogcnique avortait toujours dans les
œufs qui n'avaient reçu le conctact que d'un ou de deux Sper-
matozoïdes, tandis qu'il se poursuivait d'une manière normale
là où la dose de cette matière fécondante avait élé notablement
plus forte.
§ /i. — Ainsi que je l'ai déjà dit, les Spermatozoïdes qui se
fixent sur la surface de l'œuf de la Grenouille pénètrent pro-
fondément dans la couche albumineuse dont la sphère vitellinc
est entourée, et on les a vus s'avancer de la sorte jusque sur
la membrane qui limite cette sphère. Cette pénétration des
Spermatozoïdes jusque sur le globe vitellin paraît être même
une condition de fécondation ; car, lorsque les œufs des Batra-
ciens dont il est ici question ont été préalablement exposés
à l'action de l'eau, de façon que leur albumen se trouve
gontlé par l'absorption de ce liquide, les Spermatozoïdes ne
peuvent s'y enfoncer, et alors la fécondation ne s'opère
pas (1).
analogues dans les expériences sur la dant que cette substance gélatineuse
fécondation artificielle des œufs de di- se gonfle est l'agent mécanique qui
vers Annélides (a). détermine la pénétration des Sperma-
Les expériences de INewport tendent lozoïdes jusque sur la sphère vitel-
à établir que les premiers phénomènes line (c). Les actions osmotiques qui
dénotant l'activité embryogéniquc se s'établissent entre l'œuf et le liquide
manifestent plus proniptement quand ambiant nous expliquent pourquoi,
la quantité de matière fécondante eni- lorsque ces corps sont en contact avec
ployée a été considérable, que lorsque du sperme très-concentré, il peut arri-
cette quantité est très-faible (6). ver qu'ils ne soient pas fécondés ; fait
(1) MM. Prévost et Dumas ont con- qui a été remarqué par plusieurs
staté que l'eau absorbée par l'albu- physiologistes {cl). En effet, si le cou-
mine de l'œuf de la Grenouille pen- rant osmotique, au lieu d'aller de
(a) Quatrefages, Expériences sur la fécondation artificielle des œufs d'Hermelle et de Taret
(Ann. des sciences nat., 5° série, 1850, t. XIII, p. 128).
(6) Newport, Op. cit. (Philos. Trans., 1850, p. 210).
(c) Prévost et Dumas, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 1824, f. Il, p. 129.
(d) Quatrefages, Op. cit. (.\nn. des sciences nat., 3° série, 185i , t. XIII, p. 131 et suiv.).
— Newport, On Vie Imprégnation oftlxc Ovuni of the Amphibia, second séries (Philos. Trans.,
1853, p. 253).
FÉCONDATION. 301
Des phénomènes analogues ont été observés chez beaucoup
d'autres Aninfiaux. Ainsi, cliez divers Maninnifères, on a vu les
Spermatozoïdes logés plus ou moins profondément dans la
couche de substance albuminoïde qui entoure la sphère vitel-
line (1), et plusieurs observateurs habiles assurent les avoir
suivis plus loin, c'est-à-dire au delà delà membrane vitelline
et jusque dans le vitellus.
Je ne parlerai pas ici de ce qui en a été dit par quelques Micropyie
auteurs du siècle dernier, qui se lancèrent dans le domaine de
la fantaisie (2) ; mais, à raison de l'importance du sujet, je
crois devoir entrer dans quelques détails relatifs aux faits
annoncés successivement par plusieurs des ovologistes les plus
habiles de l'époque actuelle. M. Martin Barry fut le pre-
mier à apercevoir chez le Lapin, dans l'enveloppe de la sphère
vitelline, une petite fente qui lui parut livrer passage aux Sper-
matozoïdes, et il annonça également avoir constaté la présence
de ceux-ci dans l'intérieur de l'œuf de cet Animal (3). Mais
son opinion ne rencontra d'abord que des incrédules, et elle
dehors en dedans, et d'entraîner ainsi (3) Les premières observations de
les zoospermes vers l'intérieur de m. Martin Barry sur ce sujet datent
l'œuf, s'établit de celui-ci dans le de 18^0. A cette époque, il avait re-
liquide ambiant, il deviendra un ob- marqué seulement, sur la surface de
stacle pour la pénétration des Sper- la membrane transparente ou zone
matozoïdes. pellucide de l'œuf du Lapin non encore
(1) Par exemple Andry, qui , au fécondé, un point qui lui paraissait
commencement du xviii« siècle, était être:un orifice, et dans un cas il avait
doyen de la Faculté de médecine de aperçu dans ce même point un objet
Paris (à). qui ressemblait beaucoup à un Sper-
(2) Pour plus de détails sur l'his- matozoïde^pénétrant'dans l'intérieur
torique de cette question , je renverrai ^le l'œuf; mais il ne'présenta ces ob-
à un article très-bien fait de M, Ed. ser valions qu'avec beaucoup de ré-
Claparède (6). serve. En 18/j3, le même physiolo-
(a) Andry, De la génération des Vers dans le corps de l'Homme, 4700. — Éclaircissements
sur le livre de la génération, 1709.
(b) Glaparède, Sur la théorie de la fécondation de l'œ^if (Bibliothèque universelle de Genève,
Sciences physiques, t. XXIX, p. 284l
362 REPRODUCTION.
était déjà presque oubliée des physiologistes, lorsque, en 1852,
M. Nelson (de Glasgow) arriva à des résultats analogues en
étudiant l'œuf d'un Ver intestinal, VAscaris mystax (1) ; et
Newport, qui, pendant longtemps, avait combattu les vues de
Barry, reconnut que non-seulement les Spermatozoïdes par-
viennent en grand nombre jusque sur la membrane vitelline de
l'œuf delà Grenouille, mais traversent cette tunique et se rendent
dans l'intérieur du vitellus(2). Peu de temps après la publication
de ces observations, M. Keber (d'Insterberg) annonça que chez
les œufs de certains J^iollusques ( les Unio et les Anodontes),
il existe à la surface de la sphère vitelline une ouverture en
forme de goulot, à laquelle il apphqua le nom de micropijle^ et
que cet orifice livre passage aux Spermatozoïdes (3). Enfin,
l'un des embryologistes les plus célèbres de TAllemagne,
M. Bischoff, après s'être souvent élevé contre les opinions
giste se prononça d'une manière plus masse vitelline se ferait par tous les
positive sur ce sujet, et aiïïrma avoir points de la surface de celle-ci.
vu des Spermatozoïdes dans i'inté- (2) Newport n'a conservé aucun
rieur de l'œuf (a) ; mais la plupart doute relativement au passage des
des embryologistes pensèrent qu'il s'en Spermatozoïdes à travers la membrane
était laissé imposer par quelque appa- vitelline de ces œufs et à leur entrée
rence illusoire (6). dans la substance du viiellus, 11 pense
(1) Cet auteur, en étudiant VAscaris que ce passage n'a pas lieu par un ou
mystax, a vu les particules spermati- plusieurs orifices particuliers compa-
ques pénétrer dans les œufs qui ne râbles au micropyle dont il a été
paraissent pas être limités par une question ci-dessus, mais indifférem-
membrane vitelline (c). Là il n'y au- ment par des points quelconques {d).
rait pas d'orifice particulier compa- (3) L'ouvrage publié sur ce sujet
rable au micropyle dont parleM. Barry, par M. Keber est loin de présenter le
et l'introduction du sperme dans la haut degré de nouveauté que son au-
(a) Barry, lîesearches on Embryology , tlnrd séries [Philos. Trans., 1840, p. 533, pi. 22,
fig. 165 et 167).
Idem, Spermatozoa observed within the Mammiferous Ovum (Pldlos. Trans., 1843,
p. 33).
(b) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, Irad. par Joiirdan,
1813, p. 29.
(c) Nelson, The Pieproduclion of the Ascaris mystax {Philos. Trans., 1852, p. 563, pi. 28,
fig. 59, etc.).
(d) G. Newport, Oh Uie htyvefinalion nflhe Ovvm in Amphibia, secoiul ^ev'ws (Philos. Trans.,
1853, p. 271, noif).
.FÉCONDATION. 363
dont je viens de parler, reconnut formellement l'exaclitudc
des observations de Barry et de Newport. Il assura avoir par-
faitement bien constaté la présence des Spermatozoïdes dans
l'intérieur de la sphère vitelline chez le Lapin et la Qrenouillc (1 ) .
Des faits du même ordre furent publiés bientôt après, tou-
chant la pénétration des Spermatozoïdes dans l'intérieur de
l'œuf chez les Ascarides, chez divers Insectes, chez la Crevette
des ruisseaux et chez quelques autres Animaux (2) .
Plus récemment, ces résultats importants ont été corroborés
en ce qu'ils ont d'essentiel par d'autres observations, et
leur lui attribua , et paraît contenir doit avoir d'autant plus de poids aux
beaucoup d'erreurs {a). Il a été l'ob- yeux des physiologistes, que pendant
jet de critiques très-vives (6), mais a longtemps il s'était très -nettement
contribué à fixer l'opinion des ovolo- prononcé contre l'opinion de Barry
gistes sur la question soulevée par touchant l'existence d'un micropyle
M. Barry. Les observations de M. Leuc- et la pénétration des Spermatozoïdes
kart sur le micropyle de l'œuf des dans l'intérieur de l'œuf proprement
Naïs sont plus exactes (c), et il est à dit. En 185i, il est venu déclarer for-
noter que l'existence d'un orifice de mellement que Barry et INewport
ce genre avait aussi été décrite anté- avaient raison, et que, comme eux, il
rieurement chez l'œuf des Sijngnaihes, avait bien constaté le passage des Sper-
par Doyère (d), ainsi que dans les œufs matozoïdesdansFintéiieur del'œufjtant
de VHolothuria tubulosa, de la Thijone chez le Lapin que chez la Grenouille {h).
fusus et de VOphiotrix, par J. Miil- (2) En 185Zj, M. Meissner publia
1er (e) ; des Modiolaria et des Car- un travail très-estimé sur la structure
dùtms.parM. Lôveu(/'), et de la Sfer- de l'œuf de divers Animaux infé-
napsis thalassoides, par M. Millier (g). rieurs, et se prononça nettement sur le
(1) Le témoignage de M. Bischoff fait de la pénétration des Spermato-
(a) F. Keber, Ueher den Eintritt der Samenx-ellen in dem EL Ein Beitrâge zur Physiologie der
Zeugunij. Konigsberg, 1853.
(b) Bischoff, Widerlegung des von D' Keber bei den Najaden und D' Nelson bei den Ascariden
behaiiptelen Eindringens der Spermatozoiden in dus El. Giessen, d853.
— Hessling, Einige Bemerkungen %u des D' Keber's Abhandlung : Ueber den Eintritt., elc.
(Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, 1854, p. 392).
— Mayer, Ueber das Eindringen der Spermatozoïden in das El (Verhandlung des Nalurhisto-
risnhen Vereines der preussischen Reinlande und Westphalens, 1856, p. 266).
(c) Leuckart, art. Zeugung (Wag'iier's Handîvorterbuch der Physiologie, t. IV, p. 801). —
Beisaiz zu Bischoff' s Widerlegung, 1853.
{d} Doyère, Note sur l'œuf du Loligo média et celui du Syngnathe (V Institut, 1850, t. XVIII, p. 12).
(e) J. MùUer, Untersuchungen ûber die Métamorphose der Ecldnodermen ; vierte Abhandl.,
1852, p. 4.1.
{[) Loven, Bidrag till Konnedomen om utverklingen of MoUusca acephala lamellibranchiata
{Vetensliaps-Akad. Handlingar, 4848).
((/) Max. Millier, De Vermibtis quibusdam maritimis, dissert, inaug. Berolini, 1852.
{h) Bisclioff, Bestdtigung des von D' Newport bei den Batracheiren und D' Barry bei den
Kaninchen behaupteten Eindi'ingens der Spermatozoiden in das Ei, Giessen, lS5i.
rcrfeclionne-
nieiits
(le l'appareil
fécondateur.
oQll REPRODUCTION.
il paraît bien démontré que dans l'acte de la fécondation les
Spermatozoïdes pénètrent jusque sur ou même dans la masse
vitelline (1).
§ 5. — Connaissant les conditions essentielles qui doivent
être remplies pour que la reproduction sexuelle puisse s'effec-
tuer, nous chercherons comment la Nature les réalise, et,
après avoir complété de la sorte le coup d'œil général que je
me proposais de jeter sur cet ordre de fonctions, nous revien-
drons à l'histoire des Spermatozoïdes pour en étudier la con-
formation, les propriétés physiologiques et le mode d'origine.
§ 6. — Dans les fonctions de reproduction, de même que
pour les fonctions de nutrition dont l'étude nous a occupés pré-
cédemment, la loi de perfectionnement par la division du tra-
zoïdes. Ses recherches portèrent prin-
cipalement sur des Ascarides, le Mer-
mis albicans, les Lombrics terrestres,
divers Insectes, tels que des Mouches,
des Tipules et des Cousins, des Co-
léoptères {Lampyres, Elater, Télé-
phores) , des Lépidoptères ( Pieris ,
Liparis , etc.) , des Hyménoptères
{Tenthredo, Sirex, etc.), et des !Né-
vroptères (Agrion et Panorpe). Il a
examiné plus de deux cents espèces,
et il a souvent été témoin de l'entrée
des Spermatozoïdes dans le vitellus
par le micropyle (a). Cet orifice a été
observé aussi dans l'œuf de beaucoup
de Poissons (6).
(1) M. Lacaze-Duthiers a fait à ce
sujet des observations très -intéres-
santes chez les Dentales. 11 pense que
le micropyle décrit par ses prédéces-
seurs est souvent un orifice de la coque
de l'œuf plutôt que de la membrane
vitelline ; mais que dans les premiers
temps la sphère vitelline n'a pas de
tunique membraneuse de ce genre;
de sorte que les Spermatozoaires qui
pénètrent par l'ouverture en question
peuvent arriver directement sur le
vitellus.
Quoi qu'il en soit, M. Lacaze-Du-
thiers a souvent vu très-distinctement
les Spermatozoïdes pénétrer sous l'en-
veloppe de l'œuf, et se loger entre elle
et le vitellus vers le centre duquel ces
corpuscules vermiformes paraissaient
vouloir pénétrer (c).
(a) Meissiier, Deobachtunfien ûber das Eindrinfien der Samenelemente in den Botter (Zeitschrift
fur wissensch. Zoologie, 1854, t. VI, nM . p. 208, pi. 6 et 7; n- 2, loc. cit., p. 272, pi. 9).
ih)BTuch,UeberdieMikrop\ileder Fische (Zeitschrift fur wissensch. Zoologie, l^5i,l-yiï, p. m).
Raiison, On the imprégnation of the Ovam of the SticJdeback (Proceed of the Hoy. Soc. 1854,
t. VII, p. 168).
— Rcicliert, Ueber die Mikropyle der Fische, etc. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol.,
i&bC, p. 83, pi. 4 fiff. 1-4).
— R. Leuckart, Ueber die Mikropyle und den feineren Bau der Schalenhaut bei den Imseckten-
Eiecn (Miiller's, Archiv fur Anat., 1855, p. 90).
(c) Lacaze-Duthiers, Histoire de l'organisation et du développement du Bentale {Ann. des
sciences nat., ^' série, 1857, t. VII, p. 204).
FÉCONDATION. 3G5
vail et la spécialité des instruments règle les grandes modifi-
cations que l'on rencontre lorsqu'on passe en revue les divers
groupes du Règne animal, depuis les Zoophyles les plus simples
jusqu'à l'Homme.
Ainsi, nous avons déjà vu que chez quelques-uns des Ani-
maux les plus inférieurs, le travail de la reproduction a lieu
indifféremment dans presque toutes les parties de l'organisme,
et n'a pour s'accomplir aucun agent spécial (1). Chez les
Hydres, par exemple, les ovules, d'une part, et les Spermato-
zoïdes, d'autre part, se développent dans la substance du tissu
commun, et sont mis en liberté par la rupture des parois de la
cavité qui les renferme ; il n'y a ni organe sécréteur spécial ,
ni voies préétablies pour l'évacuation des produits, ni aucune
disposition particulière qui soit propre à favoriser le rappro-
chement des ovules et des Spermatozoïdes, dont dépend la
fécondation des produits génésiques. Ce rapprochement est
abandonné au hasard, et c'est par diffusion dans le milieu
ambiant, ou par l'action des courants de celui-ci, que l'élément
mâle est mis en contact avec l'élément femelle (2).
Un premier degré de perfectionnement des fonctions de la
reproduction est obtenu par la localisation du travail reproduc-
teur des ovules, et des phénomènes dont dépend la formation
des Spermatozoïdes, dans des organes spéciaux, qui sont, d'une
part, un ovaire, d'autre part, un testicule. Ces instruments
physiologiques appartiennent à la classe des glandes, et con-
sistent essentiellement en une substance qui donné naissance
à des utricules ou cellules membraneuses d'une nature parti-
culière. Ces utricules constituent tantôt des ovules, d'autres
fois les capsules spermatiques dont j'ai déjà eu l'occasion de
parler dans cette Leçon ; et les Spermatozoïdes, de même que
(1) Voyez ci-dessus, page 329. giaires aussi bien que cliez les Hydres
(2) Cette difTusion de la faculti! re- d'eau douce. Nous y reviendrons dans
productrice existe chez les Spon- une des Leçons suivantes.
366 REPRODUCTION.
les ovules ainsi produits, doivent être mis en liberté, résultat
qui peut être réalisé par le seul fait de la rupture du tissu
circon voisin, si les glandes ovariennes et testiculaires sont pla-
cées près de la surface extérieure du corps. Ces deux sortes de
glandes constituent alors à elles seules tout l'appareil de la
génération. Mais lorsque les fonctions de celui-ci se perfec-
tionnent, la division du travail s'y introduit : le même instru-
ment cesse d'être affecté à la fois à la production et à l'éva-
cuation des éléments génésiques, et des voies préétablies sont
disposées pour la sortie tant du sperme que des ovules, ce qui
permet aux organes producteurs de se loger plus profondé-
ment dans l'économie, et d'être par conséquent mieux proté-
gés. Ici, de même que pour les fonctions dont l'étude nous a
déjà occupés, ce résultat peut être obtenu par voie d'emprunt,
et chez les Animaux dont l'appareil reproducteur est très-
simple, nous verrons tantôt la cavité digestive, tantôt la chambre
viscérale, servir de canal excréteur pour les ovaires et pour les
produits des organes mâles (i). Mais, chez tous les Animaux
les plus parfaits sous ce rapport, la Nature crée pour cet usage
des conduits spéciaux, et il existe, en communication avec la
glande génésique, un tube particuher qui est appelé oviducte,
lorsqu'il appartient à l'ovaire, eicanal déférent, lorsqu'il dépend
du testicule.
Chez les Animaux inférieurs dont l'appareil reproducteur est
(1) Ainsi, cliez tous les Coralliaires, lesquels la chambre viscérale ou ca-
les organes de la reproduction sont vite digestive communique directe-
suspendus dans l'intérieur de la grande ment à l'extérieur, et sert à l'évacua-
cavité digestive, et c'est par la bouche tion des œufs et du sperme, je citerai
que leurs produits sont expulsés au les Poissons de la famille des Lam-
dehors (a). proies. Je reviendrai sur ce sujet dans
Comme exemple des Animaux chez la 75^ Leçon.
(a) Par e>ïemple, le Corail (voy. Milne Edwards, l'Atlas du Règne animal de Cuvier, Zoophytes,
pi. 80, fig. ^ b).
— Les Actinies ou Anémones de mer (Milne Edwards, loc. cit., pi. fl2, ùg. 2).
— Lacaze-Dtilhiers, Histoire natin'cUe du Corail, p. 127 et sniv.
FÉCONDATION. «^67
constitué de la sorte, de même que chez ceux où le travail
génésique n'est pas encore devenu l'apanage d'organes parti-
culiers^ le rôle des parents ne consiste que dans l'élaboration et
l'excrétion des ovules et de la liqueur séminale ; la réalisation du
ptiénomène de la fécondation est abandonné au hasard, et le con-
tact des Spermatozoïdes et de l'ovulen'estdéterminéquepar les
courants dont le fluide ambiant est le siège, ou par quelque autre
cause accidentelle et indépendante de l'action des êtres produc-
teurs : aussi y a-t-il alors souvent beaucoup d'œufs qui ne sont pas
fécondés et beaucoup de semence qui ne trouve pas d'emploi.
Mais, chez les Animaux d'un rang plus élevé, la Nature tend à
économiser davantage les produits embryogéniques en assu-
rant de mieux en mieux la rencontre^es deux éléments dont la
réunion est nécessaire au développement de l'être futur : l'ovule
et les Spermatozoïdes. Cependant, ainsi que je l'ai déjà dit,
une autre condition de perfectionnement physiologique est la
division du travail, qui a pour effet la localisation des divers
phénomènes génésiques dans autant d'organes spéciaux. Or, ces
deux tendances ne sauraient poursuivre loin leur cours sans
devenir opposées, à moins que les résultats qu'elles déterminent
ne soient accompagnés de complications considérables dans
l'acte de la reproduction. En effet, pour que la première de
ces conditions de perfectionnement soit réalisée chez des Ani-
maux d'une structure peu complexe, il suffit que l'organe ovi-
gène et l'organe spermatogène soient réunis chez le même
individu et disposés de façon que leurs produits se mêlent pen-
dant leur passage au dehors. Mais la division croissante du
travail génésique amène bientôt la séparation des organes mâles
et des organes femelles, d'abord dans deux appareils distincts
chez le même individu, puis chez deux individus de même
espèce dont les fonctions sont différentes. Alors la mise en
rapport des ovules et des Spermatozoïdes nécessite le rappro-
chement sexuel de ces deux individus, et ne peut être bien
368 REPRODUCTION.
assurée que par l'introduction de l'élément fécondant dans l'in-
térieur des cavités destinées à produire les ovules, ou à les con-
duire de l'ovaire hors de l'organisme de l'individu femelle et à
lés abandonner au milieu ambiant. La fécondation, au lieu de
se faire à l'extérieur et après la ponte, s'opère alors dans l'in-
térieur du corps de la femelle, et quelquefois même très-long-
temps avant la sortie des produits fournis par l'ovaire.
'^"''"Tes"*^'^"' On conçoit donc que chez les Animaux dont l'appareil repro-
ducteur est d'une structure très-simple , l'hermaphrodisme
puisse être à certains égards une condition de perfectionne-
ment. Certains Échinodermes, dont l'anatomie a été étudiée
avec habileté par M. de Quatrefages, nous en offrent un exemple
remarquable. En effet, ce naturaliste a constaté que, chez les
Synaptes, le tissu ovarien et le tissu sécréteur de la liqueur
séminale sont fixés aux parois d'un même tube membraneux
qui fait office tout à la fois d'oviducte et de canal déférent : or,
les choses y sont disposées de telle sorte que les œufs, en se
portant au dehors, frottent contre le tissu spermatogène, et
déterminent aussi la rupture des utricules où se développent
les Spermatozoïdes. Ceux-ci, mis en liberté par cette action
toute mécanique, entourent immédiatement l'œuf et le fécon-
dent avant son évacuation au dehors (1).
(1) Ces observations ont été faites fin, dans les espaces que les bases de
chez la Synapte de Duvernoy, qui ha- ces tubérosités testiculaires laissent
bite nos côtes. L'appareil générateur de entre elles, se trouve un autre tissu
cet Animal consiste en trois paires de qui est ovigène, et qui constitue par
cordons qui flottent dans la cavité viscé- conséquent un ovaire. Les œufs qui
raie etquidébouchent au dehors par un y prennent naissance s'en détachent
orifice commun situé près de l'extré- bientôt, et tombent dans la cavité du
mité antérieure du corps. Ces cylin- tube générateur, où ils compriment
dres sont creux, et, à l'époque de la les mamelons spermatogènes, enrom-
reproduction , ils sont tapissés par peut les cellules, et déterminent la
des mamelons formés d'un tissu utri- sortie du liquide séminal, qui est ainsi
culaire, dans les cellules duquel se mis en contact avec leur surface,
développent des Spermatozoïdes, En- L'hermaphrodisme est donc ici aussi
FÉCONDATION. 360
Mais, dans l'immense majorité des cas, la séparation dos
organes mâles et femelles semble avoir plus d'importance ([iie
l'emploi économique de leurs produits, et les sexes étant sépa-
rés, le concours de deux individus devient nécessaire pour bien
assurer l'utilisation des matières reproductrices.
Chez quelques Animaux inférieurs, ce résultat est obtenu Hcimr.phro-
,,, I T • ' 1» • • T • 1 disino relatif.
sans quel hermaphrodisme ait cesse d exister. Chaque individu
est pourvu d'un appareil mâle aussi bien que d'un appareil
femelle ; mais ces deux appareds ne sont pas disposés de fanon
quêteurs produits puissent se rencontrer, et les ovules donnés
par un de ces Animaux ne peuvent être fécondés que par la
semence provenant d'un autre individu. Quelquefois la fécon-
dation est alors réciproque, et chaque individu remplit vis-à-vis
de son conjoint le rôle de mide et de femelle. C'est ce qui a
lieu chez le Colimaçon, par exemple (1). Mais chez d'autres
Animaux hermaphrodites, la division du travail physiologique
a fait un pas de plus : l'individu qui fonctionne comme femelle
ne peut pas féconder son mâle, et celui-ci, pour être fécondé,
a besoin du concours d'un troisième individu. Les Mollusques
gastéropodes du genre Limnée présentent ce singulier mode de
reproduction, et, pendant l'acte de la fécondation, ils forment
une sorte de chaîne dont chaque aniaeau joue le rôle de mâle
avec l'un des individus adjacents, et est une femelle pour l'in-
dividu situé du côté opposé (2). Chez quelques Mollusques
complet que possible, et c'est par un ralistos du xvii" siècle (6) ; je revien-
mécanisme très-simple que la fécon- drai sur ce sujet lorsque je traiterai
dation des œufs est effectuée dans spécialement de la génération chez les
l'organe même qui est chargé de les Mollusques.
produire {a). ('2) Le chapelet formé de la sorte
(1) L'accouplement réciproque des par les Limnées est quelquefois très-
Colimaçons a été décrit par les natu- long.
(a) Qualrefages, Mémoire sw la SunapU de Duvenioy [Aiiii. des sciences nat., 2* série, 1842,
t. XVII, p. 66 et suiv., pi. 5, fig. 1).
(b) Hedi, De Ânimalcidis vivis quce in covporlbus Animaliiim vivorum reperlunlur obsevvationes
(opusc. t. III, p. 55).
— Swammerdam, Biblia Naturœ, t. II, p. 807, pi. hS, dg, l.
S70 REPRODUCTION.
Animaux dioï- aiidrogynes, la division du travail physiologique est portée un
''"^^" peu plus loin, car le même individu ne remplit pas à la fois le
rôle de mâle et de femelle ; celui qui a fonctionné comme maie
n'est pas fécondable dans ce moment, et c'est plus tard qu'il
fait office de femelle, soit avec l'individu auquel il s'est déjà uni
d'une autre manière, soit avec un autre qui est alors pour lui
un mâle seulement (1). De là à la séparation complète des
sexes, il n'y a qu'un pas à faire, et chez tous les représen-
tants les plus élevés des types inférieurs du Règne animal,
de même que dans le groupe des Vertébrés presque entier (2),
ce dernier perfectionnement se trouve réalisé : chaque espèce
est représentée par deux sortes d'individus, un de sexe mâle,
l'autre femelle.
Fécondaiion Gc caractèrc de supériorité physiologique n'implique, du
reste, aucun perfectionnement dans la portion du phénomène
de la génération qui est relative à la fécondation des produits
de la femelle, et, ainsi que je l'ai déjà dit, le contact des œufs
et de la matière fécondante est souvent abandonné au hasard ;
mais, chez les Animaux où l'utilisation des forces génératrices
est plus nécessaire, la rencontre de ces éléments génériques
est assurée de mieux en mieux par des rapprochements sexuels.
Un premier indice de ce genre de perfectionnement dans le
travail de la reproduction nous est offert par beaucoup de Pois-
(1) C'est ce qui a lieu chez l'Ancyle ment admise de la séparation des
flùviatile (a), ainsi que chez divers sexes dans tout l'embranchement des
iMollusques Acéphales , qui sont her- Vertébrés. Aristote avait signalé les
maphrodites, mais dont les glandes Serrans comme étant probablement
ovigènes et spermatogènes n'arrivent hermaphrodites, et récemment M. Du-
pas à la période d'activité en même fossé a constaté chez un grand nombr e
temps. de ces Animaux la production simul-
(2) Quelques Poissons paraissent lanée d'œufs et de laite riche en Sper-
fairc exception à la règle générale- matozoïdes (6).
(a) Moquin-Taiidon, Recherches anatomico-physiologiqîies sur VAncyle fluviatile {Journal de
conchyliologie, 1852, t. lll, p. 34-i).
(6) Dufossé, De l'hermaphrodisme chez certains Vertébrés (Ann. des sciences nat., i' série,
1858, t. XV, p. 204, pi- 8).
FÉCONDATION. 371
sons et par quelques Batraciens, dont les maies, attirés proba- Fccomjation
extérieure
blement par l'odeur des femelles ou des œuls que celles-ci ont directe/
déjà pondus, viennent répandre leur semence dans l'eau cir-
convoisine. Chez les Grenouilles et les Crapauds, la fécondation
des œufs a lieu également après la ponte, mais elle est mieux
assurée, car le mâle se cramponne sur le dos de la femelle, et,
à mesure que celle-ci évacue au dehors ses nombreux œufs, il
les arrose de sa semence.
Chez les Mollusques les plus élevés en organisation , les spcrmaiophorcs
Céphalopodes, les sexes sont également séparés, et la féconda-
tion a aussi lieu après la ponte, mais l'action des Spermatozoïdes
sur les œufs est préparée avec plus de soin. La liqueur sémi-
nale, avant d'être expulsée au dehors par le mâle, se loge dans
des réceptacles particuhers appelés spermaiophores (1) , qui
servent à la transporter dans le voisinage de l'orifice destiné
à livrer passage aux œufs, et qui l'y conservent à l'abri de
l'action de l'eau pendant un temps plus ou moins long. La
structure de ces gaines séminifères est très - remarquable ,
et l'endosmose y détermine des mouvements très -singu-
liers qui ont pour résultat la mise en liberté des Sperma-
tozoïdes (2). Nous reviendrons bientôt sur leur étude, et ici
je me bornerai à ajouter que des réceptacles analogues se
rencontrent chez quelques Crustacés, ainsi que chez certains
Insectes (3) et quelques Vers (4).
Lorsque les fonctions de la génération se perfectionnent
davantage, la fécondation n'a plus lieu après la ponte des
œufs , mais dans l'intérieur du corps de la femelle. Le rap-
(1) Voyez ci-desSus, page 3Z|5. (3) Voyez ci-dessus, page 3ù6.
(2) La fixation des Spermatozoaîres (k) Par exemple, les Clepsines et lés
dans le voisinage de l'orifice terminal Nephelis, daiis la famille des Hirudi-
de Toviducte a été constatée chez le nées (6).
Calmar (a).
{a) Robin et Lebert, Note sur un fait relatif au inécanisnie de la fécondation du Calmar
commun {Ann. des sciences nat., 3' série, -1845, t. IV, p. 95, pi, 9, ûg. 5 et 6).
(b) Robin, Mém. sur les spermatophoves de quelques Hirudinées [Ann. des sciences nat
4' série, 1862, t. XVII, p. 5, pi. 2).
a ri REPRODUCTION.
FéconJation prochemeiît sexuel est alors complet, et la liqueur séminale du
intérieure. ^
maie estmtroduite dans le canal que les œufs doivent traverser
pour aller de l'ovaire à l'extérieur.
A cet effet, la portion terminale de l'appareil mâle est dis-
posée de façon à pouvoir s'appliquer exactement contre l'orifice
de l'appareil femelle, ou même à y pénétrer plus ou moins
profondément, et ce mode de fécondation nécessite l'existence
d'un organe d'intromission.
Dans sa plus grande simplicité, cet instrument ne consiste
que dans la portion terminale du canal évacuateur du sperme,
qui, en se gonflant ou en se renversant au dehors, devient
saillant; mais lorsque l'organe copulateur se perfectionne, sa
structure se complique davantage, et il est constitué par un
appendice érectile dont la conformation varie suivant les Ani-
maux.
L'appareil maie peut être perfectionné aussi par l'adjonction
de réservoirs destinés à emmagasiner la liqueur séminale jus-
qu'au moment où l'Animal pourra l'utiliser, ou de glandes
dont les produits, en se mêlant au speruie, facilitent le bon
emploi de cette matière ; et, lorsque nous passerons en revue
ces parties accessoires, nous verrons qu'ils sont obtenus tantôt
par voie d'emprunt, tantôt au moyen de créations organiques
spéciales (1).
Ainsi qu'il serait facile de le prévoir, nous trouverons tou-
jours chez les femelles dont les mâles sont pourvus d'un appa-
reil copulateur, un organe correspondant. Lorsque la portion
terminale des voies génitales est spécialement affectée à la
réception de l'organe mâle, elle constitue un canal vestibulaire
appelé xiagin^ et chez les Animaux où le rapprochement sexuel
ne doit pas se renouveler fréquemment, et où cependant la
(1) Les Araignées présentent sous ce garnie présentent, chez le mâle, une
rapport des particularités très-remar- structure particulière, et deviennent
finables : les palpes dont la bouche est des organes de copulation.
FÉCONDATION. S73
production des œufs peut se continuer longtemps, on trouve
souvent en connexion avec cette cavité copulatrice un réser-
voir destiné à loger et à conserver le sperme (1).
Ces perfectionnements ne sont pas les seuls que la Nature pcrfcdionne-
introduit dans la structure de l'appareil femelle chez les Ani- de lappareii
^^ ,.^ femelle.
maux supérieurs. L'œuf, comme nous l'avons déjà vu, se
compose essentiellement d'une cellule naembraneuse renfer-
mant une substance plastique et un dépôt de matière nutritive
qui constituent la sphère appelée vitellus. L'ovaire ne produit
rien de plus ; mais chez beaucoup d'Animaux, l'œuf, en des-
cendant dans l'oviducte, acquiert des parties nouvelles qui sont
sécrétées par les parois de ce canal, et qui servent à augmenter
la puissance nutritive du vitellus ou à en protéger la surface.
Tels sont l'albumen du blanc de l'œuf et sa coque.
Il est aussi à noter que l'œuf ainsi constitué devient le siège
d'un travail embryogénique plus ou moins long à s'effectuer ;
qu'en général , cette incubation se fait après la ponte , et
que parfois elle nécessite encore l'intervention de la mère
pour maintenir l'œuf à une température convenable au déve-
loppement du jeune. C'est ainsi que la Poule est douée d'un
instinct particulier qui la porte à couver ses œufs jusqu'au
moment où les Poussins en sortent. Mais, chez quelques Ani-
maux, l'éclosion de l'œuf a heu avant la ponte, dans l'intérieur
du corps de la mère, et alors l'appareil femelle est d'ordinaire
pourvu d'une chambre incubatrice particulière, que l'on dé-
signe généralement sous les noms A'utérus ou de matrice.
La division du travail physiologique effecîtué par la mère peut
même être portée plus loin. Ainsi, chez les Animaux ovipares
proprement dits, c'est le contenu de l'œuf qui répond à tous
les besoins nutritifs de l'embryon ; mais, chez certains Verté-
(1) Nous verrons que, clies les voir séminal joue un rôle très-impor-
Insecies , par exemple , ce réser- tant.
VIII. 26
374 ' HEPRODUCTION.
brés, il existe un organe spécial qui est chargé de fournir au
jeune un supplément de nourriture par le moyen de relations
vasculaires qui s'établissent entre ses parois et le système san-
guin de l'embryon. Quelques Poissons présentent cette parti-
cularité physiologi(|ue, mais c'est chez les Mammifères qu'elle
acquiert le plus d'importance. Chez ces derniers Animaux,
l'œuf ovarien ne contient que fort peu de matière nutritive, et
c'est la chambre incubatrice, ou utérus, qui administre la plus
grande partie de la substance assimilable qui est nécessaire au
jeune Animal en voie de formation.
J'ajouterai que chez quelques Animaux qui ne sont pas
pourvus de glandes spéciales pour la production du lait, la mère
n'en nourrit pas moins ses petits à l'aide de matières sécrétées
ou élaborées dans son tube digestif. Les Pigeons sont dans ce
cas, et chez certains Insectes où l'on a observé des faits ana-
logues, la division du travail physiologique est portée parfois
à un plus haut degré que chez les Animaux les plus élevés du
Règne animal. En effet, chez quelques Hyménoptères, il existe,
deux sortes d'individus femelles chargés, les uns de pondre les
œufs, et par conséquent de donner naissance aux petits, les
autres frappés de stérilité, mais remplissant les fonctions de
nourrices et donnant aux jeunes tous les soins nécessaires à
leur bien-être. Les Abeilles et les Fourmis nous offriront des
exemples de cette particularité remarquable.
Enfin, chez les Mammifères, le rôle de la mère ne se termine
pas à la naissance de sa progéniture, et pendant un temps plus
ou moins long elle continue à nourrir ses petits à l'aide d'un
aliment spécial qu'elle élabore dans un appareil particulier : le
lait qu'elle emploie à cet usage est un liquide riche en matières
albuminoïdes, grasses et sucrées, qui est sécrété par les glandes
mammaires, et par conséquent ces derniers organes doivent
être considérés comme des annexes de l'appareil de la repro-
duction.
PARTHÉNOGENÈSE. 375
§ 7. — Nous voyons donc que la Nature, tout en restant Pariiidnogcncse.
fidèle à la loi fondamentale de la filiation dos êtres vivants,
varie les procédés physiologiques à l'aide desquels la repro-
duction s'effectue, mais que dans l'immense majorité des cas
le jeune Animal provient d'un œuf, et que cet œuf, pour
donner naissance à l'individu nouveau, doit avoir subi l'in-
fluence de la liqueur fécondante du mâle. Jusque dans ces
derniers temps, on était même fondé à croire que le dévelop-
pement de l'embryon dans l'intérieur d'un œuf était toujours
nécessairement subordonné à l'accomplissement de cet acte.
Mais divers faits dont nous devons tenir compte ici tendent à
établir que cette règle n'est pas sans exception, et que chez
quelques Animaux la multiplication des individus au moyen
d'œufs, ou de produits génésiques très-analogues à ceux-ci, peut
avoir lieu sans l'intervention d'aucun agent fécondant.
On sait depuis longtemps que certains Insectes, par exemple
les Pucerons, dont nos Rosiers sont souvent infestés, se repro-
duisent de deux manières. A l'approche de la saison froide, les
femelles pondent des œufs d'où sortent au printemps suivant
de nouveaux individus ; mais ceux-ci ne pondent pas comme
leurs mères et mettent bas des petits vivants. La production des
œufs n'offre rien d'anormal; car la femelle qui les engendre,
et qui se distingue facilement du mâle par l'absence d'ailes et
> par plusieurs autres caractères, s'accouple préalablement avec
un individu de ce dernier sexe, et se trouve fécondée de la
manière ordinaire. Mais il n'en est pas de même pour les
Pucerons vivipares. Avant l'hiver, tous les mâles, ainsi que
les femelles déjà nées, périssent, et les œufs qui servent à
perpétuer l'espèce d'une année à l'autre ne fournissent au prin-
temps suivant que des individus femelles. Celles-ci ne ren-
contrent donc aucun mâle pour les féconder, et cependant
elles ne restent pas stériles ; bientôt elles se reproduisent ;
seulement, au lieu d'être ovipares, elles sont vivipares. On
376 REPRODUCTION.
voit ainsi se succéder pendant l'été plusieurs générations de
Pucerons femelles, et c'est seulement en automne qu'il naît des
mâles. En plaçant ces Insectes dans des conditions favorables
à ce mode singulier de reproduction, on a pu obtenir plus de
dix générations de femelles aptes à se multiplier sans le con-
cours du mâle (1). On a pensé d'abord que ces Pucerons vivi-
pares qui se reproduisent, tout en restant solitaires, pouvaient
bien être des Animaux androgynes, et, à une époque où les
conditions de la fécondation n'étaient pas connues, on a sup-
posé aussi que l'action de la semence du mâle sur l'organisme
d'une femelle pouvait suftire pour rendre fertile pendant un
temps plus ou moins long toute la lignée d'individus du même
sexe qui en descendrait. Mais la première de ces hypothèses
est tombée devant l'investigation anatomique de l'appareil
génital des Pucerons vivipares (2), et la seconde est en
(i) Le viviparisme des Pucerons fut vaut les Pucerons en serre chaude,
constaté pour la première fois par Kyber a vu les femelles se succéder,
Leuwenlioeck (a) ; mais la découverte en l'absence du mâle, pendant une
de la faculté que possèdent ces In- période de quatre années (/").
sectes de se reproduire sans le con- (2) M. Léon Dufour constata que
cours du mâle appartient à Bonnet. chez les Pucerons vivipares l'appareil
Ce naturaliste obtint de la sorte, avec de la génération ne se compose que
le Puceron du Plantain, une série de des ovaires (ou gaines ovigères) et de
dix générations (6), et bientôt après ses l'oviducte, sans que ce dernier tube
observations furent confirmées par les soit pourvu des parties accessoires
expériences de Bazin, de Trembley, que cet anatomiste appelle des glandes
de Lyonnet (c) et du célèbre entomo- sébiftques , et que d'autres auteurs
logiste suédois Charles de Geer (d). considèrent comme une vésicule co-
Plus récemment, Duveau constata le pulatrice ou un réservoir séminal (j/).
même phénomène pendant une suite Ces résultats ont été confirmés en
de onze générations (e), et, en éle- tout ce qu'ils ont d'essentiel, et com-
(a) Leuwenhoeck, Areana Naturœ, p. 539.
(b) Bonnet, Traité d'insectologie, 1745, t. I.
(c.) Voyez Rcaumur, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t, VI, p. 537 et siiiv.
(d) De Geer, Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, t. III, p. 28 et suiv.
(e) Duveau, Nouvelles recherches sur l'histoire naturelle des Pucerons (Mém. du Muséum
d'histoire naturelle, t. XIII, p. 126).
(f) i. F. Kyber, Einige Erfahrungen und Bemerkungen ûber Blatllduse (Gerraar's Mag. der
Entomologie, 1815, t. 1, 2» partie, p. 14 et suiv.).
(g) L. Dufour, Recherches analomiques et physiologiques sur les Hémiptères, p. 232.
PARTHÉNOGENÈSE. 377
désaccord avec tout ce que l'on sait touchant le mécanisme de
la fécondation (1). Plus récemment, M. Owen a cherché à
expliquer ce mode de multiplication en supposant qu'une por-
tion de la substance germinative rendue viable par la féconda-
tion n'est pas employée pour la constitution de l'embryon
développé dans l'œuf, et reste simplement incluse dans le corps
de celui-ci, où elle donnerait naissance à un nouvel individu
qui recèlerait à son tour une partie de cette espèce de provi-
sion de matière génésique, et ainsi de suite, jusqu'à épuise-
ment de la matière plastique ainsi emmagasinée dans une série
d'individus descendant les uns des autres. Mais cette nouvelle
hypothèse ne satisfait pas mieux que les précédentes, et la
marche bien connue des phénomènes embryogéniques ne nous
permet pas de l'adopter. Dans l'état actuel de nos connais-
sances, nous ne pouvons qu'enregistrer les faits physiolo-
giques dont il vient d'être question, et les comparer à ceux qui
nous sont offerts par les autres Animaux. Du reste, cette com-
plétéspar les recherches entreprises plus qu'on l'avait d'abord supposé (6), et ni
récemment en France, en Allemagne et la constitution de ces derniers corps
en Angleterre, par plusieurs auteurs (a). embryogènes, ni la structure des ovai-
11 existe quelques différences dans le res, ne paraissent offrir aucune parti-
mode de développement de l'œuf pro- cularité importante (c).
prement dit des Pucerons fécondables (1) Voyez ce qui a été dit ci-des-
et du pseudomi/n ou œuf agamogénique sus touchant le mode d'action de la
des Pucerons vivipares ; mais ces dif- liqueur séminale, pages 33Zi et sui-
férences ne sont pas aussi grandes vantes.
(a) Dutrochet, Observations sur les organes de la, génération des Pucerons (Ann. des seiencet
nat., 1833, t. XXX, p. 204, pi. 17,C).
Ch. Morren, Mém. sur l'émigration du Puceron du Pêcher et sur les caractères et Vana-
tomie de cette espèce {Ann. des sciences nat., 2» série, t. VI, p. 84 et suiv., pi. 6 et 7, A).
(b) Siebold , Ueber die innern Geschlechtswerkzeuge der viviparen und oviparen Blattl&use
(Froriep's Neue Notizen, 1839, t. XII, p. 308).
V. Carus, Zur naehern kenntniss des Generationstvechsels, 1849, p. 20.
Waldo-Burnett, Researches on ihe Development oj' Viviparous Aphides (Silliman's American
Journal, 1854, t. XVII; — Ann. of Nat. Hist., 2» série, 1854, t. XIV, p. 81).
(c) Leydig, Einige Bemerkungen iiber die Entwickleung der Blattlâiise ( Zeitschrift fur
wissensch. Zoologie, 1850, t. II, p. G2, pl. 5, B).
Huxley, On the Agamic Reproduction and Morphology of Aphis {Philos. Trans., 1857,
p. 193, pl. 36).
— J. Lubbock, On the Ova and Pseudova of Insects {Philos. Trans., 1858, p, 341, pl. 18).
878 REPRODUCTION.
paraison suffit pour faire disparaître en partie les difficultés dont
on est tout d'abord frappé. En effet, du moment que nous avons
constaté que, chez les Animaux scissipares, l'activité vitale
d'une petite portion de l'organisme peut suffire à la production
d'un individu nouveau, nous pouvons voir sans étonnement
la substance plastique qui est élaborée dans l'appareil géné-
rateur des Pucerons devenir un centre d'activité analogue.
L'œuf fécond qui est formé de la sorte est assez semblable à
ces espèces de bourgeons caducs, ou bulbilles, que nous avons
déjà vus se détacher du corps de divers Animaux inférieurs, et
devenir ensuite le siège d'un travail organisateur dont résulte
un individu nouveau.
Ces phénomènes de parthénogénésie, ou reproduction par
des femelles vierges, ne se rencontrent pas seulement chez les
Pucerons et d'autres Insectes de la famille des Aphides. 11
est au moins très-probable que divers Lépidoptères, particu-
lièrement les Psychés, sont susceptibles de se multiplier de la
même manière (1), et les observations faites depuis quelques
(1) Réaiiniur fut le premier à en- caractère de précision nécessaire pour
trevoir le phénomène de la partliéno- inspirer grande confiance, car l'exis-
génésie chez les petits Lépidoptères lence d'individus des deux sexes avait
connus aujourd'hui sous le nom de été constatée plus d'une fois (c), et
Psychés, mais il hésita à y croire (a). elles hirent révoquées en doute par la
Des observations analogues furent plupart des entomologistes de l'é-
publiées ensuite par Schiffermiiller, poque actuelle (d), jusqu'au moment
Pallas et plusieurs autres natura- où M. Siebold eut fait à ce sujet des
listes (6) , mais elles n'avaient pas le expériences concluantes. S'étaut pro-
(a) Réaumur, Ném. pour servir à l'histoire des Insectes, 037, t. III, p. -153.
(6) Scliiffermiiller, Sjjstematisches Verzeichniss der Schmetterlinge der Wienergegend, i77G.
— Pallas , Observatio Phalœnarwn biga quarum alterius femina artubus prorsus destituta,
nudaque, vermiformis, alterius glabra quidem et impiennis, altamen pédala est, utriusque vero,
sine habita cum maseulis commercio, fœcunda ova parit (Nova Acta Acad. nat. curios., 1767,
t. m, p. iSO).
(c) De Geer, Mém.pour servir à l'histoire naturelle des Insectes, i. II, p. 379.
(d) Siebold, Ueber die Fortpjlanz^mg von Psyché {Zeitschrift fur îvissensch. Zoologie, 1849,
t. I, p. 93).
— Lacordaire, Introduction à l'entomologie, t. II, p. 384.
— Bruand, Essai monographique sur la tribal des Psychides (Société d'émulation du Doubs,
1852).
PARTHÉNOGENÈSE. 379
années sur les Abeilles tendent à faire penser que si le con-
cours du mule est toujours nécessaire pour que l'Abeille reine
produise d'autres femelles ou des Abeilles ouvrières, la fécon-
dation ne serait pas également indispensable pour la ponte
curé un grand nombre de cocons du chez le Bombyx ( ou Gastropacha )
Talœporia (ou Solenobia lichenclla) potatorîa et VEpisema cœruleo-
et du T. triquetrella, il vit qu'il n'en cephala (c) ; par Suckow, chez le
sortit que des femelles, et que celles- Gastrophaga Fini (d) ; par Trevi-
ci, renfermées sous une cloche, ne ranus, chez le Sphinx Liguslri (c-) ;
tardèrent pas à pondre des œufs dont par M. Nordmann (/"), par M. Brown,
sortit une nouvelle génération de par M. Tardy et par plusieurs
ces petits Lépidoptères. M. Siehold autres entomologistes {y) , chez le
obtint ensuite des résultats analogues Smerinthus Populi ; par M. Lecoq,
en expérimentant sur le Ps?/c/ie /ie^icc, chez VArctia ciaja [h] ; par M. Car-
dont on ne connaît encore que des lier, chez le Liparis dispar (i) ; par
individus femelles {a). M. Curtis, chez le Bombyx Polyphe-
Les Psychés ne sont pas les seuls mus (j) ; par M. Lacordaire, chez le
Lépidoptères chez lesquels des phéno- Bombyx Quercus {k); et par M. Thom,
mènes de lucinia sine concubitu chez le Nematus Ribesii (/). Plusieurs
aient été signalés ; des faits de cet naturahstes assurent avoir observé des
ordre ont été mentionnés par Albrecht faits analogues chez le Bombyx du
chez un Papillon (6) ; par Bernoulli, Mûrier [m) ; mais si la parthénogénésie
(a) Siebold , Wahre Parthenogenesis bei Schmetterlingen und Bienen. Leipsig, 1856. —
Recherches sur la parthénogenèse chez les Lépidoptères et les Abeilles (Ann. des sciences nat.,
i' série, 1856, t. VI, p. 195).
(6) Albreclit , De Insectorwn ovis sine prœvia maris cum femella conjunctione fœcundis
(Ephem. nat. curios., 1790, dec. 3, ann. ix. p. 26,).
(c) Bernoulli , Observatio de quorumdam Lepidopterum facuUaie ova sine progressa coitu
fcECunda excludendi {Mém. de Berlin, 1772, p. 44 ; — Jliscell. Acad. nat. curios., an ix et x,
dec. 3, obs. H, p. 26).
^ (d) Suckow, Geschlechtsorgane der Insecten (Heussinger's Zeitschrift fur die org. Plujs., 1828,
t. II, p. 263).
(e) Treviranus, Vermisch. te Schriften., t. IV, p. 106).
(/■) Voyez Burnieister, Handbuch der Entomologie, t. I, p, 337.
[g] Brown, A List of crepuscular Lepidopterous Insects, 1835 {Mag. of Nat. Hist., t. VIII,
p. 557).
— Kipp, Bienenzeitung, 1853, p. 752.
— Newmann, SlawoU etRobinson : voy. Lubbock, On Reproduction in Daphnia {Philos. Trans.,
1857, p. 96).
(h) Lecoq, De la génération alternante, etc. {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1856
t. XLIII, p. 1069).
(i) Voyez Lacordaire, Introduction^à l'entomologie,' t.' lï, p. 383.
{j) Voyez De Filippi, Sur la génération d'un Hyménoptère {Ann.' des sciences nat., S' série,
185J, t. XV, p. 297).
{k) Lacordaire, Introduction à Vcntomologie, t. Il, p. 383.
(ij Tliom, On Ihe Gooseherry CalerpiUars and the Application of heat for their Destruclion
(Gardener's Magazine, t. VII, p. 196.
(m) Siebold, Op. cit. {Ann. des sciences nat., i' série, 1856, t. Vf, p. 200).
380 REPRODUCTION.
d'œufs dont naîtraient des maies (l). Enfin, on connaît aussi
plusieurs Crustacés qui semblent faire exception à la règle
ordinaire, touchant l'union nécessaire des produits du mâle et
de la femelle comme prélude du travail embryogénique dans
existe parfois cliez ces Insectes , c'est
certainement un cas exceptionnel.
11 est probable que les Cynips fe-
melles sont susceptibles de se repro-
duire de la même manière, car les
entomologistes ont cherché en vain à
découvrir des individus mâles de plu-
sieurs espèces de ce groupe (a), et
M. Léon Dufour a vu que les femelles,
au moment de leur sortie de la galle
oîi elles sont nées , ont déjà dans
leur intérieur des œufs bien dévelop-
pés (6).
(1) Des observations qui tendaient
à prouver que l'Abeille peut se repro-
duire sans le concours du mfde avaient
été faites depuis longtemps par plu-
sieurs observateurs (c) ; mais, à la
suite des belles recherches de Huber
sur la fécondation de cet Insecte {cl),
on n'y attacha que peu d'importance
jusqu'au moment où un agriculteur
allemand, M. Dzierzon, curé à Carls-
mark, en Silésie, vint donner à des
faits du même ordre un grand intérêt.
On savait par les observations de
Huber que l'accouplement des Abeilles
ne peut s'effectuer que pendant le vol,
et que si le rapprochement sexuel n'a
pas lieu avant le vingt et unième jour
après que la jeune Reine est sortie de
sa cellule, celle-ci ne devient pas apte à
produire des œufs d'ouvrières ou des
œufs royaux, et ne pond que des œufs
dont naissent des mâles. Or, M. Dzier-
zon annonça que les Reines retenues
captives et placées ainsi dans l'impos-
sibilité de recevoir le mâle, pondent
des œufs de ce dernier genre, et que
dans les circonstances ordinaires les
œufs donnant des femelles ou des ou-
vrières sont les seuls qui subissent
l'action de la liqueur séminale déposée
dans la vésicule copulatrice au mo-
ment du coït (e). Cette opinion a été
confirmée par les observations de plu-
sieurs des naturalistes les plus émi-
nents de l'Allemagne, tels que M. Sie-
bold et M. Leuckart (/"). Elle s'appuie
principalement sur les faits suivants.
Lorsque la Reine, par suite d'un
vice de conformation des ailes , ne
(a) Hartig , Zweiter Nachtr, %ur Naturgesch. der Gallenvespen (Germai-'s Zdtschr. fur
Entom., 1813, t. IV, p. 597).
(b) Léon Dufour, Recherches sur les Orthoptères, etc., p. 263 {extrait des Mémoires des Savants
étrangers, l. VII, 1841).
(c) Voyez Westwood, Iniroduclion to the modem Classification ofinser.ts, 1840, t. If, p. 384.
Hallorf, Recherches sur cette question : La Reine Abeille doit-elle aire fécondée par les
faux Bourdons ? (Voy. Schirack, Histoire nat. des Abeilles (Trad. par Blassière, 1771).
(d) F. Huber, Nouvelles observations sur les Abeilles, 1814, t. I, p. 91 et suiv.
(e) Dzierzon, Théorie und Praxis des Neuen Bieneiifrew^des, 1849. — Nachlrages sîi?"
Théorie und Praxis, 1852.
{/■) Siebold, Wahre Parlhenogenesis bel Schmetterlingen und Dienen , 1850. — Recher'ches
sur la Parthénogénésie {Ann. des sciences nat., ¥ série, 185û, t. VI, p. 170 el suiv ).
— Leuckart, Zur Kenntniss des Generationswechsels und der Parlhenogenesis bel den
Insekten, 1858.
PARTHÉNOGEINÈSE. 381
l'intérieur d'un œuf. Les Daplinies qui habitent nos eaux douces
sont dans ce cas (i).
Dans l'état actuel de nos connaissances, il serait difficile de
bien apprécier la valeur de tous ces faits exceptionnels. Faut-il
penser que les œufs produits par parthénogenèse sont assimi-
lables à ces bulbilles reproducteurs dont il a été question dans
peut pas quitter la ruche, et par con-
séquent ne peut pas s'accoupler avec
le mâle, elle pond des œufs dont nais-
sent des mâles seulement. Dans une
expérience faite par M. Berlepscli, une
jeune Reine retenue captive dans sa
ruche depuis le moment de sa nais-
sance , donna, au l)Out de quelques
mois, une couvée abondante de mâles,
mais ne produisit ni des ouvrières
ni des femelles. Une autre Abeille
reine qui avait donné jusqu'alors des
œufs de diverses sortes dans la pro-
portion ordinaire, ayant été blessée à
la partie postérieure de l'abdomen, là
où se trouve le réservoir séminal ,
continua à pondre , mais ne donna
plus que des mâles. M. Leuckart exa-
mina avec beaucoup de soin les œufs
pondus par les Abeilles reines dans
les circonstances ordinaires, afin de
voir s'ils offriraient quelques diffé-
rences en rapport avec le phénomène
de la fécondation : dans quelques cas,
il parvint à découvrir des Spermato-
zoïdes près du micropyle sur des œufs
destinés à donner naissance à des ou-
vrières, mais jamais il n'en trouva
aucune trace sur les œufs mâles. Enfin,
M. Siebold examina au microscope le
contenu de ces deux sortes d'œufs :
sur 52 œufs femelles, 30 lui montrè-
rent des Spermatozoïdes, et les 20 au-
tres furent abîmés par les mouvements
nécessaires pour des investigations de
ce genre ; d'autre part, 27 œufs re-
tirés des alvéoles préparés pour les
mâles furent examinés avec les mêmes
soins, et dans aucun on ne trouva
des traces de l'existence de Sperma-
tozoïdes.
(1) Les Daphnies femelles sont beau-
coup plus nombreuses que les mâles,
et, dans la plupart des cas, se repro-
duisent sans s'être accouplées avec
ceux-ci. Ce fait, observé par Schaeffer
vers le milieu du siècle dernier (a),
a été constaté expérimentalement par
plusieurs naturalistes (6). En opérant
sur des femelles séquestrées dès leur
naissance, on a pu obtenir jusqu'à six
générations parthénogénésiques.
(a) ScIiiEfrcr, DiegHïnen Armpohjpen, die geschivânzten und ungescliwân%ten zackigenWasser-
flOhe, etc., 1775.
(h) Jurine, Histoire des Monades, 1820, p. IGG.
— Straiis, Mém. sur les Daphnies, p. 44 (extrait des Mémoires du Muséum dliisloire natu-
relle, t. V).
— Baird, Nat. Hist. of British Entoniostraca (Mag. of Zool. and Botany, t. II, p. 40G).
— Lubboek, Account of the two Modes of Reproduction in Daphnia (Philos. Trans., iS51,
p. 79).
— SmitI), Sur les Ephippies des Daphnies, p. 13 (exirait des Nova Acta Soc, scient., Upsal,
1859, 3' série, t. III).
382 REPRODUCTION.
une Leçon précédente? ou faut-il supposer que dans les cas de
cet ordre, la matière fécondante, qui d'ordinaire semble être
portée dans l'œuf par les Spermatozoïdes, y est introduite par
l'organisme de la femelle sans avoir revêtu la forme de ces
corpuscules fertilisateurs ? On pourrait faire encore d'autres
hypothèses à ce sujet ; mais, en se livrant à de pareilles spé-
culations de l'esprit, on n'avancerait pas la question, et il me
paraît préférable d'avouer franchement notre ignorance, ne
fût-ce que pour provoquer des investigations nouvelles.
Résumé. § 8. — En résumé, nous voyons donc :
V Que tout être animé est produit par un être vivant de son
espèce.
2° Que tantôt il y a continuité de substance entre l'individu
souche et l'individu nouveau, tandis que d'autres fois le germe
de ce dernier naît en contiguïté avec le tissu vivant de l'orga-
nisme dont il dérive, sans être jamais en continuité avec lui.
3° Que la génération par continuité s'effectue de trois ma-
nières : par scissiparité ou par gemmiparité, ou par la pro-
duction de bulbilles.
Il" Que la génération par contiguïté a lieu au moyen
d'œufs qui tantôt sont aptes à produire un individu nouveau
sans rien recevoir du dehors, mais qui d'ordinaire restent sté-
riles jusqu'à ce qu'ils aient subi l'action d'une matière fécon-
dante particulière contenant des corpuscules organisés dils sper-
matiques; ou, en d'autres mois, que ce mode de reproduction
a lieu de deux manières : tantôt par l'activité propre d'indi-
vidus agames ou par parthénogenèse ; d'autres fois par le
concours fonctionnel de deux agents sexuels différents.
5° Que la procréation sexuelle peut s'effectuer de trois ma-
nières : au moyen d'un seul individu androgyne, c'est-cà-dire
pourvu des deux sortes d'organes sexuels, les uns mfdes, les
autres femelles; au moyen de l'action combinée de deux indi-
vidus homœomorphes, qui sont hermaphrodites comme le pré-
RÉSUMÉ. 383
cèdent, mais dont l'hermaplirodisme est relatif et non absolu;
enfin au moyen de deux individus dioïques, c'est-à-dire chez
lesquels les organes mâles et femelles ne coexistent pas dans
le corps du même Animal et appartiennent à deux individus de
sexes différents.
6° Que la production des œufs et des corpuscules sperma-
tiques peut être diffuse, mais que dans l'immense majorité des
cas elle est localisée dans des glandes particulières dont
l'une, appelée ovaire, est l'organe femelle essentiel, et l'autre,
nommée testicule^ est l'organe mâle.
7° Que dans l'un et l'autre de ces organes il se forme des
cellules ou utricules libres et vivantes, dans l'intérieur desquelles
se développent les substances embryogéniques, savoir, d'une
part, les corpuscules spermatiques, d'autre part la matière ger-
mi native.
8° Que d'ordinaire les corpuscules spermatiques affectent la
forme d'Animalcules et sont doués de la faculté d'exécuter des
mouvements spontanés.
9° Que ces Spermatozoïdes, pour féconder le germe contenu
dans l'œuf, doivent arriver en contact avec celui-ci à l'état vivant,
et pénétrer plus ou moins profondément dans son intérieur.
10° Que l'œuf ainsi fécondé peut être un appareil embryo-
génique complet, c'est-à-dire contenant tout ce qui est néces-
saire au développement de l'individu nouveau jusqu'au moment
où celui-ci est devenu apte à vivre dans le monde extérieur ;
ou bien un appareil embryogénique incomplet, qui doit rece-
voir de l'organisme souche de nouvelles provisions de matières
assimilables à mesure que le développement du jeune s'effectue
dans sa cavité.
Pour terminer cette esquisse rapide du mode de multiplica-
tion des êtres vivants dans l'ensemble du Règne animal, il
me paraît nécessaire d'étudier maintenant les caractères géné-
raux du travail embryogénique qui s'effectue dans l'intérieur
38/l REPRODUCTION.
de l'œuf. Ce sera le sujet de la prochaine Leçon ; mais les
notions sommaires que je présente ici ne sauraient nous suffire,
et il nous faudra examiner d'une manière plus approfondie
l'histoire anatomique et physiologique de l'appareil reproduc-
teur dans chacun des principaux groupes zoologiques. Nous
nous occuperons de ces études particulières dès que nous
aurons passé en revue les faits dont la connaissance pourra
compléter les idées générales que nous devons avoir du grand
phénomène de la génération.
SOIXANTE -QUATORZIEME LEÇON.
Suite des notions préliminaires sur la reproduction des Animaux. — Caractère
général du travail embryogénique. — Fractionnement du germe. — Développe-
ment du Métozoaire et du Typozoaire; phénomènes des générations alternantes,
— Analogie de ces phénomènes avec ceux que l'on observe au début du travail
embryogénique chez les Animaux supérieurs. — Distinction à établir entre les
divers termes de la série des êtres qui naissent successivement les uns des
autres; Protoblastes, Métozoaires et Typozoaires. — Diversification des matériaux
organiques; mode de formation et classification des tissus.
§ 1. — Jadis beaucoup de physiologistes pensaient que dès M^^e
son origine le jeune Animal en voie de développement dans le de
l'organisme
sein de sa mère, ou dans l'intérieur d'un œuf déjà expulsé au des Animaux.
dehors de l'organisme de celle-ci, présente en miniature, et
avec des teintes plus ou moins faibles, l'image exacte de ce
qu'il sera par la suite; qu'il possède déjà toutes les parties qu'il
aura plus tard, et que par les progrès du travail embryogénique,
ces parties ne font que grandir et se dessiner plus nette-
ment. Cette opinion, que dans l'ancien langage des Écoles on
appelait le système de révolution, devait être adoptée par les
naturalistes spéculatifs qui admettaient l'hypothèse de la pré-
existence et de l'emboitement des germes (1); mais elle ne
(1) Les observations incomplètes de aperçu sous la peau delà nymphe tous
Swammerdam sur les métamorphoses les organes dont l'Insecte parfait de-
des Insectes furent considérées par vait être pourvu, et il pensa que chez
quelques physiologistes du siècle der- la larve, dès l'origine de celle-ci, il
nier comme probantes, en faveur de devait en être de même (a); mais il
l'hypothèse de l'évolution. Effective- n'en est pas ainsi. Haller fut un des
ment, cet anatomistc, en disséquant partisans les plus célèbres du système
quelques-uns de ces animaux, avait de l'évolution (6).
(a) Swaramerdani, Biblia Naiurœ, t. I, cap. n, ete.
(&) Haller, Elemenla physiologix, t. VIII, p. 1 50 et suiv.
386 REPRODUCTION.
pouvait satisfaire les observateurs qui étudiaient d'une manière
approfondie les phénomènes embryogéniques ; et dès que les
physiologistes eurent commencé à s'occuper sérieusement
d'observations de ce genre, ils furent conduils à considérer la
formation du jeune Animal comme le résultat d'une sorte de
construction progressive au moyen de laquelle son organisme
s'enrichissait successivement de parties nouvelles ajoutées à
celles précédemment constituées. On a appelé épigénèse ce
mode de développement de l'embryon. Harvey, dont le nom
est célèbre à plus d'un titre (1), fut un des premiers à nous
montrer que le travail embryogénique présente ce caractère (2) .
Wolff, dont les recherches ont une grande valeur, mit ce fait
encore mieux en lumière (3), et tous les travaux de même ordre
dont la science a été enrichie depuis un demi-siècle sont venus
en fournir de nouvelles preuves. L'hypothèse de l'évolution est
donc irrévocablement abandonnée aujourd'hui, et le système
de l 'épigénèse est considéré par tous les physiologistes comme
étant l'expression de la vérité.
En effet, au début du travail embryogénique, il n'existe dans
l'intérieur de l'œuf rien qui ait la moindre ressemblance avec
le jeune Animal qui va se former, et bien que l'introduction des
Spermatozoïdes dans la sphère vitelline ait pu être constatée,
toute trace de l'existence de ces corpuscules dans l'intérieur de
(1) Voyez lome III, page 22. en 1735, et soutint en 1759, à Hiill,
(2) Le traité sur la génération pu- une thèse très-remarquable sur la
blié par Harvey en 1631 contient un génération (6). Quelques années après,
grand nombre d'observations impor- il alla se fixer à Saint-Pétersbourg, et
tantes (a), mais est loin de valoir ce fut dans les mémoires de l'Acadé-
l'opuscule de ce grand physiologiste mie de cette ville qu'il publia la phi-
sur la circulation du sang. part de ses travaux sur le développc-
(3) Gaspard Wolff naquit à Berlin ment de l'embryon.
{a) Harvey, De generalione Animalium, p. 652.
(6) Woliï, Dissert, inaug. sistens theoriam generalionls, 1759. — Edilio nova aueta et
emendata, 1774.
EMBRYOGÉNIE. 387
l'œuf ne tarde pas à disparaîlrc. Quelques physiologistes avaient
supposé que le Spermatozoïde n'élait autre ehose que le rudi-
ment du nouvel individu, ou tout au moins une partie essentielle
de l'organisme de eelui-ei, par exemple son axe eérébro-spinal ;
mais ces opinions ne sont pas fondées, et e'est en majeure par-
tie, sinon uniquement, aux dépens de la matière plastique du
vitellus que l'embryon se constitue (1).
§ 2. — Pour bien saisir l'enchaînement des faits dont
l'étude nous occupe en ce moment, et pour ne pas nous laisser
distraire de la recherche du caractère général des phénomènes
zoogéniques par la diversité des formes que ces phénomènes
peuvent affecter, il me paraît utile de présenter ici quelques
considérations qui, au premier abord, pourraient sembler un
peu abstraites, mais qui trouveront bientôt leur application et
État primitif
de l'Animal
naissant.
(1) Il me semblerait iniUile d'expo-
ser ici les idées des anciens natm'alistes
relatives au rôle de la liquem* séminale
dans la reproduction ; le nom donné
à cette matière indique assez qu'on la
considérait comme agissant à la ma-
nière des semences végétales qui, dé-
posées dans un terrain convenable,
germent et se développent. Hippocraie
avait supposé que la procréation était
due à l'union de ce fluide avec un pré-
tendu liquide séminal qui aurait été
fourni par la femelle, et qui, de même
que la première serait venu de toutes les
parties du corps (a). Aristote combattit
cette hypothèse, et regarda la semence
du mâle comme étant le seul agent
prolifique, et comme devant être nourri
en quelque sorte par la matière des
menstrues de la femelle ou par quel-
que chose d'analogue (6). Après la
découverte des spermatozoïdes, beau-
coup de physiologistes supposèrent que
ces corpuscules étaient des germes, et
que l'embryon n'était autre chose que
l'un d'eux, développé par l'effet de
son séjour dans l'œuf (c). Quelques
autres publièrent même à ce sujet
de singuliers romans. Enfin, de nos
jours, quelques auteurs ont pensé que
les spermatozoïdes pouvaient bien être
le rudiment du système nerveux céré-
bro-spinal du futur animal {d). Mais
aujourd'hui toutes ces idées sont aban-
données, et l'on est d'accord pour regar-
der ces corpuscules comme des agents
fécondateurs dont l'existence ne se
prolonge pas après que la fécondation
a été opérée.
(a) Hlppocrate, De la génération {Œuvres, trad. par Lillrc, t. VII, p. 471 et siiiv.).
(b) Aristote, De generatione Animalium, lij). I, cap. 4 7 et suiv.
(c) Voyez Haller, Elemeiita physiologiœ, t. VIII, lib. xxix, sect. 2.
(d) Dumas, article GÉNÉRATION du Dictionnaire classique d'histoire 7iaturelle, 1825, t. VII,
p. 221, etc.
388 REPRODUCTION.
qui nous serviront de guide dans l'examen de plus d'une ques-
tion parliculière.
D'après tout ce que nous avons vu déjà, toucliant la forma-
lion et le développement de l'œuf, il me parait évident que ce
corps, dès le premier moment de son existence, c'est-à-dire
lorsqu'il ne consiste encore qu'en une siuiple vésicule dite ger-
minative. doit être considéré comme un être vivant, comme un
nouvel Animal dont le corps est doué de la faculté de se déve-
lopper suivant certaines règles et de se perfectionner plus ou
moins, en s'enrichissant de parties nouvelles et en donnant
naissance à des produits vivants, qui à leur tour s'organiseront
de façon à constituer un nouvel individu. L'être primordial que,
pour la faculté de l'exposition, j'appellerai le Protoblaste^ termine
là son rôle biologique, puis il meurt et disparaît; mais l'être
qu'il a créé continue à vivre et à se développer, soit en vertu
des seules forces dont il est animé, soit avec l'aide d'un agent
compléuientaire fourni par la liqueur fécondante du mâle. En se
développant, il subit des changements considérables, et arrivé à
une certaine période de son existence, il produit par une sorte
de bourgeonnement local un nouveau corps organisé et vivant,
qui, en se développant à son tour, deviendra un embryon, puis
un Animal semblable à celui dont provenait' le blaslogène dont
il descend.
Produits En m'cxcusant de ces néologismes, j'appellerai Métazoaire
zoo"scnTque. l'iudividu intermédiaire qui est né du Protoblaste, et qui sera
la souche dont naîtra l'individu que je désignerai sous le nom
de Typozoaire, parce qu'il est desliné à réaliser la forme défi-
nitive de sa race, celle sous laquelle une nouvelle génération de
Protoblastes pourra être produite.
Les pliysiologistes qui s'occupent seulement de l'étude des
Animaux supérieurs, négligent trop les anneaux intermédiaires
entre la mère et l'embryon, et ne considèrent en général le Méta-
iioaire que comme une partie de ce dernier en voie de formation.
EMBRYOGÉNIE. 389
Mais lorsqu'on tient compte de ce qui se passe dans d'aiilrcs
groupes zoologiques, etlorsqii'on veut embrasser d'un seul coup
d'œil l'ensemble des phénomènes génésiques dans le Règne
animal tout entier, les distinctions que je viens d'établir ne
doivent pas être perdues de vue, parce que dans beaucoup de
cas le rôle physiologique du Métazoaire, ou même celui du
Protoblaste, s'agrandit beaucoup et offre un grand intérêt.
Je dirai même que c'est faule d'avoir bien saisi les analogies qui
existent entre ces différentes périodes de l'hisloire génésique
des Animaux supérieurs et les singuliers phénomènes désignés
communément sous le nom de générations alternantes^ ou de
généagenèse (1), que ceux-ci ont semblé être des anomalies.
En effet, chacun des trois individus qui représentent, comme
nous venons de le voir, une seule et même espèce zoologique,
le Protoblaste , le Métazoaire et le Typozoaire , est un être
qui vit et qui procrée. Mais la faculté procréatrice dont ils
sont doués n'a pas toujours le même caractère. Tantôt le
Protoblaste ne peut donner naissance qu'à un Métazoaire, et
celui-ci ne peut produire qu'un Typozoaire, qui à son tour ne
peut engendrer que des Protoblastes ; mais, dans d'autres cas,
les produits de l'activité générique du Métazoaire et même du
Protoblaste peuvent être homœomorphes aussi bien qu'hétéro-
morphes, c'est-à-dire ressembler à l'être dont ils proviennent
ou en différer : le Protoblaste peut alors se multiplier et fournir
une génération nouvelle de jeunes Protoblastes, qui à leur tour
donneront des Métazoaires. Quelquefois aussi le Métazoaire se
développe davantage, et devient apte non-seulement à vivre dans
le monde extérieur, comme le font les Animaux ordinaires, mais
(1) M. de Quatrefages a proposé festent dans les divers termes d'une
remploi de cette expression pour dé- série d'êtres descendus les uns des
signer les changements qui se mani- autres (a).
(a) Qualrefages, ilélamorphoses de l'Hoiume, ei des Animaux, -1862, p. 16.
vm. 27
390 REPRODUCTION,
aussi à reproduire de nouveaux individus faits à son image, les-
' quels à leur tour, donnent naissance à des Typozoaires, ou indivi-
dus semblables à ceux dont sont sortis les premiers Protoblastes.
Génération Commc cxemplc de cette génération homœomorphique effec-
'"pwqur" tuée par les Protoblastes, je citerai ce qui a lieu chez certains
1. protobiastej Vers dc la famille des Pilaires dont j'ai déjà eu l'occasion de
mentionner les migrations : le Mermis albicans, dont le mode
de reproduction a été étudié avec beaucoup de soin par
M. Meissner. L'appareil femelle de ces Animaux se compose
d'un long tube, dans la partie la plus reculée duquel naissent des
Protoblastes qui consistent chacun en une cellule renfermant
un nucléus et un nucléole. Par les progrès du développement
de cette vésicule, son noyau se dédouble; puis chacune des
moitiés de ce corps se partage de la iiiême manière, et par les
progrès ultérieurs de cette scissiparité , le nombre des noyaux
s'élèvera ensuite à huit ou à seize. Les noyaux ainsi produits
sont des vésicules germinatives ou protoblastes destinés à deve-
nir le centre d'autant d'œufs; ils s'accolent à la face interne des
parois de la cellule primitive, et les poussent en dehors de façon à
s'en revêtir et à déterminer la formation d'autant d'ampoules, qui
deviennent bientôt des sacs ou des cellules secondaires pédon-
culées dont la base s'étrangle de plus en plus. La vésicule primi-
tive, ainsi entourée de toute une progéniture de nouvelles vési-
cules réunies en grappe, descend ensuiie dans une seconde por-
tion du tube génital, etlà élabore dans son intérieur la substance
vitelline,qui, passant par les pédoncules creux dont je viens de
parler, pénètre dans les celluîes secondaires, s'agglomère
autour des noyaux de chacune d'elles, et constitue le vitellus
de ces œufs dont la tunique vitelline semble n'être autre chose
que la portion de la membrane pariétale de la cellule primitive
devenue piriforme. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces œufs sont d'a-
bord réujiis en grappe autour de la portion persistante de la
vésicule primitive, qui s'allonge ensuite de façon à former
EMBRYOGÉNIE. 391
une sorte de tige ou d'axe ovigère. Enfin, les œufs qui sont
appendus autour de ce rachis, comme l'appelle M. Meissner,
s'en détachent: leur pédoncule reste encore ouvert pendant quel-
que temps, et constitue le micropyle dont il a déjà été question ;
enfin la sphère vitelline s'entoure d'albumine, et après que la
fécondation a eu lieu, le travail embryogénique commence (1).
Yoilà donc un corps vivant qui se multipHe lorsqu'il n'est
encore qu'à l'état d'utricule, et qui produit toute une génération
de Protoblastes dont la forme ne diffère pas de celle des œufs
ordinaires. C'est en quelque sorte un œ.uf qui engendre d'autres
œufs dont les produits seront des êtres d'une tout autre forme;
et, s'il était permis d'appliquer à ces phénomènes les noms
employés pour désigner la succession des Animaux supérieurs
qui sont procréés les uns par les autres, on pourrait dire que
le Protoblaste né du Mermis est la mère des Protoblastes
qui sortent du corps de cesVers à l'état d'œufs, et que ces der-
niers sont les arrière-enfants de l'Animal souche.
^3. — Du reste, que le Protoblaste soit le produit d'un Génération
corps reproducteur semblable à lui , c'est-à-dire d'une cellule p^'i"^
vivante, d'une vésicule germinative, ou qu'il naisse directement i« Protowaste.
de l'Animal propagateur, son rôle physiologique est de courte
durée ; car lorsque l'œuf dont il constitue la partie fondamen-
tale est arrivé à maturité, il se détruit, et disparaît après avoir
transmis la puissance vitale aux rudiments d'un nouvel être :
leMétazoaire dont il détermine la formation. Celui-ci, pour se
développera devenir apte à produire un Typozoaire, a d'or-
dinaire besoin de subir l'influence excitante des Sperma-
(1) Le travail de M. Meissner sur le fort intéressantes sur la formation des
développement des iier?nis a une très- cellules spermatiques ou œufs mâles,
grande importance pour la physiologie aussi bien que sur la production des
générale, et contient des observations œufs de la femelle (a).
(a) G. Meissner, Beitràge zur Anatomie und Phijsiologie von Mermis albicans {Zeitschrift fur
wissenschaftliche Zoologie, 1853, t.V, p. 207).
392 REPRODUCTION.
tozoïdes. Mais, ainsi que nous l'avons déjà vu dans la dernière
Leçon (1), la fécondation n'est pas toujours nécessaire, et, en
général, même, le germe immédiat de ce nouvel être est
reconnaissable avant que cet acte ait eu lieu. Ainsi la cicatri-
cule, ou tache blanchâtre qui se voit à la surface du vitellus
de l'œuf de la Poule, est le Métazoaire naissant, et ce germe
est parfaitement distinct avant l'imprégnation; on l'aperçoit
aussi dans les œufs qui restent stériles, aussi bien que dans
ceux qui ont été fertilisés par le contact du sperme.
Nous ne savons rien de positif relativement à la manière
dont la vésicule germinative, ou Protoblaste, détermine la for-
mation du germe et de ses dépendances, c'est-à-dire des maté-
riaux primitifs du Métazoaire; mais nous devons supposer que
ceux-ci sont des produits directs ou indirects de son action phy-
siologique, puisque dans les premiers temps de son existence
ce corps constitue à lui seul la totalité du nouvel être en voie
de développement. 11 est aussi à noter que c'est toujours autour
de la vésicule germinative que la substance blastogénique
semble s'organiser et s'accumuler. Ainsi, dans l'œuf des
Oiseaux, cette vésicule occupe d'abord le centre du globe
vitellin et se retrouve plus tard au milieu de la cicatricule (2).
Nous sommes dans une ignorance non moins grande au
sujet de la cause qui détermine la disparition de la vésicule
germinative. Quelques physiologistes avaient pensé que ce
phénomène était dû à l'influence de la liqueur fécondante; mais
(1) Voyez ci-dessus, page 375. par la destruction des parois de cette
(i2) J'ajouterai que, d'après les ob- cellule primitive (a). Or, les matières
servations de M. Lereboullet sur l'œuf grasses semblent jouer un rôle consi-
de l'Écrevisse, la vésicule germinative dérable dans les phénomènes du frac-
paraît être le [siège d'une production tionnement du vitellus etdanslafor-
ou sécrétion remarquable des matières mation des cellules histogéniques.
grasses, qui sont ensuite mises en liberté
(a) Leieboullel, Becherches d'embryologie comparée sur le développement du Brochet, de la
Perche et de l'Écrevisse, p. 217.
EMBRYOGÉME. 39.^
cela n'est pas admissible, car il a été souvent facile de constater
que longtemps avant l'imprégnalion de l'oiuf, la vésicule en
question avait cessé d'exister (i).
La disparition de cette cellule primordiale ne peut être con-
sidérée que comme une conséquence de sa mort naturelle ;
c'est le terme normal de l'existence d'un être vivant dont le
rôle biologique est terminé, et en général ce pbénomène semble
caractériser la période de maturité de l'œuf (2).
§ 4. — La matière d'apparence grumeleuse et gluante qui Formation
constitue le germe, et qui, en se développant, va former le m^?lhe.
Métazoaire, ne reste pas inactive, et subit des changemenis qui
trahissent bientôt le travail organisateur dont elle est le siège.
Ces phénomènes se passent d'abord dans l'intérieur de chacun
des nucléoles de la substance vitelline, qui semblent être autant
d'organites doués d'une vitalité propre. Puis, le globe vitellin,
(1) La disparition de la vésicule ger- de MM. Baer, Coste, Jones, Bischoff,
minative dans les œufs non fécondés de Quatrefages, Ch. Robin et Lereboul-
a été constatée, non-seulement chez let (a). La disparition de la vésicule
les Animaux où l'action du mâle ne germinative avant la fécondation de
s'exerce que postérieurement à la ponte, l'œuf a été constatée aussi dans l'es-
les Batraciens, la plupart des Poissons pèce humaine (6).
osseux et divers Annélides, parexem- (2) Chez les Poissons, la disparition
pie; mais aussi chez des femelles d'Oi- de la vésicule germinative peut avoir
seaux que l'on avait retenues séparées lieu très-longtemps avant que l'œuf
des mâles. Pour plus de détails à ce ait atteint sa maturité et ses dimen-
sujet, je renverrai aux observations sions ordinaires (c).
(a) Baer, De ovi Mammalium et Hominis genesi epistola, 1827, p. 28.
— Coste, Histoire du développement des corps organisés, 1. 1, p. 147.
— Wharton Jones, On the first changes in the Ova ofMammiferain conséquences of imprégna-
tion {Philos. Trans., 1837, p. 339).
— Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, p. 49.
— Quatrefages, Etudes embryogéniques {Ann. des sciences nat., 3* série, 1848, t. X, p. 173).
— Ch. Robin, Mémoire sur les phénomènes qui se passent dans l'ovule avant la segmentation
du vitellus {Journal de physiologie, 1862, t. V, p. 67).
— Lereboullet, Recherches d'embryologie comparée sur le Brochet, etc., p. 9.
(6) Lebert et Ch. Robin, Note sin- l'empêchement de la chute de Vœufpardes fausses membranes
qui recouvrent l'ovaire, et sur la disparition de la vésicule germinative (Gazette médicale, 1852,
p. 776).
(c) Lereboullet, Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Brochet, de la
Perche et de l'Écrevisse, 1862, p. 9 (extrait des Mémoires de l'Acad. des sciences, Sav. étrang ,
t. XVII).
394 REPRODUCTION,
considéré dans son ensemble, donne d'aiilres signes d'activité(l).
Il se resserre (2), et souvent on le voit se déformer lentement,
à la manière des substances sarcodiques (3). Parfois aussi on y
aperçoit un mouvement de rotation fort analogue à celui qui se
(1 ) La plupart des physiologistes qui
avaient observé ces changements clans
la sphère vitelline des œufs non fécon-
dés les avaient considérés comme le ré-
sultat d'un commencement de désorga-
nisation. Mais M. deQuatrefages, en étu-
diant le développement desHermelles,
a constaté qu'ils se produisent quand
l'œuf est encore vivant et susceptible
d'être fécondé. Ce naturaliste assimile
tout à fait ces mouvements de la ma-
tière plastique de la sphère vitelline à
ceux qui déterminent le fractionnement,
et qui d'ordinaire ne se manifestent
que consécutivement à la féconda-
tion ; mais, chez les Hermelles , ce
phénomène s'ai'rête bientôt quand la
fécondation n'est pas opérée (a).
(2) Ce phénomène de rétraction a été
observé chez les Mammifères (b) aussi
bien que chez divers Animaux infé-
rieurs (c). Ainsi, dans l'œuf du Lapin,
la surface du globe vitellin s'éloigne
de sa tunique membraneuse de façon
à laisser entre elle et celle-ci un espace
oii s'accumule un liquide diaphane;
espace qui a été décrit sous les noms
de zona pellucida, de couche albumi-
neuse, etc. M. Ch. Robin a étudié ré-
cemment ce mouvement de concentra-
tion du vitellus chez les Nephelis {d).
(3) La forme du globe vitellin subit
souvent des changements considéra-
bles et répétés, par l'effet de ces mou-
vements qui ressemblent beaucoup à
ceux des Amibes. Au premier abord,
on avait pu croire qu'ils étaient une
conséquence de la désorganisation des
œufs non fécondés ; mais, ainsi que
je l'ai déjà dit, M. de Quatrefages a
constaté qu'ils se manifestent lorsque
ces corps sont encore fécondables (e).
On ne doit pas les confondre avec le
phénomène de la segmentation qui est
consécutive à la fécondation {f). We-
ber paraît être le premier qui ait
signalé les contractions du vitellus à
cette période initiale du travail em-
bryogénique (g).
Récemment, M. Stricker a observé
dans l'œuf de la Grenouille des phé-
nomènes de même ordre ; les cellules
(«) Quatrefages, Etudes embryogéniques {Ann. des sciences nat., 3" série, dSiS, t. X, p. 171
et suiv.).
(b) Krause, Vermischte Beobachtungenund Hemerimngen. ^Ei der Sâugethiere (Miiller's Archiv
fur Anat. und PhysioL, 1837, p. 20, pi. 1, fig. 4, 5, 6).
— Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, p. 59 et 611.
(c) Par exemple, chez les Hermelles : voy. Quatrefages, Mém. sur V embryologie des Annélides
(Ann. des sciences nat., 3" série, t. X, p. 173).
— Le Strongle : voy. Bagge, De evolutione Strongyli auricnlaris et Ascaridis acuminatce vivi-
■parorum. Erlange, 1841, p. 9.
(d) Ch. Robin, ilféTO. sur les phénomènes qui se passent dans l'œuf avant la segmentation
(Journal de physiologie, 1862, t. V, p. 82).
(ei Quairefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3' série, 1848, t. X, p. 172).
(f) Ch. Robin, Sur les mouvements du vitellus qui précèdent ceux de l'embryon dans l'œuf
(Compte rendu de la Société de biologie, 3* série, 1861, t. 111, p. 101).
(y) E. H. Weber, Ueber die EntwicUelung des medicinischen Blutegels (Meckel's Archiv fur
Anat. und PhysioU, 1828, p. 366).
EMBRYOGÉNIE.
395
montre plus tard chez l'embryon de beaucoup d'Animaux infé-
rieurs (1). Ensuite le globe vitellin laisse échapper une ou
plusieurs sphérulesd'une matière hyaline qui désormais ne joue-
ront aucun rôle appréciable dans les phénomènes du déve-
loppement (2), mais dont la sortie semble être liée au débutd'un
mouvement moléculaire important qui caractérise une nouvelle
période du travail embryogénique. Dernièrement, M. Robin a
étudié avec beaucoup de soin le mode d'évolution de ces corpus-
cules hyalins, auxquels il donne le nom de globules polaires,]
et il pense que le point dont ils se détachent est le lieu où com-
mence nécessairement le phénomène du fractionnement ou de la
segmentation du vitellus, dont nous aurons bientôt à nous occu-
per. Mais, dans l'état actuel de la science, cette généraMsation
ne me semble pas suffisamment motivée (3).
Sortie
dfts globule»;
polaires.
OU sphérules embryonnaires émettent
des expansions tubiformes et rétrac-
tiles qui ressemblent beaucoup à ceux
des Sarcodaires (a).
(1) M. Bischoff a observé des mou-
vements de rotation du globe vitellin
dans l'intérieur de l'œuf chez le Lapin,
et il pense qu'ils sont dus à des cils
vibratiles qui se seraient développés à
la surface de Cette sphère (b).
MM. Lebert et Prévost ont constaté
que de très-bonne heure toute la sur-
face du globe vitellin des Grenouilles
présente des mouvements vibratiles, et
ils attribuent ce phénomène à la pré-
sence de cils (c). Cependant M. Lere-
boullet, qui a pu étudier avec beaucoup
d'attention la rotation du vitellus dans
l'œuf des Poissons, où elle est très-per-
sistante, n'a pu apercevoir aucune
trace de ces cils (d).
(2) Les corpuscules qui ont été assi-
milés à ces globules chez les Insectes
concourent à la formation des blasto-
dermes (e); mais ils diffèrent beaucoup
de ceux dont il est ici question.
(3) L'apparence produite par la sor-
tie de ces globules, appelés vésicules
directrices par M. Fréd. Millier (/"),
a été d'abord considérée comme due à
[a) Stricker, Ueber die Selbststandigen Bewegungen embryoneler Zellen {Bericht der K. Akad.
der Wissensch. in Wien, 18l)4, n* 12, p. 72).
[b) Bischoff, Ueber das Drehen des Dotters iin Sâugethierens wdhrenddessen Diirchgang durch
den Eileiter (MiiUer's Archiv fur Anat. und PhysioL, 1841 , p. 14). — Sur le mouvement rota-
toire qu'exécute le vitellus de l'œuf des Mammifères dans son passage à travers l'oviduete
(Ann. des sciences nat., 2' série, 1841 , t. XVI, p. 298). ■ — Traité du développement de
l'Homme et des Mammifères, p. 39.
(c) Prévost et Lebert, Mém. sur la. formation des organes de la circtilation et du sang dans
les Batraciens (Ann. des sciences nat., 3" série, 1844, t. I, p. 199).
(d) LerebouUet, Op. cit., p. 36.
(c) Ch. Robin, Mém. stir la production du blastoderme chez les Animaux articulés (Journal
de physiologie, 1862, t. V, p. 352).
if) Fréd. Millier, Zur Kenntniss des Furchungsprocesses im Schneckeneie {Archiv fur Natur-
geschichte, 1848, 1. 1, p. 1).
396 REPRODUCTION.
Noyai, viteiiin. D'ordinaire la fécondation de l'œuf est promptement suivie
la présence d'un hile, et leur expul-
sion de la sphère vitelline fut aperçue
pour la première fois par Dumortier
(de Bruxelles) [a). D'ordinaire, ce phé-
nomène est précédé par l'appari-
tion d'un espace clair que M. Grube
a appelé le pôle actif de l'œuf (6),
et que la plupart des physiologistes dé-
crivent comme correspondant au point
occupé quelque temps auparavant par
la vésicule germinative. Le centre de
cette tache devient ensuite saillant en
manière d'ampoule, puis s'allonge, de-
vient pédoncule, et se détache de façon
à constituer un globule plus ou moins
piriforme, qui reste libre dans le li-
quide adjacent. Trompés par l'appa-
rence de cette ampoule, beaucoup
d'auteurs l'ont prise pour la vésicule
germinative, mais elle ne se forme
qu'après la destruction de celle-ci ;
elle en est complètement distincte, et,
ainsi que le pense M. Ch. Robin, son
évolution semble être due à im phéno-
mène de bourgeonnement (c). En gé-
néral, deux, trois ou même quatre de
ces globules polaires s'échappent suc-
cessivement du même point, et par-
fois se confondent ensuite en une seule
masse qui reste pendant plus ou moins
longtemps flottante entre la surface
du vitellus et la tunique vitelline. On
n'est pas encore bien fixé sur la na-
ture chimique de la matière constitu-
tive de ces globules hyalins; à raison
de leurs propriétés optiques, on les
considère communément comme étant
des corps gras, et quelques auteurs en
parlent sous le nom de gouttelettes
d'huile. Leur existence a été constatée
chez un grand nombre d'animaux,
parmi les Invertébrés ((i), aussi bien
que parmi les Vertébrés (e).
(a) Dumorlier, Embryologie des Mollusques (Ann. des sciences nat., 2' série, 4837, t. VIII,
p. d36. pi. 3,Rg. 2 et 3).
(6) Grube, Untersuchungen ûber die Entwickehmg der Clepsinen. Kœnigsberg, 1844.
(c) Ch. Robin, Mémoire sur les globules polairesde l'ovule [Journalde physiologie, 1862, t. V,
p. 149, pi. 3, 4 et 5).
(d) Par exemple, dans l'embranchement des Mollusques, chez :
— Les Limnées voy. Dumortier, Op. cit. ; ■ — Pouchet, Note sur le développement des Lim.nées
{Ann. des sciences nat., 2" série, 1838, t. X, p. 63); ■ — Ch. Robin, Op. cit. (Journal de physio-
logie t. V, p. 169).
— L'Aplysie : voy. Van Beneden, Recherches sur le développement des Aplysies [Ann. des
sciences nat., 2^ série, 1841, t. XV, p. 126).
— Les Dentales : voy. Lacaze-Duthiers, Développement du Dentale {A7in. des sciences nat.,
4« série, 1857, t. VII, p. 207, pi. 6, dg. 4).
— Le Tergipes Edwardsii : voy. Nordmann , Monographie, etc. (Ann. des sciences nat.,
3« série, 1846, t. V, p. 145).
— Le Tarât : voy. Q.uatrefages, Note sur le développement de l'œuf chez les Tarets (Ann. des
sciences nat., 3* série, 1848, t. IX, p. 34, et 1849, t. XI, p. 207).
— Les Modioles et les Bucardes : voy. Lôven, Ueber die Entwickelung der kopflosen Mollusken
(Miiller's Archiv fur Anat. undPhysiol., 1848, p. 539).
(e) Par exemple, chez :
— Le Lapin : voy. Barry, Researches on Embryology (Philos. Trans., 1840 pi. 24, fig-. 135-
137).
— Le Chien : voy. Bischoff, Entwickelungsgeschichte des Hunde-Eies, 1845, pi. 1, fig. H-14.
— La Brebis : voy. Bischoff, Mém. sur la matiiration et la chute périodique de l'œuf de
l'Homme et des Mammifères (Ann. des sciences nat., 3° série, 1844, t. II, pi. 8, fig. 10).
— La Truite : voy. Vogt, Embryologie des Poissons.
— Les Epinoches : voy. Coste, Développement des êtres organisés (Allas, Poissons, pi. 1 c)
EMBRYOGÉNIE. 397
d'autres changements dans la constitution intérieure du vitellus,
dont la partie centrale s'éclaircit, de façon à former bientôt une
sphérule plus ou moins distincte des parties adjacentes, et
appelée noyau vitellin. Il reste encore beaucoup d'incertitude
sur la nature de ce noyau. La plupart des physiologistes la con-
sidèrent comme une cellule ou vésicule, mais d'autres pensent
que c'est un corps solide, ou bien un amas de matières grasses.
Les faits probants nous manquent pour décider cette question ;
mais, quoi qu'il en soit, cette portion du globe vitellin paraît
jouer un rôle considérable dans les mouvements moléculaires
dont l'œuf va être bientôt le siège (1).
Nous avons vu précédemment que le vitellus contient deux
sortes de corpuscules vivants formés, les uns par une sub-
stance plastique, les autres par des substances nutritives. Dans
l'œuf arrivé à maturité, ces matières sont plus ou moins mêlées
entre elles ; mais lorsque la fécondation a été opérée, elles
tendent à se séparer et à constituer deux couches distinctes, que
(1) Cette tache claire centrale a été blement de nature grasse (6) , et
souvent confondue avec la vésicule M. Coste adopta une opinion ana-
germinative, et c'est ainsi que beau- logae (c). M. Kôlliker, au contraire,
coup de physiologistes ont été con- le décrit comme étant une vésicule,
duits à penser que cette cellule et l'appelle cellule embryonale (d).
primordiale peut persister après la M. Vogt en parle aussi comme d'une
fécondation. M. Bagge fut le pre- vésicule à parois très-fines, remplie de
mier à les distinguer (a), M. Reichert liquide (e) ; mais M. Ch. Robin assure
considéra le noyau vitellin comme avoir constaté que c'est un corps
dépourvu d'une membrane envelop- solide, d'égale densité dans tout son
pante et formé par un liquide proba- diamètre (/").
(a) Bac^tfe, Dissert, de evolutione Strongyli, etc., 1841, p. 10.
(b) Reichert, Ueber den Furchungs-Process des Batrachier-Eies (Miiller's Arehiv fur Anat.
und Physiol, 1841, p. 521).
(c) Coste, Recherches sur les premières modifications de la matière organique et sur la for-
mation des cellules {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1845, t. XXI, p. 1 372).
(d) Kôlliker, Entiuickelungsgeschichte der Cephalopoden, 1844..
(«) VogI, Embryologie des Mollusques Gastéropodes [Ann. des sciences nat., 3" série, 1846,
t. VI, p. '^23).
(/■) Cil. Rubin, Note sur ta production d^lnoyau vitellin {Jouiiial de physiologie, 18G2,t. V,
p. 309).
898 . REPRODUCTION.
M. Reichert, et quelques physiologistes désignent sous les noms
de vitellus formateur et de mtellus nutritif. .La disposition
de la première de ces couches à la surface du globe vitellin
peut varier dans les différents groupes zoologiques: tantôt elle
entoure complètement ce globe ; d'autres fois elle n'en occupe
qu'un segment plus ou moins petit , mais son rôle est toujours
très-important, et c'est dans sa substance que s'opère le travail
appelé fractionnement ou seg:^.entation du vitellus.
Segmentation. Cc phénomènc fut étudié pour la première fois en 1824 par
MM. Prévost et Dumas. En observant attentivement les œ-'^^s
de Grenouille nouvellement fécondés, ces physiologistes virent
se former à la surface du vitellus un sillon qui, en se prolon-
geant, divisa bientôt ce globe en deux parties ; puis chaque
hémisphère ainsi formé se partagea de la même manière, et les
quatre segments obtenus de la sorte se subdivisèrent à leur
tour. Le fractionnement du vitellus ne s'arrêta pas là ; il se
continua avec une rapidité croissante, et bientôt toute la sur-
face de ce globe prit un aspect framboise, par l'effet de l'entre-
croisement des lignes dont sa surface se sillonnait. Il n'existait
encore dans l'œuf aucune trace de l'embryon futur, et ce fut
seulement après que ce fractionnement fut poussé très-loin, que
les premiers indices du développement de celui-ci devinrent
saisissables (1).
(1) Le fait de la segmentation du vitei- les résultats sur Tœuf du Crapaud (6) ;
lus n'avait pas complètement échappé mais ni l'un ni l'autre n'en saisirent le
aux investigations de Swammerdam caractère, et la découverte de ce phé-
et de Spallanzani. Le premier de ces nomène appartient principalement à
naturalistes l'entrevit en partie cliez la MM. Prévost et Dumas, dont les ob-
Grenouille (a), et le second en aperçut servations devinrent le point de dé-
(o) Swammerdam a aperçu et figuré le commencement du sillonnement du vitellus dans l'oeuf de
la Grenouille; mais il ne s'est pas bien rendu compte de ce qu'il avait vu {Biblia Naturœ, t. II,
p. 812, tab. 48, fig. 5, 8.)
(b) Spallanzani mentionna l'existence de sillons entrecroisés à la surface du vitellus du Crapaud ;
mais il semble penser que c'est l'état primordial de l'œuf. [Expériences pour servir à l'histoire de la
génération des Animaux et des Plantes, 1786, p. 36.)
EMBRYOGÉNIE. î^99
Bientôt après, des changements analogues furent observés
clans les œufs des Poissons, des Mollusques, des Zoopliytes
et d'une foule d'autres Animaux (1). On crut d'abord que,
dans la classe des Oiseaux, ces phénomènes ne se produi-
saient pas ; mais les recherches de M. Bergmann et de M. Costa
sont venues montrer que ces Animaux ne sont pas soustraits à
part de tous les travaux modernes re- sur ce sujet est dû à M. Max
lalifs au travail organisateur dont l'œuf Schultze (d).
est le siège avant l'apparition de l'em- (1) Le fractionnement du vitellus
bryon (o). Rusconi fut un des pre- de l'œuf des Poissons osseux a été ob-
miers à confirmer les observations de serve par Paisconi chez la Tanche (e),
ces deux savants (6), et depuis lors par M. Vogt chez les Truites, par
le phénomène du fractionnement du M. Agassiz sur l'œuf de la Perche (/"),
vitellus a été étudié, soit chez les mê- par M. Coste sur l'œuf de l'Epi-
mes Batraciens, soit chez d'autres Ani- noche {g).
maux de la même classe, par plusieurs Ce phénomène a été constaté chez
naturahstes, parmi lesquels je citerai un grand nombre de Mollusques, tels
MM. Baer , Reichert , Bergmann , que la Limnée des étangs (/i),rAply-
Vogt (c). Le travail le plus récent sie (i), les Éolides(y), les Actéons (A;),
(a) Prévost et Dumas, Deuxième mémoire sur la génération (Ann. des sciences nat., 1824,
t. II, p. 110 etsuiv., pi. 6).
(6) Rusconi, Développement de la Grenouille commune, 182G, p. 10, pi. 2, fig. 3.
(c) Baer, Die Métamorphose des Etes der Batrachie ver der Erscheinung des Embryo (MùUer's
Arehiv fiir Anatomie and Physiologie, 1834, p. 481, pi. H).
— Reichert, Ueber den Furchungs-Process des Batrachier-Eies (MûUer's ArcUv fur Anat. und
Physiol, 1841, p. 523).
— Bergmann, Die Zerklûftung tmd Zellenbildung im Froschdotter (Miiller's Arehiv, 1841,
p. 89).
— VoEft , Untersuchungen ûber die EnUvickelungsgesehiclite der Geburtshelferkrôte (Alytes
obstetricans), in-4, 1842.
— Newport, On the Imprégnation of the Ovum in llie Amphibia {Philos. Trans., 1851,
p. 183).
{d) Max. ScliuUze, Observationes nonnullœ de ovorum Ranarum segmentatione, 1863.
(e) Rusconi, Lettre sur les changements que les œufs des Poissons éprouvent avant qu'ils
aient pris la forme d'embryon {Ann. des sciences nat., 2' série, 1836, t. V, p. 304); —
Biblia italiana, t. LXXIX ; — (Miiller's Arehiv, 1836, p. 205, pi. 13, %. 3-9).
(/■) Vogt, Embryologie des Salmones, p. 39 et suiv. (Agassiz, Histoire naturelle des Poissons
d'eau douce de l'Europe centrale, 1842).
(3) Coste, Histoire d%L développement des corps organisés (Poissons, pi. 1).
(h) Herghi, Ueber die Eîer von Limnœus (Isls, 1S28, p. 213).
■ — LerebouUel, Recherches sur le développement du Limnée, etc. [Ann, des sciences nat.,
4» série, 1862, t. XVIH, p. 92 et suiv.).
(i) Van Beneden, Etudes embryologiques, 1841.
(j) Nordinann, Versuch einer Monographie des Tergipes Edwardsii, pi 4, fig. 16 à 24 [Acad.
de Saint-Pétersbourg , Savants étrangers, t. IV).
(ft) Vogt, Recherches sur V embryologie des Mollusques Gastéropodes {Ann. des sciences nat.,
3' série, 1846, t. VI, pi, 1, fig. 4-12).
/|00 REPRODUCTION.
la règle commune (1). L'œuf des Reptiles et des Poissons pla-
giostomes présente des phénomènes analogues. Enfin, le frac-
tionnement progressif du vitellus est encore plus marqué chez
les Mammifères (2). Mais, chez les Crustacés, ce phénomène ne
les Pourpres (a), les Vermets (b), les les Reptiles proprement dits et les
Anodontes (c), les Dentales (d), et les Poissons cartilagineux, les phénomènes
Botrylles (e). de fractionnement se manifestent dans
Parmi les Vers et les Zoophytes chez la portion de la sphère vitelline qui
lesquels le fractionnement du vitellus constitue la cicatricule. et n'afTectent que
a été ohservé; je citerai les Hermel- peu ou point le reste de sa surface (o).
les (/■), les Prolules (g), les Loni- Un mode analogue de segmentation
bries (h) , la Sangsue {i}', les Clep- paraît avoir lieu dans l'œuf des Mol-
sines (j) , les Strongies et les Asca- lusques céphalopodes (p).
rides {Je) , les Distomes (/) , les (2) Ce fractionnement du vitellus.
Oursins {m), la Médusa aurita (n). chez les Mammifères, a été étudié avec
(1) M. Coste a constaté que, dans beaucoup d'attention par ^L BischofT
cette classe d'Animaux, ainsi que chez et M. Barry (q).
(a) Korenet Danielssen, Recherches sur le développement des Pectinibranches(Ann. des sciences
nat., 3- série, 1853, i. XIX, pi. i, fig. 1-10).
{b) Lacaze-Dulhiers, Mém. sur l'anatomie et l'embryologie des Vermets (Ann, des sciences nat,,
4' série, 1860, t. XIII, pi. 7, fig-. 1-8).
(c) Carus, Ne^ie Untersuch. ûber die Enbvickelungsgesch. unserer Flussm,uscheln, 183'2.
(d) Lacaze-Dulliiers , Histoire de l'organisation et du développement du Dentale {Ann. des
sciences nat., 4e série, 1857, t. VII, pi. 6, fig. 5-12).
(e) Lœwig; et KoUiker, De la composition et de la structure des enveloppes des Tuniciers
{Ann. des sciences nat., 3" série, 18-16, t. V, pi. 8, fig;. 35 et 36).
(/■) Quatrefages, Mém. sur la famille das Hermelliens {Ann. des sciences nat., 3^ série, 1848,
t. X, pi. 3, fig-. 17-22; pi. 4).
{g) Milne Edwards, Observations su" le développement des Annélides (Ann. des sciences nat.,
3e série, 1845, t. III, pi. 9, fig-. 46).
{h) Udekera, Développement du Lombric terrestre {Mém. de l'Acad. de Belgique, Sav. élrang.,
t. XXVII, pi. 1, fig. 9 et 10).
(i) Weber, Ueber die Entwickelung des medicinischen Blutegels (Meckel's Archiv fur Anat.
undPhysiol, 1828, p. 368).
{j) De Filippi, Lettera sopra l'anatomie e la sviluppo délie Clepsine [Giornale délie se. med.
chir. de Pavia. 1839, t. II, pi. 2).
— Grube, Untersuch. ûber die Entwickel. der Clepsinen, 1844, pi. 1, fig. 5-13.
(fc) Bagge, Dissert, de evolutione Strongyli auriculati et Ascaris acuminatœ. Erlaiigen, 1841.
{1} Mayer, Beitrâge zur Anatomie der Entozoon. Berlin, 1841, p. 27.
(m) Derbcs, Observ. sur la formation de l'embryon chez, V Oursin comestible {Ann. des sciences
nat., 3e série, 1847, t. VIII, pi. 3, fig. 6-10).
(n) Siebold, Neueste Schriftm der Naturforsch. Gesellschaft in Da7izig, 1839, t. III, pi. 1.
(o) Coste, Recherches s^ir la segmentation de la cicatricule chez les Oiseaux, les Reptiles
écailleitx et les Poissons cartilagineux (Comptes rendais de l'Acad. des sciences, 1848, t. XXX,
p. 638). — Histoire générale et particulière du développement des corps organisés, pi. 2.
— Agassiz, Embryology of the Turtle. Contrib. to the Nat. Hist. of the Vnited-States, t. II,
pi. 10.
— Lereboullet, Recherches sur le développement du Lézard, etc. {Ann. des sciences nat.,
4» série, 1862, t. XVII, pi. 3, fig. 9).
(p) Kiilliker, Entivickelungsgeschichle der Cephalopoden , 1844, pi. 1.
(q) Barry, Besearches on Embryology {Philos. Trans., 1839, p. 307 et suiv. ; 1840, p. 529
et suiv.).
— Bisclioff, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères , suivi d'une histoire du
EMBRYOGÉNIE. A 01
revêt pas toujours le mêuie caractère (]uc chez la plupart des
Animaux (1), et chez les Insectes il paraît être remplacé par
un travail de gemmation sur lequel je reviendrai, lorsque je
traiterai spécialement du mode de développement de ces
Animaux (2).
Les apparences résultait de ce fractionnement de la ma-
tière plastique ou germinative varient suivant le mode de
constitution de l'œuf. Lorsque la proportion de matière vitclline
secondaire ou nutritive est très-faible par rapport à celle de la
substance blastogénique, la sphère vitelhne tout entière y obéit
et se divise en sphérules de plus en plus petites et de plus en
plus nombreuses, ainsi que cela se voit dans l'œuf des Mam-
mifères ordinaires et de beaucoup d'Animaux invertébrés.
(1) Chez l'Écrevisse, le fractionne- (2) Chez les Insectes, le phénomène
ment de la matière plastique de l'œuf de fractionnement n'a pas été ob-
s'opère d'une manière diffuse autour serve (c), et suivant M. Ch. Robin, ce
d'une multitude de petits centres épars mouvement moléculaire serait rem-
sur la surface du globe vitellin (a). placé par un travail de bourgeonne-
Mais chez la Nicothoé, M. Van Bene- ment cystigène {cl). Sous ce rapport,
den a observé le mode ordinaire de les Arachnides paraissent ressembler
fractionnement (6). aux Insectes (e).
développement de l'œuf du Lapin, trad. par Jourdan, 1843, pi. 3 et 4. — Mém. sur la matura-
tion et la chute périodique de l'œuf, etc. (Ann. des sciences nat., 3° série, 1844, t. I(, p. 104,
pi. H). — Entivickelungsgeschichtedes Meerschweinchens, 1852, pi. 1. — Entwickelungsgesch.
des Relies, 1854, pi. 1.
— Tieichert, Beltràge zur Entwick. des Ueerschivenchens, 1862, pi. 3.
(a) Ralhke, Untersuch. ûber die Bildung und Entwickelung des Flusskrebses, 1829. — Rech.
sur la formation et le développement de l'Ecrevisse {Ami. des sciences nat., 1" série, 1830,
t. XX, pi. 5, fig. 1).
— LerebouUet, Recherches sur le développement du Brochet, de la Perche et de l'Écrevisse,
1862, p. 234 et suiv.
(6) Van Beneden, Mém. sur le développement et l'organisation des Nicothoés, p. 16 {Mém. de
l'Acad. de Bruxelles, t. XXIV, ei Ann. des sciences nat., 3^ série, t. XIII, pi. 1, fii,'. 13-n).
(c) Kolliker, Observaliones déprima Insectoriim genesl, 1 842 (A?ire. des sciences nat., 2" série,
1843, t. XX, pi. 5, fig. 1).
— Zaddach, Untersuchungen ûber die Entwickelung und den Bau der Gliederthiere, 1854
(Phryganidos).
— Leuckart, Die Fortpflanzung und Entwickelung der Pupiparen nach Beobachtungen von
Uchphagiii o\iivis {Abhandl. der Naturforchcnden Gesellschaft in Halle, 1858, t. IV, p. 145).
(d) Cil. Robin, Mém. sur la production du blastoderme cha les Articulés [Journal de physio-
logie, 1862, t. V, p. 348).
(e) E. Claparède, Recherches sur l'évolution des .\raignées, p. 7 (e.\trait des Mémoires de la
Société des arts et sciences d'Utrecht, 1862).
/j.02 REPRODUCTION.
Si la matière nutritive et non germinale est beaucoup plus
abondante, sans être en quantité énorme relativement à la
substance plastique dont se compose le germe, le fraction-
nement de celle-ci peut encore affecter la totalité ou la majeure
partie de la surface de la sphère vitelline, mais y détermine
seulement des sillons plus ou moins profonds, tels que les
lignes qui apparaissent dans l'œuf de la Grenouille. Enfin,
lorsque la proportion de matière vitelline devient encore plus
grande relativement à la matière vivante qui est susceptible
de s'organiser, et que celle-ci constitue seulement le petit amas
dont j'ai souvent parlé sous le nom de cicatricule, les phéno-
mènes de fractionnement sont limités à cette partie germinale
et ne modifient pas l'état du reste de la sphère vitelline, ainsi
qu'il est facile de s'en assurer en observant l'œuf de la Poule
peu de temps après sa fécondation (1). Nous voyons donc que
les distinctions que j'ai indiquées précédemment au sujet de la
constitution des œufs (2) correspondent à des différences dans
les caractères du travail embryogénique préliminaire ; mais je
me hâte d'ajouter que ces différences ne paraissent avoir que
peu d'importance physiologique.
Le point dans lequel le travail de fractionnement commence
paraît être en général celui où les globules hyalins ont fait pré-
cédemment irruption au dehors; de là les noms de vésicules
directrices ou de globules polaires donnés à ces corpuscules (â).
(1) La segmentation de la cicatri- core formée, et elle marche avec une
cille de l'œuf de la Poule , observée très-grande rapidité (6).
pour la première fois, eu 1845, par (2) Voyez ci-dessus, page 328.
M. Bergmann (a), a lieu avant la ponte; (3) Pour plus de détails à ce sujet,
elle commence dans l'oviducte, lorsque je renverrai aux observations déjà ci-
la membrane de la coque n'est pas en- tées (voyez page 395).
(a) Bergmann, Beobachtungen ûber die DoUevfurcUung (Miiller's Archiv fur Anat. uni
Physiol., 1847, p. 38).
(6) Costc, Op. cit. [Comples rendus de l'Acad. des sciences, 1848, t« XXX, p. 630). — Hisl.
du développement des êtres organisés, 1. 1, p. 104 (Poissons, pi. 2).
EMBRYOGÉNIE. Zl03
§ 5. — Il existe encore beaucoup d'obscurité relativement aux sphéruios
ou
caractères histologiques des sphérules vivantes dont nous venons «eiiuics
1 ■ T • !)• ' • 1 15 /» blaslcmiques,
ae constater la multiplication dans 1 intérieur de 1 œuf. La plu-
part des embryologistes considèrent ces corpuscules comme
étant des cellules, c'est-à-dire des utricules à parois membrani-
formes, dont la cavité contient un liquide, ainsi que des matières
solides qui y constituent une sorte de noyau. On pense aussi,
assez généralement, que ces cellules naissent dans l'intérieur
l'une de l'autre, et deviennent ensuite libres par la dissolution
des parois de l'utricule procréateur, en sorte que le fractionne-
ment du germe en voie de développement serait la conséquence
de la production endogène d'une longue lignée de cellules
blastémiques (1). Dans certains cas, les sphérules affectent, en
effet, la forme utriculaire, et nous verrons bientôt que le déve-
loppement de cellules vivantes joue un grand rôle dans le tra-
vail constitutif des tissus organiques, chez les Animaux aussi
bien que chez les plantes. Mais ce mode de structure, lorsqu'il
existe, me paraît être consécutif plutôt qu'originaire, et ne pas
être aussi général qu'on l'admet communément aujourd'hui.
Ainsi, je partage tout à fait l'opinion des embryologistes qui
(1) Les vues de M. Schleiden et de dèrent ce phénomène comme résul-
M. Schwann, relatives à l'évolution des tant du développement d'une lignée
cellules lîistogéniques (a), ont exercé d'utricules endogènes (6). Parmi les
depuis vingt-cinq ans une très-grande physiologistes qui soutinrent cette
influence sur la manière d'interpréter opinion, je citerai en première ligne
les apparences offertes par le vitellus MM. Reichert (de Berlin) , Martin
en voie de fractionnement , et vers Barry (c). Les pathologistes en ont fait
18/i0 la plupart des observateurs regar- aussi grand usage (d).
(a) Schleiden, Beitrâge zur Phytogenesis {MûWer' s Ai'chiv fur Anat. und Physiol, 1838
p. 137. '
— Schwann, Mickroscopische Untei'such. ûber die Uebereinstimmung in der Structur und
dem Wachsthum der Thiereund Pflanz-en, 1838. — Recherches microscopiques sur la conformité
de structure et d'accroissement des Animaux et des Plantes {Ann. des sciences nat 2* série
1842, t. XVII, p. 5). ' '
(b) Voyez Mandl, Anatomie microscopique, t. II, p. 33 et suiv.
(c) Reichert, Das Entwickelungsleben im Wirbelthierreich, 1840. Ueber den Furchungsproeesi
des Batrachier-Eies (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1841, p. 523).
— M. Barry, Researches on Embryology (Philos, Trans., 1838, 1839 et 1840).
{a) Virchow, Pathologie cellulaire, 1861.
kOli KEPFIODUCTION.
considèreiil les spbérules du germe comme n'offrant pas
d'abord le carnctère cellulaire et étant des globes d'une sub-
stance glutineuse qui empale des corpuscules bétérogènes dont
certains, de nature graisseuse, représentent un noyau central,
mais n'étant pas limités par une tunique membraneuse, et par
conséquent n'ayant pas une structure utriculaire (1). Depuis
un quart de siècle, les vues théoriques de M. Schleiden et de
M. Schwann, relatives au rôle des cellules dans le développe-
ment des Animaux aussi bien que des plantes, ont exercé une
grande influence sur l'interprétation des faits observés par les
micrograpbes, et ont beaucoup contribué aux progrès de l'his-
tologie ; mais la portée en a été singulièrement exagérée par
plusieurs auteurs dont l'autorité est très-grande dans la science,
et, dans le cas particulier qui nous occupe ici, l'hypothèse de
(1) Cette manière d'envisager la sont dépourvues d'une enveloppe mem-
formation des sphérules du vitellus en branense (c).En I8Z16, M. Vogt publia de
voie de fractionnement lut présentée nouvelles observations sur ce sujet (d),
avec réserve, dès I8/1I, par M.Berg- et bientôt après M. Kôlliker admit for-
mann (a), et, vers la même époque, mellement que les agglomérations de la
M. Vogt reconnut que, chez le Cra- matière vitelline ne se recouvrent d'une
paud accoucheur, les premières divi- membrane utriculiforme que vers la fin
sions du vitellus n'ont rien de com- du travail defractionnement(e).Lesob-
mun avec la formation des cellules qui servations faites par M. de Quatrefages
a lieu plus tard (6) . sur l'œuf des Ilermelles s'accordent
M. BischofI considère également les avec cette opinion (/"), qui est adoptée
sphères vitellines comme n'étant pas aujourd'hui par la plupart des phy-
de véritables cellules, et assure qu'elles Biologistes (g).
(a) Bergmann, Ueber der Zerklûflung und Zellenbilduno m Froschdotter (MûUer's Arcliiv fur
Anat. und PhijsioL, 1841, p. 89).
(b) Vogt, Unlersuch. ûber die Entwickelungsgeschichte der Gebiirtshelferkrôte, 1842.
(c) Bischoff, Traité du développement de l'Homme et des Animaux, p. 72.
(d) Vogt, Recherches sur l'embryologie des Mollusques Gastéropodes {Ann. des sciences nat,,
3» série, 1846, t. VI, p. 24).
(e) Kôlliker, Sur le développement des tissus chez les Batraciens (Ann. des sciences nat.,
3« série, t. VI, p. 91).
(/■) Quatrefages, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 3' série, 1848, t. X, p. 184).
(3) Eckcr : voyez la 9,' éàiiion des Icônes physiologicœ do Wagner, 1851, pi. 23,fig. 15).
— Leydig, Rochen und Haie, 1852.
— Agassiz, Contrib. to the Nat. Hist. of New-York, 1857, t. II, p. 526.
— Lereboiillot, Recherches sur le développement de la Truite [Ann. des sciences nat., 4" série,
t. XVI, p. 137).
EMBRYOGÉNIE. /j.05
remboîteiiient des cellules ne me paraît pas être l'expression
de la vérité.
Nous devons être également très-sobre d'hypothèses au sujet
des causes déterminantes de la segmentation du germe, car les
observations, en très-petit nombre, sur lesquelles les embryo-
logistes s'appuient pour soutenir leurs opinions, ne s'accordent
pas entre elles. Ainsi, beaucoup d'auteurs, parmi lesquels je
citerai mon savant collègue M. Coste, attribuent ce phénomène
à une sorte de scissiparité du noyau graisseux ou muqueux
qui se trouve dans l'intérieur du vitellus, et qui, en se divisant,
déterminerait l'agglomération de la matière vitelline autour de
chacun de ses fragments (1). Je partage son opinion; cepen-
dant je dois ajouter que les recherches d'un autre naturaliste,
très-habile dans l'emploi du microscope, tendent à établir que
la division de ce noyau est un phénomène postérieur au frac-
tionnement, et que la division de la sphère vitelline en deux
sphérules peut commencer avant qu'il y ait deux noyaux :
l'effet précéderait donc la cause présumée (2).
(1) En 18Z|1, M. Bergmann appela qui représente la sphère primitive,
l'attention sur la tache claire {a), contient un noyau transparent qui n'a
qui a été ensuite considérée comme subi aucune modification, tandis qu'à
une cellule ou un noyau par plu- l'autre portion (correspondante à la
sieurs physiologistes (6). sphère secondaire), il n'a pu aperce-
(2) En étudiant le développement voir aucun noyau de ce genre; le
de l'œuf chez un petit Mollusque gas- noyau ne s'y est montré qu'à une pé-
téropode de nos côtes (l'^cieonwïVzdïi), riode plus avancée du travail génési-
M. Vogt a trouvé qu'à l'époque où la que. Ainsi, chez l'Actéon, le fraction-
sphère vitelline commence à se diviser nement du vitellus précéderait la mul-
endeux sphères secondaires, et présente tiplication du noyau transparent, et par
la forme d'un sablier ou d'une man- conséquent ne pourrait être considéré
doline, la portion la plus grande, celle comme dû à ce phénomène (c)
(a) Bergmann, Op. cit. (MùUer's Archiv, 1841, p. 89).
(6) Bagge, Dissert, de evolutione Slrongyli auricularis et Ascavidis acum.^ natœ, IS^I.
— KôUikei-, Entwickeluiigsgeschichle dev Cephalopodeii, 1844.
(c) C. Vogt, Recherches surVembrijologie des Mollusques Gastéropodes {Ann. des sciences nat
3' série, 1846, t. VI, p. 24, pi. 1, iiy. 4).
viu. 2S
Zl06 REPRODUCTION.
Lorsque le fractionnement du germe a été porté très-loin,
les sphérules, ou globules organoplastiques, ne conservent pas
leur caractère primitif, et souvent il devient facile de constater
que leur partie périphérique se condense de façon à constituer
une tunique membraniforme distincte de la substance sous-
jacente. Ces sphérules deviennent alors de véritables utricules
ou cellules dans l'intérieur de chacune desquelles on aperçoit
un liquide granuleux et un noyau dont l'aspect varie (i) . Leur
nombre augmente rapidement, et en général ils se diversifient
entre eux par la nature de leur contenu ou par les transforma-
tions ultérieures qu'ils subissent, et ils constituent, par leur
réunion, le corps organisé que j'ai désigné précédemment sous
le nom de Métazoaire.
Celui-ci ne consiste d'abord qu'en un petit agrégat de ma-
tière vivante qui affecte, en général, la forme d'une tache
blanchâtre et circulaire à la surface du globe vitellin, et
qui est désignée d'ordinaire sous les noms de cumulus ou
de blastoderme. Il s'accroît rapidement par sa circonférence, et
en s'étalant de plus en plus sur le vitellus, il tend à constituer
une lame membraneuse qui entoure la partie centrale de Toeuf
à la manière d'une tunique et devient une sorte de cellule ou
sphère creuse dont Tintérieiir est occupé par l'amas de matière
vitelline destinée à le nourrir.
Parfois le Métazoaire ainsi produit se transforme ultérieure-
ment en un Typozoaire ; mais, dans d'autres cas, il conserve
toujours son individualité, et il devient seulement un intermé-
(1) M. Lereboullet, qui vient de organo-plastlque du vitellus, et qu'elles
publier de nouvelles recherches sur sont toutes des produits de nouvelle
le mode de production de ces cel- formation(a).Dans la prochaine Leçon,
Iules embryonnaires, pense qu'elles j'aurais à revenir sur ce sujet, lorsque
ne proviennent jamais des globes vi- je parlerai des observations récentes de
tellins ou générateurs qui résultent M. Agassiz sur Tovologie des Tortues
du fractionnement de la substance de l'Amérique.
(a) Lereboullet, Nouvelles recherches sur la formation des premières cellules embrijonnaires
(Ann. des sciences nat., 5° série, 1864, l. II, p. 5).
EMBRYOGÉNIE. 40/
diaire entre celui-ci et le Protoblaste dont il descend ; à peu
près comme nous l'avons vu pour le Protoblaste lui-môme par
rapport au Typozoaire souche et au Métazoaire.
Effectivement, dans ce cas, l'être vivant qui naît du Proto-
blaste est à son tour un individu reproducteur ; par suite de
l'activité physiologique dont il est doué, il devient le siège d'un
phénomène de bourgeonnement, ou de quelque chose d'ana-
logue, et il donne ainsi naissance à l'embryon, qui, en se déve-
loppant, deviendra un Typozoaire, ou représentant parfait de
son espèce. Mais, avant de produire ainsi, par génération
continue, un nouvel individu, le Métazoaire devra lui-même
se développer, et, dans certains cas, il arrivera de la sorte
à un haut degré de perfectionnement organique, tandis que
d'autres fois il ne présentera rien de semblable. Dans ce der-
nier cas, il restera dans l'intérieur de l'œuf où il a pris nais-
sance et n'y vivra que d'une vie végétative ; mais, dans le
premier cas , il pourra quitter cette demeure, entrer dans le
monde extérieur, y chercher de nouveaux aliments, et avoir'
tous les caractères ainsi que les facultés d'un animal ordi-
naire, qui, restant agame, perpétuera son espèce, non pas au
moyen d'œufs, comme l'individu sexué dont il descend, mais
par gemmiparité.
Le premier exemple connu de cette succession d'individus Générations
dissemblables, mais appartenant à une môme espèce et réalisant ^''^''"^°*^^-
alternativement deux formes différentes, nous a été fourni par
des Animaux pélagiens qui appartiennent à la division des Mol-
luscoïdes, et qui ont reçu les noms de Biphores ou de Saîpas.
Depuis longtemps on avait remarqué que quelques-uns de ces
Animaux vivent solitaires, tandis que d'autres, dont la confor-
mation est un peu différente, sont réunis entre eux en nombre
considérable, de façon à constituer de longues chaînes. On avait
cru d'abord que les Biphores solitaires et les Biphores agrégés Biphores.
appartenaient à des espèces différentes ; mais Chamisso, natu-
408 REPRODUCTION.
raliste attaché à une expédition de circumnavigation russe,
reconnut que cela n'était pas, que les individus isolés don-
naient naissance à des cliaînes d'individus agrégés. Les pre-
miers n'ont pas d'organes sexuels, et se multiplient par une
sorte de bourgeonnement continu; mais les individus qui nais-
sent de la sorte soudés entre eux, et qui restent toujours
unis, possèdent des organes sexuels, et produisent des
œufs de chacun desquels naît'un Biphore agame solitaire. Pen-
dant longtemps les assertions de ce voyageur ne furent accueil-
lies qu'avec doute, mais elles furent confirmées, il y a une
vingtaine d'années, par plusieurs zoologisles (1), et vers la
même époque , d'autres faits du même ordre furent intro-
duits dans la science. Bientôt après, M. Steenstrup , habile
naturaliste danois, coordonna toutes ces observations éparses,
et en lit ressortir la portée physiologique. Il désigna, sous
le nom de générations alternantes , ces successions d'indi-
(1) Les observations de Chamisso d'une cavité particulière du système
furent faites pendant le voyage deKot- tégumentaire, au-dessous de la masse
zebue, et parurent en 1819. Pendant viscérale, et qui, en général, porte
longtemps elles ne fixèrent que peu deux séries d'individus disposés Ion-"
l'attention des naturalistes ; mais, en gitudinalement et alternant entre
18/iG, elles furent pleinement confir- eux. Ceux-ci sont androgynes, et
mées par M. Krobn(a),et plusrécem- produisent cliacun un œuf unique
ment leur exactitude a été constatée dans lequel se forme un embryon qui
aussi par AIM. Huxley,Vogt, H. aiuller se greffe d'abord sur l'organisme de la
et Leuckart (6). Les Biphores sexués mère au moyen d'une sorte de pla-
na issent sur un stolon tubulairetrès- centa pédonculaire, et devient libre
grêle, qui se développe au fond ultérieurement.
(a) Chamisso, De Animalibus quibusdam e classe Vermium Linnœana in civcumiiavigatione
terrœ observalis. Fasc. 1. de Sulpa. Berolini, i8i9.
(b) Krohn, Observations sur la génération et le développement des Biphores {Ann. des sciences
nat., 3' série, ISiG, t. VI, p. llOi.
— Huxley, Observations upon the Anatomy and Pliysiology of Sulpa and Pyrosoma (Philos.
Trans., 1851, p. 507, pi. 15 et 16).
— Vogl, Bilder ans dem Thierleben, 1852, p. 26. — Recherches sur les Animaux inférieurs
de la Mcdilerranée, t. II.
— H. Millier, Utber die analomische Vei schiedenheitder zweiFormenbei den Salpen{Verhandl.
d. phys.-med. Gesellsch. in Wilrzbui'g, 1852, t. III, p. 57). — Ueber Salpen (Zeitschrift fur
ivisscnrch. Zonl., -1853, t. IV, p. 320).
— K. Lciickart, Zoologischc Untersiicliungen, 1854, t. II.
GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. /l09
vidus issus d'une même souche, mais dissenablables entre eux
et ne réalisant la même forme organique que de deux géné-
rations en deux générations, II appela Ammen, ou nourrices,
les individus agames qui naissent de l'œuf pondu par un
individu sexué, et qui produisent, par voie de gemmi-
parité, des individus semblables à la mère dont ils sont les
fruits. Enfin, M. Steenstrup montra aussi que cette périodicité
dans le retour des mêmes formes organiques est moins rare
qu'on n'aurait pu le supposer d'abord ; mais il ne rattacha pas
ces phénomènes curieux aux lois générales de ia propagation
des Animaux, comme j'essaye de le faire en ce moment (1).
Cependant, pour saisir ces analogies, il suffit, ce me semble,
de comparer ce qui a lieu chez les Biphores dont il vient d'être
question, et ce qui se passe dans l'intérieur de l'œuf d'un Ani-
mal ordinaire. En effet, l'œuf du Biphore, de même que l'œuf
d'un Mammifère ou d'un Oiseau, renferme un Protoblaste
qui, en se développant, donne naissance à un Métazoaire, et
celui-ci, chez le Biphore, se développe de façon à constituer
une nourrice, c'est-à-dire un être possédant la plupart des
caractères de sa mère, mais agame, et ce Métazoaire donne
naissance, par gemmation, à des Typozoaires qui, dans ce cas,
sont des animaux très-semblables à la nourrice dont ils des-
cendent, mais aptes à se reproduire par oviparité. La diffé-
rence principale qui existe entre les résultats de ce travail
génésique et ceux dont les Animaux ordinaires nous offrent
le spectacle, c'est que chez ceux-ci le Métazoaire reste dans
un état d'imperfection organique très-grand , ne quitte pas
(1) Ce travail très-remarquable de les idées des naturalistes touchant le
M. Steenstrup parut en 18/i2, et exerça mode de génération des Animaux infé-
à juste litre une grande influence sur rieurs (a).
(a) Steenstrup, Ueher die Generationswechsel in den niederen Thierklassen, 1842. — On the
Alternation of Générations, tran?l. by Busk (Ray Society, 1815).
Ips Trématodes.
!liO REPRODUCTION.
l'œuf où il a pris naissance, et, ne produit qu'un seul Typo-
zoaire, au lieu d'en donner une série nombreuse, et de vivre
. dans le monde extérieur à la manière des Typozoaires dont
il descend.
Générations La séric dc faits dont j'ai déjà eu l'occasion de parler dans
chez ' une précédente leçon, lorsque je décrivais le mode de multi-
plication des Vers intestinaux du genre Monostome, est un
autre exemple de ces générations alternantes (1). L'œuf pondu
par un de ces parasites donne un Protoblaste qui affecte la
forme d'un Animalcule couvert de cils vibratiles^ et qui produit
un Métazoaire, ou nourrice agame dans l'intérieur duquel
naissent des Typozoaires dont la forme est d'abord celle d'un
Cercaire, et dont le développement ultérieur amène la réalisa-
tion du mode d'organisation caractéristique du Monostome
sexué et ovigère.
Générations Chcz Ics ÉcMnodermcs, la multiplication des individus typi-
alternantes i,\ i- un />■< d-
chez les ques et aptes a se reproduu^e au moyen a œuls se tait par 1 in-
termédiaire de Métazoaires dont la structure est encore plus re-
marquable que celle des Biphores nourrices. Ainsi, les Animaux
bizarres que J. Millier découvrit en 1846, et que ce naturaliste
éminent désigna d'abord sous le nom de Pluteus paradoœus^
n'offrent, dans leur conformation, rien qui puisse faire soup-
çonner leur parenté avec les Étoiles de mer à longs bras, appe-
lées Ophiures. Ils ressemblent à une sorte de cloche irrégulière
abord branchu, qui nage au moyen de cils vibratiles, et qui
renferme dans sa substance hyaline une charpente solide com-
posée de plusieurs baguettes calcaires. On y distingue une
bouche, un estomac, des glandes, des rudiments d'un système
nerveux. Plus tard se développe à la face concave de cette
cloche mobile un groupe de csecums qui deviennent saillants,
comme des tubercules, et se disposent par paires d'une manière
Echinodermes.
(1) Voyez ci-dessous, page 285 et suivantes.
GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. /|11
radiaire, de façon à constituer un petit corps étoile. Enfin
ce corps, après s'être séparé du Pluteus qui l'a produit, se
développe de façon à réaliser la forme et la structure des
Échinodermes du genre Ophiure (1). Des phénomènes du même
ordre ont été observés chez les Oursins et chez les Astéries (2),
(1) J. Muller, dont la longue série et celui-ci en naît par un phénomène
d'observations sur le développement de bourgeonnement (6).
des Echinodermes ne saurait être citée (2) Au sujet du développement des
avec trop d'éloges, et dont la mort ré- Echinides, je citerai non-seulement les
cente est im malheur pour la science (a) recherches déjà mentionnées de Miil-
considéra le Pluteus comme étant la 1er, mais aussi celles de MM. Derbès,
larve de l'Ophiure ; mais ainsi que l'a Krohn, BuschetAlex. Agassiz (c). Les
fait remarquer M. Dareste, ce singulier principaux travaux sur le développe-
Animal semble avoir plutôt les carac- ment des Astériens, dont les Méta-
tères d'un Métazoaire ou nourrice, car zoaires furent d'abord décrits sous
ce n'est pas son organisme qui se trans- le nom de Bipinnaria, sont dus à
forme pour devenir un Echinoderme, MM. Sars, Krhon et Danielssen (cl).
(a) Johaniies Miiller, BericUt ûber einige neue Thierformen der Nordsee (Archiv fur Anat. und
Physiol., iUQ, p. 108, pi. 6).
— Ueber die Larven und die Metamoriihose ''der Ophiuren und Seeigel (Mém. de l'Acad. des
sciences de Berlin pour 1846).
— Ueber die Larven und die Métamorphose der Echinodermen, 1849 (Mém, de l'Acad. des
sciences de Berlin pour i 848).
— Ueber die Larven und die Métamorphose der Holothurien und Asterien {Op. cit., 1850).
— Ueber die Larven und die Métamorphose der Echinodermen. Yierte Abhandlung, 1852
(Op. cit., 1851).
— Ueber die Ophiurenlarven des Adriatischen Meeres, 1852 (même recueil pour 1851).
— Ueber den allgemeinen Plan in der Entwickelimg der Echinodermen, 1853 (même . recueil
pour 1852).
— Ueber die Gattung der Seeigellarven ; siebente Abhand. ûber die Metamorph, der Echinod.,
1855 (même recueil pour 1854).
(b) Daresle, Analyse des observations de Millier sur le développement des Echinodermes {Ann.
des sciences nat., 3^ série, 1852, t. XVII, p. 352).
(c) Derbès, Observations sur les phénomènes qui accompagnent la formation.de l'embryon de ■
l'Oursin comestible (Ann. des sciences nat., 3e série, 1847, t. VIII, p. 80, pi. 5).
— Krohn, Beitrâge %ur Entwickelungsgeschichte der Seeigellarven. Heidelberg, 1849. —
Ueber die Enlivickehmg einer lebendig gebârenden Ophiuren { Miiller's Archiv fur Anat. und
Physiol., 1851, p. 338, pi. 14, fig. 2-5). — Ueber die Larven der Echinus brevispinosus
(Mùller's Archiv, 1853, p. 361). — Beobachtungen iïber Echinodermenlarven {Op. cit., 1854,
p. 208, pi. 10, fig. 1.2).
— Busch, Beobachtungen ûber Anatomie und Entwickelung einiger wirbellosen Seethiere,
1851.
— Alexander Agassiz, On the Embryology ofEchinoderms, 1864(il/e/)ioi?'s ofthe American Aca-
demy, t. IX).
{d} Sars, Beskrivelser og lagttagelser. Bergen, 1835, p. 37, pi. 15, fig. 40.
— Krohn et Danielssen, Zoologeske Bidrag. Bergen, 1847. — Observ. sur le Bipennaria asteri-
gera [Ann. des sciences nat., 3e série, 1847, t. VÎl, p. 347, pi. 7, fig. 7-9).
— Max. Schulfze, Ueber die Entwickelung von Ophiolepis squaraata (Miiller's Archiv fur
Anat. und Physiol., 1852, p. 37, pi. 1).
— Krohn, Ueber einen neuen Entwickelungsmodus der Oplmiren {Archiv fur Anat. und
Physiol., 1857, p. 369, pi. 14 B).
/rl2 REPRODUCTION.
mais la forme du Métazoaire varie chez ces différents Zoo-
pbytes. Du reste, je me hâte d'ajouter que ces générations
alternanles ne se rencontrent pas ctiez tous les Échinodermes,
et que chez plusieurs de ceux-ci, le développement se fait d'une
manière continue, de sorte que le Mélazoaire tout entier devient
un Typozoaire, au lieu de produire celui-ci par voie de bour-
geonnement (I).
Gcnéraiion^ Daus d'autrcs cas le Métazoaire, tout en étant apte à sortir
allernanlos i ., » ^ i
chez de 1 œut et a mener pendant quelque temps une vie errante,
' ne présente qu'une structure très-simple. Ainsi, l'œuf de la
Médusa aurita donne naissance à un Animalcule cilié et de
forme ovoïde, appelé Planula, qui ressemble beaucoup à un
Infusoire et ne montre dans son intérieur aucun organe parti-
culier. Ce Métazoaire nage librement dans la mer à l'aide de
ses cils, qui font office de rames; puis il se fixe sur la surface
d'un rocher ou de quelque autre corps étranger, et se déve-
loppe de façon à devenir cratériforme et à ressembler à un
Polype. Alors son corps s'étrangle de dislance en distance et
(1) Chez tous ces Zoophytes, le sible de donner une idée nette de
Métazoaire a une forme bilatérale, et le la conformation de ces Echinodermes
caractère radiaire ne se manifeste que en voie de développement, et des mé-
cliez le Typozoaire. Chez les Fxhi- -tamorphoses qu'ils subissent. Je me
nides, les Astériens et les Ophiures, bornerai donc à ajouter que les Méta-
cc dernier se sépare du Métazoaire, zoaircs des Echinides ont une char-
dont il naît par une sorte de bour- pcnle calcaire comme ceux des Ophiu-
geonnement interne ; mais chez les res, tandis que chez le Mélazoaire des
Holothuries, le Métazoaire est persis- Asiériens et des Holothuriens, cette
tant presque en totalité, et reste uni charpente n'existe pas. Ces derniers
au produit qui en naît par bourgeon- sont plus ou moins vermiformes.
nement et qui constitue la portion ce- Des exposés des recherches de Miil-
phalique de l'Animal parlait. Sans le 1er sur ce sujet ont été publiés par
secours de figures, il me serait impos- MM. Dareste, Huxley et Agassiz (a).
(a) Daresle, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 2' série, t. XVI, p. 154; l. XIX, p. 2ii ; t. XX,
p. 1-21 rit 147 ; 'à' série, t. 1, p. 153).
— Huxley, Report on the Researches of Miiller into the Anatomy and Development ofEchino-
derms (Ann. of Nat. Hist., 2» série, 1851, t. VIII, p. 1).
• — Afassiz; Lectures on Comparative Embriiology. Boston, 1849.
GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. 413
se divise en une série de tronçons qui ne tardent pas à devenir
libres, et qui, en se développant, acquièrent peu à peu le mode
d'organisation typique de leur race, ou, en d'autres mots, de-
viennent autant de Méduses sexuées (1).
Des phénomènes analogues nous sont offerts par d'autres
Acalèphes dont les Planules ou larves ciliées constituent, en se
(1) Les premières observations re-
latives à cette partie intéressante de
l'histoire des Acalèphes datent de 1829
et sont dues à un naturaliste norwé-
gien, M. Sars, de Bergen. Cet auteur
lit connaître alors quelques-unes des
formes transitoires de la Médusa au-
rita, mais il les considéra comme
constituant des types zoologiques par-
ticuliers, et il leur donna les noms gé-
nériques de Scyphosloma et de Stro-
hila (a). En 1835, Sars reconnut que
le Scyphostome n'était qu'un premier
état de l'Animal qu'il avait appelé
Sirubila, et que celui-ci avait beau-
coup d'analogie avec certains Aca-
lèphes, notamment avec VEphira
d'Eschsclîollz (6). Enfin, deux ans
après, le même naturaliste annonça
que les Strobiles sont de jeunes Mé-
duses (c), et, en 18/il, il exposa, avec
tous les détails désirables, la série
de ses observations sur ce sujet : il
montra, d'une part, la transformation
des Scyphostomes en Strobiles, la nais-
sance de Méduses éphiroïdes aux
dépens des tronçons du Strobile, et le
développement de ces Méduses en
Aurélies et en Gyanées sexuées ; d'autre
part, la production des Scyphostomes
par les œufs de ces derniers Acalè-
phes (rf). Vers la même époque, M. Sie-
bold fit des recherches importantes sur
le même sujet, et déjà un naturaliste
écossais, John Dalyell, avait constaté
beaucoup de faits du même ordre (e).
Divei'ses observations relatives à la
filiation des Sertulariens et des Médu-
saires furent publiées peu de temps
après par plusieurs autres zoologistes,
et plus récemment M. Desor s'est
occupé aussi du développement de la
Médusa aurita (f) ; enfin, je citerai
également ici à ce sujet les observa-
tions nouvelles dont M. Agassiz vient
d'enrichir la science {g).
(a) Sars, Bidrag til Sôedyrenes Nalurhistorie. Bergen, 1829 (Isis, 4833, p. 221).
(6) Idem, Beskrivelser og Jagltagelser. Berg:en, 18>i5, p. 46 et suiv.
(c) Idem, Wieg-mann's Archiv fur Naturgeschichte, 1837, t. I, p. 486.
(d) Idem, Ueber die Entwickelimg der Médusa aurita und der Cyanea capillata (Wiegmann's
Archiv, i^il, t. ï, p. 9).
(g) Siebold, BeilrdQe %ur Naturgeschichte der luirbellosen Thiere (Neuste Schriften der Natur-
forschenden Gesellschaft in Danzig, 1839, t. III).
— Dalyell, On the Propagation of Scotish Zoophytes {Edinburgh Neiu PhilosophicalJournal,
1834, t. XVII, p. ni). -- Furiher Itlustrations of the Propagation of Scottish Zoophytes (Op.
cit., 1836, t. XXI, p. 88). — Rare and Remarkable Animais ofScotland, 1847, t. I, p. 99 et
suiv.
(f) Desor, Lettre sur la génération médusaire des Polypes hydraires {Ann. des sciences nat.,
3« série, 1849, t. XII, p. 311, pl. 2, fig. 1-6).
(9) Agassiz, Lectures on Comparative Embryology, 1849, p. 42. — Contributions to the Nat.
Hist. of the United States of America, 1862, t. IV, p. 105, pl. 10, 10 a, 11, 11, a.
liik REPRODUCTION.
développant, non pas des Strobiles scissipares, mais des Sertu-
lariens ou autres Polypes hydroïdes, qui se multiplient par
gemmation, et produisent ainsi tantôt une nouvelle génération
de Métazoaires (i), d'autres fois des Typozoaires dont la
structure ne diffère pas de celle des Méduses ordinaires, et
dont les œufs donnent naissance à d'autres Planules (2). Il
est aussi à noter que, chez certains Acalèphes, l'individu Typo-
zoaire peut se multiplier par bourgeonnement aussi bien que
(1) Ce bourgeonnement peut avoir
lieu aussi sur les Strobiles, qui sont
susceptibles de se multiplier par scissi-
parité ; et les bourgeons peuvent riaî-
tre, soit directement sur les parois du
corps de l'individu souche, soit sur
des stolons qui partent de la base de
celui-ci (a).
(2) Les Sertulariens, dont j'ai déjà,
eu l'occasion de parler comme ayant
la faculté de se multiplier par bour-
geonnement (6) , sortent de l'œuf à
l'état d'Animalcules ciliés, analogues
aux Planules dont il a été question
ci-dessus ; puis ils se fixent, et en se
développant, deviennent des Polypes
hydroïdes qui sont susceptibles de
se reproduire sous des formes dif-
férentes. Parmi les bourgeons qui en
naissent, iji en est qui deviennent des
individus polypiformes et pourvus de
tentacules, ainsi que d'une ouverture
buccale. Mais d'autres sont clos, et,
en se développant, chacun de ceux-ci
forme, par la dilatation de sa gaîne
tégumentaire , une sorte de capsule
dans l'intérieur de laquelle ils pro-
duisent de nouveaux bourgeons en
nombre plus ou moins considérable,
lesquels bourgeons secondaires consti-
tuent, en se développant, tantôt autant
de Planules ciliées, ou Sertulariens
à l'état de larves mobiles, ainsi que
cela été observé par M. Lôven ;
d'autres fois, de jeunes Médusaires,
qui plus tard deviendront sexués, et
produiront, soit des vésicules sperma-
tiques, soit des œufs, et procréeront
ainsi de nouveaux Sertulariens : par
exemple, chez le Campanularia gela-
tinosa (c). Ces jeunes Méduses se
détachent souvent à l'état de larves
ciliées (d) ; mais d'autres fois elles ac-
quièrent leur forme typique lorsqu'elles
t., 2« série, 1841, t. XVI, p. 342, pi. 15, f.g. 37,
(a) Sars, Op. cit. {Ann. des sciences
42, etc.
(b) Voyez ci-dessus, page 314. .
(c)Loven, Observations sur le développement ei les métamorphoses des genres Campanulaire
Synchoryne (Ann. des sciences nat., 2° série, 1841, t. XV, p. 157, pi. 8).
(d) Ellis, His(.?mî. des ComHines, 175G, p. 116, pi. 38. , „. j
— VanBeneden, Mém. sur les Campanulaires de la côte d'Ostende, pi. i et 2 [Mém. de l Acad.
de Bruxelles, ma, t. X\n). .
— Desor, heltre sur la génération médusipare des Polypes hydraires [Ann. des sciences nat.,
3- série, 1849, t. XII, p. 207, pi. 2, fi-. 8-12).
(e) Dujardin, Mém. siir le développement des Méduses et des Polypes hydraires (Ann. des
sciences nat.., 3' série, 1845, t. IV, p. 257, pi. 14 et 15).
— Desor, Op. cit., p. 205, pi. 2, fig. 13-16.
GÉNÉRATIONS ALTERNANTES. 415
par oviparité, et que les jeunes produits de la sorte sont des
Typozoaires, au lieu d'être des Métazoaires, comme ceux déve-
loppés dans l'intérieur des œufs (1 ).
Pour nous familiariser avec les faits de cet ordre, il me
semble utile de citer encore ici le mode de multiplication des Multiplication
Coralliaires, de la division des Alcyonaires: celle des Gorgones Aicyonnaires.
et du Corail, par exemple. CesZoophytes se reproduisent à l'aide
d'œufsde chacun desquels naît un Métazoaire assez semblable
à celui des Méduses dont je viens de parler^ et cet Animalcule
cilié, après avoir mené pendant quelque temps une vie errante,
se fixe sur quelque corps sous-marin (2). Puis il devient le
siège d'un travail de gemmation, par suite duquel des Polypes
sexués naissent dans son épaisseur et surgissent à sa surface.
sont encore adhérentes au corps de rata (c). Plus récemment, E, Forbes
l'individu souche , ainsi que cela a observa les mêmes phénomènes chez
été observé chez les Syncorynes (a). le Thaumantias lucida, le Lizzia
Il arrive aussi parfois que la por- hlondina et le Sarsia proliféra. Les
tion terminale d'un de ces Polypes hy- bourgeons peuvent naître sur divers
droïdes se sépare de sa base, et con- points : de la surface des ovaires, du
stitue un Animal libre et campanuli- côté de la trompe stomacale, ou à la
forme,qui semble être destiné à devenir base des tentacules marginaux du dis-
une Méduse sexuée (6). que natatoire {d).
(1) C'est aussi à Sars que l'on doit (2) Les premiers naturalistes qui
la découverte de celte multiplication ont observé les larves ciliées des Cor-
des JMédusaires au moyen de bour- gones et des autres Zoophytes les ont
geons. Il constata ce fait chez deux considérées comme étant des œufs
espèces de Gymnophthalmes, le Cyiœw doués de facultés locomotrices (e).
octopunctata (ou Lizzia octopunctata, M. Lacaze-Duthiers vient d'en faire
Forbes) , et le Thaumantias multicir- une étude très-attentive (/') .
(a) Ce sont ces larves qui ont été décrites par quelques auteurs comme des œufs ciliés. Voy. Grant
Observ. sii,r les mouvements spontanés des œufs de plusieurs Zoophytes (Ann. des sciences 7iat.,
1" série, t. XIII, p. 52).
(6) Nordmann, Sur les changements de forme que l'âge apporte dans la manière d'être des
Campanulaires (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1839, t. IX, p. 704).
(c) Sars , Fauna Norvegica.
{d} E. Forbes, A Monograph of Ihe British naked-eyed Medusœ, p. 16 [Ray Society, 1858).
(e) Cavohni, Memorie per servira alla storia dei Polipi marini, 1785, p. 106.
— Grant, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i" série, t. XIII, p. 52).
(f) Lacaze-Duthiers, Histoire naturelle du Corail, 1864.
Ili6 REPRODUCTION.
Ici les produits de ce bourgeonnement ne se séparent pas de la
nourrice qui les produit, et celle-ci constitue la base organique
commune ou sclérosome qui réunit entre eux tous les individus
dont l'assemblage forme ces singulières colonies. Chez ces
Coralliaires, le Métazoaire n'est donc représenté que par une
couche de tissu vivant qui a la faculté de bourgeonner et de
produire ainsi des Typozoaires.
Caractères Maintenant supposons par la pensée que ce Métazoaire se
du Métazoaire
chez développe un peu moins, reste dans l'intérieur de l'œuf, et en
les Animaux
supérieurs, hourgeounaut ne donne naissance qu'à un seul Typozoaire, puis
cesse d'exister avant que son produit ait acquis sa forme défi-
nitive, nous aurons une idée assez juste de ce qui se passe
d'ordinaire dans les premiers temps du travail génésique chez
les Animaux supérieurs. En effet, le corps celluleux ou granu-
leux que nous avons vu se développer à la surface du globe
viteilin de l'Oiseau ou du Mammifère, et que j'ai désigné sous
le nom de blastoderme, représente une nourrice de ce genre,
et nous allons voir maintenant que, par une sorte de gemma-
tion, il va donner naissance à un Typozoaire, (jui sera d'abord
un embryon presque informe, mais qui, en grandissant, réaU-
sera peu à peu le mode d'organisation propre aux représentants
parfaits de son espèce.
Chez tous ces Animaux, ainsi que je l'ai déjà dit, le nouvel
être en voie de formation se montre d'abord sous la forme
d'une tache blanchâtre ou disque, appelé blastoderme, ou
membrane proligère, qui repose sur la surface du globe vitei-
lin. Sa croissance est rapide, et en s'agrandissant, cette couche
de matière plastique ne tarde pas à envahir la totalité de cette .
surface et à constituer une cellule ou sphère creuse dont l'in-
térieur est occupé par la substance vitelline. Or, cette cellule
blastodermique est en réalité un être vivant dont l'activité phy-
siologique va se manifester d'une manière remarquable, et elle
me semble pouvoir être considérée comme l'analogue de ces
EMBRYOGÉNIE. 417
Métazoaires dont je viens de signaler l'existence chez beaucoup
d'Animaux inférieurs : seulement sa structure est beaucoup
plus simple que celle de la plupart de ces êtres; elle n'est
pas conformée pour vivre dans le monde extérieur, et elle est
destinée à fournir toute sa carrière dans l'intérieur de l'œuf
où elle a pris naissance.
Bientôt une autre couclie de matière plastique apparaît au-
dessous de la première, et adhère à sa face interne dans le point
central où celle-ci a commencé à se former, mais s'en sépare
dans sa partie périphérique, et en grandissant, elle constitue
une seconde cellule incluse dans la première et renfermant le
globe viteliin. Les embryologistes la désignent généralement
sous le nom de feuillel muqueux du blastoderme^ et ils appellent
feuillet séreux la coucbe externe que je viens de comparer à
un Métazoaire.
Pendant que le feuillet interne du blastoderme se développe
de la sorte, la cellule métazoïque, ou feuillet séreux, présente
dans le point où ce travail embryogénique a commencé, c'est-
à-dire au centre de l'espace appelé Vaire germinative, un
phénomène fort analogue au bourgeonnement, par lequel les
Métazoaires produisent des Typozoaires. En effet, ce feuillet
blastodermique s'épaissit dans ce point, et le cumulus ainsi
formé s'avance, non pas vers l'extérieur, comme le font les
bourgeons dont il a été question jusqu'ici, mais vers le centre
du globe viteliin. Or ce cumulus, qui s'enfonce de la sorte dans
l'intérieur de la cellule formée par le feuillet blastodermique
dont il naît, constitue, avec le feuillet muqueux du blastoderme
auquel il adhère par sa face interne ou ventrale, le premier
vestige du corps de l'embryon futur, ou, en d'autres mots, du
Typozoaire.
Pendant que cette espèce de bourgeon s'avance ainsi, la
partie adjacente de la cellule métazoïque, c'est-à-dire du feuillet
séreux du blastoderme, s'accroît rapidement de façon à che-
418 REPRODUCTION.
vaucher au-dessus de la lace dorsale de l'embryon naissant,
et à transformer en une sorte de bourse la dépression dans
laquelle celui-ci s'enfonce. Les bords du repli circulaire ainsi
constitués (1), se resserrent de plus en plus, jusqu'à ce que
la fossette contenant la partie principale du corps du jeune
embryon se ferme complètement, et représente une sorle de
kyste membraneux inclus dans le Métazoaire, ou cellule biasto-
dermique primitive, et suspendu à la paroi interne de celui-ci
par un pédoncule, dernier vestige de l'entrée de la fosse
résultant de l'espèce de bourgeonnement que je viens de
décrire (2). Enfin, ce pédoncule se rompt, et alors toute con-
tinuité organique cesse entre la cellule externe qui représente
le Métazoaire, et le jeune Typozoaire, qui porte à sa face ven-
trale le globe vitellin et se trouve renfermé dans un sac
membraneux auquel on a donné le nom à'amnios {?i).
Chez les Reptiles et les Oiseaux, le rôle de la cellule méla-
(1) Ce repli se forme tout autour j'ai formé le groupe naturel des Ai-
de Taire germiiiative, mais il com- lantoïdiens, c'est-à-dire chez les Mam-
mence aux deux extrémités de l'em- mifères, les Oiseaux et les Reptiles,
bryon, et il donne ainsi naissance à Les Batraciens et les Poissons, de même
deux espèces de voiles appelés capic- que tous les InvertéJsrés, n'ont pas
chon céphalique et capuchon caudal, d'amnios. Cette cellule légumentaire
qui s'avancent l'un vers l'autre en est remplie d'un liquide aqueux dans
recouvrant de plus en plus le corps lequel l'embryon flotte plus ou moins
du jeune Animal. Voyez à ce sujet les librement, mais il adhère toujours aux
figures théoriques données par M. Baer parois de cette tunique membraneuse
et reproduites par beaucoup d'au- par un prolongement de la peau dont
teurs (a). son corps est revêtu. Il y a de la sorte
(2) Quelques auteurs appellent ce continuité de substance entre ces deux
détroit Vombilic amniotique, mais parties, et la membrane amniotique
cette expression ne me paraît pas heu- n'est en réalité qu'une sorte de pro-
reuse. longement de la couche cutanée de
(3) L'embryon ne se développe, l'embryon.
dans l'intérieur d'an sac de ce genre. C'est chez la Poule que le mode de
que chez les Animaux vertébrés dont formation de l'amnios a été, pour la
(a) Burdach, Traité de physiologie, t. 111, pi. 3.
EMBRYOGÉNIE. /i.19
zoïque est alors terminé, et elle ne tarde pas à se désorganiser,
puis à disparaître; mais chez les Mammifères, elle continue à
vivre, et, après s'être dépouillée de la membrane vitclline qui la
recouvrait ou s'être unie à cette tunique, elle se développe pour
constituer l'espèce de poche incubatrice appelée chorion^ dans
l'intérieur de laquelle le jeune Animal en voie de formation se
trouve renfermé. Une sorte de soudure s'établit ensuite entre
des appendices vasculaires de l'embryon et la face interne de
cette enveloppe externe, de façon que le Mélazoaire et le Typo-
zoaire, après s'être séparés un instant, se réunissent de nou-
veau; mais cette union ne dure que pendant la vie intra-
utérine, et lorsque le jeune Mammifère arrive dans le monde
extérieur, il se débarrasse de la cellule métazoïque, et celle-ci
cesse d'exister (i).
Un phénomène analogue a été observé chez les Molluscoïdes particularités
dans le
de la famille des Ascidies. Le jeune Animal qui naît dans l'œuf développement
des Ascidies,-
première fois , bien constatée et cette laisser passer les appendices ombili-
découverte est due à M. Baer (a). eaux (c). Mais cette opinion est non
Plusieurs autres embryologistes du moins insoutenable que la précédente,
commencement de ce siècle avaient et depuis les recherches de MM.. Baer,
supposé que, chez les Mammifères, Thompson, Coste, Bischoff, etc., etc.,
celte poche était primitiA'ement une on est généralement d'accord pour
vésicule close dans l'intérieur de la- adopter les vues présentées ci-des-
quelle l'embryon s'enfoncerait, et cette sus [d).
opinion a été soutenue par quelques (1) Je reviendrai sur ce sujet lors-
auteurs plus récents (6). M. Velpeau que je traiterai du développement des
a cru que l'embryon se constituait Mammifères et des Oiseaux en parti-
dans l'intérieur de la vésicule amnio- cuher. Ici je ne puis présenter que
tique, et que celle-ci se trouait pour des notions très-sommaires.
(a) Baer, Entwickelungsgeschichte, t. II. — • Traitéde Phijsiol., de Burdach, t. III, p. 21l3 et suiv.
(6) Dœllinger, Versuch einer Geschichte der menschlichen Zeugung (Meckel's Deutsches Archiv
furdiePhijsioL, 1816, t. II, p. 388).
— Pœkels, Neue Beitrage zur Entwickelungsgeschichte des menschlichen Embrgo (Isis, 1825,
p. 1342J.
— Serres, Observations sur le développement de Vamnios chez l'Homme (Ann. des sciences
nai., 2° série, 1809, t. XI, p. 234).
(c) Velpeau, Ovologie, p. 25.
(d) Thompson, Contributions to the Hist. of the Structure of the Human Ovum {Edinburgh
Med. and Surg. Journal, 1839, t. LU, p. 19).
— Bisclioir, Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, iS^S, p. 123, etc.
420 REPRODUCTION.
ressemble, par sa forme, à ces Cercaires dont j'ai déjà parlé en
traitant des générations alternantes des Douves (1) ; mais bientôt
ce pelit être se fixe sur quelque corps sous-marin, perd sa
queue, et subit dans sa structure intérieure des changements
considérables. Son corps, de forme ovoïde, se sépare en deux
portions parfaitement distinctes, l'une superficielle et constituant
une cellule tégumentaire comparable à un sac métazoïque,
l'autre intérieure, également utriculaire, et contenant la masse
vitelline. Ces deux cellules vivantes n'ont alors entre elles aucun
lien organique, mais, par suite du travail de développement
dont elles sont le siège, elles se soudent ensemble à l'extrémité
antérieure du corps, et forment de nouveau un seul être, ainsi
que nous venons de le voir pour le chorion et l'embryon des
Mammifères. Chez ceux-ci, cette union n'est que temporaire, la
portion métazoïque du jeune Animal n'a qu'une existence très-
courte , et c'est la portion typozoïque qui bientôt constitue à
elle seule la totalité de l'organisme. Chez les Ascidies, au con-
traire, la portion métazoïque ne se détruit pas, et continue à
être une partie constitutive du nouvel individu dont elle forme
la tunique tégumentaire (2).
Déveiopperaeni Eufin, chcz bcaucoup d'autrcs Auluiaux, la séparation entre
direct
d'un la portion métazoïque et la typozoïque du produit engendre ne
s'effeclue jamais, et la totalité du nouvel être en voie de déve-
loppement concourt à la formation de l'organisme parfait. Cela
se voit chez les Batraciens, les Poissons et la plupart des Ani-
maux invertébrés.
(1) Voyez ci-dessus, page /ilO. dance temporaire de la spiière interne
(2) J'ai étudié avec beaucoup d'at- par rapport à l'enveloppe externe
tention ces phénomènes chez quelques était facile à constater par les change-
Ascidies de nos côtes, où l'indépen- ments de position de la première {a).
[a) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, p. 36,
pi. 5 (Mém. de V Acad. des sciences, t. XVIII).
Typozoairc.
ËMBRYOGÉNIK. /j'il
Nous voyons donc qu'il existe, dans le Règne animal, une nésumo.
multitude de nuances dans le degré d'indépendance des pro-
duits du travail zoogénique dont l'œuf est le siège, ainsi que
dans le mode d'apparition de ces produits, qui se montrent
tantôt successivement, tantôt d'une manière simultanée, et qui
peuvent avoir une même durée, ou bien être séparés par suite
de la mort de l'un d'eux à une époque où l'autre est encore
apte à vivre pendant longtemps. Ce sont donc des difCérences
en plus ou en moins qui n'impliquent aucune dissemblance
fondamentale quant au mode de transmission de la vie dans la
série des individus appartenant à une même espèce. 11 en est
de même pour ce qui concerne le degré de complication orga-
nique des divers termes de cette série, et de l'aptitude des
êtres, qui représentent ces termes, à vivre d'une manière
plus ou moins indépendante.
Le phénomène des générations alternantes, quelque singulier
qu'il puisse nous paraître au premier abord, se rattache donc
étroitement aux phénomènes généraux du développement des
Animaux par voie de génération ordinaire; seulement, dans un
cas, le second produit principal du travail zoogénique, celui que
j'ai appelé le Métazoaire, ne se perfectionne que peu, ne remplit
qu'un rôle très-court dans l'intérieur de l'œuf, et ne fournit
qu'un seul Typozoaire ; tandis que dans l'autre cas il se perfec-
tionne beaucoup, il devient apte à mener pendant longtemps
une vie errante avant que de donner naissance à l'individu
typique qui réalise la forme la plus complète de la lignée d'êtres
dont il descend, et il est apte à produire plusieurs individus
de cette dermère catégorie, ou même un certain nombre de
jeunes Métazoaires dont sortira plus tard la nouvelle génération
de ïypozoaires.
Chez les trois sortes d'êtres, le Protoblaste, le Métazoaire et
le Typozoaire, qui naissent les uns des autres par voie de géné-
ration continue, et qui forment une série de termes en connexion
VllI.
/|22 REPRODUCTION.
avec les termes précédents et suivants au moyen de la généra-
tion discontinue seulement, la faculté reproductrice se manifeste
avec des degrés de puissance variables, et le travail zoogéniqne
qui en dépend, est tantôt monosomique, d'autres fois polyso-
mique. Ainsi le Protoblaste, ou l'œuf qui constitue le premier
terme de cette série, peut se multiplier de façon à produire
d'autres œufs, comme nous l'avons vu chez les Mermis, ou
bien ne donner naissance qu'à un Métazoaire unique, ainsi que
cela a lieu chez la plupart des Animaux ; et ce Métazoaire peut
à son tour produire un nombre plus ou moins considérable
d'autres Métazoaires qui seront la souche d'autant d'individus
typozoïques, ou ne fournir qu'un seul représentant typique de
son espèce. Enfin, ces deux termes de la série spécifique, le
Métazoaire et le Typozoaire, au lieu d'être parfaitement dis-
tincts entre eux et de se succéder, de façon que le premier
périt lorsque le second n'est pas encore parvenu à un dévelop-
pement complet, peuvent se confondre plus ou moins intime-
ment entre eux, et ne constituer qu'un individu zoologique
unique.
Je suis porté à croire que beaucoup de phénomènes térato-
logiques dépendent de ce que, dans certains cas, le travail géné-
sique effectué par le Métazoaire, au lieu d'être monosomique,
comme d'ordinaire, devient polysémique ; de sorte qu'un même
blastoderme, au lieu de produire un embryon unique, comme
cela a lieu normalement chez tous les Animaux supérieurs,
donne naissance à deux ou à plusieurs de ces corps, qui, en
grandissant, se soudent entre eux, et constituent ainsi des
monstres doubles ou triples dans la portion de l'organisme où
cette fusion n'a pas eu lieu, mais simples là où elle s'est opérée
de bonne heure. Pour plus de détails à ce sujet, je renverrai
aux recherches que M. Lereboullet vient de publier sur la pro-
duction des monstruosités chez les Poissons, et je ferai remar-
quer seulement combien il est intéressant de voir que les êtres
HISTOGENESE.
lire
anormaux de celte classe, dont la formation dépend de causes
que nous ignorons, ont un mode d'origine analogue à celui qui
est normal dans d'autres groupes du Règne animal (1).
§ 6. — Lorsque l'individu typozoïque commence à se con-
stituer, sa structure est toujours très-simple ; mais à mesure
qu'il se développe, son organisme se complique plus ou moins,
et cette complication croissante, qui est une condition de per-
fectionnement, résulte de trois choses : 1° des transformations
qui s'opèrent dans la substance vivante, et qui amènent le déve-
loppement d'un plus ou moins grand nombre de tissus distincts
par leurs caractères anatomiques, ainsi que par leurs propriétés
physiologiques; 2" de la manière dont ces tissus sont mis en
œuvre pour la constitution des instruments physiologiques ap-
pelés organes, et de la conformation de ceux-ci; â° du mode de
groupement de ces organes en un seul tout, qui est l'individu
zoologique.
Phénomènes
liislogéniqucs.
(1) Il résulte des observations de
M. Lereboiillet, que, chez les Poissons,
la monstruosité par duplicité est tou-
jours primordiale. Le blastoderme
unique, après avoir constitué autour
du vitellus une sorte de bourse repré-
sentant ce que j'appelle un Métazoaire,
produit sur son bord un bourrelet
embryogène, qui d'ordinaire ne donne
naissance qu'à un seul tubercule, ou
bourgeon typozoïque, destiné à deve-
nir l'embryon du jeune Poisson; mais
dans les cas tératologiques dont il est
ici question , deux ou quelquefois
même trois de ces bourgeons y sur-
gissent, et, par suite de leur dévelop-
pement, ces tubercules embryogènes
venant à se rencontrer par leur base,
s'y confondent entre eux, tandis que
leur sommet reste libre dans une
étendue plus ou moins considérable.
Là où les bourgeons ainsi groupés
conservent leur individualité , ils
produisent les parties correspondantes
d'autant d'embryons distincts ; mais là
où ils sont unis, ils ne donnent chacun
naissance qu'à une portion de la ré-
gion correspondante de l'organisme,
et ces portions d'origine différente
coalescent de façon à donner, en der-
nier résultat, un corps unique en con-
tinuité physiologique avec deux ou
trois têtes distinctes. Les différences
qui se présentent chez les divers
monstres par excès paraissent dé-
pendre principalement de l'étendue
de la soudure primitive des bourgeons
embryogènes (à).
[a) LereBoullet, Recherches sur les monslruosllés du Brochet observées dans l'œuf, et sur leur
mode de production {Ann. des sciences nat., 4" série, 1861, t. XVI, p. 359; 1803, t. XX,
p. 129, pi. 2 et 3).
/r2/| REPRODUCTION.
L'étude comparative des tissus , qui sont pour ainsi dire les
matériaux primaires de l'organisme, n'a que peu occupé l'at-
tention des naturalistes avant le commencement du siècle actuel.
A cette époque, un des hommes dont l'école française se glo-
rifie à juste titre, Bichat, l'envisagea d'une manière large et philo-
sophique, mais les moyens d'observation dont il disposait étaient
trop imparfaits pour lui permettre de l'approfondir beaucoup,
et jusqu'en ces derniers temps cette branche des sciences na-
turelles, appelée tantôt anatomie générale^ d'autres fois histo-
logie^ était restée presque stationnaire (I). Les perfection-
(1) Les anatomistes de l'antiquité, time de ces matériaux constitutifs de
Aristote et Galien, par exemple, l'économie animale (cf). Ils furent sui-
avaient reconnu que, parmi les maté- vis dans cette voie par quelques autres
riaux dont les diverses parties du anatomistes, tels que Muys et Fon-
corps humain sont composées , les tana (e). Haller, par ses recherches
uns sont semblables entre eux, tandis expérimentales, contribua aussi à
que d'autres diffèrent ; mais ils n'a- mettre en évidence la similitude des
valent à ce sujet que des idées très- propriétés physiologiques de certaines
vagues. Au xv!"^ siècle, Fallope insista parties et les différences qui les distin-
davantage sur ces analogies, et il cher- guent de quelques autres tissus (/"),
cha même à établir un système de Mais l'étude comparative de ces divers
classification pour les divers tissus qui matériaux constitutifs de l'organisme
concourent à la formation de l'orga- et de leur classification naturelle ne
nisme [a). Vers le milieu du siècle prit corps qu'entre les mains de Bichat,
suivant, Malpighi [h) et Leeuwen- dont les recherches sur l'anatomie gé-
hoeek (c), en s' aidant du microscope, nérale font époque en histologie {g).
abordèrent l'étude de la structure in- En 1823, Béclard publia un autre
(ft) Fallope, Lecliones departibus similaribus humani corporis liber singularis, 1575.
(6) Voyez lome 1, page 41.
{c) Voyez tome 1, pnge 42. ^ _ ^
(d) Les observaiions niicroscopiques de Leeiuvenhoeck sur divers tissus sont disséminées dans uti
praiid nombre d'articles insérés tant dans les Transactions philosophiques de la Société royale de
Londres que dans les recueils inlilulds: Arcana naturœ délecta.
— Les recherches hislologiques de Malpighi sont consignées dans son traité sur la structure des
viscères {Opéra omnia, t. H), et dans son tra\ail sur les glandes (Opéra posthuma}.
le) Muys, Invesiiijatio fabricœ qiiœ in partibus musciilos componenlibiis exstat, in-4°. Lugduni
Batavoruni, 1741 .
Montana, Observations sur la structure primitive du corps animal [Traité du venin de la
Vipère, 1781,' I. Il, p. 187).
if] Haller, Mémoires sur la nature sensible et irritable des parties du corps animal, 4 vol,
in-12, 1756.
Iflj K\cha{, Dissertation sur les membranes et si»' leurs rapports (jénéraux d' organisation
IMém. de la Société inédicale d'émulation, t. II). — Traité des membranes, 1800. — Traité
d' anatomie générale, 4 vol. in-8, 1802.
HISTOGENÈSE. /l25
iiements apportés au microscope, il y a une trentaine d'années,
rendirent les recherches de ce genre plus fructueuses, et vers
1838 deux savants allemands, M. Schleiden et M. Schwann, y
imprimèrent une forte impulsion. Elle a été l'objet d'une mul-
titude d'observations et d'un nombre presque aussi grand de
publications; mais ses progrès n'ont pas été aussi considérables
qu'on pourrait le croire au premier abord, car l'interprétation
des faits a été trop souvent subordonnée à des vues théoriques,
et des généralisations prématurées ont mis en circulation plus
d'une hypothèse dénuée de base solide et même beaucoup d'idées
fausses. La plupart des questions les plus importantes touchant
la genèse des différents tissus sont encore entourées d'une
obscurité profonde, et, dans l'état actuel de la science, on ne
peut s'en occuper utilement qu'à la condition de discuter à fond
tous les éléments de conviction pour chaque cas particuher (1).
Je ne m^y arrêterai donc que peu ici, me réservant de revenir
traité d'anatomie générale, et précé- pas heureux (6): aussi ne fais-je men-
demment Meckel avait également écrit tion ici de ce travail que pour ex-
sur le même sujet ; mais ni l'un ni pliquer pourquoi je ne l'emploierai
l'autre de ces auteurs n'ajoutèrent pas dans le cours de ces Leçons. Les
beaucoup à nos connaissances (a). mêmes remarques s'appliquent aux
Vers 1823, lorsque l'on commençai autres publications de cette époque (c),
employer de nouveau le microscope, (1) Malgré ces réserves, je n'en
je cherchai à me rendre compte de la reconnais pas moins que les travaux
conformation des éléments anatomi- de Schwann [d] et des micrographes
ques des difTérents tissus ; mais les de son école font époque dans l'his-
instruments dont je disposais étaient toire de l'histologie, et ont cbangé
si imparfaits, que je ne pouvais me complètement la face de cette branche
préserver de beaucoup d'illusions des sciences naturelles. C'est principa-
d'optique, et mes essais ne furent lement en Allemagne que l'on s'en est
(a) J. Meckel, Handbuch Jer mensehlkheii Anatomie, 1816, t. L— Manuel d'anatûmle, traduit
par Jourdan et Breschet, 1825, I. I, p. 1 à 563.
— P. Béclard, Éléments d'analomie générale, 1823.
(6) Milne Edwards, Mém. sur la structure élémentaire des principaux tissus organiques des
Animaux (Archives générales de médecine, 1823, t. lit, p. 165).
(c) Treviranus, Ueber die organischen Elementa des thierischen liôrpers {Yermischie Schriften,
, 1816, t. I, p. 117).
— Heiissinger, Histologie. Eisenacli, 1824.
((/) Schwann, Mikroscopischen Untersuchungen ûber die Uebereinstimmung in der Strucktur
und dem Wachsthum der Thiere und Pflanzen. Berlin, 1838, 1839. — Rech.surla conformilé
déstructure et d'accroissement des Animauxet des Plantes. {Ann. se. nat., 18 12, t. .Wll, p. 5).
/l26 REPRODUCTION.
sur plusieurs de ces points à mesure que nous aurons besoin
de les élucider.
Suivant M. Schwann, dont les idées sont assez généralement
Théorie adoptées en Allemagne, les éléments primordiaux de l'organisme
" de""^ seraient pour les Animaux, aussi bien que pour les Plantes,
des cellules ou utricules, et ces cellules se formeraient toujours
de la manière suivante. Au sein d'une substance organisable,
mais homogène et sans structure, que l'on a appelé cyto-
blastème^ une certaine quantité de matière vivante se concen-
trerait de façon à constituer un nucléole autour duquel un nou-
veau dépôt de matières organiques aurait lieu et donnerait
naissance à un corpuscule enveloppant, nommé noyau. Celui-ci
serait ensuite entouré d'une nouvelle couche de matière orga-
nique distincte du cytoblastème circonvoisin ; des liquides et
d'autres matières introduites sous cette enveloppe extérieure
s'interposeraient entre elle et la majeure partie de la surface du
noyau, de façon à les éloigner entre elles partout, excepté sur
un point où leur adhérence ne serait pas détruite. La partie
superficielle de ce système de couches concentriques se solidi-
fierait alors de façon à constituer une membrane utriculaire
ou cellule qui renfermerait le noyau fixé à sa surface interne,
occupé, et, parmi les auteurs qui ont dans le grand ouvrage de M. Mandl,
publié sur ce sujet les travaux les et nous conduit jusqu'en 18Zi7 (6);
plus importants, je dois citer en pre- pour l'indication des recherches plus
mière ligne MM. Valentin, Henle et récentes, je renverrai au traité d'his-
KôUiker (a). tologie de M. KoUiker, dont nous pos-
Un tableau historique de ces re- sédons en France une bonne traduc-
cherches et des opinions très-diverses tion, et aux citations que Ton trou-
qui ont été soutenues, tant sur la yera dans les pages suivantes de ce
structure que sur la genèse des parties Hyre.
élémentaires des tissus, se trouve
(a) Valentin , Entwickelungsgesclncht gmébe des meiischlichen und thierischen Kôrpers
( Wagner's Handwôrterbuch der Physiol., 1842, t. I, p. 617).
— Henle, Allgemeine Anatomie, 1841 ; Traité d'anatomie générale, Irad. par Jourdan, 1843,
2 vol.
— Kôlliker, Microscopisclie Anatomie, 1850-1854 ; — Eléments d'histologie humaine, 1855.
(6) Mandl, Anatomie microscopiq^(,e, 2 vol. in-fol., 1838-1847.
HISTOGENÈSE. 427
et les liquides ou autres matières déjà mentionnées, ainsi que
des produits nouveaux qui pourraient résulter du travail phy-
siologique dont elle serait le siège. Les utricules produites de la
sorte seraient les seuls matériaux constitutifs de l'organisme,
mais ne se comporteraient pas toujours de la même manière :
tantôt elles resteraient libres et mobiles, comme le sont les glo-
bules du sang ; d'autres fois elles se souderaient entre elles sans
perdre leur individualité ni leur forme vésiculaire, et donne-
raient ainsi naissance à un tissu aréolaire semblable au tissu
cellulaire des plantes ; d'autres fois encore, l'union entre les
cellules serait portée plus loin, et, tout en conservant leurs
cavités respectives, elles seraient confondues dans leurs parties
pariétales, ainsi que cela se voit dans le tissu cartilagineux;
ailleurs les cellules, en s'allongeant suivant un ou plusieurs
sens, se transformeraient en fibres de la nature de celles que
nous offrent le tissu connectif, les tendons, etc.; enfin, dans
d'autres cas, les cellules primordiales, après s'être soudées
entre elles par séries, perdraient leurs parois dans les points
de jonction, de façon à former des cylindres à cavité contenue,
dans l'intérieur desquels des produits particuliers, tels que la
substance musculaire ou la matière nerveuse, se développe-
raient et donneraient naissance aux fibres correspondantes.
Dans divers cas, quelques-uns des tissus organiques dont il
vient d'être question peuvent se développer de la sorte; mais
ces phénomènes histogéniques sont loin d'avoir la généralité
qui leur a été attribuée, et il me semble bien démontré que
souvent le mode de formation des éléments anatomiques de
l'économie animale est très-différent. En se plaçant à un certain
point de vue, on peut dire avec vérité que tout, dans l'organisme
vivant, est cellule ou provenant de cellules, puisque l'œuf est
une cellule, et que la substance du germe, à une certaine
période de son existence, paraît être composée uniquement
d'ulric'.des de cet ordre; mais il est beaucoup de tissus qui ne
Dlasième.
/|28 REPRODUCTION.
naissent pas directement de cellules, et beaucoup de cellules
qui ne se constituent pas autour d'un noyau; enlin, c'est par
un singulier abus de mots qu'on appelle cytoblastes, ou noyaux
de cellules, beaucoup de corpuscules qui n'ont point et qui
n'auront jamais d'enveloppe utriculaire (1).
La substance organique primordiale que l'on désigne sou-
vent sous le nom de blaslème (2), est une matière albuminoïde,
semi-fluide et hyaline, ou faiblement granuleuse, qui n'offre au
microscope aucune trace de lamelles, de fibres ou d'autres
formes histologiques déterminées, mais qui est douée d'une
certaine activité physiologique, et qui, en se développant, est
(1) Pour qu'un corpuscule, ou sphé-
rule, de matière organique soit sus-
ceptible de recevoir k'gitimemenl le
nom de cellule, il faut qu'il soit creusé
d'une cavité occupée , ou par un
fluide , ou par une substance dis-
tincte de celle dont ses parois sont
formées ; or, dans beaucoup de cas,
les corpuscules appelés cellules par les
histologistes n'offrent rien de sembla-
ble et paraissent être de petites masses
homogènes ; on ne peut apercevoir ni
cavité dans leur intérieur, ni tunique
à leur surface. Pour généraliser les
conclusions relatives à l'origine cellu-
laire de tous les tissus organiques, on
a donc été obligé d'appliquer le nom
de cellule, non-seulement à des utri-
cules , mais à des globules qui n'ont
rien de cellulaire dans leur structure.
Ainsi, l'auteur d'un des meilleurs
ouvrages d'histologie que nous ayons,
M. Leydig, déclare que rien ne lui pa-
raît plus difficile que de définir la
cellule, car les corpuscules en ques-
tion ne sont pas toujours des ulricules,
et pour les caractériser, il se borne à
signaler leur petitesse extrême et la
puissance physiologique dont ils sont
doués, puissance en vertu de laquelle
ils s'approprient les matières qui leur
sont nécessaires et sont autant de cen-
tres d'action (a). M. E. Briicke insiste
davantage sur le peu de justesse de
cette dénomination, et pense qu'au-
jourd'hui le mot cellule devrait être
abandonné en histologie, ou ne rece-
voir qu'une application restreinte (6).
(2) De pXâGTr,u.a, germe. Beaucoup
d'auteurs appelent cette substance pri-
mitive cytoblastème, parce qu'elle
est le germe des cellules. M. Mandl a
proposé de l'appeler plutôt blastèine,
parce que, suivant ce micrographe,
les éléments qui s'y développent ne
méritent pas en général cette dénomi-
nation (c), opinion que je partage
pleinement.
(a) I.eydig, Lehrbuch der Histologie, 1857, p. 9.
((/) E. Biiicke, Die Elementarorganismen [SiUimgsbevicht der Wiener Akad.,i.8^i, l. XLW,
r. 381).
'^'1 Miiiiill, Miunrl d'analomic générale, 18i3, p. 549.
HISTOGENÈSE. /|29
susceptible de constituer des tissus très-variés. Je me garde
bien de dire qu'elle soit réellement amorphe, mais les moyens
d'observatitin dont nous disposons ne nous permettent pas d'y
reconnaître urt mode d'organisation quelconque, et la vie ne s'y
manifeste que par les Iransformations qu'elle subit.
§ 7. — Une des formes secondaires que revêt cette sub- ^'"''°''®-
stance primordiale est caractérisée par le développement de
certaines propriétés vitales plutôt que par des particularités de
structure appréciables. Elle constitue alors une matière d'aspect
gélatineux, qui reste hyaline et homogène en apparence, mais
qui devient susceptible d'exécuter des mou vements spontanés ; on
la voit se contracter dans tous les sens et s'étendre lentement,
tantôt en longues expansions lobiformes, tantôt en appendices
filiformes, soit simples, soit rameux, qui se soudent et se
confondent entre eux dans leurs points de contact ; souvent
elle se creuse intérieurement de vacuoles dont l'existence est
temporaire, et ni ces cavités adventives ni sa surface exté-
rieure ne sont limitées par des membranes ou lames distinctes
de la matière sous-jacente. Un des micrographes les plus
habiles de notre époque, Félix Dujardin, fut le premier à faire
de cette substance vivante, mais en apparence amorphe, une
étude approfondie, et il la désigna sous le nom de sarcode (1).
Chez quelques Animaux inférieurs, tels que les Amibes et les
Rhizopodes, une grande partie du corps, ou même le corps
(1) Dujardin s'est laissé entraîner à priétés de cette matière vivante cliez
de grandes exagérations relatives au les Rliizopodes et les Amibes (a) me
rôle du sarcode dans la constitution paraissent très-bonnes, et méritent
des Infusoires et de beaucoup d'autres plus d'attention qu'on ne leur en
Animaux inférieurs; mais ses obser- accorde aujourd'hui,
vations sur les caractères et les pro-
(a) Dujardin, Mémoire sur la substance charnue, glutineuse des Animaux inférieurs, pour
laquelle a été proposé le nom de sarcode (Ann. françaises et étrangères d'anatomie, t. III,
p. 05). — Recherches sur les organismes inférieurs {Ann. des sciences nat., 2* série, 1835,
t. IV, p. 343J. — Observations sur les Éponges, et en particulier sur la Spongille {Ann. des
sciences nat., 2* svric, 1838, t. X, p. 5),
koO REPRODUCTION.
tout entier est composé de cette matière contractile et hyaline.
On la retrouve aussi chez les Hydres (1). Enfin, elle paraît
se rencontrer dans quelques parties de l'organisme des Ani-
maux, même les plus élevés (2). Ainsi, nous avons déjà vu
que les corpuscules plasmiques du sang semblent être for-
més de sarcode ou de quelque chose qui s'en rapproche
beaucoup (3).
§ 8. — D'autres fois le blastème, ou substance organique
primordiale, ne devient pas contractile comme le sarcode, mais
se condense inégalement par points, de façon à prendre une
apparence plus granuleuse, et à constituer un tissu amorphe
que j'appellerai blastoïde, afin de rappeler sa ressemblance avec
la matière histogénique dont elle provient.
Dans certains cas, cette substance blastoïde se condense en
une lame mince et continue qui devient distincte des parties
adjacentes, et qui constitue ces membranes anhistes que nous
avons déjà vues tapisser la surface interne des vaisseaux san-
guins (II), et s'étendre sous le tissu utriculaire des membranes
muqueuses, où elle forme ce que M. Bowman a appelé la mem-
brane basilaire, ou membrane fondamentale (5).
Tissus § 9. ■ — D'ordinaire, cependant, le développement des tissus
■Jtriculaires. . •ii-'-
Vivants ne se lait pas de la sorte , et le travail histogénique
semble se localiser sur une multitude de points plus ou moins
éloignés entre eux, qui deviennent autant de centres d'activité
(1) Voyez à ce sujet les observa- compose la couche tégumentaire de
lions de M. Ecker sur l'Hydre d'eau l'embryon chez les Ascidies compo-
douce (a). sées (6).
(2) J'ai souvent constaté des mou- (3) Voyez tome I, p. 72 et 102.
vements analogues à ceux du sarcode (û) Voyez tome III, page 568.
dans la substance amorphe dont se (5) Voyez tome VI, page 9.
(a) A. Ecker, Zur Lelire vom Bau und Leben der contraclilen Suistanz der niedersten Thiere
Basles, 1848.
(t) Milne Edwards, Observations sur les Ascidies composées des côtes de la Manche, 184d,
p. 37, pi. 4 et 5 (extrait des Mém. de l'Acad. des sciences, t. XVIH).
HISTOGENÈSK. ^31
vitale, et qui donnent naissance à ces corpuscules que j'ai appelés
organites élémentaires, parce qu'ils sont les matériaux organi-
sés simples de la machine animée, et qu'ils ont chacun leur
individualité anatomique et physiologique.
En général, ces organites élémentaires se montrent d'abord
sous la forme de globules ou de granules composés en majeure
partie de matière albuminoïde (1); ils constituent alors ce que
la plupart des histologistes du moment actuel appellent des
noyaux, de cellules ou des cyloblastes, c'est-à-dire des germes
de cellules.
Souvent ils méritent pleinement ce nom, caria matière blas-
toïde adjacente, en se développant ou se condensant à leur
surface, les entoure d'une sphère membraniforme, et constitue
ainsi une utricule ou cellule proprement dite, dont la cavité,
en grandissant, se remplit de matières particulières, suivant la
nature de l'organite. Le corpuscule primordial au noyau reste
pendant un temps plus ou moins long adhérent à la face interne
de cette capsule ou vésicule; il semble aussi jouer un rôle im-
portant dans les phénomènes chimiques et histogéniques dont
cette utricule est le siège; mais quelquefois il disparaît com-
(1) Plusieurs hypothèses ont été j'ai déjà eu l'occasion de parler (6).
émises relativement au mode de for- D'autres ont pensé que la forme glo-
matlon de ces corpuscules primordiaux bulaire des matières organisées ' élé-
que l'on désigne souvent sous le nom mentaires était une conséquence de la
de granulations élémentaires. Quel- solidification des substances albumi-
ques histologistes les considèrent noïdes , qui serait comparable aux
comme des vésicules produites par phénomènes de la cristallisation des
une gouttelette de graisse enveloppée matières inorganiques et indépendante
dans une membrane (o), opinion dont de toute action vitale (c).
{a) Acherson, UeberdiephysiologischenNutun der FeUstoffe (Miiller's Archiv fur Anat., und
Physiol, 1840, p. 44).
— Henle, Traité d'anatomie générale, 1843, 1. 1, p, 162.
(6) Voyez tome I, page 351.
(c) Milne Edwards, Recherches microscopiques sur la structure intime des tissus organiques des
Animaux {Ann. des sciences nat., 1826, t. IX, p. 392).
— Hartig, É tildes microscopiques sur les précipités et leurs métamorphoses {Bulletin des
sciences 7iat. en Néerlandc, 1840, p. 287).
432 REPRODUCTION.
plétemenl après un certain temps. Enfin, il est aussi à noter
que sa substance, au lieu d'être homogène en apparence, est
souvent diversifiée de façon à constituer un ou même plusieurs
granules intérieurs nommés nucléoles.
Ces organites, à l'état de globules élémentaires ou de cel-
lules, peuvent rester libres et flotter au milieu d'un liquide
interorganique, ainsi que nous l'avons vu en étudiant les diffé-
rentes sortes de corpuscules dont le sang est chargé (1). Ce
sont aussi des organites analogues qui, isolés dans les inter-
stices du tissu connectif, y constituent les vésicules adipeuses
dont il a été question dans une des précédentes leçons (2), et
lorsque nous nous occuperons spécialement du système tégu-
mentaire, nous en verrons d'autres qui sont spécialement char-
gés de sécréter certaines matières pigmentaires. Enfin ce sont
également des cellules libres qui constituent les ovules nais-
sants, ainsi que les vésicules spermatogènes, dont nous avons
déjà passé en revue les fonctions (3). Mais dans une foule
d'autres circonstances, les organites utriculaires , soit seuls,
soit associés à d'autres produits du développement de la
matière blastoïde, sont réunis entre eux de façon à former
des agrégats massifs ou des expansions lamelleuses, et à donner
naissance à divers matériaux secondaires ou complexes de
l'économie animale. C'est dans cette catégorie de tissus que
rentrent l'épiderme qui constitue la partie superficielle de la
peau (4), et la couche épithéliale qui occupe la surface des
membranes muqueuses et tapisse toutes les cavités glandulaires
(1) Voyez lome I, page Zil cl siii- {'S) La structure utriciilaire de l'é-
vanles. piderme se distingue de la manière la
(2) Voyez tome Vil, page 203 et plus nette chez VAmphioxus (a). Je
suivantes. reviendrai sur ce sujet, lorsque je
(3) Voyez ci-dessus, page 350. traiterai du système tégumentaire.
(a) Voyez Qualrtfag'cs, Mém. sur l'Ampioxus [Ann. des sciences nat., 3' série, t. IV, pi. H
el 19)
HISTOGENÈSt:. /|33
dont l'étude nous îi occupés précédemment (1). Nous aurons
bientôt l'occasion de voir que des utricules analogues, sou-
dées entre elles, jouent un rôle important dans la constitution
de la charpente solide de divers Animaux, et constituent, par
exemple, la substance subcarliiagineuse que j'appellerai
Protochondre (2).
D'autres fois, des organites utriculaires simples se trouvent Tissus
disséminés et comme empâtés dans une masse de substance
blastoïde amorphe, disposition dont le tissu cartilagineux nous
offrira bientôt un exemple remarquable (3).
Des organites analogues, mais qui n'ont pas d'une manière
aussi nette le caractère vésiculaire, et qui présentent un grand
nombre de prolongements rameux, sont disposés à peu près de
la même manière au sein de la substance osseuse. En ce mo-
ment il serait prématuré de nous occuper de la structure in-
terne du tissu solide qui est constitué de la sorte, et dans
(1) Voyez tome 7, page 199. (3) Lorsque nous étudierons le sque-
('2) Par exemple, dans la corde dor- letle, je reviendrai sur les caractères
sale de Tembryon d'un Poisson («), histologiques des cartilages, et ici je
d'un Batracien (6) et tout antre Ver- me bornerai à indiquer quelques figu-
tébré (c), et dans la colonne rachi- res qui sont propres à en donner une
dienne de VÂmphioxus [d). idée exacte (e).
(o) Voyez Vogt, Embryologie des Salmones, p. tôO, pi. 6, llg. 138.
(b) Voyez Schwann, Mikroscopische Untersuchungen, 4 839.
— Prévost et Ltbert, Mcin. sur la formation des organes de la circulation, etc., dans lei
Batraciens {Ann. des sciences nat., 3" série, 1844, 1. 1, pi. 10, fi^. 17 et 18).
(«) Voyez Kôlliker, Mikroscopische Analomie, p. 346.
{d) Voyez Quatrefages, Mémoire sur V Amphioxus {Ann. des sciences natJirelles, 3° scrio, 1845,
t. IV, pi. 12, Rg. 1,4, 5).
(e) Meckauer, De penitiori cartilaginum structura sgmbolœ. Breslaw, 1836, pi. 1, fig. 1, 2.
— Schwann, Op. cil.
— Gerber, Handbuch dcr allgemeinen Analomie, 1840.
— Henle, Traité d'anatomie générale, t. II, p. 361, pi. 5, fig. 6.
■ — Mandl, Anatomie microscopique, 1. 1, pi. 14, fig. H et 12.
— Valenciennes, Recherches sur la structure du tissu élémentaire des cartilages des Polssotis
et des Mollusques {Archives du Muséum, t. V, pi. 21-25).
— Loidy, On the intimate Structure and History of Articular Cartilage {American Journal of
Médical Science. 1849, fig. 1 et 2).
— Quckett, Descriptive and illustrated Catalogue of the Hislological Séries contained in the
Muséum of the Ro\j. Collège of Surgeons prepared fur the. Microscope, 1855, t. II, pi. i , 2, etc.
— Kdlliker, Éléments d'histologie, p. 69, Cig. 22 et 23.
/|3/|. REPRODUCTION.
une procliaine Leçon nous nous y arrêterons, lorsque nous
examinerons la constitution du squclct(e.
§ 10. — D'autres organites formés également par un glo-
bule primordial, ou noyau entouré de matière blastoïde amor-
phe, organites que la plupart des histologistes appellent aussi
des cellules, ne me paraissent pas être limités par une tunique
membraneuse, et ne me semblent pas devoir être confondus
avec les utricules élémentaires. Déjà, dans cette Leçon, un
exemple de corpuscules de ce genre nous a été fourni par les
spbérules développées pendant les premiers temps du fraction-
nement du germe dans l'œuf fécondé (i), et les matériaux
constitutifs du tissu connectif me paraissent offrir des caractères
analogues, si ce n'est que la substance blastoïde amorphe, au
lieu d'entourer d'une couche uniforme la substance nucléo-
laire, et de former ainsi une sphère, se prolonge dans divers
sens-de façon à constituer des filaments centrifuges. Il en ré-
sulte que ces corpuscules deviennent fusiformes ou étoiles, et
lorsque leurs appendices, venant à se rencontrer, se soudent
entre eux, ils donnent naissance à une trame aréolaire dont les
lacunes irrégulières communiquent ensemblCj et logent, soit des
liquides ou de la matière blastoïde hyaline, soit d'autres orga-
nites, tels que des vésicules graisseuses (2). Parfois les fila-
ments réticulaires ainsi constitués se consolident par la fixation de
la fibrine ou de quelque principe albuminoïde analogue, et elles
constituent alors un tissu particulier appelé tissu élastique. Telle
est la substance dont se compose la membrane fenêtrée que nous
(1) Voyez ci-dessus, page 403. phe qui s'étend en trabécules filiformes
(2) Coinme exemple d'un tissu con- au milieu d'une substance granuleuse
jonctif aréolaire constitué de la sorte et semi-fluide, je citerai le tissu sous-
par des corpuscules nucléiformes en- cutané des Méduses (a), le tissu con-
tourés d'une matière blastoïde amor- jonctif rétiforme de l'allantoïde (6).
(n) Voyez Lcyciig, Lehrbuch der Histologie, p. 24, fig. 9.
(b) Voyez KôUiker, Éléments d'histologie, p. 77, fig. 32.
HISTOGENÈSE. /j35
avons déjà rencontrée dans les parois des artères (1). D'aulrcs
fois la portion périphérique de ces organites à noyau distinct,
ou la substance blastoïde adjacente, se résout en filaments plus
fins qui sont disposés en faisceaux, et elle donne ainsi nais-
sance au tissu conjonctif, dont nOus avons déjà vu la disposition
générale (2). Ces faisceaux de fibrilles, d'une consistance
molle, affectent d'ordinaire la forme de brides ou de lamelles
qui s'entrecroisent irrégulièrement de façon à (circonscrire des
espaces ou lacunes occupées par des liquides, et à réunir entre
eux les organes adjacents (3). Le tissu aréolaire ainsi produit
peut se condenser en forme de lame membraneuse, sans cesser
d'offrir la structure feutrée dont je viens de parler ; mais
d'autres fois ses fibrilles élémentaires se disposent en faisceaux
parallèles, et, en se consolidant, deviennent les matériaux con-
stitutifs des tissus tendineux et aponévrotiques dont l'étude nous
occupera plus tard.
La totalité, ou tout au moins la majeure partie de la substance
constitutive de ces tissus fibrillaires ne paraît pas affecter la
forme d'utricules avant d'acquérir sa structure caractéristique,
et, dans beaucoup de cas, son mode d'organisation définitif
ne me semble pas pouvoir être considéré comme dépendant de
l'influence histogénique des corpuscules épars que l'on appelle
communément les noyaux. Je pense aussi que le développe-
ment des cellules proprement dites n'est pas nécessairement
lié à la préexistence de ces noyaux, et peut se faire par un
autre procédé. En effet, chez les Animaux inférieurs, on voit
souvent des vacuoles se creuser dans la substance sarcodique
amorphe là où rien n'indique la présence d'un noyau de ce
genre, et parfois les cavités pratiquées de la sorte se tapissent
d'une couche membraniforme qui devient bien distincte du
(1) Voyez tome III, page 513. je renverrai aux traités spéciaux d'his-
(2) Voyez tome IV, page 399. tologie les plus récents, notammeiit à
(3) Pour plus de détails à ce sujet, celui de M. Kôlliker.
Tissu
musculaire.
/i36 15EPR0DUCTI0N.
tissu circonvoisin. C'est ainsi, et non par la lormation d'utri-
ciiles qui deviendraient ensuite confluentes, que chez les Spon-
giaires le système des canaux aquifèrcs se constitue, et il me
paraît bien probable que, dans certains cas, des utricules peu-
vent naître de la même manière au milieu de la substance
blastoïde.
Dans toute la famille naturelle de tissus dont nous nous occu-
pons ici, c'est-à-dire dans les tissus cartilagineux, osseux et
fibreux que l'on peut réunir sous le nom commun de tissus
scléreux (1), ainsi que dans le tissu connectif et ses dérivés,
les organites priuiordiaux, soit qu'ils affectent la forme d'utri-
cules, soit qu'ils consistent en sphérules ou autres agrégats
dépourvus d'une enveloppe membraneuse ou paroi distincte,
n'occupent en général que peu de place, et la majeure partie
de la substance organisée appartient à la matière intermédiaire
ou intercellulaire. C'est cette matière qui donne à ces tissus
leurs caractères les plus importants, tant au point de vue ana-
tomique et physiologique que sous le rapport de leur composi-
tion chimique ; et à ce sujet, je ne dois pas omettre de dire que
les principaux tissus scléreux, de même que le tissu conjonctif
et ses dérivés membraniformes,ont cela de particulier que, sou-
mis à l'action de l'eau bouillante, ils fournissent de la gélatine,
matière que les autres tissus organiques ne sont pas susceptibles
de produire. 11 est aussi à noter que tous ces tissus sont plus
ou moins aptes cà se suppléer mutuellement dans la constitu-
tion des êtres organisés, et que des phénomènes d'ossification
peuvent se développer dans chacun d'eux.
§ 11 . — Des organites d'un autre ordre sont les fibres mus-
culaires, parties dont la substance est formée essentiellement du
(1) Cette dénomination a été employée à peu près dans la même acception
par quelques anatomistes (a).
la) Laurent, Mëm. sur les tissus animaux en général, et sur les tissus élastiques et coiitrac-
'Ales eu particulier (Ann, françaises et étrcuigcres d'analomie, 1837, 1. 1, p. 57).
HlSTOGliNÈSL!. AS?
principe immédiat albuminoïde appelé fibrine^ que nous avons
déjà rencontré dans le plasma du sang (1). lis sont caractérisés
aussi par leurs propriétés contractiles, et ils affectent toujours
la forme de cylindres ou de corpuscules allongés et atténués
aux deux bouts en manière de fuseau. On distingue souvent
dans ces fds en voie de développement, ou môme chez ceux qui
sont arrivés à l'état parfait, un ou plusieurs corpuscules inté-
rieurs analogues à ceux dont il a été déjà si souvent question
sous le nom de noyaux, et la plupart des histologistes les con-
sidèrent comme étant des cellules ; mais ils ne me paraissent
avoir jamais une structure nettement utriculaire, et la substance
qui entoure leur noyau me semble d'abord homogène, puis
disposée à se fractionner, soit longitudinalemenl, en fibrilles,
soit transversalement, en disques superposés. Dans une pro-
chaine leçon, nous reviendrons sur l'histoire de ce tissu, et
nous en étudierons la structure.
§ 12. — Enfin, le tissu nerveux est également distinct de
tous les précédents; il est toujours riche en principes albumi-
noïdes et en matières grasses d'une nature particulière, et il
affecte tantôt la forme d'utricules, tantôt celle de fibres ou
cylindres, comme nous le verrons par la suite.
§ 13. — Les divers organites que nous venons de passer msiogcnèse
en revue sont susceptibles de naître de différentes manières.
Ainsi que nous l'avons déjà vu, les cellules ou les sphérules
pleines qui les constituent peuvent apparaître isolément et libres
au milieu de la matière blastémique (2) ; mais en général ils se
Tissu
nerveux.
(1) Voyez tome I", page 157.
(2) Dans certains cas, les granules
élémenlaircs qui sont les points de clé-
part de ce phénomène histogénique pa-
raissent avoir pris naissance dans l'iii'é-
rieur d'un organile dont la destruction
a précédé leur métamorphose. Ainsi,
\in.
d'après MM. Lebert et Prévost, les
cellules constitutives du tissu pseudo-
chondrique de la corde dorsale ne
seraient autre chose que les corpus-
cules contenus dans les globules or-
gaiioplastiques de l'œuf, qui, mis en
liberté par la destruction des parois
30
/l38 REPRODUCTION.
multiplient par suite de la scission d'un organite préexistant (1),
ou d'une portion de cet organite contenue dans l'inlérieur de
la vésicule mère, lorsque ce corpuscule a une siruclure utricu-
laire (:2). Ce phénomène a la plus grande analogie avec celui
du fractionnement de la substance germinale de l'œuf, ou de
la production des cellules vitellines, et probablement il n'en
diffère pas. Dans le tissu cartilagineux, il est souvent assez
facile à observer (3). Ainsi que je l'ai déjà dit plus d'une fois,
c'est dans l'intérieur de ces divers organites que les princi-
paux phénomènes du travail nutritif paraissent avoir leur siège;
mais il y a lieu de penser que dans certains cas ils peuvent
agir d'une manière analogue sur les substances adjacentes et
en modifier les propriétés (h).
de ces vésicules, se développeraient de (3) Pour plus de détails à ce
façon à devenir eux-mêmes des utri- sujet, je me bornerai ici à renvoyer
cules (a). aux ouvrages spéciaux sur l'histo-
(1) Par exemple, pour la multiplica- logie qui ont paru récemment (d). La
tion des globules du sang chez l'em- multiplication endogène des cellules
bryon (6). a été observée aussi d'une manière
(2) M. Kanstein a cherché à établir bien nette dans les corpuscules splé-
que la multiplication des cellules est niques, dont l'étude nous a occupés
toujours endogène ; que l'utricule se dans une précédente Leçon (e).
formerait d'abord, puis produirait le (h) M. Remak pense que toutes les
noyau, qui serait aussi une cellule, et cellules ont deux membranes tégu-
qui donnerait naissance à une autre mentaires (f), et M. Kôlliker, sans ad-
cellule incluse, ou nucléole (c). Dans mettre cette généralisation, admet que
certains cas, des emboîtements de ce dans certains cas les utricules peuvent
genre ont lieu, mais aujourd'hui per- se revêtir d'une enveloppe secondaire
sonne ne pourrait admettre que le par l'effet d'une sorte de sécrétion ex-
travail cytogénique s'effectue toujours térieure (g).
de la sorte.
(a) Prévost et Lebërt, Mém. sur le développement des organes de la circulation (Ann. des
sciences nat.,Z° série, 1844, t. I, p. 204).
(&) Voyez tome I, page 342.
(c) H. kanstein, De cella vitali. Berlin, 1843.
(d) Mandl, Anatomie microscopique, t. II, p. 33 et suiv.
— Kôlliker, Traité d'histologie, p. 23 et suiv.
(e) Voyez tome VII, page 249.
(V) Remal<, Ueber runde Blutgerinnsel uni ûber pigmentkugelhaltige Zelleû (Miiller's Archiv
fur Anat. und PhysioL, 1852, p. H5).
(g) Kôlliker, Op. cit., p. 41
HISTOGENÈSE. l!(39
§ i(\. — Les matériaux [primaires de l'organisme ne se pré- Tissus
sentent que rarement seuls ; presque toujours deux ou plusieurs '^'=<^°"^"'"*
s'associent plus ou moins intimement pour constituer ce que
l'on pourrait appeler des tissus secondaires. Ainsi, le tissu con-
nectif et ses dérivés se trouvent mêlés au tissu musculaire
ainsi qu'au tissu nerveux, dans presque tous les instruments
physiologiques constitués par l'une ou l'autre de ces substances,
et, dans beaucoup de membranes telles que plusieurs de celles
dont l'étude nous a déjà occupés CI), le tissu connectif, le tissu
blastoïde et le tissu utriculaire sont réunis. îl en résulte que la
classification des tissus n'est pas aussi rigoureuse qu'on pour-
rait le croire au premier abord. Mais, en général, on peut
rapporter chacun de ces tissus plus ou moins complexes à celui
des éléments anatomiques qui domine dans sa composition.
§ 15. — En résumé, nous voyons que les matériaux anato- ciassincaiion
miques, soit primaires, soit secondaires, employés par la Nature pHniS!
dans la constitution du corps des Animaux, et devant par con-
séquent être produits par l'organisme en voie de développe-
ment, peuvent être rangés en cinq classes principales, savoir:
1° Les tissus sarcodiques, qui sont amorphes, au moins en
apparence.
2° Les tissus utriculaires, caractérisés par la forme vésicu-
laire de leurs organites, et doués ordinairement de la faculté de
sécréter dans l'intérieur de ces cellules des matières spéciales.
3" Les tissus conjonctifs et scîéreux, qui consistent en tra-
bécules, en filaments ou en une substajîce aréolaire, qui sont
d'ordinaire susceptibles de se transformer en gélatine, et qui
(1) Par exemple, les membranes péricarde (6) ou la plèvre (c), et les
séreuses, telles que le péritoine (a), le mcmbrancsmuqueuscs(rf),Iapcau,etc.i
(a) Voyez lome VI, page 4.
[bi Voyez lome II, page 409.
(c) Voyez toiiio III, page 3U.
(d) Voyez tome Vi, page 7.
440 REPRODliCTIOiN.
servent principalement comme moyen d'union ou de consoli-
dation.
4° Le tissu musculaire, qui se compose de libres contractiles,
et qui est formé principalement de librine.
5° Le tissu nerveux, qui se compose de lils cylindriques en
connexion avec des cellules particulières.
Du reste, en étudiant ces parties constitutives du corps des
Animaux, il ne faut jamais oublier que ceux-ci sont des associa-
tions d'une multitude d'individus qui sont autant de foyers de
puissance physiologique. Lesorganites élémentaires de l'écono-
mie animale, cellules, sphérules, globules ou fibres, quel que
soit le nom sous lequel on les désigne et la forme qu'ils affec-
tent, ont chacun une vie qui leur est propre; chacun s'accroît,
se nourrit, agit conformément à sa nature particulière, puis
meurt d'une manière plus ou moins indépendante de ses coas-
sociés ou de l'espèce de compagnie formée par l'union de tous.
La comparaison que j'ai souvent employée au commencement
de ces Leçons, pour donner une idée du mode de constitution
des êtres animés, est apphcable à ces parties élémentaires aussi
bien qu'aux instruments plus complexes que nous avons appelés
organes ou appareils. Ce sont tous des ouvriers qui travaillent
ensemble, soit d'une façon identique, soit de mille manières
différentes, et dont l'association représente une sorte d'usine
qui a son individualité, son existence propre et son rôle dans
la société; qui renouvelle peu à peu son personnel sans changer
de caractère ; qui grandit ou dépérit suivant les circonstances ;
qui se transforme parfois; qui peut perdre plusieurs bras sans
interrompre ses travaux, mais qui s'arrête et meurt quand un
trop grand nombre de ses membres, ou même certains d'entre
eux seulement cessejit de remplir leurs fonctions. Tout Animal
est une association d'organes vivants qui réagissent les uns
sur les autres, et tout organe est à son tour une association
d'individualités ou organiles qui foncfioinient en commun ,
mais qui ont cljacnn une vie qui leur est propre. Ces orga-
nites ne paraissent différer que peu d'un Animal à un autre,
mais leur mode d'association varie, et c'est surfout à raison
des différences dans les combinaisons de ces associations à
divers degrés que chaque espèce zoologique possède des pro-
priétés et des caractères anatomiques qui lui sont propres.
Ces particularités ne sont que faiblement indiquées au début de
l'existence de l'être vivant, mais elles se prononcent de plus
en plus à mesure que celui-ci se développe et se perfectionne,
ainsi que nous le verrons bientôt lorsque nous étudierons l'évo-
lution de l'embryon.
§ 16. — Ces notions générales étant acquises, nous aborde-
rons l'histoire particulière de la reproduction dans chacun des
principaux groupes zoologiques. Mais ici il me paraît utile de
ne pas suivre la marche adoptée dans la première partie de
ce cours pour l'étude des fonctions de nutrition, et au lieu
de commencer par les rangs inférieurs du Règne animal ,
je prendrai d'abord en considération l'embranchement des
Vertébrés, car c'est là seulement que nos connaissances sont
arrivées à un degré de perfection suffisant pour nous per-
mettre d'être à la fois bref et positif.
SOIXANTE-QUINZIÈME LEÇON.
De l'appareil de la reproduction et de ses produits chez les Animaux vertébrés
ovipares.
Caractères S ^^ — Dans l'embraiichement des Vertébrés, lareproduc-
jeneraux
de l'appareil tioii est toujours sexucile ; la multiplication des individus n'a
reprodiicleur
<^es iamais lieu ni par gemmation, ni par scissiparité, et le travail
génésique fondamental est toujours localisé dans deux organes
glandulaires dont les produits sont réciproquement complé-
mentaires : un ovaire et un testicule. Toujours, ou tout au
moins presque toujours, ces organes essentiels ne coexistent
pas chez le même Animal (1) ; les sexes sont séparés , mais il
y a une analogie remarquable entre l'appareil mâle et l'appareil
femelle. Ils se composent de parties correspondantes dont la
similitude est d'autant plus grande, que leur structure est plus
simple ; et dans les rangs inférieurs de ce groupe zoologique,
de même que chez divers Animaux invertébrés, la ressem-
blance est si parfaite entre le mâle et la femelle, que pour
reconnaître les sexes, il faut avoir recours à l'examen des pro-
duits génésiques lorsque ceux-ci sont déjà arrivés à un certain
degré de maturité. Ainsi, chez les Poissons de la famille des
Lamproies, les organes mâles ne peuvent être distingués des
organes femelles, ni chez les jeunes individus, ni chez les
adultes, lorsque ces organes ne sont pas dans une période
d'activité fonctionnelle, et à l'époque du frai ils ne sont diffé-
renciés que par les œufs, qui se développent dans les uns, et la
laitance ou liqueur séminale, qui se forme dans les autres (2).
(1) Voyez ci-dessus, page 370. plusieurs anatomistes ont méconnu le
{'!) C'est à cause de cette similitude caractère dioïque des Lamproies, et ont
entre les ovaires et les testicules que considéré ces Poissons comme étant
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES VERTÉliRÉS. /lf|5
Du reste, chez tous les Vertébrés, même chez ceux des rangs
les plus élevés, il paraît en être de même jusqu'à une certaine
période de la vie de l'embryon. Lorsque les organes de la
reproduction commencent à se constituer chez celui-ci, les
caractères sexuels ne s'y montrent pas encore, et c'est en
employant un fonds commun que la Nature produit tantôt un
mâle, d'autres fois une femelle. Ainsi, dans l'espèce humaine
aussi bien que chez le Poulet, les organes génitaux tant exté-
rieurs qu'internes sont d'abord identiques en apparence chez
tous les embryons, et c'est seulement à une certaine période
de leur développement qu'ils deviennent plus ou moins dis-
semblables chez le mâle et la femelle (1). -
Chez tous les Animaux de cet embranchement, les organes
essentiels de la reproduction, c'est-à-dire les ovaires chez la
hermaphrodites (a), ophiion qui fut tendent même à établir que, dans la
combattueparMagendie et Desmoulins, première période du développement
et qui est aujourd'hui reconnue de l'appareil génital, il y a uniformité
fausse (6). A l'époque du frai (avril et de composition chez tous les individus,
mai), les ovaires sont remplis d'œufs et que les différences s'introduisent
dont le vitellus est jaunâtre et les tes- plus tard par suite de l'atrophie de
ticules regorgent d'un liquide sperma- certaines parties et du développement
tique blanchâtre renfermé dans des considérable de quelques autres, sui-
vésicules ; mais après l'évacuation de vant que l'embryon se caractérise
ces produits génésiques, les organes comme rnâle ou comme femelle (c).
reproducteurs perdent leurs caractères Je reviendrai sur ce sujet lorsque je
distinctifs, et les sexes deviennent de traiterai des organes de la génération
nouveau très-difficiles à reconnaître (6). chez les Batraciens, les Oiseaux et les
(1) Les observations de M. Kobelt Mammifères.
(a) Home, On the Mode of Génération of the Lamprey and Myxine (Philos. Trans., 1815,
p. 266). — Lectures on Compar. Anat., t. IV, pi. 143, fig-, 1.)
(6) Magendie et Desmoulins, Note sur l'anatomie de la Lamproie [Journal de "physiologie expéri-
mentale, isn, t. II, p. 224).
— Mayer, Anateklen zur vergleichenden Anatomie, 1835, p. 8.
— Panizza, Sulla Lampreda marina (Mem. deU'Instiluto Lombardo. Milano, 1845, t ïï
p. 25).
— Sclileusscr, De Peiromyzontum et Anguillarum sexu. Dorpat, 1848.
— Vogt et Pappenheim, Recherches sur l'anatomie comparée des organes de la génération
{Ann. des sciences nat., 4* série, 1859, t. XI, p. 368).
(c) Kobelt, Der Neben-Eierstock des Weibes, Heidelberg, 1847.
444 REPRODUCTION.
femelle, et les testicules chez le maie, sont logés dans la cavité
abdominale ou dans des dépendances de celte chambre viscé-
! raie (1), et sont recouverts en totalité ou en partie par le péri-
toine (2). Toujours aussi les produits de ces glandes sont évacués
par des orifices qui sont situés dans le voisinage de l'anus et
des ouverlures par lesquelles l'urine s'échappe au dehors, ou qui
se confondent même avec ces émonctoires. D'ordinaire toute
la portion profonde de l'appareil est double et symétrique chez
la femelle aussi bien que chez le mâle, et lorsque cette dis-
position n'existe pas, la symétrie résulte de l'atrophie de
l'une des moitiés plus fréquemment que d'un phénomène de
coalescence ; mais pour les parties extérieures et celles qui les
avoisinent, il en est souvent autrement, et ces organes sexuels,
tout en restant symétriques, deviennent impairs et médians.
Les différences qu'on y remarque sont nombreuses et
importantes, mais elles résultent principalement des divers
degrés de complication amenés par le perfectionnement crois-
sant de cet ensemble d'instruments physiologiques. Elles n'af-
fectent que peu les parties fondamentales de ce double appareil,
c'est-à-dire les ovaires et les testicules ; elles portent pour la
plupart sur des parties dont le rôle est secondaire, notamment
sur les organes qui concourent à assurer l'utilisation des pro-
duits génésiques, soit en les conduisant au dehors ou en leur
(1) Ainsi que nous le verrons bien- testicules, se prolongent très-loin pos-
tôt, les bourses qui logent les testi- térieurement, dans l'épaisseur de la
cules chez la plupart des Mammifères queue (a), sous la colonne vertébrale,
sont des appendices de la cavité abdo- mais l'espace qui les y loge est aussi
minale. une dépendance de la caviié abdomi-
Chez les Poissons de la famille des naie.
Pleuronectes, les ovaires, ainsi que les (2) Voyez tome VI, page It.
(a) Exemples : Pleuronectes flesus ; voy. Carus et OUo, Tabula: Analomiam comparativam
illustrantes, pars v, pi. i, Rg. 1.
— Solea vulgaris ; voy. Hyrll, Beitrdge zur Morphologie der Urogenital-Organe der Fische
{Denkschrift der Wiener wissensch. Acad., 1850, t. I, pi. 53, tig. i).
Appareil
reproducteur
des
Poissons.
APPAREIL DR LA CÉNÉUATION DES POISSONS. /l/|5
fournissant des matières complémentaires, soit en facilitant le
phénomène de la fécondation, ou bien encore en contribuant
à la réalisation des conditions nécessaires au développement
des jeunes.
§ 2. — Dans la classe des Poissons, l'appareil génital femelle
est parfois d'une simplicité extrême, et il ne présente jamais
une complication bien grande (1). Il affecte d'ailleurs trois
formes différentes : tantôt il n'est constitué que par les ovaires,
et l'évacuation des œufs n'est confiée à aucun organe spécial,
mais s'effectue par l'intermédiaire de la chambre viscérale
commune; d'autres fois il existe un oviducte, mais ce conduit
n'est formé que par une portion de l'ovaire qui est disposée en
manière de sac et s'ouvre au dehors ; enfin, dans d'autres cas,
la division du travail physiologique est poussée plus loin, et il
existe un oviducte spécial qui est indépendant de l'ovaire.
VJmphioxus est de tous les Animaux vertébrés celui dont Amphicxus.
l'appareil reproducteur est le moins perfectionné. Les ovaires
de la femelle, de même que les testicules du mâle, sont atta-
chés à la voûte de la grande cavité viscérale, de chaque côté
du plan médian du corps. Ils sont fermés de tous côtés et
recouverts par le péritoine; aucun tube n'en part pour con-
duire les œufs au dehors, et ces corps, lorsqu'ils sont arrivés
(1) L'appareil de la reproduction
des Poissons a été l'objet de plusieurs
travaux analomiques très-importants,
parmi lesquels je citerai en première
ligne ceux de Cavolini, de Rathke de
M. Hyrti, de MM. Vogt et Pappen-
heim, de M, Lereboullet et de M. Mar-
tin Saint-Ange (a).
{a] Cavolini, Memoria siilla generazione dei Pesci e dei Granchî. Napoli, 1787.
— Ralhke, Ueber die Geschlechtslheile der Fische {Beitrdge zit,r Gesehichte der Thierwelt,
1824, t. IT, p. 117 à210,pl. 5.) — Ueber da s Ei einiger Lachsarten iMeckeVs Archiv fiir Ana-
lomie, 1832, p. 392). — Ziir Anatomie der Fische (Mùller's Archiv, 183G, p. 170).
— Hyrtl, Op. cit. {Mém. de l'Acad. des sciences de Vienne, 1850, t. I, p. 391, pi. 52 et 53).
— Vogt et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4' série, t. XI, p. 331).
— Lereboullet, Recherches sur les organes génitaux des Animanx vertébrés {Nova Acta Acad.
nat, curios., t. XXIII).
-— Martin Saint-Ange, Elude de l'appareil reproducteur dans les cinq classes d'Animaux
vertébrés [Méni. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. XIV).
Lamproies, etc
llh^ REPRODUCTION.
à maturité, s'en détachent et tombent dans la cavité de l'abdo-
men, où ils restent en liberté jusqu'à ce qu'ils soient entraînés
au dehors par le courant expiratoire qui vient des branchies
et se dirige vers le pore abdominal situé dans le voisinage
de l'anus (1). La chambre viscérale, qui est destinée essentiel-
lement à loger l'appareil digestif, remplit donc ici trois fonc-
tions différentes ; tout en servant à protéger les viscères, elle
fait office de conduit expirateur et d'oviducte {"2). Chez le mâle,
la hqueur séminale suit la même route et s'échappe aussi
par le pore abdominal (3),
Un degré de plus dans la division du travail physiologique
se fait remarquer chez les Lamproies et les autres Cyclostomes.
Chez ces Poissons, c'est aussi la cavité péritonéale qui tient
lieu d'oviducte et de conduit excréteur delà semence, mais cetio
cavité n'est plus mise à contribution pour le service delà respi-
ration ; le courant formé par l'eau expirée s'échappe au dehors
sans pénétrer dans Tabdomen, et les orifices qui font com-
muniquer le sac péritonéal avec l'extérieur sont spéciale-
(1) Voyez tome lï, page 201. expirateur a été souvent constatée.
(2) Les ovaires de VAmphioxus oc- Pour plus de détails à ce sujet, je ren-
cupent toute la longueur de la cavité verrai aux publications dont VAm-
abdominale, en arrière de l'appareil phioxus a été l'objet il y a une
respiratoire ; ils sont pourvus d'une vingtaine d'années {a).
tunique propre, et la portion du péri- (3) Les premières observations sur
toine qui les recouvre est d'une cou- la liqueur séminale de VAmphioxus
leur brunâtre. Les œufs sont faciles à sont dues à M. Kiilliker, qui a donné
voir à l'état de liberté dans la cavité des figures des spermatozoïdes de cet
abdominale, et leur sortie par l'orifice animal (6).
(a) Costa, Cenni zooloiticœ, p. 49.
— Yarrel, Hist. of British Fishes, t. Il, p. 6-20.
— Retzius, voyez Bericht der Akad. der Wissensch. zu Berlin, tSSQ.
— Ralhke, Bemerkungen iiber den Dau des Aniphioxus lanceolatus, 1841, p. 25.
— J. MùUer, Ueber den Bau und die Lebenserscheinung des Brancliiosloma lubricuni (Costa) ;
Ampliioxus],lanceolatus (Yarr) {Mém. de l'Acad. de Berlin pour ASi'i , p. 79).
— Qualrefages, Mém. sur le système nerveux, etc., de t'Ampliioxus {Ann. des sciences nat.,
8'série,';i845, t. IV, p. 207).
(b) Kolliker,<t/e6ej' das Gerhchsorgan von Ampliinxiis (Miiller's Archiv fi'ir Anat. vnd PhysioL,
1843, p. 32, pi. 2, fie. 3).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 647
ment affectés à l'excrétion des produits de la génération (1).
L'ovaire, logé dans un repli du péritoine et suspendu ainsi à la
voûte de la chambre viscérale, au-dessous des reins, affecte la
forme d'un ruban froncé et replié sur lui-même transversa-
lement d'une manière très-irrégulièrc. Il s'étend depuis le voi-
sinage de la tête jusqu'auprès de l'anus, et, à l'époque de la
reproduction, les œufs, en nombre très-considérable, se déve-
(1) Ce mode d'évacuation des œufs
chez la Lamproie a été très -bleu
indiqué par Duméril, Il avait été
observé aussi par Hunter et par
Home (a). Plus récemment, la dispo-
sition de l'appareil de la reproduction
de ces Poissons et des autres Cyclo-
stomes a été étudiée d'une manière plus
approfondie par Rathke, J. Millier et
quelques autres anatomistes (6).
Chez les Myxines (c) et les Bdello-
stomes {d), l'appareil de la génération
est constitué de la même manière que
chez les Lamproies. L'ovaire est ren-
fermé dans une longue bande du péri-
toine qui est située du côté droit de l'in-
testin, et qui présente un grand nombre
de replis transversaux . Les œufs tom-
bent dans la cavité péritonéale, et
sont évacués par les pores abdomi-
naux, qui, situés sur les côtés du rec-
tum, vont déboucher au devant des
orifices des uretères , dans le méat
génito-urinaire placé derrière l'anus^
Chez le Lamproyon, les pores abdo-
minaux sont si petits, que pendant
longtemps ils ont échappé aux recher-
ches des anatomistes (e). Ils se trou-
vent de chaque côté de l'anus entre
cette ouverture et le repU de la peau
qui l'entoure (f).
Chez les Myxines, les canaux péri-
lonéaux qui servent i l'évacuation des
œufs sont également rudiraentaires ;
mais, au lieu de déboucher isolément
sur les côtés de Tanus, ils se réunis-
sent à un orifice commun situé sur la
ligne médiane entre l'anus et les ori-
fices urinaires, dans la fente cloa-
cale {g).
{a) C. Duméril, Dissert, sur la famille des Poissons cyclostomes, suivie d'un Mémoire sur Vana-
tomie des Lamproies, u\-8, dSlS, p. 85.
— Hunier; voy. TlieDescript. and Illustr. Catalogue of the Physiol. Séries of Comp. Anat.
contained in the Muséum of the R. Collège of Surgeons of London, t. IV, pi. 59.
— Home, Lectures on Comparative Anatomy, t. IV, pi. 143, fig. 3.
(b) Rafclike, Bemerkungen ûber den innerii Bau des Querders (Ammoceies branchialis) imd des
kleinen Neunauges (Pelromyzou Tlaneri) (Beitrâge %ur Geschietite der Thierwelt, 1827, t. IV,
p. 94, pi. 2, %. 7 et 8).
(c) Millier, Untersuchungen ûber die Eingeweide der Fische, 1845 (Mém. de l'Acad. des
sciences de Berlin pour 1843).
— Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 155, pi. 15, fig. 2 et 3.
(d) Millier, Op. cit.
(e)Kathke, Beitrage %ur Geschichte der Thierwelt, 1827, t. IV, p. 94.
(/■) Vogt et Pappenhoim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4= série, t. XI, p, 368).
— Martin Saint-Ange, Étude de l'appareil reproducteur (Mém. de l'.icad. des sàences, Sav.
étrang., 1856, t. XIV, p. 157, pi. 15, fig-. 3).
(g) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 164, pi. 16,
Salmones, etc.
khS REPRODUCTION.
loppent dans son épaisseur, puis font saillie à sa surface, et
enfin s'en détachent pour tomber dans le sac péritonéal, et
sortir de celui-ci par les pores abdominaux déjà mentionnés.
La disposition du testicule est la même ; cette glande sperma-
tique est aussi formée par un ruban longitudinal de tissu sécré-
teur suspendu dans un repli du péritoine (1).
Anguilles, Lcs Cyclostomcs ne sont pas les seuls Poissons proprement
dits dont l'appareil reproducteur soit constitué de la sorte. Le
même mode d'organisation se retrouve chez quelques Poissons
osseux ; mais chez ceux-ci cet état d'imperfection est plus rare
chez le mâle que chez la femelle. Dans la famille des Anguilles,
les tubes évacuateurs manquent dans les deux sexes (2). Chez
les Salmones et les Notoptères, de même que chez les Lam-
proies, les œufs tombent dans la chambre viscérale, et tra-
versent cette cavité pour sortir par les pores péritonéaux (3) :
mais, ainsi que nous le verrons bientôt, les produits des
organes mâles ne suivent pas la même route, et sont transportés
au dehors par des canaux particuliers. Les orifices qui mettent
(1) Chez la Lamproie marine, les (3) La découverte de ce mode d'éva-
replis transversaux qui renferment les cuation des œufs chez les Salmones est
œufs se disposent de chaque côté de due à Carus, Cet anatomiste le constata
l'intestin, ainsi que cela a été très-bien chez la Truite et le [Saumon (c) ; plus
représenté par M. Panizza (a). récemment M. Vogt l'a observé chez
(2) Chez les Anguilles, les ovaires une autre espèce de la même famille :
ressemblent beaucoup à ceux de la la Palée (d).
Lamproie, si ce n'est qu'ils sont se- M. Valenciennes atrouvé que l'éva-
parés sur la ligne médiane de façon à cuation des œufs se fait de la même
être pairs. Les pores péritonéaux qui manière chez les Notoptères, poissons
livrent passage aux œufs sont, situés de la famille des Harengs qui habitent
sur les côtés de l'anus (b). les eaux douces dans l'Inde (e).
(a) Panizza, Sulla Lampreda marina {Mem. deW Institut o Lombardo. Milano, 1845, t. II, pt. 2,
fig. 1 et 2).
{b) Voyez les figures faites par Hunier et publiées dans The Descriptive and Illustrated Catalogue
of the Physiological Séries of Comparative Anatomy contained in the Muséum of the R. Collège
of Surgeons of London, 1838, t. IV, pi. 60.
(c) Carus, Traité d'anatomie comparée, Irad. par Jourdan, 1835, t. II, p. 396.
((/) Vogt et Agassiz, Anatomie des Salmones p. 76 (cxirait des Mém. de la Société des se. nat.
de Neuchdtel, t. III).
(e) Cuvier et Valenciennes, Histoire naturelle des Passons, t. XXI, p. 128.
AI'PAUEIL l)E L\ GÉNÉRATION DES POISSONS. 4/j9
la cavité abdominale en comniunicalion avec l'extérieur, et qni
livrent passage aux œufs, affectent la forme de deux canaux
très-courts qui se réunissent enire eux pour déboucher au
dehors par un pore unique et médian situé derrière l'anus (1 j.
Il est aussi à noter que chez ces Poissons la portion du sac
péritonéal qui reçoit les œufs pour les transporter au dehors
est revêtue d'un épithélium vibratile (2), disposition qui n'existe
pas chez les espèces où l'appareil de la génération est pourvu
de conduits excréteurs propres.
Chez les Éperlans, un repli du péritoine, qui ressemble à un
ligament, se détache de l'ovaire de façon à circonscrire entre la
face externe de cet organe et la portion adjacente de la paroi
abdominale un espace destiné spécialement à recevoir les œufs
et à les conduire vers le pore abdominal (3), disposition qui
(1) Cet orifice est pratiqué dans une la portion de la cavité abdominale où
grosse papille conique qui se trouve lesœufs peuvent arriver, a été constatée
derrière l'anus, et qui contient aussi chez les Salraonespar M. Vogt (c).
l'ouverture des voies urinaircs (a). (3) La constatation de cette particu-
Les ovaires , comme d'ordinaire , larité anatomique chez les Salraones
sont au nombre de deux et s'étendent du genre Osmerus, ou Éperlan, est due
depuis la tête jusqu'à l'anus. Ilsconsis- à llathke {Op. cit., t. 11, p. 259).
tent en une multitude de feuillets ovi- Chez la Loche {Cobilis fossilis), il
fères disposés transversalement et existe une disposition analogue. L'o-
fixés, par leur base seulement, siunm vaire est creusé de façon à constituer
repli du péritoine qui les laisse libres luie gouttière dont les bords se réu-
dans le reste de leur étendue (6), au nissentàla paroi de l'abdomen, etcir-
Heu de lesrecouvrir entièrement comme conscrivent ainsi un espace qui rem-
chez les Poissons où cette membrane plit les fonctions d'un oviducte {d).
constitue, pour chaque ovaire, une tu- Chez VAcanlhopsis tœnia, l'oviducte
nique complète en forme de sac. est également incomplet, et n'est re-
(2) L'existence de ces cils vibratiles présenté que par un repli du péri-
à la surface du péritoine, dans toute toine (e).
(a) Carus et Otto, Tabiûce Analomiain compavalivam illustrantes, pars v, pi. 4, fig, 3, i, 5.
(/)) Exemples : Sahno fario ; voy. Carus et Oito, Op. cit., pi. 4, Rg. 2 et 3.
— Coregonus palea ; voy. Vogt et Pappenheini, Op. cit. {Ann. des sciences nat., i' série, 1859,
t. XI, p. 350, pi. 9, fig. 6j.
(c) Açrassiz et Vogt, Anatêmie des Salmones, p. 8G.
— Vogt et Pappenheini, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1859, série 4, 1. M, p. 3G0).
(d) Hyril, Beitràge zur Morphologie der Urogenital-Organe der Fische[Deitkschri(t. der Wiener
.ikad,, 1850, t. I, p. 404).
(e) HyrlI, toc. cit., [\ 404.
ÛSO REPRODUCTION.
semble être un aeheminement vers le mode d'organisation qui
est dominant dans la classe des Poissons.
En effet, ehez la plupart des Poissons osseux, le prolongc-
ovaiics ment péritoncal qui donne attache aux appendices foliacés dont
dos
Poissons osseux l'ovaire est composé se prolonge en dessous, puis en dehors
ordinaires. , • i , \ , ^ i ^ ,
et en haut, de taçon a recouvrn^ de tous cotes ces lames et a les
renfermer dans une poche membraneuse. Chaque ovaire, con-
sidéré dans son ensemble, représente alors un sac dont les
parois sont garnies intérieurement par les appendices ovifères
qui sont à nu chez les Gyclostomes et les Salmones, et dont la
cavité, subdivisée latéralement en petites loges par ces replis
fohacés, reste libre au centre et y constitue un réservoir où les
œufs tombent lorsqu'ils se détachent du tissu ovigénique.
Le sac ainsi formé est clos dans presque toute son étendue;
mais en arrière il se prolonge jusqu'aux bords de l'orifice excré-
teur, et communique avec le dehors par l'intermédiaire de cette
ouverture. Par suite de cette disposition, qui est comparable
aux effets résultant d'un reploiement de la bande ovarique sur
elle-même et de la jonction du bord inférieur et libre de celle-
ci avec son bord rachidien et fixe, l'ovaire, au lieu d'être une
glande pleine, devient un organe creux, et sa cavité, en débou-
chant au dehors, devient un oviducte, c'est-à-dire un conduit
évacuateur servant à la sortie des œufs. Ce conduit est donc
formé par la portion terminale de l'ovaire lui-même, et il ne
devient distinct de la portion ovigénique de cet organe que
lorsqu'il se prolonge plus ou moins loin au delà du point où le
stroma ovigénique cesse de tapisser les parois du sac membra-
neux commun à la partie productrice et à la partie évacuatrice
de l'appareil.
Ce mode d'organisation est facile à reconnaître lorsque les
feuillets ovigènes sont peu nombreux et le sac ovarien grand,
ainsi que cela se voit chez les Blennies, où aucune ligne de
démarcation ne sépare entre elles la portion élargie et réceptacu-
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. ftSI
lairc de ce sac et sa partie vestibiilaire. L'organe entier res-
semble alors à une vessie dont le col constituerait l'oviducte, et
dont le fond serait garni latéralement de replis ovifèrcs (1).
Chez d'autres espèces, la séparation est plus tranchée, et le
col du sac ovarien, venant à s'allonger, prend la forme d'un
tube évacuateur; l'oviducte est alors bien caractérisé, et parfois
sa structure se compHque d'une manière remarquable (2).
Les principales différences que l'on rencontre dans le mode
d'organisation de l'appareil femelle des Poissons osseux dépen-
dent du degré de coalescence des deux moitiés de cet appareil
sur le plan médian, du point où l'oviducte se sépare de l'ovaire
et des divers degrés de perfectionnement que ce conduit excré-
teur peut offrir.
Chez quelques-uns de ces Animaux, l'ovaire et ses dépen-
dances avortent d'un côté du corps, en sorte que l'appareil
femelle, devenu impair et asymétrique, se trouve rejeté d'un
seul côté de l'abdomen : par exemple, chez la Perche fîu-
viatile (3), la Blennie vivipare et le Gunnel, ou Centronotus
gunnellus (4). Dans d'autres espèces, les ovaires, sans man-
quer complètement d'un côté, sont très-inégaux, et l'un d'eux
(Ij Chez le Blennius gattorugine, gueiir de l'abdomen, à côté de l'intes-
es sacs ovariens sont grands, mais ne tin à gauche ; mais il ne renferme
renferment qii'mi peiit nombre de plis qu'mie vingtaine de feuillets ovigères,
et de rugosités ovigères qui sont dis- lesquels sont disposés transversale-
posés longitudinale^ient (a), ment. Le col de ce sac, qui constitue
(2) Chez quelques Poissons, les re- l'oviducte, est très-court et va débou-
plis ovifères sont multilobés et très- cher directement au dehors par un
nombreux (6). orifice particulier situé entre l'anus et
(3) L'ovaire de la Perche fluviatile l'ouverture urinaire (c).
constitue mi énorme sac membraneux (/i) Chez YOphidium barbatum {d],
qui s'étend dans presque toute la Ion - et chez les Zoarces, ou Blennius vivi-
{a) Vogt et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat.,i' série, l. XI, p. 358, pi. 1 B, flg. 5).
(b) Par exemple, chez V Orthagoriscus mola ; voyez Home, Lectures on Goinp. Anat., t. V!,
pi. 51,fig. 1.
(c) Ciivier, Histoire naturelle des Poissons, 1. 1, pi. 8, lig. 1 et 2.
{d) Hyrtl, Op. cit. {Mém. de l'Acad. de Vienne, 1850, 1. 1, p. 407, pi. 53, fig. lO.
/i5'2 RliPKODUCTiON.
est réduit à l'état rudimentiiire, ainsi que cela se voit chez
l'Auxide commune, dans la famille des Scombéroïdes, et chez
le Mormyre (1).
En général, les deux moitiés de l'appareil se développent à
peu près également et ne se réunissent que dans leur portion
terminale; quelquefois même elles restent séparées dans toule
leur longueur, et des différences de cet ordre se rencontrent
parfois chez des Poissons qui appartiennent à une même fa-
mille (2). Il est aussi à noter que souvent les oviductes, au lieu de
s'ouvrir directement au dehors par un pore génital particulier,
parus (a), l'ovaire est unique, mais
symétrique.
L'ovaire de la Pœcilie de Surinam,
qui consiste en un grand sac memljra-
neux garni intérieurement d'appendi-
ces ovigères foliacés, et communiquant
au dehors par un col (ou oviducte)
court et large, a été décrit par Duver-
noy comme présentant aussi ce carac-
tère anormal [b]. Mais M. Hyrll a
trouvé que cet organe est divisé en-
tièrement en deux loges par une cloi-
son horizontale (c).
On connaît phisiears autres Poissons
chez lesquels les ovaires constituent une
seule masse impaire, mais en général
on y aperçoit alors des traces plus
ou moins évidentes de la réunion de
deux organes: ainsi, chez le BaUstes
tomentosus, l'ovaire, quoique simple,
est échancré à son extrémité anté-
rieure, et chez la Loche franche {Cobi-
tis barbatula), où cet organe n'existe
que du côté droit , on remarque, à sa
partie antérieure, une fissure (d).
(1) M. Hyrtl a trouvé l'ovaire gau-
che bien développé, et celui du côté
droit presque rudimentaire chez
VAuxis vulgaris (e). Il a constaté
aussi un mode d'organisation sembla-
ble chez le Mormyriis oxyrhyn-
ckus (/').
(2) Ainsi, chez les Syngnathes, les
oviductes restent isolés jusqu'à leur
terminaison dans le cloaque (g) ; mais
chez les Hippocampes, qui en sont
très-voisins, ces deux conduits s'ana-
stomosent de la manière ordinaire,
pour déboucher dans l'orifice situé
derrière l'anus (h).
(a) Rallikc, Bildungs uiid Enlwickelungsgeschichte der Blennitis viviparus {Abhandl. der Bild.
und Entwick.-Gesch. des Menschen u7id der Tliiere, 1833, t. II, p. 4).
(6) Duvernoy, Observations pour servir à la connaissance du développement de la Pœcilie de
Sui'inam (Ann. des sciences nat., 3* série, ■1844, t. I, p. 313, pi. 17, tig. i).
(c) Hyrtl, Op. cit. {Mém. de l'Ar.ad. de Vienne, 1850, I. I, p. 406).
(d) Idem, loc. cit., p. 403.
(e) Idem, loc. cil., p. 402, pi. 53, lig. T.
(/■) Idem, loc. cit., pi. 53, lig. 6.
— Forclianimer, De Btennil viviparl formatione et evjlulioiie^ Dorpal, 1810.
(g) Owcn, Lectures on the Comparative Anatomy and Physiol. of ihe Vcriebrate .Uiimnls
1840, p. 289.
{h) Vogt et Pappciihoim, Op. cil. {Ann. des sciences nat., 5' série, I. XI, p. 30(5).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /l53
débouchent dans la portion voisine des voies urinaires, et qu'il
n'existe derrière l'anus qu'un seul orifice commun à l'appareil
de la reproduction et à l'appareil rénal (1).
Gomme exemple de ce dernier mode de conformation, je
citerai d'abord le Brochet, chez lequel les deux ovaires, situés
sur les côtés du tube digestif, se terminent chacun par un col
très-court, et les deux oviductes ainsi constitués se réunissent
promptement pour former un canal impair qui débouche dans
un pore génito-urinaire au devant de l'orifice particulier des
voies urinaires (2).
D'autres fois les deux ovaires se réunissent à leur partie
postérieure de façon à y offrir une cavité commune, disposi-
(1) Pour plus de détails au sujet des
variations que Ton observe dans le
mode de terminaison de Toviducte,
je renverrai à un travail spécial de
M. Hyrtl sur les organes génito-uri-
naires des l'oissons, publié dans les
Mémoires de l'Académie de Vienne
(tome I).
(2) Les oviductes du Brochet sont
très-courts, larges et plissés. Le con-
duit unique formé par leur réunion
n'a que quelques millimètres de long,
et se trouve entre la portion ter-
minale du rectum et l'uretère com-
mun (a).
Comme exemple des Poissons chez
lesquels Toviducte débouche directe-
ment au dehors, en avant du méat uri-
naire, je citerai aussi VAlosa finta (6).
Lorsque les oviductes, au lieu d'être
la continuation de Textrémité posté-
rieure de l'ovaire, naissent plus en
avant, leur caractère spécial se pro-
nonce davantage. Ainsi chez le Hareng,
où ils se séparent des ovaires à quel-
que distance de l'extrémité de ces
organes, ils sont grêles et cylindriques
dès leur origine, et constituent, par
leur anastomose sur la ligne médiane,
un oviducte impair dont la longueur
est assez considérable (c). L'oviducte
terminal est très-long chez le Gym-
note (d).
Chez le Trachinus draco, les ovi-
ductes naissent encore plus en avant;
ils sedétachent du milieude rovaire(e).
Il est aussi à noter que chez quel-
ques Poissons la portion terminale de
l'oviducte se prolonge davantage, et
longe le bord antérieur de la nageoire
anale, ainsi que cela se voit chez quel-
ques Cyprinodontes {f).
(a) LerebouUet, Recherches sur V anatomie des organes génitaux, pi. 19, fig. 200, 201 • pi. 20^
fig. 205, 206, 208 (extrait des Nouveaux Actes de l'Acad. des curieux de la nature, t. XXIII).
(6) Voyez Hyrtl, lac. cif., pi. 5-2, (\g. \.
(c) Dello Chiaje, Miscell. anat. pathol., t. I, pi. 46.
{d) Raihke, Zur Anat. der Fische (Miiller's Archiv, 1836, p. 170).
(e) Brandt et Raizcburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 8, fig. 1.
(/"jSlannius et Siebold, Handbuch der Zootoinie, 1854, t. I, p. 272,
vni.
34
[l6!i REPRODUCTION.
tion qui se voit chez la Carpe (1) et qui est portée beaucoup
plus loin chez le Chabot (2). Enfin, chez le Lançon, ou Ammo-
dytes tobianiis, la fusion des deux ovaires est si complète, que
le caractère binaire de l'appareil peut être facilement mé-
connu (3). On remarque aussi des variations considérables
dans la forme générale des ovaires; mais ces particularités
n'offrent que peu d'importance {li).
(1) Les ovaires de la Carpe sont
très-volumineux quand les œufs sont
mûrs. Les feuillets ovigères y sont
disposés transversalement, et fixés à
la paroi du sac ovarien qui est en
rapport avec les intestins (a). Posté-
rieurement, les deux sacs se confondent
sur la ligne médiane pour former un
réservoir unique où les œufs, devenus
libres, s'accumulent pour s'échapper
ensuite au dehors par un col très-court
(ou oviducte) dont Forifice se trouve
au sommet d'une papille, entre l'anus
et le méat urinaire (6).
(2) L'appareil femelle du Chabot ou
Séchot {Cottus gobio,L.) se compose
d'un ovaire en forme de sac profon-
dément bilobé, dont les deux divisions
communiquent largement entre elles,
et s'ouvrent dans un oviducte très-
court qui débouche derrière l'anus par
un orifice uréthro-génital (c).
(3) L'ovaire unique du Lançon est
situé du côté droit. Quelques anato-
mistes le considèrent comme un or-
gane impair (d) ; mais M. Hyrtl a
constaté que cet ovaire est eu réalité
double, quoique ses deux moitiés soient
confondues entre elles dans presque
toute leur longueur (e).
Chez la Fistulaire, l'ovaire paraît
simple extérieurement, mais à l'inté-
rieur il est divisé en deux parties par
une cloison verticale (/").
Chez le Trachypterus iris, l'ovaire
est simple en avant, mais dans la por-
tion moyenne il est divisé extérieure-
ment par une cloison, et en arrière ses
deux parties constitutives deviennent
tout à fait séparées et ont la forme de
deux cornes [g).
[Il) Chez le Gadus callarias, par
exemple, les ovaires sont froncés d'une
manière très-remarquable (/i).
(a) Vogt et Pappenheim, Op. cit. [Ann. des sciences nat., 4" série, t. XI, p. ^54, pi. 13,
fig. 2).
(6) Martin Saint-Ange, Op. cit. (Mém. de VAcad. des sciences, Sav. étrang., t. XIV, p. 130,
pi. 13, fig. 1).
(c) Prévost, De la génération chez le Séchot {Ann. des sciences nat., 1830, t. XIX, p. 167,
pi. 1, fig. 5).
{d) Rathke, Uebei' die Geschlechtstheile der Fische (Beitr. %ur Geschichte der Thierwelt, t. II,
p. 132).
(e) Hyrtl, Beitrdge zur Morphologie der Urogenital- Organe der Fische { Denkschriften der
Wiener Akad., 1850, 1. 1, p. 403).
(f) Hyrtl, Op. cit., p. 406.
{g) Hyrtl, loc. cit., pi. 53, fig. 9.
(h) Rathke, Op. cit. {Beitr. %ur Geschichte der Thierwelt, t. Il, pi. 5, fig. 2).
APPAREIL DE LA GÉNÉHATION CES POISSONS. /l55
Chez les Poissons les plus élevés en organisation, c'est-à- Appareil femciic
des
dire chez les Plagiostomes, il y a aussi un canal particuher pour riapiosion.es,
le transport des œufs développés dans l'ovaire ; nnais la division
du travail physiologique est portée plus loin que chez les
Poissons osseux, car l'oviducte, au lieu d'être une portion de
la glande ovigénique, est constitué par un conduit qui en est
indépendant et qui est un organe surajouté à ceux que nous
venons de passer en revue. Ici les œufs se détachent de la
surface externe des ovaires comme chez les Cyclostomes ; ils
arrivent par conséquent dans la cavité abdominale, et, au pre-
mier abord, on pourrait supposer que les oviductes destinés à
les recueillir pour les transporter au dehors ne sont autre chose
que les pores abdominaux prolongés et perfectionnés ; mais la -
disposition des parties prouve qu'il n'en est pas ainsi, et que les
canaux ovifères ne sont pas les analogues des orifices en ques-
tion. Effectivement, ces parties coexistent souvent chez le même
individu (1). Ainsi, chez les Esturgeons, qui, à beaucoup d'é- Esiurgcons.
gards, établissent le passage entre les Plagiostomes et les Pois-
sons osseux, la cavité péritonéale communique avec l'extérieur
par un pore situé de chaque côté de l'anus; mais les œufs ne sui-
vent pas cette route, et pénètrent dans un tube évasé antérieure-
ment en forme d'entonnoir, qui naît de chaque côté du corps,
vers le tiers postérieur de la cavité abdominale, et va se terminer
dans le canal urinaire, à peu de distance de l'anus. Ce canal est
ainsi mis à contribution pour le service de la reproduction (2) ;
(1) Chez les Raies, par exemple, où qui a signalé aussi, à remboucliure de
les oviductes sont parfaitement consti- ces tubes dans l'urèthre, la pi'ésence
tués, les orifices péritonéaux sont très- d'une valvule qui s'oppose au passage
développés dans les deux sexes (a). des liquides de ce dernier canal dans
(2) L'existence de ces oviductes chez leur intérieur. La coexistence des ovi-
l'Esturgeon a été constatée par Rathke, ductes et des pores abdominaux a été
(a) Voyez Vogt et Pappenlieira, Op, cit. (Ann. des sciences nat., 4' série, t. XII, pi, 3, fig. 1
et 2).
456 REPRODUCTION.
mais l'oviducte n'y débouche pas toujours; quelquefois on
trouve ce dernier tube terminé en cul-de-sac, et la communica-
. tion ne s'établit probablement que vers l'époque de la ponte (1).
Il est aussi à noter que les parties de la cavité péritonéale qui
avoisinent les ovaires, ainsi que les parois des oviducles, sont
garnies d'un épithélium vibratile, et que le mouvement ciliaire
qui s'y manifeste sert à transporter les œufs jusque dans le
canal génito-urinaire.
polyptêre. Chcz Ic Polyptèrc, les pores abdominaux n'existent plus, et
les oviductes, au lieu de se rendre dans l'uretère, longent ce
canal jusque dans le voisinage du méat génito-urinaire, qui est
situé comme d'ordinaire derrière l'anus (2).
piagiosiomes. Dans l'ordrc des Plagiostomes, les ovaires sont beaucoup
moins volumineux que chez les Cyclostomes et les Poissons
osseux. Ils ne consistent qu'en une petite masse de stroma
aréolaire recouverte d'une tunique fibreuse, et fixée à la voûte
de la cavité abdominale, sur les côtés de l'œsophage, au moyen
d'un repli du péritoine. Lorsque les œufs n'y sont que peu
développés, ces organes ont la forme d'une plaque épaisse et
ovalaire ; mais à une époque plus avancée du travail génésique,
bien indiquée par M. Mayer, et l'on avec Tiirèthre a été souvent constaté
trouve une bonne figure de ces ca- par J. Millier (c).
naux dans l'ouvrage de MM. Brandt (2) Les ovaires du Polyptêre ont
et Ratzeburg {a). chacun la forme d'une longue bande
Chez la Spatulaire ou Polyodon fixée à un repli du péritoine, en avant
feuille, les pores abdominaux et l'ori- des reins. Les oviductes s'ouvrent dans
fice uréthro - génital sont disposés la cavité abdominale par une large
comme chez l'Esturgeon (6). fente transversale située à quelques
(1) Le fait de l'occlusion des ovi- pouces de l'anus, près de l'extrémité
ductes dans leur point de jonction postérieure du mésentère ovarien {d).
{a) Ratlilie, Beitrage zur Gesehichte der Thierwelt, 1824, t. II, p. 124.
— Mayer, Analecten fur vergleichende Anatomie, 1835, p. 18.
— Brand iind Ralzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 4, fig-. 5.
(6) Ail). Wagner, De Spatulariarum anatome (dissert, inaug.). Berolini, p. 13, Gg. 5.
(c) Millier, Ueber den Bau und die Grenxen der Ganoïden (Erichson's Archiv fur Nalur-
geschichte, 1845, p. 108).
(d) J. Millier, lac. cit.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /j57
ils deviennent inégalement bossues par la présence de ces
corps dans leur épaisseur, cl chez plusieurs des Animaux de ce
groupe, ces modifications ne se manifestent que d'un seul côté,
de sorte qu'il ne paraît y avoir alors qu'une seule glande ovigère
impair et asymétrique : par exemple, chez divers Squales des
genres Scyllium^ Carcharias, Saphyrna, Galeus et Muslelus (1 ) .
Chez les Chimères (2), aussi bien que chez les Plagiostomes, ciiimères, etc.
les oviducles sont toujours pairs et très-développés (3); en
avant ils sont fort rapprochés, et ils ont une entrée commune
qui se trouve à la partie antérieure de l'abdomen, sur la ligne
médiane, au-dessus du foie et en avant des ovaires. Cette
embouchure, qui est évasée et qui a reçu le nom éo pavillon,
est rendue béante par des brides péritonéales (k). Les oviductes
se portent ensuite en dehors, puis en arrière, en suivant les
parois de la cavité abdominale , et ils vont s'ouvrir derrière
l'anus, sur les côtés du cloaque.
Ces conduits sont formés par une membrane muqueuse, et ovidccte
des
dans leur portion antérieure cette tunique est revêtue d un piagiostomes.
épithélium vibratile ; mais dans leur portion moyenne et ter-
(1) Comme exemple de Squales à (3) Diivernoy pensait que les espèces
ovaires symétriques, je citerai l'Aiguil- vivipares n'étaient pourvues que d'un
lat, ou Spinax acanthias (a). seul oviducte (c), mais il n'en est pas
Chez les Sélaciens à ovaires asy- ainsi,
métriques, c'est en général du côté ih) Cette disposition a été très-bien
droit que le développement des ovules représentée chez la Raie, par Monro ;
a lieu. chez les Myliobates, les Mustèles, les
(2) MM. Carus et Otto ont donné Ptéroplatées et la Squatine , par
une très-bonne figure de l'appareil M. Bruch ; chez l'Acanthias , par
femelle de la Chimère antique (6). Hunter, Home, etc. (d).
(a) Voyez Treviranus, Beitrâge %ur nâhren Kenntniss der Zeugungstheile und der Forlpflan'
zung der Fische {Zeitschrift fur PhijKiologie, 1826, t. II, p. 3, pi. 3, fig'. 3).
(6) Carus et Otto, Tabtdœ Anatomiam comparativam illuslranles , pars v, pi. 4, fig. 2.
(c) Cuvier, Anatomie comparée, i° édit., t. VIII, p. 89.
{d) Monro, The Structure and Physiology of Fishes, 1785, pi. 2.
— Bruch, Etudes stir l'appareil de la génération chez les Sélaciens, thèse. Strasbourg, 1860,
pi. 4, 5 et 6.
— Hunter, voyez Descript. Catalogue of the Plujsiol. Séries in the Muséum of the Collège of
Surgeons, t. IV, pi. 62.
— Home, Lectures on Comparative Anatomy, t. IV, pi. 139.
— Rymer Jones, art. PiscES (Todd's Cyclop. of Anat. and. Phijsiol, U III, p. 1009, ûg. 538.
/l58 REPRODUCTION.
minale on n'y trouve plus de cils, et la structure de leurs parois '
se complique davantage, car, indépendamment de leurs fonc-
tions principales, ces organes ont un nouveau rôle à remplir.
En effet, ces oviducles sont destinés à fournir aux œufs qui les
traversent des parties complémentaires, et dans ce but ils sont
pourvus d'instruments sécréteurs. Enfin, chez plusieurs Pla-
giostomes, ils deviennent des réservoirs incubateurs, et alors
leur portion terminale se dilate en une poche qui a reçu le
nom d'utérus (i).
La portion glandulaire del'oviducte est épaisse, et renferme
dans la substance de ses parois une multitude de petits tubes
sécréteurs terminés en cul-de-sac à leur extrémité périphérique
et débouchant dans sa cavité par leur extrémité opposée. Elle
est très-développée chez les Raies. Sa forme varie suivant les
espèces : chez les Acanthias, elle est annulaire ; chez les
Squales à membrane nictitante, elle se développe en deux
appendices coniques et contournés en hélice ; chez les Rhino-
bates, elle est cordiforme ; chez les Raies, elle est bilobée. Un
repli membraneux, disposé en manière de valvule, la sépare
de l'utérus (2).
(1) La portion réceptacnlaire de de VoviducU, est déjà apparente avant
l'oviducte se développe beaucoup chez l'éclosion du jeune animal, mais elle
les espèces vivipares, telles que le variebeaucoup,quantàsesdimensions,
Spinax acanthias (a) et le Pteropla- suivant les saisons. Elle se renfle bras-
tea altavela (6), tandis que la portion quement, mais cet élargissement n'est
glandulaire est très-réduite. On remar- dû qu'à l'épaisseur de ses parois, car
que à sa paroi interne une multitude sa cavité est plus étroite que celle des
de plis froncés ou de villosités (c). parties adjacentes du même conduit,
(2) Cette portion glandulaire du tube Sa surface interne présente des zones
ovifère que les anatomistes désignent dont l'aspect diffère, et ces variations
généralement sous le nom de glande sont dues principalement à la disposi-
(a) Voyez Treviranus, Op. cit. {Zeitsclirift fur Physiol., t. II, pi. 3, fig. 3).
— Hunter, dans le Catalogue descriptif du musée des chirurgiens de Londres {Physiological
Séries, t. IV, pi. 62).
— Owen, Lectures on the Comp. Anat. and Physiol. ofthe Vertébrale Animais, 1846, p. 290,
fig. (d'après Hunter).
(b) Bruch, Etudes sur l'appareil de la génération chex. les Sélaciens , p. 59, pi. 10, fig. i
(c) Leydig, Lehrbuch der Histologie, p. 518, fig. 253.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /Ï59
S 3. — Les ovaires des Poissons sont revêtus d'une tunique structure
^ ^ de l'ovaire.
propre formée par une membrane tres-minee, de texture
fibreuse (1), et, de môme que chez les autres Vertébrés, leur
substance est constituée par un tissu particulier nommé
stroma. Celui-ci se compose de fibrilles analogues à celles du
tissu conjonctif ordinaire, entre les mailles duquel se trouve
une matière granuleuse, et il constitue une sorte de gangue
au sein de laquelle les œufs prennent naissance. Ces corps Développement
' '■ et structure
repi^oducteurs sont toujours de deux sortes : les uns, plus ou des
'^ " „, ovules.
moins avancés vers l'état de maturité, constitueront la ponte
prochaine ; les autres, plus petits et dans un état d'inactivité
temporaire, se développeront après la chute des premiers et
formeront une ponte ultérieure. Chez les Poissons de l'ordre
des Plagiostomes, les œufs en voie de maturation sont peu
nombreux et font saillie à la surface de l'ovaire; mais, chez
les Poissons osseux, le nombre en est souvent extrêmement
élevé. Ainsi on évalue à plus de 300 000 le nombre des œufs
contenus dans les ovaires d'une Carpe de forte taille, et,
d'après les calculs de Leeuwenhoek , la Morue en aurait plus
de 9 millions (2).
tion des canalicules sécréteurs (a). (1) Chez les Poissons osseux, on a
Ceux-ci sont très-tins et serrés les uns constaté l'existence de fibres muscu-
contre les autres (6). laires lisses dans cette tunique , et
Chez la Torpille, la portion glaiidu- même dans le stroma, chez le Salmo
laire de Toviducte est très-peu déve- salvellinus (d).
loppée, mais la portion subterminale (2) Chez une Carpe d'environ 50 cen-
sé dilate de façon à constituer une timètres de long, Petit trouva que les
grande poche incubatrice dont les pa- ovaires pesaient 8 onces 2 gros, c'est-
rois sont très-villeuses (c). à-dire près [de 253 grammes, et que
(a) Vogt et Pappenheim, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 4* série, 1859, t. XII, p. 118,
pi. 3, fig. i).
(b) 3. Millier, De glandtilarum secernentium structura peiiitiori, 1830, pi. 2, fig. 14 et 15.
(c) J. Davy, An Account of sortie Experiments and Observations on tlie Torpédo (Researches
Physiological and Anatomical, 1829, t. I, p. 55, pi. 2, fig. 1, 2 et 3).
— Délie Chia]e, MisccUanea anatomico-pathologica, 1. 1, pi. 43, fig. 1.
(d) Par exemple, chez le Brochet, la Perche de rivière ; voy. Leydig, Lehrbuch der Histologie,
p. 508.
/i60 REPRODUCTION.
Formaiion Lgs œul's, Cil SG dévoloppant dans la substance de l'ovaire,
œufs. ne sont formés d'abord que par la sphère vitelline et la vcsi-
- culc germinative. Celle-ci est très-grosse relativement au
volume total de l'ovule, et dans les premiers temps elle ne
renferme qu'un liquide incolore tenant en suspension une
matière granuleuse très-fine; mais, par les progrès de son
développement, elle se charge de corpuscules globuleux et
brillants qui constituent les taches dites germinatives, et qui
augmentent en volume aussi bien qu'en nombre jusqu'à ce
qu'ils remplissent complètement la cavité de cette utricule. Ces
corpuscules offrent plus tard l'aspect de cellules , et des
nucléoles se montrent dans leur intérieur (1). Le vitellus se
compose d'abord d'un liquide diaphane tenant en suspension
quelques corpuscules albuminoïdes qui ne deviennent visibles
que par l'effet de la coagulation ; puis des vésicules graisseuses s'y
forment autour de la vésicule germinahve, grossissent, se multi-
plient et se transforment en cellules granuleuses. Chez quelques
Poissons, la Truite, par exemple, la sphère vitelline se rempht de
ces globules huileux seulement; mais dans d'autres espèces,
telles que le Brochet et la Perche, il s'y développe aussi des
pour faire équilibre au poids de 1 grain 167 200 chez une Carpe ; 1G5 /lOO chez
(ou 53minigrammes),il fallait 71 ou 72 un Brochet, et 1 167 856 chez un Es-
œufs ; il en conclut que le nombre des turgeon (c).
œufs devait être d'environ 3/i2 l/i/i (o). (1) Il est aussi à noter que pendant
Leeuwenhoeck estima à 211629 le la période dont il est ici question, la
nombre des œufs chez un Poisson de vésicule germinative augmente de di-
la même espèce, et à 9 3/i/i000 le mension à mesure que l'ovule grossit,
nombre des œufs qui pouvaient être et qu'elle se trouve d'abord rappro-
contenus dans les ovaires d'une seule chée de la surface du globe vi tel-
Morue (6). Cuvier trouva environ lin, dont elle occupe plus tard le
69 000 œufs chez une Perche fluviatile; centre {d).
(a) Petit, Histoire de la Carpe (Mém. de l'Acad. des sciences, 1733, p. 209).
(6) Leeuwenhoeck , Epistola: p]njsiologir.œ super compluribus Naturœ arcanis, p. 188 {Op.,
t. IV, 1719).
(c) Cuvier, Leçons d'analomie comparée, 2* édit., t. VIII, p. 86.
(d) Lcreboullet, Recherches sur le développement du, Brochet, de la Perche, etc., p. 20 {Mém.
de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. XVH).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /l61
globules d'une nature particulière, qui se chargent de matières
colorantes (1), et qui sont désignés sous le nom de corpuscules
viteUins. La vésicule germinative disparaît bien avant que
l'œuf soit arrivé à maturité, et à la suite de ce changement on
voit se former, d'un des côlés| du globe vitelhn, un amas gra-
nuleux et jaunâtre qui résulte de la réunion des éléments plas-
tiques et nutritifs. Il semble s'opérer alors une sorte de départ
entre les divers éléments organiques de l'œuf, qui étaient pri-
mitivement mêlés, et qui se séparent en deux groupes , l'un
composé des parties simplement nutritives, l'autre formé prin-
cipalement des matériaux plastiques destinés à jouer un rôle
direct dans la constitution de l'embryon, et affectant l'apparence
d'une tache discoïde analogue à celle dont j'ai parlé dans une
précédente Leçon sous le nom de cicatricule (2).
L'ovule naissant est libre au milieu du stroma, mais bientôt Formation
de
ce tissu se consolide de façon à constituer autour de chacun de la coque.
ces corps une sorte de kyste ou capsule. Les parois de cette
loge, ou follicule, deviennent très-vasculaires, et leur surface
(1) La couleur de ces œufs varie seux dont le nombre varie suivant les
suivant les espèces, mais est en gé- espèces, mais diminue à mesure que
néral peu intense. Chez la Perche, ils la maturité de l'œuf avance, et dont
sont verdâtres ; chez le Brochet, ils la position dépend de celle de l'œuf,
sont jaunâtres. leur faible pesanteur spécifique les
(^) Lorsque ces œufs sont à peu faisant toujours monter vers la sur-
près mûrs, on distingue d'ordinaire face (6) ; 3° une couche superficielle
dans le vitellus trois parties, savoir : de granules très-fins et de corpus-
1" un liquide diaphane visqueux qui cules vésiculaires, qui, au lieu d'être
en occupe le centre, qui se trouble au libres comme les globules huileux,
contact de l'eau , circonstance dont adhèrent entre eux et constituent la
dépend l'opacité des œufs de la Truite cicatricule. Pour plus de détails au
et du Saumon non fécondés, lorsque sujet des éléments organiques du
leur coque a été déchirée [a] ; 2° de vitellus et des changements qui s'y
gouttelettes d'huile ou globules grais- opèrent antérieurement à la féconda-
(a) Vogt, Embrijologie des Salmones, p. 12.
— Reizius, Ueber tien gvossen Felltropfen in den Eiern der Fische (Mûller's Archiv fur Anal,
und PhijsioL, iS55, p. 34).
(b) J. Davy, Soine Obscvvalions on the Ova of Salmidœ {Abstracis of ■papers comimmicated to
IheR. Soc. ofLondon, 1852, p. 140).
il62 REPRODUCTION.
intérieure se tapisse d'une couche plus ou moins épaisse de
tissu utriculaire que les ovologistes désignent communément
sous le nom de membrane granuleuse. La partie périphérique
de cette enveloppe disparaît ensuite, et, chez les Poissons
osseux, la portion interne, après avoir subi dans sa texture
intime des modifications plus ou moins profondes, devient
une des parties constitutives de l'œuf (1). Effectivement, elle
en forme la tunique externe ou la coque.
La structure de cette coque, ou chorion, est plus complexe
qu'on ne croirait au premier abord. Souvent sa substance est
traversée par une multitude de canalicules d'une linesse extrême
qui lui donnent un aspect ponctué (2). D'autres fois, elle est
tion , je renverrai aux travaux de (2) Par exemple, chez la Palée
M. Goste, de M. Lereboullet, etc. (a). {Coregoniis palea, Cuv.), la coque de
Quant à la composition chimique des l'œuf est formée par une membrane
œufs de Poissons, il en a déjà été épaisse et élastique qui présente un
question dans une Leçon précé- aspect granuleux résultant de l'exis-
dente (b). tence d'une multitude de figures an-
(1) D'après M. Hâckel, il y aurait nulaires d'une délicatesse extrême. On
parfois entre le vitellus et la membrane y aperçoit aussi des points opaques
vitelline une couche fibreuse très- qui deviennent transparents par l'ac-
singulière ; il a décrit cette disposition tion de l'acide chlorhydrique, et qui,
chez des Scom6eresoces(c). 11 est aussi paraissant être des tubes capillaires,
h noler quechezlelYygonpastinaca, renferment une matière calcaire (a).
la surface du globe vitellin est sillonnée Chez le Saumon, les canalicules ver-
de façon à Offrir des circonvolutions ticaux de la membrane ponctuée sont
nombreuses (d). très-bien caractérisés (/").
(a) Coste, Oi'igine de la monstruosité double chez les Poissons osseux IComptes rendus de
l'Acad. des sciences, 4 855, t. XL, p. 931).
— Lereboullet, Recherches sur le développement du Brochet, de la Perche, etc. (Mém. de
l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. XVII, p. 4 0 etsuiv.). — Recherches d'embryologie com^
parée sur le développement de la Truite, etc. {Ann. des sciences nat., 4° série, 1861, t. XVI,
p. 118 et suiv.).
(6) Voyez ci-dessus, p. 325.
— Consultez aussi : Radikofer, Ueber die luahre Natur der Dotterplâttchen {Zeitschr. fur
wissensch. Zool., 1858, t. IX, p. 529).
— F. de Filippi, Zur nâheren Kenntniss der Dotterkorperchen der Fische (Zeitschr. fur
wissensch. Zool., 1859, t. X, p. 15).
(c) Hackel, Ueber die Eier der Scomberesoees (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1855,
p. 23, pi. 4 et 5).
(d) Hjrtl, Lehrbuch der Histologie, p. 508, fig. 248.
(e) Vogt, Embryologie des Salmones, p. 10, pi. 1 , fig. 1 et 8.
(f) Allen Thompson, art. Ovum (Todd's Cyclop. of Anat. und Physiol., t. V, p. 100, lig. 67)
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /|63
comme veloutée, disposition qui est due à la présence d'une
foule de petits bâtonnets semblables à des aiguilles qui la lié-
rissent (l). Enfin, chez certains Poissons osseux, elle présente
des facettes très-petites, et parfois on voit au milieu de chacune
de ces réticulations une ouverture infundibuliforme (2). Sou-
vent on trouve encore, au-dessous de la coque, une seconde
enveloppe accessoire, qui est analogue à la membrane de la
coquille dans l'œuf de la Poule, et qui peut avoir, comme la
première, une structure canaliculaire. Chez quelques espèces,
il reste aussi entre la coque et la sphère vitelline une couche
hyaline plus ou moins épaisse, qui paraît avoir une structure
homogène et qui constitue un albumen (3).
Ainsi, chez les Poissons osseux, c'est dans la substance du
stroma de l'ovaire que les œufs acquièrent leur coque aussi
bien que leur partie fondamentale, c'est-à-dire la sphère vitel-
(1) M. Reicliert a décrit ce mode 1er y a trouvé des canalicules infundi-
d'organisation de la coque de l'œuf buliformes {d). Les réticulations de
chez le , Leuciscus erythrophthalmus cette membrane se voient à la face
et le Chondrosoma narces (a). Chez interne de la coque ponctuée chez le
le Gobius fluviatilis , les ^bâtonnets Brochet (e).
sont disposés par groupes de formes (3) Lorsque l'œuf a séjourné quelque
variées; ils réfractent fortement la temps dans l'eau, des phénomènes
lumière et se détachent facilement (6). d'endosmose déterminent souvent l'ac-
L'œuf de l'Épinoche (Gasterosteus) cumulation d'une certaine quantité de
présente d'espace en espace, sur la ce liquide entre la sphère vitelline et
membrane ponctuée ou chorion, un la coque, de façon à simuler une cou-
nombre considérable de petits appen- che albumineuse assez épaisse (/"), et
dices piriformes dans la partie de la à donner naissance artificiellement à
coque qui entoure le micropyle (c). ce que les naturalistes ont parfois dé-
(2) Chez la Perche fluviatile, J. Miil- crit sous le nom de zone transparente.
(a) Reichert, Op. cit. (Miiller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1856, p. 95, pi. A, fig. 1).
(6) Leydig:, Lehrbuch der Histologie, 1857, p. 513.
(c) Rawson, Op. cit. {Proceedings of the R. Soc. of London, 1854, t. VII, p. 168].
— Allen Thompson, loc. cit., p. 101, fig. 68.
(d) S. Millier, Veber zahlreiche Porencanàle in der Eicapsel der Fische {Archiv fur Anat. und
Physiol., 1855, p. 186, pi. 8, ûg. 4).
(e) H. Aubert, Beitrâge zur Entwickelungsgeschichle der Fische (Zeitschr. fur wissensch.
Zoologie, 1854, t. V, p. 94, pi. 6, fig. 1).
if) LerebouUet, Recherches d'embryologie comparée sur le développement du Brochet, etc. ,
p. 13,
/l6/j. REPRODUCTION.
linc el son contenu. C'est après être parvenus à ce degré de
perfection, que ces corps rompent leur capsule, et, devenus
libres, tombent dans la cavité de l'ovaire, où ils sont souvent
enduits d'un liquide glutineux, mais n'acquièrent aucune tu-
nique nouvelle.
Soit que la fécondation de l'œuf ait lieu après la ponte, soit
qu'elle s'opère dans l'intérieur de l'organisme, ainsi que cela a
lieu chez un petit nombre de Poissons osseux qui sont vivi-
pares, ce corps reproducteur est déjà entouré de sa coque
avant que d'être sorti de sa gangue, et par conséquent on ne
comprendrait pas comment les Spermatozoaires pourraient y
pénétrer, si cette coque était complète dans toute son étendue ;
mais elle reste ouverte sur un point, et l'orifice appelé micro-
pyle, qui est ainsi ménagé, sert au passage de l'agent fécondant
qui se rend dans la sphère vitelline. L'existence de cet orifice
fut constatée pour la première fois en 1850, par Doyère, chez le
Syngnathe; mais cette découverte intéressante ne fixa que
peu l'attention des physiologistes, et ce furent surtout les ob-
servations de J. Millier, de M. Bruch et de M. Leuckart qui
les éclairèrent sur ce sujet (1).
Chez les Plagiostomes, les choses ne se passent pas ainsi.
Les follicules ovariens ne donnent pas naissance à la mem->
' (i) Doyère constata qu'à l'une des l'œuf du Gasterosteus leiurus et du
extrémités de l'œuf des Syngnathes, G. jmngitius (6). Peu de temps après,
il existe ime dépression au milieu de M. Brucli constate la même disposi-
laquelle se trouve une petite ouverture tion dans l'œuf du Salmo salar [c),
infundibuliforme, et il désigna cet ori- et M. Leuckart observa une disposition
fice sous le nom de micropyle (a). analogue dans les œufs du Silure et
En 185/1, M. Kanson découvrit l'exis- du Brochet (d). Enfin, M. Reichert
tence d'une ouverture semblable dans constata la présence d'un micropyle
(a) Doyère, Op. cit. {l'Instihit, 1850, t. XVIII, p. 12).
(6) Ranson, On the Imprégnation of Ihe Ovuni of the Stickleback (Proceedinrjs of the Royal
Society of London, 1854, t. VII, p. 168).
(c) Bruch, Ueber die Mikropyle der Fische {Zeitschrift fur wissensch. Zoologie, 4856, t. VII,
p. 172, pi. 9B).
(d) Leuckart, Ueber die Micropyle, etc. (MiiUer's Archiv jur Anat. und PhysioL, 1855, p. 257).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 465
brane coquillière, et (3'est après la mise en liberté de l'œuf,
pendant son passage dans l'oviducle, que celui-ei se revêt de
cette enveloppe accessoire. Elle est produite par le dépôt de
substances plastiques sécrétées dans la portion glandulaire de
l'oviducte, et appliquées sur la sphère vitelline, où elles s'or-
ganisent en forme de membrane ou acquièrent même une con-
sistance subcornée.
Ainsi, chez les Raies, l'œuf, en traversant la portion glandu-
leuse de l'oviducte, se recouvre d'une coque très-résistante et
dont la forme est bizarre : elle est quadrilatère, bombée sur
ses deux surfaces et terminée à chaque angle par une corne
ou un long appendice contourné sur lui-même; enfin, à l'un
des bouts de cette espèce d'étui se trouve une longue fente qui
sert d'abord à l'entrée de l'eau nécessaire à la respiration du
jeune Animal, puis à la sortie de celui-ci, lorsque son dévelop-
pement fœtal est achevé (1 ) .
Chez la plupart des Poissons, les œufs sont expulsés du corps Ponte.
avant que l'embryon ait commencé à s'y développer, et même
avant que la fécondation en ait été opérée ; quelquefois ils
creusent dans le sol une petite excavation destinée à les rece-
voir, et parfois ils ont même l'instinct de construire un ven-
diez divers Cyprinoïdes, tels que la orifices, au nombre de deux, situés
Carpe, le Carassin , la Tanche, les près de l'un des côtés, à la base de ces
Ables, et chez quelques Poissons (a). appendices (c).
(1) Chez les Raies, les cornes de L'œuf de l'Acanthias ne présente, h
l'œuf sont médiocrement allongées (6). chaque bout, qu'un seul prolongement
L'œuf du Squale grande Roussette, médian-conique petit et court {d).
ou Chien de mer, présente à chaque Les œufs de la Chimère arctique
extrémité deux cornes très -allongées ont une coque ridée et velue, dont la
et contournées sur elles-mêmes ; des forme est très-particulière (e).
(a) Remak, Op. cit. (MûUer's Archiv fur Anat. und Physiol., 1856, p. 83, pi. i, fig, i-4).
— Bucholz, Ueber die Mikropijle von Osmerus eperlanus [Arch. fur Anat. und Physiol., 1863,
p. 71 et 367).
(6) Pai- exemple, cliez \e Raid oxyrhynchus ; voy. Tilesius, Ueber die sogenannten Seemâuse,
Leipsig, 1802, pi. 4, fig. 1.
(c) Home, Lectures on Compar. Anat., t. IV, pi. 140, fig. 3.
{d) Home, Op. cit.. pi. 140, fig-. 1.
(e) Millier, Ueber den glatten Mai des Aristoteles, pi, 6, fig. 3.
466 REPRODUCTION.
table nid pour les loger, particularité curieuse qui n'avait pas
échappé à l'attention d'Aristote, et qui a été observée de nou-
. veau, il y a quelques années (1). Mais dans la plupart des
cas, la ponte n'est précédée ni suivie d'aucun travail de ce
genre (2).
Poissons Chez d'autres Poissons, en petit nombre, les phénomènes
■vivipares.
génésiques dont l'organisme de la mère est le siège, sont plus
complexes; non-seulement les œufs sont fécondés avant leur
expulsion au dehors, mais le développement de l'embryon a
lieu dans l'intérieur des organes de la reproduction , et les
petits naissent vivants. On connaît des exemples de ce mode de
multiphcation chez les Poissons osseux, aussi bien que chez les
Plagiostomes, mais c'est dans ce dernier groupe qu'il est le
plus fréquent.
Comme exemple de Poissons osseux vivipares, je citerai
(!) Le Poisson qu'Aristote appelle qui est sous -presse et paraîtra très-
Phycis, et qu'il signale comme ayant prochainement. Un instinct analogui;
l'habitude de se construire un nid, existe chez les Pomotis {d) et chez des
paraît être un Gobie. Ohvi a observé Poissons qui habitent sur le banc do
cet instinct chez le Gobius niger, et Terre-Neuve (e).
M. Nordmann a constaté de nouveau (2) 11 est aussi à noter que les œuls
cetteindastrie chez le Goôrnsconsiriic- des Poissons osseux sont parfois
^or des torrents de l'Abasie [a], libres (par exemple, chez la Truite
Les Épinoches et les Épinochettes et le Brochet), tandis que d'autres fois
construisent aussi des nids (6), mais ils restent réunis en paquets ou en
c'est le mâle qui se livre à ce travail, séries. Ainsi ceux de la Perche sont
et la femelle vient pondre dans la agglutinés les uns aux autres, et for-
retraite ainsi, préparée (c). Pour plus ment de la sorte des réseaux que cet
de détails sur ce sujet, je renverrai Animal enroule autour des plantes
à l'ouvrage de M. Blanchard sur les aquatiques au milieu desquelles il va
Poissons d'eau douce de la France, pondre.
(a) Nordmana, Ueber eine neue Fischgattung aus der Familie der Goboiden {Bulletin de
l'Acad. de Saint Péter sbour y, 1837, p. 328).
((/) R. Bradley, A Philosopliical Account of the Works of Nature, 1721, p. 62, pi. 8, Rg. 2.
(c) Coste, Nidification des Epinoches et des Epinochettes {Mém. de l'Acad. des sciences , Sav,
étrang., 1848, t. X, p. 575.
(d) Agassiz, On the Glanis ofAristotle, etc. {Proceed. of the American Academy, 185G, t. III,
p. 329).
• (ê) Valenciennes, Sur des nids sous-marins {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1859,
t. XLIX, p. 878).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 467
une Blennie de nos côtes (1), les Anableps de la Guyane, les
Pœcilies, qui habitent également les eaux douces de l'Amérique
méridionale (2), et quelques Silures.
En général, soit que cette incubation ait lieu dans la cavité
de l'ovaire, comme chez la Toecilie et la Blennie vivipare, ou
dans un utérus proprement dit, comme chez quelques Raies (3)
et divers Squales, les œufs restent libres dans le réservoir
qui les renferme , et il ne s'établit aucune connexion directe
entre le corps de l'embryon et les parois de la chambre incu-
batrice. Mais chez quelques Squales, des appendices vasculaires
dépendants de l'organisme du jeune individu en voie de déve-
loppement vont s'enchevêtrer au milieu des rephs de la mem-
brane muqueuse de l'utérus, et constituent un instrument de
nutrition analogue à celui que l'on connaît sous le nom de
placenta, chez les Mammifères.
Cette particularité a été constatée par J. Millier chez les
(1) Le Zoarces, ou Blennius vivi- exemple non-seuleraenl la Blennie,
parus, est un Poisson de la famille mais aussi l'Anableps et les Pœcilies (c).
des Gobioïdes, long d'environ 30 cen- Il en est effectivement ainsi chez le
timètres, qui habite nos mers. Vers le premier de ces Poissons, mais M. Hyrtl
solstice d'hiver, la femelle met bas ses a constaté qu'il n'en est pas de même
petits, dont le nombre s'élève souvent chez les Anableps. Là les ovaires sont
à plus de 300. Quelques naturalistes doubles et symétriques ; leur conduit
avaient cru que les fœtus étaient unis excréteur est complètement indépen-
aux parois de l'utérus par des con- dant de l'appareil urinaire (d). Cepen-
nexions vasculaires (a), maiscela n'est dant Home a figuré un grand sac
pas. On doit à Rathke un travail très- membraneux impair comme étant l'u-
étendu sur le développement de l'em- térus de cet Animal [e). Nous avons
bryon de ces Poissons (6). déjà vu que chez les Pœcilies l'ovaire
(2) Duvernoy avait cru pouvoir con- est biloculaire.
dure de ses observations que chez les (3) Les Rhinobates , les Myliobates,
Poissons osseux vivipares, l'ovaire est les Ptéroplatées (/), les Torpilles {g),
en général impair, et il cita comme les Anges, etc.
(a) Schonevelde, Ichthyia et nomencl. Animal, quœ in ductibus Slesvici et Holsalix oceurrunt,
1624.
(&) Kathke, Abhandl. x.ur Bild. îi. Enttuick. Gesch., t. II, p. 1.
(c) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2" édit., t. VIII, p. 67.
(d) Hyrtl, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1. 1, p. 398).
(ê) Home, Lectures on Compar. Anat., Sitppl., t. VI, pi. 53, ûg. 2 et 3.
(f) J. D&\y, Exper. and Obs. on the Torpédo {Research. Physiol. and Anat., pi. 2, fig. i, 2, 3).
(g) Bnich, Sur l'appareil de la (léni'ratinn rhe% les Siilaciens, pi. 4, 7, 10.
mâle.
468 REPRODUCTION.
Émissoles ou Mustèles, et dans la partie correspondante à l'in-
sertion du placenta fœtal, ce naturaliste a trouvé sur les parois
de l'utérus un épaississement vasculaire fort semblable aux
cotylédons utérins que nous verrons se développer dans la ma-
trice des Mammifères ordinaires (1).
Appareil § û. — L'apparcil mâle ne diffère que peu de l'appareil
femelle chez les Cyclostomes, et même chez la plupart des
Poissons osseux. Chez les premiers, les testicules, ainsi que
les ovaires, n'ont pas de canal évacuateur, et la laitance
(nom sous lequel on désigne communément la liqueur sémi-
nale des Animaux de cette classe) tombe dans la cavité abdomi-
nale pour s'échapper ensuite parles pores péritonéaux (2). Mais
chez les Poissons osseux, où l'appareil femelle présente aussi
ce genre d'imperfection, l'appareil mâle est mieux constitué, et
les testicules sont mis en communication avec l'extérieur au
moyen d'un conduit spécial (o). Enfin, chez les Plagioslomes,
(1) On doit à J. MûUer, non-seule- de leur extrémité inférieure longe
ment des observations très-importantes l'intestin, et va se réunir à son congé-
sur ce sujet, mais aussi un exposé nère, près de l'anus. Le canal éjacu-
très-complet de tous les faits précé- latoire ainsi formé débouche au de-
demment introduits dans la science hors, entre l'anus et le méat urinaire.
relative à la reproduction vivipare des Chez le mâle, les pores abdominaux
Squales. Je renverrai donc à sou n'existent pas et le péritoine forme un
mémoire pour plus de détails à ce sac complètement fermé (6).
sujet (a). La plupart des naturalistes men-
(2) Voyez ci-dessus, page ZiZi6. tiennent les Anguilles comme étant
(3) Ainsi, chez les Salmones, où les dépourvues de canaux déférents, mais
oviductes manquent, les testicules sont on ne connaît encore que très-impar-
pourvus chacun d'un conduit excré- faitemenl les organes mâles de ces
teur. Ces glandes, de couleur blanchà- Poissons, et quelques auteurs pensent
tre, ont à peu près la même forme que les individus décrits sous le nom
que les ovaires, et varient beaucoup de mâles n'étaient que des femelles
quant à leur volume, suivant les sai- dont les ovaires n'avaient pas acquis
sons. Un long canal tortueux parlant leur développement normal (c).
(a) Millier, Ueber den glatten Hai des Aristoteles und ûber die Verschiedenheiten unter deti
Haiftschen und Rochen in der Entwickelung des Eies, 1842, avec 6 planclies (extrait des Màn.
de VAcad. de Berlin pour ■1840).
(6) Vogt, Anatemie des Salmones, p. 85, pi. G, fig. 2 6.
(c) Schleusser, De Pelromywn et Anguillarum sexu (dissert. inaiig.). Dorpat, 1848.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 469
OÙ l'ovaire est distinct de l'oviducte, l'appareil mule est consti-
tué d'après le même plan fondamental que chez les Poissons
osseux, c'est-à-dire est pourvu d'un canal cvacuateur en conti-
nuité directe avec les cavités pratiquées dans la substance du
testicule. Ainsi, chez tous les Poissons, excepté les représen-
tants les plus dégradés de ce type, il existe un conduit éjacula-
teur ou un canal déférent, et ce tube n'est jamais séparé du tes-
ticule (1). Il est aussi à noter que la disposition générale de la Testicules.
portion fondamentale ou glandulaire de l'appareil reproducteur
présente plus d'uniformité chez le mâle que chez la femelle.
Ainsi, les testicules sont presque toujours au nombre de deux,
même dans les espèces où l'ovaire est unique (2), et lorsque
ces organes sont réunis en une seule masse, comme chez le
Lançon, leur union est incomplète (3).
Leur forme varie beaucoup. Chez les Plagiostomes, ils sont
(l)CuviersignalerEsturgeon comme s'oiivraiit au dehors par un canal im-
faisant exception à cette règle {a) ; pair très-court (/"). Chez les Plagio-
mais il pai-aît que chez ces Poissons les stomes, où l'un des ovaires seulement
canaux séminifères vont déboucher se développe, les testicules sont dou-
directement dans l'uretère (6). Du blés comme d'ordinaire,
reste, des canaux péritonéaux analo- (3) Jusque dans ces dernières an-
gues à ceux de la femelle existent chez nées les anatoraistes considéraient le
le mâle (c), et sont tantôt ouverts dans testicule de VAmmodijtes tobianus
l'uretère, tantôt fermés (d) : suivant comme étant impair; mais M. Owen
M. Owen, cetteclôture serait due aune fit remarquer que cet organe pré-
valvule (e). sente un sillon médian [g), et M. Hyrtl
(2) Ainsi, chez la Perche, où il a constaté qu'il est en réalité composé
n'existe qu'un seul ovaire, l'appareil d'une paire de glandes réunies entre
mâle se compose de deux testicules elles (h).
en forme de sac, réunis parleur col, et Chez les Fistulaires, la glande sper-
(a) Cuvier et Valcnciennes, Histoire naturelle des Poissons, t. I, p. 536.
(6) Rathke, Beitr. %ur Geschichte der Tliierivelt, t. II, p. 124,
(c) Baer, Dericht der Anatom. Anstalt %u Konigsberg, p. H.
{d) Miiller, Mém. sur les Ganoïdes {Ann. des sciences tmt., 3* série, 1844, t. II, p. 22).
(e) Owen, Lectures on the Compar. Anat. of Vertébrale Animais, p. 287.
(f) Cu-vier et Valenciennes, Op. cit., t. I, pi. 8, ûg. 4 ; t. II, p. H.
(g) Owen, Lectures on the Compar. Anat. of the Vertébrale Animais, 1846, p. 286.
{h) Hyrtl, Beitrâge zur Morphologie der Urogenital-Organe der Fische {Mém. de Vicad de
Vienne, 1850, 1. 1, pi. 53, Cig. 8).
VIII. 32
470 REPRODUCTION.
médiocrement développés et plus ou moins aplatis (1) ; mais^
chez les Poissons osseux, ils acquièrent d'ordinaire un volume
énorme. Eu général, ils sont irrégulièrement bosselés ou sub-
lobés, et quelquefois ils sont subdivisés en lobules contournés
et très-nombreux, mais ces différences ne paraissent avoir que
peu d'importance (2).
Le péritoine recouvre ces glandes comme il recouvre les
ovaires, et forme pour chacun d'eux un repH suspenseur, appelé
mesorchium, qui les fixe à la paroi supérieure de la chambre
viscérale, et qui loge leurs vaisseaux sanguins. Au-dessous de
cette tunique d'emprunt se trouve une membrane qui appar-
tient en propre à chaque testicule, et qui recouvre le tissu
aréolaire dans l'épaisseur duquel se forment les utricules sper-
matiques. Chez quelques espèces, ils présentent à leur partie
postérieure une portion appendiculaire de couleur grisâtre, qui
est très-vasculaire, mais qui ne joue qu'un rôle très-secon-
daire dans leur constitution, et qui n'est pas le siège d'un tra-
vail spermagène (3).
magène, de même que l'ovaire, paraît (2) Comme exemple des testicules
simple extérieurement, mais M. Hyrtl multilobulés, je citerai ceux de divers
a constaté qu'à l'intérieur elle est Gadoïdes, tels que la petite Morue ou
divisée en deux par une cloison ver- Gadus caUarias (c).
ticale (a). (3) Ainsi, chez quelques Squales,
(1) Chez la plupart des Plagiostomes, l'Emissole par exemple, la partie pos-
les testicules sont petits' comparât!- térieure de chaque testicule est comme
vement à ceux des Poissons osseux. enchâssée dans une substance grisâtre
Cependant chez le Marteau [Saphyrna dont la structure intime n'a été étu-
sijgœna), ils sont énormément déve- diéeque très-superficiellement, et dont
loppés, et occupent toute la longueur les fonctions n'ont été l'objet que de
de la cavité viscérale (6). conjectures très-vagues (d).
(a) Hyril, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, 1. 1, p. 406.)
(b) Bnich, Études sur l'appareil de la génération chea les Sélaciens, 1860, p. 68, pi. 2,
fig. i.
(c) Voy. Railike, Op. cit., t. II, pi. 5, fig. 2.
(dj Mariin Sainl-Ange, Op. cit. {Mém. de VAcad. des sciences, Sav. élrang., t. XIV, p. 134,
pi, 14).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /|7i
Ainsi que je l'ai déjà dit, les testicules des Gyclostomes res-
semblent extrêmement aux ovaires., et consistent, comme ceux-ci,
en une longue bande suspendue à la voûte de la cavité abdomi-
nale par son bord supérieur, fortement, mais très-irrégulière-
ment plissée en travers, et renfermant dans son intérieur une
multitude de petites vésicules complètement closes. Les Sper-
matozoïdes se forment dans l'intérieur de ces capsules comme
les œufs dans les follicules de l'ovaire, et lorsqu'ils sont mis en
liberté par la rupture de ces petites cavités, ils tombent dans la
cavité abdominale, puis s'échappent au dehors par les pores
péritonéaux (1).
11 paraît en être de même chez les Anguilles (2); mais, chez
presque tous les Poissons osseux, ainsi que chez les Plagio-
stomes, l'évacuation des produits spermatiques, au lieu de se
faire par la surface extérieure de la glande, s'effectue dans
l'intérieur de cet organe, qui, à cet effet, est creusé de cavités
en communication avec le dehors. Ces cavités affectent en
général la forme de tubes terminés en cul- de-sac ou élargis
en manière de vésicules à leur extrémité initiale, et s'anasto-
mosant entre eux à leur extrémité opposée, ou débouchant dans
une sorte de carrefour ou de sinus, qui, à son tour, se joint à
ses congénères, et, en se prolongeant postérieurement, prend
peu à peu les caractères d'un canal excréteur (3).
(1) Ces corpuscules séminaux ont ranus chez la Brème (6), mais elle
été très-bien représentés par M. Pa- est en général irès-difBcile à étudier
nizza (a). chez les Poissons osseux, à cause de
(2) Voyez ci- dessus, page ZiZiS. l'extrême délicatesse des parois des
(3) La structure tubulaire du tissu tubes sécréteurs, et delamanièredont
spermagène des testicules des Poissons ils s'entremettent. Chez l'Alose, ils pa-
a été constatée d'abord par G. Trevi- raissent se réunir entre eux noa-seu-
{a)Panizza, Op. cit. {Mem. delV InslUuto Lombardo, 1845, t. II, pi. 14).
(b) G. R. Treviranus, Ueber den innern Bau der Hoden bei den Grâthenfischen (Zeitschr, fur
Physiol., 1826, t. I, p. 10, pi. 3, fig. 5 et G).
ii72 REPRODUCTION.
Canal déferont. Ce coïKluit, cjue l'oD désigfie d'ordinaire sous le nom de canal
déférent, se porte en arrière, en bas et en dedans, se réunit
. presque toujours à son congénère (1), et va déboucher dans les
voies urinaires, ou s'ouvrir directement au dehors, en avant
de l'anus, ainsi que cela se voit chez la Carpe (2). Chez les
lement à la façon des radicules des
glandes ordinaires, qui, par confluence,
forment des canaux excréteurs com-
muns, de plus en plus gros, mais en
constituant des réticulations (a) . Chez
la Carpe, ces anastomoses sont extrê-
mement fréquentes, et il en résulte une
structure spongieuse qui est très-singu-
lière, car les conduits en question sont
aussi très-irréguliers dans leur cali-
bre, et se rendent à des sinus ou cavi-
tés communes, situées vers le centre
des masses testiculaires, et communi-
quant avec le canal évacuateur {b).
Les tubes spermaliques sont tantôt
cylindriques et terminés en cul-de-sac,
comme un doigt de gant (c), d'autres
fois renflés en forme d'ampoules, de
façon à nlTecter une disposition analo-
gue à celle d'une grappe de raisin (d).
Ce dernier mode d'organisation est
très-bien caractérisé chez les Raies,
où les capsules remplies des cellules
ou utricules spermatiques sont globu-
leuses et donnent naissance à un canal
excréteur très-étroit qui ressemble à
un pédoncule. Les Spermatozoïdes se
développent dans l'intérieur des cel-
lules dont il vient d'être question, et,
après en être sortis, deviennent libres
dans l'intérieur de l'ampoule, d'où ils
passent dans les conduits. Pour plus
de détails à ce sujet, je renverrai aux
travaux de Hallmann, de Lallemand et
de MAL Vogt et Pappenheim (e).
(1) Comme exception à cette règle,
je citerai la Blennie gattorugine, chez
laquelle chaque canal efférent débouche
au dehors isolément (/"). Chez les Raies,
les orifices mâles sont très-rapprochés,
mais parfaitement distincts {g).
La jonction des deux canaux défé-
rents en un canal éjaculateur commun
a lieu assez loin de l'orifice génital
chez beaucoup de Poissons osseux (h).
(2) Les testicules de la Carpe sont
constitués par deux sacs lobules irré-
gulièrement, sur la face supérieure de
chacun desquels on voit un'conduit
qui se porte en arrière et se réunit à
(a) Millier, De glamhdiinim secernentiwn structura penitiori, pi. 15, fig. 7.
(b) Vogt et Pappenheim, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 4* série, I. XI, p. 349).
(c) Par exemple, chez le Cobitis fossilis : voy. Leydig, Lehrb. der Histologie, p. 491 , fig. 239 C.
(d) Par exemple, chez la Raie : voy. Millier, Op. cit., pi. 15, fig. 8.
(e) Hallmann, Ueber den Bau des Hodens und die Entwickelung der Samenlhierc der Rochen
(Milller's Archiv fur Anat. und Phtjsiol., 1840, p. 467, pi. 15, fig. l-(î).
— Lallemand, Observations sîi'' le développement des Zoospermes de la Raie [Aun. des sciences
nat., 2" série, 1841, t. XV, p. 237, pi. 10).
— Vogt et Pappenheim, Op. cit. [Ann. des sciences nat., 4» série, t. XII, p. 100).
(f) Hyrll, loc. cit., p. 398, pi. 52, fig. 9.
{g) Par exemple, chez la Raie commune : voy. Vogt et Pappenheim, loc. cit.
— Chez le Squatiaa angélus : voy. Bruch, On. cit., p. 35, pi. 1 , fig. 1 et 2.
(/() Par exemple, chez les Trigles : voy. Carus, Tabul, Anat. compar. illustr., pars v, pi. 5, fig. 4.
— Le Hareng; voy. Brandt et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, t. II, pi. 8, fig. 1.
APPAREIL UE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 473
Poissons osseux, sa structure est en général très-simple, bien
que l'on y remarque souvent un élargissement subterminal
faisant fonction de réservoir, et de petites glandules acces-
soires qui, logées dans l'épaisseur de ses parois, versent dans
sa cavité des liquides destinés à aider au développement ou à
l'emploi du sperme. Mais, chez quelques-uns de ces Animaux,
ainsi que chez les Plagiostomes, l'appareil évaeuateur de la
semence se complique davantage, et peut se composer de plu-
sieurs parties bien distinctes, telles qu'un épididyme, un
réservoir séminal, des glandes accessoires et un appendice
copulateur.
Il est d'abord à noter que parfois le canal déférent prend
la forme d'un tube étroit et s'allonge beaucoup ; au lieu de se
porter en ligne droite vers la région anale, il décrit des ondu-
lations ou des circonvolutions plus ou moins nombreuses, et
souvent il forme ainsi une masse d'apparence glandulaire,
appelée épididyme.
Dans ce corps, le système évaeuateur se complique ; en gé-
néral, le tronc principal du canal déférent s'y divise et s'entor-
tille d'une manière inextricable, et souvent il s'y anastomose
avec des canaux appendiculaires qui sont semblables à lui par,
leur forme et leur contournement. Peu à peu le tronc déférent
se reconstitue et grossit ; ses circonvolutions deviennent moins
nombreuses, et il reprend le caractère d'un tube évaeuateur
ordinaire, en continuant sa route vers l'anus. La Raie est un
son congénère au-dessus de la portion va déboucher au dehors derrière l'anus,
terminale de l'intestin. Le canal excré- entre cet orifice et le méat urinaire,
teur impair et médian ainsi constitué sur les côtés desquels se trouvent les
est très-large et court ; ses parois sont lèvres d'une espèce de cloaque rudi-
garnies de follicules muqueux(«), et il mentaire (6).
(a) Ce sont les paquets formés par ces follicules qui ont été de'crils par Petit comme étant des
vésicules séminales {Histoire de la Carpe, Mém. de l'Acad. des sciences, 1733, p. 209, pi. 7,
lig. 2 et 3).
(b) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 121, pi. 12, fig. 1, 2 et 3.
Réservoir
séminal.
lilli REPRODUCTION.
des Poissons où l'épididynie est le plus développé et où sa
structure a été le mieux étudiée (1).
Les réservoirs séminaux sont pairs ou impairs, suivant qu'ils
résultent d'une dilatation des canaux déférents avant leur jonc-
(1) Les testicules de la Raie com-
mune {a) sont suspendus par un repli
péritonéal à la paroi dorsale de la
cavité abdominale, de chaque côté de
la colonne vertébrale, au-dessus du
foie et des intestins. Ils sont très-aplatis
et réniformes. Cliez les jeunes indi-
vidus, ils sont lisses, et en apparence
homogènes ou simplement granuleux :
mais à l'époque du rut, leur aspect
change beaucoup ; ils se gonflent et
se montrent composés d'une multitude
de grosses vésicules arrondies, séparées
entre elles par des vaisseaux sanguins,
du tissu conjonctif et des prolonge-
ments de la tunique membraneuse
propre de la glande. Ces ampoules (6)
sont pédonculées et composées d'une
lunique membraneuse très-fiue, dont la
surface interne est revêtue d'un tissu
épithélique pavimenteux ; elles sont
remplies de cellules ou utricules sper-
magènes, et elles ressemblent aux
caecums sécréteurs du testicule des
Poissons osseux, qui seraient distendus
en forme de vessie par l'accumulation
des cellules spermagènes dans le fond
de leur cavité, et qui se seraient un peu
rétrécis dans le reste de leur lon-
gueur. Cette portion pédonculaire
constitue le canal évacuateur de cha-
que ampoule et se réunit à ses con-
génères pour former des branches de
plus en plus fortes, mais dont le trajet
est très-difficile à suivre à travers la
substance du testicule. Le conduit ter-
minal auquel ils donnent naissance
résulte de la réunion de deux ou trois
branches principales, et se sépare delà
partie antérieure et dorsale de la glande
pour s'enfoncer aussitôt dans l'épidi-
dyme correspondant (c). Ce dernier
corps a la forme d'une bande blanchâ-
tre ; il est arrondi en avant et s'atténue
en arrière. Antérieurement, il dépasse
notablement le testicule, et se trouve
fixé sur le côté de la colonne verté-
brale par un repli du péritoine ; en
arrière, il s'applique sur le rein cor-
respondant, et se continue jusque dans
le voisinage du rectum. A l'époque du
rut, il est très-difficile d'en débrouiller
la structure^ et quelques anatomistes
avaient cru qu'il recevait directement
du testicule plusieurs canaux sémini-
fères ; mais il résulte des observations
faites par ]\1M. Vogt et Pappenheim,
sur un jeune individu, qu'il naît d'un
canal déférent unique, et que de dis-
tance en distance ce conduit reçoit
(a) Voyez Monro, The Structure and Physiology ofFishes, pi. 11, fig. 1.
— Vogt et Pappenheim, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 4" série, t. XH, pi. 3, fig. 1).
— E. Bruch, Éludes sur l'appareil de la génération chez les Sélaciens, thèse, Strasbourg,
1800, pi. 3, fig. 1.
(&) Monro, Op. cit., pi. 11, fip. X.
— Millier, De glandularum secernentium structura penitiori, 1830, p. 106, pi. 15, fig. 8.
— Lailemand, Op. cit. {Ann. des scienn. nat., 1841, 2e série, t. XV, pi. 10, fig. 2-8).
— Bri*ch, Op. cit., pi. 3, fig. 2-7.
(c) Vogt et Pappenheim, loc. cit., pi. 2, fig. 6.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. /l^S
tion, pour constituer le canal éjaculateur commun (1),ou qu'ils
sont formés par un élargissement de ce dernier conduit (2).
Quelquefois on aperçoit une dilatation analogue dans la portion
subterminale du canal génito-urinaire forme par le prolonge-
ment du col de la vessie au delà de l'embouchure des canaux
déférents dans son intérieur; mais cette ampoule ne pourrait
servir comme un réservoir pour la matière fécondante, et elle
ne semble devoir agir dans l'éjaculation que comme un organe
d'impulsion (3).
La structure de ces portions élargies des voies séminales se
latéralement des tubes épididyrniques
propres qui sont contournés en pa-
quets (a). Ce sont les circonvolutions
multipliées de ces appendices et du
tronc principal qui donnent à l'épidi-
dyme son aspect particulier. Le canal
déférent constitué par le tronc princi-
pal dont je viens de parler, grossit
postérieurement, et, en se dilatant en
manière de sac derrière l'extrémité de
l'espèce de pelote qui forme l'épidi-
dyme, il devient le réservoir séminal.
Celui-ci présente des replis longitudi-
naux de sa tunique interne, et con-
verge vers son congénère pour aller
déboucher à côté de lui, sur la paroi
postérieure du cloaque, au sommet
d'une papille conique.
Chez l'Ange {Squatina vulgaris),
la structure de l'épididyme est plus
simple. En effet, ce corps gland uliforme
ne paraît être formé que par les circon-
volutions d'un seul tube déférent. Mais
les réservoirs séminaux sont beaucoup
plus développés (6).
Chez le Squale émissole, le canal dé-
férent, en pénétrant dans l'épididyme,
se subdivise en plusieurs branches qui
ensuite confluent pour reconstituer un
tube unique (c).
(1) Par exemple, chez le Mullus
barbatus, où chaque canal déférent se
renfle postérieurement {cl}, et chez le
Brochet, où ces tubes se renflent de
manière à devenir fusiformes près
de leur terminaison (e).
(2) Ainsi, chez le Cobitis fossilis,
les canaux déférents se terminent iso-
lément dans une vésicule séminale
piriforme impaire (/").
(3) Ainsi, chez l'Aulopyge hagelu,
poisson de la famille des Cyprins ,
le canal déférent débouche dans le col
de la vessie, et le canal génito-uri-
naire présente près de son extrémité
une petite dilatation ampuliforme {g).
(a) Vogt et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., 4° série, 1859, t. XII, pi. 2, fig. 7).
(fe) Bruch, Op. cit.,'ç. 31, pi. 1, fig. 1; pi. 2, fig. 1.
(c) Martin Saint-Ang-e, Op. cit., p. 136, pi. lA.
(d) Voyez Hyrll, Op. cit. (Mém. de l'Acad. de Vienne, t. I, pi. 52, fig. 11).
(e) Voyez LerebouUet, Rech. sur l'anat. des organes génitaux des Animaux vertébrés {Nova
Acta Acad. nat. curies., t. XXIII, p. 83, pi. 30, fig. 202).
if) Hyrtl, loc. cit., pi. 52, fig. 10.
(g) Hyrll, loc. cit., p. 395, pi. 52, fig. 6.
accessoires
476 REPRODUCTION.
Glandes coinpliquc, cliGz fiuelques Poissons osseux. Des cryptes ou des
xessùires. ' «^ '
giandulcs se développent dans l'épaisseur de leurs parois, ainsi
que cela se voit chez la Carpe (1) ; mais c'est chez certains
Plagiostomes que les réservoirs séminaux atteignent leur plus
haut degré de développement. Ainsi, chez les Squales, la
partie subterminale de chacun des canaux déférents s'élargit
en un réservoir piriforme, dont l'intérieur est divisé en une
multitude de troncs ou loges par des diaphragmes transver-
saux perforés au centre (2).
D'autres l'ois, la portion subterminale de l'appareil évacua-
teur de la semence se complique par l'adjonction d'appendices
tubulaires ou de sacs membraneux, qui sont tout à la fois des
organes sécréteurs et des réservoirs pour la semence. Ainsi,
(1) Chez le Brocliet, la structure ne se réunissent pas et forment cha-
des réceptacles constitués par le ren- cun un grand réservoir séminal, des
flement des canaux déférents est iden- tubes sécréteurs assez complexes
tiquement la même que celle des pa- viennent déboucher dans le col de
rois de ces tubes, dont la surface ces vésicules, et constituent des glan-
intérieure est réticulée (a). Chez la des accessoires que l'on désigne quel-
Carpe, leurs parois sont plus glandu- quefois sous le nom d'appendices
laires ; on y remarque une multitude prostatiques (c).
de petits orifices qui conduisent dans Je crois devoir considérer comme
des follicules ou cryptes de la tunique des glandes accessoires, plutôt que
muqueuse, et livrent passage aux comme de simples réservoirs semi-
liquides sécrétés dans ces cavités; naux, les grandes poches qui garnissent
une disposition analogue existe dans latéralement la portion subterminale
la portion précédente du canal éva- de l'appareil mâle chez le Gobius
cuateur du sperme , mais elle est jozzo (d).
moins prononcée (b). (2) Ce mode d'organisation a été
Chez la Baveuse à bande {Blennius très-bien représenté par plusieurs ana-
gattorugine), où les canaux déférents tomistes (e).
(a) Lereboullet, Op. cit., p. 83, pi. 8, lig. 99 {Nova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII).
(6) Martin Saint-Ange. Op. cit. {Mém. de l'Acad. des scienc.,Sav. éti'.,t. XIV, p. 124, pi. 2, fig. i],
(c) Hyrll- Op. cU., pi. 52. fig. 9.
(d) Idem, loc. cit., pi. 52, fig. 7.
(e) Par exemple, chez la Sélache {Squalits inaximus) : voy. Carus etOtlo, Tabid. Aiiat. compar.
illuslr., pars y, pi. 5, fig. 8.
— Chez rÉmisole : voy. M. Martin Saiui-Aiige, Up. cit. {Mém. de l'Acad. des sciences, Sav.
étrang.,l.Xl\).
APPARKIL DE LA (JÉNÉIUÏION UKS l'OISSONS. 477
chez les Squales, il existe à l'origine du canal génito-urinaire
commun une paire de sacs membraneux très-grands et allongés,
qui, à l'époque du rut, contiennent du sperme mclo à une sub-
stance jaunâtre formée par leurs parois (1). Un mode d'orga-
nisation analogue se retrouve chez quelques Poissons osseux.
Dans certains cas, l'appareil urinaire semble être mis à con-
tribution, non-seulement pour compléter les voies affectées à
l'évacuation de la semence, mais aussi pour fournir à ce pro-
duit les liquides nécessaires à sa dilution. En effet, chez le
Squale émissole, l'uretère envoie plusieurs branches dans le
canal déférent, et, à l'époque du rut, on trouve les Spermato-
zoïdes mêlés à de l'urine dans les vésicules séminales où le
sperme s'emmagasine (2).
(1) Ces réceptacles cloisonnés for-
més par le canal déférent, et ces vési-
cules accessoires, ont été très-bien
représentés chez le Squale aiguillât ou
Acanthias, par Treviranus (a).
(2) Chez le Squale émissole, où
es testicules de forme subcylindrique
sont placés symétriquement à la partie
antérieure et supérieure de la cavité
abdominale , et sont encapuchonnés
postérieurement dans une gaîne de
substance grise; le canal évacuateur
ésultant de l'anastomose de tous les
canaux séminifères longe le bord in-
terne de la glande, et, après s'en être
séparé, se subdivise en trois ou quatre
canaux qui bientôt se contournent et
s'enroulent sur eux-mêmes d'une ma-
nière inextricable, pour former un
épididyme allongé et claviforme. Ces
divisions du canal déférent ne tardent
pas à se réunir en un ti'onc unique,
qui continue à se pelotonner sur lui-
même, et se détache enfin de l'extré-
mité postérieure et amincie de l'épidi-
dyme. Il s'élargit ensuite pour consti-
tuer le réservoir séminal, et celui-ci
va déboucher dans le canal génito-
urinaire médian, au-dessus des orifices
des uretères. Ainsi que j'ai déjà eu
l'occasion de le dire, plusieurs petits
conduits urinaires pénètrent dans
l'épididyme et y débouchent dans le
canal déférent (6). Le réservoir sémi-
nal qui termine chaque canal déférent
a la forme d'un grand sac cylindrique
ou plutôt fusiforme ; il est divisé in-
térieurement en un grand nombre de
loges par des diaphragmes membraneux
transversaux dont le centre est percé
d'un trou, et ses parois sont garnies de
fibres musculaires aussi bien que d'une
membrane élastique. Une des grandes
vésicules accessoires se trouve appli-
(tt) G. R. Treviranus, BeUrdge zur nâhern Keniilniss der Zeiujunçjstheile und dcv Fortp/lan-
zung der Fische (Zeitschr. fur Physiologie, 1826, t. I, p. J, pi. 2, fig. 1 et 2).
(6) Voyez tome VII, p. 333.
478 REPRODUCTION.
Mode § 5. — Ainsi que nous l'avons déjà vu, la fécondation des
fécondation, Œufs clicz Ics Poissous s'opèfo en général après la ponte, et il
n'y a entre ces Animaux aucun rapprochement sexuel com-
plétai). Mais, chez quelques Poissons osseux et chez tous les
Plagiostomes, la liqueur séminale du mâle pénètre dans l'in-
térieur de l'appareil femelle pour y vivifier les œufs. En
général, ce phénomène paraît résulter de la juxtaposition des
orifices sexuels plutôt que de l'introduction d'un appendice
copulateur du mâle dans les voies génitales de la femelle ("2).
Cependant, chez les Plagiostomes ainsi que chez les Chimères,
il existe à la partie postérieure du cloaque une papille conique
qui paraît rempHr les fonctions d'un pénis (3), et le rappro-
chement sexuel est facilité par l'action d'organes préhenseurs
dont la structure est très-complexe.
Ces appendices n'existent que chez le mâle, mais ils n'ont
aucune connexion directe avec les voies génitales; ils sont situés
de chaque côté de la base de la queue, un peu en arrière du
quée contre la face interne de chacun vives et peu profondes, puis le mâle
de ses réservoirs, et va s'ouvrir aussi les arrose à plusieurs reprises. Le
dans le bout antérieur du canal mode de fécondation des œufs est à
génito-urinaire. Enfin, ce dernier canal peu près le même pour le Saumon et
va déboucher à la partie postérieure pour beaucoup d'autres Poissons,
du cloaque (a). (2) Il paraît que les Anguilles se rap-
(1) Ainsi, chez les Épinoches, la prêchent de la sorte, et que le mâle
fécondation des œufs a lieu après la arrose de sa semence les œufs à me-
ponte. La femelle les dépose dans sure qu'ils sont pondus par la fê-
le nid préparé par le mâle, puis en sort melle (c).
pour faire place à celui-ci, qui vient (3) Chez le Squale pèlerin, ou Seu-
les aiToser de son sperme (6). La clie maxima, cet appendice conique
Truite dépose ses œufs sur le gravier présente des dimensions considérables,
ou entre des pierres, dans les eaux et constitue une véritable verge {d).
(a) Martin Saint-Ange, Op. cit. [Mêm. de l'Acad. des sciences , Sav. étrang., t. XIV, p. 134,
pi. 14).
(6i Goste, Nidification des Epinoches {Mém. de l'Acad. des sciences, Sav. étrang., t. X,
p. 580).
(c) Valenciennes, art. Anguille du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, t. I, p. 504.
{d} Blain\ille, Mém. sur le Squale pèlerin (Ann. du Muséum, 1811, t. XVIII, p. 184).
, APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES POISSONS. 479
cloaque, et ressemblent à une paire de grandes tenailles. Ils
sont pourvus d'une charpente cartilagineuse composée de plu-
sieurs pièces articulées enire elles, de muscles particuliers et
d'une glande volumineuse. Leur structure a été étudiée avec
beaucoup de soin par les anatomisles, mais nous ne savons que
peu de chose sur leur histoire physiologique (1).
Quelques Poissons de l'ordre des Lophobranches présentent Poche
dans leur mode de reproduction une particularité fort remar- <)<=«
' Lophobranclies
quable. Les œufs se développent dans une poche incubatrice mâies.
spéciale, et ce réservoir, au lieu d'appartenir à la femelle,
comme d'ordinaire dans des circonstances analogues, fait par-
tie de l'organisme du mâle. Elle est située derrière l'anus, sous
la queue, et l'on n'en trouve aucune trace chez la femelle. Chez
les Syngnathes, une longue fente médiane conduit dans ce
réceptacle, dont l'intérieur est divisé en un grand nombre de
loges destinées à loger chacune un œuf qui y reste pendant
toute la durée de l'évolution de l'embryon. Chez les Hippo-
campes, cette chambre incubatrice prend la forme d'un sac à
oritlce étroit, et, chez les Scyphies, elle est remplacée par un
espace ouvert où les œufs sont simplement accolés. On ne sait
(1) La charpente solide de ces ap- particulière qui se trouve logée dans
pendices copulateurs est en relation chacun de ces appendices se compose
avec le bassin et avec la nageoire ven- de tubes sécréteurs qui débouchent
traie ; elle présente une structure très- dans un sac dont les parois sont mus-
complexe, et se compose d'un nombre culaires, et dont l'ouverture commu-
considérable de pièces, à plusieurs nique avec une gouttière pratiquée
desquelles quelques anatomistes ont dans la partie adjacente de l'appendice,
appliqué les noms de fémur, de et dilatable par l'action de muscles
iz'ôm, etc., comme si elles étaient réel- spéciaux. Pour plus de détails à ce
lement les analogues des os des mem- sujet , je renverrai aux descriptions
bres, mais ils ne paraissent avoir rien données par Duvernoy (a), et par
de commun avec ceux-ci. La glande MM. Vogt et Pappenheim (6).
(a) Cuvier, Anatomie comparée, 2» édit., t. VIII, p, 305 et suiv.
(b) Vogt et Pappenheim, Op. cit. (Ann. des sciences nat., i' série, t. XII, p. 114, pi, 3,
fig. 6 et 7).
480 REPRODUCTION.
pas comment les œufs pondus par la femelle passent dans l'ap-
pareil incubateur du mâle (1).
Époque du nai. La reproduction des Poissons n'a lieu qu'une fois par an, à
des époques qui varient beaucoup, non-seulement suivant les
espèces, mais aussi suivant l'âge des individus et la tempéra-
ture des eaux dans lesquelles ces Animaux habitent. La Carpe
et la Tanche, par exemple, fraient vers le milieu du printemps,
tandis que la Truite ne dépose ses œufs qu'au commencement
de l'hiver (2). Pour le Brochet, la saison de la ponte dure
(1) Les naturalistes connaissent de- alvéoles des Abeilles, qui sont disposés
puis fort longtemps le fait de l'incu- d'une manière alterne sur huit rangées
bation des œufs de l'Hippocampe et longitudinales' de 30 à kO chacune,
des Syngnathes dans rme poche sous- Quelques auteurs pensent que cet ap-
caudale , mais jusqu'à ces derniers pareil ne se développe que dans la
temps on attribuait ce réceptacle à la saison du frai ; mais il paraît exister
femelle. En 1831, M. Eckstroem an- chez tous les individus mâles. Les pe-
nonça que la poche en question appar- tits y restent jusqu'à ce que leur
tient au mâle {a), et ses observations, vésicule viteUine ait été complètement
après avoir été l'objet de beaucoup de résorbée.
discussions (6), ont été pleinement con- Chez les Hippocampes (rf) , cette
firmées par MM. Vogt et Pappenheim. chambre incubatrice, au lieu d'être une
Chez les Syngnathes (c), l'entrée de simple fosse fermée en dessous, par le
la chambre incubatrice consiste en une rapprochement de deux lèvres ou replis
longue fente médiane limitée latéra- cutanés, est un grand sac dont les
lement par deux lèvres formées cha- parois sont creusées de locules dispo-
cune par un repli delà peau. La voûte sées en quinconce, et servent à loger
et les côtés du réceptacle sont subdi- les œufs.
visés en loges assez semblables aux (2) Dans les régions hautes des
(a) Eclcstroem, Fiskarne i Môrkô Skârgard (Veenskaps Acad. Handlinger, 1831, p. 70, pi. 2).
(b) Retzius, Anat. UiUerstich. einiger Theile von Syngnathus acus und S. Ophidion (Isis 1835*
p. 396). > . .
— Rathke, Fauna der Krym, 1836, p. 23. — Zur Anatomle der Fische (Miiller's Archiv
fur Anat. und Physiol., 1836, p. 181).
— Yarrell, Remarks on some species of the geniis Syngnathus {Ann. ofNat. Ilist., 1839 i in
p. 81). ' ■ '
— Krohn, Ueber das Brûtorgan der Gattung Hippocampus (.4j'cftw fur Naturgeschichte, 1840
t. I, p. 16). '
— Siebold, Ueber die Geschlechtswerkzeuge von Syngnathus und Hippocampus [Archiv fur
Naturgeschichte, 18i^, p, 282).
(c) Carus et Otto, Tabul. Anat. compar. illustr., pars v, pi. 5, fig. G.
— Vogt et Pappenheim, Op. cit. {A7m. des sciences nat., i' série, t. XI, p. 3G3. et t. XII
pi. 2, fig. 1 et 2). .Il,,
(d) Vogt et Pappenheim, loc. cit., i. XII, pi. 2, fig. 3 et 4.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. /j81
depuis la fin de février jusqu'en avril, et ce sont les jeunes
femelles qui commencent; les vieilles pondent les dernières.
§ 6. — Dans la classe des Batraciens, les organes de la re-
production ressemblent beaucoup à ceux des Poissons de la
division des Plagiostomes, mais n'atteignent jamais le haut de-
gré de complication que nous venons de constater chez quelques-
uns de ces Animaux. Les caractères généraux de leur mode
de conformation ont été bien indiqués par Swammerdam et
Rœsel (1); plus récemment ils ont été l'objet de recherches
anatomiques nombreuses (2), et leur histoire physiologique
présente plusieurs points intéressants à étudier.
Organes
de
la génération
des
Batraciens,
Pyrénées, près de Luchon, la Truite
commence à frayer en septembre ;
mais aux environs de Saint-Béat, où
l'été se prolonge davantage, elle ne
fraie qu'en octobre on au commence-
ment de novembre, et à Toulouse la
ponte n'arrive qu'environ un mois plus
tard (a).
(1) Les recherches de Swammerdam,
qui datent du xvii^ siècle, eurent pour
objet la Grenouille; celles de Rœsel
portèrent sur les Batraciens urodèles,
aussi bien que sur les Anoures, mais
ftu'ent plus superficielles (6).
(2) On doit consulter à ce sujet les
observations de Cuvier, de Rathke,
de MM. Prévost et Dumas, et de
M. Mayer, qui parurent dans le pre-
mier tiers du siècle actuel (c) ; mais
pour de bonnes figures à l'appui des
descriptions, je citerai principalement
les recherches plus récentes de M. Le-
reboullet sur la Grenouille, de M. Mar-
tin Saint- Ange sur le Triton, et de
M. Leydig sur le Protée, la Salaman-
dre, le Bombinator, etc. (d). J'ai mis
également à contribution un travail
inédit de MM. Vogt et Pappenheim,
qui se trouve déposé dans les archives
de l'Académie des sciences (e).
{a) Baudrillart, Traité général des eaux, forêts, chasses et pêches, t. IV, p. 553.
(6) Swammerdam, Biblla Natitrœ, t. II, p, Idi, pi. 47.
— Rœsel, Historia 7iatiu^alis Ranarum, 1758.
(c) Cuvier, Leçons d'anatomie comparée.
— Ralhke, Beitrâge zur Geschichte der Thiere, 1820, t. I.
— Prévost et Dumas, Sur la génération {Ann. des sciences nat., 1824, i. I, p. 278).
— Mayer, Analekten filr vergl. Anatomie, 1835 {Notes sur les organes génitaux des Meno-
branchus et du Mcnopoma).
{d) LercbouUcl, Recherches sur V anatomie des organes génitaux des Animaux vertébrés (Nova
Acta Acad. nat. curios., t. XXIII).
— Bidde, Vergleich. anat. und histol. Untersuch. ûber diemànnlich. Geschlechts- und Harn-
werkzeuge der nacklen Amphibien, 1848.
— Martin Saint-Ange, Etude de l'appareil reproducteur (Mém. de l'Acad. des sciences, Savants
étrangers, t. XIV).
— Leydig, Anatomisch-histologische U7itersuchungen ilber Fische und Reptilien, 1853.
(e) Ce travail fait partie du mémoire dont le chapitre sur l'appareil reproducteur des Poissons a
été publié dans les Annales des sciences naturelles, et se trouve cité ci-dessus.
/l82 REPRODUCTION.
Ovaires. Lgs ovalres sont toujours pairs et suspendus à la paroi dor-
sale de la cavité abdominale, de chaque côté de l'intestin, par
un repli du péritoine. Ils ne sont jamais en communication
directe avec l'extérieur, comme chez la plupart des Poissons
osseux, et leurs produits sont toujours évacués au dehors par
des oviductes spéciaux qui sont indépendants de ces glandes.
Mais ces ovaires sont creux , et les œufs , au lieu de se
détacher de leur surface extérieure, comme chez les Plagio-
stomes, tombent d'abord dans leur cavité, pour passer ensuite
dans la chambre abdominale ou directement dans les oviductes,
par suite de la rupture ou la résorption d'une portion de leurs
parois (1). Leur forme générale varie avec celle du corps de
l'Animal : ainsi, ils sont tantôt très-allongés et presque cylin-
driques, d'autres fois trapus et froncés. La cavité de ces grands
sacs ovariens est simple chez les Urodèles (2), mais elle est
subdivisée en plusieurs loges par des cloisons membraneuses
chez les Anoures (3).
(1) Quelques auteurs ont décrit ces pariétale de stroma (6). Les œufs sont
ovaires comme ayant, à leur partie an- d'abord incolores , mais deviennent
térieure, des orifices préexistants (a) ; d'un brun jaune clair, par suite du
mais aujourd'hui les anatomistes sont développement des corpuscules vitel-
d'accord pour reconnaître que ces or- lins dans leur intérieur.
ganes sont d'abord des sacs complète- (3) Les ovaires de la Grenouille
ment fermés et qu'ils se vident à l'é- consistent en une paire de grosses
poque du frai, par suite de la rupture masses lobées, séparées entre elles par
de leurs parois. le canal digestif, et suspendues symé-
(2) Chez le Triton à crête, les ovaires triquement de. chaque côté de la co-
se composent chacun d'un grand sac lonne vertébrale à l'aide d'un repli du
imparfaitement divisé en trois lobes, péritoine, qui les renferme entre ses
dans l'intérieur desquels les œufs mûrs feuillets et qui ressemble à un mésen-
sont suspendus en grappes, tandis tère. Chacun de ces organes (c) porte
que les autres sont plus ou moins à son extrémité antérieure un certain
complètement empâtés dans la couche nombre d'appendices de tissu grais-
(a) Siannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1849, t. II, p. 235,
(b) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 109, pi. 11, fig. i.
(C) Picesel, Historia naturalis Ranarum, pi. 8.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. 483
Les œufs, après leur sortie de l'ovaire, ne pénètrent pas
toujours direetement dans les trompes ; parfois ils errent pen-
seux (a), et se compose de plusieurs
sacs ovulaires indépendants les uns
des autres, disposés transversalement,
élargis du côté externe, où ils sont li-
bres, et rétrécis du côté interne, où ils
convergent vers leur point d'attache
commun. Une couche mince de tissu
proligère contenant xm lacis de vais-
seaux sanguins est appliquée à la lace
interne de cette tunique péritonéale, et
recèle dans sa substance un nombre
incalculable d'œufs à divers degrés de
développement. L'aspect de l'ovaire
varie beaucoup, suivant l'état de dé-
veloppement plus ou moins avancé
des ovules. Ceux-ci sont d'abord com-
plètement empâtés dans le stroma
commun ; mais, à mesure qu'ils gran-
dissent, ils font saillie à la surface in-
terne du sac ovarien, en poussant de-
vant eux une couche mince du tissu
adjacent, ainsi que les vaisseaux san-
guins circonvoisins (6). L'espèce d'am-
poule formée de la sorte constitue pour
chaque œuf une capsule particulière
qui adhère d'abord aux parties sous-
jacentes par une large base; mais à me-
sure que l'œuf grossit et devient de plus
en plus saillant, cette base se rétrécit
et ne tarde pas à devenir un pédon-
cule étroit (c). L'œuf, encore renfermé
dans sa capsule, est alors suspendu
comme un grain de raisin dans l'inté-
rieur de la cavité de l'ovaire, et lors-
que cette capsule, où il est complète-
ment libre, vient à se rompre, comme
cela a toujours lieu à une certaine
période du travail génésique, il tombe
dans l'intérieur du sac ovarien corres-
pondant. Chacun de ces grands sacs
se remplit ainsi d'un grand nombre
d'œufs ovariens mûrs, tandis qu'une
autre série d'ovules plus jeunes se dé-
veloppe dans l'épaisseur de ses parois.
Enfin, le sac ovarien lui-même, dis-
tendu de plus en plus par cette accu-
mulation d'œufs libres dans sa cavité,
s'ouvre par suite de la rupture ou de
la résorption d'une partie de ses parois,
et laisse échapper tous ces corps re-
producteurs, qui passent dans la se-
conde partie de l'appareil de la géné-
ration, c'est-à-dire dans les oviductes.
Lorsque l'œuf commence à se déve-
lopper dans l'épaisseur du stroma, il
est très-petit et complètement trans-
parent. On y distingue une membrane
vitelline, un vitellus incolore et homo-
gène, une vésicule de Purkinje sphéri-
que, et dans l'intérieur de celle-ci, des
corpuscules qui représentent la tache
de Wagner et qui paraissent être des
cellules. Le tissu ovarien circonvoisin
est lâche et ne constitue pas encore
une capsule, mais il devient plus tard
le siège d'une sorte d'hypertrophie ;
(a) Chez le Pipa, ees appendices graisseux sont développés d'une manière très-remarquable :
wy. Mayer, Beitr. zu einer anatomischen Monographie der Rana pipa {Nova Acta Acad. nat
curios., 1825, t. XIl, pi. 49 A).
(6) Voyez Lereboullei, Recherches sur l'analomie des organes génitaux, pi. i, Rg. 54.
(c) Idem, ibid., pi. -4, fig. 55.
— Idem, ibid., pi. 4, %. 52-55.
— Prévost et Dumas, Deuxième mémoire sur la génération {Ann. des sciences nat 1824
1,11, p. 100, pi, 6, tig. I).
— Lerebuullet, Op. cit., pi. i, fig-. 52. ,
llSd BEPRODUCTION.
dant quelque temps dans la cavité abdominale, entre les vis-
cères, avant de s'engager dans ces conduits (1).
oviductes. Les oviductes sont des tubes très-longs et intestiniformes, qui,
suspendus à une sorte de mésentère, décrivent une multitude
de circonvolutions, et s'étendent de chaque côté de l'abdomen,
depuis le voisinage du cœur jusqu'au cloaque (2). A leur extré-
mité antérieure, ils ne sont pas réunis entre eux, comme chez
les Poissons plagiostomes, et se terminent chacun par une espèce
d'entonnoir membraneux ; mais cet orifice est peu mobile et
n'est pas susceptible de s'appliquer sur l'ovaire. Les parois de
l'oviducte sont épaisses et garnies de fibres musculaires, ainsi
que d'une multitude de follicules ou glandules destinées à sécré-
ter des matières albuminoïdes dont les œufs s'entourent pen-
des fibres nouvelles s'y développent,
ses vaisseaux sanguins se multiplient,
et il constitue une sorte de kyste dont
la face interne se garnit d'une couche
de tissu épithélique analogue à celui
que nous avons vu former le cliorion,
ou coque de l'œuf, chez les Poissons
osseux. Mais ici^ ce revêtement cel-
lulaire n'a qu'une existence transitoire,
et MM, Vogt et Pappenheim ont con-
staté qu'après avoir acquis une épais-
seur assez grande, il disparaît, ou se
transforme en une membrane homo-
gène et transparente. Le vitellus subit
en même temps des changements con-
sidérables ; il grossit, et l'on y voit ap-
paraître un grand nombre de granules
opaques qui semblent animés d'un
mouvement brownien, et qui, d'abord
arrondis, se transforment plus tcTi'd
en petites plaquettes irrégulières. Un
dépôt de pigment noir et granuleux
se montre aussi à la surface de la
sphère vitelline, mais ne l'envahit pas
en entier, de sorte que l'œuf reste d'un
gris sale d'un côté, tandis que du côté
opposé il devient noirâtre.
(1) Ainsi, chez les Tritons, à l'épo-
que du frai, on trouve souvent des
œufs libres dans la cavité viscérale,
tantôt entre l'ovaire et les intestins,
tantôt entre les circonvolutions des
oviductes, ou même entre les poumons
et les parois abdominales (a).
(2) Chez les Protées, les oviductes
commencent plus en arrière , vers le
niveau du milieu de l'estomac, et se
portent en ligne droite vers le cloa-
que (6). Il en est à peu près de même
chez la Sirène lacertine (c).
(a) Marlin Saint-Ange, Op. cit. {Mém. de l'Acad. des sciences, Savants étrangers, t. XIV,
p. 113).
(6) Configliachi, Del Prolco anguineo de Laurenti. Pavia, 1819.
(c) Vaillant, Mém. pour servir à l'histoire anatomique de la Sirène lacertine {Ann. des sciences
nat., 4« i^éric, 18G3, t. XIX, p. 343, pi. 8, fig. 1).
APPAREIL DE LA Gl^NÉRATlON DES BATRACIENS. /|.85
(lant leur passage vers l'extérieur. Chez la plupart des Urodèles,
ces tubes ont à peu près le même diamètre dans toute leur
longueur (1); mais chez les Grenouilles et les autres Anoures,
ils se dilatent beaucoup dans leur portion subterminale, et y
constituent, de chaque côté de l'abdomen, un grand réservoir où
les œufs s'amassent et séjournent pendant un certain temps (2).
Entin, ces conduits pénètrent dans le cloaque et y débouchent
(1) Par exemple, chez les Sala-
mandres (a) et le Menobranchus late-
ralis (6).
(2) Chez la Orenouille, les oviduc-
les (c) se composent de trois portions
bien distinctes. Chacun d'eux com-
mence sur les côtés du cœur, par un
orifice circulaire situé à une assez
grande distance de son congénère, et
rattaché au foie par une bride périto-
néale; il se porte ensuite directement
en arrière, et ses parois, très-minces
et gai'nies d'un épithélium vibratile,
présentent intérieurement des replis
longitudinaux. La portion suivante est
très-longue {d) et se contourne sur elle-
même. Ses parois sont épaisses, élas-
tiques et d'un blanc de lait ; au contact
de l'eau, elles se gonflent beaucoup,
se brisent et laissent échapper une ma-
tière gélatineuse. Sa tunique interne
ou muqueuse présente une surface ré-
ticulée et loge ime multitude de glan-
dules tubulaires groupées radiairement;
un bourrelet composé d'un nombre
considérable de papilles forme une
sorte de valvule à l'embouchure de
cette portion intestiniforme de l'ovi-
ducte dans le réceptacle constitué par
la troisième partie de ce conduit. Ce
sac, que l'on désigne souvent sous le
nom d'utérus, est très-grand et ova-
laire ; il adhère à son congénère, à
côté duquel il est situé au-dessus du
rectum. Ses parois sont plissées, très-
extensibles et fort minces, mais elles
renferment cependant des glandules,
ainsi que des fibres musculaires situées
entre la tunique muqueuse et la tuni-
que péritonéale. Postérieurement, ce
réservoir incubateur se rétrécit et va
déboucher dans le cloaque ou portion
terminale de l'intestin, où s'ouvrent
aussi les uretères et la vessie urinaire.
Chez les Crapauds calamités, la
portion inférieure de l'oviducte est
cylindrique, grosse et très-allongée (e).
MM. Vogt et Pappenheim ont con-
staté que chez le Crapaud accoucheur,
les deux sacs incubateurs communi-
quent entre eux par une ouverture
pratiquée dans la partie, postérieure de
(a) Voyez Carus et Oito, Tabul. Anat. compar. illustr., pars v, pi, 6, flg-. d .
(6) Voyez Rathke, Op. cit., t. I, pi. 2, fig. i.
— Dellu Chiaje, Disserta%ioni sulVanatomia umana, comparata e pathologica, t. I, pi. H,
flg. 1 .
(c) Voyez Rœsel, Hist. nalur. Ranarum, pi. 8.
— Lereboullet, Heclierches sur Vanatomie des organes génilaux des Animaux vertébrés
(Nova Acta Acad. nat, curios., t. XXIII, pi. l-i, fig-, 13G, etc.).
(d) Swammcrdam, liiblia Nalurœ, t. II, pi. 47, lig-, 5.
(e) Rœsel, Hisl. natur. Ranarum, pi. 21, fig. 24.
vni.
33
/l86
REPRODUCTION.
Œufs.
au sommet d'une paire de papilles saillantes situées sur la paroi
dorsale de ce vestibule commun.
Les œufs sont très-nombreux (!), et en général ils sont
agglutinés au moyen d'une matière glaireuse. Ainsi, chez les
Grenouilles ils sont réunis en masses informes (2), et chez les
Crapauds ils sont disposés en chapelet ou forment de longs
cordons cyhndriques (3). Chez les Tritons, ils sont pondus
isolément et fixés aux feuilles des plantes aquatiques, telles que
]e Polygonum persicaria, à l'aide du mucus qui les entoure (û^).
Presque toujours le vitellus est noirâtre (5).
la cloison médiane formée par la sou-
dure de lem's parois internes.
Chez le Ménopome, la portion sub-
terminale de Toviducte s'élargit aussi
en manière de réservoir, mais beau-
coup moins que chez les Anoures (a).
Il existe également un utérus de ce
genre chez les Salamandres terres-
tres (6), tandis que chez les Tritons,
l'oviducte est cyUndrique dans toute
sa longueur et ne se dilate pas de la
sorte vers le bout (c).
L'appareil génital femelle du Lepi-
dosiren [d) ressemble à celui des Ba-
traciens pérennibranches plus qu'à
celui des Poissons plagiostomes. Les
ovaires sont très-allongés; chaque
oviducte se termine antérieurement
par une ouverture particulière en
forme de fente. Postérieurement, ces
deux conduits se réunissent en un
canal médian assez large, mais très-
court, qui débouche à la partie posté-
rieure du cloaque. A leur surface
interne, ces tubes présentent des plis
lamelleux, mais on n'y voit pas d'or-
gane sécréteur particulier.
(1) Swaramerdam a compté plus de
llUO œufs dans les ovaires d'une Gre-
nouille, et Spallanzani en a trouvé
plus encore chez un Crapaud : une
seule ponte lui en donna jusqu'à 1200.
(2) Chez les Rainettes, les œufs sont
groupés de la même manière.
(3) Chez le Crapaud brun, les œufs
sont réunis en un seul conduit cylin-
drique très-gros (e) ; mais chez le Cra-
paud commun, ils forment deux cylin-
dres grêles (/■).
(li) Ce pigment noir manque dans les
œufs de l'Aly te, ou Crapaud accoucheur,
et du breviceps, ou Crapaud bossu.
(5) La femelle plie ces feuilles en
deux pour y loger ses œufs (g).
{a) Mayer, Analeklen fur ver gl. Anatomie, t. I, p. 72.
(6) Sa longueur est d'environ dix fois celle du corps de l'Animal.
(c) Voyez Ralhke, Op. cit., t. I, pi. i, fig. 1.
— Funk, De Salamandrœ terrestris tractatus, 1827, pi. 3, fig-. 10.
— Martin Sainl-Ange, Op. cil., pi. tO, fig. \.
(d) Owen, Description of the Lepidosiren annectens (Trans. of the Linn. Soc, t. XVIII,
tp. 349, pi. 17, fig. 7).
(e) Rœscl, Historia naturalis Ranarum, pi. 17, fig. 1 et 2.
f) idem, ibid., pi. 20, fig. 2.
Ig) Rusconi, ,4 ?noît, s des Salamandres, p. 19 etsuiv., pi. 2, fig. 2, et pi. 3.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATIIACIENS. /l87
§ 7. — L'appareil mâle des Batraciens présente plusieurs
particularités. En général, les testicules sont simples, c'est-
à-dire ne forment chacun qu'une seule masse (1); mais chez
les Tritons et les Salamandres, chacun de ces organes est en
général divisé en deux ou plusieurs portions situées à la file
l'une derrière l'autre (2), et offrant des apparences assez va-
riées, suivant le degré de développement des produits séminaux
contenus dans leur intérieur (o).
Apriari;il
iiiàle.
(1) Ainsi, chez la Grenouille, les
testicules ont la forme de deux corps
ovoïdes un peu comprimés latérale-
ment, d'apparence lactée on grisâ-
tre (a), qui portent à leur extrémité
antérieure un groupe d'appendices
graisseux, digités et de couleur jaune-
orange (6), dont le volume est con-
sidérable en automne ainsi qu'au
printemps, et paraît être en rapport
avec l'alimentation de l'Animal plutôt
qu'avec l'activité reproductrice (c). Le
volume des testicules varie suivant les
saisons, et, à l'époque du rut^ est sou-
vent trois fois plus grand après l'ac-
couplement. La tunique albuginée qui
les enveloppe est mince et donne nais-
sance à des prolongements cloison-
naires qui s'enfoncent plus ou moins
profondément dans la substance de la
glande. Les vaisseaux sanguins qui
pénèti'ent dans ces organes par leur
côté dorsal et interne forment à leur
surface un réseau à mailles pentago-
nales qui logent les extrémités des
tubes séminifères.
(2) On a depuis longtemps remar-
qué les différences qui existent sou-
vent entre les divers lobes du testicule
chez le même Animal, tant sous le
rapport de la couleur que du volume
et de la forme (d). La cause de ces
différences, constatée par Duvernoy,
indique uneindépendance assez grande
dans les fonctions des différents lobes
de l'organe spermatogène (e).
(3) Chez le Triton tœniatus, le
testicule n'est pas subdivisé (/) ; mais
chez le Triton igneus, il se com-
pose de deux portions bien distinctes,
et chez le T. niger, ainsi que chez
le T. cristatus, on y compte d'or-
dinaire trois et quelquefois même
quatre parties. Chez la Salamandre
commune, cette glande est toujours
divisée en deux portions séparées par
un étranglement et subdivisées cha-
cune en lobules.
(a) Quelquefois le péritoine qui les recouvre leur donne une teinto noirâtre,
(b) Voyez Prévost et Dumas, Op. cit. {Ann. des sciences nat., 1824, t. I, pi. 20, fig. i et 2).
— Lereboullet, Op. cit., pi. 7, ûg. 85.
(c) Rallike, De Salamandrarum corporiius adiposis. Berolini, 1818, p. A.
(d) Faj', Observations physiques et aiialomiques s^tr plusieurs espèces de Salamandres (Mém.
de l'Acad. des sciences, 1729, p. 148, pi. 11, fig. 7).
(e) Duvernoy, Fragments sur les organes génito -urinalres des Reptiles, p. 21 (extrait des Mém.
de l'Académie des sciences, Savants étrangers, t. XI).
(f) Ralhke, Ueber die Entstelning iind Entwickelung der Geschlechtstheile bei der Urodelen
(Beitr. zur Geschichte der Thierwelt, 1820, 1. 1, pi. 2, fig. 6-12).
— Duvernoy, loc. cit., p. 20, pi. 1 et 2,
évacuateurs.
^|88 REPRODUCTION.
Les tubes spermatiques qui constituent le testicule sont
terminés en cul-de-sac, et leur fond occupe la périphérie de cet
organe, de sorte qu'au premier abord, celui-ci paraît composé
d'un amas de vésicules arrondies, logées dans les mailles d'un
réseau vasculaire. Ces tubes, semblables à des doigts de gant,
convergent vers le bord dorsal de la glande, et y donnent nais-
sance à plusieurs vaisseaux excréteurs très-grêles qui s'en dé-
tachent (1).
Conduits Les voies par lesquelles les produits du testicule sont évacués
au dehors présentent, dans cette classe d'Animaux, des varia-
tions très-considérables, et ces différences dépendent principa-
lement des relations qui s'établissent entre le conduit excréteur
des corps de Wolf, ou reins temporaires, les canaux urinaires
et les tubes séminifères. Pour en bien saisir le caractère, il est
nécessaire de prendre en considération le mode de développe-
ment de ces organes et les transformations qu'ils subissent chez
l'embryon (2).
Dans une des précédentes Leçons, nous avons vu que chez
(1) A raison de la délicatesse ex- des Vertébrés inférieurs, on ne savait
trême de leurs parois, ces tubes sper- que peu de chose sur ce sujet. Les
magènes sont très-difficiles à étudier. travaux subséquents de J. Millier sur
Suivant MM. Vogt et Pappenheim, ils cette partie de l'embryologie sont d'une
se rendraient dans une cavité centrale importance encore plus grande , et
commune, d'où naîtraient les conduits dans ces derniers temps, les observa-
efférents {Op. cit. ) . tions de M. Leydig et de M . Wittich ont
(2) Avant la publication des re- jeté de nouvelles lumières sur plu-
cherches de Rathke sur le développe- sieurs questions encore obscures ou
ment des organes génitaux internes mal expliquéespar leurs devanciers (a).
(a) Raltike, Vebei' die Entstehung und Enlwickl. der Geschlechstheile bei den Urodelen
{Beilr. »tir Geschichte der Thierwelt, 1. 1, 1820). — Untersuch. ûber die Geschlechts-Werkzeuge
der Schlangen, Eidechsen und Schildkroten (Abhandlungen %ur Bildimgs-und Entuiickelungs-
geschichte des Menschen und Thiere, i 852, t. 1, p. 21 , pi. 3).
— J. MûUer, Bildungsgeschichte der Genitalien aus anatomischen Untevsuchungen an
Embryonen des Menschen und der Thiere, 1830.
— Willich, Beitràge zur morphologischen und histologischen Entwickelung der Harn-und
Geschlechts-Werkseuge der nacklen Amphibien (Zeitschrift fiir wissensch. Zool., 4853, t. IV,
p. i25, pi. 9).
— Leydig, Anal.-Histol. Untei'suchungen ûber Fische tmd Heptilien, 1853.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. 489
tous les Vertébrés il se forme de bonne heure, dans la région
dorsale de la cavilé abdominale, un organe de structure glan-
dulaire appelé corps de Wolf, qui est destiné à constituer l'ap-
pareil urinaire chez les Poissons, mais qui , clicz les autres
Animaux du même embranchement, ne joue qu'un rôle tran-
sitoire dans l'économie, et disparaît plus ou moins complètement
à mesure que l'appareil rénal se développe (1). Le conduit
excréteur de cet organe transitoire, que l'on peut désigner sous
le nom de tube wolfien, se rend au cloaque, et sa portion pos-
térieure est mise à contribution, soit par l'appareil génital seu-
lement, soit par cet appareil et l'appareil urinaire pour l'évacua-
tion de leurs produits. Il en résulte que tantôt cette portion du
tube wolfien devient un canal commun faisant fonction d'uretère,
aussi bien que de conduit déférent, tandis que d'autres fois
l'uretère se constituant d'une manière indépendante, il en reste
plus ou moins complètement séparé et sert uniquement à la
sortie du sperme. Les différences anatomiques dont il est ici
question dépendent donc principalement du point où la coales-
cence de ces trois sortes de tubes s'effectue, et du développe-
ment plus ou moins grand de la portion du système excréteur
qui appartient en propre, d'une part aux testicules, d'autre part
aux reins. Tantôt les conduits spermatiques et urinaires s'ana-
stomosent et se confondent avant que de s'unir au tube wolfien.
D'autres fois, celui-ci reçoit d'abord les conduits spermatiques,
et constitue de la sorte un canal déférent particulier, puis s'unit
à l'uretère pour former un conduit génito-urinaire commun qui
se rend au cloaque. Enfin, dans d'autres cas, la séparation entre
l'appareil urinaire et l'appareil génital associé au tube wolfien
se continue plus loin, et ils débouchent isolément dans le
cloaque commun.
Le premier de ces modes d'organisation nous est offert par
(1) Voyez tome VI, page 306 et suivantes.
Il90 REPRODUCTION.
Grenouiiies.eic. les Grenoiiilles et le Crapaud. Ainsi que je l'ai déjà dit en
décrivant l'appareil urinaire de ces Animaux (1), les canaux
efterents des testicules pénètrent directement dans la siibslance
des reins, les traversent, et vont déboucher dans l'uretère ou
canal excréteur de cette glande (2), conduit qui, a son tour,
s'unit au tube wolfien pour aller ensuite se terminer dans le
cloaque (3).
Ménobranches. Chcz Ics Ménobrauclies ou Necturus, les canaux excréteurs
du testicule s'enfoncent également dans la substance du rein, et
débouchent, ainsi que les canaux urinifères, dans un conduit
qui longe le bord opposé de cette dernière glande ; mais ce
conduit se continue supérieurement avec la portion hbre du
tube wolfien, et paraît être constitué tout entier par ce même
canal (/i).
Protée. Le Prêtée nous offre un exemple de la seconde combinaison
organique dont il vient d'être question. Le canal efférent du tes-
ticule, après s'être divisé et pelotonné de façon à constituer un
épididyme, débouche par plusieurs branches dans le tube wol-
fien, dont la portion antérieure reste libre et dont la portion
postérieure reçoit plus loin en arrière les canaux efférents des
reins, puis continue sa route vers le cloaque pour y verser, soit
(1) Voyez tome VlI, p. 337 et suiv. (3) Le mode d'union des canaux
(2) Le mode de terminaison des efférents des testicules avec l'uretère,
canaux efft'rents dans les canaux et de celui-ci avec le tube wolfien, est
urinaires n'a pu être constaté d'une à peu près le même chez le Crapaud
manière satisfaisante, mais il est bien agua, ou Bufo maculiventris, si ce
certain qu'ils y débouchent et que ces n'est que ce dernier tube est plus dé-
derniers versent le sperme dans l'ure- veloppé («).
tère. Le réseau formé par les canaux Les canaux efférents traversent éga-
efîérents dans la profondeur de la sub- lement la substance des reins chez la
stance des reins a été observé avec Salamandre terrestre [b).
soin chez la Grenouille par MM. Vogt (/i) Voyez ci- dessus, tome VIF,
et Pappenheim. p. 339, note 1.
(a) Lcydig, Handb. der Histologie, p. 528, fig. 258.
(6) Leydig, Op. cit., p. 527, fig. 257,
Triions,
APPAUEIL DE LA GÉNÉRATION DKS RATP.ACIENS. /l9l
l'urine, soit la semence. Ici, c'est par conséquent le canal
déférent qui fait fonction de l'uretère, tandis que chez la Gre-
nouille, c'est l'uretère qui tient lieu de canal déférent (1).
Chez les Tritons ou Salannandres aquatiques, la structure de
l'appareil génito-urinaire se complique davantage, et, ainsi que
je l'ai déjà dit, les anatomistes sont partagés d'opinion au sujet
des connexions établies entre les voies urinaires et séminifères.
Quoi qu'il en soit, le mode de groupement des conduits génitaux
et urinaires paraît participer des deux types que nous venons de
passer en revue : car une partie des canaux efférents du testicule
se rendent directement dans le canal déférent constitué par le
tube wolfien, tandis que d'autres, avant de déboucher dans ce
dernier conduit, vont constituer un canal accessoire qui reçoit
aussi une partie des tubes urinaires; mais la plupart des canaux
excréteurs des reins, disposés en faisceaux , se rendent au
cloaque sans s'anastomoser avec les conduits génitaux.
Enfin, chezl'Alyte, ou Crapaud accoucheur, le canal évacua- Aiyie
teur du testicule, complété suivant toute apparence par le tube
wolfien, se rend au cloaque sans avoir aucune communication
avec l'appareil urinaire (2).
(1) Voyez tome VII, page 338, et un canal commun, ou réservoir de
pour plus de détails, les observations Highmore (a). Les canaux efférents sor-
de M. Leydig {Unters. ilber Fische tent isolément au nombre de quatre à
und Reptilien, p. 78, pi. h, fig, 30. six, et se pelotonnent bientôt sur eux-
— Lehrbuch der Histologie, p. 527, mêmes pour constituer un épididyme
fig. 257 A). très-allongé, de Textrémité antérieure
(2) Chez le Triton à crête, par duquel se détache un conduit assez
exemple, chaque testicule, garni de gros qui se dirige en avant et va se
bandelettesadipeuses, et divisé, comme confondre avec le tube wolfien adja-
je l'ai déjà dit, en plusieurs lobes (or- cent (ou ligament de l'épididyme ,
dinairement trois) par des étrangle- suivant quelques anatomistes), de fa-
ments, présente sur le long de son çon à former une anse et à se porter
bord un léger renflement que M. Mar- ensuite d'avant en arrière. Le canal
tin Saint-Ange a décrit comme étant déférent ainsi constitué présente de
(a) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 101, pi. id, fig. 4.
Glandes
accessoires
chez
le mâle.
492
HEPRODUCTION.
Cliez quelques Batraciens, des glandes accessoires se grou-
pent autour de la portion inférieure du canal évacuateur de la
semence, et ces organes sécréteurs, de même que diverses par-
lies de l'appareil urinaire, peuvent servir comme réservoir pour
ce liquide à l'époque du rut. Ainsi, chez la Grenouille, il existe
à la partie postérieure de l'uretère une poche auriculiforme qui
se compose de tubes sécréteurs, et qui est connue des anatomistes
sous le nom de vésicule séminale (1). Chez les Tritons, la dis-
nombreuses circonvolutions et reçoit
successivement plusieurs canaux ex-
créteurs accessoires fournis, comme
la branche principale déjà mention-
née, par répididyme. Enfin, il va dé-
boucher dans le cloaque, à côté de
son congénère (a). D'autres conduits
excréteurs du testicule se rendent dans
un canal accessoire qui gagne la partie
antérieure des reins, et qui paraît y
communiquer avec quelques branches
des voies urinaires, puis va se termi-
ner dans le tronc du canal déférent
déjà mentionné (6). Les uretères fii-
siformes et nombreux qui naissent
des reins, et qui vont déboucher dans
le cloaque, à côté de l'orifice génital,
sont gorgés d'un liquide blanchâtre à
l'époque du rut, et plusieurs natura-
listes les ont considérés comme des
vésicules séminales (c); mais, en géné-
ral, on n'y rencontre pas de Sperma-
tozoïdes (d). MM. Vogt et Pappenheim
y ont cependant constaté la présence
de ces corpuscules fécondateurs à
l'époque du rut, chez la Salamandre
maculée.
(1) Cet appendice, dont j'ai déjà eu
l'occasion de parler (e), naît du bord
externe de l'urèthre, ou canal uréthro-
spermatique ; il est aplati et renferme
sept ou huit petits systèmes de cavi-
tés rameuses qui débouchent chacun
dans l'urèthre par un orifice particu-
lier. Il en résulte que ce réservoir pré-
sente une apparence caverneuse (f) ;
mais il est en réalité formé par une
série de tubes rameux dont les troncs
principaux sont rangés parallèlement
et dont les branches s'élargissent en
manière d'utricules. Us sont tapissés
par une couche d'épithélium et reçoi-
vent beaucoup de vaisseaux sanguins.
La tunique commune de ce réservoir
spermatique est fibreuse et contrac-
tile.
Chez le Crapaud cornu {Ceratophrys
dorsata), cette glande accessoire, ou
vésicule séminale , manque. (Voyez
tome VU, p. 338.)
1. 1, pi. 20,
(a) Voyez Prévost et Dumas, Sur la génération {Ann. des sciences nat., li
lig. 3 et 4).
— Lereboullet, Op. cit. {Nova Acta Acad. nat. cit,rios., t. XXIII, pi. 8, lig-. 02 et 93).
(6) Voyez tome VII, p. 341.
(c) Dulay, Observations sur plusieurs espèces de Salamandres (Mém. de l'Académie des sciences,
1720).
— Rallike, Ueber die Urodelen {Beiir. zitr Geschickle der ThieriueU, t. I).
(rf) Prévost cl Dumas, Op. cit. (Ann. des sciences nat,, 1824, 1. 1, p. 282),
(e) Voyez toine vu, p. 337.
(f) Voyez Lereboullet, Op. cit., pi. 8, Pu;. 88 el 89.
APPAREIL UK LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS. Û9d
posilioi) du cloaque rend très-facile le reflux du sperme jusque
dans la vessie urinaire (1).
La terminaison des voies génitales dans le cloaque ne pré-
sente aucune particularité dont il soit bien important de tenir
compte. D'ordinaire, ces orifices sont situés au sommet de
petites papilles érectiles ou de plis de la membrane muqueuse
qui tapissent ce vestibule commun, et l'on peut considérer ces
éminences comme des vestiges de l'appareil qui, chez les Ver-
tébrés plus élevés en organisation, effectuent l'introduction du
sperme dans les voies génitales de la femelle; mais ici ils ne
servent qu'à diriger le jet formé par ce liquide au moment
de réjaculation (2).
Cloaqiio.
(1) Le cloaque est séparé du rectum
par une valvule circulaire et deux gout-
tières situées à sa face dorsale, sur
les côtés d'une sorte de raphé mé-
dian conduisant l'urine, ainsi que la
semence, des orifices des voies génito-
urinaires dans la vessie, ou de ce ré-
servoir vers le sommet de l'appendice
éjaculateur. Quelques auteurs consi-
dèrent les uretères fusiformes de ces
animaux comme étant des vésicules
séminales, parce qu'à l'époque du rut
on les trouve gorgés d'un liquide
laiteux, et M. Bidder assure y avoir
aperçu des Spermatozoïdes (a) ; mais
dans la plupart des cas, la semence
ne pénètre pas dans ces tubes (6).
(2) Chez les Tritons, cette papille
est située immédiatement derrière le
repli valvulaire qui sépare le cloaque
du rectum. Elle est creusée de trois sil-
lons longitudinaux et recouverte d'un
épithéliuni pavimenteux, mais elle ne
contient pas de tissu érectile. Ainsi
que nous l'avons déjà vu, la vessie
urinaire débouche dans le cloaque, en
face des orifices génito-urinaires.
11 est aussi à noter que de nom-
breux muscles entourent le vestibule
génito-excrémentitiel, et servent, pour
la plupart, à dilater l'anus, tout en
tirant cet orifice en arrière (c). Tels
sont :
1" Une paire de muscles rétracteurs
supérieurs, ou coccy-vestibuhens ;
2° Une paire de muscles rétracteurs
inférieurs, ou ischio-vestibuliens ;
3° Une paire de muscles abaisscurs,
ou ischio-coccygiens ;
Zi° Un muscle abaisseur de l'anus,
ou pubio-veslibulaire.
Un effet contraire est produit par la
contraction d'un sphincter anal très-
gros.
(a) Bidder, Vergleich. anal, und histol. Uiitersuch. ûber die mànnlichen Geschleclits- und
Harnwerk:ieuge beinackten Amphibien, 4 846.
(6) Prévost et Dumas, Observations relatives à l'appareil générateur des Animaux mâles (Ann.
des sciences nat., 1824, 1. 1, p. 282).
— Duveriioy, Fragments sur les organes génilo-urinaires des Reptiles, p. 93.
{e) Voyez Lereboullet, Op. cit., p. 145, pi. 18, fig. 191 ; pi. 19, lig. 193, 194.
494 REPRODUCTION.
•^nfin, chez les Batraciens urodèles et pérennibrancbes, l'ap-
pareil génital du mâle est complété par des organes sécréteura
qui débouchent dans le cloaque, et qui ont été considérés par
beaucoup d'anatomistes comme les analogues de la prostate ou
des glandes de Gowper, dont l'étude nous occupera dans la
prochaine Leçon. Ils consistent en une multitude de tubes
terminés par un renflement ampullaire et produisant une
substance laiteuse. A l'époque du rut, ils deviennent turgides,
et chez les Tritons ils ont alors un volume considérable (1).
Mode § 8. — Ainsi que je l'ai déjà dit, il n'y a presque jamais
lie foeomlation,
une véritable copulation chez les Batraciens (2), et d'ordmaire
la fécondation des œufs n'a lieu qu'après la ponte. Souvent le
mâle se borne à nager autour de la femelle, et à répandre dans
l'eau qui la baigne la liqueur séminale destinée à vivifier ses
œufs, ainsi que cela se voit chez les Tritons (3). D'autres fois,
chez les Grenouilles et les Crapauds, par exemple, le mâle se
cramponne sur le dos de la femelle, en la saisissant par les flancs
(1) Chez les Triions, cet appareil copulateurs analogues à ceux des Lé-
glandulaire se compose de trois paires zards (c).
de lobes, dont deux bordent le cloaque, (o) Les manœuvres du mfde autour
et la troisième s'avance sous l'abdo- de la femelle sont très-remarquables,
men (a). 11 se trouve chez la femelle II la poursuit, tourne autour d'elle,
aussi bien que chez le mâle, mais il est l'excite et semble en épier tous les
beaucoup plus développé chez ce der- mouvements ; dès qu'il s'aperçoit qu'un
nier. Ces glandes sont également très- œuf est pondu, il s'en approche vive-
développées chez la Salamandre ter- ment et y lance un jet de sperme. Pen-
rcstre (6). dant la saison du rut, le corps du
(2) Les Cécilies, qui paraissent de- mâle prend aussi des couleurs plus
voir prendre place dans la classe des intenses et des crêtes cutanées se dé-
Batraciens, bien que la forme générale veloppent tant sur le dos que sous la
de leur corps soit semblable à celle gorge, et acquièrent souvent des di-
des Serpents, sont pourvues d'organes mensions très-considérables (d).
{a) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., pi. H , fig. 3, 3' et 6.
(b) Raihke, Op. cit. (Beilr. zur Geschichte der Thierwelt, t. I, pi. 1, fig. 3 et 6).
(c) Voyez Duvernoy, Atlas du Règne animal de Cuvier, Reptiles, pi. 36 ter, fig. 7.
(d) Rusconi, Amours des Salamandres aquatiques, p. 17 et suiv. j,.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES BATRACIENS.
m
au moyen de ses pnltes antérieures, et, tout en nageant avec
elle, arrose de semence les (cufs au moment où celle-ci les
évacue au dehors (1). Mais, chez (juelques-uns des Animaux de
cette classe, la fécondation s'opère avant la ponte, et les œufs se
développent dans l'intérieur de la chambre incubatrice formée
parla portion terminale de l'oviducte. Cela a lieu chez les Sa-
lamandres terrestres (2) et chez un Batracien du Chili appelé
Rhinoderma Darwinii (3) .
(1) Les Grenouilles s'accouplent dans
Teau et nagent ainsi, le mâle placé sur
le clos de la femelle, qu'il embrasse
étroitement entre ses pattes antérieu-
res (a). Cette union dure très-long-
temps, quelquefois une vingtaine de
jours sans interruption, et chez quel-
ques espèces, telles que la Grenouille
rousse, le pouce du mâle se gonfle alors
à sa base, et s'y couvre de rugosités
qui s'enfoncent dans les flancs de la
femelle, de façon à y déterminer des
excoriations. Lorsque les œufs sortent
du cloaque de la femelle , le mâle les
féconde en y lançant sa semence par
petits jets; quelquefois il épuise sa
provision de liqueur spermatique, et
abandonne sa compagne avant que
la ponte soit terminée, et alors un
autre mâle lui succède. D'autres fois
le même mâle s'accouple successive-
ment avec deux ou même ii'ois fe-
melles ; mais, en général, l'accouple-
ment, qui commence longtemps avant
la ponte, dure jusqu'à ce que cette
opération soit terminée. Pendant la
durée de ce rapprochement sexuel , le
mâle paraît être presque insensible à
la douleur: ainsi, dans des expériences
faites par Spallanzani, on l'a vu re-
cevoir des blessures extrêmement
graves, sans quitter sa femelle ni dis-
continuer à féconder les œufs pondus
par celle-ci. Il en est de même pour
les Crapauds (6).
(2) Le développement des jeunes
Salamandres dans l'intérieur de l'ovi-
ducte de leur mère a été constaté par
Perrault et par Maupertuis (c) , ainsi
que par beaucoup de naturalistes plus
récents.
Chez la Salamandre noire des Alpes,
la copulation commence à terre et se
continue dans l'eau; le mâle s'unit à
la femelle en se plaçant sous elle ven-
tre à ventre et en l'enlaçant avec ses
pattes : celle-ci l'entraîne alors dans
l'eau, et l'union sexuelle dure plusieurs
heures [d).
(3) Le viviparisme de ce Batracien
anoure a été constaté par M. Gay, et
implique la fécondation intérieure (e).
(a) Voyez Swainmerdara, Biblia Naturœ, pi. 48 a, fig. 1.
— Rœsel, Hist. nat. Ranarum, pi. 1, Rg. i et 2.
{b) Spallanzani, Expér. pour servir à l'hist. de la génération, p. 86, 288, etc.
(c) Perrault, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, 3* partie, p. 81, pi. 16.
— Maupertuis, Observations et expériences sur une des espèces de Salamandre {Mém. de l'Acad.
des sciences, 1727, p. 32).
(d) Scbreibers, Ueber die specifische Verschiedenheit des gefLeckten und des schwar%en Erd~
Salamanders oder Molches und der hôchst merkwûrdigen ganz eigenthûmlichen Fortpflanzungs-
weise des Letztern {Isis, 1833, t. V, p. 527).
(e) Gay, Historia fisica y politica de Chile, Zoologia, t. II, p. 122.
des œufs.
496 REPRODUCTION.
^V^^L ^ ^* — '' ^^^ ^^^^^^ '^ "^^^^ ^"^ certains Batraciens
n'abandonnent pas leurs œufs après les avoir pondus et
lecondés, mais s'en chargent, et les transportent avec eux
pendant que l'incubation s'effectue. Ainsi, chez le Crapaud
accoucheur, où les œufs sont réunis en un chapelet glaireux,
le mâle s'en empare à mesure que la ponte s'en effectue,
entortille ce cordon autour de ses pattes postérieures, et le
transporte ainsi avec lui à sec, jusqu'au moment où l'éclosion
doit avoir lieu ; mais alors il se plonge dans l'eau, dont l'ac-
tion détermine la déhiscence de la coque des œufs et la sortie
des petits (1).
Le Pipa, ou Crapaud de Surinam, présente sous ce rap-
port des particularités encore plus remarquables. Le mâle
aide la femelle à accoucher et place les œufs sur le dos de
celle-ci; ils y déterminent une sorte de gonflement ou d'hy-
pertrophie de la peau, qui se boursoufle autour de ces corps,
et , de la sorte , chacun de ceux-ci se trouve bientôt logé
dans une espèce d'alvéole. Le dos de la femelle se creuse
ainsi d'une cinquantaine de petites loges qui sont autant de
(1) L'accouplement du Crapaud mer que pendant cette opération , il
accoucheur, ou Alytes obstetricans, les féconde en les arrosant de sperme,
n'a pas lieu dans l'eau, comme cela car leur enveloppe est encore molle
est ordinaire chez les Batraciens. La en ce moment; mais, par le contact de
femelle étant à terre, le mâle, dont la l'air, elle ne tarde pas à se dessécher
taille est beaucoup plus petite que la et à durcir de façon à constituer une
sienne, se cramponne sur son dos, et coque assez résistante. Le mâle trans-
se fait ainsi transporter par elle. Lors- porte ainsi les œufs avec lui pendant
que la ponte commence, il tire à lui plusieurs semaines,et lorsque la période
avec une de ses pattes postérieures le d'incubation est terminée, il va à l'eau ;
bout du chapelet formé par les œufs puis, au bout de quelques minutes, sous
agglutinés, et l'entortille autour de ses l'influence de ce liquide, la coque de
cuisses en y donnant la disposition ces corps se brise circulairement, et
d'un chifl're huit qui serait couché laisse sortir le petit têtard, qui se met
transversalement (oo). Il est à présu- à nager (a).
fa) Demoiirs, Observations sur le Crapaud {Mém. de l'Académie des sciences, f778, p. 7).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. /l97
chambres incubatrices dans lesquelles les embryons se forment
et se développent (1).
§ 10. — Dans la classe des Reptiles, la fécondation des œufs Appareil
S opère toujours avant la ponte, par introduction directe du '=' reproduction
liquide séminal dans l'appareil génital de la femelle, et à ce per- Repuies.
fectionnement correspond une complication nouvelle des or-
ganes mâles, qui se complètent par le développement d'instru-
ments copulateurs (2).
A l'extérieur du corps, les différences sexuelles sont toujours
faibles et souvent elles ne sont pas appréciables. Chez les Chélo-
niens, les individus mâles sont reconnaissables à la forme un peu
excavée de leur plastron sternal, et chez les Sauriens, la base
de la queue est en général étroite et arrondie chez la femelle,
tandis que chez le mâle, elle est un peu aplatie et élargie ; mais
(1) Madame Mérian, iconographe ha- sait, par les observations de Blumcn-
bile du xvii" siècle (a), fut la première bach et de Duméril,que non-seulement
à parler de ce singulier Batracien; mais le têtard se développe complètement
elle croyait qu'il produisait ses petits dans l'intérieur de la loge ovigère, mais
par le dos (6). Un autre naturaliste qu'il y subit même ses métamorphoses,
crut avoir constaté que l'individu qui de façon à en sortir sous la forme de
porte ainsi les œufs était le mâle, et Batracien anoure (/").
non la femelle (c) ; mais les observa- (2) Chez les Serpents, la copulation
tions faites en 1762 par un médecin de dure plusieurs heures; les deux indi-
Surinam, appelé Fermin, firent dis- vidus s'entortillent mutuellement en
paraître ces erreurs [d). Plusieurs au- ne laissant libre que la partie anté-
teurs ont donné de bonnes figures du rieure de la tête et en se regardant nez
Pipa chargé de ses œufs (e) , et l'on à nez [g].
(a) En général, on désigne cet auteur sous le nom de mademoiselle Mérian, parce que jadis le
titre de dame était réservé à la noblesse.
(6) M. S. Mérian, Dissertalion sur la génération et les transformations des Insectes de Sunnam,
1726, p. 50. pi. 59.
(c) Vallisnieri, Historia del Cameleonte (Opère fisico-mediche, t. I, p. 433 et suiv., pi. 41,
fig. 6).
(d) Fermin, Développement parfait du mystère de la génération du fameux Crapaud de
SMf'irjam. Mastricht, 1762.
(e) Seba, Thésaurus Animalium, t. IV, pi. 19 et 20.
— Duvernoy, Allas du Règne animal de Cuvier, Reptiles, pi. 39, fig. 2.
(/■) Duméril, Erpétologie, t. VIU, p. 219.
(g) Par exemple, chez les Vipères : \oyez Charas, Anatomie de la Vipère (Mém. pour servir à
l'histoire naturelle des Animaux, par Perrault, elc, ; publié par l'Académie des sciences, 1732,
t. III, 2' partie, pi. 63).
4.98 REPRODUCTION.
ces caractères manquent souvent. La fécondité est beaucoup
moins grande que chez les Batraciens (1), mais les œufs sont
, plus complets et ressemblent davantage à ceux des Poissons
plagiostomes, car ils sont toujours pourvus d'une coque bien
organisée, et quelquefois même cette enveloppe devient sem-
blable à la coquille d'un œuf d'oiseau.
Ainsi, chez les Crocodiliens, la sphère viteUine est entourée
d'un albumen qui, à son tour, est renfermé dans une tunique
membraneuse particuhère, et celle-ci est revêtue d'une coquille
calcaire. La coque de l'œuf est également calcaire chez certains
Chéloniens (les Tortues terrestres et paludines), mais chez les
Tortues de mer, les Sauriens ordinaires et les Ophidiens , elle
offre seulement la consistance du parchemin. Je rappellerai
aussi que l'albumen de l'œuf présente une composilion parti-
cuhère chez les Chéloniens (2), et que chez les Ophidiens, cette
substance manque. Enfin, la forme de ces œufs est en général
ovalaire (3).
Ovaires. § ^^ • — L'ovairc est toujours double, mais n'est pas tou-
jours placé symétriquement de chaque côté du plan médian ;
(1) Le nombre des œufs pondus à la espèces : quelquefois ils sont sphéri-
fois s'élève souvent à trente, ou même ques, chez le Thalassiochelys caouana
quarante, chez la Couleuvre à collier, et le Xerobates carolinus (c) ; mais, en
mais ne paraît être que d'environ dix général, ils sont ovalaires, et souvent
chez les Calamaries (a). leur grand diamètre l'emporte de beau-
Ghezquelques Tortues, chaque ponte coup sur le petit diamètre; parfois ils
ne se compose que de quatre ou cinq sont im peu incurvés, de façon à être
œufs, ou même de deux ou trois seu- presque réniformes(f/), mais leurs deux
lement (6). extrémités sont toujours de même
(2) Voyez ci-dessus, page 325. grosseur.
(3) Chez les Chéloniens, les œufs pré- Les œufs des Geckos sont sphéri-
sentent des formes diverses suivant les ques et à coque calcaire (e).
(a) Schlegel, Physionomie des Serpents, p. 87.
(6) Agassiz, Contrib. to the Nat. Hist. of the United States, t. II, p. 490.
(c) Vo.\ez Agassiz, Op. cit., pi. M, fig. 28-30.
id) Par exemple, clicz le Matacoclemmy's palustris : voy. Agassiz, loc. cit., pi la, fig. 14.
ie) Uumcnl, Erpétologie générale, t. III, p. 274,
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. /l99
car dans les espèces dont le corps est très-étroit, les Serpents,
par exemple, l'un de ces organes est placé beaucoup plus en
avant que l'autre. Leur conformation diffère aussi un peu chez
les divers Animaux de cette classe, et, sous ce rapport comme
sous beaucoup d'autres, les Reptiles, dont l'anus a la forme
d'une fente transversale, c'est-à-dire les Ophidiens et les San- '^f'''"'"'"
riens ordinaires, diffèrent de ceux où cet orifice est longitudinal, ordinarres.
disposition qui se rencontre chez les Crocodiliens et les Chélo-
niens. Chez les premiers, l'ovaire est creux et consiste en un
sac ou un tube assez semblable à celui des Batraciens, et dont la
cavité reçoit les œufs quand ceux-ci, arrivés au terme de la
croissance du globe vitellin, rompent leur capsule et deviennent
libres; puis les parois de ce réceptacle se romjient à leur tour
pour laisser sortir les œufs, qui passent dans l'oviducte. Les
choses se passent donc là à peu près comme chez les Batraciens,
si ce n'est que la cavité centrale de l'ovaire, traversée par des
brides, est peu extensible, et que chaque œuf en sort presque
aussitôt après qu'il s'est détaché des parois de cette glande ovi-
gène. Cela est facile à observer chez les Ophidiens, dont les
ovaires sont tubulaires.
Chez les Chéloniens et les Crocodiliens, les ovaires sont dis- chéionicns
, . et
poses autrement (1). Par suite d'une coalescence plus complète crocodiiiens
des parois de l'espèce de sac formé par chacun de ces organes,
leur cavité centrale s'efface, et chaque œuf, à mesure qu'il gros-
sit dans l'épaisseur de leurs parois, au lieu de se porter en
dedans vers ce réceptacle commun, fait saillie au dehors (2) ; la
(1) La forme générale de ces or- tes, parmi lesquels il convient de citer
ganes, chez les Chéloniens, a été très- en première ligne Bojanus (a).
bien figurée par plusieurs anatomis- (2) M. Agassiz a publié récemment
(a) Chez la Tortue d'Europe, par Bojanus {Anat. Test, europ., pi. 30, fig. 4 88).
— Chez le Chrysemys jiicta e't le Gbjplemys insculpta, par M. Agassiz {Contrib. to tlie Nat.
Hist. of the Uiiiled States, t. II, pi. 9 b, fig. 10 et 1 1).
500 REPRODUCTION.
surface extérieure de l'ovaire devient ainsi fortement bosselée;
puis chacun de ces tubercules, s'avançant davantage et s'étran-
glant à sa base, devient pédoncule, et l'organe tout entier prend
une longue série de recherches très-
intéressantes sur le développement de
i'reuf et sur l'embryologie des Tor-
tues [a). L'accroissement des ovules
ovariques est extrêmement lent, et ces
corps reproducteurs, après avoir par-
couru la première période de leur
existence, restent pendant fort long-
temps dans un état stationnaire : en
sorie qne chez une jeune Tortue âgée
de cinq ou six ans, ils ont tous à peu
près les mêmes dimensions. Mais, à
l'époque de la puberté, le développe-
ment d'un petit nombre d'entre eux
s'active, et ceux-ci entrent dans la pé-
riode de maturation, laquelle dure
plusieurs années. Chaque année, à un
moment qui paraît coïncider avec ce-
lui de l'accouplement, une nouvelle
série d'œufs commence à mûrir, en
sorte que chez les individus adultes,
l'ovaire renferme plusieurs de ces sé-
)ies d'âges ditférents et formées cha-
cune par le nombre d'œufs destinés à
composer une même ponte. Les pontes
ne se renouvellent que d'année en an-
née; et chez les espèces étudiées par
]\'I. Agassiz, la période de maturation
des œufs dure environ quatre années :
de sorte qu'aux approches de la saison
de la reproduction, indépendamment
des ovules dans la première période
de leur existence, dont le nombre est
immense et dont le volume ;,est varia-
ble, mais toujours très-petit, l'ovaire
renferme quatre séries d'œufs en voie
de maturation et d'âges différents, qui
se distinguent par les inégalités de leur
volume. Chez\e Nanemy s guttata, qui,
à chaque ponte, dépose deux ou trois
œufs seulement, chacune de ces séries
ne se compose que d'un égal nombre
d'œufs ; chez le Chrysemys picta ,
les œufs qui sont arrivés à un même
degré de développement, et qui sont
destinés à être pondus à la fois, sont
au nombre de cinq, six ou sept; enfin,
chez le Chelhydra serpentina, dont
chaque couvée se compose d'une hui-
taine d'œufs, on trouve dans l'ovaire
un nombre correspondant d'ovules de
chacune des quatre catégories sus-
mentionnées.
Les ovules naissants se montrent d'a-
bord sous la forme de petits granules
sphériques d'appai-ence graisseuse et
complètement indépendants du stroma
d'alentour. Us sont beaucoup plus petits
que les cellules du tissu circonvoisin
ou même que les noyaux de ces cel-
lules, et c'est plus tard que la capsule
ou follicule ovigère se constitue autour
de chacun de ces corps, d'abord sous
la forme d'une couche d'utricules, puis
d'une sorte de kyste composé de deux
feuillets, une tunique externe granu-
leuse, et une tunique interne hyaline,
ou zone pellucide. Lorsque l'ovule
commence à se constituer ainsi, sa sub-
stance paraît être homogène ; mais
bientôt il semble se faire un départ
entre la matière qui en occupe la pé-
riphérie et celle qui se trouve au cen-
tre : la première s'épaissit, la seconde
(a) Agassiz, Co7itributio7is lo the Natural Hislory of the United Slates, t. II, p. 451 et suiv.,
pi. 8, 9, 9 a.
APPAREIL DE LA GÉNÉKATION DES REPTILES. 501
l'aspect d'une grappe de raisins; enfin la capsule de l'œuf
se rompt, et ce dernier quitte l'ovaire pour passer directement
dans l'oviducte. Nous avons déjà vu des ovaires en grappe
s'éclaircit,et le tout offre alors l'aspect
crime cellule arrondie. Au début de ce
travail d'évolution, la vésicule purkin-
jéenne ne se distingue pas des matières
adjacentes, et les observations de
M. Agassiz ne me paraissent pas suf-
fisantes pour résoudre les questions
relatives à l'ordre de primogéniture
entre cette cellule et les autres parties
de la sphère vitelline; mais lorsque
l'ovule est un peu plus avancé en Age,
cette vésicule intérieure est très-visible
et s'accroît rapidement. C'est évidem-
ment un organite vivant, ayant son
mode d'activité propre, et engendrant
dans son intérieur d'autres organites
qui à leur tour donnent des signes d'un
pouvoir génésique analogue. En effet,
le contenu de la vésicule germinative
ou purkinjéenne est d'abord homo-
gène et transparent, mais on y voit
bientôt apparaître un noyau appelé vé-
sicule de Wagner, et dans l'intérieur
de celte dernière cellule on voit naître
ensuite un ou plusieurs nucléoles, ou
vésicules de Valentin ; puis la vésicule
wagnérienne se détruit, et le contenu de
la vésicule purkinjéenne, après être de-
venu beaucoup plus granuleux, s'éclair-
cit de nouveau. Pendant que cesphéno-
mènes s'accomplissent, le vitellusdonne
également des signes d'une certaine
activité vitale. On n'aperçoit d'abord,
entre la vésicule purkinjéenne et la
paroi extérieure de l'ovule destinée à
devenir la tunique vitelline, qu'un li-
quide homogène et transparent ; mais
bientôt sa consistance se modifie, des
corpuscules granulaires y apparaissent,
et ces corpuscules, en se développant
VIII.
à la manière d'autant d'organites par-
ticuliers, augmentent rapidement le
volume de l'ovule. Ils sont de deux
sortes. Les uns, hyalins, incolores et
d'apparence albumineuse , occupent
l'hémisphère du globe vitellin, oii se
trouve la vésicule germinative, et doi-
vent être considérés comme les repré-
sentants de la substance blastogénique
dont il a été question dans une leçon
précédente. Les autres, destinés à for-
mer les cellules vitellines proprement
dites, sont opaques , jaunes et riches
en matière grasse ; ils se montrent
d'abord au pôle opposé de l'ovule, et
bientôt ils occupent l'un des hémi-
sphères du globe vitellin; mais leur
nombre et leur volume venant à aug-
menter, ils envahissent peu à peu l'au-
tre hémisphère, de façon à rétrécir
de plus en plus l'espace hyalin qui
entoure la vésicule germinative. Ces
corpuscules vitellins, en se dévelop-
pant, subissent aussi des changements
considérables. Aux premiers granules
opaques en succèdent d'autres qui
sont d'abord hyalins, et dont la péri-
phérie se condense bientôt de façon à
donner à chacun de ces globules l'ap-
parence d'une vésicule ou cellule
arrondie, dont la paroi (appelée ecto-
blaste par M. Agassiz) devient mem-
braneuse et élastique. A l'intérieur de
chacune de ces utricules se développe
ensuite un noyau, ou mésoblaste, qui
se montre d'abord sous la forme d'une
tache appliquée contre la surface in-
terne de l'ecioblaste, mais qui devient
bientôt un corpuscule libre et à con-
tours nettement dessinés; sa forme
34
502 REPRODUCTION.
chez les Poissons plagiostomes, et lorsque nous étudierons
l'appareil reproducteur des Oiseaux, nous aurons l'occasion
de revenir sur l'examen des glandes ovigènes qui offrent ce
mode de conformation.
oviductes. L'oviducle des Reptiles présente également, dans beaucoup
de cas, des particularités de structure en rapport avec certains
perfectionnements dans le travail physiologique. Ainsi, l'em-
bouchure de ce canal jouit de plus de mobilité que chez les
Vertébrés anallantoïdtens (l), et n'est pas toujours une simple
fente en forme de boutonnière, comme chez les Batraciens,
mais elle s'élargit ordinairement de façon à constituer un enton-
noir très-évasé, et elle s'enrichit de fibres musculaires dispo-
sées de manière à lui donner la faculté de changer de forme
et de position, de s'apphquer sur l'ovaire, de l'embrasser et
de recueillir ainsi plus sûrement l'œuf qui s'en détache. Ce
mode d'organisation est porté à un degré très-remarquable
chez la Couleuvre et chez d'autres Ophidiens.
La portion suivante de l'oviducte (2), étroite et garnie comme
d'ordinaire d'une tunique muqueuse couverte d'un épithélium à
cesse alors d'être arrondie pour deve- substance paraît être résorbée peu à
nir anguleuse, et sa couleur passe d'une peu, leurs angles s'émoussent , leui'
teinte jaune pâle au jaune d'or. Ces nombre diminue, et le mésoblaste ainsi
changements coïncident avec le déve- que l'ectoblaste tendent à se désagré-
loppement d'une nouvelle génération ger pour faire place à de nouvelles
de corpuscules appelés endoblastiques, cellules vitellines en voie de dévelop-
dans l'intérieur du mésoblaste, lesquels pement .
offrent une apparence cristalloïde et (1) Ce caractère se retrouve chez
sont très-chargés d'une matière grasse tous les Vertébrés du sous-embran-
dont l'aspect a de l'analogie avec celle chement des Allantoïdiens.
de la cire. Ces corpuscules deviennent (2) L'oviducte des Reptiles est gé-
asscz gros et augmentent de nombre, néralement moins long et moins con-
de façon à constituer bientôt dans l'in- tourné que chez les Batraciens,
térieur de chaque cellule vitelline une Chez le Gecko, ce tube est remar-
aggloméralion anguleuse; puis leur quablement court (a).
(a) Délie Chiaje, Dissert, sull'anat. ximana compamtiva, etc., t. I, pi. 21, fiff. 1.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES.
50a
cils vibratiles, ne présente rien qui soit important à noter, mais
la seconde portion de ce conduit se modifie à peu près comme
nous l'avons vu chez les Poissons plagiostoines; ses parois s'é-
paississent, se plissent et s'enrichissent d'une multitude de glan-
dules dont les produits servent à compléter l'œuf. C'est là que
l'albumen et la coque se forment autour du globe vitcllin (1);
(1) La plupart des naturalistes con-
sidèrent la formation de ces parties
complémentaires de l'œuf comme étant
le résultat d'un simple dépôt de ma-
tières sécrétées par l'oviducte et ap-
pliquées sur le globe vitellin, mais
cette théorie mécanique ne me semble
pas être l'expression de la vérité, et
les enveloppes en question, tout en
tirant leur substance des produits de la
sécrétion des glandules de l'oviducte,
se constituent et croissent à la manière
des autres parties organisées et vi-
vantes. Les observations de M. Agassiz
sur le mode de formation de l'albu-
men de l'œuf des Tortues fournissent
des arguments puissants en faveur de
cette dernière manière de voir. En effet,
chez ces Reptiles, l'albumen est beau-
coup plus consistant que chez la plu-
part des Animaux, et forme autour du
globe vitellin un certain nombre de
couches concentriques bien distinc-
tes (a) ; le tout est renfermé dans la
membrane de la coque, et souvent
celte timique est déjà bien constituée
avant que l'albumen sous-jacent ait
pris tout son développement. C'est
donc par imbibition à travers cette
membrane que la matière constitutive
de l'albumen arrive alors en contact
avec celui-ci et se trouve employée par
lui pour la production de nouvelles
couches du tissu constitutif de cette
partie de l'œuf.
La coque de l'œuf des Tortues est
formée aussi d'une série de couches
superposées dont les premières ne sont
guère plus consistantes que les parties
adjacentes de l'albumen et se compo-
sent, comme celles-ci, de corpuscules
granulaires et allongés disposés en
rangées parallèles. La direction de ces
séries de corpuscules change de cou-
che en couche, de sorte que les stries
résultant de leur mode de groupe-
ment s'entrecroisent. Dans les couches
plus superficielles de la membrane co-
quilhère, ces granules sont plus serrés
entre eux et constituent des fibres
moniliformes. Chacun d'eux paraît
formé d'un nodule central entouré
de couches concentriques, à peu près
comme dans les grains de fécule. En-
fin, le nombre de ces couches et l'é-
paisseur de la tunique résultant de
leur superposition varient suivant les
espèces.
La coquille a pour base un tissu
analogue; mais dans cette partie de
l'œuf, chaque granule devient en quel-
que sorte un centre d'attraction autour
duquel des cristaux de carbonate cal-
caire viennent se grouper radiaire-
ment, de façon à constituer un nodule.
Du côté de la périphérie de l'œuf.
(a) Agassiz, Contributions to the Natural History of tlie United States, tome II, planche 9 a,
%. 43, 44.
504
REPRODUCTION.
et parfois même le tube, ainsi constitué, devient une chambre
incubatrice : car, chez quelques Reptiles, le développement de
l'embryon commence ou s'achève même dans l'intérieur de
l'œuf avant que celui-ci ail été expulsé au dehors, et dans ce
dernier cas ces Animaux sont ovovivipares. La Vipère doit so»
nom à cette particularité physiologique (1), qui est commune à
beaucoup de Serpents venimeux {'2) et se retrouve chez l'Orvet,
ainsi que chez quelques espèces de la famille des Lézards (3^.
Postérieurement, les deux oviductes se rapprochent pour
déboucher dans le cloaque, et la portion de ce vestibule où ils-
vont s'ouvrir se prolonge souvent au-dessus de l'orifice du
chacun de ces nodules calcigères s'ac-
croît par la formation de nouvelles
couches superposées, et il en résulte
finalement une petite colonnette ou
cylindre vertical dont la section hori-
zontale offre une structure radiaire.
Ces nodules sont disposés par rangées
parallèles comme l'étaient les granules
organiques dont ils dérivent, et, sui-
vant qu'ils sont plus ou moins serrés
entre eux, la substance de la coquille
est plus ou moins poreuse ou dense.
Il existe à cet égard des différences
dans les diverses familles de Chélo-
niens, et il en résulte que, dans chacun
de ces groupes zoologiques, la coquille
présente des caractères histologiques
particuliers. Pour plus de détails à ce
sujet, je renverrai aux observations
de jM. Agassiz {Nat. Ilist. of the Uni-
ted States, t. Il, p. 507 etsuiv.).
(1) La disposition générale de l'ap-
pareil de la génération des Vipères a
été assez bien indiquée par Charas (a),
(2) Quelques naturalistes ont pensé
que les Serpents venimeux étaient tous
vivipares, et les Serpents non venimeux
tous ovipares ; mais il y a de part et
d'autre des exceptions à cette règle:
ainsi, dans les groupes des Coronelles,
la plupart des espèces sont ovipares,
comme chez les Couleuvres, mais la
Coronelle lisse est vivipare. Cette der-
nière particularité se retrouve aussi
chez le Boa rativore; enfin les Najas,
quoique très - venimeux , sont ovi-
pares (6).
(3) Une petite espèce de Lézard qui
se trouve en Suisse ainsi que dans di-
verses autres parties montagneuses de
l'Europe, et qui a été décrite sous
plusieurs noms {Lacerta montana, L.
Schreibersiana, Zootocha Jacquini,
Lacerta vivipara, etc.) , pond des œufs
contenant des petits tout formés el
près d'éclore (c).
(a) Cliaras, Anatomie de la Vipère {Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, t. Ht,.
2° partie, p. 207, pi. 60 elQi.Acad. des sciences, 1732).
(6) Schlegel, Physionomie des Serpents, t. II, p. 86.
(c) J. F. Jacqiiin, Lacerta vivipara {Nova Acta Hclvet., 1. 1, p. 33, pi. 1).
— Cocteau, Note sur it?i genre peu connu de Lézards vivipares [Zootocha, Wagler), el sur une.
nouvelle espèce de ce genre [Ann. des sciences nat., 2* série, 1835, t. IV, p. 310).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 505
rectum, soit qu'il se continue avec la vessie urinaire, soit qu'il
se termine en cul-de-sac sans donner naissance à un réservoir
de ce genre. Cette dernière disposition est parfois très-remar-
quable chez les Opliidiens, où la portion supérieure du cloaque
se dilate de façon à ressembler à un utérus dans le col duquel
viendraient s'ouvrir, d'une part l'intestin , d'autre part les
voies uriuaires (1).
11 existe aussi à la partie antérieure du cloaque, chez les
Chéioniens et les Crocodihens, un appendice excitateur, nommé
chtoris, qui, par sa structure, correspond au pénis du maie (2).
Entin, ce vestibule génito-excrémentitiel est souvent lubrifié
par des matières onctueuses que des organes glandulaires adja-
cents y versent : chez les Crocodiliens et les Ophidiens, par
exemple (3).
(1) Chez le Coluber korros, celte que une paire de petits sacs glandu-
portion utérine du cloaque est extrê- laires qui paraissent correspondre à
mement développée, et se termine an- une partie de l'appareil copulateur du
térieureraent par deux cornes (a). mâle (voyez ci-après page 507). Chez
Une disposition analogue, mais beau- les Ophidiens , ces glandules ont la
<:oup moins prononcée, se voit chez la forme d'une capsule ovalaire située de
Couleuvre à collier (6). chaque côté sous la queue et communi-
Chez riguane, le fond du cloaque quant avec le cloaque par plusieurs ou-
est divisé en deux sacs dans lesquels vertui'es pratiquées dans la lèvre pos-
s'ouvrent les oviductes et les uretères. térieure de Tauus; elles sont beaucoup
(2) Le clitoris des Chéioniens (c) et plus développées chez la femelle que
■des Crocodiliens (d) ressemble tout à chez le mâle (e).
fait au pénis, si ce n'est que son vo- (3) Les sacs glandulaires dont il a
lume est moindre (voyez ci -après été question dans la note précédente
page 509). sécrètent une matière onctueuse quia
chez les Sauriens ordinaires et les la consistance de la pommade. Chez
Ophidiens, il n'existe pas de clitoris, les Crocodiliens, deux glandes volu-
wiais on trouve sur les côtés du cloa- mineuses et de forme ovalaire débou-
(a) Stannius et Siebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. Il, p. 271.
(b) Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 91, pi. 10, fig. 4.
(c) Exemple, la Tortue: voy. Bojanus, Anatome Tesludinis europœce, pi. 28, fîg. 159.
(d) Exemple, le Crocodile à museau de Brochet: voy. Carus et Otto, Tab. Anat. comp. illustr.,
pars V, pi. G, (ig. 2. — Isid. Geoffroy et Martin Saint-Ange, Op. cit. {Ann. des sciences iiat.,
1828, t. Mil, pi. 6, fig. 4). — Hunter, Ilhistr. Catal. of the Mus. of the R. Collège of Surg.,
t. IV, pi. 63, fig. 1 et 2,
(«) Schlege), Op. cit., p. 46.
mâle
506 REPRODUCTION.
Appaieil § 12. — Les testicules n'offrent rien d'important à noter (1) ;
ils sont toujours situés dans le voisinage des reins, soit au-des-
sous de ces organes, dans le fond de la cavité abdominale,
ainsi que cela se voit chez les Chéloniens (2), soit au de-
vant d'eux, sur les côtés de la colonne vertébrale, comme
cela a lieu chez les Sauriens et les Ophidiens. Il y a toujours
un épididyme bien caractérisé, et les canaux déférents arrivent
près du cloaque sans avoir aucune communication avec les
voies urinaires, mais là ils se réunissent parfois aux uretères, et
débouchent par une paire d'orifices communs situés sur le côté
de ce vestibule, au sommet d'une petite papille (3).
L'appareil copulateur est une dépendance du cloaque, et con-
siste en un ou deux appendices érectiles, qui ne sont jamais
complètement tubulaires, comme la verge des Mammifères,
mais simplement creusés d'une gouttière longitudinale dont la
base est en rapport avec la papille au sommet de laquelle dé-
bouchent les canaux déférents. îl affecte, dans cette classe,
deux formes principales, tantôt il n'existe qu'un pénis impair et
chent aussi sur les parois latérales du (3) Chez les Lézards, cette jonction
cloaque. Chez les Tortues, ces or- du canal déférent et de l'uretère a lieu
ganes sont représentés par une paire près de l'extrémité inférieure du rein,
de grosses vessies {a). En général, il à peu de distance du rectum, en sorte
y a aussi dans l'épaisseur de la paroi que le canal génito-urinaire ainsi formé
antérieure du cloaque une série de est très-court {d).
glandules utriculaires. Chez la Couleuvre à collier, le ca-
(1) La forme des testicules varie nal déférent et l'uretère vont déboii-
avec celle du corps : ainsi, chez les cher l'un et l'autre dans une petite
Ophidiens, ils sont très-étroits et re- ampoule commune qui, à son tour,
marquablement allongés (b). s'ouvre dans le cloaque, au sommet
(2) Par exemple, chez la Tortue d'une petite papille érectile (e).
d'Europe (c).
(a) Bojanus, Analome Testudinis eiiropœœ, pi. 27, fig. 150, 157.
(6) Par exemple, chez la Couleuvre à collier : \oy. Martin Saint-Ange, Op. cit., pi. 10, fig. 1.
(c) Voyez Bojanus, Op. cit., pi. 27 et 28, fig. ■157 et 158.
{(i) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., p. C7, pi. 9, %. 2.
(e)l(leni, ibid., p. 79.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 507
médian : cet organe est linguiforme et plein; lorsqu'il devient
apte à fonctionner, il se gonfle et s'allonge par l'afflux du sang
dans son intérieur, sans que sa forme change notablement.
D'autres fois il y a deux verges qui, dans l'état de repos, ont
la forme de tubes cutanés terminés en cul-de-sac, et s'ouvrant
au dehors par un orifice pratiqué dans la paroi latérale du
cloaque, mais qui, dans l'état d'érection, se déroulent à l'exté-
rieur de façon à constituer un appendice saillant dont l'axe est
creux (1). Le premier de ces modes d'organisation se trouve
chez les Chéloniens et les Crocodiliens -, le second, chez les
Sauriens ordinaires et les Ophidiens.
Chez ces derniers Reptiles, l'anus a toujours la forme d'une
fente transversale, et c'est en dedans de chaque angle ou com-
missure de cette ouverture que se trouve l'entrée du sac
exsertile ou appendice copulateur. Dans l'état de repos, celui-ci
n'est pas apparent au dehors, et se prolonge en arrière, sous la
base de la queue, entre la peau et la colonne vertébrale (2). Il
se compose : 1° d'une tunique cutanée, ou prolongement de la
peau qui en tapisse la cavité, et qui, lors de l'érection du pénis,
(1) Les anatomistes appellent sou- pour pouvoir servir à la distinclion des
vent ces appendices des « verges en sexes. Chez les Lézards, par exemple,
fourreau » , mais ce nom est assez mal la queue est étroite et arrondie en des-
choisi , car le cul-de-sac copulateur, sous chez la femelle, tandis que chez
que l'on compare ainsi à ime gaîne, le mâle elle y est large, aplatie et sil-
ne renferme rien, et c'est en se ren- lonnée longitudinalement sur la ligne
versant comme un doigt de gant, par médiane : c'est le seul caractère exté-
un mouvement d'invagination, qu'il rieur qui puisse faire reconnaître le
devient exsertile et constitue un pénis sexe de ces Animaux.
imperforé. Il est cependant à noter que chez le
(2) C'est par suite de cette disposi- fœtus, les verges du mâle sont appa-
tion que la forme de la portion basi- renies au dehors, et que ces appendices
laire de la queue est en général assez ne rentrent dans le cloaque qu'après
différente chez le mâle et la femelle l'éclosion (a).
(a) Rathke, Entwickelungsgeschichte der Natter, pi. 3, fig'. 17, 18, 19.
— Marlin Saint- Ange, Op. cit., p. 77.
508 REPRODUCTION.
devient extérieur ; 2° d'une (unique fibreuse qui engaine la
précédenle quand l'organe est rentré, mais occupe l'intérieur
de l'appendice quand celui-ci se renverse au dehors ; 3° d'une
couche plus ou moins considérable d'un tissu spongieux érectile
placé entre ces deux tuniques (1); li" d'un muscle rétracteur
qui se porte du fond du cul-de-sac aux vertèbres caudales
adjacentes, et qui occupe l'axe du pénis pendant l'érection.
C'est ce dernier muscle qui fait rentrer la verge sous la peau, et
c'est la contraction des muscles de l'anus qui en détermine la
sortie. La forme du pénis ainsi constitué varie : tantôt il est
simple et plus ou moins styliforme, ou conique, ainsi que cela se
voit chez les Lézards et les Couleuvres; d'autres fois il est bifur-
qué à son extrémité, par exemple chez les Iguanes, les Pythons,
les Crotales et les Vipères (2). Sa partie terminale est parfois
lisse, comme chez les Pythons; d'autres fois, hérissée de pa-
pilles ou d'épines épidermiques récurrentes, comme chez les
Couleuvres et les Vipères (3), ou même garnie de lames carti-
lagineuses, comme chez le Tupinambis élégant. Le sillon qui
est destiné à conduire au dehors la liqueur séminale en occupe
la face antérieure, et lors de l'érection, la base de cette gouttière
vient se mettre exactement en rapport avec l'embouchure du
(1) Chez quelques Reptiles, la verge scytale (a), le Crotalus horridus (6),
ne présente que très-peu de tissu érec- et la Coronelle grisonne ou Coluber
tile, et se compose piincipalement de canus (c).
tissu élastique. Chez les Iguanes , la bifurcation
(2) Chez quelques Ophidiens, la bi- n'est que subterminale (d).
furcaîion du pénis est si profonde, (3) Chez le Dryiniis lineolatus, ces
qu'au premier abord, il semblerait y épines cornées sont de deux sortes,
avoir quatre de ces appendices copu- et plusieurs d'entre elles acquièrent
lateurs : par exemple, chez VAnguis de très -grandes dimensions (e).
(a) Voyez Carus et Otlo, Tabul. Anatom. compar. illustr., pars v, [jI. C, fig. 4.
(b)}. Millier, Bau dev erectilien mannlichen Geschlechisorgane (Mém. de l'Acad. de Derlin
pour 183G,pl. 3, fig. 4).
(c) Schlegel, Op. cit., p. 46.
(d) Exemple, VIguana delicatissima : voy. Carus et Olto, Op. cit., pi. 6, fig. 5.
(e) Carus et Olto, Op. cit.. pi. G, fig. 3.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES REPTILES. 509
canal déférent correspondant. Enfin, on remarque encore chez
beaucoup d'Ophidiens, sous chaque verge, un organe sécréteur
qui consiste en un caecum lubulaire, et qui renferme une ma-
tière blanche (1).
Chez les Reptiles dont l'anus est longitudinal ou arrondi,
savoir, les Crocodiliens et les Chéloniens, l'appareil copulatcur,
ainsi que je l'ai déjà dit, n'est pas double (2) comme chez les
précédents, et consiste en une verge pleine et linguiformc,
située sur la hgne médiane, fixée par sa base à la paroi anté-
rieure du cloaque et libre à son extrémité opposée, qui est
susceptible de se reployer dans l'intérieur du vestibule com-
mun, de façon à s'appliquer contre l'entrée du rectum et de
la vessie urinaire, ou de se recourber en arrière et de faire
saillie au dehors. Elle se compose essentiellement de deux
cylindres ou cônes de tissu érectile, plus ou moins intimement
unis sur le plan médian et revêtus par un prolongement de la
peau, ou plutôt de la membrane muqueuse du cloaque, qui,
se moulant sur la rainure laissée entre les bords de ces corps
caverneux, forme en avant une gouttière longitudinale. La
forme de cet appendice varie : souvent il est renflé vers le
bout en manière de gland (3), et (|uelquefois la portion ter-
(1) Ces organes, appelés poches grand, subcylindrique, renflé vers le
anales, sécrètent un liquide fétide dont bout et terminé en pointe (c). La
l'odeur est alliacée (a). gouttière qui en occupe la face dorsale
(2) D'après M. Weber, le Crocodile est divisée antérieurement en deux
rhombifère ferait exception à cette branches par une papille. Une paire
règle, et aurait deux verges (6). de muscles rétracteurs s'insère d'une
(3) Le pénis des Chéloniens est très- part au bassin, d'autre part à la face
(a) Schlegel, Physionomie des Serpents, t. I, p. 4G.
— Siebold et Stannius, Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 270.
(b) M. J. Weber, Deitrdge zur Anatomie und Physiologie, 1832.
(c) Par exemple, chez la Tortue rayée (restîM^o radïata): voy. Duvernoy, Allas du, Règne animal
de Cuvier, Reptiles, pi. 2, fig. 1.
— Chez VEmys serrata : voy. Treviranus, Ueber die Harnwerk&euge und die mdnnlichen
Zeugungstheile der Schildkrôten {Zeitschrift fiir Physiologie, 1826, t. II, pi. 13, fig. 2 et 3).
Oiseaux.
Différences
sexuelles.
510 REPRODUCTION.
minale de sa gouttière dorsale se transforme en un canal
complet, par exemple chez le Caïman à lunettes. 11 est aussi
à noter que dans l'épaisseur de la verge de ces Animaux, ainsi
que dans la partie correspondante chez la femelle, on trouve
de chaque côté de la gouttière un tube membraneux qui est
formé par un prolongement du péritoine et qui communique
avec la cavité abdominale; inférieurement, il se termine en
cul-de-sac près du gland, ou débouche au dehors par une petite
ouverture garnie d'une valvule membraneuse. On ne sait rien
sur les usages de ces canaux péritonéaux, que nous rencon-
trerons aussi chez plusieurs autres Vertébrés, et qui semblent
être les représentants des pores abdominaux des Poissons
inférieurs (1).
§ 13. — Dans la classe des Oiseaux , les différences
sexuelles sont d'ordinaire accompagnées de particularités très-
inférieure de cet organe, près du gland^
et en se contractant, ils le replacent
dans le cloaque, de façon à boucher
l'orifice du rectum. Pour plus de détails
sur la structure de cette verge, je ren-
verrai aux excellentes figures données
par Bojaiius et reproduites dans plu-
sieurs ouvrages (a).
(1) Ces canaux péritonéaux, dont
l'existence fut constatée chez les Ché-
loniens, d'abord par Plumier (6), puis
par Cuvier et.Duvernoy (c), ont été
étudiés avec beaucoup de soin, par
MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et
Martin Saint-Ange, chez ces Reptiles
ainsi que chez les Crocodiliens [d).
L'occlusion de l'extrémité inférieure
de ces canaux a été constatée par
M. Mayer chez les Tortues (e). Mais
chez les Crocodiles, on les a vus dé-
boucher au dehors dans le cloaque,
près de la racine du pénis chez le mâle,
et à la base du clitoris chez la fe-
melle (/).
(a) Bojanus, Anatome Testudinis europœce, pi. 30, %. 483, 4 84, 485, 487.
Rymer Jones, art. Reptilia ( Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol, t. IV, p. 340,
%. 236-239).
(6) Voyez Stannius etSiebold, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, 1. 1, p. 270.
(c) Cuvier, Anatomie comparée, t. VIII, p. 289.
{d) Is. Geoffroy Sainl-Hilaire el Martin Saint- Ange, Recherches an atomique s sîir deux canaux
quimetlenl la cavité du péritoine en communication avec les corps caverneux de la Tortue
franche, et sur leurs analogues chez le Crocodile, etc. {Ann. des sciences nat., 4828, t. XIII,
p. 453, pi. 7).
(e) Mayer, Analekten %ur vergleichenden Anatomie^ t. I, p. 44.
[f] Owen, Notes on the Anatomy of a Crocodile {Proceed. on the Committee of Ihe Zool. Soc,
1834, t. I, p. 444).
— Stannius et Siebold, Manuel d'anatomie comparée, t. I, p. 270.
APPAREIL DE LA GÉNÉHATION DES OISEAUX. 511
remarquables dans l'appareil tégumen taire, et quelquefois di-
verses parties du corps qui n'ont aucune relation directe avec
les organes de la reproduction sont beaucoup plus développées
chez le mâle que chez la femelle. Ainsi, les ergols dont le tarse
est armé chez plusieurs espèces manquent en général chez la
femelle. Il en est de même des barbillons et autres appendices
du cou. Comme je l'ai déjà dit, le plumage de celle-ci res-
semble toujours davantage au plumage des jeunes individus, et
c'est seulement chez le maie qu'on rencontre ce luxe de colo-
ration et cet énorme développement des plumes de certaines
régions qui sont parfois si remarquables. Pour en donner des
exemples qui sont généralement connus, il me suffira de citer
le Paon et le Faisan doré de la Chine.
§ 14. ■ — Les organes de la génération des Oiseaux res- AppareUgénitai
semblent beaucoup à ceux des Reptiles, si ce n'est que chez le oiseaux.
mâle les conduits déférents ne s'unissent jamais aux uretères
et débouchent dans les cloaques par des orifices particuhers;
que l'appendice copulateur est en général rudimentaire ; et que
chez la femelle, l'appareil tout entier avorte presque toujours
d'un côté, en sorte qu'il n'y a qu'un seul ovaire et un oviducte
unique, placés du côté gauche du corps (1). Dans les pre-
miers temps de la vie embryonnaire, ce défaut de symétrie
n'existe pas, et l'on trouve de chaque côté un ovaire et un ovi-
ducte (2); mais bientôt l'une des moitiés de cet appareil s'atro-
(1) Par exemple, chez la Poule (a), (2) Rathke a constaté que chez le
le Pigeon (6), la Grue couronnée (c). Poulet, les ovaires naissent sur le bord
le Pélican {d), etc. interne des corps de Wolff, et jusqu'au
(a) Fabricius d'Acquapendenle, De formatione ovi et pulli historia, pi. 1, fîg. 1 {Opéra omnia) .
— Spangenberg, Disquisit. inaug. anat. circa partes génitales femineas Aviiim. Gotlingte,
1813, pi. 1, fig. 1; pi. 2, fig. 2-6.
— Lereboullet, Recherches sv.r les organes génitaiix des Animaux vertébrés, pi. Il, fig. 110
{Nova Acla Acad. nat. curios., t. XXIII).
(6) Voyez Martin Saint-Ange, Étude de l'appareil reproducteur, pl. 8, Cg. 3 {Mém. de l'Acad,
des sciences, Sav. étrang., t. XIV).
(c) Perrault, Mémoire pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, pi. 29, fig. P.
{d) Idem, loc. cit., t. III, pi. 27, fig. ».
512 UEPRODUCTION.
phie et disparaît plus ou moins complètement, tandis que l'autre
moitié continue à se développer. Cependant il n'est pas rare
de trouver chez l'adulte des vestiges, soit de l'ovaire, soit de
l'oviducte du côté droit, surtout chez les Rapaces, et chez quel-
ques-uns de ces Oiseaux, les Autours et les Buses principale-
ment, ces parties sont souvent presque aussi développées que
du côté gauche (1).
septième jour de l'incubation, ils ne
paraissent pas différer des testicules.
Vers le neuvième jour, l'ovaire gauche
commence à devenir beaucoup plus
volumineux que l'ovaire droit, et dès
ce moment ce dernier organe cesse de
croître, mais il conserve son volume
primitif jusqu'après l'éclosion, puis
il est résorbé (a). Chez les Oiseaux
de proie, à l'époque de la naissance,
l'ovaire droit est encore presque aussi
grand que l'ovaire gauche, et il en est
de même pour les oviductes (6).
(1) En général, l'ovaire droit est
bien développé chez ces Oiseaux (c),
et on le rencontre assez souvent chez
d'autres Rapaces diurnes (d); mais,
dans la famille des Hiboux, on n'en
trouve que rarement des traces. Par-
fois il existe comme anomalie chez les
Perroquets , la Corneille (e) et les
Pigeons (/").
Barkow a constaté la présence d'un
oviducte à droite chez la Foulque (g) , le
Pigeon, le Strix brachyotos, et le Ca-
nard domestique (/i). M. Stanniiis a
trouvé des vestiges de l'oviducte droit
chez le Cygne à bec rouge, l'Oie, le Pin-
gouin,la Cigogneblanche.la Pouled'eau
et l'Orfiaie ; enfin mon fils, M.Alphonse
Milne Edwards, a constaté une dispo-
sition semblable chez un Kamichi. On
cite aussi des exemples de l'existence
d'un second oviducte plus ou moins
incomplet chez la Poule commune («'),
et , suivant M. Baer, cet organe y
serait représenté toujours par une
vésicule hydatiforme (j).
(a) Rallike, Ueber die Entwickelung der Geschlechtstheile bei den Vôgeln (Bcitr. zur Geschichte
der Thierwelt, t. III, p. 48).
(&) J. Millier, Bildungsgesch. der Genitalien aus anatomischen Untersiich. an Embryoneii des
Menschen und der Thiere. Dusseldorf, 1840. — Recherches anatomiques et physiologiques sur
l'histoire du développement des parties génitales chez l'Homme et les Animaux {Journal com-
plémentaire des sciences médicales, 1831, t. XL, p. 401).
(c) Exemple, la Buse : voy. Carus et Otto, Tabul. Anat. compar. illustr., pars v, pi. 7, ùg. 1.
(d) Emmert, Beobacht. ûber einige anatom. Eigenheiten der Vogel (Reil's Archiv fur die
Physiologie, 1811, t. X, p. 383),
(«) Wagner, Beilr. %ur Anat. der Vogel (Mém. de l'Acad. de Munich, 1837, 1. 11, p. 278).
(f) Siebold et Stannius, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 366.
(g) Barkow, Anat. physiol. Uiitersuch. verziiglich ûber das Schlagadersyslem der Vôgel
(MùUer's Archiv fur Anat. und Physiol., 1829, p. 351, pi. 9, fig. 14-16).
(h) Idem, loc cit., p. 448.
{i) Geoffroy Sainf-Hilaire, Sur la terminaison du canal intestinal chez les O'iseaux (Bulletin
de la Soc. philom., 1822, p, 71).
— Lerelioullet, Op. cit., p. 102.
(j) Baer, Entwickelungsgeschichte der Thiere, t. II, p. 151.
1
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 513
§ 15. — Les testicules sont loiijours au nombre de deux, orpnes
mais en général ils se développent inégalement, et celui du côté
gauche est plus gros que celui de droite. Ils sont accolés à la
paroi dorsale de la cavité abdominale, entre les poumons et les
reins. Leur volume varie extrêmement suivant les saisons (1)
aussi bien que suivant les espèces, et devient quelquefois très-
considérable : chez le Coq et le Canard, par exemple. Leur struc-
ture ne présente aucune particularité importante, si ce n'est
la ténuité extrême des tubes spermagènes. Leur membrane
albuginée, ou tunique propre, est mince, et donne naissance à
des brides qui s'enfoncent dans leur profondeur. Les troncs
principaux formés par la réunion des conduits spermatiques
se détachent du bord interne du testicule, et constituent aus-
sitôt un épididyme qui y est intimement uni et en général
peu distinct (2). D'ordinaire, le canal déférent est flexueux
dans toute son étendue, et, après avoir longé le rein, il se
rend au cloaque en se rapprochant de son congénère, mais
sans s'y réunir. Souvent il présente vers son extrémité infé-
rieure une dilatation ampulliforme qui fait office de vésicule
séminale (3). Il débouche directement dans le cloaque (4).
Ainsi que nous l'avons déjà vu, cette portion terminale et
(1) Ainsi, chez le Moineau, les tes- et chez l'Autruche, l'épididyme est sé-
ticules n'ont guère plus d'un millimètre paré du testicnle et se prolonge beau-
de diamètre au mois de janvier, tandis coup en avant (c).
que, vers le milieu d'avril, ils sont (3) Comme exemple des Oiseaux
presque -aussi gros que des œufs de chez lesquels cette vésicule est bien
Pigeon, comme on le voit dans les développée, je citerai le Pigeon do-
figures que Hunter en a données (a). mestique {d).
(2) Par exemple, chez le Coq [b), (Zi) Voyez tome VII, page 3^7.
(a) Hunter, Animal Œconomy, pi. 7.
— Owen, art. Aves (Toild's Cyclop. of Anat. and, Physiol., t. I, p. 354, fig. J83).
(b) Voyez ïannenberg, Dissert, inaug. circa partes génitales mascul. Avium, 1789, pi. 1 . 'i
— Prévost et Dumas, Sur la génération {Ann. des sciences naturelles, 1824, t. I,
pi. 19, fig. 1).
(c) Voyez Carus et Olto, Taiul. Anatom. compar. illustr., pars v, pi. 7, ûg. 5.
(d) Martin Saint-Ange, Op. cit., pi. 8, Cig. 1.
mâles.
514 REPRODUCTION.
commune des voies digestives et minaires est séparée du rec-
tum par un orifice qui est entouré d'un sphincter puissant, et,
au moment de la défécation, elle se renverse en dehors, de
façon, à amener cet orifice intestinal à l'extérieur (1). Il en ré-
sulte que les fèces ne s'accumulent jamais dans le cloaque, et que
celui-ci fait fonction d'un canal génito-urinaire plutôt que d'une
annexe de l'intestin. En général, des replis plus ou moins pro-
noncés de sa tunique muqueuse le divisent en trois portions, et
c'est dans le compartiment moyen que se trouvent de chaque côté
les orifices spermatiques ; ils occupent chacun le sommet d'une
papille ('2), et dans l'espace qui les sépare du côté dorsal, on voit
les deux embouchures de l'appareil urinaire (3). Dans le compar-
timent suivant, se trouve l'entrée de la bourse de Fabricius
dont j'ai déjà eu l'occasion de parler (/i). Quelques anatomistes
ont considéré cette poche comme un réservoir séminal ; mais
le sperme ne s'y accumule pas, et elle semble être plutôt l'ana-
logue de l'appareil sécréteur appelé prostate, que nous aurons
bientôt à étudier chez les Mammifères (5). Enfin, le cloaque est
(1) Voyez tome VI, page 365. premier de ces deux compartiments
(2) Les papilles à Textrémité des- qui fait office de réservoir urinaire (6) .
quelles les canaux déférents viennent (/i) Voyez tome Vil, page 3/i7.
déboucher dans le cloaque sont for- (5) Fabrice d'Acquapendenle , à qui
niées par un tissu fongueux élastique l'on doit la découverte de cette bourse,
et très-vasculaire , qui est probable- la considérait comme un réservoir sè-
ment susceptible d'érection (a). minai (c), tandis que d'autres natura-
(3) chez l'Autruche, la conslriction listes la regardèrent comme une vessie
moyenne qui sépare la portion pénul- urinaire (d). Perrault et quelques au-
tième du cloaque de la portion termi- teurs modernes (e) y voient l'analogue
nale est très-prononcée , et c'est le des glandes anales des Mammifères ,
'•" (a) Lereboullet, Op. cit., p. 120.
5' [b) Perrault, Méin. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, 2^ partie, p. ISi, pi. 55
{Mém. de l'Acad.,t. 111, 1832).
(c) Fabricius d'Acquapendente, De formatione ovi hist. {Opéra omnia, p. 3).
{d) Geoffi-oy Saiiit-Hilaire, Considérations générales sur les organes sexuels des animaux à
grandes respiration et circiolalion [Mém. du Muséum, 1823, t. IX, p. 394).
(e) Berthold, Ueber die Fabricischen Beutel der Vôgel {Nova Acta Acad. nat, curies., t. XIV,
p. 903).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. .515
garni de divers muscles qui entrent en jeu au moment de lu
copulation (i), et c'est dans l'intérieur de ce vestibule que se
trouve l'organe excitateur qui parfois prend un développement
considérable et devient un appendice copulateur.
Nous avons vu dans une précédente leçon que les Spcrmato- spermatozoïdes
zoïdes des Oiseaux ont une tête allongée, presque cylindrique
et souvent ondulée (2). Ces corpuscules fécondants se déve-
loppent dans l'intérieur de petites utricules libres qui naissent
dans les tubes spermagènes des testicules (3). Tantôt ils sont
accumulés d'une manière confuse dans l'intérieur de ces vési-
cules (4), d'autres fois ils y sont disposés parallèlement en
et Geoffroy Saint-IIilaiie l'assimile aux
glandes de Cowper (a) ; enfin, M. Mar-
tin Saint-Ange la compare à la pros-
tate (b). Quoi qu'il en soit de ces rap-
prochements, il est à noter que la
bourse de Fabricius loge dans l'épais-
seur de ses parois un grand nombre de
follicules sécréteurs. Chez l'embryon,
cet organe est plus développé, propor-
tionnellement aux autres parties, qu'il
ne le sera plus tard, et souvent il est
oblitéré et atrophié chez des incUvi-
dus d'un âge avancé.
(1) Le cloaque est suspendu au bas-
sin par un ligament aponévrotique qui
s'insère à la partie moyenne et infé-
rieure de la queue. Les faisceaux mus-
culaires qui l'entourent sont nombreux
et leur disposition est assez complexe.
Ainsi une bande charnue transversale
occupe l'épaisseur du bourrelet mé-
dian indiqué ci-dessus, et constitue
lin sphincter vestibulaire ; un autre
sphincter entoure l'entrée du cloaque,
et se compose de deux portions bien
distinctes , dont l'une , après avoir
embrassé la paroi postérieure de ce
vestibule, va s'insérer en avant au
ligament pubien ; deux antres mus-
cles, disposés longitudinaleraent, sont
les releveurs de la lèvre antérieure de
l'anus; enfin, il existe aussi des fais-
ceaux charnus qui se détachent de la
partie moyenne des fléchisseurs de la
queue, et qui s'insèrent sur les côtés du
cloaque de façon à dilater cet organe
au moment de leur contraction. Pour
plus de détails au sujet de là dispo-
sition de ces muscles, je renverrai à la
description qui en a été donnée chez
le Canard par Spangenberg, chez l'Au-
truche par J. MuUer, et chez la Poule
par M. Lereboullet (c).
(2) Voyez ci-dessus, page 342.
(û) Voyez ci-dessus, page 350.
(à) Par exemple, chez le Coq.
(a) Tiedemann , Anatomie der VôgeJ, 1810.
(6) Martin Saint-Aniife, Op. cit., p. 57 et suiv.
(c) Spangenberg, Disquisit. inaug. circa partes génitales femineas Avium. GoUingœ, 1813,
pi. 2, fig. 1 et 2.
— J. Muller, Uebev %wei verschiedene Tijpen in dem Bau der erectilen mânnlichen Geschlechts-
organe bei den strausartigen Vôgeln (Méin. de l'Acad. de Berlin pour 1836, p. 146 pi 1
fig. 1). '' '
— Lereboullet, Op. cit., p. 13, pi. 15, fig. 155, 156.
516 REPRODUCTION.
faisceau (1). Chez quelques Oiseaux, tels que les Coqs et les
Pigeons, que nous élevons en domesticité, il en existe dans tous
les temps ; mais chez la plupart des Animaux de cette classe, les
testicules ne contiennent pas de liquide spermatique pendant la
plus grande partie de l'année et ne s'en emplissent qu'à l'époque
du rut (2).
cori.iiiion. § 16. — Chez les Oiseaux, la fécondation est toujours inté-
rieure. Le mâle monte sur le dos de la femelle, la saisit par le
cou ou la tête au moyen de son bec, et, renversant son cloaque
en dessous, l'applique contre le vestibule génito-urinaire de
celle-ci , qui dilate et relève son anus pour le recevoir. Chez
la plupart de ces Animaux, il n'existe pas d'organe copulateur
susceptible de s'introduire dans le corps de la femelle pour
y déposer le sperme; le pénis manque ou n'est représenté
que par un tubercule plus ou moins rudimentaire qui ne peut
servir que comme organe excitateur, et le coït ne consiste
que dans la juxtaposition des parties terminales des appareils
sexuels et dans l'éjaculation de la semence du mâle dans l'ovi-
ducte de la femelle (3). Mais quelques Oiseaux sont pourvus
d'une verge, et cet organe, toujours impair et médian, présente
tantôt l'un , tantôt l'autre des modes de conformation que
nous avons déjà vus chez les Reptiles, ou bien il participe des
(1) Par exemple, chez le Pinson et (3) Ainsi, chez le Coq, le pénis n'est
les Becs-fins. représenté que par un petit tubercule
(2) Quelques-uns de nos Oiseaux do- conique situé entre les deux papilles
mestiques sont aussi dans ce cas : les au sommet desquelles débouchent les
Canards, par exemple. En automne, canaux déférents. Ces papilles sont
leurs testicules sont secs, et leurs ca- formées par du tissu érectile, et elles
naux déférents sont complètement deviennent turgides au moment du
vides (a). coït (6).
(a) Prévost et Dumas, Observ. relatives à l'appareil généi^ateur des animaux mâles {Ann. des
sciences nat., 1824, 1. 1, p. 278).
(b) Barkow , Anat. physiol. Untersuch. verziiglich ûber das Schlagadei'system der Vôgel
(Muller's Archiv fur Anat. und Physiol., 1829, p. 305).
— LerebouUel, Op. cit., pi. 1, fig-. 75 INova Acta Acad. nat. curios., t. XXIII).
J
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX.
517
deux (l). En effet, chez les uns, cet appendice est linguifornic,
comme la verge des Chéloniens et des Crocodiliens : chez
l'Autruche d'Afrique et l'Outarde, par exemple (2). Chez d'au-
tres, notamment chez les Canards (3), les Oies et divers Échas-
siers, il existe une verge en fourreau à peu près comme celle
des Sauriens proprement dits et des Ophidiens. Enfin, chez
quelques espèces, telles que le Nandou, ou Autruche d'Amé-
(1) On doit à J. Mliller une étude
très-approfondie des organes copula-
teurs des Oiseaux (a), sujet qui, du
reste, avait été déjà abordé par Hun-
ier, Cuvier, Meyer, Tannenberg et
quelques autres anatomistes (6).
(2) Le pénis de l'Autruche d'Afri-
que est un gros appendice conique qui
est fixé par sa base à la partie infé-
rieure du cloaque et est creusé d'un
sillon médian dans toute l'étendue
de sa face dorsale (c). Il se compose :
1" de deux corps caverneux coniques,
de structure fibreuse, très-élastiques et
placés parallèlement l'un à côté de
l'autre; 2° d'un corps spongieux fibro-
vasculaire, qui occupe le milieu de la
face inférieure et se prolonge jusqu'à
sa pointe; o" d'une couche de tissu
érectile sous-cutané, qui tapisse son
sillon dorsal et en garnit les bords. La
base de cette gouttière correspond aux
embouchures des conduits déférents,
et reçoit le sperme au moment de
l'éjaculation de ce liquide. Dans l'état
de repos, le pénis, tordu et recourbé
en avant, se loge dans le cloaque, de
façon à boucher complètement en des-
sous la portion de ce vestibule où
l'urine s'accumule. Il en résulte que,
pour permettre l'évacuation de ce li-
quide, ainsi que la sortie des fèces,
cet appendice doit se renverser au
dehors, mouvement qui est déterminé
par la contraction du sphincter de
l'anus et des autres muscles adja-
cents (d).
Chez le Tinamou {Crypturm), la
conformation du pénis est à peu près
la même que chez l'Autruche (e).
(3) Le pénis du Canard se compose
d'un cylindre creux disposé en anse,
tordu sur lui-même, et susceptible de
se dérouler en partie au dehors comme
un doigt de gant, de façon que sa
portion terminale, en se renversant,
devient une sorte de gaîne dans l'in-
térieur de laquelle est renfermée la
portion suivante de cet organe appen-
diculaire, qui est plus solide. Dans
l'état de repos, il se loge dans une
poche particulière située sous le rec-
tum, et sa cavité s'ouvre dans le cloa-
que. Dans l'érection, sa portion exser-
(a) J. Millier, Op. cit. (Mém. de IWcad. de Berlin pour d83G, p. 137).
(b) Cuvier, Leçons d'analomie comparée, 2" édit., t. VIII, p. 268.
(c) l'errault, Mém. pour servir à l'histoire naturelle des Animaux, t. III, p. i3-i.
— Carus ei Otlo, Tabul. Anatom. compar. illustr., pars v, pi. 7, fig. 3.
(d) Voyez Millier, Op. cit. {Mém. de l'Acad. de Berlin pour 183G, p. 141, pi. 1 , dg. i).
(c) Millier, loc. cit., pi. 1, fig. C,
VIII.
35
518 REPRODUCTION.
riqiie^ et le Casoar à casque, la verge est conforme d'après un
troisième type qui participe des deux précédents (1).
§ 17. — L'ovaire des Oiseaux est exogène, comme celui des
Chéloniens, des Crocodiliens et des Plagiostomes. Il est d'abord
mince et lamelleux ; mais, par suite du développement des œufs
à sa surface, il devient bosselé, puis il prend la forme d'une
grappe dont les grains seraient très-inégaux en grosseur. Il est
suspendu dans un repli du péritoine à la paroi dorsale de l'ab-
domen, contre la portion antérieure du rein correspondant, et
il se compose d'une couche peu épaisse de stroma fibrillaire
ou tissu ovigène, et d'une tunique membraneuse particulière
sous laquelle se ramifient beaucoup de vaisseaux sanguins. Les
ovules s'y montrent de très-bonne heure et sont d'abord libres
dans les interstices du stroma , mais bientôt le tissu ovarien
adjacent se modifie de façon à constituer autour de chacun de
ces corps reproducteurs une loge fermée ou capsule, dont les
parois sont membraneuses et tapissées intérieurement d'une
couche de cellules épithéliques.
tile se contourne en tire-bouchon et eux une gouttière médio-dorsale. Au
présenteunegouttièrelongituclinale(a). sommet de cette partie basilaire de la
Chez un autre Palmipède de la même verge, se trouve une portion tubuleuse
famille, le Cereopsis cinerea, cet or- qui est susceptible de se dérouler au
gane copulateur est remplacé par des dehors ou de rentrer à l'intérieur, à
mamelons disposés comme chez les peu près comme le pénis du Canard.
Oiseaux ordinaires (6). De même que celui-ci, il présente un
(1) Chez le Casoar à casque, il sillon longitudinal qui se continue
existe à la face inférieure du cloaque avec celui de la portion basilaire, et
un pénis dont la portion basilaire est il est garni de plusieurs muscles,
composée de deux corps caverneux de La structure du pénis est 3 peu près
structure fibreuse, qui laissent entre la même chez le Nandou (c).
(a) Tannenberg, Observ. circa partes génitales Avmm,-p. 30, pi. 2, fig. 3.
— Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, t. VIII, p. 273.
— Home, Lect. on compar. Anal., t. IV, pi. •134, fig;. 2.
— Owen, art. Aves {Todd's Cyclop. of Anat. and Physiol., t. I, p. 355, fig. 184).
■ — Carus et Ollo, Tabul. Anat. compar. illustr., pars v, pi. 7, fig. i2.
(b) Daresfe, Note sur la disposition des organes génitaiix mâles chez le Céréopse [Aim. des
sciences nat., 4= série, 1862, t. XVII, p. 328).
(c) J. Millier, Op. cit., pi. 2 et 3 [Mém. de l'Acad. de Berlin pour 1836).
APPAREIL DE LA GÉINÉRÂTION DES OISEAUX. 54'9 '
Lorsque ces ovules sont encore très-petits, ils sont connmc Formaiioi,
empâtés dans la substance de l'ovaire, et ne déforment pas cet i-j'uie.
organe; mais en grandissant, ils en soulèvent la surface et la
rendent bosselée; puis, distendant de plus en plus ces bosses,
les transforment en autant de bourses dont la base se rétrécit à
mesure que leur volume augmente. Ces bourses ovigères,
appelées calices, deviennent ainsi pédonculées, et donnent à
l'ovaire l'aspect racémeux dont je viens de parler. Chacune
d'elles loge un œuf qu'elle embrasse étroitement, et leurs parois,
quoique très-minces, se composent, comme nous venons de le
voir, de trois parties, savoir : V d'une tunique externe qui est
formée par une portion distendue des enveloppes de l'ovaire, et
qui constitue le pédoncule du calice ; 2° d'une tunique interne
formée par la capsule ovigère; a" d'une couche de tissu coa-
jonetif lâche, unissant entre elles les membranes précédentes,
et provenant de la partie du stroma qui entourait directement
la capsule et qui a accompagné cette vésicule dans son émi-
gration vers l'extérieur de l'ovaire. De nombreux vaisseaux
sanguins se ramifient dans l'épaisseur des parois du calice ainsi
constitué, et se distribuent d'abord assez uniformément dans
toutes ses parties ; mais lorsque l'œuf ovarien est arrivé à ma-
turité, ces vaisseaux se rétrécissent et s'atrophient presque sur
l'équateur de l'espèce de globe représenté par ce corps. Il en
résulte une bande blanchâtre qui entoure le calice et qui a reçu
le nom de stigma. Enfin, la bourse ovigère se déchire le long
de la ligne ainsi tracée, et laisse échapper l'œuf contenu dans
son intérieur; puis le cahce, devenu vide et pendant, se flétrit
et disparaît.
Lorsque l'ovule ovarien est encore très-jeune (1), la vésicule
(1) Depuis quelques années, le mode cherches, et les embryologistes sont
de développement de l'ovule des Oi- partagés d'opinion sur plusieurs points
seaux a été l'objet de beaucoup de re- importants de l'histoire de ce phéno-
520 lîRPRODUCTION.
germinative en occupe le centre et s'y trouve entourée d'un
amas de granules empâtés dans une substance glutineuse;
mais, à une période un peu plus avancée du travail ovogénique,
cette cellule primitive vient se placer a la surface du globe
vitellin ainsi constitué, et les corpuscules blastémiques dont elle
est entourée, l'accompagnant, forment dans ce point une tache
opaque et blanchâtre, appelée couche proligère, qui se dessine
de plus en plus nettement à mesure que la substance vitelline
sous-jacente se colore davantage en jaune. Cette substance pa-
raît se développer par couches successives et concentriques
autour de l'espace central, ou latebra, occupé primitivement
par la vésicule germinative, et d'un prolongement qui s'étend de
cet espace à la couche proligère, où il s'élargit en forme d'en-
tonnoir (1). Elle se compose de grosses vésicules jaunes, les
unes sphériques, les autres plus ou moins polyédriques, rem-
mène. Lorsque je traiterai de la for- (1) Ce mode de conformation se
raation de l'ovule des Mammifères, je retrouve dans Tœuf arrivé à matmùté,
reviendrai sur ce sujet, et j'indiquerai et pour le mettre en évidence, il est
les relations qui existent entre les di- utile de faire durcir par la cuisson un
verses parties constitutives tant de œuf de Poule nouvellement pondu, de
l'ovule que de la capsule ovarienne le dépouiller de sa coquille, et de le
dans ces deux classes d'Animaux. Ici couper verticalement en deux moitiés
je me bornerai à renvoyer le lecteur, à l'aide d'un inslrument bien tran-
pour plus de détails , aux principaux chant. Des différences de teinte dans
travaux originaux relatifs à ces ques- la substance du vitellus rendent alors
tions délicates [a). visibles les couches concentriques iu-
(a) H. Meckel, Die Bildung der fur partielle Furchung bestimmten Eier der Vôgel (Zeitschrift
fur wissenschaftl. Zoologie, 1852, 1. 111, p. 420).
— Allen Thompson, art. Ovl'bi (ToiM's Cyclopœdia of Anatomy and Pliysiology, Svif[<]., t. V,
p. 77).
— Lcuikart, Zeugung {Wagncr's Handwôrterbiich der Physiologie, t. IV, p. 788-, elc).
— Sunitcr, NonnuUa de cvolutione ovi Avium, donec in ovidiictum ingredialur. Hallo,
1853.
— Hoyer, Ueler die Eifolliker der Yogel, namentlich der Tauben xind Hûhner [Arclnv fur
Anat. und PlnjsioL, 1837, p. 52).
— Klebs, Die Eierstockseier der Wirbellhiere {Arehiv fur pathol. Anat., 1861, t. XXI,
p. 362).
— G. Gegcnbauer, Ueber den Dau und die Entwickelung der Wirbelthiere mit partieller D.Uter-
theilung {Arehiv fur Anat. und Physiol, 1861, p. 491),
— Kolliker, Entwickelungsgeschichte, 1861, p. 24.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 521
plies d'un liquide albumineux chargé de granules et offrant
souvent un noyau bien distinct. La substance qui occupe le
latebra est moins dense, moins colorée et plus riche en ma-
tières grasses que la substance vitelline circonvoisine. La pro-
portion d'huile est plus grande aussi dans le voisinage de la
tache proligère que dans la portion opposée du globe vitellin,
et il en résulte une différence dans la pesanteur spécifique de
ces parties, à raison de laquelle l'ovule, en flottant librement
dans un liquide, se dispose toujours de façon que cette tache
en occupe la partie supérieure.
A mesure que l'ovule ovarique se développe, son volume
augmente, sa couleur prend plus d'intensité, et son enveloppe
propre ou tunique vitelline devient de plus en plus distincte (1).
La tache prohgère s'accroît aussi, et constitue la cicatricule dont
il a déjà été question dans une leçon précédente (2) ; mais la
diquées ci-dessus, et l'on remarque
dans le centre de la sphère vitelline
un espace plus clair qui occupe envi-
ron le quart du diamètre de ce globe ;
un prolongement de même teinte s'é-
tend de cette partie centrale jusqu'à la
tache proligère (ou cicatricule), et,
après s'être d'abord un peu rétréci,
s'élargit en forme d'entonnoir au-des-
sous de cette tache.
(1) Cette membrane ne paraît pas
exister dans les premiers temps du
développement de l'ovule, mais les
observations de M. H. Meckel tendent
à établir que chez l'œuf très-jeune, le
globe vitellin s'entoure d'une tunique
temporaire qui disparaîtrait ensuite,
et qui serait comparable à l'enveloppe
appelée zona pellucida chez les Mam-
mifères {a). Les recherches de M. Allen
Thompson viennent à l'appui de cette
opinion (6), mais elle a été combattue
par M. Leuckart, ainsi que par la plu-
part des embryologistes qui ont fait
plus récemment des études spéciales
sur ce sujet. Suivant MM. H. Meckel
et Allen Thompson, toute la partie
périphérique de la sphère vitelline
proviendrait de la capsule ovarienne et
serait déposée à la surface de l'ovule
primitif, qui, plus tard, se revêtirait
d'une tunique propre; tandis que, sui-
vant la plupart des observateurs, toutes
les parties existantes dans cette sphère
s'y forment dans son intérieur par le
développement ou la multiplication
de cellules ou de corpuscules organi-
sés. Pour plus de détails à ce sujet,
je renverrai au mémoire de M. Gegen-
bauer, cité ci-dessus {Arch. fur Anat.
uncl PhysioL, 1861).
(2) Voyez ci-dessus, page Zi02.
(a) H. Meckel, Op. cit. {Zeitschr. filr ivissensch. Zool., 1859, t. III).
{b) Allen Thompson, Op. cit. (Todd's Cydop., t. V, p. 79).
522 REPRODUCTION.
vésicule germinative qui occupe le centre de ce disque blan-
châtre s'aplatit, et disparait niême complètement, lorsque le
globe vitellin, arrivé à maturité, est près de sortir de sa
capsule, ou peu de temps après sa mise en liberté. II est
aussi à noter que ce phénomène n'a aucun rapport avec la
fécondation, car il se produit dans l'œuf stérile de la Poule
qui n'a pas reçu les approches du mâle aussi bien que dans
Tœuf fécondé.
Descente § 18. — L'ovulc évacué dans cet état par l'ovaire est reçu
'^danT"^ dans l'oviducte; mais ce canal ne sert pas seulement à le
conduire au dehors : de même que chez les Reptiles, les Ba-
traciens et les Poissons plagiostomes, il a aussi pour fonctions
de compléter ce corps reproducteur en ajoutant à la sphère
vitelline un supplément de matières nutritives et des enve-
loppes. C'est donc un organe sécréteur aussi bien qu'un organe
évacuateur. Il ne diffère que peu de celui de quelques Reptiles
et de divers Plagiostomes, où nous en avons déjà décrit la con-
formation; mais il me paraît utile de Tétudicr ici plus attentive-
ment que nous ne l'avons fait chez ces Animaux, et d'entrer
dans quelques détails relatifs à son histoire pTiysiologique aussi
bien qu'à son anatomie.
structure Aiusi quc jc l'ai déjà dit, l'oviducte des Oiseaux est presque
l'oviducte. toujours impair et situé du côté gauche. Il s'étend depuis le
voisinage du poumon jusqu'au cloaque, et il se compose d'un
tube membrano-musculaire suspendu dans un repli du péri-
toine appelé mesometrium^ qui est assez semblable à un mé-
sentère, mais qui renferme des fibres musculaires hsses. Sa
tunique interne consiste en une membrane muqueuse, et entre
celle-ci et le revêtement péritonéal se trouve une tunique char-
nue dont la plupart des fibres sont transversales et en conti-
nuité avec celles du mesometrium. Chez quelques Oiseaux, le
, tube ainsi constitué est uniformément cyhndrique dans toute
son étendue, et ne présente, dans les diverses parties de sa
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 523
longueur, que peu de différences organiques (1); mais en gé-
néral il en est tout autrement, et l'on y distingue quatre i)or-
tions caractérisées par des particularités de structure aussi bien
que par des fonctions spéciales, savoir : un pavillon, ou récep-
teur; une trompe, ou transmetteur; une première chambre
complémentaire, ou conduit albuminipare, et un réceptacle, ou
chambre coquillière.
La Poule est une espèce très-propre à l'étude de ces diverses
parties de l'oviducte. Chez cet Animal, le pavillon est un large
entonnoir à parois minces, dont les bords sont d'ordinaire rap-
prochés de façon à simuler une grande scissure à deux lèvres
plissées, mais pouvant s'écarter et devenir presque circulaires.
Une bride péritonéale, contenant un cordon de fibres élastiques,
s'étend de la commissure supérieure de cet infundibulum à la
partie adjacente des parois abdominales, et le maintient sus-
pendu sous le bord du poumon (2) . Une autre bride analogue
s'attache à la commissure opposée, et la fixe à la partie infé-
rieure de l'oviducte, de façon à la tendre ; mais, par suite de
la contraction lente des fibres musculaires dont il a été déjà
question, l'espèce de boutonnière ainsi formée peut se dilater
et aller s'appliquer sur l'ovaire, de façon à embrasser étroite-
ment la capsule ovigère près d'éclater, et recueillir l'œuf qui
s'en échappe. La surface interne de cet entonnoir est garnie
de cils vibratiles, et son fond présente un orifice circulaire qui
conduit dans la portion suivante de l'oviducte.
La trompe qui fait suite au pavillon est un tube étroit,
presque droit et peu mobile, que l'œuf doit traverser rapide-
ment. Ses parois sont minces et sa tunique muqueuse n'est que
(1) Chez le Pigeon, par exemple (a). penseur du pavillon a été Uès-bien
(2) La structure de ce ligament sus- représentée par M. LerebouUet (6).
(a) Voyez Martin Saint-Ange, Op. cit., p. 54, pi. 8, fig. 3.
(6) LerebouUet, Rech. sur les organes génitaux des Animaux vertébrés, pi. 12, fig. 116 [Nova
Acta Acad. nat. curios., t. XXIIl).
524 KEPRODUCTION.
foiblement plisséc. Elle se continue inférieuremenl avec la pre-
mière chambre complémentaire ou tube albuminigène, qui s'en
distingue par son diamètre considérable, ses circonvolutions
nombreuses, l'épaisseur de ses parois, les gros plis longitudi-
naux et obliques formés par sa tunique muqueuse, et les nom-
breuses glandules vésiculaires réunies par paquets que cette
tunique renferme. Ces plis sont subdivisés en lobes qui se
multiplient et se rapetissent vers la partie postérieure de l'or-
gane, et ils disparaissent presque dans une portion rétrécie,
appelée l'isthme, qui la termine et la sépare du réceptacle, ou
chambre coquillière.
Cette dernière portion de l'oviducte, que quelques anato-
mistes appellent la chambre incubatrice ou l'utérus, est un
élargissement ovoïde dont les parois sont garnies de fibres mus-
culaires longitudinales aussi bien que transversales, et qui se
plissent dans tous les sens quand elles ne sont pas distendues
par la présence d'un œuf. La tunique muqueuse y est hérissée
de longues papilles lamelleuses, arrondies au bout et logeant
dans leur épaisseur des glandules particulières. Enfin, cette
chambre terminale s'ouvre dans le cloaque par un col tubu-
laire et étroit, dont l'orifice fait saillie à la partie latéro-supé-
rieure du vestibule génito-urinaire, en dehors de l'embouchure
de l'uretère gauche (i).
Forraaiion § 19. — L'oBuf ovaricu, c'est-à-dire le globe vitellin, recueilli
des ^ ^
parties compié- par Ic pavillou, travcrsc tres-rapidement la trompe et ne se-
de journe que quelques heures dans la première chambre complé-
mentaire (2); mais en passant dans cette portion de l'oviducte, il
(1) Quelquefois l'oviducte est fermé Pingouins, un Héron et quelques au-
dans ce point. M. Stannius a observé très Oiseaux (a).
cette disposition chez des Canards, des (2) Voyez à ce sujet les observations
(a) Slaiinius et SieboU, Nouveau Manuel d'anatomie comparée, t. II, p. 367.
APPAREIL DE LÀ GÉNÉRATION DES OISEAUX. 525
se recouvre d'un albumen et se revêt ensuite de la tunique mcni- a"^"-"*"-
braneuse qui constitue l'enveloppe propre de cette substance.
La matière protéique et organisable sécrétée par les glandules
de la tunique muqueuse de ce tube se dépose par couches suc-
cessives sur l'œuf pendant que celui-ci séjourne dans la por-
tion plissée de ce tube, et ce dépôt, s'effectuant de prime abord
dans une étendue assez considérable en amont et en aval du
point occupé par ce corps étranger, aussi bien que dans ce
point même, forme aux deux pôles du globe vitellin un appen-
dice cylindrique en continuité avec les premières couches du
blanc appliquées directement sur ce corps. La portion pro-
fonde de l'albumen ainsi produite est plus dense que les
couches formées ultérieurement et en reste distincte. On appelle
membrane chalazifère la couche appliquée sur le globe vitel-
lin (1), et l'on a donné le nom de chalazes aux deux prolonge-
ments polaires qui en partent. Par l'effet d'un mouvement de
rotation de l'œuf ou de quelque chose d'analogue, ces appen-
dices se tordent fortement, et se recourbent sur eux-mêmes
de façon à présenter un aspect fort singulier. Les premiers
ovologistes en ont été très-préoccupés et y ont attaché un
rôle important dans le travail embryologique, mais ils ne pa-
raissent servir qu'à maintenir le globe vitellin dans une posi-
tion déterminée par rapport au grand axe de l'œuf. L'albumen,
de Dutrochet, de M. Purkinje, et plus parties de l'albumen qui se forment,
particulièrement celles faites il y a mais leur disposition spirale {b) ne de-
quinze ans par M. Coste (a). vient distincte que plus tard, lorsque
(1) Les chalazes sont les premières l'œuf a déjà sa coquille.
(a) Dutrochet, Recherches sur les enveloppes du fœtus {Mém. de la Soc. méd. d'éinulatio7i,
t. VIII, et Mém. pour servir à Vhistoire anatomique et physiologique des Végétaux et des Ani-
maux, 1837, t. II, p. 206).
— Purkinje, Symbolœ ad ovi Avium historiam, 1830.
• — Coste, Histoire du développement des coi-ps organisés, 1849, 1. 1, p. 288 et suiv.
(b) Baer, Veber Entwickel., p. 31.
— Wagner, Icônes physiologlcœ, pi. 2, fig. 11.
— Allen Thompson, article OvuM (Todd's Cyclop. of Anat. and PhysioL, t. V, p. 64,
fig. 4G, A, B, G.
526
REPRODUCTION.
en s'acciimiilant sur ce premier dépôl, prend une forme plus
globuleuse, et à mesure que l'œuf descend dans l'oviducte,
poussé par les contractions péristaltiques de ce conduit, son
extrémité postérieure s'élargit plus que son extrémité opposée;
sa substance affecte aussi une disposition spirale déterminée,
suivant toute probabilité, par le mouvement de rotation que les
plis obliques de l'oviducte font exécuter à l'œuf pendant son
passage dans ce tube. Tous ces phénomènes peuvent s'accom-
plir dans l'espace d'environ trois heures. L'œuf s'arrête dans
l'isthme de l'oviducte pendant un laps de temps à peu près
semblable, et là la couche superficielle de l'albumen se conso-
lide et s'organise de façon à former la tunique dont j'ai déjà
eu l'occasion de parler sous le nom de membrane de la coquille.
Cette enveloppe se compose d'un feutrage, et forme deux feuil-
lets unis l'un à l'autre, mais faciles à séparer (1).
La production de l'albumen et de la membrane coquilhère
n'est pas subordonnée d'une manière absolue à la présence
d'un globe vitellin dans l'intérieur de l'oviducte : ainsi, on
rencontre* parfois des œufs de Poule qui ne renferment pas de
jaune (2). On connaît beaucoup d'exemples de deux vitellus
renfermés dans un même albumen, et il n'est pas très-rare
de voir deux vitellus pourvus chacun de leur blanc, mais
(1) Pour plus de détails sur cette Tovule ovarique dans la portion albu-
tunique, je renverrai aux observations minigène de l'oviducte (6), Dans les
de M. Carpenter et de M. Allen Tliomp- campagnes, on appelle souvent ces
son (a). œufs imparfaits des œufs de Coq, et
(2) Cette anomalie paraît dépendre l'on s'imagine qu'il en naît un Ser-
parfois de l'existence d'un obstacle peut, fable qu'il serait inutile de ré-
mécanique qui empêche Feutrée de futer.
(a) Carpenler, On Ihe Structure of the animal Basis of the commoii Egg-shell and of tlie
Membrane surrounding the Albumen [Trans. of the microsc. Soc., 1844, t. I, p. 109).
— Allen Thompson , article Ovuii (Todd's CyrAop. of Anat. and Physiol. , t. V, p. 65,
fig. 46, D).
(b) Lapeyronie, Mém. sur les petits œiofs de Poule sans jaune que Voti appelle vulgairement
œufs de Coq (Illst. de l'Acad. des sciences, 1710, p. 553).
APPARE5L DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 527
renfermés dans une même membrane coquillière, fails qui
prouvent l'indépendance primordiale de toutes ces parties acces-
soires de l'œuf (i).
C'est pourvu de son albumen et de sa membrane coquillière coquiiie.
que l'œuf passe de la première chambre complémentaire dans
le réceptacle villeux qui occupe la partie inférieure de l'oviducte,
et qui enduit aussitôt ce corps d'un liquide blanchâtre destiné à
fournir les matériaux constitutifs de la coquille. Celle-ci est
formée par une couche plus ou moins épaisse de cellules vésicu-
kires dans l'intérieur desquelles du calcaire carbonate ne tarde
pas à se déposer et à prendre une apparence cristalline. Elle
est toujours poreuse et perméable à l'air (2), mais son épaisseur
varie beaucoup suivant les espèces (3). Il en est de même de
sa densité et de l'aspect plus ou moins poli de sa surface {(i).
Il arrive parfois que l'œuf ne s'achève pas de la sorte, et
qu'il est expulsé du corps de la femelle avant de s'être revêtu
(1) Il existe^ dans les collections du des Outardes, des Frégates et des Ti-
Muséum d'histoire naturelle, un œuf namous. En général, les Oiseaux qui
double de ce genre, qui manque de co- pondent sur la terre nue ont des œufs
quille et dont la tunique membra- à coquille plus épaisse : par exemple, le
neuse a la forme d'un sac allongé et Paon, la Pintade, les Perdrix, la plu-
fortement étranglé au milieu. Des ano- part des autres Gallinacés et presque
malles analogues ont été signalées par tous les Oiseaux nageurs.
quelquesauteurs{a), etl'oaa vumême (û) Comme exemple de ces diffé-
des œufs à trois jaunes (6). rences, je citerai, d'une part, les œufs
(2) Voyez tome I, page ûl6. des Pies et des Bécasses, qui sont lisses
(3) Ainsi, non-seulement les œufs et luisants comme du verre; d'autre
des petits Passereaux, mais aussi ceux part, les œufs des Autruches, des Ca-
de quelques Oiseaux d'assez grande soars et des Hoccos, qui sont piquetés
taille, ont une coquille extrêmement et rudes. Chez beaucoup d'Oiseaux
mince : par exemple, ceux des Faucons, aquatiques, la coquille est grasse.
{a) Polisius, De ovo gallinaceo nionstroso {Miscell. curios., 1685, obs. 44).
— 0. des Murs, Traité d'oologie, p. 101.
— Davaine, ilém. sur les anomalies de l'œuf {Mévi. de la Société de biologie pour 1860,
série 3», t. II, p. 226, pi. 2, fig. 10-14).
(6) Valencieimes, Note sur des œufs à phisieurs jaunes contenus dans iine même coque
{Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1856, t. XLII, p. 5).
528 REPRODUCTION.
d'une coquille (J). Ce phénomène n'est pas rare chez la
Poule (2), et paraît, en géne'ral, dépendre d'une fécondité trop
grande, comparativement à la puissance digestive de l'Oiseau et
à la quantité de matières calcaires que celui-ci peut introduire
dans son organisme (8). Ainsi on l'observe principalement chez
les individus malades, vieux ou nourris d'une manière trop
excitante. Il se peut aussi que, par suite de l'arrivée presque
simultanée de deux œufs dans la portion villeuse de l'oviducte,
mie coquille unique se constitue autour de ces deux corps, ou
bien que le premier de ces œufs, après s'être revêtu de sa co-
quille, soit enveloppé avec le second dans la coquille de ce der-
nier. On trouve dans les annales de la science beaucoup d'ob-
servations sur des œufs inclus de la sorte (4), et quelquefois
même des corps étrangers ont été embrassés d'une manière
analogue par la substance constitutive de la coquille (5). Mais
(1) On appelle communément œufs (û) C'est principalement cliez la
hardés, les œufs qui sont dépourvus Poule que l'on a constaté l'existçnce
de coquille et recouverts seulement d'œufs à double jaune, ou d'œufs à
par une membrane coquillière plus ou coquille inclus dans un autre œuf.
moins épaisse. Pour l'indication des auteurs qui ont
(2) Des cas analogues ont été ob- signalé des faits de ce genre, je ren-
servés, mais rarement, chez d'autres verrai aux écrits d'Isidore Geoffroy
Oiseaux: par exemple, chez le Moineau Saint-Hilaire, de M. des Murs et de
domestique (a) et le Serin (6). M. Davaine (d).
(3) Les agronomes ont remarqué (5) Ainsi on cite des exemples
que dans les régions oii le sol manque d'œufs dans la coquille desquels des
de calcaire, les Poules donnent des fragments d'insectes qui avaient échap-
œufs dont la coquille est remarquable- pé à la digestion, et qui s'étaient en-
ment mince : dans l'Ardenne belge, gagés dans l'oviducte, ont été trouvés
par exemple (c). incrustés dans la coquille (e).
(a) Moquin-Tandon, Mém. sur l'oologie {Bulletin de la Société linnéenne de Paris, 1825,
t. III, p. 67).
{&) 0. des Murs, Traité d'oologie, p. iOl.
(c) Joig-neau, le Livre de la ferme, t, I, p. 950.
{dj Is. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire générale et particulière des anomalies de l'organisation,
t. m, p. 318.
— G. des Murs, Op. cit.
— Davaine, Op. cit. {Mém. de la Société de biologie pour 1860, série 3', t. Il, p. 226).
— Bert, Œuf complet inclus dans un autre œuf complet {L'Institut, 1862, t. XXX, p. 42).
{e) Moquin-Tandon, Mém. sur l'oologie {Mém. de la Soc. linn. de Paris, t. III, p. 69).
— Davaine, loc. cit., p. 242.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 529
des accidents de ce genre n'offrent que peu d'intérêt physio-
logique.
La forme, la coloration et le volume des œufs varient beau- fo"»''
tt couleur
coup dans la classe des Oiseaux (1 ). Toujours ce sont des solides ''es œi.fs.
de révolution dont la figure correspond à celle qui serait engen-
drée par une ligne courbe tournant autour d'un axe; ils ne sont
jamais complètement sphériques, et leur grand diamètre cor-
respond à l'axe de l'oviducte qui leur a livré passage. En
général, ils sont plus petits à un bout qu'à l'autre, ainsi que
cela se voit chez la Poule, et quelquefois cette différence est
même beaucoup plus prononcée que chez ce Gallinacé (2);
mais d'ordinaire ils se rapprochent davantage d'une forme
ellipsoïdale régulière, comme chez le Pigeon. On remarque
aussi des différences considérables entre la longueur du grand
axe de ces corps comparé à leur petit diamètre; mais ces par-
ticularilés sont loin d'être constantes chez les œufs des Oiseaux
appartenant à une même famille naturelle, et sont sujettes à des
variations assez grandes dans une même espèce (3) : aussi
(1) La conformation extérieure et le ou Alca impennis. Les œufs de cet
mode de coloration des œufs d'Oiseaux Oiseau sont tellement rares dans les
ont été l'objet de beaucoup d'obser- collections, que la valeur vénale en
vations, et ont donné lieu à la publica- est devenue excessivement élevée,
tion de plusieurs ouvrages spéciaux, (3) M. des Murs, à qui l'on doit
dont je me bornerai à citer ici les beaucoup de recherches sur l'oologic
principaux (a). ornithologique, rapporte à six types
('2) Comme exemple des œufs près- principaux la forme des œufs, savoir :
que piriformes, je citerai ceux d'un 1" La forme sphérique, qui n'est
Oiseau dont l'espèce est presque per- jamais parfaite, mais dont s'éloignent
due de nos jours : le grand Pingouin, peu les œufs très ramassés et à extré-
(n) Zinanni, Belle uova t del nidi degli Ucelli, i 737.
— Klein, Ova Avium plurimarnm delineata, 1766.
— Schinz, Beschreib. und Abbild. der kimstlichen Nester und Eier der Vôgel, 1819.
— Moquin-Tandon, Op. cit. {Mém. de la Soc. linn. de Paris, •ISSS, t. III, p. 38).
— Hewilson, lllustr. of thc Egqs of British Birds, 2 vol., 1832.
— Thienemann, Syslematische Darstellung der Fortpflanzung der Vôgel Europa's mit Ablil-
dung. der Eier, 1838. — Fortpflanzungsgeschichte der gesammten Vôgel, 1846-I856.
— Brewer, North America7i Oology, 1857.
— 0. des Murs, Traité général d'oologie ornilhologique, 1860.
530
REPRODUCTION.
ne devons-nous y attacher ici que peu d'importance. J'ajouterai
seulement que le petit bout de l'œuf est toujours l'extrémité
qui, dans l'oviducte, est dirigée vers le cloaque, et cette circon-
stance, jointe à celle de déformations accidentelles qui sont
évideinment dues à une pression exercée par les parois de ce
tube ou par les parties adjacentes de l'organisme, doit nous
porter a croire que des causes mécaniques influent beaucoup
sur la conformation de ces corps, lorsqu'ils ne sont encore
revêtus que de leur tunique coquillière et n'ont pas encore de
coquille. A raison de cette circonstance, des stries obliques qui
se voient sur la tunique de l'albumen, de la torsion des chalazes
et de la forme de l'œuf, qui, ainsi que je l'ai déjà dit, est tou-
jours celle d'un solide de révolution, j'incline donc à croire
que, pendant son séjour dans la portion moyenne de l'oviducte,
mités similaires. Exemple, les œufs de
tous les Rapaces nocturnes, à l'excep-
tion des Effraies, et les œufs du Gor-
fou, ou Spheniscida.
2° La forme ovalaire, ou plutôt
ellipsoïde régulière, médiocrement al-
longée et à extrémités très-obtuses.
Exemple, les œufs de la plupart des
Rapaces diurnes ; ceux des Perroquets,
des Oiseaux-mouches, des Pigeons,
des Cygnes, des Canards, etc., etc.
3° La forme cylindrique, ou plu-
tôt ellipsoïdale très-allongée. Exemple,
les œufs des Mégapodiens.
li° La forme ovée, ou subovoïde,
avec les deux bouts inégaux, comme
dans l'œuf de la plupart des Gallina-
cés et des Passereaux.
5° La forme ovoiconique, ou très-
rétrécie vers le petit bout. Exemple,
les œufs des Bécasses, des Chevaliers,
des Pluviers, des Huîtriers, des Pin-
gouins, des Guillemots, etc.
6" La forme elliptique, irrégulière,
c'est-à-dire ayant les deux extrémités
un peu pointues. Exemple, les œufs de
la plupart des Totipalmes, ceux des
Grèbes et ceux des Plongeons (a).
Du reste, il y a souvent des diffé-
rences de forme assez notables dans
les œufs des espèces d'un même genre,
et l'on rencontre aussi des variations
considérables chez des individus de
même espèce, ainsi que cela se voit
dans les belles planches de l'ouvrage
de Thienemann [b). Quelques auteurs
ont cru pouvoir attribuer ces diffé-
rences de forme à la position de l'Oiseau
ou à la direction de son oviducte (c) ;
mais nous manquons de données suf-
fisantes pour examiner la valeur de
cette hypothèse.
(a) 0. des Murs, Traité général d'oologie ornitliologiqiie, p. 63.
(b) Thienemann, Fortpflanzungsgesch. der Vôgel.
(c) Hardy, Oologie ornithologique {Revue et Mag. de zoologie, 1801, p. 49).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 531
l'œuf tout entier est animé d'un mouvement de rotation, tandis
que le vitellus, maintenu dans une position fixe par les rliCfe-
rences de pesanteur spécifique de ses deux moitiés, reste à peu
près immobile (i); cela expliquerait la disposition deschalazes,
si les deux extrémités de ces prolongements polaires adhé-
raient à la portion périphérique de la couche albumincuse plus
que dans le reste de leur étendue.
Le volume de l'oeuf est généralement en rapport avec la
grandeur de l'Oiseau qui le produit, mais il n'en est pas tou-
jours ainsi. Plusieurs espèces, telles que l'Aptéryx et les
Mégapodes, dont la taille est médiocre, produisent des œufs
très-gros (2), et c'est à tort que quelques naturalistes ont
pensé que l'existence d'un œuf énorme ^ comme l'est celui
de VMpyornis, impHquait l'existence d'un Oiseau gigantes-
que (3) . En général, il y a une certaine relation entre le vo-
lume relatif de l'œuf et l'état de développement plus ou moins
avancé auquel l'embryon arrive avant l'éclosion (4). Il est aussi
(1) Voyez ci-dessus, page 521. moment de l'éclosion, et, ainsi que
(2) Ainsi l'œuf du Coucou n'est pas nous le verrons dans la suite de ce
plus gros que celui de l'Alouette, et cours, les uns naissent dans un état de
l'œuf du Pluvier est aussi gros que faiblesse extrême, tandis que d'autres
celui de la Poule. peuvent presque tout de suite pourvoir
(3) Ces œufs gigantesques, trouvés à à leurs besoins. Buhle a conclu de ses
Madagascar, ont de 0'^;32 à 0",3/i, sur nombreuses observations sur l'ovolo-
0™,23 environ, et leur volume corres- gie, que ces différences étaient liées à
pond à celui de 6 œufs d'Autruche et la grosseur relative de l'œuf et du corps
de lZi8 œufs de Poule. A raison de de l'Animal qui le produit, et que les
ces circonstances, on a supposé que œufs les plus petits, comparativement,
l'Oiseau auquel ils appartiennent sont ceux dont sortent les jeunes Oi-
devait avoir entre 3 et ù mètres de seaux les moins avancés dans leur dé-
haut (a), veloppement; tandis que les œufs les
(4) Il existe chez les Oiseaux de plus gros, proportionnellement à la
grandes différences dans le degré de taille de la mère, appartiennent aux
perfectionnement de l'organisme au espèces qui naissent dans l'état plus
(a) Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Notice sur des ossements et des œufs troicvés à Madagascar
dans des alluvions modernes et provenant d'un Oiseau gigantesque (Ann. des sciences nat.,
4' série, 1859, t, XIV, p. 206).
532 REPRODUCTION.
à noter qu'il peut y avoir à cet égard de grandes variations
chez un même Oiseau, suivant les conditions physiologiques
dans lesquelles il se trouve. Ainsi, parfois la Poule pond des
œufs nains, et ceux que l'on appelle vulgairement des œufs de
Coq ne sont autre chose que des produits de ce genre (1). L'âge
de la mère exerce une certaine influence sur la grosseur des
œufs, et (ihez nos Oiseaux domestiques les particularités héré-
ditaires propres aux diverses races coïncident souvent avec des
différences très-grandes dans le volume de ces corps (i2).
La coloration de la coquille varie beaucoup dans cette classe
d'Animaux : tantôt elle est uniforme, comme dans l'œuf des
Poules cochinchinoises, qui sont jaunâtres, et dans ceux des
Casoars, qui sont d'un vert intense (3) ; souvent l'albinisme
est complet {h); mais d'autres fois on observe des taches
parfait (a). Mais la règle est loin d'être
aussi absolue, et il y a, sous ce rap-
port, de grandes variations parmi les
Oiseaux précoces, ainsi que parmi ceux
dont le développement est tardif.
(1) Ainsi que je l'ai déjà dit, il me
paraîtrait superflu de m'arrêter ici
pour prouver que les petits œufs, ap-
pelés œufs de Coq dans le langage
commun, ne proviennent pas d'un mâle
et sont le produit de la Poule. Souvent
ces petits œufs manquent de jaune ou
n'ont qu'un vitellus rudimentaire ; ils
sont, en général, pondus par des
Poules affaiblies, soit par l'âge, soit
par la maladie. La Poule n'est pas le
seul Oiseau chez lequel on ait observé
ce genre d'anomalie (6).
(2) Les œufs des Poules de dix-huit
mois ou deux ans sont généralement
plus petits que ceux des individus de
trois ou quatre ans, et il existe des dif-
férences énormes dans la grandeur des
œufs fournis par différentes races
d'une même espèce. 11 me paraît
presque superflu d'ajouter que les
œufs fournis par les poules de petite
race, telles que les Poules naines, sont
généralement très-petits. Ceux de nos
Poules ordinaires pèsent environ
60 grammes.
(3) Les œufs du Faisan doré sont
couleur de chair ; ceux du Roitelet, du
Grèbe, du Butor, etc., sont couleur
d'ocre; ceux de l'Étourneau sont d'un
vert glauque, ceux du grand Tina-
mou sont d'un bleu Intense, et ceux
du Tinamou varié sont lilas.
(i) Par exemple, chez les Poules
de race ordinaire , les Pigeons, la
Chouette, etc. D'autres fois ce fond
blanc est azuré ou légèrement teinté
(a) Neumann et Buhle, Die Eier der Vogel Deutscldands, 1819.
(b) Voyez 0. des Murs, Op. cit., p. 93.
ArPARIîlL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 533
dont la teinle est assez constante (1) suivant les espèces. Quel-
ques physiologistes ont cru j)ouvoir expliquer ces maculalions
par des extravasations de sang provenant des parois de l'ovi-
ducte, mais elles dépendent d'un dévelo})penient particulier
de pigment dans le tissu de la coquille. Il est d'nillours à noter
qu'en général la matière colorante n'occupe que la couche
externe de celle-ci, et qu'elle n'est pas détruite par l'action
des acides faibles qui extraient la matière calcaire (2). Quel-
ques ornithologistes ont cru remarquer une certaine liaison
entre la couleur des œufs et la disposition du nid destiné à les
recevoir, ou les habitudes plus ou moins sédentaires des cou-
veuses; de sorte que ceux qui, à raison des circonstances de
cet ordre, sont le plus exposés à la vue de| leurs ennemis, se-
raient, par leurs teintes, les plus semblables aux objets circon-
voisins (3) : mais cette règle souffre beaucoup d'exceptions.
§ 20. — Pendant la jeunesse, chez les Oiseaux de même que Époque
chez les autres Animaux, l'ovaire ne contient que des ovules lareproïnction
de rose, de gris ou de vert, ainsi que varient beaucoup d'un œuf à un autre,
cela se voit cliez les Cigognes, les (2) La coque, dépouillée de la sorte
Spatules, les Cormorans, les Blon- de ses sels calcaires, reste colorée, et
gios, etc. quelquefois se sépare ensuite en plu-
(1) Quelquefois les taches forment sieurs lames minces, dont les plus pro-
une zone assez régulière ou une sorte fondes sont blanches ou légèrement
de guirlande : par exemple, chez le azurées. La couche superficielle paraît
Bec-croisé des Pins, le Bec-fin Orphée, être formée par un tissu épithélique
la Pie-grièche à poitrine rose , etc. ou utriculaire (a). L'œuf de la Créce-
Les œufs des Oiseaux de proie sont en relie et celui de la Perdrix se prêtent
général marbrés ; chez la plupart des très-bien à cette expérience (6).
Pinsons, ils sont d'un bleu verdâtre, {'à) Gloger, ornithologiste habile,
clair-semé de petites bandes d'une qui s'est particulièrement occupé de
couleur de café. Chez d'autres Oiseaux, l'élude des œufs et des nids des Oi-
tels que les Mouettes et les Pingouins, seaux, a tiré cette conclusion de Tén-
ia disposition et la teinte des taches semble de ses recherches (c).
(o) Dickie, On the structure ofthe Shell of Blrds and the nature and seat of the Colour
(Ann. ofnat. Hist., 2» série, 1846, t. Il, p. 169).
(b) Cornay, ilêm. sur les causes de la coloration des œufs des Oiseaux, etc., 1860 .
(c) Gloger, Ueber die Farbeii der Eier der Vogel (Vcriunidl. der Gesellsch. naturforschender
Freunde %u Berlin, 1 829, t. I, p. 332).
Vin. " 36
554 REPRODUCTION.
riidimentaires, et les testicules ne renferment pas de Sperma- '
tozoïdes. Jusqu'à ce que l'Animal soit arrivé presque au terme
de sa croissance, ses organes reproducteurs ne se développent
que peu et resteut dans un état d'inactivité presque complète.
L'époque à laquelle ils deviennent aptes à exercer leurs fonc-
tions varie suivant les espèces, mais toujours ce n'est que gra-
duellement qu'ils acquièrent toute leur puissance, et à une pé-
riode avancée de la vie ils ralentissent leur action; enfin, dans
la vieillesse, ils cessent de fournir des produits, et alors on voit
souvent la femelle prendre en partie le plumage du mâle. Je ne
puis rien dire de général touchant l'âge de la puberté chez ces
Animaux, et pour lixer les idées à ce sujet, je dois me borner à
donner quelques exemples. Ainsi, la Poule commence à pondre
avant la fin de la première année, vers l'âge de six ou huit
mois, mais ne devient très-féconde que dans sa seconde ou
troisième année; puis sa faculté reproductrice décline, et ne se
prolonge que rarement au delà de la sixième année, bien que
l'on cite des cas dans lesquels la production d'œufs ait conti-
nué jusqu'à l'âge de douze ou même quinze ans (1). C'est
aussi vers l'âge de six mois que le jeune Coq commence à
rechercher les femelles, et à l'âge d'un an ou quinze mois, il
acquiert toute sa puissance comme reproducteur; il peut alors
suffire à douze ou quinze Poules, ou même davantage, mais il
s'affaiblit rapidement. Pour le Cygne, la puberté n'arrive que
beaucoup plus tard (2). -
(1) La précocité des Poules varie les Poules dites cochinchinoises , le
suivant les races et l'époque de la sont moins que celles de petite taille,
naissance de ces Animaux. Ainsi les Les particularités inhérentes aux races
Poulettes d'automne sont plus hâtives paraissent influer aussi sur la durée de
que celles qui naissent an printemps, la faculté reproductrice (a).
et les races de grande taille, telles que (2) Le Cygne noir d'Australie ne se
(a) Miifz do Lavison, Sur la fécondation des œufs des Gallinacés (Bulletin de la Société noolo"
gique d'accliinalaltoii, 18G2, t. IX, p. 375).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 535
C'est en général au prinlemps ou au commencement de
l'été que la ponte a lieu (1), et, quelque temps avant cette
époque, les maies et les femelles, qui jusqu'alors ne se recher-
chaient pas, se réunissent, soit par paires, soit en troupes
composées d'un mfde et de plusieurs femelles. Je renverrai à
une autre partie de ce cours tout ce que j'ai à dire de l'instinct
admirable qui guide ces Animaux dans la construction du nid
destiné à recevoir leur progéniture, ainsi que des soins que
beaucoup d'entre eux prodiguent à leurs petits, et ici je me
bornerai à parler de ce qui est relatif à la fécondation des œufs.
L'époque des amours varie suivant les espèces, mais est
réglée aussi en grande partie par la température de l'atmos-
phère. Ainsi on a remarqué que quelques-uns des Oiseaux de
nos pays, transportés aux antipodes, où la saison chaude coïn-
cide avec nos mois d'hiver, ont changé leurs habitudes d'une
manière correspondante, et que chez eux le réveil des facultés
reproductrices avait lieu au moment où, avant cette transporla-
tion, tout phénomène de cet ordre était interrompu (2).
La durée de l'accouplement est toujours très-court. Le mâle, Accouplement.
comme je l'ai déjà dit, saisit la femelle par le cou, et, montant
sur son dos, applique son anus contre le sien. Tantôt la femelle
s'accroupit pendant qu'elle reçoit ainsi le mâle, comme cela se
reproduit aussi qu'à Tàge de trois ans, nomèiies d'activité génésique chez les
bien que sa croissance soit à peu près Oiseaux de même espèce vivant en Eu-
terminéeau bout d'un an (a). rope, ou transportés en Australie, a
(1) La ponte a lieu plus tôt chez été faite sur des Alouettes, des Grives
quelques Oiseaux : ain^i elle commence et plusieurs autres Passereaux qui
en février pour le Cygne. avaient été portés d'Angleterre à Mel-
(2) Cette observation intéressante bourne, et qui se sont mis à construire
relative au renversement des périodes leur nid et à pondre, non en mai, mais
de l'année où se manifestent les phé- en octobre (6).
(a) Leprestre, Observ. sur le Cygne noir {Bulletin de la Société d'acclimatation, 1854, i. I,
p. 410).
(6) Millier, On the Introduction of English singlng Birds into AustraUa {the Ibis, a Maga-
sine of gênerai Ornithologu; 18G1, t. III, p. 1 IG).
536 REPRODUCTION.
voit chez la Poule et l'Outarde; d'autres fois elle reste debout
sur ses jambes, et le rapprochement sexuel n'est alors qu'in-
stantané : par exemple, chez le Moineau et la Grue (I). Souvent
un seul accouplement suffit pour assurer la fécondation de
toute la série d'œufs dont se composera la ponte (2). La liqueur
séminale du mfde pénètre directement dans l'oviducte, et les
Spermatozoïdes arrivent très-promptement à l'extrémité supé-
rieure de ce tube, où la fécondation paraît s'opérer au moment
même de la chute de l'œuf (3).
Chez quelques Oiseaux, la ponte se renouvelle deux ou trois
lois dans le courant de l'été (/i); mais, en général, elle n'a lieu
(1) Ces deux modes d'accouplement
n'avaient pas échappé à l'attention
d'Aristote (a).
(2) Les anciens naturalistes pen-
saient que l'influence fécondante du
mâle pouvait s'étendre, chez la Poule,
pendant toute une année, et Harvey
assure avoir constaté que, par le fait
d'un seul accouplement, le Coq peut
féconder une vingtaine d'œufs qui ne
descendront que successivement dans
l'oviducte pour être pondus dans le
cours d'environ un mois. Mais il ré-
sulte des expériences de M. Coste ,
qu'en général, l'action de la semence
du mâle ne s'exerce que sur les six
ou sept œufs qui sont arrivés presque
à maturité au moment du rapproche-
ment sexuel {b) ; aussi d'ordinaire voit-
on le Coq s'accoupler très-souvent,
soit avec des Poules différentes, soit
avec une femelle déjà fécondée. On
assure avoir vu des Coqs cocher une
cinquantaine de fois en un seul jour.
Chez le Moineau et quelques autres
petits Passereaux, le rapprochement
sexuel se renouvelle parfois quinze à
vingt fois par heure (c).
(3) M. Coste a fait à ce sujet une
série intéressante d'expériences, d'a-
près lesquelles on voit que, chez la
Poule, l'embouchure de l'oviducte se
dilat eau moment du coït, pour rece-
voir le sperme, et qu'il suffit d'environ
quatorze heures pour que les Sperma-
tozoïdes introduits de la sorte arrivent
au pavillon {d).
(/i) Quelques Oiseaux font plusieurs
pontes par an. Ainsi nos Pigeons do-
mestiques, rendus à la liberté, en font
trois ou quatre, et lorsqu'ils sont en
vohère, ils en font jusqu'à huit ou dix.
Mais, en général, les Oiseaux à l'état
sauvage ne font luie seconde couvée
que lorsque la première a été détruite
par quelque accident.
(a) Hist. des Animaux, livre V, trad. de Camus, 1, I, p. 241.
(&) Cosie, Expériences sur le nombre des pontes fécondées chez les femelles d'Oiseaux que l'on
sépare du mâle après l'accouplement {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1850, t. XXX,
p. 7G8).
(c) Coste, Histoire du développement des corps organisés, t. II, p. 61.
(d) bm'dacli, Traité de physiologie, t. II, p. 168. •
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 537
qu'une fois par an et se compose d'un certain nombre d'œuCs
qui sont évacués successivement à un ou deux jours d'inter-
valle ou même davantage. Ce nombre varie suivant les espèces,
et d'ordinaire il est plus considérable chez les Oiseaux de petite
taille que chez ceux d'une faille élevée. Ainsi la Mésange et le
Roitelet pondent de quinze à vingt œufs, tandis que la plupart
des Passereaux n'en ont que six ou sept, et que l'Aigle et les
autres grands Oiseaux de proie n'en ont que trois ou quatre,
quelquefois même deux seulement (1). Mais ces rapports entre
la taille des Oiseaux et leur fécondité sont loin d'être constants,
et beaucoup d'espèces de grandeur médiocre, les Pigeons, par
exemple, et certaines espèces remarquablement petites, telles
que les Oiseaux-mouches (2), ne pondent que deux ou trois
œufs; tandis que d'autres Oiseaux de plus grande taille, tels que
les Paons et les Dindons, en pondent davantage (3), et l'Au-
truche en donne un nombre non moins considérable {(x). Tous
les Gallinacés sont d'une fécondité remarquable, et en général
(1) Azara pense que le Nandou, ou reçue touchant la fécondité croissante
Autruche d'Amérique, ne pond qu'un avec la petitesse de la taille des Oi-
seul œuf (a); mais cela me paraît peu seaux, a été souvent constaté par les
probable , car les trous creusés en naturalistes qui ont exploré l'intérieur
terre, qui servent de nid à ces Oiseaux, du Brésil ou d'autres régioris chaudes
contiennent ordinairement vingt-cinq de l'Amérique (c).
à trente œufs, quelquefois même (3) Le Dindon sauvage pond une
plus de soixante (6), et il serait diffi- quinzaine d'œufs {d) ; le Cygne n'en
cile de supposer qu'un aussi grand pond ordinairement que de cinq à huit,
nombre de femelles aient pu se réunir (/i) La même femelle pond jusqu'à
pour faire usage du même nid. quinze ou même vingt œufs, mais,
(•2) Ce fait, si fortement en désac- en général, n'en donne que dix ou
cord avec l'opinion généralement douze (e).
(a) Voyez Valenciennes, art. Oiseau du Dictiomiaire des sciences naturelles, t. XXXV, p. 514,
(6) Vavasseur , Note sur le Nandou {Bulletin de la Société %oologiqice d'acclimatation, 1858,
t. V, p. 391).
(c) Audubon, Ornithological Biography, t. I, p. 5.
(li) Oosse, Sur l' Autruche {Bulletin de la Société ^oologique d'acclimatation, 1857, t. IV,
p. 337).
{€} Veillot, La galerie des Oiseaux, t. II, p. 45.
538 BEPRODUCTION.
pondent au moins une douzaine d'œufs (1). Du reste, les cir-
constances extérieures influent beaucoup sur la durée delà ponte
et sur le nombre des œul's produits (2). Dès que la femelle
commence à couver, elle cesse de pondre; mais si elle vient à
perdre ses œufs peu de temps après, ou s'ils lui sont enlevés
avant qu'elle ait réuni le nombre voulu, on la voit souvent en
pondre d'autres (5). La nature stimulante de la nourriture tend
également à augmenter la fécondité de ces Animaux (û), et c'est
ainsi que chez quelques-uns des Oiseaux élevés en domesticité,
on est parvenu à rendre la ponte continue pendant un laps de
temps très-considérable. Une Poule, par exemple, qui est con-
venablement nourrie et qui ne couve pas, peut donner un œuf
tous les jours ou tous les deux jours, pendant plusieurs mois
de suite, et les agriculteurs citent des races chez lesquelles la
fécondité est si grande, que chaque femelle donne jusqu'à cent
cinquante œufs par an, ou même davantage (5).
(1) Ainsi les Cailles pondent ordinal- ce sujet, par Marcel de Serres (d).
rement douze ou quinze œufs, et par- (3) Les Paons, lorsqu'ils ne couvent
fois elles ont deux couvées dans Tan- pas, donnent souvent trois pontes par
née. Vieillot dit que les Colins liouis an : la premicre, composée ordinaire-
pondent vingt-trois ou vingt-quatre ment de cinq œufs, la seconde de
œufs (a); mais, d'après les observa- quatre, et la dernière de trois; mais
lions d'Audubon, il paraît que norma- chez les individus qui couvent, la
lement ce nombre ne dépasse pas reproduction s'arrête pendant tout
douze (6j. La ponte de nos l'erdrix se le temps que durent l'incubation et
compose ordinairement de dix- neuf à l'éducation des petits, en sorte qu'il
vingt œufs, mais elle est quelquefois n'y a généralement qu'une seule ponte
plus considérable (c). Le Coq de par an.
bruyère, quoique de grande taille, (à) Mais une nourrilure trop abon-
donne une quinzaine d'œufs. dante, qui leur fait prendre de la
(2), Pour plus de détails sur le nom- graisse, tend au contraire à diminuer
bredesœufs pondus pardiversOiseaux, leur fécondité,
je renverrai à un mémoire spécial sur (5) Les Poules de la race appelée
(a) Audubon, Ornithological Biography, t. I, p. 390.
(6) Prince de Wied-Neuwied, Voyage au Biésil, t. I, p. 89.
— Audubon, Ornithological Biography, t. I, p. 251.
(c) BuiTon, Histoire naturelle. Oiseaux, t. 111, p. 12, in-S.
\d) Mircul lie Serres, Tableau dit, nombre d'œufs que pondent les différentes espèces d'Oiseaux
{Ann. des sciences nat,, 2« série, 1840, t. Xdl, p. 164).
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 539
L'œuf fécondé peut rester pendant un temps plus ou moins
long dans un état d'inactivité complète, sans perdre sa faculté
productrice (1), et le germe contenu dans son intérieur ne
peut se développer que sous l'influence d'une température déter-
minée. Quelquefois la chaleur du soleil suffit pour provoquer
ce mouvement organisateur : ainsi, dans les parties intertropi-
cales de l'Afrique, l'Autruche se borne quelquefois à déposer
ses œufs dans le sable, et l'incubation s'en effectue sous l'ac-
tion des rayons solaires. Mais dans l'immense majorité des cas,
pour ces Oiseaux comme pour tous les autres, les choses ne se
passent pas ainsi, et l'un des parents, ou tous les deux alterna-
tivement s'accroupissent sur les œufs de façon à les mainlenir
à une température voisine de celle de leur propre corps, c'est-
à-dire d'environ kO degrés (•^). En général, c'est la fenrielle
seulement qui couve; mais chez certaines espèces, le mâle
Incubation.
Campine sont renommées pour leur
fécondité, et quelques auteurs assurent
qu'on en a vu pondre plus de deux
cents œufs dans re^pacc d'une année.
Quelquefois ces Oiseaux en pondent
deux par jour ; mais, en général, la
ponte ne se renouvelle que de deux
jours l'un. Sous l'influence d'une tem-
pérature suffisamment chaude et d'un
régime stimulant (par exemple, des
rations de cliènevis, de millet, d'a-
voine, etc.), la ponte se continue par-
fois durant l'hiver, mais en général
nos Poules de basse-cour cessent de
donner des œufs à l'arrière-saison. On
a remarqué aussi que la présence d'un
ou de plusieurs œufs dans le nid pré-
paré par ces Animaux les excite à
pondre, et l'on peut obtenir le même
résultat au moyen d'œufs postiches.
La Pintade, qui est bien nourrie et
dont les œufs lui sont soustraits ?i me-
sure qu'elle les pond, est aussi très-
féconde ; elle peut donner une centaine
d'œufs par an.
Le Canard n'en fournit pas autant ;
il commence à pondre en mars, et, si
les circonstances sont favorables, il
peut continuer jusque vers la fin de
mai, en donnant environ cinq œufs
par semaine. Il en est de même pour
l'Oie : en général, elle cesse de pon-
dre et se met à couver lorsqu'elle a
de sept à quinze œufs ; mais si on les
lui soustrait à mesure qu'elle les dé-
pose, elle peut continuer à en pro-
duire jusqu'à quarante et même da-
vantage.
(1) Les œufs de Poule peuvent con-
server pendant une huitaine de jours
après la ponte la faculté de produire
des embryons viables.
(2) Il résulte des expériences ré-
centes de M. Dareste, que le dévelop-
5/lO REPRODUCTION.
remplit le même rôle, ainsi que cela se voit chez le Pigeon, la
Cigogne, etc. (1).
On peut déterminer aussi le développement de l'embryon
dans l'intérieur de l'œuf au moyen de l'incubation artificielle;
pour cela il suffit de le maintenir à une température d'environ
[\0 degrés, sans empêcher l'accès de l'air. Ce procédé était
connu des anciens. En Egypte, il constitue la base d'une indus-
trie particulière, et a été pratiqué en France sur une grande
échelle, mais sans donner des profits considérables (2).
En général, les soins que la mère donne à ses petits après
l'éclosion consistent à les protéger contre le froid, à leur
apporter des aliments et à les défendre contre leurs ennemis,
ce qui ne nécessite l'existence d'aucune particularilé organique.
Mais, ainsi que je l'ai déjà dit (5), quelques Oiseaux nourrissent
leurs jeunes avec les produits d'une sécrétion qui a son siège
dans le jabot : les Pigeons sont dans ce cas (4) ; et il est à noter
que, par sa composition chimique ainsi que par son rôle
physiologique, le liquide alimentaire fourni de la sorte res-
semble assez à du lait. Effectivement, M. Lecomte y a trouvé
pement de l'embryon peut commencer
sous l'influence d'une température qui
n'est pas aussi élevée (environ 30"),
mais ne se fait alors que très-lente-
ment et d'une manière irrégulière
pendant quelques jours, puis s'arrête
toujours très-promptement.
(1) Azara a avancé que chez le Nan-
dou, ou Autruche d'Amérique, le mule
seulement couve les œufs de ses fe-
melles, mais cela n'est pas (a).
L'Autruche mâle d'Afrique couve
les œufs la nuit, et les femelles qui
vivent avec lui se succèdent pour les
couver pendant le jour (6).
(2) Pour plus de détails au sujet de
l'incubation artificielle des œufs, je ren-
verrai à un mémoire de Réaumur et à
diverses publications plus récentes (c).
(3) Voyez tome VI, page 296.
(h) Quelques naturalistes ont pensé
que l'espèce de bouillie donnée ainsi
aux petits par les Pigeons ne consis-
tait que dans une portion des ali-
ments préalablement ingérés dans l'es-
tomac de ceux-ci et à moitié digérés(rf);
(a) Vavasseur, Op. cit. {Btdletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1858, t. V, p. 391).
(6) Gosse, Op. cit. {Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1857, t. IV, p. 336).
(c) Réaumur, 'L'ori de faire éclore et d'élever en toutes saisons des Oiseaux domestiques, 175) .
— Mariol-Didieux, Traité de (jalliniculture.
(d) Temminck, Histoire des Pigeons, t. 1, p. IGO.
. — Vieillol, Oictionnaire d'iiistoire naturelle, t. XXVI, p. 329.
APPAREIL DE LA GÉNÉRATION DES OISEAUX. 541
beaucoup de caséine et de matières grasses analogues au
beurre (1). Hunter, à qui nous devons la constalation de ce
fait physiologique, pense que les Perroquets présentent un phé-
nomène analogue ; et, d'après les observations que j'ai eu l'oc-
casion de faire dernièrement dans la ménagerie du Muséum
d'histoire naturelle, je suis porté à croire que l'Ibis sacré
d'Egypte nourrit ses petits delà même manière (2) : mais, pour
décider la question, il faudrait examiner l'état du jabot à
l'époque où ces Oiseaux élèvent leurs jeunes, ce que je n'ai
pu faire.
mais on sait, par les observations de
Hunter, qu'il n'en est pas ainsi (o), et
dans ces derniers temps l'origine de
ce produit a été constatée de nouveau
par M. Cl. Bernard (6).
Cette sécrétion commence trois ou
quatre jours avant l'éclosion et dure
un peu plus d'une semaine. Les parois
du jabot sont alors hypertrophiées et
présentent de nombreux plis ondulés
et très-vasculaires, dont la surface se
couvre d'une couche épaisse de cel-
lules épithéliales qui se détachent sans
se dissoudre, et constituent ainsi une
matière pulpeuse ayant l'aspect du lait
caillé. Les mâles , aussi bien que les
femelles, sécrètent cette substance et
la dégorgent dans le bec de leurs
petits.
(1) L'analyse faite par ce chimiste,
et publiée par M. Cl. Bernard {loc. cit.),
a fourni les résultats suivants. 100
parties de la bouillie en question ont
donné :
Caséine et sels .... 25,25
Graisse 10,47
Eau 66,30
On n'y a découvert aucune trace
de sucre (d).
(2) L'Ibis d'Egypte {Ibis religiosa,
Cuv.) a reproduit cet été (1864),
dans la ménagerie du Muséum, et j'ai
remarqué que le mâle nourrissait les
petits en dégorgeant dans leur bec une
matière pulpeuse. La mère ne prenait
aucune part à l'éducation de sa pro-
géniture.
(a) Hunter, Animal Œconomy, p. 233 {Œuvres, trad. parRichelot, t. IV, p. 104).
(b) Claude Bernard, Leçons sur les propriétés physiologiques des liquides de l'organisme, 1859,
t. II, p. 236.
FIN DU TOME HUITIEME.
ERRATA ET ADDENDA.
Page 2/i7, ligne 2, au lieu de Bonet, Usez Bonnet.
Page 267, ligne 12, au lieu rfe* germe contenu de son appareil, lisez germe
contenu dans son appareil.
Page 268, note 3, ajoutez :
Les observations récentes de M. Coste
fournissent de nouveaux arguments en
faveur de la thèse que je soutiens ici.
En effet, ce physiologiste, ayant étudié
avec beaucoup de soin la manière dont
les Infusoires ciliés se développent
dans une macération de foin, a décou-
vert plusieurs des causes d'erreurs
dont les partisans de l'hypothèse de
l'origine de ces petits êtres par géné-
ration spontanée n'avaient pas soup-
çonné l'existence, et il a trouvé, en
dernière analyse, que jamais ces Ani-
malcules ne se montrent dans une in-
fusion, s'ils n'y ont été introduits, soit
à l'état d'œufs, soit à l'élat de kystes
multiplicateurs; que ces kystes, affec-
tant la forme d'une poussière fine, se
trouvent en abondance à la surface du
foin, des pommes de terre et des autres
substances végétales dont on se sert le
plus ordinairement pour obtenir les
prétendues générations spontanées ;
qu'à cet état ils peuvent rester pendant
plusieurs années dans une sorte de tor-
peur, sans donner aucun signe de vie,
mais sans perdre la faculté de re-
prendre la vie active dès que la quan-
tité d'eau nécessaire à la manifestation
de leur puissance physiologique leur
est rendue ; que leur ténuité est telle,
que souvent ils passent facilement à
travers nos filtres; et, enfin, qu'U suffit
d'en semer quelques-uns dans une in-
fusion restée jusqu'alors stérile, pour
qu'en peu d'heures ils s'y multiplient
d'une manière prodigieuse.
M. Coste s'est attaché à montrer
aussi que le magma de détritus de
matières organiques que M. Pouchet
avait comparé au stroma de l'ovaire,
et appelé membrane proligène, parce
qu'il le considérait comme la sub-
stance en voie d'organisation pour
prendre vie et constituer spontané-
ment des Animalcules infusoires, n'a
aucun rapport avec l'apparition de ces
petits èlres.{Ann. des se. nat., 5'' série,
186^, t. Il, p. 2/|6.)
Il est aussi à noter que si le kyste
dans lequel se trouvent inclus les cor-
puscules reproducteurs des Infusoires
était de nature à ne laisser que diffi-
cilement passer l'eau, on comprendrait
que, même au sein de ce liquide, ces
germes pourraient supporter l'action
de températures très- élevées sans
perdre la vie. (Milne Edwards, 6'owpies
rendus de VAcad. des sciences, 186Z|,
t. LIX, p. 155.)
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES
DU TOME HUlTIÈMIi:.
SOIXANTE-SEPTIÈME LEÇON.
De la chaleur animale. Cause de
ce phénomène 1
Animaux à sang froid et à sang
chaud 6
Température des Poissons 7
Température des Batraciens. ... 8
Température des Reptiles 10
Température des Insectes H
Température des Mollusques, des
Vers et des Zoophy tes 13
Température des Mammifères. . . 14
Température des Oiseaux 16
Mesure de la quaniilé de chaleur
dégagée par les Animaux 19
ExpériencedeLavoisieretLaplace. 19
Théorie de la chaleur animale.. 20
Expériences de Dulong et de Des-
pretz 21
Conclusions 23
Siège du développement de la
chaleur animale 27
Circonstances dont dépend la tem-
pérature des diverses parties du
corps 33
Influence réfrigérante du renou-
vellement de l'air dans les
poumons 3i
Production inégale de chaleur
dans diverses parties 36
Influence du volume du corps sur
sa température 40
Efl'ets de l'évaporation 41
Action de la chaleur sur les Ani-
maux 42
Faculté de résister à une certaine
élévation de température. ... 44
Efl'ets difl"érents du froid sur di-
vers Animaux 48
De la faculté productrice de la
chaleur chez les jeunes Ani-
maux 52
Influence du froid sur la mortalité
des enfants nouveau-nés 55
Animaux hibernants 58
Résumé des difl'érences dans la
faculté de produire de la cha-
leur 65
Des circonstances qui influent sur
la production de chaleur 68
Influence de la respiration 68
Influence de l'exercice muscu-
laire 69
Influence de l'état de la circula-
tion 73
Influence de la richesse du sang. 76
Influence du système nerveux.. 77
Expériences de Chossat, etc. ... 79
Influence de l'alimentation 84
Efl'ets des climats chauds.. ..... 87
Influeme des variations brusques
de température. 88
Influence de divers états patholo-
giques 89
Conséquences à tirer de l'inégale
distribution de la chaleur dans
l'organisme 90
SOIXANTE-HUITIÈME LEÇON.
De la production de lumière chez
les Animaux 93
Insectes phosphorescents 95
Causes de la production de lu-
mière 100
Expériences de Macaire, de Mat-
teucci, etc 101
Nature de la matière phosphores-
cente des Lampyres 103
544
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES.
De la phosphorescence chez les
Myriapodes, les Crustacés, les
Vers et les Mollusques 106
Phosphorescence de certains Zoo-
phytes 109
Causes de la phosphorescence de
la mer. 112
Des Noctiluques 113
Observations de M. de Quatre-
fages 115
Phénomènes de phosphorescence
observés chez des Poissons, etc. 1 1 9
Résumé 120
SOIXANTE-NEUVIÈME LEÇON.
Suite de l'étude des phénomènes
dénutrition 121
Mutation de la matière dans l'or-
ganisme 121
EÉfets de la combustion physiolo-
gique 121
Source des combustibles brûlés
dans l'organisme 123
Travail de désassimilation orga-
nique 124
Opinion de Cuvier et autres sur
le renouvellement intégral des
matériaux constitutifs de l'or-
ganisme 124
Mode d'entretien de lacombustion
physiologique pendant l'absti-
nence 131
Preuves de la désorganisation phy-
siologique 131
Expériences de Letellier, Boussin-
gault, Bidder et Schmidt, etc. 133
Conséquences des faits établis
ainsi; rôle de l'alimentation. . 137
Emploi direct des aliments pour
l'entretien de la combustion
physiologique 139
Résumé 140
Rôle des aliments 142
Conséquences relatives au régime. 143
Utilité d'une alimentation mixte. 144
Influence de l'irrigation physiolo-
gique sur la résorption 145
Diversité des éléments chimiques
dont l'introduction dans l'or-
ganisme est nécessaire 148
Analogie de composition des prin-
cipaux aliments 149
Régime des carnivores et des her-
bivores 150
De l'appréciation des besoins nu-
tritifs 150
Ration d'entretien 152
Circonstances qui influent sur le
degré d'activité du travail nu-
tritif 154
Influence du poids du corps sur la
consommation alimentaire... 155
Différences en rapport avec la na-
ture des Animaux 1 55
Influence de l'âge 156
Influence du sexe 158
Influence du volume du corps.. . 161
Influence de l'activité musculaire. 162
Conséquences relatives à l'en-
graissement 163
Influence du régime 165
Expériences de Chossat, de Leh-
mann,deBidderetSchmidt,etc. 165
Résumé 169
Evaluation des besoins nutritifs
de l'Homme 169
Dépense nutritive 170
Ration d'entretien de l'Homme.. 173
Influence de l'activité musculaire
sur la consommation alimen-
taire de l'Homme 177
Influence de l'âge, etc 180
Influence de la température at-
mosphérique 181
Ration alimentaire de divers ani-
maux 184
Influence de certaines substances
sur la consommation nutritive. 188
Rôle des matières minérales dans
la nutrition 189
Rôle alimentaire du sel commun. 19i
Rôle de l'eau 193
SOIXANTE-DIXIÈME LEÇON.
De la valeur nutritive des divers
aliments 198
De la proportion d'eau contenue
dans les substances alimen-
taires 199
Des équivalents nutritifs 200
Evaluation des aliments d'après
la quantité d'azote qu'ils ren-
ferment 200
Evaluation d'après la proportion
de carbone 204
Influence de la nature des princi-
pes immédiats contenus dans
les aliments sur la valeur nu-
tritive de ceux-ci 206
TABLE SOMMAIRE DES MATIERES.
545
Tableau de la composition des
principales substances alimen-
taires
Influence du mode de constitu-
tion de certains corps sur leurs
propriétés nutritives
Influence des propriétés osmoti-
ques des substances alimen-
taires sur leur valeur nutritive.
Rapports entre la consommation
physiologique et les quantités
de matières nutritives de difl'é-
rentes sortes qui peuvent être
absorbées en un temps donné.
Applications à la composition des
rations alimentaires
Utilité des rations complexes. . . .
Rationsalimentaires de l'Homme.
Influence de l'ûge
Influence du travail musculaire. .
Influence de la température. . . .
De l'engraissement
Action particulière de diverses
substances
De l'alcool, etc
De l'emploi physiologique des ma-
tières nutritives pour la forma-
tion des matériaux constitutifs
de l'organisme.
Conclusion
208
213
21^
216
218
219
220
224
223
226
229
230
231
234
234
SOIXANTE ET ONZIÈME LEÇON.
ÉTDDE DES FONCTIONS DE
REPRODUCTION.
237
238
Du mode de formation des corps
vivants et des corps bruts. . . .
Cas dans lesquels la transmission
de vie des parents aux jeunes
étaitd'abord difGcileà constater
Hypothèse de la génération dite
spontanée 239
Emploi que les anciens natura-
listes en faisaient 240
Expériences de Redi sur l'origine
des Mouches 241
Observations de Vallisuieri sur
l'origine de divers parasites. . . 242
Recherches de Swammerdam sur
le mode de multiplication des
Abeilles, etc 243
La découverte des Animalcules
microscopiques remit en faveur
l'hypothèse des générations
dites spontanées 245
Hypothèses diverses relatives à
l'origine des Animaux; théorie
de l'emboîtement des germes. 245
Théorie des molécules organiques
de ButTon 247
Discussions récentes sur ces ques-
tions 250
Distinctions à établir au sujet de
rhétérogénie 250
Examen expérimental de l'hypo-
thèse de la formation agénéti-
que des Animaux, ou de leur
formation sans le concours d'un
être vivant préexistant 253
Hypothèse du transport des ger-
mes par l'air, l'eau, etc., pour
expliquer l'apparition des Ani-
malcules microscopiques dans
les infusions 254
Premiers arguments en faveur de
ces vues 255
Expériences de Spallanzani 257
Autres expériences analogues. . . 260
Expériences de Schultze et de
M. Cl. Bernard 260
Arguments en faveur de l'hypo-
thèse des générations sponta-
nées employés par M. Pouchet. 262
Recherches expérimentales de
M. Pasteur 264
Ensemencement des corpuscules
reproducteurs recueillis dans
l'atmosphère 265
Conclusion 270
Examen de l'hypothèse de la pro-
duction des Animaux par né-
crogénie, ou des associations
de la matière vivante prove-
nant du corps d'un être mort. 272
Preuves de la vie individuelle des
diverses parties dont l'associa-
tion constitue le corps d'un
Animal ou d'une Plante 274
Absence de toute preuve de l'ori-
gine d'un être vivant par voie
de nécrogénie et inutilité de
cette hypothèse pour l'explica-
tion des faits connus 279
Examen de l'hypothèse de la pro-
duction des êtres par xénogé-
nie ou hétérogénie propre-
ment dite 280
Mode de multiplication des Vers
intestinaux, etc 281
Migrations des Pilaires 283
Migrations des Ténioïdes 285
546
TABLE SOMMAIRE DES MATIÈRES.
Migrations des Douves, etc 288
Origine du Trichina spiralis de
l'Homme 293
Origine du Bothriocéphiile 294
Résumé : Tous les êtres vivants
sont produits par des êtres vi-
vants de leur espèce 296
SOIXANTE-DOUZIÈME LEÇON.
Des divers modes de reproduction
des Animaux 299
Considérations préliminaires. . . . 300
Reproduction partielle de l'orga-
nisme 301
Multiplication des individus par
division accidentelle 304
Expériences de Trembley, de
Bonnet , etc 305
Scissiparité normale 307
Gemmipariié 312
Mode de formation des bourgeons
reproducteurs chez-les Hydres. 313
Phénomènes de gemmiparité chez
les Serlulariens , les Coral-
liaires, etc 314
Influence de ce phénomène sur
l'association des individus chez
les Animaux agrégés 318
Reproiiuction par bulbilles 320
Oviparilé 321
Conslilution de l'œuf 321
Composition chimique de l'œuf.. 323
Tout œuf est un être vivant. . . . 326
Des organes reproducteurs 329
Différences sexuelles 330
SOIXANTE-TREIZIÈME LEÇON.
De la génération sexuelle. Idées
erronées des anciens physiolo-
gistes sur la fécondation
Fécondation des œufs après la
ponte
Expériences de Spallanzani sur la
fécondation artificielle 337
Le contact direct du sperme et de
l'œuf est la condition essen-
tielle de la fécondation 338
Etude de !a liqueur séminale ou
élément mâle 338
Découverte des Spermatozoïdes. . 339
Caractères des Spermatozoïdes
des iVlammifères 341
333
334
Spermatozoïdes des autres Ver-
tébrés
Spermatozoïdes et Sperraatopho-
res des Mollusques
Spermatozoïdes des Animaux ar-
ticulés.
Spermatozoïdes des Vers et des
Zoophyles
Mode de développement des Sper-
matozoïdes
Rôle d,es Spermatozoïdes dans la
fécondation
Expériences de Prévost et Dumas.
Pénélriition des Spermatozoïdes
dans l'œuf
Du micropyle
Conditions de perfectionnement
de l'appareil reproducteur. . . . •
Localisation du travail génésique.
Organes mâles et femelles essen-
tiels
Animaux androgynes
Hermaphrodisme restreint
Animaux dioïques ou à sexes sé-
parés
Fécondation advcntive
Fécondation extérieure directe..
Fécondation intérieure
Perfectionnements ultérieurs de
l'appareil femelle
Chambre incubatrice; utérus...
Appareil mammaire
Des phénomènes de parthénoge-
nèse, ou reproduction ovipare
sans fécondation
Observations sur les Pucerons..
Observations sur des Lépidoptères
et sur les Abeilles
Exemples de parthénogenèse chez
les Crustacés
Résumé généra!
342
344
346
349
350
35b
357
359
361
364
365
366
368
369
370
370
371
372
373
373
374
375
376
378
380
382
SOIXANTE-QUATORZIÈME LEÇON
Du mode de formation du jeune
Animal ; hypothèse de l'évolu-
tion et système de l'épigenèse.
Etat primilifde l'Animal naissant.
Série des produits dérivés de
l'Animal primitif, ou Proto-
blastes , Métazoaires et Typo-
zoaires
Phénomènes des générations al-
ternantes 389
Multiplication homœomorphique
du Protoblaste 390
3P4
387
388
TABLE SOMMAIRE DES MATIERES.
547
Génération héléromorphique du
ProtoiDlnste; production d'un
M(''t.izo;iire 391
Dév('loppom(Mit du Mélazoaire. . . 393
Globules polaires 395
Noyau vilellin 396
Segmi'iUalion du vitelius 398
Sphéruies ou cellules blastémi-
ques 403
Théorie de Schleiden et de
Schwann sur la formation des
cellules > , 4()i
Produciion du Typozoaire 406
Cas particuliers de générations al-
ternantes 407
Bi()hores 407
Trémalodes, Echinodermes, etc. 410
Médusuires 412
Caractère du Metazoaire cLez les
Animaux supérieurs . 416
Du blastoiierrae 416
Développement direct du Typo-
zoaire 420
Résumé 421
Phénomènes hislogéniques 423
Théorie cellulaire 426
Blastème , 428
i^arcode 429
Tissus utriculaires 430
Tissus scléreux. . . . . , 433
Tissu musculaire 436
Tissu nerveux 437
Tissus secondaires ou tissus com-
plexes 439
Résumé de la clas.'>ification des
tissus 439
SOIXANTE-QUINZIÈME LEÇON.
De l'appabeil de la reproduction,
et de ses produits chez les Ani-
maux vertébrés ovipares 442
Caractères généraux de l'appa-
reil reproducteur des Verté-
brés 442
Similitude primordiale des or-
ganes mâles et femelles chez
l'embryon 443
Disposition générale de ces par-
ties
Appareil de la reproduction de
V A mphioxus
Appareil femelle des Poissons. . .
Dc'vcloppcmciit et structure des
œufs
Ponte
Poissons vivipares
Appareil mule
Mode de fécondation
Poche incubulrice des Lopho-
bianches
Epoque du frai
Appareil de la reproduction des
Batracikns
Orfiaiies femelles
OEufs
Organes mâles
Mode de fécondation
Dépôt des œufs
Appareil de la reproduction des
Reptiles
Appareil femelle .
Formation des ovules
Oviductes
Cloaque
Appareil mâle
Organes copulateurs .
Appareil de la reproduction des
OiSIÎAUX
Différences sexuelles
Caractères généraux de l'appareil.
Organes mâles
Testicules, etc
Spermatozoïdes ....
Organes copulateurs
Ovaires
Formation de l'œuf
Oviducte ... .
Formation de l'albumen
Formation de la coquille
Forme et couleur des œufs. ....
Époque de la ponte.
Accouplement
Fécondité
Incubation
Alimentation des jeunes
444
446
4.'j9
465
466
468
479
480
481
482
486
487
494
496
496
497
498
499
502
505
506
307
olO
511
512
513
513
513
516
318
519
522
524
527
529
533
533
536
539
540
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