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Full text of "Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des animaux / faites à la Faculté des Sciences de Paris par H. Milne Edwards"

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LEÇONS 


SUR 


LA   PHYSIOLOGIE 

ET 

L'ÂNATOMIE  COMPARÉE 

DE  L'HOMME  ET  DES  ANIMAUX. 


€JfM 


Paris,  —  Imprimorie  de  E.  Martinet,  rue  Mignon, 


LEÇONS 


SUR 


LA  PHYSIOLOGIE 

ET 

L'ANÂÏOMIE  COMPARÉE 

DE  L'HOMME  ET  DES  ANIMAUX 

FAITES  A  LA  FACULTÉ  DES  SCIENCES  DE  PARIS 

PAR 

C^.L.H.,  C.L.N.,  CE. P.,  ce. 

Doyen  delà  Faculté  des  sciences  de  Parif,  Professeur  au  Muséum  d'Histoire  naturelle; 

Membre  de  l'Institut  jAcadémie  des  sciences)  ; 

des  Sociétés  royales  de  Londres  et  d'Edimbourg  ;  des  Académies  de  Stockholm, 

de  Saint-Pétersbourg,  de  Berlin,  de  Kônigsberg.  de  Copenhague,  d'Amsterdam,  de  Bruxelles, 

de  Vienne,  de  Hongrie,  de  Bavière,  de  Turin  et  de  Naples  ;  des  Curieux  de  la  nature  de  l'Allemagne  ; 

de  la  Société  Hollandaise  des  sciences  ;  de  l'Académie  Américaine; 

De  la  Société  des  Naturalistes  de  Moscou  ; 

des  Sociétés  des  Sciences  d'Upsal,  de  Gottingue,  Munich,  Gôtenbourg, 

Liège,   Somerset,    Montréal,  l'île  Maurice;   des  Sociétés   Linnéenne   et  Zoologique    de   Londres; 

de  l'Académie  des  Sciences  naturelles  de  Philadelphie;  du  Lycéum  de  New-Vork  ; 

des  Sociétés  Entomologiquesde  France  et  de  Londres;  des  Sociétés  Anthropologique 

de  Londres,  et  Ethnologiques  d'Angleterre  et  d'Amérique  ; 

de  l'Institut  historique  du  Brésil; 

De,l'Acadéraie  impériale  de  Médecine  de  Paris; 

des  Sociétés  médicales  d'Edimbourg,  Je  Suède  et  de  Bruges;  de  la  Société  des   Pharmaciens 

de  l'Allemagne  septentrionale  ; 

Des  Sociétés  d'Agriculture  de  France,  de  New-York,  d'Albany,  etc. 


TOME    HUITIÈME 


PARIS 


VICTOR   MASSON    ET    FILS 

PLACE   DE    l'école-de-médecine 
M  DCCC  LXIII 

v 

Droit  de  tradnclion  réservé.        ; 


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LEÇONS 


!y 


SUR 


LA  PHYSIOLOGIE 

ET 

L'ANÂTOMIE  COMPARÉE 

DE   L'HOMME  ET  DES   ANIMAUX. 

SOIXANTE -SEPTIÈME  LEÇON. 


Conséquences  du  travail  nutritif. —  Production  de  chaleur.  —  Causes  des  différences 
dans  la  température  propre  des  Animaux.  —  Influence  de  la  transpiration  sur  la 
faculté  de  résister  à  une  chaleur  excessive  de  l'air.  —  Vertébrés  à  sang  chaud  ; 
Animaux  hibernants.  —  Influence  du  froid  sur  les  enfants  nouveau-nés  et  les 
autres  jeunes  Animaux  à  sang  chaud.  —  Influence  de  l'activité  musculaire,  du 
sommeil,  etc.,  sur  le  développement  de  la  chaleur.  —  Influence  du  système 
nerveux. 


^  1 .  —  La  plupart  des  transformations  chimiques  de  la  La  production 

^_  ^  ^      ^  ^  ^  ^  de  chaleur 

matière  organique  dont  l'étude  nous  a  occupés  dans  la  dernière     est  une 

conséquence 

Leçon,  sont,  comme  nous  l'avons  vu,  des  conséquences  plus      de  la 

,  ,  combusiion 

ou  moins  directes  de  l'introduction  de  l'oxygène  dans  l'eco-  physiologique. 
nomie  animale  par  l'acte  de  la  respiration.  Cet  élément  com- 
burant, puisé  dans  le  milieu  ambiant  et  porté  par  le  fluide 
nourricier  dans  toutes  les  parties  de  l'organisme,  s'y  fixe  sur 
les  matières  combustibles  qu'il  y  rencontre  et  les  brûle  d'une    - 
manière  plus  ou  moins  complète. 

vin.  1 


"  MJTKITION. 

Or,  loiilc combustion  de  ce  genre  est  accompagnée  d'un  cei- 
taia  dégagement  de  chaleur.  Par  conséquent,  tout  être  animé, 
})ar  cela  seul  qu'il  respire,  doit  être  un  foyer  calorifique,  et  la 
production  de  la  chaleur  animale,  qui  est  si  facile  à  constater 
chez  l'Homme  et  les  autres  Vertébrés  supérieurs,  doit  dépendre 
en  totalité  ou  en  partie  de  cette  combustion  physiologique. 

Telle  fut,  en  effet,  l'explication  que  l'illustre  Lavoisier  donna 
de  ce  phénomène,  dès  qu'il  eut  constaté  le  grand  fait  de  l'ab- 
sorption de  l'oxygène  et  de  la  production  d'acide  carbonique 
parles  Animaux  qui  respirent;  et  cette  théorie  est  certainement 
l'expression  de  la  vérité,  bien  que  la  source  de  chaleur  qu'elle 
signale  puisse  ne  pas  être  la  seule  qui  contribue  à  élever  la 
température  de  ces  êtres  (1). 


(1)  Avant  la  découverte  de  la  na- 
ture du  phénomène  de  la  combustion, 
découverte  dont  j'ai  rendu  compte 
dans  une  précédente  Leçon  (a),  on  ne 
pouvait  avoir  que  des  notions  fort 
vagues  sur  les  causes  de  la  chaleur 
animale,  et  pendant  longtemps  il  régna 
à  ce  sujet  des  opinions  qui  aujourd'hui 
ne  mérilent  pas  la  discussion.  Ainsi 
les  anciens  attribuèrent  la  température 
propre  du  corps  de  rilomme  à  une 
chaleur  innée  qui  se  communiquerait 
du  cœur  au  sang  (6).  Vers  le  commen- 
cement du  xvii<=  siècle,  Van  Helmont 
combattit  cette  hypothèse,  mais  il  n'y 
substitua  rien  de  satisfaisant,  et  il  crut 
pouvoir  expliquer  la  chaleur  animale 
par  la  production  d*un  esprit  vital  qui 
se  développerait  dans  l'intérieur  du 
'cœur  (c).  Descartes ,  adoptant  des 
vues  analogues,  l'attribua  à  une  fer- 


mentation du  sang  dans  les  cavités 
du  cœur  (d).  Sylvius  la  considéra 
comme  due  à  une  action  ou  à  une 
effervescence  produite  par  le  contact 
du  chyle  et  de  la  lymphe,  et  il  sup- 
posa, avec  les  anciens,  que  la  respii'a- 
tion  servait  à  emporter  la  chaleur 
ainsi  produite  (e).  Plus  tard,  Steven- 
son s'approcha  davantage  de  la  vé- 
rité, en  considérant  la  chaleur  animale 
comme  étant  due  aux  transformations 
que  les  humeurs  de  l'organisme  et 
les  aliments  subissent  sans  cesse  dans 
l'intérieur  du  corps  (/)  ;  et  llamberger 
compara  ce  phénomène  à  l'espèce  de 
combustion  spontanée  qui  se  déve- 
loppe dans  les  amas  de  fumier  (g). 
Enfin  Mayow  en  conçut  une  idée  plus 
juste,  lorsqu'il  supposa  que  la  ma- 
tière désignée  sous  le  nom  de  'prin- 
cipe nitro-aérien  de  l'air  produit  la 


(a)  Voyez  tome  I",  page  400  et  siiiv. 

{b)  Voyez  Hallcr,  Elemènta  physlologiœ,  lib.  VI,  L  II,  |j.  -2S1. 

(()  Van  Helmont,  Traitd  de  l'esprit  de  vie  nominé  archée  {Œuvres,  Irad.  de  Leconlc,  ji.  185). 

(d)  Descarlcs,  De  la  formalioii  du  fœtus  {Œuvres,  étlil.  dc'M.  Cousin,  t.  IV,  p.  -437). 

(e)  Sylvius,  Disput.  med.,  cap.  vu. 

(/■)  Stevenson,  Médical  Essays,  t.  V,  2°  partie,  p.  800. 
(g)  Haraberijer,  Physiologia  medica,  1751,  p.  24. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  3 

Quand  je  parle  des  découvertes  de  Lavoisicr,  j'ai  toujours 
peine  à  ne  pas  dire  combien  est  profonde  l'admiration  que  son 
génie  m'inspire.  Dans  nos  écoles,  on  ne  manque  pas  de  le 
signaler  à  la  reconnaissance  publique  comme  le  fondateur  de 
la  chimie  moderne,  science  qui  depuis  un  demi-siècle  a  con- 
tribué plus  que  toute  autre  à  l'agrandissement  des  connais- 
sances humaines  ;  mais  on  ne  lui  rend  ainsi  qu'une  justice 


chaleur  en  s' unissant  au  sang  dans 
1c  poumon  et  en  déterminant  dans 
le  fluide  nourricier  une  sorte  de  fer- 
mentation compai'able  à  celle  dont 
naît  la  chaleur  dans  une  combustion 
ordinaire  (a).  D'autres  physiologistes 
substituèrent  h  ces  hypothèses  chi- 
miques des  explications  mécaniques, 
et  attribuèrent  la  production  de  la 
chaleur  animale  au  fi'Oîtement  du  sang 
contre  les  parois  des  vaisseaux  dans 
lesquels  ce  liquide  circule,  ou  à  d'autres 
causes  analogues  (6). 

Tout  était  donc  incertain  et  obscur, 
lorsque  Lavoisier,  rapprochant  entre 
eux,  les  phénomènes  de  la  combustion 
dans  un  foyer  inerte  et  ceux  delà  respi- 
ration dans  les  poumons  d'un  Homme 
ou  de  tout  autre  Mammifère ,  fut  con- 
duit à  considérer  cette  fonction  phy- 
siologique comme  une  véritable  com- 
bustion, et  à  attribuer  à  celte  combus- 
tion le  développement  de  chaleur  qui 
maintient  la  température  du  corps  de 
ces  êtres  au-dessus  de  celle  de  l'at- 
mosphère. Ses  vues  à  ce  sujet  furent 
développées  successivement  dans  les 
beaux    mémoires   qu'il  publia    vers 


1777  (c)  :  aujourd'hui  elles  sont  géné- 
ralement admises  dans  tout  ce  qu'elles 
ont  d'essentiel  ;  mais  pendant  long- 
temps elles  ne  furent  pas  adoptées 
partons  les  physiologistes,  et  quelques- 
uns  de  ceux-ci  cherchèrent  à  expliquer 
la  production  de  la  chaleur  animale 
par  l'action  du  système  nerveux,  tandis 
que  quelques  physiciens  se  deman- 
dèrent si  elle  ne  serait  pas  due  au 
jeu  des  forces  électriques  ;  enfin  des 
hypothèses  mécaniques  eurent  aussi 
leurs  partisans  (d).  Nous  examine- 
rons bientôt  comment  l'action  ner- 
veuse agit  sur  la  température  du 
corps,  en  influant  sur  les  conditions 
dans  lesquelles  la  combustion  vitale 
s'opère,  et  nous  aurons  à  chercher  si 
d'autres  actions  chimiques  ou  phy- 
siques ne  concoui'ent  pas  à  développer 
de  la  chaleur  dans  l'organisme  ;  mais 
je  dois  dire  dès  ce  moment  que  la 
théorie  lavoisienne,  considérée  non 
dans  ses  détails,  mais  dans  son  es- 
sence, me  paraît  être  l'expression  de 
la  vérité,  et  rendre  compte  de  tout  ce 
qui  est  fondamental  dans  ce  phéno- 
mène. 


(a)  Mayow,  Tractatus,  p.  151  et  suiv. 

(6)  Boerhaave,  Eléments  de  chimie,  f.  I,  p.  213. 

—  Haies,  Hémostatique,  ou  statique  des  Animaux,  p.  76. 

(c)  Lavoisier,  Expériences  sur  la  respiration  des  Animaux  et  sur  les  changements  qui  arri- 
vent à  l'air  en  passant  par  leur  poumon  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  \  777,  p.  \  85).  —  Mém- 
sur  la  combustion  en  général  (loc.  cit.,  p.  592). 

(d)  Wiiin,  On  a  Remarkable  Property  of  Arteries  considered  as  a  Cause  of  Animal  Heat 
{Londnn  and  Edinburgh  Philosophical  Magazine,  t.  XIV,  p.  174). 


[i  INUTHITION. 

iricomplèle.  Lavoisier  était  un  des  plus  grands  physiologistes 
des.  temps  modernes,  et  ses  titres  de  gloire  comme  tel  ne  con- 
sistent pas  seulement  dans  les  résultats  immédiats  de  ses  beaux 
travaux  ;  l'influence  qu'il  a  exercée  sur  la  direction  des  reclier- 
ches  physiologiques  a  été  non  moins  puissante  qu'utile  :  il  a 
montré  à  tous  ceux  qui  étudient  les  phénomènes  de  la  vie 
comment  la  chimie  peut  les  conduire  à  la  solution  de  plus 
d'une  question  capitale;  comment  dans  ce  but  ils  doivent  inter- 
roger expérimentalement  la  nature,  et  comment  il  convient  de 
raisonner  sur  les  faits  que  les  recherches  de  cet  ordre  leur  four- 
nissent. Avant  lui  tous  les  physiologistes  se  contentaient  trop 
facilement  de  considérations  vagues  ou  d'hypothèses  dépourvues 
de  bases  solides  ;  il  a  commencé  à  les  accoutumer  à  une  logique 
claire,  précise  et  rigoureuse,  en  même  temps  qu'il  élevait  leiu^ 
esprit  par  la  grandeur  et  la  justesse  de  ses  vues.  Son  style, 
simple  et  saisissant,  était  aussi  un  modèle  à  suivre,  et,  pour 
faire  connaître  ses  pensées  sur  le  sujet  qui  nous  occupe  ici, 
on  ne  saurait  mieux  faire  que  de  rapporter  ses  paroles. 

«  La  respiration,  dit  Lavoisier,  n'est  qu'une  combustion 
«  lente  de  carbone  et  d'hydrogène,  qui  est  semblable  en  tout  à 
»  celle  qui  s'opère  dans  une  lampe  ou  dans  une  bougie  allumée, 
»  et,  sous  ce  point  de  vue,  les  Animaux  qui  respirent  sont  de 
»  véritables  corps  combustibles  qui  brûlent  et  se  consument. 

^>  Dans  la  respiration,  comme  dans  la  combustion,  c'est  l'air 
»  de  l'atmosphère  qui  fournit  l'oxygène  et  le  calorique-;  mais 
»  comme  dans  la  respiration,  c'est  la  substance  même  de 
»  l'Animal,  c'est  le  sang  qui  fournit  le  combustible,  si  les  Ani- 
»  maux  ne  réparaient  pas  habituellement  par  les  aliments  ce 
«  qu'ils  perdent  par  la  respiration,  l'Iiuile  manquerait  bientôt  à 
«  la  lampe,  et  l'Animal  périrait,  comme  une  lampe  s'éteint  lors- 
»  qu'elle  manque  de  nourriture. 

»  Les  preuves  de  cette  identité  d'effets  entre  la  resi)iration 
);  et  la  combustion  se  déduisent  immédiatement  de  roxpérience. 


PRODUCTION    DR    CllALlîL'R.  5 

»  En  effet,  l'air  qui  a  servi  à  la  respiration  ne  contient  plus,  à  la 
»  sortie  du  poumon,  la  même  quantité  d'oxygène;  il  contient 
»  non-seulement  du  gaz  acide  carbonique,  mais  encore  beau- 
«  coup  plus  d'eau  qu'il  n'en  contenait  avant  l'inspiration.  Or, 
»  comme  l'air  vital  ne  peut  se  convertir  en  acide  carbonique 
»  que  par  une  addition  de  carbone,  qu'il  ne  peut  se  convertir 
w  en  eau  que  par  une  addition  d'hydrogène ,  que  cette  double 
»  combinaison  ne  peut  s'opérer  sans  que  l'air  vital  perde  une 
»  partie  de  son  calorique  spécifique,  il  en  résulte  que  l'effet  de 
»  la  respiration  est  d'extraire  du  sang  une  portion  de  carbone 
«  et  d'hydrogène,  et  d'y  déposer  à  la  place  une  portion  de  son 
»  calorique  spécifique,  qui,  pendant  la  circulation,  se  distribue 
»  avec  le  sang  dans  toutes  les  parties  de  l'économie  animale,  et 
»  y  entretient  cette  température  à  peu  près  constante  que  l'on 
))  observe  dans  tous  les  Animaux  qui  respirent.  On  dirait  que 
»  cette  analogie  qui  existe  entre  la  respiration  et  la  combustion 
»  n'avait  point  échappé  aux  poètes,  ou  plutôt  aux  philosophes  de 
»  l'antiquité,  dont  ils  étaient  les  interprètes  et  les  organes.  Ce 
»  feu  dérobé  du  ciel,  ce  flambeau  deProméthée  ne  présente  pas 
»  seulement  une  idée  ingénieuse  et  poétique  ;  c'est  la  peinture 
w  tidèle  des  opérations  de  la  nature,  du  moins  pour  les  Animaux 
»  qui  respirent  :  on  peut  donc  dire  avec  les  anciens,  que  le  flam- 
«  beau  de  la  vie  s'allume  au  moment  où  l'enfant  respire  pour  la 
»  première  fois,  et  qu'il  ne  s'éteint  qu'à  sa  mort.  En  considérant 
»  des  rapports  si  heureux,  on  serait  quelquefois  tenté  de  croire 
»  qu'en  effet  les  anciens  avaient  pénétré  plus  avant  que  nous  ne 
»  le  pensons  dans  le  sanctuaire  des  connaissances,  et  que  la  fable 
»  n'est  véritablement  qu'une  allégorie  sous  laquelle  ils  cachaient 
»  les  grandes  vérités  de  la  médecine  et  de  la  physique  (1).  » 

(I)  Ce  passage  se  trouve  dans  un  la  plume  du  premier  de  ces  auteurs  , 
mémoire  écrit  par  Lavoisier  et  Séguin  dont  le  style  est  facile  à  reconnaître,  et 
en  1789  (a)  ;  mais  il  est  évidemment  de      difl'ère  beaucoup  de  celui  de  Séguin. 

(a)  SfiLjuin  et  Lavoisier,  Premier  mémnire  snr  la  reajiiraVinn  d-'n  Aiiimavx  (Mém.  de  l'Arnd. 
des  sciences pow  1789,  p.  570). 


fi  NUTRITION. 

Tous  Cetto  théorie  de  la  chaleur  animale,  je  le  répète,  est  inatta- 

los  Animaux  ,  .  •    i      i 

produisent    quable  dans  tout  ce  c[ui  est  essentiel.  Au  premier  abord,  cepen- 

pliis  ou  moins  ii'i-  •  •  .     ,      y  n  . 

de  chaleur,    daiit,  Ics  pliysiologistcs  pouvaient  se  croule  autorises  a  y  taire 
des  objections  spécieuses.  En  effet,  nous  avons  vu  précédem- 
ment que  tous  les  Animaux  respirent  :  tous  consomment  donc 
de  l'oxygène  et  produisent  de  l'acide  carbonique.  Mais  ils  dif- 
fèrent beaucoup  entre  eux  sous  le  rapport  de  la  faculté  de 
Animaux     dévcloppcr  dc  la  chaleur,  et  depuis  longtemps  on  les  a  classés, 
■'  «»"y'^='"'*  pour  cette  raison,  en  deux  catégories,  sous  les  noms  iV Animaux 
h  sang  froid.  ^  ^^^^g  çj^^jy^^  gj-  ({' Animaux  à  sang  froid  (1). 

Les  premiers  sont  les  Mammifères  et  les  Oiseaux.  La  tempé- 
rature de  leur  corps  est  d'ordinaire  notablement  supérieure  à 
celle  de  l'atmosphère,  et  en  général  ne  change  que  très  peu, 
malgré  les  variations  qui  peuvent  survenir  dans  celle-ci. 

Chez  les  Animaux  dits  à  sang  froid,  on  n'aperçoit  au  toucher 
aucun  indice  de  chaleur  propre ,  et  la  température  du  corps 
s'abaisse  avec  celle  du  milieu  ambiant.  Tous  les  Animaux 
invertébrés,  ainsi  que  les  Poissons,  les  Batraciens  et  les  Rep- 
tiles, présentent  ce  caractère,  et  comme  la  température  de  l'at- 
mosphère est  d'ordinaire  beaucoup  au-dessous  de  celle  de  notre 
main,  ils  produisent  sur  nous  une  sensation  de  froid  quand  on 
vient  à  les  toucher.  Mais  c'est  à  tort  qu'on  les  a  considérés 
comme  privés  de  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur  ('2\  Tous 

(1)  Dutrocliet  a  proposé  de  siibsli-  grand  renom  qui  ont  considéré  les 
tuer  à  ces  expressions  celles  ffAni-  Animaux  à  sang  froid  comme  étant 
maux  à  haute  température  et  dC Ani-  dépourvus  de  la  faculté  de  produire 
maux  à  basse  température ,  dési-  de  la  chaleur,  je  citerai  en  première 
gnations    qui   en   effet   seraient  plus  ligne  Treviranus  (6). 

conformes  à  la  vérité  (a)  ;  mais  l'u-  Je  dois  ajouter  que  depuis  fort  long- 
sage  des  premières  est  trop  généra-  temps  quelques  autres  physiologistes 
lement  répandu  pour  pouvoir  être  étaient  d'un  avis  contraire,  et  pen- 
abandonné.  saient  que  les  Animaux  vertéijrés  à 

(2)  Parmi    les    physiologistes   de  sang  froid,  ainsi  que  certains  Inver- 

(a)  Dutrocliet,  Recherches  sur  la  chaleur  propre  des  êtres  vivants  à  basse  température  (Anv. 
lies  sciences  nat.,  2'  série,  1840,  t.  XIII,  p.  5). 

(6)  Treviranus,  Binlngie,  I.  V,  p.  19.  —  Die  Erscheinunqen  des  Lehens,  I.  I,  p.  iiCt. 


PRODUCTION    \)K    CIlALliUli.  -  ' 

CM  développent,  mais  d'ordinaire  la  (luanlilé  en  esl  l'aible;  cl 
connme  leur  corps  est  généralement  d'un  [)elit  volume,  leur 
température  se  met  très  vite  presque  en  équilibre  avec  celle  du 
milieu  ambiant. 

A  l'aide  d'un  thermomètre  ordinaire,  dont  on  place  le  réser- 
voir dans  l'intérieur  du  corps  de  l'Animal  que  l'on  étudie,  on 
peut  presque  toujours  reconnaître  que  chez  un  Vertébré  à  sang- 
froid  la  température  est  un  peu  plus  élevée  que  celle  de  l'an- 
ou  de  l'eau  où  il  vit  (1).  La  différence  est  très  petite  chez  la 
plupart  des  Poissons  :  elle  est  communément  d'un  peu  moins   Tempérau,re 

*       '■  dos 

d'un  degré  centigrade  (2). 


l'oissons. 


tébrés,  n'étaient  pas  complètement 
dépourvus  de  clialeur  propre  (a). 
Ainsi ,  limiter  avait  remarqué  que 
l'eau  en  contact  avec  le  corps  d'un 
Poisson  gèle  moins  vite  que  celle 
-située  à  quelque  distance  (5),  et  il 
avait  constaté  une  certaine  élévation 
de  température  au  centre  de  divers 
agroupements  d'Animaux  invertébrés. 
tl)  Dans  les  expériences  thermo- 
métriques  de  ce  genre,  il  faut  avoir 
soin  d'opérer  sur  des  Animaux  qui 
sont  restés  depuis  longtemps  dans  un 
milieu  à  température  peu  variable  , 
car  leur  corps  ne  se  met  que  lente- 
)nent  en  équilibre  de  température 
avec  le  fluide  extérieur,  et  les  diffé- 
rences observées  dépendent  souvent 
de  cette  dernière  circonstance.  C'est 
de  la  sorte  que  paraît  devoir  être 
expliquée  l'infériorité  de  la  tempéra- 
ture du  corps,  comparée  à  celle  de 


l'atmosphère,  signalée  chez  un  Scor- 
pion et  chez  quelques  Reptiles  par 
!M.  J.  Davy  et  plusieurs  autres  physi- 
ciens (c),  ainsi  que  chez  certains  Pois- 
sons qui  souvent  avaient  séjourné  dans 
une  eau  plus  froide  que  le  milieu  dans 
lequel  on  les  observait  (rf). 

(2)  En  général,  la  température  du 
corps  des  Poissons  ne  dépasse  celle 
du  milieu  ambiant  que  d'environ  trois 
quarts  de  degré  ou  d'un  degré  centi- 
grade (e),  et^  dans  la  plupart  des  cas 
où  une  chaleur  plus  forte  a  été  obser- 
vée, cela  dépendait  probablement  de 
ce  que  la  température  extérieure  au 
moment  de  l'expérience  était  inférieure 
à  celle  du  milieu  où  l'Animal  se  trou- 
vait peu  de  temps  auparavant,  et  que 
l'équilibre  n'avait  pu  encore  s'établir; 

Ainsi,  Krafft  estima  la  température 
propre  du  Brochet  à  3  degrés  (/")  ; 
Hunter  attribua  à  la  Carpe  une  cha- 


(a)  Haller,  Elemenla  physiologiœ,  t.  II,  p.  28. 

(6)  Hunter,  Observations  on  certain  Parts  ofthe  Animal  Ëconomy,  p.  105. 

(c)  J.  Da\y,   On   the  Température  of  Man  and  other  Animais  [Researches  Anatomical  and, 
l'hysiological,  1. 1,  p.  189  et  siiiv.).  —  Ann.  de  chimie  et  dephysique,  1826,  t.  XXXIII,  p.  181 . 

(d)  Verdun  de  la  Crenne,  Borda  et  Pingre,  Voyage  en  diverses  parties  de  l'Europe,  de  l'Afrique 
et  de  l'Amérique,  l'778,  t.  I,  p.  236. 

(e)Braun,  De  calore  Animalium,  dissert,  physica  experimentalis  {Novi  Commentarii  Acad. 
scient.  PetropoUtanœ,  1769,  t.  XIII,  p.  427). 

(/■)  Krafft,  Prœlecliones  in  physicam  theorelicnm,  1750,  p.  293. 


NUTRITION. 


Tcmpcniimc       L(>  [luiivolr  calurigciio  des  Balracicns  est  également  1res 


lies 


Balracicns.    Ihiblo,  cl,  (Iniis  la  plupail  des  circonstances,  la  température  de 


leur  propre  de  l",9/i  {a) ,  et  Etiiiiva 
évalua  celle  chaleur  à  3  degrés  (b)  ; 
laiulis  que  dans  les  expériences  mieux 
laites  par  Broussonnet  (c)  ei  par 
M.  Desprelz,  l'excès  de  la  tempéralurc 
du  corps  de  ce  dernier  Poisson  sur 
celle  du  milieu  ambiant  ne  fut  trouvé 
que  de  0",93  par  le  premier  de  ces 
auteurs,  et  de  O^jSG  par  le  second, 
différence  qui  est  sans  importance  (cl). 

M.  Desprelz,  en  prenant  toutes  les 
précautions  nécessaires  pour  éviter 
les  causes  d'erreur,  ne  trouva  que  0°,71 
chez  la  Tanche,  et  M.  Becquerel,  en 
opérant  sur  la  même  espèce,  ne  con- 
stata que  0°,5  (e),  nombre  qui  se  rap- 
proche extrêmement  de  celui  fourni 
beaucoup  plus  anciennement  par  les 
observations  de  .Martine  sur  divers 
Poissons  (/■). 

Broussonnet  trouva  0*',90  chez  l'An- 
guille et  de  0°,62  à  0°,93  chez  divers 
petits  Poissons  ;  Paidolphi  trouva  envi- 
ron 0",5  chez  la  Torpille  (g)  ;  et  Ber- 
ihold  ne  put  découvrir  dans  quel- 
ques cas  aucune  différence  entre  la 
température  du  corps  et  celle  de  l'eau 
adjacente  chez  les  Carpes,  tandis  que 


d'autres  fois  (principalement  dans  la 
saison  froide),  la  température  de  ces 
Poissons  dépassait  de  0^,25  ou  de 
0',50  celle  du  milieu  ambiant  :  chez 
les  Anguilles,  la  chaleur  propre  était 
quelquefois  de  i°,5  ou  même  de  2  de- 
grés (h).  Eydoux  et  Souleyet  trou- 
vèrent que  la  température  d'un  Ile- 
quin  était  26°, 6,  tandis  que  celle  de 
l'eau  dont  on  venait  de  l'extraire  n'é- 
tait que  23°, 2  (i).  Enfin  AI.  Alartins, 
en  opérant  avec  un  excellent  thermo- 
mètre de  ^^'alferdin,  ne  constata  que 
0°, 65  chez  un  Grondin,  ou  Trigla 
hirundo  (j). 

Dans  une  observation  faite  par 
î\].  J.  Davy  sur  un  Poisson  volant,  la 
chaleur  propre  ne  fut  évaluée  qu'à 
0,20  ;  mais  la  plupart  des  observations 
faites  par  ce  chimiste  donnent  des  ré- 
sultats plus  élevés.  Ainsi ,  chez  les 
Truites  du  mont  Cenis,  qui  vivaient 
dans  de  l'eau  provenant  de  la  fonte 
des  neiges  et  dont  la  température  n'é- 
tait que  de  /i°,/i,  il  trouva  une  tempé- 
rature intérieure  de  5", 5,  ce  qui  sup- 
poserait une  chaleur  propre  de  1°,1. 
Chez  un  Squale,  le  même  auteur  vit 


(rt)  Hunier,  Expériences  et  observations  sur  la  faculté  dont  jouissent  les  Animaux  de  produire 
de  la  chaleur  (Œuvres,  l.  IV,  p.  220). 

{&)  Broussonnet,  il/cm.  pour  servir  à  l'histoire  de  la  respiration  des  Poissons  {Mém.  de  l'Acad. 
des  sciences,  1785,  p.  idi). 

(c)  Buniva,  Mém.  concernant  la  physiologie  et  la  pathologie  des  Poissons  [Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences  de  Turin,  an  xii,  t.  Xll,  p.  78). 

(dj  Desprelz,  Recherches  expérimentales  sur  les  causes  de  la  chaleur  animale  [Ann.  de  chimie 
cl  de  physique,  1824,  t.  XXVI,  p.  338). 

(c)  Becquerel,  Traité  de  physique  considéré  dans  ses  rapports  avec  la  cldmie  et  les  sciences 
naturelles,  184i,  t.  II,  p.  07. 

(/■)  Martine,  Essais  sur  la  construction  et  la  comparaison  des  thermomètres,  sur  la  communi- 
cation delà  chaleur  et  sur  les  différents  degrés  de  la  chaleur  des  corps,  trad.  de  l'anglais,  1751, 
p.  173. 

(3)  Rudûlplii,  Eléments  of  Physiology ,  1825,  t.  I,  p.  1  57. 

(h)  Bcrlliold,  A'eue  Versuche  ûber  die  Temperatur  der  kaltblûligen  Thiere,  1835,  p.  30. 

{ij  Bliiinvillc,  P,apport  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1838,  t,  VI,  p.  458). —  Voyage 
autour  du  monde,  fait  en  1830  et  1837  à  bord  delà  Bonite,  Zoologie,  t.  I,  p.  xxxii). 

(j)  Marlins,  Sur  la  températïire  du  Spatangus  purpureus,  du  Trigla  hirundo  et  du  Gadus  œglc- 
linus  des  mers  du  Nord  [Ann.  des  sciences  nal.,  3-  série,  1840,  t.  V,  p.  11)0). 


PRODUCTION    DE    CHALEUIS.  9 

leur  corps  ne  s'élève  que  d'environ  un  demi-degré  ou  trois 
quarts  de  degré  au-dessus  de  celle  (ki  milieu  ambiant  (1). 


le  Uiennomètrc  placé  entre  les  mus- 
cles de  la  queue  de  l'iVnimal  s'élever 
de  i°,3  au-dessus  de  la  tempéralure 
du  milieu  ambiant,  et  dans  l'intéiieur 
du  corps  d'une  Bonite  il  trouva  que 
la  température  l'emportait  de  10  de- 
grés sur  celle  de  l'eau  où  l'Animal 
avait  été  pris,  température  qui  était 
elle-même  de  127  degrés  (o).  Chez  un 
autre  Poisson  de  la  famille  des  Thons, 
le  Pelamys  sarda,  M.  J.  Davy  trouva 
également  une  température  notable- 
ment supérieure  à  celle  de  l'eau  dans 
laquelle  l'Animal  vivait.  Chez  quatre 
individus,  la  clialeur  propre  du  Pois- 
son fut  estimée  à  7  degrés  au  moins  (6). 
Enfin,  Perrins  a  constaté  une  chaleur 
propre  d'un  peu  plus  de  2  degrés 
chez  un  Requin  (c). 

Je  dois  ajouter  qu'en  comparant  à 
l'aide  d'un  thermo-multiplicateur  la 
température  du  corps  d'une  Ablette 
vivante  et  d'un  individu  mort  qui 
étaient  placés  dans  la  même  eau , 
Dulrochet  n'a  pu  reconnaître  aucune 
différence  (d). 

(1)  Hunter  estima  la  chaleur  ani- 
male de  la  Grenouille  à  2°, 8  (e),  et 


dans  les  expériences  de  Czcrmak  elle 
varia  entre  O'',o2  et  '2",[ili  (f)  ;  mais 
!\1.\I.  Prévost  et  Dumas  ne  virent  la 
température  intérieure  de  ces  Batra- 
ciens s'élever  que  de  1",5  au-dessus 
de  celle  du  milieu  ambiant  {(j).  Dans 
les  expériences  de  M.  Becquerel  sur  le 
même  Animal,  les  indications  données 
par  le  thermo-multiplicateur  varièrent 
entre  0%  et  0%575  (h).  Les  résultats 
obtenus  par  Dutrochet  furent  encore 
plus  faibles  :  pour  la  chaleur  propre 
de  la  Grenouille ,  il  trouva  0°,0U,  et 
pour  celle  du  Crapaud  0'',2  {i).  Enfin, 
M.  Auguste  Duméril,  en  comparant 
les  indications  données  par  deux  ther- 
momètres placés  l'un  dans  le  cloaque 
de  plusieurs  Grenouilles  et  l'autre  dans 
l'eau  où  ces  Animaux  étaient  plongés, 
évalua  leur  chaleur  propre  entre  O",? 
et  0°,3  (j). 

D'après  les  observations  de  Rudol- 
phi  et  de  Czermak,  la  température 
intérieure  du  Proteus  anguimis  pa- 
raît être  notablement  plus  élevée  ;  le 
premier  de  ces  physiologistes  l'estime 
à  l'',25,  et  le  second  l'a  vue  varier 
entre  2°,6  et  5°, 6  [k). 


(a)  J.  Davy,  Observations  sur  la  température  de  l'Homme  et  des  Animmix  de  divers  genres 
(Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1826,  t.  XXXIII,  p.  195). 

(b)  S.  Davy,  Miscellaneoiis  Observations  on  Animal  Beat  (Philos.  Trans.,  1844,  p.  57,  et  Ann. 
de  chimie,  3"  série,  1845,  t.  XIII,  p.  174). 

(c)  Perrins,  On  the  Température  of  the  Sea  (Nicliolson's  Journal  of  Nat.  Pldlosophtj,  1804, 
t.  VIII,  p.  132). 

(d)  Dulrochet,  Recherches  sur  la  température  propre  des  êtres  vivants  à  basse  température 
{Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1840,  t.  XIII,  p.  23). 

(e)  Hunter,  Op.  cit.  {Œuvres,  t.  IV,  p.  206). 

(0  Czermak,  Zcitschrift  filr  Physik  \ot\  Baumjiirtner  und  Ettingiiausen,  1821,  "t.  III,  p.  385 
(cilé  d'après  Berthoid). 

(g)  Prévost  et  Dumas,  Examen  du  sang,  etc.  [Ann.  de  chimie  et  de  j^hysique,  1823,  t.  XXIil, 
p.  64). 

(h)  Becquerel,  Traité  de  physique,  t.  il,  p.  64. 

(i)  Dutrochet,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  t.  XIII,  p.  15). 

(j)  A.  Duméril,  nechcrches  expérimentales  sur  la  température  d-s  Reptiles  [Ann.  des  sciences 
nat.,  3°  série,  1852,  i.  XVII,  p.  7). 

(k)  Rudolphi,  Eléments  of  Pliysiology,  t.  I,  p.  JGO. 

—  Czcrmak,  Op.  cit. 

viu.  2 


Tcmiicratiirc 

des 

Reptiles. 


10 


NUTRITION. 


Chez  les  Reptiles,  la  chaleur  animale  est  parfois  un  peu  plus 
grande  (1),  et,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  elle  est  sus- 
ceptible de  s'élever  notablement  dans  certaines  circonstances, 
par  exemple  pendant  la  période  d'incubation  chez  le  Boa  (2)  ; 
mais  d'ordinaire  la  température  intérieure  de  ces  Vertébrés 
à  faible  respiration  ne  dépasse  celle  de  l'atmosphère  que  de 
1  à  3  de<''rés. 


(1)  La  chaleur  propre  des  Tortues 
a  été  estimée  à  1",22  par  Walbaum  ; 
à  2", 78  par  Martine  ;  à  2%88  par  Tie- 
demann  ;  à  0%9  ,  2°, 9  et  o%9  par 
M.  J.  Davy;  eufin  1°,3  ou  3°, 5  par 
Czermak  (a). 

D'après  Murray,  la  température  du 
Caméléon  paraît  pouvoir  sY'iever  de 
plus  d'un  degré  au-dessus  de  celle 
de  l'air  ambiant  (6). 

Chez  le  Lézard,  l'excès  de  la  tem- 
pérature du  corps  sur  celle  de  Tair 
environnant  a  été  trouvé  de  0°,75  par 
Bertliold;  de  0°,75  à  1°,  25  par  M.  Bec- 
querel ;  de  1<',2  5  à  8°, 12  par  Czer- 
mak (c). 

Chez  la  Vipère  et  les  Couleuvres, 
cette  différence  était  de  0«,21  à  6°,3 
dans  les  expériences  de  Czermak  ;  de 
1%1  à  3%9  dans  celles  de  M.  J.  Davy, 


et  de  0°,75  à  3°, 10  dans  celles  de 
ai.  Becquerel  (d).  Chez  l'Orvet,  Ber- 
tliold a  trouvé  0%25  à  0%50  (e). 

J'ajouterai  que  dans  une  série  d'ob- 
servations thermométriques  faites  par 
M.  Jones,  la  température  des  parties 
profondes  de  l'organisme  fut  trouvée 
presque  toujours  un  peu  plus  élevée 
que  celle  des  parties  superficielles  (f). 

('2)  En  1835, un  naturahste  voyageur, 
M.  Lamarre-Picquot,  annonça  à  l'Aca- 
démie des  sciences  que  le  grand  Py- 
thon de  PLide  produit  beaucoup  de 
chaleur  pendant  que  ce  Serpent  se 
tient  enroulé  sur  ses  œufs  pour  eu 
assurer  l'incubation.  Cette  observation 
n'inspira  d'abord  que  peu  de  con- 
fiance {g)  ;  mais  bientôt  après  M.  Va- 
lenciennes  eut  l'occasion  de  bien  con- 
stater   le   fait  de   l'élévation   de    la 


(a)  Walbaum,  Chdonogmphla,  odev  Beschreibiutg  emigè)'  Schildlcrôten,  1782,  p.  26. 

—  Tiederaann,  Traité  de  physiologie,  t.  II,  p.  50G. 

—  S. 'Davy,  Op,  cit.  {Ann.  de  chimie  et  de  physique,  iS'zi'),  l.XXXlll,  p.  i{i3). 

—  Czermak,  Op.  cit. 

(b)  Murray,  Expérimental  Researches,  1826,  p.  89. 

(c)  Bertliold,  Neue  Versuche  iiber  die  Temperatur  der  kaltbliUigen  Thiere.  Gôtlinyen,  1835. 
• —  Becquerel,  Traité  de  physique,  t.  II,  p.  65. 

(d)  Czermak,  Op.  cit. 

—  J.  Davy,  Op.  cit. 

—  Becquerel,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  65  et  67. 

(e)  J.  Jones,  Investigations  Chemical  and  Phgsiological  relative  lo  certain  American  Verle- 
brata,  p.  70  [Smithsonian  Contributions  to  Knowledge). 

(f)  Bertliold,  Neue  Versuche  ûber  die  Temperatur  der  kaltbliUigen  Thiere,  p."  23. 

(g)  Duméril,  Rapport  sur  un  mémoire  de  M.  Lamarre-Picquot,  relatif  aux  Serpents  de  l'Inde 
it  à  leur  venin  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1835,  t.  111,  p.  35).  —  Sur  le  développement 
de  la  chaleur  dans  les  œufs  des  Serpents  et  sur  l'influence  attribuée  à  l'incubation  de  la  mère 
(ComiHcs  rendus  de  l'Acad,  des  sciences,  1842,  t.  XIV,  p.  193). 


PUODUCTION     UE    CHALEUR.  H 

Chez  les  însec(es  et  les  aiilres  Animaux  invertébrés,  la  eon- 
statation  de  la  produetion  de  chaleur  intérieure  est  [)lus  diCficile, 
et  pour  rendre  ce  phénomène  sensible  il  a  fallu  d'abord  l'aire 
agir  à  la  fois  plusieurs  individus  sur  la  boule  du  môme  thermo- 
mètre (1).  Mais  depuis  l'invention  des  instruments  délicats 


Tciiiiiûraluri 

des 

Insectes. 


température  pendant  celte  période 
chez  lin  des  Pythons  de  la  ménagerie 
du  Muséum.  Il  a  vu  la  température 
de  ce  Reptile  s'élever  à  /il", 5,  bien  que 
la  température  environnante  ne  montât 
jamais  au-dessus  de  35°, 5  (a). 

(i)  Le  développement  de  chaleur 
par  les  Abeilles,  quand  ces  Animaux 
sont  réunis  en  grand  nombre  dans 
l'intérieur  d'une  ruche,  n'échappa  pas 
à  l'attention  de  Swammerdam;  Ma- 
>  raidi  l'observa  également,  et  Réaumur 
ainsi  que  Braun  le  constatèrent  au 
moyen  du  thermomètre  (6).  Hubert 
trouva  qu'en  hiver  la  température  des 
ruches  est  maintenue  par  la  chaleur 
propre  des  Abeilles  à  environ  30  de- 
grés centigrades  (c),  et  plus  récem- 
ment des  observations  sur  la  produc- 
tion de  la  chaleur  par  ces  Insectes 
vivant   en    société   furent  faites   par 


Juch,  Newport   et   plusieurs    autres 
physiologistes  (cl). 

Des  observations  analogues  ont  été 
faites  sur  les  P'ourmis  vivant  en  grand 
nombre  dans  l'intérieur  d'une  four- 
milière (e)  et  sur  divers  autres  Insectes 
emprisonnés  dans  des  vases.  Ainsi 
Rengger  observa  une  élévation  très 
notable  de  température  dans  un  pot 
renfermant  beaucoup  de  Hannetons  (/). 
Hausmann  vit  le  thermomètre  s'élever 
de  plusieurs  degrés  dans  une  fiole 
contenant  des  Carabes  (g) ,  et  Juch 
obtint  un  résultat  analogue  avec 
des  Cantharides  [h).  Il  est  vrai  que 
dans  quelques-unes  de  ces  recherches 
on  ne  prit  pas  toutes  les  précautions 
nécessaires  pour  mettre  le  vase  con- 
tenant les  Insectes  à  l'abri  de  l'in- 
lluence  de  la  chaleur  propre  de  l'ob- 
servateur ;  mais  dans  les  expériences 


(a)  Valeiicieniies,   Observations  faites  pendant  l'incubation  d'une  femelle  de  Python  à  deux 
raies  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1841,  t.  XVI,  p.  65). 

(b)  Swammerdam,  Biblia  Naturœ,  t.  I,  p.  548. 

—  Maraldi,  Observations  sxir  les  Abeilles  (Mdm.  de  l'Acad.  des  sciences,  1712,  p.  320). 

—  Réaumui-,  Méni.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  V,  p.  670. 

—  Braun,  De  calore  Animalium  (Comment.  Petrop.,  1760,  t.  X!II,  p.  428). 

(c)  Hiibcr,  Nouvelles  observations  sur  les  Abeilles,  t.  II,  p.  33S. 

(d)  Juch,  Ideen  %u  einer  Zoochemie,  1800,  t.  I. 

—  Borthold,  iVeue  Versuelie  ûber  die  TempercUur  der  kaltbliUigen  Thiere.  Gôtlingen,  1845. 

—  Newport,  On  the  Température  of  Insects  andits  Connexion  ivilh  tlie  Function  of' Respira- 
tion (Philos.  Trans.,  iSil,  p. '2,2Ç)). 

—  Droj'cr,  Observations  sur  le  développement  d'une  chaleur  propre  et  élevée  che.i  le  Spliinx 
Convolvnli  (Ann.  de  la  Société  entomologique  belge,  1860,  t.  IV,  p.  92). 

—  Gérard,  Recherches  sur  la  chaleur  animale  des  Articulés  (Ànn.  de  la  Société  cnlomolowiue 
de  France,  4=  série,  1861,  t.  I,  p.  503). 

(c)  Jucli,  Op.  cit.,  t.  I,  p.  92. 

(/■)  licnggcr,  Physiologische  Unlcrsuchungen  ûber  die  thierische  Haushaltunn  der  Insecten 
Tdbingeii,  1817,  p.  39. 

(g)  Hausmann,  De  Animalium  exsanguium  respirallone.  Gdttingcn,  1803. 
[h)  Juch,  Op.  cit.,  p.  35. 


1'2  NUTRITION. 

dont  les  physiciens  de  nos  jours  ont  doté  la  science,  on  a  pu 
s'assurer  de  l'existence  de  la  faculté  calorifique  chez  tous  ces 
petite  êtres,  quand  ils  sont  isolés  aussi  bien  que  lorsqu'ils  sont 
réunis  en  tas  ou  renfermés  en  grand  nombre  dans  une  quantité 
limitée  d'air.  En  effet,  au  moyen  du  thermo-multiplicateur, 
Nobili  et  Melloni  ont  reconnu  que  la  température  intérieure 
des  Insectes  est  toujours  un  peu  plus  élevée  que  celle  de  l'air 
extérieur  (1).  Chez  les  Mollusques,  la  température  du  corps 


de  Bcrtliold  et  do  Ncwport ,  cette 
cause  d'erreur  fut  évitée,  et  les  résul- 
tats furent  très  probants  (a).  J'ajou- 
terai qu'en  observant  ini  thermomètre 
plac:  au  milieu  d'un  grand  nombre  de 
Hannetons  dans  un  sac  à  claire-voie, 
MM.  r.egnaull  et  Ileiset  ont  vu  le  mer- 
cure indiquer  une  température  supé- 
rieure de  'J  degrés  à  celle  de  l'air 
environnant  (6)  ;  mais  dans  les  expé- 
riences de  Dutrochct  la  chaleur  propre 
des  Insectes  ne  dépassa  pas  0",5  (c). 
Pour  le  moment  je  n'indique  pas  les 
températures  observées  par  la  plupart 
des  physiologistes  dont  je  viens  de 
parler,  parce  qu'elles  varient  beau- 
coup suivantlesconditions  biologiques, 
sujet  sur  lequel  nous  aurons  bientôt  à 
revenir. 

La  température  intérieure  des  Crus- 
tacés ne  s'élève  que  très  peu  au-des- 
sus de  celle  du  milieu  ambiant  (d) ,  et 
il  faut  attribuer  à  quelque  circonstance 
accidentelle  indépendante  du  pouvoir 


calorifique  de  l'Animal  le  fait  men- 
tionné par  Tiudolphi,  qui  vit  le  ther- 
momètre placé  dans  l'intérieur  du 
corps  d'une  Écrevisse  s'élever  d'en- 
viron 6  degrés  au-dessus  de  la  tem- 
pérature de  l'atmosphère  (e).  M.  Va- 
lentin  a  trouvé  chez  le  Maia  squi- 
nado  seulement  de  0»,30  à  0°,90  (/"). 
(1)  Les  expériences  de  ces  deux 
physiciens  habiles  sur  la  production 
de  la  chaleur  dans  l'intérieur  du 
corps  de  divers  Insectes  furent  faites 
à  l'aide  d'un  thermo-multiplicateur 
muni  de  miroirs  collecteurs  de  la 
chaleur  rayonnante,  au  foyer  de  l'un 
desquels  ee  trouvait  l'Insecte  empri- 
sonné dans  un  réseau  métallique.  La 
chaleur  dégagée  par  l'Animal  déter- 
minait une  certaine  déviation  dans 
l'aiguille  du  galvanomètre,  et  l'étendue 
de  cette  déviation  donnait  la  mesure 
de  la  difl'érence  de  température  entre 
le  corps  de  l'Insecte  et  l'air  am- 
biant ((/). 


(a)  liorlholJ,  Op.  cit. 

—  Ncwpoi'l,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1837,  p.  250  et  siiiv.). 

{b)  l\egnault  et  Ueisct,  Bcclierches  chimiques  sw  la  respiralion  des  Auiuidux  des  diverses 
(lasses  {Ami.  de  chimie  et  de  ■physuiue,  3"  série,  1849,  l.  XXVI,  p.  511). 

(c)  LiLilrocliel,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1840,  t.  XIII,  p.  27  et  siiiv.). 

(d)  Bertholtl,  Op.  cit.,  p.  34. 

—  J.  Davy,  On  the  Température  of  Man  and  other  Animais  {Researches,  t.I,  p.  102). 

(e)  Rudolplii,  Eléments  of  Physiology,  translaied  byHow,  1825,  t.  I,  p.  156. 

(/■)  Valcnlin,  Ziir  Kennlniss  der  tliierischen  Wàrme  {Hepertoriiim  fur  Anat.  und  Physiol., 
1830,  I.  IV,  p.  350). 

(g)  Nobili  et  Melloni,  Recherches  sur  plusieurs  phénomènes  calorifiques  entreprises  au  moyeu 
du  iliermo-multiplicateur  (Ann.  de  chimie  et  dcphysique,  1831,  t.  XLVllI,  p.  208). 


PRODUCTION    DF,    CHALEUR.  1?) 

tend  aussi  à  se  maintenir  un  peu  au-dessus  de  la  température  rcmpcraiure 
du  milieu  ambiant  (1),  et  un   phénomène  semblable  a   été  Moik4ues,ctc. 
constaté  chez  les  Vers  (2)  et  chez  les  Zoophytes  (3),  mais 
n'est  jamais  bien  notable.  Du  reste,  la  faiblesse  de  la  faculté 
calorigcne  chez  les  Animaux  inférieurs  est  en  rapport  avec 


(1)  Spallanzani  n'a  pu  apercevoir 
aucun  indice  de  production  de  chaleur 
lorsqu'il  observa  une  Limace  isolée  ; 
mais  eu  réunissant  plusieurs  de  ces 
Mollusques  autour  de  son  thermo- 
mètre, 11  vit  la  température  s'élever 
de  3  ou  {  degré  (a).  D'après  Hunter, 
quatre  Colimaçons  auraient  fait  mon- 
ter le  thermomètre  de  plus  de  2  de- 
grés (6),  et  Martine  évalua  la  chaleur 
propre  de  ces  Animaux  à  i°,1  (c).  Dans 
les  expériences  de  M.  Becquerel,  la 
chaleur  propre  des  Escargots  fut  trou- 
vée de  0",9  {d),  et  dans  celles  faites 
récemment  sur  les  mêmes  Mollusques 
par  M.  Schnetzler,  la  température  du 
pied  était  presque  toujours  d'au  moins 
un  degré  au-dessus  de  celle  de  l'at- 
mosphère ;  quelquefois  l'excédant  de 
température  s'élève  à  l'',5  et  même  à 
2  degrés  (e).  Enfin,  dans  une  série 
d'observations  faites  par  M.  Vale:;tin, 
l'excès  de  température  de  l'Animal 
sur  celle  du  milieu  ambiant  fut  de 
0%i  à  0,8  chez  PAplysie,  de  0°,2  à  0°,6 
chez  le  Poulpe,  et  de  0'',9  chez  l'Élé- 
done  musquée  (/"). 

(2)  Hunter  a  fait  quelques  observa- 


tions sur  la  température  propre  des 
Annélidcs  :  il  vit  le  thermomètre  mon- 
ter de  0°,56  à  0'',85  sous  l'influence  des 
Sangsues,  et  de  1",11  à  1",39  quand 
le  réservoir  de  l'instrument  était  en- 
touré de  Lombrics  terrestres  {g). 

(3)  On  doit  à  M.  Valentin  (de  Berne) 
et  à  M.  Martins  (de  Montpellier)  quel- 
ques observations  sur  la  chaleur  propre 
de  divers  Zoophyles.  Le  premier  de 
ces  naturalistes  trouva  : 


0°,2  à  0°,C  chez  l'Holollmrie  tubnleiise. 
0,3        cliez  un  Ophiure. 
0,6        chez  l'Astérie  rouge. 
0,4  à  0,5  chez  des  Oursins. 
0,2  à  "1,0  chez  des  Méduses  du  genre  Pe- 
lagia. 
0,3       cliez  une  Méduse  du  genre  Cas- 
siopce. 
0,2  à  0,5  chez  des  Actinies  (7i). 

M.  Martins  a  fait  ses  expériences 
sur  des  Spatangues,  et  en  a  conclu 
que  la  température  de  ces  Animaux, 
tout  en  étant  supérieure  à  celle  de 
l'eau  dans  laquelle  ils  vivent,  n'en 
diffère  que  fort  peu  (i). 


(a)  Spallanzani,  Mémoires  sur  la  respiration,  p.  143. 

(b)  Hunter,  Op.  cit.  {Œuvres,  t.  IV,  p.  221). 

(c)  Martine,  Kssais  sur  la  conslruction  des  thermomètres,  etc.,  p.  174. 

(d)  Becquerel,  Traité  de  physique,  t.  II,  p.  60. 

(e)  Sclinetzler,  Observaiions  sur  la  température  des  Mollusques  terrestres  (Bibliothèque  uni- 
verselle de  Genève  ,  Archives  des  sciences  physiques  et  naturelles,  1862,  t.  XIV,  p.  293). 

If]  Valentin,  Zur  Kennlniss  der  thierischen  \¥ârme  [Reperloriuin,  1839,  t.  IV,  p.  359). 

(g)  Hunier,  Op.  cit.  {Œuvres,  t.  IV,  p.  221). 

(il)  Valentin,  Op.  cit.  {Repertorium,  1839,  t.  IV,  p.  359). 

(i)  Martin?:,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat-,  3'  série,  1840,  t.  V,  p.  187), 


Tem|iûrature 

dos 
Manimifèros. 


i[\  NUTRITION. 

le  peu  d'intensité  de   la  combustion   respiratoire   dont  leur 
organisme  est  le  siège. 

Dans  les  deux  classes  qui  occupent  les  premiers  rangs  du 
règne  animal,  la  température  intérieure  du  corps  est  en  général 
d'environ  06  à  liO  degrés  (iV  Chez  l'Homme,  par  exemple, 
elle  est  ordinairement  entre  ol  et  38  degrés  (2).  .Chez  quelques 


(1)  Pour  prendre  la  tempt^raturo 
propre  de  ces  Animaux,  on  emploie 
communément  un  petit  thermomètre 
ù  mercure  dont  on  introduit  la  boule 
dans  le  rectum ,  sous  la  langue  ou 
dans  le  creux  de  l'aisselle,  de  façon  à 
l'entourer  complètement  par  les  par- 
ties vivantes.  Dans  la  bouche,  il  peut 
y  avoir  des  causes  d'erreur  dépen- 
dant de  l'évaporation  de  la  salive 
qui  mouille  l'instrument,  et  il  résulte 
des  observations  de  M.  Gavarret  que 
pour  l'Homme  on  o])tient  de  très  bons 
résultats  en  plaçant  le  thermomètre 
sous  l'aisselle  («).  Il  est  presque  inu- 
tile de  dire  que  l'instrument  doit  être 
très  sensible  et  bien  gradué  :  ainsi  les 
thermomètres  de  M.  Walferdin  sont 
excellents  pour  cet  usage.  En  général, 
il  suffit  de  trois  minutes  pour  que 
l'équilibre  de  température  s'établisse 
à  un  dixième  de  degré  près  (6) . 

(2)  Les  premières  bonnes  observa- 
lions  sur  la  température  propre  du 


corps  humain  datent  du  milieu  du 
siècle  dernier,  et  sont  dues  à  G.  Mar- 
tine. Ce  médecin  trouva  qu'elle  était 
d'environ  97  ou  98  degrés  Fahren- 
heit, c'est-à-dire  35°, 5  ou  36", 1  cen- 
tigrades (c). 

Ilunter  vit  le  thermomètre  marquer 
98  ^  degrés  Fahrenheit,  c'est-à-dire 
1^6°, 9  centigrades,  dans  le  rectum 
d'un  Homme  en  bonne  santé  {d),  et 
il  évalua  la  chaleur  normale  du  corps 
à  environ  99  degrés  Fahrenheit  ou 
37°, 2  centigrades  (e).  Dans  des  ob- 
servations faites  sur  vingt  individus 
adultes  par  mon  frère,  William  Ed- 
wards, le  thermomètre  placé  sous  l'ais- 
selle varia  entre  35°, 5  et  37  degrés,  ce 
qui  donna  pour  moyenne  35°, l  (f). 
MM.  Dumas  et  Prévost  ont  considéré 
la  température  moyenne  de  l'Homme 
comme  étant  39  degrés  [g)  ;  mais,  d'a- 
près une  série  de  dix-sept  observations 
dues  à  M.  Despretz,  cette  moyenne  ne 
serait  que  de  37°, 09  (h),  et  une  série 


{a)  Gavarret,  Physique  médicale  :  De  la  chaleur  produite  par  les  êtres  vivants,  1855,  p.  99. 
(6)  Cil.  Martins,  Mém.  sur  la  température  des  Oiseaux  palmipèdes  du,  nord  de  l'Europe  {Mém. 
de  l'Académie  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier,  1850,  t.  III,  p.  i9i). 

(c)  Martine,  Essays  Médical  and  Philo sophical,  1740,  p.  335.  —  D&  simillhus  iXnimalibus  et 
Animalium  calore  libri  duo,  1740. 

(d)  Hunier,  On  the  Heat,  clc,  of  Animais  and  Vegetables  {Philos.  Traas.,  1778,  t.  LXVIIT, 
p.  IG.  —  Œuvres,  t.  IV,  p.  214). 

(e)  Hunier,  Leçons  siir  les  principes  de  la  chirurgie  {Œuvres,  t.  I,  p.  334). 

(f)  W.  Eihvards,  De  l'influence  des  agents  pinjsiques.  sur  la  vie,  1824,  p.  235. 

(g)  Prévost  et  Dumas,  Examen  du  sang  et  de.  son  action  dans  les  divers  phénomènes  de  la  vie 
{Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1823,  t.  XXIII,  p.  64).' 

(li)  Despretz,  Recherches  expérimentales  sur  les  causes  de  la  chaleur  animile  (Ann.  de  chimie 
et  de  physique,  1824,  t.  XXVI,  p.  338). 


PRODUCTION    DE    CHALEfJR.  15 

Mammifères  elle  est  un  peu  plus  élevée.  Ainsi,  chez  le  Chien, 
le  thermomètre  placé  dans  le  rectum  marque  à  peu  près  39  de- 
grés, et  dans  les  observations  analogues  qui  ont  élé  faites  sur 
les  Moutons,  on  a  trouvé  jiO  degrés  ou  même  un  peu  plus. 
Mais  la  chaleur  propre  des  divers  individus  d'une  même  espèce 
n'est  pas  toujours  exactement  la  même;  il  existe  aussi  à  cet 
égard  des  différences  suivant  les  circonstances  biologiques 
dans  lesquelles  l'Animal  se  trouve  au  moment  de  l'obsqrvation  ; 
et  comme  ces  déterminations  thermométriques  n'ont  pas  été 
suffisamment  multipliées  pour  que  l'on  puisse  en  tirer  de  bons 
résultats  moyens,  il  ne  faut  pas  attacher  une  grande  impor- 
tance aux  petites  différences  mentionnées  par  les  physiologistes 
entre  les  températures  des  divers  Mammifères.  Je  me  bornerai 
donc  à  dire  que  chez  la  plupart  de  ces  Animaux  elles  ne 
s'éloignent  de  celle  du  corps  de  l'Homme  que  de  1  ou  2  degrés, 
soit  en  plus,  soit  en  moins.  Les  hmites  des  variations  dans  la 
chaleur  propre  de  la  plupart  des  Mammifères  sont  par  consé- 
quent 36  et  kO  degrés  (i). 

beaucoup  plus  nombreuse  d'observa-  expériences   de    MM.    Becquerel    et 

lions  faites  par  M.    J.  Davy  donna,  Breschet,    la    température    humaine 

pour  la  température  de  la  base  de  la  prise  dans  la  bouche  n'a  varié  qu'entre 

langue  :  maximum,  38",9  ;  minimum,  3ô°,8  et  37  degrés  [d). 

35°, 8,  et  moyenne  générale,  37°, 2  (a).  M.   Gavarret  pense  que  dans  l'état 

M.    Reynaud   trouve  ,   en   moyenne  ,  ordinaire,  la  température  de  l'Homme 

37", 3  (6),  résultat  qui  est  parfaitement  adulte,   prise   sous  Faisselle,   oscille 

d'accord  avec   celai   fourni    par  les  entre  36°, 5  et  37°, 5  (e). 

observations    faites    en    Islande    par  (1)  Voici   les   principaux  résultats. 

M.   E.    Robert  (c).    Enfin ,  dans  les  fournis  par  les  observations  thermo- 

(«)  J.  Davy,  Observations  on  the  Température  of  Man  and  Animais  {Edinburgh  Philosophical 
Journal,  1825,  t.  XIII,  p.  301).  —  Observations  sur  la  température  de  l'Homme,  etc.  {Ann. 
de  chimie  et  dephysique,  1820,  t.  XXXIII,  p.  183).  —  Reseorches  A'natomical  and  Physiological, 
t.  I,  p.  161. 

(6)  ReynauJ ,  Dissertation  sur  la  température  humaine  considérée  sous  le  rcipport  des 
âges,  etc.,  thèse.  Paris,  1829. 

(c)  Eugène  Robert,  De  l'Islande  au  point  de  vue  de  la  physique  et  de  l'hygiène  (Voyage  en 
Islande  et  ati  Groenland  sur  la  corvette  la  Recherche,  partie  médicale,  1851,  p.  148). 

(d)  Becquerel  et  Brescliet,  Recherches  sur  la  chaleur  animale  a^c  moyen  d'appareils  lhc7'mo- 
électriques  (Archives  du  Muséum,  t,  I,  p.  398). 

(e)  Gavarret,  De  la  chaleur  produite  par  les  êtres  animés,  p.  100. 


16 


NUTRITION. 


Température       Q|,g2  les  OisGRux,  Ifl  température  intérieure  du  corps  est 


des 


Oiseaux,     encore  plus  élevée  ;  elle  est  rarement  inférieure  à  kO  degrés, 


métriques  faites  sur  divers  Mannni-      n'est  pas  indiqué,  le  thermomètre  a 
fères.  Dans  tous  les  cas  où  le  contraire      été  placé  dans  le  rectum. 


ESPECES  OBSERVEES. 


Ordre  des  Quadrumanes. 

Singe  (Sajou  ?) 

—    (     »      ) 

Ordre  des  Rongeurs. 

Lapin 


Lièvre . 
Cabiai 


Rat. 


Ordre  des  Carnassiers. 
Cliien 


Renard  antique . 

Chacal 

Loup 

Chat  domestique. 


Panthère 

Tigre  royal 

Ichneuraon 

Ordre  des  Pachydermes. 

Cheval 


Ane 

Anesse 

Ordre  des  Ruminants. 

Bœuf 

Mouton. 


Chèvre 

Bouc  châtré 

Élan 

Ordre  des  Cétacés. 

Lamenlin 

Marsouin  (dans  une  plaie  au  cou) 

—          (dans  le  foie)  .... 
Baleine 


TEMPERATURE. 


40 


35,5 
39,7 


37,5 
38,0 
39,6 
37,8 
38,0 
35,7 
39,5 
38,8 


37,4 

39  à  39,0 

38,3 

36,6  à  41,5 

38,3 

40,5 

38,5 

38,9 

39,7 

38,9 

37,2 

39,4 

36,8 
37,5 
36,9 
37,7 


37,5 

37,3  à  40,5 

38,0 

40,0 

39,5 

34,4 


38,9 
35,6 
37,6 

38,8 


40 


OBSEIïVATEUnS. 


Prévost  et  Dumas. 
J.  Davy. 

Huntcr. 

Prévost  et  Dumas. 

Delaroche. 

» 
Prévost  et  Dumas. 
Despretz. 
W.  Edwards. 
J.  Davy. 

Prévost  et  Dumas. 

J.  Davy. 

Becquerel  et  Breschet. 

Parry. 

J.  Davy. 

Parry. 

Prévost  et  Dumas. 

J.  Davy. 

Despretz. 

J.  Davy. 

» 
J.  Davy. 


Prévost  et  Dumas. 
J.  Davy. 
Hunter. 


Huntcr. 

J.  Davy. 

Prévost  et  Dumas. 

Prévost  et  Dumas. 

J.  Davy. 

J.  Davy. 

Martine. 
Broussonnel. 


J.  Davy. 

Scoresby  [b). 


(a)  A  la  peau,  38°, 8,  et  dans  le  ventre  40  degrés. 

(b)  Scoresby,  An  Account  ofthe  Arctic  Régions,  1820,  t.  I,  p.  477. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR. 


17 


et  pour  beaucoup  de  ces  Animaux  elle  est  de  /i2  ou  même  de 
/|3  degrés.  Du  reste,  nous  avons  vu  précédemment  que  pro- 
portionnellement au  poids  du  corps,  les  Oiseaux  consomment 
beaucoup  plus  d'oxygène  que  les  Mammilcres,  et  que  sous  le 
rapport  de  l'activité  de  la  combustion  respiratoire,  il  y  a  aussi 
chez  les  Animaux  de  l'une  et  l'autre  de  ces  classes  des  diffé- 
rences considérables  suivant  les  espèces  (i). 


(1)  On  irouvera  réunis  dans  le  ta- 
bleau suivant  les  résultats  obtenus  par 


divers  observateurs.  La  température  a 
été  prise  dans  le  cloaque. 


ESPECES  OBSERVEES. 


Ordre  des  Rapaces. 

Gypaèle 

Orfraie 

Autour 

Faucon 

Tiercelet  

Chat-liuant 

Chouelle 

Ordre  des  Passereaux. 

Bouvreuil 

Moineau 

Bruant  commun.   .   .  . 
Bruant  de  neige  .   .  . 

Choucas 

Corbeau  

Grive  commune.  .   .   . 

Ordre  des  Grimpeurs. 

Perroquet 

Ordre  des  Gallinacés. 

Poule  commune.  .   .  . 

Coq 

Gelinotte 

Paon 

Dindon 

Pintade 

Lagopède 


(a)  Voyez  Tiedemann,  Traild  de  physiologie,  t.  II,  p.  500. 

(6)  J.  Davy,  Observations  on  the  Température  ofMan  and  other  Animais  {Edinbiirgh  Philoso- 
phical  Journal,  1825,  et  Annales  de  chimie,  482G,  t.  XXXIII,  p.  181). —  Researches  Anat.  and 
PhysioL,  t.  I,  p.  IS*. 


41,1 


TEMPÉRATURE. 

OBSERVATE 

URS. 

4I°0 

Pallas  (a). 

40,2 

» 

43,1 

» 

40,5 

J.  Davy  (6). 

41,4 

Despretz. 

41,1 

J.  Davy. 

41,4 

Despretz. 

42,2 

Pallas. 

41,9 

Despretz. 

41   à 

44,5 

W.  Edwards. 

42,8 

Despretz. 

42,9 

à  43,4 

Pallas. 

42,1 

J.  Davy. 

42,9 

Despretz. 

42,8 

J.  Davy. 

J.  Davy. 


39,4  à  40,0 

Hunter. 

41,5 

Prévost  et  Dumas 

42,2  à  43,9 

J.  Davy. 

39,4  à  40,0 

Hunter. 

42,3  à  43,2 

Back. 

40,5  à  43 

J.  Davy. 

42,7 

J.  Davy. 

43,9 

J.  Davy. 

41, G 

Deraroche. 

Résuma 


18  NUTRITION . 

§  2.  —  Ainsi,  tous  les  Aniaiaux  dégngcnt  de  la  chaleur  en 
môme  temps  qu'ils  produisent  de  l'acide  carbonique;  et  puisque 
la  chimie  nous  apprend  que  la  combinaison  do  l'oxygène  avec 
le  carbone  qui  donne  naissance  à  ce  gaz  est  toujours  accom- 
pagnée d'un  développement  de  chaleur,  il  est  légitime  de 
conclure  que   la  température  propre  de  tous  ces  êtres  est 


ESPECES  OBSERVEES. 


Pigeons 

Ordre  des  Échassiers. 

Pluvier 

Hôi'on 

Foulque 

Barge 

Ordre  des  Palmipèdes. 

(iuillemols 

Pélrel 

Mouette  tridactyle.  .  . 
Mouette  blanche.  .  .  . 
Mouette  grise.  .... 
Goëiand  à  manteau  gris 
Goéland  argenté.  .  .  . 
Stercoraire  poniarin  .   . 

Cormoran 

Albatros  

Oie  rieuse 

Oie  commune 

Canard  commun.  .   .   . 

Canard  millouin,   .   .   . 

Eider 

Cygne  à  bec  rouge  .   . 


TEMPERATURE. 


41,8  h  42,5 
42,0 
42,0 
42,9 


40,5 
41,0 
40,5 
42,2 


40,5 
40,3 

3S,7 

40,07 

40,1 

41,4 

40,7 

42,3 

40,3 

41,2 

38  à 

39,0 

42,8 


41,2 
à  41,4 


41,7 

41,3 

42,5 

43,9 

42,09 

42,0 

42,4 

40,99 


OBSERVATEURS. 


Pallas. 

Prévost  et  Dumas  [a]. 

i.  Davy. 

Despretz. 


.].  Davy. 

Prévost  cl  Dumas. 

Pallas. 


Martins  (b). 
i.  Davy. 

Martins. 


Pallas. 

Eydoux  et  Souleyel  (t). 

Brown-Scquard  {d). 

» 
J.  Davy. 
Martins. 

Prévost  et  Dumas. 
J.  Davy. 
Martins. 


Martins. 


(a)  Prévost  et  Dumas,  Op.  cit.  (Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1823,  t.  XXHI,  p.  64. 

(6)  Martins,  3Iém.  sur  la  tempéralure  des  Oiseaux  palmipèdes  du  nord  de  l'Europe  [Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier,  1856,  t.  111,  p.  194). 

(f)  Blainville,  Rapport  sur  les  résultats  scientifiqiies  de  l'expédition  de  la  Bonite  (Voijnçie 
autour  du  monde  exécuté  sur  la  Bonite,  Zoologie,  t.  1,  p.  xxxii). 

(d)  Brown-Séquard,  Note  sur  la  basse  teinpérature  de'quelqucs  Palmipèdes  {Journal  de  physio- 
logie, 1858,  t.  I,  p.  43). 


PRODUCTION    DE    CIIALEUK.  10 

due  en  totalité  ou  en  partie  à  ce  phénomène  de  combustion 
intérieure. 

Lavoisier  se  borna  d'abord  à  présenter  de  la  sorte,  en  termes      M'-^'^'"''  . , 

lie  la  quaiitilo 

généraux,  ses  idées  sur  la  cause  efficiente  de  la  chaleur  animale  ;    (i"  ciiaiom- 

~  '  dégague 

mais  il  n'isnorait  pas  que,  pour  donner  à  sa  théorie  la  précision        r""- 

"■  les  Animaux. 

désirable,  il  fallait  aller  plus  loin,  et  chercher  si  la  combustion 
respiratoire  peut  suffire  à  la  production  de  toute  la  chaleur  qui 
se  développe  dans  l'organisme.  Pour  résoudre  cette  question, 
de  grands  travaux  étaient  nécessaires,  et  pour  les  accomplir 
tout  était  à  inventer.  Il  fallait  en  premier  lieu  déterminer  la 
quantité  de  chaleur  que  le  carbone  et  l'hydrogène  dégagent 
quand,  en  brûlant,  ces  corps  se.  transforment  en  acide  carbo- 
nique et  en  eau  ;  puis  mesurer  de  la  même  manière  la  pro- 
duction de  chaleur  qui  a  lieu  dans  l'économie  animale  ;  évaluer 
la  quantité  des  matières  brûlées  qui,  en  un  temps  donné, 
s'échappent  de  l'organisme,  ou,  en  d'autres  mots,  la  quantité 
de  carbone  et  d'hydrogène  que  l'Animal  consume  ;  enfin  com- 
parer entre  eux  les  résultats  fournis  par  ces  trois  ordres  de 
recherches. 

Pour  mesurer  la  quantité  de  chaleur  qui  se  développe,  soit   Expénenrcs 

,  de 

dans  la  combustion  ordinaire  des  matières  à  l'oxydation  des-     Lavoisier 
quelles  ils  attribuaient  la  chaleur  propre  des  Animaux,  soit  dans     Lapiace. 
les  corps  vivants  où  ils  voulaient  étudier  les  effets  de  la  com- 
bustion respiratoire,  Lavoisier  et  Lapiace  inventèrent  un  appa- 
reil appelé  calorimètre^  dans  lequel  le  foyer  calorifique  se  trouve 
complètement  entouré  de  glace  fondante,  qui  est  préservée  de 
l'action  de  la  chaleur  extérieure  par  une  seconde  enveloppe  de 
glace,  et  dans  lequel  l'eau  liquéfiée  par  la  chaleur  du  foyer  dont 
je  viens  de  parler  peut  être  recueillie,  de  sorte  que,  d'après  la 
quantité  de  glace  fondue,  on  calcule  la  quantité  de  chaleur  déga- 
gée ;  car  on  sait  combien  de  chaleur  est  nécessaire  pour  faire  • 
passer  l'eau  de  l'état  solide  à  l'état  liquide,  sans  y  déterminer 
aucun  changement  de  température.  En  faisant  brûler  du  charbon 


20  NUTRITION. 

dans  cet  instrument,  Lavoisier  et  Laplace  virent  qu'une  livre  de 
charbon,  en  se  transformant  en  acide  carbonique,  dégage  assez 
de  chaleur  pour  fondre  96  livres  et  demie  de  glace  à  0  degré  ; 
d'où  l'on  pouvait  conclure  que  cette  quantité  de  charbon,  en  brû- 
lant, cède  environ  7642  fois  la  quantité  de  chaleur  nécessaire 
pour  élever  d'un  degré  une  livre  d'eau,  ou,  en  d'autres  mots, 
environ  37/iO  calories  (1).  Ils  constatèrent  de  la  même  manière 
qu'une  livre  d'hydrogène,  en  brûlant,  dégage  assez  de  chaleur 
pour  fondre  295,6  livres  de  glace,  ce  qui,  d'après  l'évaluation 
préalable  de  la  chaleur  de  fusion  de  ce  dernier  corps,  corres- 
pondrait à  22 170  calories.  Enfin,  dans  une  troisième  série  d'ex- 
périences du  même  genre,  Lavoisier  et  Laplace  s'appliquèrent 
à  mesurer  comparativement  la  quantité  de  carbone  qu'un  Ani- 
mal transforme  en  acide  carbonique  et  la  quantité  de  chaleur 
qui  en  même  temps  se  dégage  de  son  corps.  Après  avoir  déter- 
miné la  quantité  d'acide  carbonique  qui  en  un  temps  donné 
s'échappe  des  poumons  d'un  petit  Mammifère,  ils  placèrent 
cet  Animal  dans  leur  calorimètre,  et  ils  virent  qu'en  dix  heures 
il  avait  fait  fondre  une  certaine  quantité  de  glace  dont  ils  esti- 
mèrent le  poids  à  3/il  grammes.  Or,  la  quantité  de  carbone 
dont  la  combustion  avait  donné  naissance  à  l'acide  carbonique 
exhalé  par  le  même  Animal  en  dix  heures  avait  été  évaluée, 
dans  l'expérience  précédente,  à  o^^SSS,  et  cette  quantité,  en 
brûlant,  aurait  fait  fondre  326^'', 75  de  glace.  Par  conséquent, 
Théorie  Lavoisier  et  Laplace  conclurent  de  ces  faits  que  la  combustion 
"nnimaie!"'  du  carbouc  détcrminéc  par  la  respiration  avait  produit  96  cen- 
tièmes de  la  quantité  totale  de  chaleur  dégagée  dans  l'intérieur 
du  corps  de  l'Animal.  Ils  reconnurent  ensuite  que  la  totalité  de 
l'oxygène  consommé  dans  la  respiration  n'est  pas  représentée 
par  l'acide  carbonique  exhalé,  et  qu'une  portion  de  cet  élément 
comburant  est,  suivant  toute  probabilité,  employée  à  former  de 

(1)  La  calorie,  ou  unité  calorimé-      saire  pour  élever  de  1  degré  la  lempé- 
U'ique,  est  la  quantité  de  chaleur  néces-      rature  de  1  kilogramme  d'eau. 


PRODUCTION    DK    CllALKUK.  21 

l'eau  en  brûlant  de  l'hydrogène  (1).  L'insulTisance  de  îa  cha- 
leur nitribuable  à  la  combustion  physiologique  du  carbone  |)our 
l'explication  de  la  production  de  la  chaleur  propre  de  l'Animal, 
ne  semblait  donc  plus  être  une  difficulté,  et  l'on  pouvait  penser 
qu'en  tenant  compte  de  la  production  d'eau  dans  l'intérieur  de 
l'organisme,  on  verrait  la  concordance  s'établir  d'une  manière 
exacte  entre  les  résultats  déduits  de  la  théorie  et  ceux  fournis 
par  l'expérience. 

A  l'époque  où  Lavoisier  attaquait  ces  questions  non  moins 
difficiles  que  belles,  les  méthodes  expérimentales  n'avaient  pas 
encore  le  degré  de  perfection  nécessaire  pour  donner  aux  résul- 
tats cherchés  toute  la  précision  désirable,  et,  comme  chacun  le 
sait,  les  massacreurs  de  1794  ne  permirent  pas  à  ce  grand  génie 
d'acheverson  œuvre.  Lavoisier,  en  montant  surl'échafaud, laissa 
donc  indécise  plus  d'une  question  importante  relative  aux  causes 
efficientes  de  la  chaleur  animale,  et,  pour  bien  contrôler  sa 
théorie,  de  nouvelles  expériences  étaient  indispensables  tant  au 
sujet  de  la  mesure  exacte  des  produits  de  la  respiration  et  de  la 
chaleur  développée  par  les  Animaux  que  pour  l'étaWissement 
des  termes  de  comparaison  que  la  physique  doit  fournir  au 
physiologiste,  c'est-à-dire  l'évaluation  de  la  chaleur  de  com- 
bustion du  carbone  et  de  l'hydrogène. 

En  1 821 ,  notre  Académie  des  sciences  provoqua  des  recher-   '^dlfoÙionr 
ches  sur  ce  sujet,  et  deux  physiciens  habiles,  Dulong  et  M.  Des-'^  '^^  °''f""'"- 


(1)  Le  travail  de  Lavoisier  et  La-  quels  il  compléta  sa  théorie,  en  ad- 

place  date  de  1780  (a),  et  ce  ne  fut  mettant  l'existence  de  la  combustion  de 

que  dans  un  mémoire  communiqué  à  Ihydrogène  aussi  bien  que  de  la  pro- 

l'Académic  de  médecine  en  1785  que  duction   de  l'acide  carbonique    dans 

Lavoisier  fit  connaître  les  faits  par  les-  l'acte  de  la  respiration  (6). 


{a)  Lavoisier  et  Laplaco,  Mémoire  sur  la  chaleur  (Mém.  de  l'Acrid.  des  sciences,  1780,  p.  335). 

(6)  Lavoisier,  Mémoire  sur  les  altérations  qui  arrivent  à  l'air  dans  plusieurs  circonstances  où 
se  trouvent  des  hommes  réunis  en  société  (Mém.  de  l'Acad.  royale  de  médecine  pour  1782  et 
1783,pul.li(3cn  1787,  p.  574). 


22  NUTRITION. 

prclz,  répondirent  à  son  appel  (1).  Les  expériences  de  l'un  cl 
de  l'autre  furent  conduites  de  manière  à  éviter  plusieurs  causes 
d'erreur  qui  pouvaient  avoir  influé  sur  les  résultats  obtenus  par 
Lavoisier  et  Laplace.  Ainsi,  ils  mesurèrent  simultanément  la 
chaleur  dégagée  par  l'Animal,  et  les  produits  de  sa  respira- 
tion, au  lieu  défaire  ces  deux  déterminations  successivement, 
ainsi  que  l'avaient  fait  leurs  prédécesseurs,  et  ils  employè- 
rent des  méthodes  calorimétriques  plus  parfaites  ;  mais  leurs 
expériences  laissèrent  encore  beaucoup  à  désirer,  et  les  con- 
clusions qu'ils  en  tirèrent  ne  peuvent  être  admises  sans  modi- 
fications (2). 

D'après  Dulong ,  la  chaleur  attribuable  à  la  combustion 


(1)  Pendant  fort  longtemps  le  travail 
de  Dulong  ne  fut  connu  que  par  le 
rapport  dont  il  avait  été  l'objet  de  la 
part  de  Thenard  (a)  ;  mais,  après  la 
mort  de  son  auteur,  en  I8Z1I,  il  fut 
publié  par  les  soins  de  l'Académie  des 
sciences  (6).  Les  recherches  de  M.  Des- 
pretz  furent  publiées  en  182ù  (c). 

(2)  Dulong  fit  usage  d'un  calori- 
mètre à  eau  dont  le  réservoir  inté- 
rieur, servant  à  loger  l'Animal,  était 
mis  en  communication  avec  des  gazo- 
mètres destinés  à  y  renouveler  l'air 
respirable,  dont  la  température  était 
déterminée  à  l'entrée  et  à  la  sortie 
de  l'appareil.  Le  poids  de  l'eau  con- 
tenue dans  le  calorimètre  et  l'élévation 
de  la  température  de  ce  liquide  sous 
l'influence  de  la  chaleur  dégagée  par 


l'Animal  fournissaient  les  données  em- 
ployées pour  calculer  la  quantité  de 
cette  chaleur.  Les  quantités  d'oxygène 
absorbé  et  d'acide  carbonique  furent 
déterminées  par  le  jaugeage  des  gazo- 
mètres et  l'analyse  de  l'air  à  la  fin  de 
l'expérience.  Enfin,  les  nombres  em- 
ployés pour  l'évaluation  de  la  chaleur 
dégagée  par  la  combustion  du  car- 
bone et  de  l'hydrogène  furent  ceux 
donnés  précédemment  par  Lavoisier 
et  Laplace. 

L'appareil  employé  par  M.  Despretz 
ressembla  beaucoup  à  celui  de  Dulong, 
mais  l'évaluation  de  la  chaleur  dégagée 
par  la  combustion  du  carbone  et  de 
l'hydrogène  fut  faite  d'après  les  résul- 
tats d'expériences  nouvelles  dues  à  ce 
physicien. 


{a)  Rapport  fait  à  l'Académie  des  sciences  sur  un  mémoire  de  Dulong  aijant  pour  titre  :  De 
la  chaleur  animale,  par  de  LapUico,  Chaiissicr,  et  Thenard,  rappoiiom'  {Journal  de  plujsiologie  de 
Magendie,  d823,  t.  III,  p.  45). 

(6)  Dulonjî,  Mémoire  sur  la  chaleur  animale  (Mém^  de  l'Acad.  des  sciences,  t.  XVIII,  p.  3127, 
ci  Ann.  de  cliimie  et  de  physique,  3=  série,  1841,  t.  I,.p.  440). 

(c)  Desprelz,  Reclierches  expérimentales  sur  les  causes  de  la  chaleur  animale  {Ann.  de  chimie 
et  de  physique,  1824,  t.  XXVI,  i'.  337).  —  Traité  élémentaire  de  physique,  1825,  p.  729  el 
suiv. 


l'lU)l)UCT10N    DE    CUALEUK.  23 

respiratoire  ne  représenterait  que  68,8  à  83,3  centièmes  de  la 
chaleur  dégagée  par  l'Animal  pendant  un  temps  donné  (i),  et, 
suivant  les  calculs  de  M.  Despretz,  la  première  de  ces  sources 
ne  pourrait  fournir  que  de  lli  à  90, ù-  centièmes  de  cette  même 
chaleur  propre  à  l'être  vivant.  Il  y  aurait  donc  un  dixième 
ou  même  un  quart  de  la  chaleur  dégagée  par  l'Animal  dont 
la  théorie  lavoisienne  ne  rendrait  pas  compte.  Mais  je  dois  me 
hâter  de  dire  que  dans  ces  évaluations  il  y  avait  évidemment 
deux  causes  d'erreur  :  la  production  de  chaleur  par  l'Animal 
était  estimée  trop  haut,  et  les  effets  calorifiques  attribués  à  la 
combustion  du  carbone  et  de  l'hydrogène  consumés  dans  l'or- 
ganisme étaient  comptés  trop  bas.  Ainsi  l'un  et  l'autre  de  ces 
physiciens  supposent  que  l'Animal  renfermé  dans  le  calorimètre 
ne  s'y  refroidissait  pas,  et  possédait  à  la  fin  de  l'expérience 
exactement  la  même  température  qu'il  avait  à  son  entrée  dans 
le  milieu  froid  où  on  le  tenait  emprisonné.  Or,  nous  verrons 
bientôt  qu'il  ne  devait  pas  en  être  ainsi  :  TAnimal  a  dû  se  relîoi- 
dir,  et  par  conséquent,  en  perdant  une  partie  de  la  provision  de 
chaleur  préexistante  et  non  renouvelée,  il  a  dii  céder  au  calori- 
mètre plus  de  chaleur  qu'il  n'en  a  produit  pendant  la  durée  de 
la  combustion  respiratoire  aux  effets  de  laquelle  on  comparait 
cette  émission  (2).  11  est  aussi  à  noter  que  les  gaz  n'étaient  pas 
suffisamment  protégés  contre  l'action  de  l'eau,  pour  qu'une  por- 


(1)  D'après  Dulong,  ta  proportion  ployée  à  brûler  de  l'hydrogène,  ce 
de  chaleur  dépendant  de  la  produc-  physicien,  dans  le  texte  de  son  nié- 
lion  de  l'acide  carbonique  aurait  été  moire,  évalua  la  proportion  de  chaleur 
entre  0,/i9  et  0,55  de  la  chaleur  dé-  due  à  ces  deux  causes  réunies  à  0,69 
gagée  par  des  Carnivores  ,  et  entre  pour  le  moins  et  à  0,80  au  maxi- 
0,65  et  0,75  chez  les  Herbivores.  En  mum  ;  mais,  dans  le  tableau  nmné- 
admettant  que  la  quantité  d'oxygène  rique  qui  y  est  annexé ,  on  voit  que 
absorbée,  et  non  représentée  par  l'a-  ce  dernier  chiffre  s'élève  à  0,83,3  (a). 
cide  carbonique  exhalé,  aurait  été  em-  (2)  Cette  cause  d'erreur  a  été  si- 
fa)  Dulong,  Mémoire  sur  la  chaleur  animale  {Mém.  de  l'Académie  des  sciences,  l.  XVIII,  cl 
Ann.  de  chimie,  3"  série,  1. 1,  p.  454  et  455). 


24  NUTRITION. 

tion  de  l'acide  carbonique  n'ait  pas  été  dissoute  par  ce  liquide 
et  n'ait  échappé  ainsi  aux  calculs  de  l'expérimentateur  (1). 
Enfin,  la  quantité  de  chaleur  qui  se  dégage  pendant  la  combus- 
tion* de  l'hydrogène  est  en  réalité  beaucoup  plus  grande  que 
ne  le  pensait  Lavoisier,  ou  même  M.  Despretz  (2),  et  il  en  est 
de  même  pour  celle  qui  résulte  de  la  combustion  du  car- 
bone (o).  Or,  si  l'on  tient  compte  de  ces  rectifications,  on  voit 
que  dans  les  expériences  de  Dulong  la  quantité  de  chaleur  altri- 
buable  à  la  combustion  respiratoire  représenterait  de  79, 'i  à 
99,4  centièmes  de  la  quantité  de  chaleur  dégagée  par  l'Animal, 
et  que  dans  les  expériences  de  M.  Despretz  le  minimum  serait 
8/i,2  et  le  maximum  101,8,  écarts  qui  ne  semblent  pas  dépasser 
les  limites  des  erreurs  dont  il  est  difficile  de  se  préserver  dans 
des  recherches  de  ce  genre. 


gnalée  par  M.  Dumas  dans  ses  leçons 
à  la  Faculté  de  médecine  («). 

(1)  Pour  éviter  cette  cause  d'erreur, 
M.  Despretz  a  fait  construire  un  appa- 
reil où  l'eau  était  remplacée  par  un 
bain  de  mercure  ;  mais,  dans  les  expé- 
riences dont  il  publia  les  résultats, 
cet  instrument  n'avait  pas  été  em- 
ployé (6). 

(2)  D'après  les  expériences  de  La- 
voisier (c),  la  chaleur  de  combustion 
de  l'hydrogène  serait  22  170  calories, 
et,  en  faisant  les  rectifications  néces- 
saires au  sujet  de  la  chaleur  de  la 
fusion  de  la  glace  qui  était  un  des 
éléments  du  calcul  de  ce  chimiste, 
on  arrive    à    23/ill,52    calories.    Il 


est  aussi  à  noter  que  M.  Despretz 
évalua  la  chaleur  de  combustion  de 
l'hydrogène  ù  23  6/i0  calories  {d)  ; 
mais  il  résulte  des  expériences  de 
j\lM.  Favre  et  Silberniann  que  cette 
estimation  doit  être  élevée  à  3à  Zi62  ca- 
lories (e). 

(3)  D'après  les  données  expérimen- 
tales fournies  par  Lavoisier,  la  chaleur 
de  combustion  du  carbone  était  consi- 
dérée comme  égale  à  7237,5  calories. 
!\I.  Despi'elz  admet  le  nombre  791^. 
Enfin,  il  ressort  des  recherches  de 
MM.  Favre  et  Silbcrmann  que  la  quan- 
tité de  chaleur  dégagée  pendant  la 
transformation  du  carbone  en  acide 
carbonique  est  de  8080  calories. 


(a)  Voyez  Wiirlz,  De  la  produclion  de  chaleur  dans  les  êtres  organisés,  llicse  de  cnncoui's. 
Paris,  d847,  p.  25. 

(6)  Despretz,  Recherches  expérimentales  sur  les  causes  de  la  chaleur  animale  {Ann.  de  chimie 
et  de  physique,  1.  XXVI,  p.  303j. 

(c)  Lavoisier,  Traité  élémentaire  de  chimie,  1793,  t.  I,  p.  109. 

{d)  Desprclz,  Traité  de  jihysique,  4825,  p.  749. 

(e)  Favre  et  Silljermann,  Recherches  sur  les  quantités  de  chaleur  dégagées  dans  les  actions 
chimiques  et  moléculaires  {Ann.  de  chimie  et  de  physique,  3'  serin,  1842,  t.  XXXIV,  p.  357). 


PRODUCTION    DE    CIlALElilt,  25 

Ali  premier  iibord,  ces  résultais  scmbiciil  donc  devoir  nous  condusions. 
satisfaire  et  nous  montrer  un  accord  suffisamment  approché 
entre  la  théorie  et  les  faits  observés  ;  mais  si  l'on  examine  la 
question  de  plus  près,  on  voit  surgir  de  nouvelles  difficultés. 
Ainsi,  dans  toutes  les  évaluations  que  je  viens  de  présenter, 
on  a  supposé  que  l'oxygène  employé  dans  la  combustion  res- 
piratoire, en  se  combinant  avec  le  carbone  et  l'hydrogène  des 
matières  organiques ,  dégageait  autant  do  chaleur  que  si  ce 
gaz  s'unissait  à  de  l'hydrogène  et  à  du  carbone  libres  ;  or,  les 
expériences  des  physiciens  prouvent  que  les  choses  ne  se 
passent  pas  toujours  de  la  sorte.  L'alcool,  par  exemple,  pro- 
duit, en  brûlant,  notablement  moins  de  chaleur  que  ne  le  ferait 
supposer  le  calcul  théorique  fondé  sur  la  chaleur  de  combustion 
du  carbone  et  de  l'hydrogène  à  l'état  de  liberté  (1),  et,  d'un 
autre  côté,  il  est  fort  possible  que  dans  beaucoup  des  réactions 
chimiques  déterminées  parla  combustion  respiratoire,  l'oxygène 
qui  se  trouve  dans  la  matière  organique  moins  fortement  uni 
à  divers  éléments  combustibles  qu'il  ne  le  sera  dans  l'eau  ou 
dans  l'acide  carbonique  dont  la  formation  a  lieu  dans  l'intérieur 
de  l'organisme,  dégage  une  certaine  quantité  de  chaleur  au 
moment  où  cette  combinaison  plus  intime  s'effectue.  En  effet, 
les  expériences  de  laboratoire  nous  rendent  souvent  témoins  de 
phénomènes  de  ce  genre,  et  dans  certains  cas  on  voit  un  grand 
dégagement  de  chaleur  résulter  d'un  nouveau  mode  de  grou- 
pement des  molécules  constitutives  d'un  corps  dont  la  compo- 
sition élémentaire  ne  change  pas  (2).  11  s'ensuit  que  dans  l'état 

(1)  Il  résulle  des  expériences   de  cool  (C''H^,2I10),  l'expérience  donne 

MM.   Favre  et  Silbermana  que  l'iiy-  7183,6  calories   et  le  calcul  7212,3. 

drogène  protocarboné  donne,  en  brii-  Des   différences  non  moins   considé- 

lant,  13  063  calories,  tandis  que  lâcha-  râbles  ont  été  constatées  pour  d'autres 

leur  de  combustion  du  carbone  et  de  composés  binaires  ou  ternaires  com- 

l'hydrogène  de  ce  corps  serait  égale  parés    à    leurs    éléments    constitutils 

à  IZi  673,5  calories,  si,  au  lieu  d'être  libres. 

combinés,  ils  étaient  libres.  Pour  l'ai-  (2)  Ainsi  l'acide  cyaniowe,  à  la  tem- 

Viii.  3 


26  NUTRITION. 

actuel  de  la  science  nous  ne  pouvons  pas  faire  d'une  nmanière 
précise  le  compte  de  la  quantité  de  chaleur  due  à  la  combustion 
respiratoire  ou  aux  autres  phénomènes  chimiques  ou  phy- 
siques dont  l'organisme  est  le  siège.  Mais,  d'après  l'ensemble 
de  faits  dont  je  viens  de  rendre  compte,  il  me  semble  impos- 
sible que  cette  combustion  intérieure  ne  soit  pas  la  cause  prin- 
cipale, sinon  la  cause  unique  de  la  chaleur  propre  des  Animaux. 
La  théorie  que  l'illustre  Lavoisier  donna  de  la  chaleur  animale 
au  moment  où  la  chimie  nouvelle  naissait  entre  ses  mains,  est 
donc  encore  aujourd'hui  en  a(îcord  parfait  avec  tout  ce  que 
nous  savons  de  ce  phénomène  physiologique  et  le  fait  ren- 
trer dans  les  lois  générales  de  la  physique.  Quel  que  soit  le 
côté  par  lequel  nous  envisageons  le  travail  nutritif,  nous  nous 
trouvons  conduits  à  reconnaître  que  le  corps  humain,  de 
même  que  le  corps  de  tout  autre  Animal,  doit  être  le  siège 
d'une  combustion  plus  ou  moins  active  dont  les  conséquences 
sont  la  destruction  d'une  certaine  quantité  de  substance  orga- 
nique et  la  production  de  matières  oxygénées,  telles  que  l'eau, 
l'acide  carbonique  et  l'urée,  dont  la  formation  est  accompagnée 
d'un  dégagement  de  chaleur  et  constitue  la  principale  source 
des  excrétions. 

Ainsi,  lorsque  par  la  pensée  on  suit  l'oxygène  qui  de  l'atmo- 
sphère pénètre  dans  l'intérieur  de  ces  organismes,  lorsqu'on 
remonte  à  l'origine  de  la  chaleur  qui  rayonne  du  corps  de 
tout  être  animé,  ou  bien  encore  lorsqu'on  envisage  de  la  même 
manière  les  produits  dont  l'économie  animale  se  débarrasse, 


pératnrc  de  quelques  degrés  au-dessus  une  certaine  température,  le   clilor- 

de  zéro,  se  transforme  en  acide  cya-  hydrate  d'urée  se  transforme  sponta- 

nurique  Insoluble,  sans  changer   de  nément   en   acide  cyanurique   et   en 

composition  élémentaire,  mais  en  se  sel  ammoniac,  avec   dégagement  de 

condensant  pour  ainsi  dire,  et  cette  chaleur.  On  trouvera  dans  les  traités 

transformation  moléculaire  est  souvent  de  chimie  beaucoup  d'autres  exemples 

accompagnée  d'assez  de  chaleur  pour  analogues, 
déterminer  de  légères  explosions.  A 


PRODUCTION    DK    C[[ALEUr',,  27 

soit  par  les  voies  respiratoires,  soit  piir  la  sécrétion  urinaire,  on 
arrive  au  môme  point.  Toutes  ces  études  se  mêlent  ou  plutôt  se 
confondent  en  une  seule  ;  la  combustion  pliysiologique  nous 
apparaît  toujours  comme  le  grand  régulateur  de  chacimc  des 
fonctions  qui  ont  pour  objet  la  conservation  de  la  vie  de  l'indi- 
vidu, et,  pour  nous  rendre  comptedes  circonstances  qui  peuvent 
modifier  la  marche  de  chacune  d'elles,  il  nous  faut  connaître 
avant  tout  ce  qui  influe  sur  ce  phénomène  fondamental. 

Ainsi,  pour  faire  un  pas  de  plus  dans  l'histoire  delà  chaleur  siège 
animale,  nous  aurions  à  chercher  en  quels  lieux  cette  chaleur  .léveiopïement 
se  développe,  et,  puisque  sa  production  dépend  de  la  combus-  "tmim^e!"' 
tion  respiratoire,  dont  une  autre  conséquence  est  la  formation 
de  l'acide  carbonique  et  des  matières  urinaires,  nous  aurons  par 
cela  même  à  chercher  où  toutes  ces  substances  peuvent  prendre 
naissance,  et  ce  que  nous  découvrirons  relativement  à  l'une 
d'entre  elles  pourrait  nous  éclairer  au  sujet  des  autres  ;  car  là 
où  se  développe  la  chaleur  animale,  s'opère  la  combustion  en 
question,  et  là  où  cette  combustion  a  son  siège,  doivent  se  pro- 
duire toutes  les  matières  brûlées  dont  l'acide  carbonique  et 
l'urée  sont  les  principaux  représentants.  Ce  raisonnement  sera 
également  vrai  si  on  le  retourne,  et  si,  en  prenant  pour. point 
de  départ  l'apparition  de  l'acide  carbonique  dans  l'organisme, 
on  en  déduit  le  siège  de  la  production  de  la  chaleur  animale  ou 
de  l'urée. 

Dans  une  des  premières  Leçons  de  ce  cours,  nous  avons  vu 
que  le  sang  de  l'Homme  et  des  autres  Vertébrés  change  de 
feinte  suivant  que  ce  liquide  est  chargé  d'oxygène  ou  d'acide 
carbonique  ;  que  dans  le  premier  cas  il  est  d'un  rouge  vermeil, 
tandis  que  dans  le  second  il  est  d'un  rouge  sombre,  et  qu'il 
conserve  la  première  de  ces  couleurs  depuis  son  passage  dans 
les  capillaires  de  l'appareil  respiratoire  jusque  dans  les  der-  ■ 
nières  ramifications  du  système  artériel ,  mais  que  là  il  change 
d'aspect  et  prend  les  caractères  du  sang  veineux.  Ce  change- 


28  NUTRITION. 

ment  du  sang  arlériel  en  sang  noir  se  fait  dans  toutes  Jes  par- 
ties du  système  capillaire  général,  c'est-à-dire  dans  la  profon- 
deur de  toutes  les  parties  de  l'organisme,  dans  la  substance  de 
tous  les  tissus  vivanls.  C'est  donc  en  traversant  ces  canaux 
étroits  que  letluide  nourricier  se  charge  d'acide  carbonique,  et 
par  conséquent  aussi  c'est  dans  toutes  les  parties  du  corps  que 
doit  s'opérer  la  combustion  physiologique  qui  enlève  au  sang 
son  oxygène  libre  et  qui  donne  naissance  à  l'acide  carbonique. 
C'est  donc  aussi  dans  le  système  capillaire  général  ou  à  Tentour 
de  ce  système  que  doivent  prendre  naissance  les  autres  produits 
de  cette  même  combustion  :  l'urée,  par  exemple  ;  et  c'est  éga- 
lement dans  la  profondeur  de  toutes  les  parties  de  l'économie 
que  doit  avoir  lieu  le  dégagement  de  chaleur  dont  dépend  la 
température  propre  des  Animaux. 

Effectivement,  c'est  ce  qui  a  lieu.  Lorsqu'à  la  suite  des 
grandes  découvertes  de  Lavoisier  on  supposait  que  la  combus- 
tion respiratoire  était  concentrée  dans  les  poumons  et  entretenue 
à  l'aide  de  matières  combustibles  excrétées  du  sang  dans  les 
cavités  aérifères  de  cet  organe^  on  pensait  aussi  que  les  poumons 
étaient  le  foyer  de  la  chaleur  animale  ;  que  le  sang,  en  y  passant, 
s'y  échauffait,  et  que  ce  Hquide  portait  ensuite  dans  les  parties 
éloignées  du  coi'ps  la  chaleur  acquise  de  la  sorte.  On  ne  pou- 
vait, il  est  vrai,  constater  à  l'aide  du  thermomètre  aucune  éléva- 
tion de  température  du  sang  après  son  passage  dans  les  poumons, 
ni  aucun  refroidissement  appréciable  quand  ce  liquide  avait 
traversé  le  système  capillaire  général  et  était  revenu  vers  l'ap- 
pareil respiratoire  par  les  canaux  veineux  ;  mais  on  expliquait 
cette  égalité|par  des  différences  que  l'on  crut  avoir  constatées 
entre  la  capacité  pour  la  chaleur  dans  le  sang  artériel  et -le  sang 
veineux  (1). 

(1)  Dans  une  des  premières  Leçons  et  de  dire  que  Crawford  avait  clier- 
de  ce  cours,  j'ai  eu  l'occasion  d'ex-  ché  à  expliquer  do  la  même  manière 
poser  les  vues  de  Lavoisier  à  ce  sujet,      les  phénomènes   de  la  chaleur  ani- 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  29 

Pendant  les  premières  années  du  siècle  actuel,,  ces  idées  rela- 
tives à  la  localisation  de  la  production  de  chaleur  dans  l'appareil 
respiratoire  furent  acceptées  par  presrpje  tous  les  physiolo- 
gistes; mais  lorsqu'à  la  suite  des  observations  de  W.  Edwards 
et  de  M.  Magnus  sur  la  provenance  de  l'acide  carbonique,  on 
reconnutcjue  les  poumons  exhalaient  un  produit  dont  l'existence 
était  constatable  dans  le  sang  veineux,  cette  opinion  devait 
disparaître,  et  d'ailleurs  d'autres  faits  vinrent  bientôt  nous 
montrer  que  la  cause  de  la  température  propre  des  Animaux 
réside  dans  toutes  les  parties  de  leur  corps. 

§  3.  — Nous  avons  vu  précédemment  que  partout  dans  l'or- 
ganisme la  transformation  du  sang  vermeil  en  sang  noir  dénote 


maie  (a).  Ce  dernier  auteur  supposa 
d'abord,  comme  l'avait  fait  Priesiley, 
que  le  sang  artériel,  en  traversant  le 
système  capillaire  général,  absorbait 
du  phlogistique  pour  se  transformer  en 
sang  veineux,  et  que  ce  changement 
était  accompagné  d'une  diminution 
dans  la  chaleur  spécifique  de  ce  liquide, 
en  sorte  qu'il  céderait  du  calorique  aux 
parties  voisines,  tandis  que  dans  les 
poumons  il  céderait  son  phlogistique 
à  l'air  inspiré,  et  donnerait  naissance 
ainsi  à  de  l'air  fixe  dont  la  capacité 
calorifique  serait  beaucoup  moindre 
que  celle  de  l'air  pur  ;  l'air  inspiré 
dégagerait  alors  beaucoup  de  chaleur 
qui  servirait  à  vaporiser  l'eau  consti- 
tutive de  la  transpiration  pulmonaire 
et  à  maintenir  à  une  température  con- 
stante le  sang  veineux,  lorsque  celui- 
ci,  en  passant  de  l'état  de  sang  veineux 
à  l'état  de  sang  artériel,  acquerrait 


une  chaleur  spécifique  plus  grande  (6). 
Ce  fut  seulement  quelques  années  après 
la  publication  delà  théorie  lavoisienne 
que  Crawford,  dans  une  seconde  édi- 
tion de  son  ouvrage,  substitua,  à  ces 
hypothèses  touchant  le  rôle  du  phlo- 
gistique, des  vues  semblables  à  celles 
de  l'illustre  fondateur  de  la  chimie 
moderne  (c).  Voici  en  peu  de  mots 
comment  il  chercha  alors  à  expliquer 
l'élévation  de  la  température  du  corps 
humain  et  des  autres  animaux  à  sang 
chaud.  Le  sang,  en  traversant  le  sys- 
tème capillaire  général,  se  chargerait 
d'hydrogène  carboné ,  et ,  en  arrivant 
dans  les  poumons,  abandonnerait  ce 
gaz  qui,  en  se  combinant  avec  l'oxy- 
gène de  l'air  inspiré,  donnerait  nais- 
sance à  de  l'acide  carbonique  et  à  de 
la  vapeur  d'eau.  Or,  la  capacité  de 
l'oxygène  pour  la  chaleur,  serait,  d'a- 
près Crawford ,  trois  fois  plus  consi- 


(fl)  Voyez  lomc  T,  page  423. 

(b)  Je  n'ai  pu  me  procurer  l;i  première  édilion  de  l'ouvrage  de  Crawford,  publiée  en  1779  ;  mais 
ses  idées  sur  la  production  de  la  clialour  animale  sont  résumées  dans  un  mémoire  qu'il  publia  en 
1782  sous  le  titre  d'Expériences  sur  le  pouvoir  qu'ont  les  Animaux  de  prodiiire  du  froid  [Joîir- 
nal  de  physique,  t.  XX,  p.  451). 

(c)  Voyez  Gavarret,  Physique  médicale,  1855,  p.  183. 


30  NUTRITION. 

une  produclion  d'acide  carbonique,  et  que  la  formation  de  ce 
composé  oxygéné  estaccompagnéed'un  dégagement  de  chaleur. 
La  production  de  chaleur  doit  donc  avoir  lieu  dans  toutes  les 
parties  de  l'économie  animale,  et  effectivement  ce  phénomène 
a  son  siège  partout  où  l'activité  vitale  se  manifeste.  Ainsi, 
MM.  Ludwig  et  Spiess  ont  constaté  que  la  salive  qui  s'écoule 
de  la  glande  sous-maxillaire  a  une  température  supérieure  à 
celle  du  sang  qui  se  rend  à  cette  glande  (1);  et  M.  Cl.  Ber- 
nard, dont  les  belles  expériences  ont  tant  contribué  aux  progrès 
récents  de  la  physiologie,  a  mis  bien  en  évidence  cette  produc- 
tion de  chaleur  dans  la  substance  des  organes  par  des  expé- 


dérable  que  celle  des  matières  ainsi 
formées,  et  par  conséquent  la  combi- 
naison de  ce  principe  comburant  avec 
l'iiydrogène  carboné  provenant  du 
sang  déterminerait  dans  l'intérieur 
des  poumons  le  dégagement  de  beau- 
coup de  chaleur,  mais  celte  chaleur  ne 
serait  pas  sensible,  parce  que  le  sang 
artériel,  en  se  changeant  en  sang  vei- 
neux, acquerrait  une  capacité  calori- 
fique plus  grande  et  emploierait  cette 
chaleur  pour  se  maintenir  à  la  tempé- 
rature qu'il  avait  en  arrivant  aux  pou- 
mons. Enfin ,  le  sang  artériel ,  en  se 
changeant  en  sang  veineux  dans  le  sys- 
tème capillaire  général,  perdrait  ce  sur- 
croîtde  capacité  calorifique  et  abandon- 
nerait aux  parties  voisines  la  chaleur 
que  l'air  inspiré  lui  avait  communiquée, 
en  sorte  que  cette  chaleur  ne  devien- 
drait sensible  que  dans  les  points  où 
le  sang  artériel  se  transforme  en  sang 
veineux,  c'est-à-dire  tlans  le  système 
capillaire  général  (o). 


Cette  hypothèse,  comme  on  le  voit, 
repose  complètement  sur  la  supposi- 
tion d'une  différence  considérable  dans 
la  chaleur  spécifique  du  sang  artériel 
et  du  sang  veineux,  et  Crawford  dé- 
duisit de  ses  expériences  à  ce  sujet, 
que  la  capacité  du  premier  de  ces  li- 
quides pour  la  chaleur  était  représen- 
tée par  1,0300,  lorsque  la  capacité  ca- 
lorifique du  sang  veineux  n'était  que 
de  0,8928;  mais  d'autres  recherches 
mieux  conduites  prouvèrent  qu'il  n'en 
est  pas  ainsi.  En  effet,  M.  J.  Davy 
constata  que  la  chaleur  spécifique  du 
sang  veineux  ne  diffère  pas  sensible- 
ment de  celle  du  sang  artériel  (6).  Il 
est  aussi  à  noter  que  la  capacité  de 
l'acide  carbonique  pour  la  chaleur  n'est 
pas,  comme  le  supposait  Crawford, 
inférieure  à  celle  de  l'air. 

(1)  La  différence  entre  la  tempéra- 
ture du  sang  de  l'artère  carotide  qui  se 
rendait  aux  glandes  sous-maxillaires, 
et  celle  du  liquide  qui  sortait  de  ces 


(a)  Crawford,  Experiments  and  Observations  on  Animal  Heat,  seconde  édition,  1788,  p.  iid 
et  suiv. 

(b)  J.  Davy,  An  Account  ofsome  Experiments  on  Animal  Heat  {Philos.  Trans.,  1814,  p.  590). 
—  Researches  Anatomical  and  Physiological,  t.  I,  p.  141. 


PRODUCTION   DE    CHALEUR.  31 

riences  sur  les  nerfs  vaso-moteurs.  Il  a  montré  que  d'ordinaire  ce 
n'est  pas  le  sang  qui,  en  raison  de  sa  température  élevée,  échauffe 
les  tissus  en  y  circulant,  mais  que  c'est  sur  place  que  se  déve- 
loppe la  chaleur  propre  à  chaque  partie  de  l'organisme,  et  que 
c'est  la  chaleur  ainsi  produite  dans  la  substance  des  tissus 
vivants  qui  échauffe  le  fluide  nourricier  (1).  Ainsi  que  je  l'ai  déjà 
dit  (2) ,  la  section  du  nerf  grand  sympathique  dans  la  région  du 
cou  détermine  la  dilatation  des  vaisseaux  dans  l'oreille  et  les 
parties  voisines  de  la  tête  du  même  côté,  et  ce  phénomène  est 
accompagné  non-seulement  de  rougeur,  mais  aussi  d'un  grand 


organes,  fut  évaluée  à  1  degré  centi-  parois  des  vaisseaux  déterminée  par 

grade  danslespremières  recherches  de  la  section  de  ces  organes  amène  dans 

MM.  Ludwig  et  Spiess,  et  dans    des  l'état  de  la  circulation,  et  à  l'augmen- 

expériences  subséquentes  elle  fut  éva-  tation  dans  la  quantité  de  sang  en 

luée  à  1,5  («).  mouvement  dans  leur  intérieur  (6). 

(1)  L'explication  de  ces  phénomènes  Tout  dernièrement  M.  Claude  Ber- 

fut  donnée  peu  de  temps  après  par  plu-  nard  a  publié  de  nouvelles  expériences  ■ 

sieurs  physiologistes,  qui  attribuèrent  sur  l'influence  que  les  nerfs  ganghon- 

avec  raison  l'augmentation  de  la  cha-  naires  exercent  sur  la  caloricité,  et  il 

leur  locale,  non  à  la  suspension  d'une  a  fait  voir  que  dans  les  membres  la 

action  retardatrice  que  les  nerfs  en  ques-  paralysie  des  nerfs  vaso-moteurs   est 

tionexerceraient  d'une  manière  directe  suivie  des  mêmes  effets  que  dans  la 

sur  la  production  de  chaleur,   mais  tête  (c). 

aux  conséquences  que  la  paralysie  des  (2)  Voyez  tome  IV,  page  200. 

(a)  Ludwig'  und  Spiess,  Vei'gleichung  der  Wàrme  des  Unterkieferdrûsenspeichels  und  des 
(jleichseiligen  Carotidenblutes  (Silzungsberichie  der  Wiener  Akad.,  1857,  t.  XXV,  p.  584). 

—  Ludwig,  Neuer  Versuch  ûber  die  Temperatur  des  Speichels  (CanstaU's  Jahresbericht  fur 
1860,  t.  I,  p.  16). 

(i))  Brown-Séquard,  Researches  on  the  Influence  of  the  Nervous  System  upon  the  Functions  of 
Organic  life  (Médical  Examiner,  1852,  et  Expérimental  Researches,  1853,  p.  9). —  On  the 
Increase  of  Animal  Heat  after  Injuries  ofthe  Nervous  System  (Expérimental  Researches,  p.  TS). 
—  Sur  les  résultats  de  la  section  et  de  la  (jalvanisaiion  du  nerf  grand  sympathique  au  cou 
(Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1854,  t.  XXXVIII,  p.  73). 

—  Waljer,  Neuvième  mémoire  sur  le  système  nerveux  [Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
1853,  t.  XXXVI,  p.  378). 

—  Donders,  Aanleekeningen  van  het  Vtrechtsch  Genootschap,  1853,  n°  32. 

—  Schiff,  De  l'influence  du  grand  sympathique  sur  la  production  de  la  chaleur  animale,  etc. 
(Gazette  hebdomadaire,  1854,  t.  1,  p.  421). —  UnterswMmgen  %ur  Physiologie  des  Nerven- 
systems ,  1855. 

—  Valider  Beke  Callenfels ,  Onderzoekingen  over  den  invloed  der  vaatzemnven  op  den 
Bloedsomloop  en  den  Warmtegraad  (Nederlandsch  Lancet,  3"  série,  1855,  t.  IV,  p.  688).  — 
Ueber  den  Einfluss  der  vasoinatorischen  Nerven  auf  den  Kreislauf  und  die  Temperatur  (Zeit- 
sthrifl  fïir  rat.  Med  ,  2°  série,  t.  VII,  p.  157). 

(c)  Cl.  Bernard,  Recherches  expérimentales  sur  les  nerfs  vasculaires  et  calorifiques  du  grand 
sympathique  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1862,  t.  LV,  p.  228). 


32  NUTRITION. 

développement  de  chaleur  dans  la  partie  fjui  en  est  le  siège. 
La  différence  de  température  entre  les  deux  oreilles  devient 
souvent  de  3  ou  4  degrés.  Or,  le  sang  qui  arrive  aux  tissus 
qui  se  trouvent  dans  cet  état  de  turgescence  vasculaire  n'est 
pas  plus  chaud  que  celui  du  côté  opposé,  et  de  ce  dernier  côté 
il  ne  présente  aucune  élévation  de  température  après  avoir  tra- 
versé les  tissus  et  être  rentré  dans  les  veines  du  cou  ;  mais  du 
côté  où  la  chaleur  locale  a  été  augmentée  par  l'effet  de  l'opé- 
ration, il  s'échauffe  notablement,  et  le  thermomètre  plongé 
dans  la  veine  correspondante  marque  d'ordinaire  un  demi- 
degré  de  plus  que  dans  le  courant  afférent  ou  dans  le  courant 
efférent  du  côté  opposé  (1).  On  obtient  aussi  des  preuves  de 
la  diffusion  du  travail  calorifique  dans  les  diverses  parties  de 
l'économie  animale,  en  comparant  la  température  du  sang  qui 
sort  de  certains  organes  où  les  effets  de  ce  phénomène  ne  sont 
contre-balancés  par  aucune  cause  de  refroidissement  notable  et 
celle  du  sang  qui  y  entre.  Ainsi,  M.  Cl.  Bernard  a  vu  que,  chez 
le  Chien,  le  sang  qui  dans  l'artère  aorte  descend  vers  l'intestin 
est  presque  toujours  un  peu  moins  chaud  que  le  sang  qui,  après 
avoir  traversé  le  système  capillaire  des  parois  du  tube  intes- 
tinal; remonte  dans  la  veine  porte  pour  se  rendre  au  foie,  et  il 
a  constaté  que  ce  liquide,  en  traversant  ensuite  le  foie,  s'échauffe 


(1)  M.  Cl.  Bernard  a  constaté  aussi  vu  Télévation  de  température  locale 

que  cette  augmentation  de  la  produc-  durer    pendant    douze     ou     quinze 

lion  de  chaleur  dans  la  partie  de  la  jours,  et  chez  les  Chiens  il  en  a  con- 

tête  dépendante  des  nerfs  dont  il  avait  staté  la  persistance  pendant  plusieurs 

coupé  le  tronc  d'un  côté  du  cou  se  mois. 

manifeste  très  rapidement,  et  cesse  de  RI.  Claude  Bernard  a  vu  aussi  que 

même  lorsque,  par  la  galvanisation  du  lorsqu'on  expose  à  l'action  du  froid 

tronçon  supérieur  du  nerf  ainsi  divisé,  les  Animaux  soumis  à  cette  opération, 

on  délermine  la  contraction  des  vais-  la  tête  se  refroidit  beaucoup  plus  vile 

seaux^sanguias.  Chez  les  Lapins,  il  a  du  côté  sain  que  du  côté  paralysé  (a). 


(a)  Cl.  Berriard,  De  Vinfluence  du  syslème  nerveux  grand  sympathique  siir  la  chaleur  animale 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1852,  t.  XXXIV,  p.  472j. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  33 

encore  davantage  :  la  différence  entre  la  température  du  sang- 
dans  l'aorte  ventrale  et  dans  les  veines  hépatiques  est  en 
moyenne  de  plus  d'un  demi-degré  centigrade  (1). 

§  fi.  —  La  température  générale  du  corps  dépend  de  deux  circonsiances 
choses  agissant  en  sens  contraire  :  d'une  part,  du  degré  d'acti-  ^^^  tcmpmiure 


des 


vite  de  la  combustion  physiologique  qui,  entretenue  par  la  rcs-  ''■^''•'scs  parUcs 

^  du  corps. 

piration,  s'opère  dans  la  substance  de  tous  les  tissus  vivants  où 
le  fluide  nourricier  apporte  à  la  fois  l'élément  comburant  et  des 
matières  combustibles  ;  d'autre  part,  des  causes  plus  ou  moins 
puissantes  de  refroidissement  qui  déterminent  la  déperdition  de 
la  chaleur  propre  de  l'Animal,  et  qui  sont  :  le  rayonnement  qui 
se  fait  par  la  surface  de  son  corps;  l'équilibre  qui  tend  à  s'éta- 
blir sur  cette  surface  et  les  corps  plus  ou  moins  froids  avec 
lesquels  elle  est  en  contact  ;  enfin  l'évaporation  qui  a  lieu  par 
cette  même  surface  (^).  La  température  de  chacune  des  parties 


(1)  Dans  dix-huit  expériences  faites 
sur  des  Cliiens,  la  différence  de  tem- 
pérature entre  le  sang  de  l'artère 
aorte  ventrale  et  celui  des  veines 
hépatiques,  c'est-à-dire  entre  le  sang 
avant  et  après  son  passage  dans  Teu- 
semble  de  l'appareil  digestif,  a  varié 
entre  0°,2  et  1  degré  centigrade.  Entre 
l'aorte  ventrale  et  la  veine  porte , 
M.  Cl.  Bernard  a  trouvé  des  diffé- 
rences de  ,^  à  ^  degré  en  faveur  du 
sang  veineux  ;  mais  dans  quelques  cas 
il  y  avait  une  légère  différence  en  sens 
contraire,  ce  qui  s'expliquait  facile- 
ment par  la  présence  de  corps  étran- 
gers plus  ou  moins  froids  dans  l'in- 
testin. Enfin,  dans  une  troisième  série 
d'expériences  comparatives  faites  sur 
le  sang  de  la  veine  porte  qui  se  ren- 
dait au  foie  et  celui  des  veines  hépa- 


tiques qui  venait  de  traverser  ce  vis- 
cère, la  température  de  ce  dernier 
liquide  fut  trouvée  de  0°,1  à  0°,6  plus 
élevée  que  celle  du  premier.  Il  est 
d'ailleurs  à  noter  que  cette  élévation 
croissante  dans  la  température  du 
sang  qui  passait  successivement  dans 
les  capillaires  de  l'intestin  et  dans  la 
substance  du  foie  ne  pouvait  être 
attribuée  à  l'influence  du  voisinage 
des  poumons  ou  du  cœur,  car  M.  Cl. 
Bernard  trouva  qu'en  s'avançant  dans 
le  thorax ,  ce  même  liquide  se  refroi- 
dissait (a). 

(2)  En  ayant  égard  à  ces  diverses 
causes  de  déperdition  de  chaleur,  il  de- 
vient facile  de  se  rendre  compte  des 
effets  très  différents  qui  peuvent  être 
produits  sur  l'Homme  et  les  Animaux 
par  une  même  température  basse,  sui- 


(a)  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  les  propriétés  phtjsiohgiques  des  liquides  de  l'organisme,  1859, 
t.  I,  p.  84  et  suiv.). 


Influence 

réfrigérante 

•du 

renouvellement 

de  l'air 

dans 

les  poumons. 


34  NUTRITION. 

de  l'économie  animale  en  parliculier  est  soumise  à  rinfliience 
des  mêmes  causes  d'élévation  et  d'abaissement,  mais  elle  est 
réglée  aussi  par  celle  du  reste  de  l'organisme  ;  car  le  sang,  en 
circulant  partout,  tend  à  maintenir  l'égalité  dans  tous  les  points 
qui  sont  baignés  successivement  par  ce  liquide  en  circulation. 

Nous  pouvons  donc  prévoir  que  le  poumon,  au  lieu  d'être 
un  foyer  où  le  sang  se  charge  de  chaleur  pour  la  répartir 
ensuite  dans  le  reste  de  l'économie,  est  un  organe  où  ce  hquide 
doit  se  refroidir;  car  nous  savons  que  l'air  inspiré  s'y  charge 
d'une  grande  quantité  de  vapeur  d'eau,  et  la  physique  nous 
apprend  que  l'eau,  en  passant  de  l'état  liquide  à  l'état  de  vapeur, 
enlève  aux  corps  circonvoisins  une  quantité  considérable  de  cha- 
leur. L'expérience  confirme  ces  déductions  théoriques,  et  nous 


vant  que  l'air  est  en  repos  ou  agité,  que 
le  corps  est  exposé  au  rayonnement 
ou  préservé  par  un  abri,  et  que  l'éva- 
poration  est  plus  ou  moins  facile.  Tous 
les  voyageurs  qui  ont  visité  les  régions 
polaires  ont  eu  l'occasion  de  remar- 
quer que  l'Homme  supporte  bien  plus 
facilement  un  froid  très  intense,  quand 
l'atmosphère  est  calme,  qu'un  froid 
modéré,  quand  le  vent  est  fort  :  cela 
dépend  principalement  de  ce  que  dans 
le  premier  cas  la  couche  d'air  en  con- 
tact avec  la  peau,  et  réchauffée  à  ses 
dépens,  ne  se  renouvelle  que  lente- 
ment, tandis  que  dans  le  second  cas 
elle  est  aussitôt  entraînée  au  loin  et 
remplacée  par  une  nouvelle  quantité 
d'air  froid.  Comme  exemple  de  faits 
de  ce  genre ,  je  rappellerai  les  obser- 
vations faites  pendant  le  voyage  du 
capitaine  Parry  dans  les  régions  cir- 
compolaires.    A.    Fischer,    l'un  des 


compagnons  de  ce  navigateur,  rap- 
porte que  par  une  température  de 
plus  de  Z|0  degrés  au-dessous  de  zéro 
et  un  temps  très  calme,  on  ne  souffrit 
pas  plus  du  froid  que  lorsque  durant 
la  bise  le  Uiermomètre  était  à  —  17°  ; 
il  évalue  même  la  sensation  du  froid 
produite  par  le  vent  à  un  abaisseiuent 
de  19  degrés  dans  la  température  de 
l'air  (a). 

Au  sujet  de  l'influence  du  rayon- 
nement sur  le  refroidissement,  je  ren- 
verrai aux  observations  de  M.  Charles 
Martins  (6).  Le  froid  que  l'on  éprouve 
sui"  les  hautes  montagnes,  ou  dans  les 
ascensions  aérostatiques,  est  dû  en 
partie  à  la  basse  température  et  aux 
mouvements  de  l'air,  ainsi  qu'au  rayon- 
nement, mais  en  partie  aussi  à  l' éva- 
pora tion,  qui  est  d'autant  plus  rapide 
que  la  pression  atmosphérique  devient 
moindre. 


(a)  Voyez  Gavarrct,  Op.  cit  ,  p.  505. 

(fc)  M.irlins,  Du  froid  thermomé trique  et  de  ses  relations  avec  le  froid  physiologique  dans  les 
plaines  et  sur  les  montagnes  (Mém.  de  l'Acad.  de  Montpellier,  1859,  t.  IV). 


'  PRODUCTION    DE    CHALEUR.  35 

monlre  que  la  température  du  sang  est  un  peu  plus  élevée  clans 
le  ventricule  droit  du  cœur,  où  ce  liquide  séjourne  pendant 
quelques  instants  avant  d'aller  au  poumon,  que  dans  le  ventri- 
cule gauche,  où  il  arrive  après  avoir  traversé  l'appareil  respi- 
ratoire. Les  recherches  de  M.  Malgaigne  et  de  M.  Cl.  Bernard 
ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard  (1),  et  par  conséquent 

(1)  En  1832,  M.  Malgaigne,  guidé  PAnimal,  et  ils  trouvèrent  le  sang 
par  Gollard  de  Martigny,  constata  ce  plus  chaud  dans  la  première  de  ces 
fait  en  introduisant  des  thermomètres  cavités  que  dans  la  seconde.  Plus  ré- 
jusque  dans  les  deux  ventricules  du  cemment,  M.  Cl.  Bernard  a  fait  de 
cœur  par  l'intermédiaire  des  gros  vais-  nouvelles  recherches  sur  ce  sujet  (c), 
seaux  sanguins  du  cou  (a).  Peu  de  et  ses  observations  concordent  avec 
temps  après,  Berger  trouva  chez  le  les  précédentes,  ainsi qu'aveclesrésul- 
Mouton  [ii°,li  dans  les  cavités  droites  tats  obtenus  par  M.  Ilering  chez  un 
du  cœur,  et  seulement  Z(0°,9  dans  les  veau  affecté  d'ectopie  du  cœur  (d) ,  et 
cavités  gauches  ;  mais  il  ne  fit  pas  con-  par  M.  G.  Liebig,  INI.  Fick  et  quelques 
naître  la  manière  dont  il  avait  opéré,  autres  physiologistes  (e). 
de  sorte  qu'on  ne  pouvait  juger  de  la  Des  recherches  faites  précédera- 
valeur  de  ses  observations  (6).  En  ment  sur  le  même  sujet  par  Saissy, 
ISlili,  Magendie  et  M.  Cl.  Bernard  m.  J.  Davy,  etc.,  avaient  conduit  à 
firent  des  expériences  analogues  sur  des  résultats  inverses,  mais  cela  dé- 
des  Chevaux  vivants.  Ils  introduisirent  pendait  du  procédé  opératoire  employé 
le  même  thermomètre  alternativement  par  ces  physiologistes  {f).  En  effet,  ils 
dans  le  ventricule  droit  et  dans  le  ven-  firent  leurs  observations  thermomé- 
tricule  gauche  sans  ouvrir  le  thorax  de  triques  sur  des  Animaux  récemment 


(a)  Voyez  CoUard  de  Martigny,  De  l'influence  de  la  émulation  générale  et  pidmonaii'e  sur  la 
chaleur  du  sang,  et  de  celle  de  ce  fluide  sur  la  chaleur  animale  (Journal  complémentaire  du 
Dictionnaire  des  sciences  médicales,  t.  XLIII,  p.  386  et  suiv.). 

(6)  Berger,  Faits  relatifs  à  la  construclion  d'une  échelle  des  degrés  de  la  chaleur  animais 
(Mém.  de  la  Société  de  physique  et  d'histoire  naturelle  de  Genève,  1833,  t.  VI,  p.  353  et  suiv,). 

(c)  Cl.  liernnrd,  Recherches  expérimentales  sur  la  chaleur  animale  {Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  i856,  t.  XLIlï,  p.  565).  — Leçons  sur  les  propriétés  physiologiques,  etc.,  des 
liquides  de  l'organisme,  1859,  t.  1,  p.  57  et  suiv. 

(d)  Hcring,  Versuche  die  Druckhraft  des  Herzens  %u  bestiimnen  {Archiv  fur  physiologische 
Heillmnde,  1850,  t.  IX,  p.  18). 

■     (e)  G.  Liebig,  Ueber  d.  Temperaturunterschiede  des  venosen  und  arteriellen  Blutes,   (inaiig. 
Abhaiidl.).  Giessen,  1853. 

—  Fick,  Beitrâge  %ur  Temperaturtopographie  des  Organismus  (MïxWcï's  Archiv  fur  Anat.  und 
Phtjsiol.,  1853,  p.  408). 

—  Wurlilzer,  De  lemperalwa  sanguinis  nrleriosi  et  venosi,  adjectis  quibusdam  experimentis 
(disserl.  inaug.).  Greifswold,  1858. 

{f}  Saissy,  Recherches  expérimentales  stir  la  physique  des  Animaux  mammifères  ibernants, 
p.  69. 

—  John  Davy,  Experiments  on  Animal  Heat  {Philos.  Trnas.,  1814).  —  Researches  Anat. 
and  Physiol.,  1. 1,  p.  149. 

—  Nasse,  Thierische  Wdrme  (Wagner's  Ilandivorterbuch  der  Physiologie,  t.  IV,  p.  47). 


o6  NUTRITION. 

Boerliaave  ne  se  trompait  pas  lorsque,  à  l'exemple  des  anciens, 
il  allribuait  une  action  rafraîchissante  au  renouvellement  de 
l'air  dans  l'intérieur  des  poumons,  bien  qu'il  ail;  mal  apprécié 
le  degré  d'importance  de  ce  phénomène  physique  et  qu'il  ait 
méconnu  le  résultat  final  du  travail  respiratoire  (1). 

Tempéraiuro  §  5,  —  La  clialcur  aniuialc,  avons-nous  dit,  se  développe 
diverses  parties  partout  daus  l'organisme,  puisque  partout  il  y  a  production 

rorganisme.  d'acldc  carboniquc;  mais  il  est  évident  que  les  réactions  chi- 
miques  dont  ce  phénomène  dépend  ne  s'effectuent  pas  avec  la 
même  intensité  dans  tous  les  tissus  ni  dans  tous  les  organes,  et 
que  par  conséquent  il  doit  y  avoir  aussi  des  différences  dans  la 
faculté  calorigène  des  diverses  parties  du  corps.  Effectivement, 
cela  ressort  des  observations  thermométriques  faites  compara- 
tivement dans  différentes  régions  chez  le  même  individu  (2); 


morts  et  dont  ils  mettaient  le  cœur  à 
nu.  M.  J.  Davy  trouva  ainsi  le  sang  à 
la  température  de  /il°,22  dans  le  ven- 
tricule gauche,  et  à  Z|0°,53  seulement 
dans  le  ventricule  droit.  Cela  résultait 
de  la  rapidité  plus  grande  avec  laquelle 
le  liquide  se  refroidit  dans  les  deux 
cavités  du  cœur,  dont  les  parois  n'ont 
pas  la  même  épaisseur.  M.  Georges 
Liebig  a  constaté  ce  fait  en  plaçant  un 
cœur  dans  un  bain  d'eau  légèrement 
chaufTée,  de  façon  à  avoir  équilibre  de 
température  dans  toutes  les  parties 
de  l'organe ,  puis  en  l'exposant  à 
l'air  froid  et  en  mesurant  comparative- 
ment la  marche  de  l'abaissement  de  la 
température  du  liquide  contenu  dans 
les  deux  ventricules.  Au  commence- 
ment de  cette  seconde  période  de  l'ex- 
périence, les  deux  thermomètres  pla- 


cés, l'un  dans  la  cavité  droite,  l'autre 
dans  la  cavité  gauche  du  cœur,  mar- 
quaient le  même  degré,  mais  celui 
du  ventricule  droit  descendit  plus 
rapidement  que  l'autre  («).  Dans  les 
expériences  de  M.  Cl.  Bernard,  faites 
sur  des  Chiens  et  des  Moutons,  la 
ditrérence  dans  la  température  du 
sang  avant  et  après  le  passage  de 
ce  liquide  dans  le  poumon  était  eu 
général  d'environ  j  de  degré  centi- 
grade (6). 

(1)  Voyez  tome  I,  page  376. 

(2)  G.  Martine,  médecin  écossais 
qui,  vers  le  milieu  du  siècle  dernier, 
fit  quelques  bonnes  observations  sur 
la  température  du  corps  humain,  éva- 
lua à  1  degré  centigrade  la  différence 
qui  existe  entre  la  chaleur  de  la  peau 
et  celle  des   viscères   (c).  Ilunter  fit 


(a)  G.  Liebig,  op.  cU.,  1853. 

{bj  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  les  liquides  de  l'organisme,  t.  I,  p.  110  el  IIG. 
(c)  Martine,  Essais  sur  la  constriiclion  et  comparaison  des  thermomètres,  etc.,  Irad.  de  l'an- 
glais, 1751,  p.  174. 


PRODUCTION    UK    CII^LEIJH.  37 

mais  le  contact  mutuel  de  tous  les  organes  et  la  rapidité  des 
courants  sanguins  qui  les  traversent  sans  cesse  tendent  à  faire 
disparaître  les  inégalités  qui  peuvent  exister  sous  ce  rapport,  et 


plusieurs  expériences  pour  apprécier 
l'influence  que  les  causes  extérieures 
de  refroidissement  peuvent  exercer 
sur  la  température  des  parties  qui  y 
sont  le  plus  exposées.  Ainsi  il  porta 
successivement  la  boule  d'un  petit 
thermomètre  à  diverses  profondeurs 
dans  le  canal  de  l'urèthre,  et  trouva 
33", 3  centigrades  à  nn  pouce  de  l'extré- 
mité de  la  verge,  33%9  à  deux  pouces  de 
rorifice  urinaire,  3Zi°,5  à  trois  pouces, 
et  36°,!  lorsque  le  réservoir  était 
arrivé  dans  le  bulbe  de  l'urèthre. 
En  plongeant  la  verge  dans  de  l'eau 
à  10  degrés  où  était  placé  le  même 
organe  provenant  d'un  cadavre  et 
préalablement  chaufTé  à  33", 3,  il  vit 
que  dans  l'espace  de  temps  nécessaire 
pour  refroidir  ce  dernier  corps  à 
10  degrés,  la  température  de  l'organe 
vivant  était  descendue  à  lli°,5  (a). 

Dans  une  série  d'observations  sur 
la  distribution  de  la  chaleur  animale 
dans  les  différentes  parties  du  corps, 
faites  par  M.  J.  Davy  sur  des  Mou- 
lons qu'on  venait  de  tuer,  le  thermo- 
mèti'e  fut  introduit  sous  la  peau  ou 
dans  la  profondeur  des  organes,  et 
donna  les  indications  suivantes  : 

Au  tarse 32,22 

Au  mélatarse 36, H 

A  l'articulation  du  genou  .  .  38,80 

Vers  le  haut  de  la  cuisse  .   .  39,44 

A  la  hanche 40,00 

Dans  le  cerveau 40,00 


Dans  le  rectum 40,50 

Vers  la  base  du  foie 41,11 

Dans  la  substance  de  cet   or- 
gane   41,û9 

Dans  le  ventricule  gouclic  .   .  41,07 

11  est  probable  que  la  graduation 
du  thermomètre  n'était  pas  exacte  ; 
mais  les  résultats  obtenus  n'en  furent 
pas  moins  comparatifs.  En  faisant  des 
observations  analogues  sur  le  corps 
de  l'Homme,  les  indications  thermo- 
métriques ne  pouvaient  être  aussi 
exactes;  car  M.  J.  Davy  ne  pouvait 
appliquer  qu'incomplètement  le  réser- 
voir de  l'instrument  sur  les  parties 
dont  il  voulait  apprécier  la  tempéra- 
ture. Voici,  du  reste,  quelques-uns 
des  résultats  qu'il  obtint  de  la  sorte  : 

Sous  la  plante  du  pied.  .  .  .  32,22 

Au  mollet "    ...  33,89 

Au  milieu  de  la  cuisse.   .  .  .  34,44 

Près  du  nombril 35,00 

A  l'aisselle,  où  le  thermomètre  pou- 
vait être  complètement  entouré  par 
les  parties  vivantes,  le  mercure  s'éleva 
à  36°,67  (6). 

W.  Edwards  et  Gentil  trouvèrent 
chez  un  homme  en  bonne  santé  et  au 
repos  : 

Dans  la  bouche  et  dans  l'anus.     38,75 

A  la  main 37,50 

Au  pieJ. 35,02 

Ils  virent  aussi  que  dans  l'aisselle  et 


[a]  Hunter,  Expériences  et  observations  stir  la  faculté  dont  jouissent  les  Animaut  de  produira 
de  la  chaleur  [Œuvres,  t.  IV,  p.  212). 

(6)  J.  Davy,  An  Accoimt  of  some Experiments  on  Animal  Heat  (Philos.  Trans.,  1814,  t.  CIV, 
p.  590). 


as  NUTRITION. 

la  principale  cause  des  clifterences  que  l'ou  observe  dans  la 
température  des  diverses  parties  de  l'organisme,  est  la  faci- 
lite plus  ou  moins  grande  avec  laquelle  ces  parties  perdent  la 
chaleur  qui  leur  est  propre.  Or,  il  existe  à  cet  égard  des  diffé- 
rences très  considérables,  et  il  est  évident  que  lors  même  que 
chaque  molécule  de  matière  vivante  développerait  en  un  temps 
donné  une  même  quantité  de  chaleur,  la  température  f)roduite 
de  la  sorte  différerait  beaucoup  près  de  la  surface  de  refroi- 
dissement et  dans  la  profondeur  de  l'organisme.  Les  parties 
superficielles  du  corps  doivent  donc  être  moins  chaudes  que 
les  parties  internes,  et,  toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs, 
la  différence  doit  être  d'autant  plus  considérable  que  cette 
surface  est  plus  étendue  relativement  à  la  quantité  de  matière 
vivante  qu'elle  limite.  Il  en  résulte  que  la  ibrme  des  diverses 
parties  du  corps  doit  influer  sur  leur  température  propre, 
et  que  cette  teuipérature  doit  être  non-seulement  plus  élevée 
dans  les  parties  intérieures  que  près  de  la  peau,  mais  aussi  plus 


dans  l'aine  le]  thermomètre  ^s'élevait  sur  un  Lapin  par  i\I.  Collard  de  Mar- 

moins  que  dans  la  main,  mais  il  est  tigny  : 
probable  que  cette  anomalie  dépendait 

de  quelque  imperfection  danslle  mode  Températuie  de  l'almosphère.  14°,5  Réaum. 

d'expérimentation  (a).  du  larse 17,5 

Récemment  M.  Braune  a  profité  d'un        Du  janct 21(5) 

cas  d'anus  contre  nature  pour  prendre        Du  pli  de  la  jambe 26,5 

la  température  de  l'intérieur  de  Vin-  Du  cou,  près  du  ihorax  .  .  .  27,0 

testin,  et  il  a  trouvé  37%5  ou  environ  ^'^  l'abdomen,  sous  la  peau  .  26,5 

11,,,           .          .       !•               1  De  rintéi'ieur  de  l'abdomen  .  25,5 

~  de  degré  de  monis ,  tandis  que  la 
température  de  l'aisselle  varie  de  35",  7 


Au  -  dessous  du  diaphragme  , 

près  de  l'estomac 30,5 

à  37  degrés  (6).  p^,  (,,^^,3^^^  p^-^  ^^  ^^^,i.  _   _    ^o,^  (r) 

Je  citerai  également^ù  ce  sujet  les 
observations    tliermomélriques    faites  Dans  les  expériences  thermomélri- 


(a)  W.  Edwards,  Animal  Heat  (Todd's  Cijclopœdia  of  Anat.  and  PhysioL,  t.  H,  p   G60). 

(b)  Braune,  Ein  Fall  von  Anus  prœnaturalis  [Arcliiv  fur  path.  Anat.  und  PlujsioL,  1860, 
t.  XIX,  p.  470). 

(c)  Collard  de  Martigny,  Op.  cit.  {Journal  complémeiUaire  du  Dictionnaire  des  sciences  médi- 
cales, t.  XLIII,  p.  269). 


PRODUCTION    DE    CHALEtR.  39 

élevée  dans  le  tronc  que  dans  les  membres,  et  les  divisions  ter- 
minales de  ces  appendices  doivent  être  moins  eliaudes  que  leur 
portion  basilaire.  L'observation  journalière  suffirait  pour  mon- 
trer la  justesse  de  ces  conclusions  ;  mais,  pour  nous  donner  la 
mesure  des  différences  qui  existent  à  cet  égard  enlre  les 
diverses  parties  du  corps  d'un  même  individu  ,  il  faut  avoir 
recours  aux  indications  thermométriques,  et,  pour  prendre  la 
température  dans  l'inlérieur  de  l'organisme,  on  ne  peut  pas 
toujours  se  servir  de  thermomètres  ordinaires  ;  souvent  il  faut 
avoir  recours  aux  aiguilles  thermo-électriques  que  l'on  peut 
enfoncer  sans  inconvénient  dans  les  parties  vivantes,  et  qui 
permettent  d'évaluer  des  différences  très  faibles.  M.  Becquerel 
et  Breschet  ont  fait  de  la  sorte  une  série  de  recherches  inté- 
ressantes, et  ils  ont  vu  qu'il  pouvait  y  avoir  des  différences 
de  plus  de  2  degrés  centigrades  entre  la  température  des 
différentes  parties  profondes  de  l'organisme  d'un  même  indi- 
vidu (1).  Pour  les  parties  superficielles,  l'abaissement  de 
la  température  peut  être  beaucoup  plus  considérable,  et  varie 
davantage  suivant  les  conditions  dans  lesquelles  l'individu  est 
placé  (2). 

ques  faites  sur  des  Chiens,  M.  L.  Finie  sous-cutané  adjacent.  Ainsi,  dans  un 

trouva  la  température  du  rectum  un  cas,  la  diiïérence  était  de  l",8o,  et 

peu  plus  élevée  que  celle  du  cœur  et  dans  une  autre  expérience  de  2°, 25  (6). 

du  cerveau  («).  Dans  une  autre  expérience ,  l'aiguille 

(1)  Les  observations  faites  à  l'aide  introduite  sous  l'aponévrose  plantaire 

d'aiguilles  tliermométriques  par  Bres-  y  indiquait  32  degrés,  tandis  que,  pla- 

chet  et  M.   Becquerel  ne  furent  pas  cée  dans  le  muscle  biceps  brachial , 

très  variées  ;  mais  elles  montrent  que  elle  marquait  37 ",5  (c). 
dans  la  substance  des  muscles  du  bras  (2)  C'est  aux  différences  de  tempé- 

la  température  est  notablement  plus  rature  existant  entre  le  tronc  et  les  mem- 

élevée  que    dans  le   tissu  cellulaire  bres,  et  au  refroidissement  éprouvé 


(a)  Lud.  Finki  BeilrAge  zur  Tempemturtojmjraphie  des  Organismus  (Miiller's  Archiv  fur 
Anatomie  und  Phiisiologie,  1853,  p.  H2). 

(6)  Becquerel  et  Breschet,  Premier  Mémoire  sur  la  chaleur  animale  {Ann.  des  sciences  nat., 
2=  série,  1835,  t.  III,  p.  269). 

(c)  Becquerel  et  Breschei,  Deuxième  Mémoire  sur  Lu  chaleur  animale  {Ann.  des  sciences  nat  , 
2"  série,  1835,  t.  IV,  p.  245). 


liO  NUTRITION. 

Influence         Dcs  coiisiclérations  du  même  ordre  nous  conduisent  ii  recon- 

du  volume  ^  -,  ,  ,  ^  .,,..,, 

du  corps     naître  que  le  volume  du  corps  des  êtres  anunes  doit  inlluer 

sur  .   ,  1  ,  '       ,  •  1 

sa  icmpéraiure.  aussi  Dcoucoup  sur  leuF  tcmperaturc  propre,  et  que  si  la  quan- 
tité de  chaleur  qu'ils  développent  était  la  même  pour  un  même 
poids  de  matière  calorigène,  c'est-à-dire  de  substance  vivante, 
celui  dont  la  masse  serait  faible  ne  saurait  résister  aux  causes 
de  refroidissement  dont  tous  sont  entourés,  comme  le  ferait 
celui  dont  le  volume  serait  considérable.  Pour  conserver  la 
même  température  quand  le  milieu  ambiant  est  froid,  les  petits 
Animaux  ont  donc  besoin  de  produire  beaucoup  plus  de  chaleur 
que  ceux  dont  le  corps  est  gros.  Ainsi,  une  Mouche,  par  exemple, 
pour  conserver  en  hiver  la  température  intérieure  dont  elle 
jouit  en  été,  aurait  besoin  de  produire  une  quantité  de  chaleur 
énorme  comparée  à  celle  au  moyen  de  laquelle  le  moindre  Mam- 
mifère peut  maintenir  son  corps  à  une  température  de  36  à 
38  degrés  ;  et,  comparativement,  pour  avoir  la  même  tempéra- 
ture intérieure,  une  Souris  et  un  Lapin  ont  besoin  de  brûler  beau- 
coup plus  de  combustible  organique  qu'un  Cheval  ou  un  Bœuf. 
Or,  en  étudiant  les  phénomènes  de  la  respiration  chez  ces 


par  le  sang  en  traversant  les  extré-  Tarière  carotide  (o).  Dans  les  expé- 
mités,  qu'il  faut  attribuer  les  diffé-  riences  faites  par  Breschet  et  M.  Bec- 
rences  constatées  par  divers  observa-  querel  sur  des  Chiens  ,  le  sang  de 
teurs  entre  la  température  du  sang  l'artère  crurale  était  dans  un  cas  de 
artériel  et  celle  du  sang  veineux  dans  0°,S  et  dans  un  autre  cas  de  1",1  plus 
ces  parties.  En  effet,  le  sang  qui  revient  chaud  que  le  sang  de  la  veine  corres- 
des  membres  et  de  la  tête  vers  le  cœur  pondante.  Ces  savants  trouvèrent  aussi 
est  moins  chaud  que  celui  qui  s'y  le  sang  un  peu  plus  chaud  dans  la 
rend  après  avoir  circulé  dans  les  vais-  veine  jugulaire  que  dans  la  veine  cru- 
seaux  du  tronc.  Ainsi,  M.  J.  Davy  a  raie  (6).  Des  observations  analogues 
trouvé  ZiO°  ,Sh  pour  le  sang  de  la  veine  ont  été  faites  récemment  par  M.  Wur- 
jugulaire,  et  /il", 67  pour  le  sang  de  litzer  (c). 

(a)  J.  Davy,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  \8H,  p.  596). 

(b)  Becquerel  cl  Breschet,  Recherches  cxi)érimentales  phjjsico-chimiqties  sw  la  tempéralure 
des  tissus  et  des  liquides  animaux  (.inn.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1837,  t.  VII,  p.  99  et 
Euiv.). 

(c)  Wnrlilzer,  Ec  Umpcralhra  saiigiiinis  arleriosi  cl  vcnosi,  adjeclis  quibvsdam  expcrimenlis 
(ilifscrt.  inauij.).  Crcifswald,  1858. 


l'ISOUUCllOrs    l)K    CHALLIJK.  ki 

dit'terenls  éfrcs,  nous  avons  vu  (nrdTcclivenicnt  les  [lelils 
Animaux  à  sang  chaud  consomment  en  un  temps  donné  une 
quantité  d'oxygène  qui,  proportionnément  au  poids  de  leur 
oor|)s,  est  beaucoup  plus  grande  que  celle  employée  de  la 
même  manière  par  les  gros  Mammifères  (1). 

§  6.  —  L'évaporation  de  l'eau  qui  a  lieu  sans  cesse  à  la  Effets 
surface  de  la  peau  et  dans  les  voies  respiratoires  de  l'Homme  icvaporaiion. 
et  des  autres  Animaux  qui  vivent  dans  l'atmosphère,  est  la 
princi[)ale  cause  de  refroidissement  qui  contre-balance  les 
effets  Ihermométriques  du  développement  de  la  chaleur  propre 
de  ces  êtres  résultant  de  la  combustion  vitale  dont  ils  sont 
le  siège  ;  et  c'est  aussi  en  raison  de  cette  circonstance  qu'ils 
peuvent  rester  pendant  un  certain  temps  dans  de  l'air  dont 
la  température  est  plus  élevée  que  celle  de  leur  corps,  sans 
que  leur  chaleur  intérieure  augmente  notablement.  En  effet, 
à  mesure  que  la  température  de  l'air  s'élève,  la  tension  de 
la  vapeur  y  augmente  rapidement,  et  par  conséquent  l'éva- 
poration s'active  ;  dans  de  l'air  très  chaud  qui  n'est  pas 
saturé  d'humidité ,  la  transpiration  insensible ,  c'est-à-dire 
l'évaporation  de  l'eau,  est  donc  plus  abondante  que  dans  l'air 
froid,  et  par  cela  même  elle  enlève  à  l'organisme  plus  de 
chaleur  (2). 

Il  y  a  là  encore  une  de  ces  harmonies  régulatrices  qui  sont 

(1)  Voyez  tome  II,  page  515.  évaporation,   pendant  un  séjour  de 

(2)  D'après  les  lois  qui  régissent  la      treize  minutes  dans  une  étuve  : 

transformation  des  liquides  en  vapeur,  50  gram,  à  la  température  de  40  ù  42  degrés. 

on  pouvait  prévoir  que  les  choses  de-  215  —  de  59  à  61 

valent  se  passer  ainsi  dans  réconomie  "^^  ""  de7lai2 

animale,  et  les  expériences  de  Delà-  En  deux  minutes  il  perdit  220  gram- 

roche  et  Berger  prouvent  que  la  théo-  mes,  quand  la  température  de  l'air  am- 

rie  est  en  accord  avec  les  faits.  Ainsi,  biant  était  entre  86  et  87  degrés  (a). 
l'un  de  ces  physiologistes  perdit  par  L'évaporation   est    beaucoup    plus 

{a)  Dolaroclie,  Expériences  sur  les  effets  qu'une  forle  chaleur  pro.hiit  dans  Véconomie  ani- 
male, 1800,  p.  48. 

VIU.  1^ 


Action 
de  la  chaleur 

sur 
les  Animaux, 


ll2  NUTRITION. 

si  remarquables  dans  les  œuvres  de  la  création,  et  qui  sont  pour 
tous  les  esprits  droits  un  objet  d'admiration. 

Effectivement,  soit  en  raison  de  la  coagulabilité  des  matières 
albuminoïdes  qui  jouent  un  rôle  si  important  dans  la  constitu- 
tion des  tissus  et  des  liquides  de  l'organisme,  soit  à  cause  de 
plusieurs  autres  circonstances  dont  l'examen  nous  entraînerait 
trop  loin  du  sujet  principal  de  cette  Leçon,  les  Animaux  ne 
peuvent  continuer  à  vivre  si  la  température  de  leur  corps 
s'élève  au-dessus  d'une  certaine  limite,  qui  en  général  ne 
dépasse  que  de  très  peu  le  degré  de  chaleur  auquel  l'organisme 
se  maintient  naturellement  chez  l'Homme  et  les  autres  Ver- 
tébrés supérieurs  (1).  Aussi  les  eaux  très  chaudes  ne  sont-elles 
habitées  par  aucun  Animal  ('2),  et  l'élévation  de  la  température 


grande  dans  l'air  sec  que  dans  l'air 
humide  (a)  ;  mais  quand  ce  fluide  est 
cliargé  de  vapeur  d'eau,  son  action 
sur  la  peau  provoque  plus  facilement 
la  sueur,  ce  qui  peut  déterminer  des 
pertes  de  poids  plus  considérables  (6). 

(1)  J'aurai  à  revenir  sur  ce  sujet 
en  traitant  de  la  contraction  muscu- 
laire et  des  fonctions  du  système  ner- 
veux. 

(2)  Quelques  voyageurs  parlent  de 
Poissons  ou  autres  Animaux  qui  liabi- 
teraientdans  des  eaux  thermales  dont 
la  température  serait  beaucoup  plus 
élevée  que  celle  du  corps  des  Animaux 
ordinaires  ;  mais  leurs  observations  ne 
paraissent  pas  mériter  confiance.  Ainsi 
Sonnerai  dit  avoir  vu,  près  de  Ma- 


nille, des  Poissons  dans  une  source 
thermale  dont  la  chalenr  aurait  été 
entre  60  et  86  degrés  (c)  ;  mais  on 
sait  aujourd'hui,  par  les  observations 
plus  précises  de  Marion  de  Procé,  que 
dans  les  eaux  en  question  le  thermo- 
mètre ne  marque  pas  plus  de  36  de- 
grés là  où  l'on  voit  des  Animaux 
vivants  {d).  Dans  un  bassin  de  la 
fontaine  de  Hammain-Meskoulin ,  en 
Algérie,  où  l'on  voit  nager  des  Bar- 
beaux, la  température  de  l'eau  est  à 
56  degrés  près  de  la  surface  ;  mais 
vers  la  partie  inférieure ,  dans  les 
couches  dont  ces  Animaux  ne  sortent 
pas,  la  température  n'est  que  d'en- 
viron AO  degrés  (e).  J'ajouterai  que 
M.   Prinsep  a  vu  des  Poissons  sup- 


(a)  W.  Edwards,  De  Viniluence  des  agents  ■physiques  sur  la  vie,  p.  217  et  385. 

(b)  Dularocho,  Op.  cit.,  p.  4'J. 

(t)  Sonnerai,  Voyage  à  la  Nouvelle- Guinée,  et  Voyage  au.v  Indes  orientales  et  à  la  Chine. 

{di  Marioii  de  E>rocé,  Excursion  au  village  de  Los  Bagnos,  près  de  Manille  [Joiirnal  de  physique, 
1822,  t.  XCIV,  p.  1(51). 

(e)  Tripier,  Observations  sur  les  sources  therma-les  de  Hamman-Berda  et  Hammam-Mes- 
koulin,  situées  entre  Bàne  et  Constaniine  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1839, 
t.  IX,  p.  G02). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  AS 

atmosphérique  qui,  dans  certaines  régions  du  globe,  résulte 
souvent  de  l'action  des  rayons  solaires,  serait  promptement 
mortelle  pour  tous  ces  êtres,  s'ils  ne  possédaient  en  eux  les 
moyens  nécessaires  pour  produire  du  froid  :  or,  cette  l'acuité, 
comme  je  viens  de  le  dire,  leur  est  donnée  par  la  transpiration 
dont  ils  sont  le  siège  (1).  Sous  ce  rapport,  leur  corps  ressemble  à 


porter  une  température  de  /|0  degrés 
dans  un  réservoir  à  Calcutta  (a),  et 
que  M.  Curaberland  estime  à  hh^A  la 
clîaleur  d'une  source  tliermale  dans 
le  Bengale,  où  des  Animaux:  de  la 
même  classe  vivent  habituellement  (6). 
Mais  il  est  probable  que  cette  dernière 
observation  thermométrique  n'était 
pas  exacte  ;  car  Spallanzani,  qui  a  fait 
beaucoup  d'expériences  sur  ce  sujet,  a 
vu  que  toujours  les  Grenouilles,  les  In- 
sectes et  les  a 'lires  Animaux  qu'il  plon- 
geait dans  de  l'eau  à  Zt2  ou  U'à  degrés 
y  périssaient  très  promptement  (c). 
William  Edwards  a  constaté  aussi  que 
ces  Animaux,  ainsi  que  les  Lézards, 
les  Tortues  et  les  Poissons,  meurent 
presque  instantanément  lorsqu'on  les 
plonge  complètement  dans  de  l'eau  à 
Zi2  degrés  {d).  Enfin,  tout  récemment, 
M.  Cl.  Bernard  (e)  et  M.  Klibne  ont  vu 
que  les  Mammifères  mouraient  tou- 
jours quand  la  température  de  leur 
sang  arrivait  à  environ  lio  degrés.  D'a- 
près ce  dernier,  la  limite  de  la  cha- 
leur intérieure,  compatible  avec  l'exis- 
tence des  Oiseaux,  ne  dépassait  pas 
/iS  degrés,  et  il  suffirait  de  oU  degrés 
pour  déterminer  chez  les  Grenouilles 


un  état  tétanique  du  système  muscu- 
laire qui  entraîne  la  mort  (/"). 

(1)  Chacun  sait  que  l'élévation  de 
température  déterminée  par  les  rayons 
solaires  suffit  parfois  pour  nous  don- 
ner la  mort  ;  et  jusqu'à  l'époque  où 
les  navigateurs  portugais,  en  poursui- 
vant leurs  découvertes  sur  la  côte 
occidentale  de  l'Afrique,  eurent  fran- 
chi la  hgne,  on  croyait  généralement 
qu'à  raison  de  cette  circonstance  la 
zone  torride  était  inhabitable  pour 
l'Homme.  Vers  le  milieu  du  xv"  siècle, 
on  reconnut  que  cela  n'était  pas; 
mais  les  médecins,  parfois  témoins 
d'accidents  mortels  produits  par  l'in- 
solation, continuaient  à  penser  que  les 
Animaux  ne  pouvaient  exister  dans 
une  atmosphère  dont  la  température 
serait  supérieure  à  celle  de  leur 
corps,  et  que  la  principale  utilité  de 
la  i-espiration  était  le  refroidissement 
dû  à  l'entrée  de  l'air  frais  dans  les 
poumons.  Quelques  expériences  faites 
sur  les  Animaux  par  Fahrenheit  et 
Provoost,  pour  vérifier  les  vues  de 
Boerhaave  à  ce  sujet,  vinrent  à  l'ap- 
pui de  celte  opinion,  car  ces  physiciens 
virent  un  Chien,  un  Chat  et  un  Moi- 


fa)  Prinscp,  voyez  Curnborland,  Sur  des  Poissons  trouvés  dans  une  eau  thermale  à  Poorce,  au 
Bengale  (Bibiwlhèque  universelle  de  Genève,  1839,  l.  XX,  p.  !i04). 

{b}  Cumberlanil,  Op.  cit.  [Dibliothèque  universelle  de  Genève,  1839,  t.  XX,  p.  204J. 
(f)  Spallanzani,  Opuscules  de  physique  animale,  t.  I,  p.  54  el  101 . 

(d)  W.  Edwards,  De  l'inllueiice  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  374. 

(e)  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  les  liquides  de  l'organisme,  1859,  1. 1,  p.  51. 
if)  liiilinc,  iVyologische  Untersuchungen,  1860,  p.  173  et  suiv 


Faculté 
de  résister 


lill  ISUTRITIOX. 

ces  vases  poreuN  appelés  alcarrazas,  dans  lesquels  on  t'ait  rafrai- 
à  une  certaine  clilr  dc  l'eaii  CH  Ics  cxposaiit  à  uii  veiit  chaud;  et  plus  l'air  qui 
de  iein7érat"ure.  Igs  entoure  leuF  ciilève  de  la  vapeur,  plus  ils  perdent  de  la  cha- 
leur, et  résistent  aux  causes  d'échauflement  auxquelles  ils  sont 
exposés.  C'est  de  la  sorte  que  l'Homme  peut  supporter  pendant 
quelque  temps  l'influence  d'une  atmosphère  dont  la  tempéra- 


iieaii  mourir  en  peu  dc  minutes  dans 
une  éluve  où  la  température  était  d'en- 
viron 63  degrés  centigrades  (o).  Mais 
diverses  o])scrvations  faites  par  Lining 
à  Cliarlestown ,  par  Adanson  au  Sé- 
négal, et  par  quelques  autres  auteurs, 
montrèrent  que  l'élévation  de  la  tem- 
pérature de  l'air  ambiant  au-dessus  de 
la  chaleur  du  corps  n'est  pas  nécessai- 
rement mortelle  pour  l'Homme  (6). 
Gmelin  fit  remarquer  aussi  que  dans 
les  bains  de  vapeur  employés  journel- 
lement en  l'.ussie,  la  température  s'éle- 
vait souvent  à  Zi3  et  même  à  /i7  degrés 
centigrades  ;  l'abbé  Chappe  y  constata 
une  température  encore  plus  élevée  (c), 
et,  dans  les  expériences  faites  en  175/i 
par  Deutze,  on  avait  vu  des  Chiens 
supporter  pendant  un  temps  assez 
long  une  température  extérieure  de 
Zi2  ou  Zi3  degrés,  bien  qu'ils  aient  péri 
quand  la  chaleur  fut  portée  au  delà  de 


Zi/i  degrés  {cl).  Mais  ce  furent  les  obser- 
vations de  Tillet  et  Duhamel  qui  con- 
tribuèrent le  plus  à  fixer  l'opinion  des 
physiologistes  à  ce  sujet.  En  1760,  ces 
deux  académiciens  virent  une  femme 
entrer  dans  un  four  de  boulanger,  où  la 
température  était  d'environ  132  degrés 
centigrades,  et  y  rester  douze  minutes 
sans  en  ètrefortement  incommodée  (e). 
Bientôt  après  (en  177/i),  Blagden, 
Banks,  Solander  et  Fordyce  firent  une 
série  d'expériences  sur  le  même  sujet  : 
un  de  ces  savants  supporta  pendant 
quinze  minutes  une  température  qui 
s'éleva  graduellementde/i8'^,3  à  5/i°,4  ; 
un  autre  put  rester  pendant  sept  mi- 
nutes dans  une  étuve  où  l'air  était 
à  99°, U;  enfin,  dans  une  circonstance 
particulière,  le  même  physicien  résista 
pendant  huit  minutes  à  une  tempéra- 
ture de  plus  de  127  degrés  (/").  Dob- 
son ,  de  Liverpool,  répéta  ces  expé- 


(a)  Boerhaavc,  Elementa  chemiœ,  1. 1,  p.  148. 

(b)  Lining,  Letter  concerning  the  tveather  in  South  Cavolina  {Philos.  Trans.,  1748,   p.  336). 
Adanson,  Histoire  naturelle  du  Sénégal,  1757,  p.  81 . 

—  FI.  Mai-lin,  Letter,  etc.  {Philos.  Trans.,  1767,  t.  LVII,  p.  218). 

Barlcer    Account  of  some  Thermometrical  Notes  made  at  Allahabad  in   the  East  IiuUcs 

(P/ù!os.  rra?is.,  177  5,  t.  LXV,  p.  202). 

Mongo  Park,  Premier  voyage  dans  l'intérieur  de  l'Afrique,  t.  I,  p.  218,  234  et  248.  — 

Deuxième  voyage,  p.  12,  etc. 

Ouselay,  Travels  in  varions  counlries  of  the  East,  1819. 

(c)  Gmelin,  Flora  siberica,  1747,  t.  1,  p.  Lxxxi. 

—  Chappe,  Voyage  en  Sibérie,  1768,  t.  I,  p.  51, 

(d)  Boerliaave,  Elementa  chemiœ,  t.  I,  p.  147  et  suiv. 

le)  Tillet,  Mémoire  sitr  les  degrés  extraordinaires  de  chaleur  auxquels  l'Homme  et  les  .Animaux 
sont  susceptibles  de  résister  {Mém.  dc  l'.Acad.  des  sciences,  1764,  p.  186); 

(f)  Blagden,  Experimeiits  and  Observations  in  an  heated  room  [Philos.  Trans.,  1775,  t.  LXV, 
p_  m). Ihirther  Experiments  and  Observ.  in  an  heated  room  [toc.  cit.,  p.  484). 


PRODUCTION    DR    CIIALKLT,.  /jS 

tiire  dépasse  de  beaucoup  celle  de  son  corps,  et  qu'on  a  vu 
des  personnes  pénétrer  impunément  dans  des  étuves  où  le 
thermomètre  marquait  plus  de  100  degrés  (1).  Dans  de  l'air 


riences,  et  arriva  à  des  rc^sultals  ana- 
logues :  ainsi  un  des  hommes  qu'il  fit 
entrer  dans  une  étuve  chaulFée  à 
106  degrés  put  y  rester  pendant  dix 
minutes,  et  une  autre  personne  y  resta 
pendant  vingt  minutes  exposée  ù  une 
température  de  98", 80  (a).  Enfin,  vers 
le  commencement  du  siècle  actuel, 
Berger  et  Delarochc  firent  une  longue 
série  d^'expériences  analogues,  dans 
lesquelles  ils  constatèrent  de  nouveau 
que  l'Homme  peut  vivre  pendant  un 
certain  temps  dans  de  l'air  chaufï'é  à 
plus  de  100  degrés  (6). 

(l)  Kn  1758,  G.  Ellis  fit  à  ce  sujet 
une  observation  importante.  En  se 
promenant  à  Tombre  d'un  parasol  par 
un  temps  très  chaud,  il  vit  le  thermo- 
mètre qu'il  tenait  à  la  main  monter  à 
105  degrés  Fahrenheit  (ou  /|0",5  centi- 
grades) sous  l'influence  de  l'air  am- 
biant, et  descendre  à  97  degrés  Fah- 
renheit (ou  36°,!  centigrades)  quand 
il  l'appliquait  contre  son  corps  (c).  En 
1773,  le  célèbre  physicien  Franklin 
constata  aussi,  un  jour  d'été,  que  la 
température  de  son  corps  se  mainte- 
nait au-dessous  de  celle  de  l'atmo- 
sphère, et  il  attribua  cette  circonstance 


à  l'évaporation  dont  la  surface  de  sa 
peau ,  couverte  de  sueur ,  était  le 
siège  (cl).  Changeux  s'appliqua  égale- 
ment à  établir  que  la  faculté  de  résis- 
ter à  l'influence  de  la  chaleur  exté- 
rieure, constatée  par  Blagden  et  par 
d'autres  observateurs,  dépendait  es- 
sentiellement des  efl'ets  de  l'évapora- 
tion (e)  ;  tandis  que  Crawford,  après 
avoir  adopté  d'abord  une  opinion  ana- 
logue if),  crut  pouvoir  se  rendre 
mieux  compte  des  phénomènes  en  les 
attribuant  en  partie  à  une  diminution 
dans  la  quantité  de  phlogislique  dont 
le  sang  se  chargerait  quand  la  chaleur 
extérieure  s'élève  (g),  hypothèse  qui 
trouva  crédit  chez  quelques  physiolo- 
gistes de  l'époque,  mais  qui  fut  bientôt 
abandonnée.  Blagden  et  ses  collabora- 
teurs constatèrent  mieux  que  ne  l'a- 
vaient fait  leurs  devanciers,  que  la  tem- 
pérature du  corps  humain  reste  à  peu 
près  constante,  malgré  l'élévation  de 
celle  de  l'air  ambiant,  et  ils  recon- 
nurent qu'on  résiste  plus  aisément  à  la 
chaleur  extérieure  dans  de  l'air  secque 
dans  de  l'air  humide  ;  mais  tout  en 
admettant  que  l'évapoi'alion  dont  l'or- 
ganisme est  le  siège  pouvait  contri- 


(a)  DoLson,  Experiments  in  an  heated  room  (Philos.  Trans.,  1775,  t.  LXV,  p.  4G3). 

(b)  Delai'oche  (de  Genève),  Expériences  sur  les  effets  qu'une  forte  chaleur  produit  dans  l'éco- 
nomie animale,  Ihcse.  Pîris,  1806,  n°  H. 

(c)  G.  Ellis,  An  Account  of  Ihe  Ileat  ofthe  weather  in  GeorQia  [Philos.    Trans.,  1758,  t.  L, 
p,  755). 

((()  Franklin,  Lettre  sur  le  rafraîchissement  produit  var  l'évaporation  {Joxtrnal  de  phijsique, 
1773,  t.  Il,  p.  453).  —  Œuvres,  trad.  par  Duboiirjr,  1773,  t.  II,  p.  191  et  suiv. 

(e)  Changeux,  Doutes  sur  la  puissance  attribuée  au  corps  animal  de  résister  à  des  degrés  de 
chaleur  sxipérieurs  à  sa  température  {Journal  de  physique,  1776,  t.  VII,  p.  57). 

(f)  Crawford,  Expériences  sur  le  pouvoir  qu'ont  les  Animaux,  dans  certains  cas,  de  produire 
du  froid  (Journal  de  physigue,  178'2,  t.  XX,  p.  451). 

la)  Idem,  Experiments  and  Observations  on  animal  Heat,  seconde  édition, 1788,  p.  ISC  et 
suiv. 


46  NUTRITION. 

saturé  d'humidité  ou  dans  de  l'eau,  il  n'en  serait  pas  de  même, 
et  l'équilibre  de  température  s'établirait  entre  le  corps  vivant 
etlemilieu  ambiant  avec  d'autant  plus  de  rapidité,  (]ue  le  pre- 
mier offrirait  pins  de  surface  comparativement  à  sa  masse.  Les 
petits  Animaux,  par  conséquent,  doivent  s'échauffer  alors  plus 
vite  que  ceux  dont  le  corps  est  volumineux,  et,  toutes  choses 
étant  égales  d'ailleurs,  ils  périssent  plus  tôt  (1). 


buer  à  la  conservation  de  la  fraîcheur 
du  corps,  ils  continuèrent  à  attribuer 
principalement  à  la  force  vitale  la 
faculté  en  question.  Enfin  la  théorie 
de  ce  phénomène  physique  fut  bien 
établie  par  les  expériences  nombreuses 
de  Delaroche  et  Berger,  dont  j'ai  déjà 
eu  l'occasion  de  parler  {a). 

(1)  Ainsi,  dans  les  anciennes  expé- 
riences de  Fahrenheit  et  Provoost,  un 
Moineau  mourut  au  bout  de  sept  mi- 
nutes dans  une  étuve  où  un  Chien  et 
un  Chat  purent  vivre  pendant  vingt- 
huit  minutes.  Mais  ce  sont  surtout 
les  recherches  de  Berger  et  Delaroche 
qui  firent  bien  voir  les  rapports  qui 
existent  entre  le  volume  du  corps  et 
la  faculté  de  résister  à  l'action  échauf- 
fante de  l'air  extérieur. 

Ainsi,  dans  une  étuve  où  la  tempé- 
rature s'éleva  de  57°, 5  à  63», 7  centi- 
grades, une  Souris  mourut  au  bout 
de  trente-deux  minutes. 

Dans  l'étuve  chauffée  entre  62  et 
80  degrés,  un  Cochon  d'Inde  vécut 
une  heure  vingt-cinq  minutes. 

Un  Anon  resta  pendant  deux  heures 
cinquante  minutes  dans  une  atmosphère 
d'où  la  température  s'éleva  progressi- 
vement de  60  degrés  à  environ  75  de- 


grés, et  quoique  fort  affaibli  à  la  fin 
de  l'expérience,  il  n'en  mourut  pas. 

Des  différences  analogues  furent 
constatées  par  ces  physiologistes  entre 
des  Oiseaux  de  petite  et  de  moyenne 
taille  (6). 

Beaucoup  d'autres  circonstances  in- 
fluent également  sur  la  faculté  de  ré- 
sister à  l'élévation  de  la  température  : 
par  exemple,  la  nature  des  téguments. 
Ainsi,  quand  la  peau  est  protégée  par 
des  poils  ou  des  plumes,  qui  sont  des 
corps  mauvais  conducteurs  de  la  cha- 
leur et  qui  emprisonnent  une  couche 
d'air  qui  ne  s'échauffe  que  lentement, 
la  haute  température  de  l'atmosphère 
ne  produit  pas  l'élévation  de  la  cha- 
leur intérieure  aussi  promptcment  que 
lorsque  la  peau  est  nue  et  ne  reste  pas 
en  contact  avec  une  couche  d'air  ra- 
fraîchie par  l'effet  de  l'évaporation  de 
l'eau  qui  se  dégage  de  l'organisme. 
C'est  de  la  sorte  qu'on  se  rend  facile- 
ment compte  de  l'influence  des  vêle- 
ments et  autres  enveloppes  dans  les 
expériences  de  Tillel  et  de  Blagden,  et 
que  l'on  comprend  comment  les  Arabes 
ont  pris  l'habitude  de  s'entourer  d'un 
manteau  de  laine  quand  ils  sont  expo- 
sés à  de  grandes  chaleurs,  aussi  bien 


(a)  Delaroche,  Expériences  sur  les  effets  qu'une  forte  chaleur  produit  dans  l'économie  ani- 
male, 4  806. 

(b)  Delaroche,  OjJ.  cit.,  p.  22  et  suiv. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  47 

Du  reste,  il  ne  faut  pas  croire  que  la  compensation  établie 
par  l'évaporation  soit  complète,  et  que  sous  l'influence  d'une 
atmosphère  très  chaude,  le  corps  humain  conserve  sa  tempéra- 
ture normale  ;  celte  température  s'élève  notablement  quand  la 
différence  entre  la  chaleur  intérieure  et  celle  de  l'air  ambiant 
devient  forte  (1),  et  c'est  principalement  à  cause  de  cette 
augmentation  dans  la  chaleur  intérieure  que  les  épreuves  de 
ce  genre  ne  peuvent  ê(re  supportées  longtemps  sans  des  souf- 
frances considérables  et  sans  un  grand  danger  pour  la  vie. 


que  s'ils  avaient  à  se  préserver  du 
froid.  Les  expériences  de  William 
Edwards  relatives  à  Tinflucnce  que 
l'agitation  de  l'air  exerce  sur  la  marche 
de  la  transpiration  nous  donnent  la 
clef  de  ces  phénomènes  (a). 

(1)  Dans  les  expériences  de  Berger 
et  Delaroche,  im  Cochon  d'Inde  dont 
la  température  était  de  ob>  degrés  lors- 
qu'on l'introduisit  dans  l'étuve,  avait 
environ  àU  degrés  au  moment  de  sa 
mort.  Tous  les  Animaux  sur  lesquels 
portèrent  les  recherches  de  ces  au- 
teurs périrent  lorsque  la  température 
de  leur  corps  s'était  élevée  de  6  ou 
7  degrés  au-dessus  de  la  chaleur  nor- 
male. Un  séjour  de  quelques  minutes 
dans  de  l'air  à  80  degrés  fit  monter 
de  5  degrés  la  température  humaine 
prise  dans  la  bouche  (6). 

Suivant  Duhamel,  les  Charançons 
du  blé  résisteraient  à  une  chaleur  de 
près  de  100  degrés  centigrades   (c)  ; 


mais  il  résulte  des  expériences  de 
M.  Doyère  que  ni  ces  Animaux  ni  d'au- 
tres Insectes  ne  peuvent  vivre  quand  la 
température  de  leur  corps  s'élève  à  M 
ou  /i8  degrés  (d).  Les  œufs  peuvent 
conserver  leur  vitalité  tout  en  subis- 
sant l'action  d'une  chaleur  un  peu 
plus  forte. 

Lorsque  le  corps  d'un  Homme  ou 
d'un  Animal  est  plongé  dans  Feau, 
l'élévation  de  la  température  du  mi- 
lieu ambiant  détermine  des  effets 
analogues  avec  plus  de  rapidité,  et 
en  général  la  mort  arrive  très  promp- 
tement  quand  cette  température  dé- 
passe h5  degrés  (e).  On  cite  à  ce  sujet 
des  expériences  de  Lemonnier,  qui 
ne  put  supporter  pendant  plus  de 
huit  minutes  l'immersion  dans  un 
bain  d'eau  thermale  dont  la  tempéra- 
ture était  de  li!i°,k  (f),  et  l'on  peut 
consulter  aussi  les  autres  faits  du 
même  ordre  réunis  par  Berger  (g). 


(a)  W.  Edwards,  De  Vinfluence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  90,  225,  etc. 

{h)  Delaroche,  Op.  cit.,  p.  21,  43,  etc. 

(c)  Duhamel,  Traité  de  la  conservation  des  grains  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  ilâ'i,  liist., 
p.  218). 

{d)  Doyère,  Recherches  sur  l'Ahicite  des  céréales,  1852,  p.  49. 

(e)  Voyez  ci-desaus,  page  43,  Dole. 

(/■)  Lomoiiiiier,  Examen  de  quelques  fontaines  minérales  de  la  France  {Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences,  1747,  p.  259). 

((/)  Berger,  Op.  cit.  (Mém.  de  la  Société  de  physique  et  d'histoire  naturelle  de  Genève,  1833, 
t.  VI,  p.  321). 


/|8 


NUTRITION. 


EiTcts  ditTûrenis  §  7.  —  Lo  ffoid  arrivc  à  un  certain  degré  est  également 
surîcsXers  Jncompatiblc  avec  l'exercice  des  fonctions  vitales,  et  lorsque 
la  température  du  corps  d'un  être  animé  ou  d'une  plante  des- 
cend au-dessous  de  celle  limite,  la  mort,  ou  tout  au  moins  un 
état  d'inactivité  complète  ne  tarde  pas  à  survenir.  Mais  sous 
le  rapport  de  la  faculté  de  supporter  un  abaissement  de  tempé- 
rature ou  de  résister  à  l'intluence  du  froid,  il  existe  chez  les 
divers  Animaux  des  différences  très  considérables  et  fort 
importantes  à  bien  connaître. 

Chez  les  uns,  la  faculté  de  produire  de  la  chaleur  est  très 
faible,  de  sorte  que  la  température  propre  de  l'Animal  ne  peut 
s'élever  que  fort  peu  au-dessus  de  celle  du  milieu  ambiant; 
mais  la  faculté  de  supporter  le  froid  est  en  même  temps  très 
grande,  et  par  conséquent  l'abaissement  de  la  température 
intérieure  du  corps,  qui  suit  de  près  tout  abaissement  dans  la 
température  extérieure,  est  sans  inconvénient  grave  pour  l'in- 
dividu qui  l'éprouve  :  ses  fonctions  se  ralentissent  et  il  tombe 
dans  un  état  d'engourdissement  qui  peut  simuler  la  mort,  mais 
qui  est  rarement  mortel.  Pour  d'autres,  au  contraire,  la  vie 
s'arrête  bientôt  sans  retour  quand  la  chaleur  intérieure  diminue 
notablement  (l).  Mais  en  général  la  faculté  de  produire  de  la 


(1)  Ainsi,  clans  les  expériences  de  et  dans  dix-huit  cas  sur  quarante  et 
W.  Edwards  sur  de  jeunes  Oiseaux  un  elle  est  tombée  au  -  dessous  de 
exposés  à  l'action  de  Tair  froid  ,  la  2/i  degrés  ;  enfin,  dans  deux  cas  seu- 
mort  arriva  presque  toujours  quand  lenient,  la  mon  est  arrivée  avant  que 
la  température  du  corps  avait  été  la  température  de  l'Animal  fût  des- 
abaissée d'environ  15  ou  16  degrés  (a),  cendue  à  30  degrés.  Or,  dans  toutes 
'  Dans  les  recherches  de  Chossat  sur  ces  circonstances,  c'est  le  refroidisse- 
les  effets  de  l'inanition,  la  vie  s'étei-  ment  qui  paraît  avoir  été  la  cause  de 
gnit  aussi  quand  le  refroidissement  la  mort,  car  en  réchauffant  artificiel- 
du  corps  avait  atteint  à  peu  près  la  Icment  l'Animal  moribond,  on  pou- 
même  limite.  Chez  un  Pigeon,  la  tem-  vait  presque  toujours  prolonger  nola- 
pérature  est  descendue  jusqu'à  18°, 5,  blement  son  existence  et  lui  rendre 

(a)  W.  FA^^varll^^,  De  l'influence  des  arjenls  physiques  sur  la  vie. 


PRODUCTION    DE    CH.VLKUR.  kO 

chaleur  est  alors  très  grande  et  l'action  du  Croid  extérieur 
l'excite;  de  sorte  que,  dans  certaines  limites  au  moins,  l'abais- 
sement de  la  température  atmosphérique  détermine  une  aug- 
mentation proportionnelle  dans  le  développement  de  la  chaleur 
animale. 

Ainsi  l'Homme,  la  plupart  des  autres  Mammifères  et  les 
Oiseaux  peuvent,  dans  les  circonstances  ordinaires,  résister  à 
un  froid  extérieur  extrêmement  intense,  sans  éprouver  dans  la 
température  de  l'intérieur  de  leur  corps  aucun  changement 
bien  notable  (1).  Des  observations  thermométriques  fiiites  par 


son  activité  vitale  de  façon  à  le  mettre 
en  état  de  digérer  des  aliments  et  de 
se  rétablir  (o).  Dans  une  autre  partie 
de  ces  Leçons,  je  reviendrai  sur  les 
effets  que  rabaissement  de  la  tempé- 
rature du  corps  produit  sur  le  système 
nerveux,  et  ici  je  me  bornerai  à  ajouter, 
comme  preuve  du  ralentissement  da 
mouvement  vital  qui  l'accompagne, 
que  dans  cet  état  les  Animaux  à  sang 
chaud  résistent  mieux  à  l'asphyxie  que 
lorsque  leur  chaleur  propre  est  nor- 
male (6). 

(1)  Il  résulte  des  observations  ther- 
mométriques de  M.  J.  Davy  et  de 
quelques  autres  voyageurs,  que  la  tem- 
pérature du  corps  humain  ne  reste  pas 
complètement  stationnaire  chez  les 
personnes  qui  passent  des  climats 
tempérés  dans  les  pays  tropicaux  ou 
dans  les  régions   très  froides  ;   mais 


les  variations  déterminées  de  la  sorte 
sont  peu  considérables,  et  dépassent 
rarement  un  demi-degré  ou  1  degré 
centigrade  (c).  Ainsi  M.  Reynaud,  en 
observant  les  mêmes  individus  sous 
la  zone  torride  où  la  température  se 
maintient  entre  26  degrés  et  30», 8 , 
puis  dans  une  région  tempérée  où  le 
thermomètre  restait  entre  12  et  17 
degrés,  trouva  37°,58  dans  le  premier 
cas  et  37°,  11  dans  le  second  (d).  Ey- 
doux  et  Souleyet  trouvèrent  que  les 
mêmes  Hommes  avaient  au  cap  Horn, 
où  la  température  atmosphérique  était 
0  degré,  environ  i  degré  de  moins 
que  dans  l'Inde,  où  la  température 
de  l'air  était  de  /|0  degrés  (e).  Enfin 
M.  Brown-Séqiiard,  pendant  un  voyage 
de  France  à  l'île  Maurice,  a  fait  des  ob- 
servations analogues  et  a  constaté  des 
différences  ini  peu  plus  considérables. 


(a)  Cliossat,  Recherches  expérimentales  sur  l'inanition  [Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants 
étrangers,  t.  VIII,  p.  576,  593,  eic). 

(h)  Brown-Séquard,  Recherches  expérimentales  et  cliniques  sur  quelques  questions  relatives 
à  l'asphyxie  (Journal  de  physiologie,  1859,  t.  II,  p.  97). 

(c)J.  Daservy,  Obs.onthe  Tcmperatureo  Man  and  other  Animais  {Edinhurgh  philos.  Journal, 
i^iC),  et  Researches  Anat.  and  I'hysi.oL,  t.    ,  |i.  161). 

{d)  Reynaud,  Dissertation  sur  la  température  humaine  considérée  sous  les  rapports  des  âges, 
des  tempéraments,  des  races  et  des  climats,  ilicso.  Pari?,  1829. 

(e)  Blainville,  Rapport  sur  les  résultats  scientifiques  du  voyage  de  la  Bonite  (Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  sciences,  1838,  t.  VF,  p.  457).  —  Voyage  de  la  Bonite,  Zool.,  t.  I,  p.  xxxi. 


50  NUTRITION. 

divers  voyageurs  dans  les  régions  glacées  du  pôle  nord  nous 
montrent  que  beaucoup  de  ces  Animaux  à  sang  chaud  peuvent 
conserver  leur  température  normale  lorsque  celle  de  l'atmos- 
phère est  pendant  des  mois  entiers  à  50,  60  ou  même  80  degrés 
plus  bas.  Le  célèbre  explorateur  des  mers  arctiques,  Parry, 
vit  plus  d'une  fois  le  thermomètre  marquer  39  ou  40  degrés 
dans  l'intérieur  du  corps  d'un  Loup  ou  d'un  Renard  que  les 
chasseurs  venaient  de  tuer,  quand  la  température  de  l'air  était 
de  32  degrés  ou  même  de  36  degrés  au-dessous  de  zéro,  et 
l'on  doit  des  observations  analogues  au  capitaine  Back  (1). 
Il  est  vrai  que,  dans  les  cas  de  ce  genre,  la  déperdition  de 
la  chaleur  animale  est  toujours  ralentie  par  l'existence  d'une 
fourrure  épaisse,  et  que  si  la  surface  de  la  peau  n'était  pro- 
tégée contre  le  contact  du  milieu  réfrigérant  par  une  enveloppe 
formée  par  quelque  corps  très  mauvais  conducteur  du  calo- 


Ainsi,  chez  8  personnes  la  température  climat  chaud  clans  un  chmat  froid, 
du  corps  s'est  élevée,  terme  moyen,  Des  variations  dans  la  température 
de  1",27,  en  passant  du  Z|7^  degré  de  du  corps  en  rapport  avec  la  tempéra- 
latitude  nord,  où  la  température  at-  ture  de  l'air  ont  été  constatées  aussi 
mosphérique  n'était  que  de  8  degrés,  chez  les  Pigeons  par  Letellier  (6). 
à  l'équaleur  ,  où  ceUe  température  (1)  Le  capitaine  Back  trouva  que  la 
était  de  29", 5.  En  six  semaines,  ces  température  propre  de  deux  Lago- 
mêmes  individus  ont  ensuite  perdu  en  pèdes  de  la  baie  d'Iludson  était  de 
moyenne  0",67,  en  s'avançant  vers  le  43", 3  centigrades,  lorsque  la  tempéra- 
sud  jusqu'à  une  latitude  où  l'air  était  ture  de  l'atmosphère  était  dans  un 
à  16  degrés  (a).  Dans  ce  cas,  de  même  cas —  32°, 8,  et  dans  l'autre  —  35^,8; 
que  dans  celui  observé  par  Eydoux  et  par  conséquent,  la  ditrérence  entre  la 
Souleyet,  la  variation  dans  la  chaleur  température  du  corps  et  celle  du  mi- 
animalc  a  été  plus  grande  sous  l'in-  lieu  ambiant  était  de  76°,!  pour  l'un 
fluence  de  l'élévation  de  la  température  de  ces  Animaux,  et  de  79°, i  pour 
extérieure  que  lorsque  l'on  passait  d'un  l'autre  (c). 


(al  Brown-Séquartl,  Recherches  sur  l'influence  des  changements  de  climal  sur  la  chaleur  ani- 
male {Journal  de  physiologie,  4  859,  t.  II,  p.  549). 

(b)  Lelellier,  Inflxience  des  lempératures  extrêmes  :tr  la  prod^iction  de  l'acide  carbonique  dans 
la  respiration  des  Animaux  à  sang  chaud  {Ann.  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  ■!  845,  t.  XIII, 
p.  488). 

(c)  Back,  Narrative  of  the  Arctic  land  Expédition  to  the  moiilh  of  the  great  Fish  river, 
183G,  p.  590. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  51 

riqiie,  la  température  intérieure  de  l'organisme  baisserait 
promptement,  ainsi  que  cela  a  lieu  chez  l'Homme,  quand  il  est 
plongé  dans  un  bain  d'eau  glacée  ou  exposé  à  l'air  froid  sans 
êlre  couvert  de  vêtements  (1).  Mais  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  le  mainlien  d'une  température  de  30  à  kO  degrés 
au-dessus  de  zéro,  quand  pendant  des  mois  entiers  tout  est  gelé 
dans  la  nature  inanimée,  suppose  un  développement  de  chaleur 
énorme  dans  l'intérieur  de  l'organisme  vivant. 

§  8.  —  La  faculté  de  produire  de  la  chaleur  est  donc  en 
réalité  beaucoup  plus  grande  chez  tous  ces  Animaux  qu'on  ne 
le  supposerait  par  l'observation  de  la  température  de  leur  corps 
dans  les  climats  doux  ou  tropicaux,  et  la  quantité  de  chaleur 
qu'ils  développent  varie  beaucoup  suivant  les  circonstances  ; 
tandis  que  chez  les  Animaux  à  sang  froid,  où  la  température 
du  corps  varie  avec  celle  du  milieu  ambiant,  les  différences 
dans  la  quantité  de  chaleur  développée  restent  presque  con- 
stantes ou  s'abaissent  sous  l'influence  du  froid  extérieur.  Or, 
puis([ue  la  production  de  chaleur  est  une  conséquence  de  la 
combustion  physiologique,  et  que  cette  combustion  est  à  son 
tour  en  rapport  avec  le  degré  d'activité  de  l'être  qui  en  est  le 
siège,  nous  pouvons  conclure  de  ce  fait  que  pour  l'Homme  et 


(1)  A  l'occasion  de  la  mort  de  plu-  sujet  descendit  promptement  à  33  ou 
sieurs  matelots  qui,  dans  un  naufrage  ch  degrés  ;  dans  quelques  circon- 
sur  les  côtes  de  TAngleterre,  périrent  stances  ,  cet  instrument  ne  marqua 
de  froid  en  quelques  heures,  Currie  même  que  '2 S  ou  29  degrés  :  et  ce 
fit  une  série  d'expériences  intéres-  grand  refroidissement  aurait  été  évi- 
santes  sur  les  effets  produits  par  l'im-  demment  suivi  d'accidents  fort  graves, 
mersion  dans  un  bain  très  froid.  si  on  ne  l'avait  combattu  très  prompte- 
Dans  la  plupart  des  cas,  l'eau  em-  ment  par  l'application  de  couvertures 
ployée  était  à  environ  6  degrés,  et  un  chaudes,  par  des  frictions  et  par  d'au- 
ihermomètre  placé  sous  la  langue  du  très  moyens  convenables  (a). 


(o)  J.  Currie,  An  Account  of  the  remarkable  Effects  of  a  shipwreck  on  the  Mariners;  with 
Experiments  and  Observations  on  the  Influence  of  immersion  in  fresh  and  sait  mater,  hot  and 
cold,  on  the  Powers  ofthe  living  Body  {Philos,  Trans.,  1792,  p.  199). 


52  NUTRITION. 

les  autres  Animaux  à  sang  chaud,  l'influence  d'un  froid  modéré 
doit  être  fortifiante,  tandis  que  pour  les  Animaux  à  sang  froid 
elle, sera  sédative. 

Mais  les  recherches  de  mon  frère  William  Edwards  nous  ont 
appris  qu'il  y  a  une  distinction  importante  à  établir  à  cet  égard 


Facullc 
productrice 
de  la  chaleur 
chez  les  jeunes         ,         i  *      •  »,  •  »  ■ 

Animaux,    cntrc  Ics  Auniiaux  nouveau-nes  et  ceux  qui  ont  passe  les  pre 


miers  temps  de  la  vie.  Ainsi  l'enfant,  en  arrivant  au  monde,  ne 
possède  encore  qu'une  faible  faculté  productrice  de  chaleur  (i), 
et,  sous  ce  rapport,  il  ressemble  beaucoup  à  un  Animal  à  sang 
froid,  si  ce  n'est  que  l'abaissement  de  température  intérieure 
dont  ceux-ci  ne  souffrent  pas  est  pour  lui  un  danger  consi- 
dérable. II  en  est  de  même  pour  beaucoup  d'autres  Mammi- 
fères, ainsi  que  pour  un  grand  nombre  d'Oiseaux  qui,  même  en 
été,  meurent  de  froid,  s'ils  sont  abandonnés  à  eux-mêmes  et  ne 
reçoivent  pas  de  leur  mère,  ou  de  quelque  autre  source  calori- 
fique, le  complément  de  chaleur  dont  ils  ont  besoin  pour  main- 
tenir leur  corps  à  la  température  voulue  (!2).  Les  Mammifères 


(1)  W.  Edwards  fat  le  premier  à  éta- 
blir une  distinction  entre  la  faculté  de 
produire  de  la  clîaleur  et  la  production 
effective  de  cet  agent  physique  ;  dis- 
tinction qui  est  très  importante,  et  sans 
laquelle  il  est  impossible  de  bien  com- 
prendre les  variations  qu'il  a  observées 
dans  la  température  du  corps  de 
riJomme  et  de  celui  des  Animaux  (a). 

(2)  Lorsque  les  petits  Chiens  nou- 
veau-nés sont  à  la  mamelle,  la  tempé- 
rature de  leur  corps  est  à  peu  près 
égale  à  celle  de  leur  mère  ;  mais  s'ils 
sont  éloignés  de  celle-ci,  et  que  la  tem- 
pérature de  l'air  ambiant  ne  soit  que 
de  10  à  20  degrés,  il  suffit  d'une  heure 
ou  deux  pour  qu'ils  se  refroidissent 
beaucoup.  Ainsi,  dans  une  des  expé- 


riences faites  par  W.  Edwards,  un  petit 
Chien  de  forte  race,  âgé  de  vingt- 
quatre  heures,  faisait  monter  le  ther- 
momètre à  37°, 7  5  au  moment  où  on  le 
sépara  de  sa  mère  pour  l'isoler  dans 
une  atmosphère  dont  la  température 
était  de  13  degrés.  Au  bout  de  dix  mi- 
nutes, sa  température  propre  était  des- 
cendue de  plus  de  2  degrés,  et  dans 
l'espace  de  trois  heures  l'abaissement 
fut  de  plus  de  11  degrés.  Un  autre  indi- 
vidu, dont  la  température  initiale  était 
de  36", 8,  perdit  plus  de  18  degrés  en 
quatre  heures,  et  sa  température  propre 
n'était  alors  que  de  5  ou  6  degrés  au- 
dessus  de  celle  de  l'air.  Dans  une  autre 
série  d'expériences,  des  Chiens  de  même 
âge,  mais  de  plus  petite  taille,  placés 


[a]  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  182. 


PRODUCTION    DE    CHALKUR. 


53 


(|iii  naissent  les  yeux  fermés,  tels  que  les  (Chiens  et  les  Chuls, 
ainsi  que  les  Oiseaux  qui  quittent  l'œiiC  avant  d'avoir  le  corps 
couvert  de  duvet,  sont  particulièrement  remarquables  par  leur 
peu  d'aptitude  à  produire  de  la  chaleur,  et  leur  corps  se  refroi- 
dit avec  une  facilité  extrême  (1).  L'abaissement  de  température 
qu'ils  éprouvent  ainsi  provoque  une  réaction  intérieure,  et 


dans  des  circonstances  semblables, 
éprouvèrent  en  treize  heures  un  abais- 
sement de  lenipératiue  égala  22  de- 
grés; ils  étaient  alors  dans  un  état  de 
faiblesse  extrême  :  mais,  placés  devant 
le  feu  et  enveloppés  d'un  linge,  ils  se 
réchauffèrent  peu  à  peu  ;  en  moins  de 
cinq  heures  ils  reprirent  presque  leur 
température  primitive  et  parurent  aussi 
bien  portants  qu'avant  l'expérience  (a). 
Chez  les  Chats  nouveau-nés  l'abaisse- 
ment de  la  température  propre  du 
corps  a  lieu  avec  plus  de  rapidité  (6), 
et  chez  les  petits  Lapins  nouveau-nés 
la  chaleur  de  l'animal  descend  près  - 
que  au  niveau  de  la  température  ex- 
trême en  moins  de  trois  heures  (c). 
Lorsque  ces  divers  Mammifères  nou- 
veau-nés sont  protégés  contre  l'action 
de  l'air  froid  par  une  enveloppe  de 
laine  ou  de  quelque  autre  corps  mau- 
vais conducteur  de  la  chaleur,  ils  se 
refroidissent  moins  rapidement,  mais 
leur  température  s'abaisse  peu  à  peu, 
et  au  bout  d'un  certain  temps  descend 
aussi  bas  que  dans  les  circonstances 
précédentes. 

Des  expériences  faites  par  Holland 
montrent  que  même  à  l'âge  de  trois 
mois  les  Lapins  résistent  moins  bien 


au  froid  extérieur  qu'ils  ne  le  font  h 
l'âge  adulte  {d). 

(1)  Ainsi,  dans  une  des  expériences 
faites  par  W.  Edwards ,  des  petits 
Moineaux  âgés  de  huit  jours  firent 
monter  le  thermomètre  à  30  degrés 
au  moment  où  on  les  retira  de  leur 
nid  pour  les  isoler  :  la  température  de 
l'air  était  de  17  degrés  ;  et  au  bout 
d'une  heure  la  température  de  leur 
corps  n'était  plus  que  de  19  degrés. 
Chez  un  de  ces  individus,  la  chaleur 
propre  était  même  descendue  à  18  de- 
grés, et  par  conséquent  n'était  supé- 
rieure à  celle  de  l'air  ambiant  que  de 
1  degré.  Le  même  physiologiste  con- 
stata des  faits  analogues  chez  beaucoup 
d'autres  jeunes  Oiseaux,  mênie  chez 
des  Éperviers  qui  étaient  presque  aussi 
gros  que  des  Pigeons.  Il  est  aussi 
à  noter  que  la  différence  qui  existe 
sous  le  rapport  de  la  résistance  au 
refroidissement  entre  les  jeunes  Oi- 
seaux et  les  adultes  ne  dépend  pas 
seulement  de  ce  que  les  premiers 
ont  le  corps  nu  et  les  seconds  sont 
couverts  de  plumes.  Un  Moineau  adulte 
dont  toutes  les  plumes  furent  cou- 
pées conserva  sa  température  ordi- 
naire dans  les  circonstances  thermo- 


(a)  W.  Edwards,  Op.  cit.,  p.  613. 
{b)  Idem,  ibid.,  p.  6t5. 
(c)  Idem,  ibid.,  p.  OIG. 

{d)  Holland,  An  Experimeiilal  Inqidnj  inlo  Ihe.  laws  luhich  regulate  thephenomma  ofOrganic 
and  Animal  Life,  1829,  p.  130. 


54  NUTRITION. 

pendant  quelque  temps  la  combustion  respiratoire  augmente; 
mais  les  forces  de  l'organisme  ne  suffisent  pas  au  mainlien  de 
ce  travail  physiologique,  et  bientôt  la  température  intérieure 
s'abaisse  de  nouveau  pour  descendre  plus  bas  que  dans  la  pre- 
mière période  du  phénomène  :  sous  l'influence  du  froid  exté- 
rieur, de  nouvelles  oscillations  se  produisent,  et  il  en  résulte 
bientôt  un  état  morbide  des  poumons  ou  d'autres  organes  qui 
détermine  la  mort  (1).  Les  petits  Mammifères  qui  naissent 
les  yeux  ouverts  ont  la  faculté  de  produire  plus  de  chaleur,  et 
peuvent  par  conséquent  mieux  conserver  leur  température 
propre  sous  l'influence  du  froid  extérieur  (2)  ;  mais  dans  l'es- 


métriques  où  les  jeunes  éprouvèrent 
rabaissement  de  température  indiqué 
ci-dessus  («). 

(1)  On  doit  à  M.  Flourens  une  série 
d'expériences  très  intéressantes  sur  les 
causes  de  la  mort  des  jeunes  Oiseaux 
de  basse-cour  qui  se  trouvent  exposés 
au  froid.  Ce  physiologiste  a  constaté 
qu'ils  périssent  par  suite  d'un  état 
inflammatoire  des  poumons  (6). 

(2)  Ainsi,  les  petits  Cochons  d'Inde, 
qui  naissent  les  yeux  ouverts  et  qui 
peuvent  tout  de  suite  courir  pour  cher- 
cher leur  nourriture,  conservent  leur 
chaleur  propre  lorsqu'ils  sont  éloignés 
de  leur  mère  et  exposés  à  une  tempéra- 
ture extérieure  de  10  à  20  degrés.  Les 
Chevreaux,  les  Poulains  et  beaucoup 
d'autres  ]\1  ammifères  sont  dans  le  même 
cas.  Mais  ces  jeunes  Animaux  n'ont  ce- 
pendant pas  la  faculté  productrice  de 
la  chaleur  aussi  développée  que  les 
adultes,  et  ils  résistent  beaucoup  moins 


que  ceux-ci  à  l'action  refroidissante 
d'un  air  dont  la  température  est  très 
basse.  Ainsi,  nous  voyons,  dans  les 
expériences  de  W.  Edwards,  que  sous 
l'influence  d'une  température  exté- 
rieure de  0  degré,  des  Cochons  d'Inde 
adultes  ne  présentèrent  au  bout  d'une 
heure  qu'une  diminution  de  2°, 5  dans 
leur  chaleur  propre,  tandis  que  des 
individus  de  la  môme  espèce,  mais  âgés 
de  quelques  jours  seulement,  perdirent 
de  7  à  11  degrés  (c). 

Les  Oiseaux  qui,  au  moment  de  la 
sortie  de  l'œuf,  sont  en  état  de  courir 
et  de  manger  seuls,  se  trouvent  dans 
les  mêmes  conditions  que  les  Mammi- 
fères dont  je  viens  de  parler  ;  ils  peu- 
vent produire  assez  de  chaleur  pour 
conserver  la  température  propre  des 
Animaux  de  leur  espèce  et  nécessaire 
à  l'exercice  normal  de  leurs  fonctions, 
lors  même  qu'ils  sont  soumis  à  l'action 
d'une  température  extérieure  de  15  de- 


(a)  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agcnls  physiques  stirlavie,  p.  iii,  238,  G19  et  suiv. 
(6)  Flourens,  Observations  sur  quelques  maladies  des  Oiseaux  (Ann.  des  sciences  nat.,  1829, 
t.  XVni,  p.  03  et  suiv.). 

(c)  W.  Edwards,  Op.  cit.,  p.  136  el  625. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  55 

pèce  humaine  cette  faculté  n'est  encore  que  très  imparfaitement 
développée  pendant  les  premiers  jours  de  la  vie  extra-utérine, 
et  la  statistique  nous  apprend  que  la  mortalité  des  jeunes 
enfants  est  notablement  augmentée  pendant  nos  hivers,  lors- 
qu'on expose  ces  frêles  créatures  à  rinfluence  du  froid.  Chez 
ceux  qui  naissent  avant  terme,  le  pouvoir  calorifique  est  encore 
plus  faible,  et,  pour  leur  conserver  la  température  indispen- 
sable à  l'entretien  de  la  vie,  il  est  en  général  nécessaire  d'avoir 
recours  à  des  moyens  artificiels  (1).  Les  médecins  et  les  légis-  tTcs  enfants. 
lateurs  n'accordent  pas  à  ces  faits  toute  l'attention  qu'ils 
méritent  ;  mais  ils  ont  une  grande  importance  pour  l'hygiène 
publique,  et  je  m'y  arrêterais  davantage,  si  le  sujet  spécial  de 
mes  études  ne  m'interdisait  les  digressions  de  ce  genre  ('2). 


Influence 

du  froia 

sur 


grés.  Mais  quand  ils  sont  exposés  î» 
un  froid  de  9  degrés,  et  surtout  de  h  ou 
5  degrés,  ils  se  refroidissent  très  rapi- 
dement (o). 

(1)  Les  enfants,  comme  on  le  sait 
généralement,  sont  viables  quand  ils 
naissent  à  sept  mois  de  la  vie  intra-uté- 
rine, mais  à  cette  époque  leur  déve- 
loppement n'est  encore  que  très  in- 
complet, et,  sous  le  rapport  du  sens  de 
la  vue,  ils  sont  à  peu  près  dans  le  même 
état  que  les  petits  Mammifères  dont 
les  yeux  sont  fermés  au  moment  de  la 
naissance;  car  la  pupille  est  encore 
bouchée  par  une  membrane,  et  ce 
caractère,  sans  avoir  aucun  rapport 
direct  avec  la  caloricité,  coïncide  avec 
le  faible  degré  de  développement  de  la 
faculté  de  produire  de  la  chaleur,  qui 
fait  ressembler  les  petits  Chiens  et  les 
Chats  nouveau-nés  à  des  Animaux  à 
sang  froid.  En  effet,  on  sait  que  les  en- 
fants nés  avant  terme  ne  résistent  pas 


aux  causes  de  refroidissement  aux- 
quelles les  enfants  ordinaires  peuvent 
être  exposés  sans  inconvénient,  et 
qu'ils  ont  besoin  de  chaleur  artifi- 
cielle [b).  Sous  le  rapport  de  la  faculté 
de  développer  de  la  chaleur,  les  en- 
fants à  terme  sont  dans  un  état  inter- 
médiaire entre  celui  des  petits  Mam- 
mifères dont  il  vient  d'être  question 
et  les  Mammifères  adultes  ;  ils  ne  se 
refroidissent  pas  aussi  facilement  que 
les  premiers,  mais  ils  sont  loin  de  pou- 
voir maintenir  une  température  inté- 
rieure constante  aussi  bien  que  les 
seconds. 

(2)  Il  n'est  peut-être  aucun  point  de 
physiologie  appliquée  à  l'hygiène  sur 
lequel  on  ait  eu  des  idées  aussi  erro- 
nées que  celui  qui  est  relatif  à  l'in- 
fluence du  froid  sur  les  jeunes  enfants. 
Dans  l'espèce  humaine,  comme  chez  la 
plupart  des  Animaux  des  classes  supé- 
rieures, l'instinct  porte  la  mè  re  à  main- 


(c)  W.  Edwards,  Op.  cit.,  p.  144  et  623. 
(b)  W.  Edwards,  Op.  cit.,  p.  505. 


56  NUTRITION. 

II  est  également  à  remarquer  que  par  eela  seul  que  les 
jeunes  Animaux  sont  moins  volumineux  que  ceux  dont  la  crois- 
sance est  terminée,  ils  doivent  se  refroidir  plus  facilement,  et 
cette  circonstance,  jointe  à  leur  moindre  aptitude  à  produire 


tenir  autour  du  nouveau-né  une  tem- 
pérature douce  et  à  le  soustraire  autant 
que  possii)le  à  Taction  des  vicissitudes 
atmosphériques;  et  cependant  des  au- 
teurs célèbres  ont  considéré  ces  pré- 
cautions comme  étant  non-seulement 
inutiles ,  mais   même   nuisibles   aux 
jeunes  enfants,  et  ont  vanté  les  usages 
de   quelques  peuples  qui,   dit -on, 
plongent  dans  de  l'eau  souvent  gla- 
cée les  nouveau-nés,  afin  de  fortifier 
leur  constitution,  et  cela  même  dans 
les  saisons  les  plus  rigoureuses.  Les 
belles  expériences  de  mon  frère  au- 
raient pu  suffire  pour  faire  justice  de 
cette  erreur  dangereuse,  et  pour  mon- 
trer que  dans  les  premiers  temps  de 
la  vie  l'homme  a   besoin  d'être  pré- 
servé contre  le  froid  extérieur.  Mais 
afin  de  soumettre  ce  point  de  doctrine 
hygiénique  à  une  nouvelle  épreuve, 
et  de  chercher  si  l'on  pouvait  saisir 
quelques   rapports   entre  la  marche 
de  la  mortalité  des  enfants  nouveau- 
nés  et  l'état  thermométricjue  de  l'at- 
mosphère ,    nous  fîmes ,    en  1829 , 
M.  Villermé  et  moi,  une  série  de  re- 
cherches statistiques  dont  il  ne  sera 
peut-être  pas  inutile  de  dire  ici  quel- 
ques  mots.    En  comparant  mois  par 
mois  le  nombre  des  naissances  et  le 
nombre  des  décès  d'enlanls  âgés  de  un 
jour  à  trois  mois,  nous  trouvâmes  que 
pour  la  totaUté  de  la  France  la  morta- 
lité est  la  plus  grande  pendant  la  saison 


froide;  qu'elle  diminue  beaucoup  au 
printemps,  et  que  cette  diminution 
dans  la  proportion  des  décès  a  lieu 
plutôt  dans  nos  départements  méridio- 
naux que  dans  ceux  du  Noi'd  ;  enfin, 
que  cette  mortalité  est  plus  forte  quand 
le  froid  est  rigoureux  que  lorsque  l'hi- 
ver est  doux.  Nous  en  tirâmes  celte 
conclusion,  qu'en  hiver  il  est  mauvais 
d'exposer  les  enfants  nouveau-nés  au 
froid,  et  que  les  prescriptions  législa- 
tives d'après  lesquelles  ils  doivent  être 
présentés  à  la  mairie  avant  l'expira- 
tion du  troisième  jour  qui  suit  la  nais- 
sance, afin  d'y  faire  constater  leur 
état  civil,  est  nuisible  à  l'hygiène  pu- 
blique (a). 

Pour  mettre  mieux  en  lumière  ce 
résultat,  nous  fîmes  recueillir  ensuite 
des  documents  comparatifs  sur  la  mar- 
che delà  mortalité  des  jeunes  enfants 
mois  par  mois  dans  un  certain  nombre 
de  communes  où  les  habitations  sont 
agglomérées  autour  de  la  mairie  et  dans 
d'autres  où  les  habitations  étant  très 
épai'ses,  le  trajet  à'  faire  pour  porter 
l'enfant  de  la  maison  paternelle  au  bu- 
reau de  l'état  civil  est  généralement  plus 
long,  et  nous  trouvâmes  que,  dans  ces 
dernières  conditions,  sur  12  000  décès 
annuels  d'enfants  âgés  de  un  à  trente 
jours,  le  trimestre  d'hiver  (décembre, 
janvier  et  février)  figurait,  terme 
moyen,  pour  1276  par  mois,  tandis  que 
dans  les  communes  où ,  en  raison  de 


(a)  MUnc  Edwards  cl  Villcrmc,  De  l'injluence  de  la  température  sur  la  mortalité  des  enfants 
nouveau-nés  {Mcm.  de  la  Société  d'histoire  naturelle  de  Paris,  t.  V,  p.  Glj. 


l'UODllCTlON    DE    ClIALEUU.  57 

de  la  chaleur,  tait  que  la  température  de  leur  corps  est  en 
général  un  peu  moins  élevée  que  celle  des  adultes  de  la  môme 
espèce.  Cela  résulte  d'un  grand  nombre  d'observations  tlicr- 
mométriques  laites  d'abord  par  Wdliam  Edwards,  puis  par 
M.  Despretz,  et  plus  récemment  par  M.  Roger  (1). 


]'agg]omcralion  des  habitations  autour 
de  la  mairie,  le  trajet  à  faire  était 
court,  le  chiffre  correspondant  n'était 
que  de  1168  («)• 

L'augmentation  de  la  mortalité  des 
enfants  nouveau-nés  pendant  la  saison 
froide  ressort  également  des  recherches 
statistiques  faites  plus  récemment  en 
Belgique  et  en  Suisse  (6). 

Depuis  quelques  années  l'attention 
de  l'administration  a  été  appelée  de 
nouveau  sur  la  question  du  transport 
obligatoire  des  enfants  nouveau-nés  à 
la  mairie  (c),  et  aujourd'hui,  quoiqu'il 
n'y  ait  eu  à  ce  sujet  aucun  changement 
introduit  dans  la  législation,  on  tolère 
souvent  la  déclaration  de  la  naissance 
par  témoins.  Dans  l'intérêt  de  l'hygiène 
publique,  il  est  à  espérer  que  cette 
modification  sera  adoptée  d'une  ma- 
nière plus  générale. 

Comme  preuve  de  la  faible  résis- 


tance que  les  enfants  nouveau-nés 
opposent  au  refroidissement,  je  citerai 
aussi  le  fait  suivant  qui  a  été  constaté 
par  M.  Barensprung.  Le  bain  tiède 
dans  lequel  on  place  ces  petits  êtres 
pendant  quelques  instants  pour  les 
laver  aussitôt  après  leur  sortie  du 
sein  de  leur  mère,  suffit  pour  faire 
baisser  la  température  de  leur  corps 
de  0°,90,  terme  moyen,  et  quelquefois 
même  de  1°,6  centigrade  {d). 

(1)  Avant  la  publication  des  recher- 
ches de  mon  frère,  relativement  à  l'in- 
fluence des  agents  physiques  sur  la  vie, 
on  pensait  assez  généralement  que  la 
température  des  enfants  et  des  jeunes 
Animaux  à  sang  chaud  éiait  un  peu 
plus  élevée  que  celle  des  adultes  [e) , 
mais  ce  physiologiste  a  constaté  qu'il 
n'en  est  pas  ainsi.  Dans  ses  expé- 
riences sur  les  petits  Chiens  à  la  ma- 
melle, il  a  trouvé  que  la  tempéra- 


(fl)  Milne  Edwards,  Influence  de  la  lemj)ératiire  siw  la  mortalité  des  jeunes  enfants  [V Institut, 
1838,  p.  388). 

(b)  Quetelet,  De  l'influence  des  saisons  sur  l'Homme  {Ann.  d'hygiène  publique,  1832,  t.  VU, 
p.  564). 

—  Lombard,  De  l'influence  des  saisons  sur  la  mortalité  à  différents  âges  (Ann.  d'hygiène 
publique,  1833,  t.  X,  p.  110). 

(c)  Loir,  Du,  service  des  actes  de  naissance  en  France  et  à  l'étranger  ;  nécessité  d'améliorer 
ce  service  (Compte  rendu  des  séances  de  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  1845). 
—  De  l'exécution  de  l'article  55  du  Code  civil  relatif  à  la  constatation  des  naissances  {Reoue 
du  droit  français  et  étranger,  1846,  t.  IIIj.  —  Du  baptême,  considéi'é  dans  ses  rapports  avec 
l'étal  civil  et  l'hygiène  publique  (loc.  cit.,  1849,  t.  V().  —  De  l'état  civil  des  nouveau-nés  au 
point  de  vue  de  l'histoire,  de  l'hygiène  et  de  la  loi,  iii-8,  1854. 

—  H.  Royer-CoUard,  Rapport  (Bulletin  de  l'Acad.  de  médecine,  t.  XV,  p.  554). 

(d)  Barcaspriing ,  Untersuchungen  ûber  die  Temperaturverhâltnisse  des  Fœtus  und  des 
erwachsenen  Menschen  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1851,  p.  139). 

(e)  Burdach,  Traité  de  physiologie ,  t.  IX,  p.  631. 

—  HoUand,  An  expérimental  Inquiry  into  Laïus  which  rcgulate  the  Phenomena  of  Organic 
Life,  1829,  p.  124. 

vni.  5 


Animaux 
hibernaiils. 


58  NUTRITION. 

§  9.  —  En  général,  on  réunit  indislinctement  sous  le  nom 
d'Animaux  à  sang  chaud  tous  les  Mammifères,  ainsi  que  les 
Oiseaux,  parce  que  dans  les  circonstances  ordinaires  la  tem- 
pérature de  leur  corps  est  notablement  supérieure  à  celle  de 
l'atmosphère  5  mais  tous  n'ont  pas  comme  l'Homme,  le  Chien 


ture  de  ces  Animaux  élait  de  1  à 
2  degrés  inférieurs  à  celle  des  corps  de 
leur  mère,  el  en  comparant  la  chaleur 
propre  des  enfants  nouveau-nés  à  celle 
des  hommes  adultes,  il  trouva  en 
moyenne  dans  l'aisselle  3/i'',85pour  les 
premiers,  et36",r2  pour  les  seconds. 
Chez  un  enfant  né  avant  terme  (à  sept 
mois),  mais  paraissant  bien  portant,  et 
âgé  seulement  de  deux  ou  trois  heures, 
il  trouva  seulement  32  degrés,  en  pla- 
çant également  le  thermomètre  dans 
le  creux  del'aisseJle  (a). 

M.  Despretz  trouva  en  moyenne 
37°,lZi  chez  neuf  Hommes  âgés  de 
trente  ans,  et  seulement  35°, 06  chez 
trois  enfants  d'un  à  trois  jours  (6). 

Les  observations  thermométriques 
faites  par  M.  Roger  sont  beaucoup  plus 
nombreuses,  mais  donnent  des  résul- 
tats analogues  ;  elles  font  voir  aussi 
que  dans  les  premiers  temps  de  la  vie 
humaine  les  variations  de  température 
sont  beaucoup  plus  considérables  qu'à 
un  âge  plus  avancé. 

Chez  des  enfants  nés  depuis  moins 
d'une  demi-heure,  ce  physiologiste 
trouva  pour  la  température  moyenne 


du  creux  de  l'aisselle  36°,l/i,  et  chez 
33  enfants  âgés  d'un  à  sept  jours  la 
température  maximum  était  39°, 0,  tan- 
dis que  le  minimum  était  30  degrés  ; 
enfin,  la  moyenne  était  37°, 08. 

chez  13  enfants  âgés  de  quatre  à  six 
mois,  les  extrêmes  étaient  37°, 75  et 
36°,75  ;  la  moyenne,  37°,11. 

Enfin,  chez  12  enfants  âgés  de  sis 
à  quatorze  ans,  les  extrêmes  étaient, 
d'une  part  37°, 75,  et  d'autre  part 
37°, 0;  la  moyenne,  37°, 31  (c). 

J'ajouterai  que,  d'après  M.  Mignot, 
la  température  des  nouveau-nés  se- 
rait un  peu  plus  élevée.  En  effet,  chez 
13  enfants  âgés  de  trois  à  cinq  jours 
et  placés  dans  une  chambre  où  l'air 
était  à  15  ou  16  degrés  centigrades,  il  a 
trouvé  que  la  température  du  corps 
prise  sous  l'aisselle  ne  variait  qu'entre 
37°, 3  et  38°,l(d).  Enfin,  dans  une  série 
d'observations  faites  avec  beaucoup  de 
soin  par  M.  F.  von  Biirensprung,  la 
température  des  enfants  nouveau -nés 
fut  trouvée  presque  la  même  que  celle 
de  la  mère  prise  dans  le  vagin  avant 
l'accouchement  ;  en  moyenne,  la  diffé- 
rence n'était  que  de  0°,07  (e). 


(a)  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  i33,  235  et  236. 

(b)  Dcsprelz,  Recherches  expérimentales  sur  les  causes  de  la  chaleur  animale  {Ann.  de  chimie 
et  de  physique,  4  824,  t.  XXVI,  p.  338). 

(c)  Tiogcr,  De  la  température  chez  les  enfants,  iSH  (Archives  générales  de  médecine,  i°  série, 
1845,  t.  V.  p.  290). 

(d)  Mignot,  Eecherches  sur  les  phénomènes  normaux  et  morbides  delà  circulation,  de  la  calo- 
rinilé  et  de  la  respiration  chez  les  nouveau-nés,  thèse.  Paris,  1851,  p.  9. 

{e)  Barciispning',  Untersuchungen  iïber  die  Teniperatiirverhaltnisse  des  Fœtus  und  des 
erwachsenen  Menschen  im  gesunden  tind  kranken  Zustande  (Miillcr's  Archiv  fiir  Anat.  und 
Physiol.,  1851,  p.  13C). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  ,     59 

OU  le  Cheval,  une  tempéralurc  à  pou  près  constante,  et  parmi 
les  Mammifères  il.  en  est  un  certain  nombre  qui,  tout  en  étant 
aptes  à  produire  plus  de  chaleur  que  ne  saurait  le  faire  un 
Rcplilc  ou  un  Poisson,  ressemblent  jusqu'à  un  certain  point 
aux  Animaux  à  sang  froid,  car  leur  corps  se  refroidit  facile- 
ment, et  ils  supportent  sans  inconvénient  un  abaissement  de 
température  qui  serait  mortel  pour  la  plupart  des  Animaux 
supérieurs,  et  qui  détermine  seulement,  chez  eux  un  état  de 
torpeur.  On  les  désigne  sous  le  nom  à' Animaux  hibernants ^ 
parce  que  durant  l'hiver  ils  restent  plongés  dans  une  sorte  de 
léthargie  ou  de  sommeil  profond.  Le  froid  engourdit  de  la  même 
manière  beaucoup  d'Animaux  inférieurs,  et  il  est  un  grand 
nombre  d'Insectes  et  de  Mollusques,  aussi  bien  que  des  Reptiles, 
des  Batraciens  et  des  Poissons,  C|Ui  passent  ainsi  la  totalité  de 
la  saison  froide  dans  un  état  d'inactivité  complète,  durant 
laquelle  toutes  les  fonctions  sont  suspendues  ou  du  moins  très 
ralenties  (1)  ;  mais  c'est  chez  les  Mammifères  hibernants  que 

(J)  Quelques  Mollusques  consei-vent  de  l'année.  Ainsi,  on  rencontre  la  Vi- 

leur  activité  à  des  températures  très  trina  diaphana  dans   les  Pyrénées, 

basses  :  ainsi,  on  voit  souvent  des  Lim-  blottie  sous  les  pierres,  à  des  hauteurs 

nées  et  des  Planorbes  qui  nagent  dans  où  la  neige  couvre  la  terre  pendant 

de    l'eau    recouverte    d'une    couché  neuf  à  dix  mois  (6). 
épaisse  de  glace,  et  dont  la  tempéra-  Les  Colimaçons,  aux  premiers  froids 

ture,  par  conséquent,  ne  peut  s'élever  de  l'hiver,  cessent  de  manger  et  se  ca- 

gaèrc  au-dessus  de  zéro  (a).  Mais  la  client  dans  la  mousse  ou  dans  des  trous 

plupart  des  Animaux  de  cet  embran-  creusés  en  terre,  puis  se  blottissent 

chement  s'engourdissent  au  commen-  dans  leur  coquille.  En  général,  ils  font 

cernent  de  la  saison  froide,  et  restent  alors  suinter  du  bord  de  leur  manteau 

dans  un  état  de  torpeur  jusqu'au  prin-  une  matière  blanchâtre  plus  ou  moins 

temps.  Quelquefois  ce  sommeil  hiver-  riche  en  carbonate  de  chaux,  qui,  en  se 

nal  dure  pendant  la  plus  grande  partie  solidifiant,  constitue  une  sorte  d'oper- 

(«)  Picard  et  Garnicr,  Histoire  des  Mollusques  terrestres  et  fluvialiles  qui  vivent  dans  le  dépar- 
tement de  la  Somme  {Bulletin  de  la  Société  linnéenne  du  Nord  de  la  France,  Abbeville  1840 
t.  1,  p.  278). 

(6)  Charpentier,  Catalogue  des  Mollusques   terrestres  et  jluviatiles  de  la  Suisse  (Nouveaux 
Mémoires  de  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles,  d837,  t.  I,  p.  i). 

—  Moquin-Taiidon,  Histoire  naturelle  des  Mollusques  terrestres  et  fluvialiles  de  France  t  I 
p.  115.  '    •     I 


GO  NUTRITION. 

ce  phénomène  est  le  plus  remsiTjuable,  parce  que,  sous  l'in- 
fluence excitante  de  la  chaleur,  ces  êtres  se  raniment  non- 
seulement  de  façon  à  pouvoir  exécuter  des  mouvements  plus 


cale  leinpoi'aire  nommé  épiphragme, 
et  bouche  complètement  l'entrée  de 
Icm- coquille  ;  puis  l'animal  se  contracte 
encore  davantage,  de  façon  à  laisser 
entre  cette  cloison  et  son  pied  un  cer- 
tain espace  qu'il  remplit  avec  l'air 
chassé  de  son  poumon.  11  reste  ensuite 
dans  un  état  de  torpeur  profonde.  Ce 
repos  hivernal  a  été  signalé  par  Aris- 
lote  («),  et  Dioscoride  parle  de  l'oper- 
cule que  ces  Animaux  forment  pour 
fermer  leur  coquille  (6).  Spallanzani  a 
constaté  que  leur  respiration  devient 
alors  presque  nulle,  mais  que  leur 
sommeil  est  peu  profond,  en  sorte  que 
d'ordinaire  il  suffit  de  casser  leur  épi- 
phragme, et  de  les  irriter  mécanique- 
ment, pour  les  faire  sortir  de  leur  co- 
quille, et  se  mettre  en  mouvement  (c). 
Quand  la  température  est  très  basse, 
leur  cœur  cesse  de  battre  (d).  Il  est 
cependant  probable  que,  malgré  cet 
état  de  torpeur,  ils  continuent  à  pro- 
duire un  peu  de  chaleur,  car  ils  ré- 
sistent pendant  quelque  temps  à  un 


froid  très  vif,  et  il  faut  les  soumettre  à 
l'action  d'une  température  de  7  ou  8 
degrés  au-dessous  de  zéro  pour  déter- 
miner la  congélation  de  leur  corps  (e). 
Des  faits  analogues  ont  été  observés 
chez  plusieurs  autres  Mollusques  (/"). 
Beaucoup  d'Insectes  qui  passent  l'hi- 
ver à  l'état  adulte  s'engourdissent,  et 
restent  dans  une  léthargie  plus  ou 
moins  profonde  pendant  toute  la  sai- 
son froide  (g).  Mais  c'est  à  tort  que 
les  entomologistes  supposent  qu'il  doive 
en  être  ainsi  pour  la  plupart  des  es- 
pèces xylophages,  qui  passent  l'hiver 
dans  le  tronc  des  arbres,  car  là  la  tem- 
pérature est  rarement  assez  basse  pour 
produire  un  semblable  sommeil  hi- 
vernal. Les  Fourmis  tombent  en  tor- 
peur à  2  ou  3  degrés  au-dessous  de 
zéro  [h).  Les  Abeilles  s'engourdissent 
et  paraissent  mortes  quand  leur  tem- 
pérature descend  à  5  ou  G  degrés 
centigrades,  et  elles  ne  résistent  que 
fort  peu  de  temps  aux  effets  ainsi  pro- 
duits (i)  ;    mais,    lorsque    ces   Ani- 


(a)  Aristole,  Histoire  naturelle  des  Animaux,  Irad.  de  Camus,  liv.  VIIl,  I.  I,  p.  405. 

(6)  Dioscoride,  De  materia  medica,  lib.  Il,  cap.  VlII. 

(c)  Spallanzani,  Mànoire  sur  la  respiration,  p.  128  et  suiv. 

(rfl  Lister,  Exerr.itaiio  anatomica  in  qua  de  Coclileis,  maxime  terreslribus,  et  Limacibus  agiliir, 
1G94. 

(e)  Gaspard,  Méin.  physiologifjuc  sur  le  Colimaçon  (Journal  de  physiologie  de  Magendic,  1822, 
I.  II,  p.  315). 

(/■)  Joly,  Note  sur  des  Anodonla  cjcnea  et  des  Paludina  vivipara  qui  ont  résisté  à  la  congélation 
(Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1845,  t.  III,  p.  373). 

—  Moquin-Tandon,  Op.  cit.,  p.  115. 

[g)  Schmid,  Ueber  die  Winteraufenthalt  der  Kdfer  (Illiger  Magazin  fur  Insectenkunde,  1802, 
1. 1,  p.  209). 

—  Suckow,  Ueber  den  Winterschlafder  Insectr.n  {Hcuss'mger's  Zeitschrift,  1827,  t.  I,  p,  597), 

—  Kirley  and  Spence,  Op.  cit.,  I.  II,  p.  437  et  suiv. 

—  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  t.  I,  p.  020  et  suiv. 

—  Newport,  On  the  Température  ofinsects  {Philos.  Trans.,  1837,  p.  275). 
[h)  Hubcr  fils,  Recherches  sur  les  mœurs  des  Fourmis,  p.  202. 

(i)  Réaumur,  Op.  cit.,  t.  V,  p.  070. 

—  J.  Huber,  Nouvelles  observations  sur  les  Abeilles,  t.  II,  p.  324, 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  61 

OU  moins  rapides  et  à  jouir  de  la  plénitude  des  faeullés  animales, 
mais  aussi  à  produire  beaucoup  de  chaleur  et  à  avoir  une 
température  propre  qui  dépasse  de  beaucoup  celle  du  milieu 
où  ils  vivent  d'ordinaire  (1). 

Certains  Oiseaux,  ainsi  que  divers  Mammifères,  appartien- 
nent à  la  catégorie  des  Animaux  hibernants;  mais  il  existe 


maux  sont  réunis  en  grand  nombre 
dans  leur  ruche,  ils  produisent  assez 
de  chaleur  pour  maintenir  la  tempéra- 
ture nécessaire  à  l'exercice  de  leurs 
fonctions. 

Comme  exemple  d'Insectes  capables 
de  conserver  leur  activité  à  de  très 
basses  températures,  je  citerai  le  Po- 
clura  nivalis,  qui  court  avec  agilité 
sur  la  neige.  Une  espèce  de  cette  fa- 
mille (le  Desoria  glacialis)  vit  en 
sociétés  nombreuses  sur  les  glaciers 
de  la  Suisse  (a).  0 

(1)  Les  Mammifères  chez  lesquels  le 
sommeil  hivernal  est  le  plus  profond, 
et  le  ralentissement  des  fonctions  nu- 
tritives est  porté  le  plus  loin  durant 
cet  état  de  torpeur,  sont,  les  uns  de 
petits  Insectivores,  tels  que  les  Chauves- 
Souris  et  les  Hérissons,  les  autres  des 
Rongeurs  qui  se  nourrissent  principa- 
lement de  fruits  ou  de  grains,  et  qui 
habitent  sous  des  climats  rigoureux  à 
cause  de  l'élévation  des  lieux  ou  de 
leur  éloignement  des  régions  tropicales  : 
par  exemple,  la  Marmotte  des  Alpes, 
le  Loir,  le  Lérot,  le  Muscardin  et  le 
Hamster  de  l'Europe  septentrionale. 
Nos  Écureuils,  le   l'orc-Épic  et  plu- 


sieurs autres  Animaux  du  môme  or- 
dre hibernent  aussi;  mais  tous  les 
Rongeurs  des  pays  froids  ne  sont  pas 
dans  ce  cas,  les  Lemmings,  par  exem- 
ple. Quelques  grands  Mammifères  qui 
se  nourrissent  principalement  de  fruits, 
et  qui  haljitent  les  montagnes  où  le 
froid  est  long  et  rigoureux,  présentent 
des  phénomènes  du  même  ordre.  Ainsi 
l'Ours  brun  et  le  Blaireau  restent  en- 
dormis dans  leur  tanière  pendant  pres- 
que tout  l'hiver,  mais  leur  sommeil 
est  beaucoup  moins  profond  que  celui 
des  petits  Mammifères  dont  je  viens 
de  parler.  L'Ours  polaire,  qui  est  es- 
sentiellement carnassier,  ne  s'engourdit 
pas  de  la  sorte. 

Buffon  considérait  les  Mammifères 
hibernants  comme  des  Animaux  à  sang 
froid,  et  pensait  que  la  température  in- 
terne de  leur  corps  était  toujours  à 
peu  près  la  même  que  celle  de  l'at- 
mosphère (6).  Mais  il  était  dans  l'er- 
reur, et  Spallanzani  fit  voir  que  la 
chaleur  propre  de  ces  Mammifères  est 
souvent  de  15  à  20  degrés  au-dessus 
de  la  température  de  l'air,  lorsque 
celle-ci  est  assez  élevée  pour  qu'ils  res- 
tent éveillés  (c).  Hunter  trouva  aussi 


(«)  Nicolet,  Recherches  pour  servir  à  l'histoire  des  Podurelles,  p.  5S  (Nouveaux  Mémoires  de 
la  Socidté  helvétique  des  sciences  naturelles,  \  84t ,  t.  VI). 

(b)  Bud'on,  Histoire  naturelle  des  f'kiadrupèdes,  art.  Lom  (Œuvres,  cdit.  de  Venlièro,  t.  XX, 
p.  I'i2). 

(c)  Spallanzani,  Opuscules  de  physique  animale  et  véyétale,  1. 1,  p.  i  10. 

—  Lortet,  Observations  sur  le  sommeil  léthargique  du  Musrardin  (Ann.  de  la  Société  a' agri- 
culture de  Lyon,  1844,  I.  Vil). 


62 


NUTRITION. 


parmi  ces  êtres  beaucoup  de  degrés  sous  le  rapport  de  la 
Inculte  de  résister  à  l'abaissement  de  température  et  quant 
à  l'intensité  de  l'état  léthargique  déterminé  par  le  froid. 
Ainsi,  chez  les  uns,  la  faculté  de  produire  de  la  clialeur  est 
assez  grande  pour  qu'en  hiver  la  température  du  corps  ne 


que  le  thermomètre  marquait  27°, 5 
dans  l'intérieur  de  rabdomen  d'un 
Loir  en  activité,  bien  que  la  tempéra- 
ture de  l'air  ambiant  ne  fût  que  de 
17°, 7  (o).  Des  faits  du  même  ordre  ont 
été  constatés  par  Mangili ,  Prunelle, 
Saissey,  M.  J.  Davy,  1\I.  Regnault,  et 
plusieurs  autres  expérimentateurs  [b). 
Ainsi,  dans  quelques-unes  des  obscr- 
vationsdeM.  Regnault, quandlatempé- 
rature  extérieure  était  comprise  entre 
1 0  et  15  degrés,  la  chaleur  animale  de 
la  Marmotte,  observée  dans  le  rec- 
tum, était  de  32  à  35  degrés. 

Dans  les  expériences  de  Saissey,  la 
température  du  corps  de  la  Chauve- 
Souris  ne  s'est  jamais  élevée  au-dessus 
de  31  degrés  centigrades  (c). 

Ce  n'est  pas  seulement  en  hiver  que 
les  Mammifères  hibernants  s'engour- 
dissent ;  toutes  les  fois  qu'on  les  sou- 
met pendant  un  certain  temps  à  Tin- 


fluence  d'une  basse  température,  leur 
corps  se  refroidit,  et  ce  refroidissement 
amène  à  sa  suite  l'état  de  torpeur. 
Ainsi  Pallas  a  déterminé  le  sommeil 
léthargique  chez  des  Marmottes,  en  les 
plaçant  dans  une  glacière  pendant 
l'été,  et  Saissey  a  obtenu  par  le  même 
moyen  un  résultat  analogue  dans  ses 
expériences  sur  des  Hérissons  et  des 
Loirs. 

La  température  à  laquelle  l'état  de 
torpeur  se  déclare,  varie  suivant  les 
espèces,  et  l'on  peut  conclure  de  là  que 
la  faculté  productrice  de  la  chaleur 
n'est  pas  également  faible  chez  tous  ces 
Animaux.  Ainsi,  Berthold  a  vu  des 
Muscardins  s'engourdir  de  la  sorte 
dans  une  chambre  où  l'air  était  entre 
10  et  17  degrés.  D'après.  Saissey,  le 
Hérisson  et  les  Chauves-Souris  tombent 
en  léthargie  quand  la  température  du 
milieu  ambiant  est  de  6  ou  7  degrés, 


{a)  Hunier,  Expériences  et  observations  sur  la  faculté  dont  jouissent  les  Animaux  de  j'rodnire 
de  la  chaleiir  {Couvres,  t.  IV,  p.  215). 

(b)  Mangili,  Saggio  d'osservazioniper  servire  alla  storia  dei  Mammiferi  soggetti  a  periodico 
letaryo.  Milano,  1S07.  —  Mémoire  sur  la  léthargie  des  Marmottes  {Ann.  du  Muséum,  1807, 
t.  IX,  p.  106).  —  Sur  la  léthargie  périodique  de  quelques  Mammifères  (Op.  cit.,  1.  X,  p.  -i3i). 

—  Saissey,  Recherches  expérimentales  anatomiques,  chimiques,  etc.,  sur  la  physique  des 
Animaux  mammifères  hibernants,  1808. 

—  Prunelle,  Recherches  sur  les  phénomènes  et  sur  les  causes  du  sommeil  hivernal  de  quel- 
ques Mammifères  {Ann.  du  Muséum,  t.  XVIII,  p.  20  et  302). 

—  Berger,  Expériences  et  remarques  sur  quelques  Anima^ix  qui  s'engourdissent  pendant  la 
saison  froide  {Mém.  du  Muséum,  1828,  t.  XVI,  p.  201). 

—  Marshall-Hiill,  On  Hybernation  {Philos.  Trans.,  1832,  p.  335). 

—  Gmelin,  Ueber  den  Winterschla f  {iuSiU'^.  dissort.).  Tubingen,  1839. 

—  Regnault  et  Reiset,  Recherches  chimiques  sur  la  respiration  des  Animaux  (.4)1)!.  de  chimie 
et  de  physique,  3»  série,  1849,  t.  XXVI,  p.  429  cl  suiv.). 

—  Valentin,  Beitrdye  z?w'  Kenntniss  des  Winterschlafen  der  Murmellhiere  (Molescliolt's 
Untersuchungen  aur  Naturlehre  des  Menschen  und  der  Thiere,  1857,  t.  I,  p.  200  ;  t.  Il, 
p.  1  et  suiv). 

•  (c)  Saissey,  Op.  cit.,  p.  10. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  63 

s'abaisse  pas  beaucoup,  et  que  le  sommeil  qui  accompagne  ce 
refroidissement  ne  soit  pas  très  profond;  tandis  que  chez 
d'autres,  cette  facuUé  s'affaiblit  rapidement  sous  l'influence 
d'une  basse  température,  et  que  le  refroidissement  du  corps 
amène  une  suspension  presque  complète  de  tout  travail  phy- 
siologique (1  ) . 

Les  Animaux  hibernants  nous  offrent  un  nouvel  exemple 
des  harmonies  de  la  création  dont  tout  naturaliste  doit  être  si 
souvent  frappé.  Les  Mammifères  qui  présentent  celle  particu- 
larité physiologique  sont  seulement  ceux  qui  se  nourrissent 
d'Insectes,,  de  fruits  ou  d'autres  substances  analogues,  et  qui 
sont  destinés  à  habiter  les  pays  où  pendant  l'hiver  ils  ne  pour- 
raient trouver  aucun  dos  aliments  dont  ils  ont  besoin.  Mais 
cette  privation  ne  leur  nuit  pas,  car  le  froid,  qui  fait  disparaître 
de  la  surface  de  la  terre  les  iVnimaux  et  les  produits  végétaux 
qui  leur  conviennent,  les  plonge  dans  un  état  de  torpeur  pen- 
dant lequel  tous  les  besoins  du  travail  nutritif  deviennent 
presque  nuls  :  ils  restent  alors  cachés  dans   quelque  réduit 


et  le  Lérot  s'endort  de  la  même  ma-  raît  que  c'est  au  contraire  pendant  les 

nière  sous  l'influence  d'un  froid  de  h  mois  où  la  température   est  le  plus 

ou  5  degrés  au-dessus  de  zéro.   Le  basse  que  ces  petits  Animaux  s'engour- 

sommeil  hivernal  de  la  Marmotte  ne  se  dissent  (a). 

déclare  pas  sitôt;  pour  le  proJuire,  Je  ne  parle  pas  ici  des  hypothèses 

il  faut  d'ordinaire  un  froid  de  6  degrés  qui  ont  été  hasardées  pour  expliquer  la 

au-dessous  de  zéro.  cause  des  particularités  physiologiques 

(1)  D'après  Bruguière,  le   Tenrec  que  présentent  les    Animaux  hiber- 

de  Madagascar  tomberait  en  léthargie  nanls,  car  aucune  d'elles  ne  peut  être 

pendant  la  saison  chaude,  mais  i!  pa-  considérée  comme  satisfaisante  (6). 


(n;  Desjardiiis,  Kote  sur  le  Tenrec  {Ann.  des  sciences,  nat.,  1830,  t.  XX,  p.  179). 

—  Coqiicrel,  Noie  sur  les  habitudes  des  Tenrecs  {Revue  aoologiqite.iSAS,  p.  33). 

—  Telf.iir,  Letter  (Proceedinrjs  of  the  Commillee  of  the  Zoological  Society,   1831,  pari,  d, 
p.  89). 

—  lîrown-Séqnai'd,  On  the  causes  of  the  Torpidity  of  the  Tenrec    [Expérimental  Researches 
applied  to  Physiologij  und  Palhology.  1853,  p.  25). 

(/))  t'astre.   De  la  cause  de  l'hibernation  chez  les  Animaux  dormeurs  {Nova  Acla  Acad.  nat. 
curios.,  1829,  t.  XIV,  p.  GGl). 

—  Oilo,  De  A7iimalium  quorumdam  per  hyemem dormientium  vasis  cephalicis  et aure interna 
(Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  Xlll,  p.  23  ;  —Ann.  des  sciences  nat  ,  1827,  t.  XI,  p.  70). 


64  NUTRITION. 

bien  abrité;  leur  circulation  se  ralentit  beaucoup;  leur  respi- 
ration, sans  cesser  complètement,  diminue  de  façon  que  la 
combustion  vitale  devienne  extrêmement  faible ,  et  que  la 
graisse  emmagasinée  dans  leur  corps  suffise  pour  l'entre- 
tenir. Les  Oiseaux  ne  possèdent  que  fort  rarement  la  faculté 
de  dormir  d'un  sommeil  profond  pendant  toute  la  durée  de 
nos  longs  hivers  ;  mais  la  Nature  pourvoit  autrement  à  leur 
conservation  en  donnant  à  plusieurs  d'entre  eux  l'instinct  de 
l'émigration,  qui  les  conduit  dans  des  climats  où  la  nourriture 
ne  leur  fait  pas  défaut  Cl).  Dans  la  suite  de  ce  cours,  nous 
aurons  à  revenir  sur  la  considération  de  ces  faits  remar- 


(1)  Les  Hirondelles,  comme  on  le 
sait,  quittent  nos  contrées  aux  appro- 
ches de  la  saison  froide,  et  il  paraît 
indubitable  qu'en  général  elles  émi- 
grent  alors  vers  les  parties  chaudes 
de  l'Afrique;  mais  quelques  espèces 
de  ce  genre,  telles  que  l'Hirondelle  de 
rivage  et  l'Elirondelle  de  fenêtre,  pa- 
raissent être  susceptibles  de  passer  la 
mauvaise  saison  cachées  dans  des  trous 
et  plongées  dans  un  état  de  léthargie. 
Un  naturaliste  de  Suède,  OlaiisMagnus, 
a  prétendu  que  dans  le  Nord,  ces  Oi- 
seaux passaient  l'hiver  sous  l'eau,  pe- 
lotonnés en  groupes  serrés,  et  cette 
assertion  a  été  répétée  par  plusieurs 
auteurs  ;  mais,  dans  l'état  actuel  de  la 
science,  elle  n'est  pas  admissible  (o). 
D'après  le  témoignage  de  divers  ob- 
servateurs, des  Hirondelles  se  trouvent 


parfois,  pendant  l'hiver,  dans  des  an- 
fractuosités  de  rochers  ou  dans  d'autres 
retraites,  et  y  restent  profondément 
engourdies.  On  cite  plusieurs  exemples 
de  ce  genre,  et  l'on  a  vu  les  Hirondelles 
engourdies  par  le  froid  reprendre  leur 
activité  quand  on  les  eut  réchauf- 
fées (6).  Il  est  même  possible  que 
lorsqu'elles  sont  dans  cette  espèce 
de  léthargie,  elles  puissent  résister 
pendant  un  certain  temps  à  l'asphyxie, 
et  ne  pas  se  noyer  aussi  vite  que 
d'ordinaire.  Du  reste,  l'action  séda- 
tive du  froid  ne  paraît  pouvoir  se 
faire  sentir  sur  ces  animaux  qu'à  la 
longue;  carSpallanzani,  en  soumettant 
des  Hirondelles  à  une  très  basse  tem- 
pérature pendant  plusieurs  heures,  ne 
parvint  pas  à  les  endormir  (c). 


la)  Olaiis  Magniis,  Histoii-e  des  pays  septenlnonaux,  1561,  p.  217. 

(6)  Achard,  Remarks  on  Swallows  on  the  Rhine  (Philos.  Trans.,  17G3,  t.  LV,  p.  101). 

■ —  Chalelux,  Voyage  dans  l'Amérique  septentrionale,  t.  II,  p.  329. 

—  Pallas,    Voyage  dans  plusieurs  provinces  de   l'empire  de   Russie,  t.  II,   p.   4-09  (ôilit.  do 
Lainarck). 

—  C.  Smilli,  Facts  in  regard  to  the  Hybernation  of  the  chimney  Swallow  (New  Philosopliical 
Journal,  1827.  t.  III,  p.  231). 

—  Dutrochet,  liivernalioii  t/es  Hirondelles  (Comptes  rendus  de  VAcad.  des  sciences,  1838, 
t.  VI,  p.  673). 

(c)  Spallanzaiii,  Voyage  en  Sicile,  t.  VI,  p,  13  et  siiiv. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  65 

quables  ;   mais  je  ne  pouvais  passer  à  côté  d'eux  sans  les 
signaler. 
Sons  le  rapport  de  la  faculté  de  produire  la  chaleur  et  de      '"•«■^umé 

des  différences 

supporter  le  froid,  il  y  a  donc  quatre  catégories  principales  à  Jans  la  facuué 

de  produire 
établir   :  «'e  la  clialeur. 

1°  Les  Animaux  à  sang  chaud  et  à  température  constante,  qui 
produisent  beaucoup  de  chaleur,  et  qui,  sous  l'influence  d'un 
froid  modéré,  augmentent  celte  production  de  façon  à  con- 
server une  température  propre  qui  ne  varie  que  peu. 

2°  Les  Animaux  à  sang  chaud  et  à  température  variable, 
qui  ne  sont  pas  aptes  à  produire  assez  de  chaleur  pour  résister 
à  des  causes  de  refroidissement  d'une  puissance  médiocre, 
mais  qui  ne  sont  pas  organisés  pour  supporter  un  abaissement 
notable  de  température  intérieure,  et  qui  périssent  promptement 
quand  la  température  du  milieu  ambiant  s'abaisse  beaucoup. 

3"  Les  Animaux  à  sang  chaud  et  à  température  essentielle- 
ment variable,  qui  se  refroidissent  très  facilement,  et  pour  les- 
quels ce  refroidissement  occasionne  un  ralentissement  dans  les 
fonctions  vitales  sans  être  une  cause  de  mort,  c'est-à-dire  les 
Animaux  hibernants. 

/i°  Les  Animaux  à  sang  froid,  qui  ne  produisent  pas  assez  de 
chaleur  pour  avoir  dans  les  circonstances  ordinaires  une  tem- 
pérature propre  qui  s'élève  beaucoup  au-dessus  de  celle  du 
milieu  ambiant,  et  qui  supportent  sans  inconvénient  un  refroi- 
dissement considérable,  soit  en  s'engourdissant,  soit  en  con- 
servant la  plénitude  de  leur  activité  vitale. 

Tous  les  Animaux  invertébrés,  de  meuieque  les  Poissons,  les 
Batraciens  et  les  Reptiles,  appartiennent  à  cette  dernière  caté- 
gorie, et  beaucoup  d'entre  eux  conservent  ime  grande  activité 
lorsque  la  température  intérieure  de  leur  corps  ne  s'élève  que 
fort  peu  au-dessus  de  celle  de  la  glace  fondante.  Beaucoup  de  • 
Poissons  sont  dans  ce  cas,  et,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus 
tard,  c'est  pendant  qu'ils  subissent  ainsi  l'influence  du  froid 


66  NUTRITION. 

que  fort  souvent  ils  vaquent  aux  fonctions  de  la  reproduction. 
D'autres  s'engourdissent  quand  la  température  de  leur  corps 
s'abaisse  de  la  sorte,  et  il  en  est  qui  peuvent  alors  supporter 
la  congélation  sans  périr  (1). 
Nos  connaissances  sont  encore  très  incomplètes  au  sujet  des 


(1)  Chez  les  Animaux  à  sang  chaud, 
la  congélation,  même  partielle  du 
corps,  est  en  général  suivie  de  la  mort 
des  parties  dont  les  liquides  ont  été 
solidifiés  de  la  sorte  (a)  ;  mais  dans 
quelques  cas  on  a  vu  certaines  por- 
tions de  Torganisme  revenir  à  la  vie 
et  reprendre  leur  état  ordinaire  après 
a  voir  été  complètement  gelées.  Ilunter 
a  constaté  des  faits  de  ce  genre  chez 
des  Lapins  dont  il  avait  gelé  une 
oreille  en  la  maintenant  pendant  une 
heure  dans  un  mélange  réfrigérant,  et 
chez  des  Coqs  dont  il  congela  de  la 
même  manière  la  crête  et  les  bar- 
billons (b). 

Les  Animaux  à  sang  froid  résistent 
mieux  aux  effets  de  la  congélation,  et 
un  grand  nombre  d'entre  eux  peuvent 
continuer  à  vivre  après  que  la  totalité 
de  leur  corps  a  été  solidifiée  par  lefroid. 

Ainsi  Lister  a  vu  des  Chenilles  l'e- 
prendre  le  mouvement  après  avoir  été 
congelées  (c),  et  Réaumur  a  constaté 
que  les  larves  du  Bombyx  pitijocampa 
peuvent  supporter  sans  périr  un  froid 
de  plus  de  2/i  degros  au-dessous  de 
zéro  (cl).  Bonnet  fit  des  observations 


analogues  sur  des  Chrysalides  du 
Pontia  Brassicœ,  et  Steikcrs  obtint  le 
même  résultat  dans  des  expériences 
sur  la  congélation  de  quelques  larves 
de  Tipules  (e).  Je  citerai  également 
ici  des  recherches  sur  la  congélation 
des  Podurelles,  faites  par  M.  Nicol- 
let  (/■)  ;  mais  une  des  expériences 
les  plus  remarquables  à  ce  sujet  est 
due  au  capitaine  Ross.  Ce  voyageur 
l^laça  30  Chenilles  daiis  une  boîte, 
qu'il  exposa  quatre  fois  de  suite  pen- 
dant une  semaine  à  une  température 
de  —  /i'2  degrés  environ.  A  chaque 
exposition  elles  devinrent  roides  et 
furent  congelées  ;  cependant  ,a  rès 
la  première  exposition,  toutes  revin- 
rent à  la  vie  quand  on  les  ramena 
dans  une  chambre  chaude  ;  23  survé- 
curent à  la  seconde  congélation,  11  res- 
tèrent à  la  troisième  épreuve,  et  2  pu- 
rent être  rappelées  à  la  vie  après  la 
quatrième  congélaiion  {g).  M.  Joly  (de 
Toulouse)  a  constaté  aussi  que  des  Pa- 
ludines  et  des  Anodontes  ont  pu  être 
pris  dans  un  bloc  de  glace,  dont  la  tem- 
pérature était  descendue  jusqu'à  5  de- 
grés au-dessous  de  zéro  sans  périr,  ni 


(ft)  Au  sujet  des  efTuls  du  froid  sur  lo  corps  humain,  je  renverrai  à  r.'uHiclc  CoxciSlation  du 
Cûinpendium  de  chirurgie  pratique  par  Ijérard  et  Denonvilliers,  1.  I,  p.  380  et  suiv. 

{b)  Huilier,  Traité  du  saufj,  elc.  {Œuvres,  I.  IH,  p.  131). 

((?)  Lisler,  Goedartius,  De  iiiseclis,  1085,  p.  7(). 

[dj  rioauiiuir,  Mcm.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Insectes,  t.  !I,  p.  142. 

(e)  Kirby  et  Spence,  An  Introduction  lo  Entomolocjy,  t.  II,  p.  453. 

{/■)  Ross,  Effet  d'un  froid  intense  sur  des  Chenilles  [Bibliothèque  universelle  de  Genève,  nouv. 
série,  t.  III,  p.  423).  . 

(g)  Nicolet,  Recherches  pour  servir  à  l'iiistoirc  naturelle  des  Podurelles,  p.  12  {Nouveaux 
Mémoires  de  la  Société  helvétique  des  sciences  naturelles,  1841). 


PRODUCTION    ni']    CIIALRUIl.  07 

AnimauK  à  sang  chaud  dont  la  faciiU(î  nalorifiquo  est  faible; 
j'ai  déjà  dit  que  beaucoup  de  Mammifères  et  d'Oiseaux  nouveau- 
nés  présentent  ces  caractères,  mais  en  général  cela  est  de  peu 
de  durée,  et  longtemps  avant  l'âge  adulte  la  température  du 
corps  devient  fixe  (1).  Il  me  paraît  probable  cependant  que 


même  paraître  souffrir  de  ceUe  congé- 
lation (a). 

Les  œnfs  de  quelques  Insectes  rci- 
sistent  aux  effets  de  la  congélation, 
et  peuvent  môme  supporter  l'action 
d'un  froid  très  intense.  Ainsi  Spallan- 
zani  a  constaté  l'éclosion  d'œufs  de 
Vers  à  soie  qui  avaient  été  exposés  à 
—  30  degrés  (6),  et  plus  récemment 
Bonafous  a  fait  des  expériences  ana- 
logues (c). 

Hanter  a  constaté  que  les  Crapauds 
peuvent  supporter  la  congélation  sans 
périr  {d).  Pendant  un  voyage  en  Is- 
lande, Gaimard  a  observé  des  faits  ana- 
logues. Pcir  l'action  du  froid,  les  Cra- 
pauds sur  lesquels  il  expérimenta  de- 
venaient roides,  cassants,  et  ne  lais- 
saient pas  échapper  une  goutte  de 
sang  quand  il  les  brisait  ;  cependant, 
en  les  dégelant  dans  de  l'eau  tiède,  il 
les  fit  revenir  à  la  vie.  Dans  ces  cas 
la  congélation  s'était  faite  lentement  ; 


mais  quand  elle  était  rapide,  elle  dé- 
terminait toujours  la  mort.  En  ré- 
pétant ces  expériences  sur  des  Gre- 
nouilles, Gaimard  ne  put  conserver 
vivants  les  Animaux  dont  le  corps  avait 
été  gelé  (e);  mais  M.  Auguste  Du- 
méril  a  constaté  que  la  mort  n'est  pas 
toujours  une  conséquence  de  la  con- 
gélation du  corps  de  ces  Batra- 
ciens (f)  ;  le  même  fait  a  été  observé 
chez  le  Triton  ((/). 

Plusieurs  auteurs  parient  aussi  de 
la  reviviscence  de  Poissons  dont  le 
corps  avait  été  roidi  par  la  congéla- 
tion (h). 

(1)  W.  Edwards  a  trouvé  que  les 
jeunes  Chiens  et  Chats  résistent  d'au- 
tant mieux  au  refroidissement,  qu'ils 
sont  plus  éloignés  du  moment  de  la 
naissance,  et  que  vers  l'âge  de. quinze 
jours  ils  se  comportent  sous  ce  rapport 
h  peu  près  comme  les  adultes,  quand  la 
température  extérieure  est  moyenne  (^). 


(tt)  Joly,  Note  sur  des  Anodunta  cyciiea  et  da  V&\aà'md.m\\p-M&  qui  ont  résisté  à  la  congéla- 
tion (Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1845,  t.  III,  p.  373). 

(b)  Spallanzani,  Opuscules  de  pliysiqxie  animale,  t.  I,  p.  84. 

(c)  Bonafous,  Sur  des  œufs  de  Ver  à  soie  exposés  à  une  basse  température  {Bibliothèque  7ini- 
verselle  de  Genève,  1858,  nouvelle  série,  t.  XVII,  p.  200). 

((/)  Ilunter,  Experiments  on  Animal?  and  Vegetables  with  respect  to  the  poivcr  ofproducing 
Ilcat  {Philos.  Trans.,  1775,  t.  LXV,  p.  450). 

(e)  Gaimard,  De  la  suspension  de  la  vie  chez  les  Batraciens  par  l'effet  du  froid  {Bibliothèque 
universelle  de  Genève,  1840,  no;ivolle  série,  t.  XXVI,  p.  207). 

{f)  kng;.  Duinéril,  Recherches  expérimentales  sur  la  température  des  Reptiles  [Ann.  des  sciences 
nat.,  3»  série,  1852,  t.  XVII,  p.  11). 

(g)  Du  Fay,  Observations  phij.nques  et  anatomiques  sur  plusieurs  espèces  de  Salamandres 
{Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1729,  p.  145). 

(h)  i.  Franklin,  First  Overland  Journey  to  the  Polar  Seas,  t.  II,  p.  234). 

—  Hubbard,  On  the  Ressuscitatlon  of  Frozen  Fish  (Silliman's  American  Jourml,  18  50,  t  X, 
p.  132). 

(i)  W.  Edwards,  De  l'inlluence  des  agents  physiques  sitr  la  vie,  p.  133. 


Circonstances 

qui  influent 

sur 

la  production 
de  chaleur. 


Respiration, 


68  NUTRITION. 

divers  Mammifères  ne  se  perfectionnent  pas  de  la  sorte,  et  que 
c'est  en  grande  partie  en  raison  de  cette  circonstance  que  plu- 
sieurs de  ceux  qui  sont  propres  aux  régions  tropicales  périssent 
promptement  quand  on  les  transporte  dans  nos  pays,  où  les 
hivers  sont  froids. 

§  10.  —  Puisque  la  chaleur  animale  dépend  de  la  combustion 
vitale,  et  que  cette  combustion  est  entretenue  par  l'oxygène 
que  la  respiration  introduit  dans  l'organisme ,  nous  pouvons 
prévoir  que  toutes  les  circonstances  qui  influent  sur  la  marche 
de  cette  fonction  doivent  agir  d'une  manière  analogue  sur  la 
quantité  de  chaleur  produite  de  la  sorte.  Ainsi,  nous  avons  vu 
précédemment  que  pendant  le  sommeil  la  respiration  est  moins 
active  que  pendant  la  veille  (1),  et  l'expérience  nous  apprend 
qu'il  existe  des  variations  correspondantes  dans  la  puissance 
productrice  de  la  chaleur  animale.  Chossat  a  constaté  que 
chez  les  Pigeons  la  température  du  corps  est  d'environ  trois 
quarts  de  degré  plus  élevée  le  jour  (pie  la  nuit  (5) ,  et 
les  observations  de  Hunter,  de  même  que  celles  de  Martin, 
montrent  que  chez  l'Homme  il  y  a  aussi  un  refroidissement 


(1)  Voyez  tome  II,  page  526. 

('2)  Ces  résultats  furent  déduits  de 
600  observations  therniométriques  fai- 
tes sur  20  Pigeons  nourris  de  la  ma- 
nière ordinaire  et  placés  dans  les 
mêmes  conditions  de  température  ex- 
térieure la  nuit  et  le  jour.  A  midi, 
dans  l'état  de  veille,  le  thermomètre, 
introduit  dans  le  cloaque,  s'élevait, 
terme  moyen,  à  Zi2°,22,  tandis  qu'à 
minuit,  durant  le  sommeil  de  ces  Ani- 
maux, il  ne  marquait  en  moyenne  que 
Zll<','48.  Sur  300  jours  d'observations,  il 


n'y  en  eut  que  5  où  la  température  du 
corps  fut  trouvée  plus  clevéelanuit  que 
le  jour,  et  6  où  elle  était  la  même  à  midi 
et  à  minuit  :  dans  les  289  autres  jours 
la  différence  était  dans  le  sens  indiqué 
ci-dessus  (a). 

Je  rappellerai  aussi,  à  ce  sujet,  que 
dans  les  expériences  de  M.  Boussingault 
sur  la  respiration  des  Tourterelles,  la 
quantité  d'acide  carbonique  produite 
par  heure  fut  d'environ  9:!i  centigram- 
mes pendant  le  jour,  et  seulement  de 
59  centigrammes  pendant  la  nuit  (6). 


(a)  Chossal,  Recherches  expérimentales  sur  l'iiKimlion  {Mêin.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants 
étrangers,  •1843,  t.  VIII,  p.  553  et  suiv.). 
(fc)  Voyez  lome  IF,  page  529. 


PRODUCTION    D15    CHALEUR.  69 

notable  pendant  le  sommeil  (1).  Souvent  on  a  eu  aussi  l'occa- 
sion de  constater  que,  sousl'induencedu  sommeil,  l'organisme 
résiste  moins  bien  à  l'intluence  du  froid  que  pendant  la  veille, 
et  cela  suppose  une  différence  correspondante  dans  la  faculté 
de  développer  de  la  chaleur. 

Nous  avons  vu  également  que  la  consommation  d'oxygène     influence 

,  de  l'exercice 

diminue  pendant  la  veille,  quand  le  système  locomoteur  est  en  musculaire, 
repos,  et  augmente  beaucoup  sous  l'influence  de  l'exercice 
musculaire  :  or,  il  est  facile  de  constater  que  tout  déploiement 
de  force  mécanique  est  accompagné  d'une  augmentation  dans 
le  développement  de  chaleur  dont  l'organisme  est  le  siège.  La 
coïncidence  de  ces  phénomènes  a  été  mise  bien  en  évidence 
par  les  expériences  délicates  de  M.  Becquerel  et  de  Breschct. 
Ces  savants,  en  enfonçant  dans  le  muscle  biceps  brachial  d'un 
Homme  les  aiguilles  de  l'appareil  thermo-électrique  dont  j'ai 
déjà  eu  l'occasion  de  parler,  ont  vu  que  cet  organe  s'échauffe 
chaque  fois  qu'il  se  contracte,  et  qu'il  suffit  d'un  petit  nombre 
de  ces  mouvements  pour  que  sa  température  s'élève  d'un 
demi-degré  centigrade  au-dessus  de  celle  qu'il  avait  dans  l'état 
de  repos  (2). 


(1)  Mania  observa  un  abaissement  (2)  En  sciant  du  bois  pendant  cinq 
très  sensible  de  la  température  du  minutes  avec  le  bras  où  l'une  des  sou- 
corps  humain  pendant  le  sommeil,  et  dures  du  thermo-multiplicateur  avait 
constata  que  le  corps  se  réchauffe  très  été  introduite  dans  le  muscle  biceps, 
promptement  après  le  réveil  [a).  Hun-  l'augmentalion  de  la  température  dans 
ter  évalue  la  différence  entre  l'état  de  cet  organe  a  été  quelquefois  jusqu'à 
sommeil  et  la  veille  à  1  degré  et  demi  1  degré  centigrade  (c).  Plus  récemment 
Fahrenheit,  c'ost-à-dire  environ  0°,8d  des  résultats  analogues  ont  été  obte- 
centigrade  (6).  nus  par  i\I.  Gierce,  en  expérimentant 


(a)  Mariin,  Description  des  effets  du  sommeil  siw  la  chaleiw  du  corps  humain  {Journal  de 
phusique,  1773,  t.  Il,  p.  292). 

(6)  Huiitcr,  Expériences  et  observations  sur  la  faculté  dont  jouissent  les  Animau.t  deproduire 
de  la  clialeiir  {Œuvres,  t.  IV,  p.  317). 

(c)  Becquerel  et  Breschet,  Reclterches  sur  la  chaleur  ani,nale  au  moyen  des  appareils  thermo- 
électriques {Archives  du  Muséum,  t.  I,  p.  402). 


70  NUTRITION. 

D'ailleurs,  chacun  sait,  par  l'observation  journalière,  que 
tout  exercice  violent  est  accompagne  d'une  production  consi- 
dérable de  cbaleur  dons  Tcnsenible  de  l'organisme  (1),  et  si  la 
température  intérieure  de  notre  corps  n'est  que  peu  modifiée 
par  ce  phénomène,  cela  tient  à  l'action  régulatrice  qu'exerce 
la  transpiration  (^2).  La  sueur,  qui  souvent  vient  alors  lubrifier 
la  peau,  contribue  beaucoup  à  soustraire  aux  parties  sous- 
jacentes  la  chaleur  qui  s'y  développe,  et,  chez  les  Animaux 
qui  ne  suent  pas,  des  effets  analogues  sont  obtenus  par  la  pré- 
cipitation des  mouvements  respiratoires  qui  accroît  l'exhalation 
de  l'eau  par  les  voies  pulmonaires  ou  par  d'autres  phénomènes 
du  même  ordre  (3).  Mais  chez  les  Insectes,  où  la  densité  des 


sur  des  Chiens  (a) ,  et  M.  Heliiiliolz 
a  constaté  que  chez  les  Grenouilles 
l'action  musculaire  est  accompagnée 
aussi  d'une  élévation  dans  la  tempé- 
rature locale  (6). 

(1)  Je  rappellerai,  à  ce  sujet,  les  ob- 
servations praticfues  faites  par  toutes 
les  personnes  qui  se  sont  trouvées 
exposées  à  l'action  de  froids  intenses, 
et,  pour  n'en  citer  ici  qu'un  exemple, 
j'ajouterai  que  les  compagnons  de 
voyage  du  capitaine  Parry,  lorsqu'ils 
hivernèrent  dans  les  régions  polaires, 
reconnurent  que  pour  se  réchauffer, 
rien  n'était  plus  efficace  que  l'exer- 
cice musculaire  (c). 

(2)  On  doit  à  JM.  J.  Davy  des  obser- 
vations thermoniétriques  sur  la  tempé- 
rature des  diverses  parties  du  corps 
humain  chez  le  même  individu,  à  l'état 
de  repos  et  après  une  marche  plus  ou 


moins  rapide  pendant  une  heure  ou 
deux.  L'élévation  de  température  pro- 
duite par  l'exercice  musculaire  ne 
dépassa  pas  un  demi-degré  dans  les 
parties  profondes  de  l'organisme,  ainsi 
qu'on  pouvait  s'en  assurer  par  la  tem- 
pérature des  mines  au  moment  de 
leur  évacuation,  mais  dans  les  parties 
superficielles  du  corps  elle  a  atteint 
près  de  15  degrés.  Ainsi;  le  thermo- 
mètre, placé  entre  les  orteils,  marqua 
avant  la  marche21",/4,  et  après,  36°, 7  ; 
dans  la  main,  la  diflérence  fut  en 
moyenne  de  8°, 2  (rf). 

(3)  Les  Chiens  sont  dans  ce  cas,  et 
quandils  courent  de  manière  à  s'échauf- 
fer beaucoup,  ils  laissent  leur  langue 
pendre  hors  de  la  bouche,  ce  qui  aug- 
mente la  sjLirface  d'évaporation  et  con- 
tribue à  enlever  de  la  chaleur  à  leur 
corps. 


{a)  Gicrce,  Qicœnam  ratio  sit  caloris  org.  part,  inftamm.,  eic.  (dissert.  iiiaug.)  Halœ,  1842. 

(6)  Hclmholz,  Ucber  die  Wdnneenlwickelung  bei  der  Muskelaction  (Miiller's  Archiv  fur  Anat. 
und  Fhysiol.,  1848,  p.  144). 

(c)  Parry,  Journal  of  a  Voyage  for  the  Discovery  of  a  North-îuest  Passage,  1821,  p.  147. 

[di  i.  L)a\y,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1844). —  Observations  diverses. sur  la  chaleur  animale 
[Ann.  de  jjhysique  et  de  chimie,  3°  série,  1815,  t.  XIII,  p.  185  et  suiv.). 


PRODUCTION    DE    CHALEUlJ.  71 

tégumenls  et  lo  renouvellement  lent  de  l'tur  dans  les  traehées 
ne  permettent  qu'une  transpiration  faible,  l'angnjentation  dans 
la  production  de  ehalcur  qui  accompagne  l'activité  musculaire 
détermine  des  efiels  therniométriques  plus  considérables. 
Ainsi,  dans  des  expériences  faites  sur  des  Abeilles  et  d'autres 
Insectes  par  Newport,  on  a  trouvé  que  le  thermomètre  restait 
à  peu  près  stationnaire  quand  on  le  plaçait  au  milieu  d'un  cer- 
tain nombre  de  ces  Animaux  au  repos,  mais  que  la  colonne 
mercurielle  s'y  élevait  parfois  de  15  degrés,  ou  même  davantage, 
quand  ces  petits  êtres  s'agitaient  avec  violence  (1). 

L'augmentation  dans  la  production  de  la  chaleur  animale 
qui  se  manifeste  lors  de  l'activité  fonctionnelle  des  muscles 
dépend  principalement  de  deux  circonslances  qui  accompagnent 
la  contraction  de  ces  organes,  et  qui  influent  sur  le  degré  d'in- 
tensité de  la  combustion  vitale  dans  leur  intérieur,  savoir,  la 
quantité  de  sang  qui  baigne  leur  substance  (2)  et  l'excitation 
que  le  système  nerveux  y  développe.  Mais  il  semble  résulter 
des  expériences  de  M.  J.  Béclard,  que  l'augmentation  dans 
le  développement  de  la  chaleur  qui  accompagne  la  contraction 
musculaire  est  moins  grande  quand  celle-ci  est  employée  à 


(!)  Newport,  à  qui  on  doit  une  série  rature  des  Insectes  au  repos  et  en 

d'observalionsintéressantessur  lapro-  mouvement,  mais  il  n'opéra  que  sur 

duction  de  chaleur  chez  les  Insectes,  a  des  individus  isolés,  et  par  conséquent 

vu  la  température  d'une  ruche  s'élever  les   résultats    thermométriques    qu'il 

d'environ  30  degrés  Fahrenheit,  lors-  obtint  ne  furent  que  très  faibles.  Dans 

que  les  Abeilles,  sortant  du  sommeil  tous  les  cas,  la  chaleur  propre  de  ces 

léthargique  dans  lequel  elles  avaient  petits  animaux  ne  fut  que  de  quelques 

été  plongées   par  l'effet  du  froid,  se  fractions  de   degré;  cependant   il   y 

sont  mises  en  mouvement  et  se  sont  avait  toujours  une  certaine  élévation 

agitées  avec  violence  {a).  de  température  accompagnant  l'action 

Dutrochet  a  fait  aussi  une  série  d'ob-  musculaire  (6). 

servations  comparatives  sur  la  tempe-  (2)  Voyez  tome  IV,  page  308. 


(a)  Newport,  Oti  the  Temj^erature  of  Inseets  (Philos.  Trans.,  1837,  p.  303). 

(b)  Dulrocliei,  Recherches  sur  la  chaleur  propre  des  Animaux  vivants  à  basse  température 
(An/i.  tics  sciences  naf.,  2"  série,  1840)  t.  X1!I,  p.  43  et  siiiv.). 


7*2  NUTRITION. 

produire  un  travail  mécanique  que  dans  le  cas  où  elle  n'est 
pas  appliquée  de  la  sorte,  et  ce  lait  s'expliquerait  facilement 
par  la  transformation  d'une  portion  de  cette  chaleur  en  mou- 
vement, conformément  aux  idées  théoriques  introduites  depuis 
peu  en  physique  (1). 


(1)  M.  J.  Béclard  vient  de  publier 
un  mémoire  intéressanl  sur  cette  ques- 
tion (c).  A  Taide  d'un  tliermomètre 
très  sensible  appliqué  sur  la  peau, 
dans  la  partie  du  bras  qui  correspond 
au  muscle  biceps,  et  convenablement 
protégé  contre  le  refroidissement  exté- 
rieur, il  apprécie  les  changements  de 
température  qui  se  produisent  dans 
cet  organe  lors  de  son  action  dans  des 
circonstances  différentes  où  le  travail 
mécanique  effectué  n'est  pas  le  même. 
Dans  une  première  série  d'expé- 
riences, il  mesure  de  la  sorte  la  cha- 
leur développée  lorsque,  par  des  con- 
tractions musculaires  périodiquement 
intermittentes,  un  poids  déterminé  est 
maintenu  en  équilibre  ou  bien  soulevé 
à  une  certaine  hauteur,  puis  aban- 
donné à  lui-même  pour  être  ensuite 
soulevé  de  nouveau.  L'élévation  de  la 
température  au-dessus  de  celle  obser- 
vée préalablement  quand  le  bras  était 
en  repos,  a  presque  toujours  été  nota- 
blement plus  grande  dans  l'expérience 
statique,  c'est-à-dire  lors  du  maintien 
du  poids  en  équilibre,  que  dans  l'expé- 
rience dynamique,  c'est-à-dire  lors  du 
travail  mécanique  effectué  pour  élever 
le  poids  un  certain  nombre  de  fois. 
Dans  un  cas,  la  différence  en  faveur 
de  l'état  statique  s'est  élevée  à  O^jSG, 
et  terme  moyen  elle  a  été  d'environ 
C°,1G.  Dans  une  seconde  série  d'expé- 
riences, M.  Béclard  compare  le  déve- 


loppement de  chaleur  observé  dans  le 
même  muscle  lorsque  le  mouvement 
effectué  avait  pour  effet  de  soutenir 
le  poids  d'une  manière  continue  sans 
l'élever,  ou  bien  de  l'élever  et  de 
l'abaisser  alternativement  en  le  soute- 
nant à  la  descente.  L'élévation  de  la 
température  fut  sensiblement  la  même 
dans  les  deux  circonstances,  et  l'auteur 
croit  pouvoir  rendre  compte  du  désac- 
cord apparent  entre  ce  résultat  et  le 
précédent,  en  supposant  que,  pendant 
le  mouvement  de  descente,  le  travail 
mécanique  négatif  du  muscle  contre- 
balance les  effets  du  travail  mécanique 
utile  produit  pendant  les  mouvements 
d'élévation.  Mais  ce  raisonnement  ne 
me  paraît  pas  juste,  car ,  lorsque  le 
bras  soutient  le  poids  pendant  la 
descente,  le  muscle  biceps  se  con- 
tracte aussi  bien  que  pendant  l'éléva- 
tion, seulement  l'effort  est  moindre. 
Quant  à  l'inégalité  observée  dans  la 
première  série  d'expériences,  lorsque 
la  contraction  musculaire  était  em- 
ployée, tantôt  pour  élever  le  poids, 
tantôt  pour  le  soutenir  seulement  ; 
avant  d'en  rien  conclure  touchant  la 
transformation  de  la  chaleur  en  force 
mécanique,  il  faudrait  peut-être  exa- 
miner d'une  manière  plus  approfondie 
toutes  les  circonstances  qui  accom- 
pagnent la  contraction  musculaire  à 
divers  degrés  d'intensité,  et  leur  in- 
fluence sur  la  production  de  chaleur. 


(rt)  J.  Béclard,  De  la  coniraction  musculaire  dans  ses  rapports  avec  la  température  animale 
(Archives  générales  de  médecine,  5"  série,  1861,  I.  XVII,  p.  21). 


PRODUCTION    DK    CHALEUR.  73 

11  est,  du  reste,  à  noter  que  la  coiitraclion  des  muselés  est 
accompagnée  d'une  augmentation  dans  le  travail  de  combus- 
tion dont  ces  organes  sont  le  siège  (1). 

§  11.  —  L'influence  que  le  contact  du  sang  avec  les  tissus     influence- 

,  do  l'étal 

exerce  sur  le  dégagement  de  la  chaleur  dans  leur  substance  est        de 

,    .  ,  ,  /    .  11  M  '         -,      1  ''^  circulation. 

mise  en  évidence  par  les  expériences  sur  l  élévation  de  la  tem- 
pérature des  organes  quand  la  quantité  de  tluide  nourricier  qui 
les  traverse  augaiente  (2),  ainsi  que  par  les  opérations  chirur- 
gicales, dans  lesquelles  on  a  vu  la  ligature  d'une  grosse  artère 
être  promptement  suivie  du  refroidissement  des  parties  aux- 
quelles ce  vaisseau  se  rend,  et  la  chaleur  se  relever  dans  celles-  ^ 
ci  lorsque  la  circulation  s'y  rétablissait.  J'ai  déjà  eu  l'occasion 
de  citer  les  expériences  dans  lesquelles,  en  déterminant  la  para- 
lysie des  nerfs  vaso-moteurs,  on  provoque  à  la  fois  dans  la 
région  correspondante  la  dilatation  des  canaux  sanguins  et  une 
augmentation  notable  de  la  température  (3).  Les  mêmes  effets 
sont  produits  par  des  causes  mécaniques  qui  déterminent  l'ac- 


(])  Lorsque  je  traiterai  de  la  con-  dont  les  uns  étaient  restés  en  repos, 
traction  musculaire,  j'exposerai  les  et  les  autres  avaient  été  mis  en  mou- 
faits  qui  prouvent  l'existence  d'une  vement  par  une  série  de  décharges 
combustion  locale  dans  le  tissu  des  électriques  (6). 
muscles,  et  je  me  bornerai  ici  à  ajou-  (2)  Ainsi,  dans  les  expériences  de 
ter  que  M.  Jlatteucci  a  constaté  une  MM.  Becquerel  et  Breschet  sur  la  cha- 
augmentation  dans  la  quantité  d'oxy-  leur  développée  dans  les  muscles,  il  a 
gène  absorbé  et  d'acide  carbonique  suffi  de  la  compression  de  l'artère  qui 
produit  de  la  sorte  lors  de  l'activité  se  rendait  à  l'organe  observé,  pour  que 
fonctionnelle  de  ces  organes  (a).  Pré-  l'appareil  thermométrique  accusât  im- 
céderament  M.  Helmholz  avait  dé-  médiatement  un  abaissement  de  tem- 
montré  le  même  fait  d'une  manière  pérature  (c). 

indirecte,  eu  comparant  la  quantité  de  (3)  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler 

matières  azotées  excrémenlitielles  con-  des  modifications  dans  la  production 

tenues  dans  des  muscles  de  Grenouilles,  de  la  chaleur  animale  qui  se  lient  évi- 

(a)  Mallcucci,  Sur  les  phénomènes  physiques  et  chimiques  de  la  contraction  musculaire  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1856,  t.  XLK,  p.  648). 

{b)  Holmliolz,  Ueber  dea  Stoffverbraiich  bel  der  Muskelaklioii  (Mûller's  Archiv  fur  Aaat.  und 
Fhysiol.,  1845,  p.  72). 

(c)  Becquerel  et  Brcschel,  Op.  cit.  {Archives  du  Muséum,  t.  1,  p.  403). 

vm.  6 


lli 


NUTRITION. 


ciimiilation  du  sang  dans  une  portion  du  système  capillaire  (1). 
Enlln,  dos  phénomènes  analogues  se  manilestent  dans  divers 
états  pathologiques  de  l'économie,  par  exemple  dans  les  cas 
d'inflammation  locale  (2),  et  l'iniluence  que  l'état  de  contrac- 
tion ou  de  dilatation  des  vaisseaux  capillaires  exerce  sur  le 
développement  local  de  la  chaleur,  nous  explique  comment  les 
causes  qui  modifient  indirectement  l'état  des  vaisseaux  sanguins 
peuvent  déterminer  aussi  des  changements  dans  la  température 
denos  organes.  Ainsi,  en  étudiant  la  circulation,  nous  avons 
vu  que  le  froid,  ainsi  que  beaucoup  d'agents  chimiques,  pro- 
voque la  contraction  des  petites  artères,  et  qu'une  contraction 
plus  ou  moins  persistante  de  ces  vaisseaux  est  toujours  suivie 
d'un  état  de  relâchement  qui  permet  l'entrée  d'une  quantité  de 
sang  plus  considérable  que  dans  l'état  ordinaire  (o).  Nous 
pouvons  donc  prévoir  que  les  applications  froides  sur  la  surface 
de  la  peau  doivent  tendre  d'abord  à  y  produire  un  abaisse- 
ment de  température,  non-seulement  à  raison  de  la  chaleur 


demment  aux  cliangeracnts  que  les 
actions  nerveuses  déterminent  dans 
l'état  physique  des  vaisseaux  sanguins 
(voyez  ci -dessus,  page  31). 

(1)  Pour  bien  démontrer  que,  dans 
les  expériences  où  l'augmentation  de 
la  chaleur  locale  a  suivi  la  section  des 
nerfs  moteurs  des  vaisseaux  de  l'o- 
reille du  Lapin  (a),  ce  phénomène  est 
dû  à  la  paralysie  de  ces  vaisseaux  et 
à  l'accumulation  du  sang  dans  la  par- 
tie qui  s'échauffe,  IM.  Brown-Séquard 
a  déterminé  la  congestion  du  sang 
dans  les  mêmes  parties  en  tenant 
l'Animal  suspendu  par  les  pattes  pos- 


térieures, de  façon  à  gêner  le  retour 
de  ce  liquide  vers  le  tronc,  et  il  a  fait 
voir  que  la  température  des  oreilles 
s'élève  alors  presque  autant  qu'à  la 
suite  de  la  section  des  nerfs  en  ques- 
tion (6). 

(2)  Les  parties  qui  sont  le  siège 
d'une  inflammation  ne  présentent  pas 
une  élévation  de  température  aussi 
grande  qu'on  Je  supposerait  d'après 
la  sensation  de  chaleur  que  le  malade 
y  éprouve  ;  mais  cette  élévation  est 
souvent  fort  notable. 

(3)  Voyez  tome  IV,  page  208  et  sui- 
vantes. 


(a)  Voyczci-dessiis,  page  31. 

(6)  Brown-Séquard,  Expériences  proiwant  qu'un^  simple  afinx  de  sang  à  la  têU  peut  être 
Suivi  d'efl'ets  semblables  à  ceux  de  la  section  du  nerf  grand  sympathuiue  (lu  cou  (Comptes  renditS 
de  l'Acad.  des  sciences,  1854,  t.  XXXVIII,  p.  117). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  75 

qu'elles  enlèvent,  mais  aussi  en  ralentissant  la  eireulation  dans 
la  partie  refroidie  ;  et  que  ce  relroidissement  doit  être  suivi 
d'un  effet  contraire,  par  cela  seul  que  les  vaisseaux,  après  s'être 
contractés,  se  dilateront,  et  admettront  par  conséquent  dans 
leur  intérieur  une  quantité  plus  considérable  de  sang.  L'expé- 
rience nous  montre  que  cette  réaction  se  manifeste  toujours 
avec  plus  ou  moins  d'énergie.  Je  ne  prétends  pas  qu'elle  résulte 
seulement  des  circonstances  dont  je  viens  de  parler  et  qu'elle 
ne  dépende  pas  en  grande  partie  de  l'état  du  système  nerveux  ; 
mais  il  me  paraît  indubitable  que  les  variations  dans  le  calibre 
des  petits  vaisseaux  sanguins  contribuent  beaucoup  à  la  faire 
naître  (1).  Des  considérations  du  même  ordre  nous  permettent 
aussi  de  concevoir  comment,  parfois,  il  puisse  y  avoir  désaccord 


{])  Dans  ces  derniers  temps,  à  Toc-  une  élévation  de  température  qui  dure 

casion   des    questions   soulevées  par  assez  longtemps  et  qui  n'est  pas  suivie 

l'emploi  thérapeutique  des  affusions  d'un  nouveau  refroidissement,  comme 

froides ,  les  patliologistes  et  les  phy-  dans  le  cas  où  l'action  du  froid  exté- 

siologistes  ont  fait  beaucoup  d'obser-  rieur  est  persistante, 

valions  et  d'expériences  sur  l'action  Dernièrement ,  M.  Lieberraeister  a 

que  le   froid  exerce  sur  l'économie  cherché  à  évaluer  par  des  procédés 

animale  (a).  Le  premier  effet  est  tou-  calorimétriques  l'augmentation  que  les 

jours    un    refroidissement    plus    ou  douches  ou  autres  applications  froides 

moins  marqué  ,  mais  bientôt   après  provoquent  de  la  sorte  dans  le  dévc- 

une  réaction  se  manifeste,  la  tempe-  loppement  de  la  chaleur  animale,  et  il 

rature  du  corps  s'élève  ;  et  si  le  déve-  estime  qu'elle  peut  être  parfois  égale 

oppement  de  chaleur  est  favorisé  par  à  quatre  ou  même  six  fois  la  produc- 

l'exercice  musculaire,   il  en  résulte  tion  normale  (6). 


(a)  Hei'piiij  Recherches  sur  les  bains  de  rivière  à  basse  température  {Gazette  médicale,  1842, 
p.  253). 

—  Latour,  Du  mode  d'action  de  la  médication  réfrigérante  appliquée  sur  toute  la  surface 
du  corps  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences^  184G,  t.  XXIIf,  p.  99). 

—  Hoppo,  Ueher  den  Einflziss  des  Wârmeverlustes  auf  die  Eigentemperatur  luarmblûtiger 
Thiere  {Archiv  fur  pathol.  Anat.  und  PhysioL,  t.  XI,  p.  453). 

—  Hogspilil,  De  friijoris  efjicacitale  physiologica  (dissert,  inaug.).  Leipzig,  i8.57. 

—  Bcnce  Jor.es  et  Dickinson,  Recherches  sur  l'effet  produit  sur  la  circulation  par  l'application 
prolongée  de  l'eau  froide  à  la  surface  du  corps  humain  {Journal  de  physiologie,  1858,  t.  I, 
p.  72). 

—  Tholozan  et  Brown-Séquard,  Recherches  expérimentales  sur  quelques-uns  des  effets  du  froid 
sur  l'Homme  {Journal  de  physiologie,  1858,t.  I,  p.  497). 

(6)  Liebermeister,  Physiologische  Untersuchungen  ûber  die  quantilatlven  Verdnderungen  der 
Wdrmproduction  {Archiv  fïir  AnaA.  und  PhysioL,  1860,  p.  520). 


76  NUTRITION. 

entre  In  marche  du  travail  respiratoire  général  el  le  développe- 
ment de  la  chaleur  dans  les  parties  superficielles  de  l'organisme, 
ainsi  que  cela  a  été  constaté  dans  certains  cas  pathologiques , 
par  exemple  chez  les  personnes  qui,  après  avoir  traversé  la 
période  algide  du  choléra,  sont  sur  le  point  de  mourir  (1). 

La  richesse  du  sang  influe  sur  le  développement  de  la  cha- 
leur animale,  aussi  bien  que  la  quantité  de  ce  liquide  qui  baigne 
les  tissus  vivants.  C'est  en  raison  de  ces  deux  circonstances  que 


(1)  Dans  la  période  algide  du  cho- 
léra, la  consommation  d'oxygène  et  la 
production  d'acide  carbonique  sont 
réduites  des  deux  cinquièmes  environ, 
et  la  température  du  corps  mesurée 
dans  le  creux  de  Faisselle  n'est  que 
d'environ  33  degrés  ou  'ùli  degrés; 
mais  ÎM.  Doyère  a  constaté  que  quel- 
ques heures  avant  la  mort,  le  malade 
se  réchauffe  d'une  manière  très  remar- 
quable. La  température  du  corps  s'élève 
alors  à  38  degrés,  o9  degrés  ou  même 
davantage  :  ainsi,  dans  un  cas,  le 
thermomètre  marqua,  au  moment  de 
la  mort,  /j2°,l,  et  la  chaleur  persista 
assez  longtemps  chez  le  cadavre  («). 
Des  phénomènes  analogues  ont  été 
observés  dans  quelques  autres  cas 
pathologiques ,  ainsi  que  dans  des 
expériences  de  vivisections  pratiquées 
sur  le  cervelet  (6),  et  ne  me  paraissent 
pouvoir  être  rapportés  qu'à  la  cessa- 
tion de  rinflucnce  des  nerfs  vaso- 
moteurs  sur  la  portion  périphérique 
du  système  capillaire. 


Dans  plusieurs  circonstances  ,  les 
médecins  ont  cru  remarquer  que  le 
cadavre  se  réchauffait  notablement 
après  la  mort  {h).  Il  est  probable 
qu'en  général  ce  phénomène  s'était 
réellement  produit  pendant  les  der- 
niers instants  de  la  vie  ;  mais  on  con- 
çoit cependant  la  possibihté  d'un  ac- 
croissement réel  dans  la  température 
des  parties  superlicielles  de  l'organisme 
après  que  le  moribond  a  rendu  le 
dernier  soupir,  si  durant  l'agonie  les 
vaisseaux  capillaires  avaient  été  con- 
tractés au  point  d'y  empêcher  l'arri- 
vée du  sang,  et  si  au  moment  de  la 
mort. ils  se  sont  relâchés  ;  car  la  pro- 
duction d'acide  carbonique  aux  dépens 
de  la  substance  des  tissus  organiques 
continue  après  la  mort  (cl) ,  et  par 
conséquent  l'arrivée  du  sang  chargé 
d'oxygène  dans  les  parties  dont  ce 
liquide  avait  été  exilé  pourrait  être 
suivie  de  phénomènes  de  combus- 
tion dont  résulterait  une  élévation  de 
température. 


{a)  Dojèrc,  Mémoire  siir  la  respiralion  el  la  chaleur  animale  dans  le  cholà'a  {Moniteur  des 
hôpitaux,  1834,  t.  II,  p.  97J. 

(6)  ICriraer,  PUysiologische  Unlers'ichungen,  p,  158,  {13,  cic. 

(c)  J.  Davy,  Observ.  on  the  Température  of  the  Hiunan  Bodij  afler  Death  (Researches  Anato- 
micid  and  l'Iiysiological,  I.  I,  p.  2-28). 

—  Dowler,  liesearches  on  post  mortem  Contractilitij  (voyez  Brown-Séquard,  Journal  de  phy- 
siologie, 1860,  t.  I,  p.  375).      ' 

[d]  G.  Liebi^,  Expériences  sur  la  respiration  {Anii.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1850,  t.  XIV, 
p.  321). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  77 

les  saignées  abondantes  tendent  à  produire  un  abaissement 
dans  la  température  du  corps,  et  l'on  sait,  par  les  recher- 
ches de  MM.  Prévost  et  Dumas,  que  chez  les  divers  Animaux 
il  existe  des  rapports  remarquables  entre  la  grandeur  de  la 
faculté  productrice  de  la  chaleur  et  la  proportion  des  globules 
organisés  qui  sont  charriés  par  le  iluide  nourricier  (1). 

§  12.  —  L'influence  du  système  nerveux  sur  le  développe- 
ment de  la  chaleur  animale  a  été  rendue  indubitable  par  les 
expériences  de  Brodie,  de  Chossat  et  de  quelques  autres  phy- 
siologistes. Je  suis  loin  d'admettre  toutes  les  conclusions  que 
ces  auteurs  ont  tirées  des  faits  dont  ils  parlent  ;  mais  ces  faits 
n'en  ont  pas  moins,  à  mon  avis,  une  importance  considérable. 

Ainsi  Brodie  a  constaté  que  la  décapitation  est  suivie  d'un 
refroidissement  très  rapide  du  corps,  lors  môme  que  les  vais- 
seaux sanguins  du  cou  ont  été  préalablement  liés  pour  empêcher 
l'hémorrhagie,  et  que  la  vie  est  entretenue  dans  le  tronc  au 
moyen  de  la  respiration  artificielle  ("i).  On  voit,  par  les  expé- 
riences de  Legallois,  que  dans  ces  dernières  circonstances  le 
refroidissement  n'est  pas  aussi  rapide  que  chez  le  cadavre  (3), 


Influenco 

du  sysièrao 

nerveux. 


(1)  Les  Oiseaux  sont  de  tous  les 
Animaux  ceux  dont  la  température 
est  la  plus  élevée;  et  ABI.  Dumas  et 
Prévost  ont  trouvé  qu'ils  ont  le  sang 
plus  chargé  de  globules  que  celui  des 
autres  Animaux.  Sous  le  rapport  de 
la  faculté  productrice  de  la  chaleur, 
de  même  que  sous  celui  de  la  richesse 
du  sang,  les  Mammifères  occupent  !e 
second  rang,  et  ciiez  les  Vertébrés  à 
sang  froid  la  proportion  des  matières 
solides  contenues  dans  ce  licjuide  n'est 


en  général  que  d'environ  {-  ou  \  de 
celle  que  nous  offrent  les  Oiseaux  (a). 

(2)  Ce  physiologiste  constata  aussi 
que  la  section  de  la  moelle  allongée 
produit  le  même  effet  sur  le  dévelop- 
pement de  la  chaleur  animale  (b). 

(3)  Dans  les  expériences  de  Brodie, 
le  refroidissement  du  corps  après  la 
section  de  la  moelle  allongée  avait  été 
plus  rapide  chez  les  individus  où  la  vie 
avait  été  enli-etenue  au  moyen  de  la 
respiration  artificielle  que  chez  ceux  où 


(a)  Prévost  et  Dumas,  Examen  du  sang  et  de  son  action  dans  les  divers  phénomènes  de  la  vie 
{Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1R25,  t.  XXUI,  p.  04). 

(b)  B.  Brodie,  The  Croonian  Lecture  on  some  Plnjsiological  Researches  respecting  ihe  Influence 
ofUie  Brain  on  the  Action  of  the  Ileart  and  on  the  Génération  of  Animal  Hcat  {l'htlos.  Trans., 
18H,  cl  Physiological  Researches,  1851,  p,  1). 


78 


NUTRITION. 


et  que  l'air  qui  traverse  les  poumons,  tout  en  enlevant  à  l'or- 
ganisme beaucoup  de  chaleur,  continue  à  entretenir  la  com- 
bustion physiologique  ;  mais  cette  combustion  est  fort  réduite, 
et,  suivant  toute  probabilité,  le  grand  affaiblissement  de  la 
/acuité  productrice  de  la  chaleur  qui  est  déterminé  par  la 
lésion  du  système  nerveux,  dépend  principalement  de  la  dimi- 
nution que  cette  lésion  amène  dans  le  degré  d'activité  du  tra- 
vail chimique  d'oxydation  dont  l'organisme  est  le  siège  (1). 
Diverses  substances  toxiques  qui  exercent  sur  le  cerveau 


la  mort  avait  suivi  immédiatement 
cette  lésion  ;  mais  Legallois  obtint  des 
résultats  opposés.  11  trouva  que  la  tem- 
pérature des  cadavres  s'abaissait  plus 
rapidement  que  celle  de  l'Animal  dont 
la  respiration  était  entretenue  artificiel- 
lement après  la  décapitation  ou  la  sec- 
tion de  la  moelle  allongée  (a).  Le  dés- 
accord était  probablement  dû  à  la 
manière  dont  l'expérience  avait  été 
faite;  car  Wilson  Philip  a  remarqué 
que  le  refroidissement,  tout  en  étant 
retardé  par  le  renouvellement  lent  de 
l'air  dans  les  poumons  d'un  Animal 
soumis  à  ce  genre  d'expériences,  est 
accéléré  lorsque  la  respiration  artifi- 
cielle est  rendue  très  rapide,  de  façon 
à  faire  passer  dans  les  poumons  une 
quantité  d'air  qui  dépasse  de  beaucoup 
celle  nécessaire  à  l'entretien  de  la  vie, 
et  Brodie  adopta  cette  manière  de 
voir  (b). 

Les  expériences  de  Chossat  montrent 
aussi  que  lorsque  l'action  du  cerveau 
a  été  arrêtée  par  l'effet  d'une  section 
verticale  de  cet  organe  pratiquée  au- 
devant  de  la  protubérance  annulaire,  les 


mouvements  respiratoires  continuent, 
mais  que  le  refroidissement  du  corps 
n'en  marche  pas  moins  très  rapidement, 
sans  être  cependant  aussi  prompt  que 
dans  le  cadavre.  La  mort  est  arrivée 
douze  heures  après  l'opération,  et  la 
température  du  corps  était  alors  des- 
cendue à  2li  degrés.  Chez  un  autre 
Chien  tué  par  la  section  de  la  moelle 
allongée  et  abandonné  à  lui-même  dans 
les  mêmes  circonstances,  la  tempé- 
rature était  tombée  à  23°, 9  en  onze 
heures  (c). 

Au  sujet  de  l'influence  du  cerveau 
sur  le  développement  de  la  chaleur,  je 
citerai  aussi  une  des  expériences  de 
JVIM.  Becquerel  et  Breschet.  Ayant  in- 
troduit l'une  des  Soudures  de  leur  appa- 
reil thermométrique  dans  la  substance 
du  cerveau  d'un  Chien,  ils  constatèrent 
une  température  de  38°, '25  ;  mais  pres- 
que aussitôt,  par  l'effet  de  la  lésion  de 
cet  organe,  cette  température  baissa  de 
plusieurs  degrés,  et  quelques  minutes 
après  l'Animal  mourut  [d). 

(1)  Brodie  avait  cherché  à  détermi- 
ner comparativement  la  quantité  d'air 


(a)  Legallois,  Premier  Mémoire  sur  la  chaleur  des  Animaux  qu'on  entretient  vivants  par 
l'insufflation  pulmoiiaire,  1812  {Œuvres,  t.  II,  p.  1). 

(6)  Wilson  Philip,  An  Expérimental  Inquiry  into  ihe  Laws  of  the  Vital  Functions,  1826, 
p.  180. 

(c)  Chossat,  Influence  du  système  nerveux  sur  la  chaleur  animale,  thèse.  Paris,  1820,  p.  14. 

{d}  Becquerel  et  Breschet,  Op.  cil,  {Archives  du  Muséum,  1. 1,  p.  402). 


PRODUCTION    DR    CHALEUR. 


79 


une  action  narcotique,  déterminent  anssi  une  grande  diminu- 
tion dans  la  produclion  de  la  chaleur  animale.  Ainsi,  dans  les 
expériences  faites  par  Brodie  sur  les  efCots  de  l'empoisonne- 
ment par  l'essence  d'amandes  arnères,  le  refroidissement  du 
corps  accompagna  la  perte  de  la  sensibilité  et  fut  non  moins 
rapide  que  chez  les  Animaux  dont  le  cerveau  avait  été  dé- 
truit (1).  Chossat  a  constaté  aussi  un  grand  abaissement  dans 
la  température  du  corps  des  Animaux  narcotisés  par  l'o- 
pium (2);  des  phénomènes  du  môme  ordre  ont  été  observés 
par  MM.  Duméril  et  Demarquay  chez  des  Animaux  plongés 
dans  un  état  d'insensibihté  par  l'action  de  l'éther  ou  du  chloro- 
forme (3),  et  dans  certains  cas  d'empoisonnement  la  mort  est 


consommé  dans  les  circonstances  ordi- 
naires et  chez  un  Animal  dont  la  vie 
est  entretenue  par  la  respiration  artifi- 
cielle, et  il  n'avait  aperçu  aucune  dif- 
férence ;  d'où  il  conclut  que  la  pro- 
duction de  la  clialem"  ne  pouvait  être 
attribuée  à  la  combustion  physiologi- 
que (a).  Legallois reprit  ce  sujet,  et  ar- 
riva à  des  résultats  opposés.  Il  constata 
que  toujours  chez  les  Animaux  qui  se 
refroidissent,  soit  par  suite  d'une  lésion 
du  système  nerveux,  soit  par  l'effet 
d'une  gêne  dans  les  mouvements  res- 
piratoires, il  y  a  une  diminution  notable 
dans  la  consommation  d'oxygène  (6). 
(l)  Brodie  assure  que  les  effets  de 
ce  poison  sur  la  production  de  la  cha- 
leur sont  non  moins  marqués  que  ceux 
déterminés  par  la  décapitation,  mais 
il  ne  donne  pas  les  observations  ther- 
mométriques sur  lesquelles  cette  con- 
clusion est  fondée  (c). 


(2)  Chossat,  ayant  injecté  une  for;e 
dose  d'opium  dans  les  veines  d'un 
Chien,  constata  un  abaissement  graduel 
de  la  chaleur  jusqu'au  moment  de  la 
mort.  Au  début  de  l'expérience,  la  tem- 
pérature étaitde39",8.  Une heureaprès 
elle  était  descendue  à  86°, G,  et  au  bout 
de  trois  heures  elle  n'était  plus  que  de 
32°, 6  ;  vingt  heures  après  l'opération, 
elle  était  tombée  à  23°, 6,  et  quand 
l'Animalraonrut,  à  peu  près  vingt-deux 
heures  après  l'introduction  du  poison, 
elle  élait  de  22°,8  (cl). 

(3)  MM.  Auguste  Duméril  et  Demar- 
quay ont  constaté  que  l'éther  introduit 
dans  l'économie  sous  la  forme  de  va- 
peurs, soit  par  les  voies  respiratoires, 
soit  par  le  rectum,  détermine  un  grand 
abaissemcntde  la  températureducorps, 
lors  même  que  ces  vapeurs  ne  donnent 
pas  lieu  à  des  phénomènes  d'ivresse  ou 
d'insensibilité.  Dans  une  expérience  faite 


{n)  Brodie ,   Furiher  Experiments  and  Observations  on  the  Influence  of  the  Brain  on  the 
Gencralion  of  Animal  Heat  [Philos.  Trans.,  1812  ;  —  Physiol.  Researckes,  p.  17). 

(b)  Leg-allois,  Deuxième  et  troisième  Mémoire  sur  la  chaleur  animale  [Œuvres,  t.  lî,  p.  21 
et  siiiv.). 

(c)  IJrodie,  Furiher  Experiments  and  Observations  on  the  Inpiience  of  the  Brain  on  the  Gene- 
ralion  of  Animal  Heat  [Philos.  Trans.,  1812,  p.  205). 

(d)  Chossat,  Mémoire  sur  l'influence  du  sijstème  nerveux  sur  la  chaleur  animale,  p.  19. 


80  NUTRITION. 

la  conséquence  du  refroidissement  de  l'organisme  (1).  Enfin  on 
sait  depuis  longtemps,  par  l'observation  des  elïets  de  l'ivresse, 
que  chez  l'honune  l'alcool  diminue  la  puissance  calorifique. 

La  division  de  la  moelle  cpinière  dans  la  région  cervicale 
peut  produire  à  peu  près  les  mêmes  effets  que  la  destruction 


sur  un  Chien,  l'éthérisation,  prolongée 
pendant  trente-cinq  minutes,  a  fait 
baisser  la  température  de  2°, 20.  Chez 
un  autre  Chien,  le  refroidissement  dé- 
terminé par  l'administration  du  chlo- 
roforme a  été  même  de  Zi°,80  après 
une  heure  quarante  minutes  d'anes- 
thésie.  Mais  en  général  l'action  exer- 
cée de  la  sorte  sur  la  chaleur  animale 
est  moins  forte.  Chez  une  Poule,  l'é- 
thérisation a  fait  baisser  la  tempéra- 
ture de  2^,50  en  quinze  minutes,  et 
dans  un  autre  cas  le  refroidissement  a 
étéde3%60  en  quarante  minutes  (a). 
Dans  une  série  d'expériences  sur  les 
effets  de  l'empoisonnement  par  l'o- 
pium faites  par  Holland,  l'abaisse- 
ment de  la  chaleur  animale  ne  fut  pas 
aussi  considérable  (5). 

(1)  M.  Brown-Séquard  a  constaté 
que  l'action  mortelle  de  plusieurs  sub- 
stances toxiques  est  d'autant  plus 
grande,  que  les  Animaux  qui  y  sont 
soumis  sont  placés  dans  des  condi- 
tions moins  favorables  à  la  conserva- 
tion de  leur  chaleur  propre.  Ainsi, 
dans  divers  cas,  en  administrant  la 
même  dose  de  poison  à  deux  Ani- 
maux (Lapins  ou  Cochons  d'Inde)  aussi 
semblables  entre  eux   que   possible, 


mais  dont  l'un  était  placé  dans  une 
chambre  où  la  température  n'était 
que  de  8  à  10  degrés  centigrades , 
tandis  que  l'autre  était  placé  près 
d'un  feu,  dans  une  atmosphère  dont 
la  température  se  maintenait  entre 
24  et  30  degrés ,  cet  expérimen- 
tateur vit  ces  derniers  se  rétablir 
assez  facilement,  tandis  que  les  au- 
tres Animaux,  après  avoir  éprouvé  un 
refroidissement  notable  ,  périssaient 
au  bout  de  quelques  heures  ou  d'un 
à  deux  jours.  Les  substances  qui  agis- 
saient le  plus  fortement  sur  la  faculté 
productrice  de  la  chaleur  étaient  l'o- 
pium, l'acide  cyanhydrique,  le  cyanidc 
de  mercure,  la  jusquiame,  la  digitale, 
e  tabac,  l'euphorbe,  le  camphre,  l'al- 
cool, l'acide  oxalique  et  divers  acides 
minéraux  très  dilués.  Souvent  le  pre- 
mier effet  du  poison  sur  cette  fonction 
déterminait  une  augmentation  de  la 
chaleur  animale  ;  mais  ce  phénomène 
était  suivi  d'un  refroidissement  plus 
ou  moins  considérable,  surtout  quand 
l'action  toxique  n'était  pas  assez  in- 
tense pour  déterminer  la  mort  ra- 
pidement, et  que  l'Animal  pouvait 
y  résister  pendant  quatre  ou  cinq 
heures  (c). 


(a)  Aug.  Diiméril  et  Domartiiiay,  Ileeherches  expérimentales  sur  les  modificatims  imprimtUs 
à  la  température  animale  par  Véther  et  par  le  chloroforme  [Comptes  rendus  de  l'Acad.  des 
sciences,  1848,  l.  XXVI,  p.  171). 

(6)  HoU.iiiil,  Laws  nf  Organic  and  Animal  Life,  p.  255. 

(c)  Bi'owii-Séquard,  Recherches  sur  une  cause  de  mort  qui  existe  dans  un  grand  nombre 
d'empoisonnements  [Ga<ettc  méd.  de  Paris,  1849,  l.  IV,  p.  044  ;  —  Expcrimental  Researchcs, 
1853,  p.  20). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  81 

du  cerveau;  mais  lorsque  la  lésion  porte  sur  la  partie  dont 
naissent  les  nerfs  cervicaux  de  la  huitième  paire  et  les  nerfs 
thoraciques  des  deux  premières  paires,  il  en  résulte  une  élé- 
vation dans  la  température  de  la  tête  (1).  La  section  de  cette 
portion  du  système  nerveux  dans  des  points  plus  éloignés  de 
la  tête  est  suivie  d'un  certain  affaiblissement  dans  la  produc- 
tion de  chaleur  ;  mais  le  refroidissement  diminue  à  mesure 
que  la  lésion  est  située  plus  près  de  la  région  lombaire,  où 
elle  cesse  d'avoir  une  influence  bien  appréciable  sur  ce  phé- 
nomène. 

Nous  avons  vu  précédemment  que  la  destruction  des  gan- 
glions du  système  sympathique  dont  naissent  les  nerfs  vaso- 
moteurs  de  la  tête  et  des  membres,  est  suivie  d'une  grande 
augmentation  de  la  production  de  chaleur  dans  les  parties  cor- 
respondantes de  l'organisme  (2);  mais  je  ne  saurais  attribuer 
ce  phénomène  à  la  cessation  d'une  action  retardatrice  que  ces 
nerfs  exerceraient  dans  les  circonstances  ordinaires  sur  le  tra- 
vail calorifique,  et  je  n'y  vois  qu'une  conséquence  de  la  dilata- 
tion que  des  vaisseaux  sanguins  éprouvent  par  suite  de  la  para- 
lysie de  leurs  nerfs  moteurs  et  de  l'aftlux  considérable  de  sang 
qui  en  résulte. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  digne  de  remarque  que  toutes  les 
parties  du  système  sympathique  ne  paraissent  pas  jouer  un  rôle 
de  ce  genre.  En  effet,  Chossat  a  trouvé  que  la  desiruclion 


(1)  ai.  Budgc  a  constaté  que  chez  le  h  ou  5  degrés.  Il  en  conclut  que  Tac- 
Lapin  la  section  de  la  moelle  épinière  tion  exercée  sur  les  vaisseaux  de  la 
entre  la  dernière  vertèbre  cervicale  et  icle  par  le  grand  synip;ithique  cervical 
la  troisième  vertèbre  dorsale  est  sui-  a  son  point  de  départ  dans  la  portion 
vie  d'une  dilatation  des  artères  de  la  de  la  moelle  épinière  indiquée  ci- 
tête  et  d'une  augmentation  de  chaleur  dessus  (a), 
dans  les  oreilles,  qui  peut  s'élever  à  ('J)  Voyez  ci-dessiis,  page  31. 


(a)  BufJgc,  De  l'influence  de  la  moelle  épinière  sur  la  chaleur  de  la  tête  {Comptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences,  1853,  l.  XXXVI,  p.  377). 


82  NUTRITION. 

de  la  portion  du  système  ganglionnaire  qui  constitue  le  plexus 
semi -lunaire  est  suivie  d'un  anéantissement  si  complet  de  la 
production  de  la  chaleur,  que  le  corps  de  l'Animal  encore 
vivant  se  refroidit  aussi  rapidement  que  le  ferait  un  cadavre 
placé  dans  les  mêmes  circonstances  (1).  Ce  physiologiste 
obtint  le  même  résultat  en  liant  l'artère  aorte  thoracique, 
opération  qui  n'arrêta  pas  la  circulation  dans  la  tête  et  les 
membres  antérieurs,  mais  qui  empêcha  le  sang  d'arriver  dans 
l'abdomen,  où  se  trouvent  les  centres  nerveux  dont  il  vient 
d'être  question. 

11  est  aussi  à  noter  que  la  température  d'un  membre  para- 
lysé est  d'ordinaire  moins  élevée  que  celle  du  membre  cor- 
respondant qui  a  conservé  la  sensibilité  ainsi  que  le  mouvement, 
et  que  dans  quelques  cas  on  a  vu  le  développement  de  chaleur 
y  augmenter  notablement  sous  l'influence  de  l'excitation  déter- 
minée par  l'électricité  (2). 

§  io.  —  Faut-il  conclure  de  tous  ces  faits  que  la  production 
de  la  chaleur  est  indépendante  de  Taction  comburante  de  l'oxy- 
gène sur  l'organisme,  et  n'est  pas  une  conséquence  de  la  respi- 
ration? Non,  certes.  On  pouvait  le  supposer  quand  on  croyait 
que  la  combinaison  de  l'oxygène  de  l'air  avec  les  matières 
combustibles  fournies  par  l'économie  animale  avait  lieu  dans 


(1)  Dans  une  des  expériences  de  ce  sujet.  Chez  un  paralytique,  il  trouva 
genre,  Cliossat  vit  la  tenipéi'alure  du  que  dans  la  main  du  côté  sain  le 
Chigi  tomber  à  27°, 8  en  huit  heures,  thermomètre  marquait  33°, 3,  tandis 
et  dans  une  autre  expérience  la  tem-  que  dans  Ja  main  paralysée  la  tempé- 
pérature,  qui  était  Ù0°, 9  avant  Topera-  rature  n'était  que  de  21°, 67  avant 
tion,  descendit  à  2G  degrés  dans  l'es-  l'emploi  de  l'électricité  ;  mais  elle  s'y 
pace  de  dix  heures  («).  éleva  à  25  degrés  après  quelques  jours 

(2)  En  1819,  Earle  publia  quel-  de  traitement  par  cet  agent  exci- 
ques  observations  intéressantes  sur  ce  tant  (6). 


(a)  Cliossat,  Influence  du  système  nerveux  sur  la  chaleur  animale,  dièse,  1820,  p.  42. 
(6)  H.  EaHe,    Cases  and   Obsérvalions  illustrating  the  Influence  of  the  Nervous  System  in 
regulating  Animal  Heat  [I^Iedico-chirurgical  Transactions,  1819,  I.  VII,  p.  177). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  8S 

les  cellules  du  poumon  (1)  ;  mais  aujourd'hui  il  n'en  est  ])lus 
de  même.  Nous  savons  que  l'apiiareil  respiratoire  est  seule- 
ment la  voie  par  laquelle  le  principe  comburant  arrive  dans  le 
torrent  de  la  circulation,  et  que,  transporté  par  le  sang  dans 
la  profondeur  de  toutes  les  parties  du  corps,  l'oxygène  de  l'air 
s'unit  à  du  carbone  et  à  de  l'hydrogène  dans  le  système  capil- 
laire général  ou  dans  la  substance  des  tissus  où  ces  vaisseaux 
sont  répandus.  Par  conséquent,  pour  expHquer  la  diminution 
dans  le  développement  de  la  chaleur  qui  suit  les  diverses  lésions 
du  système  nerveux,  il  suffit  d'admettre  que,  d'une  manière 
directe  ou  indirecte,  la  combustion  physiologique  est  plus  ou 
moins  subordonnée  à  l'action  normale  du  système  nerveux, 
hypothèse  qui  n'est  en  désaccord  avec  aucun  fait  bien  avéré. 
Il  me  paraît  probable  que  l'influence  exercée  par  les  nerfs  sur 
l'état  de  contraction  ou  de  dilatation  des  capillaires  sanguins 
contribue  beaucoup  à  la  production  des  phénomènes  dont 
l'étude  vient  de  nous  occuper  (2);  mais  j'incline  à  croire  que 


(1)  Brodie  et  Chossat  ne  furent  pas  W.  Edwards  et  Gentil.  Ces  physiolo- 
les  seuls  à  attribuer  au  système  ner-  gistes  ont  trouvé  que  le  refroidisse- 
veux  le  pouvoir  de  développer  de  la  ment  considérable  de  Tune  des  mains 
chaleur  indépendamment  de  toute  ac-  produit  par  rinimersion  de  cette  partie 
tion  comburante  déterminée  par  la  dans  de  l'eau  glacée  est  accompagné 
respiration.  M.  de  la  Tiive  pensa  qu'on  d'un  abaissement  considérable  de  la 
pouvait  attribuer  ce  phénomène  au  température  de  l'autre  main  non 
passage  de  courants  électriques  dans  immergée  (6).  Au  premier  abord ,  on 
les  nerfs  (a)  ;  mais,  comme  nous  le  ver-  pourrait  attribuer  cet  effet  éloigné  à  un 
rons  par  la  suite,  l'existence  de  pareils  refroidissement  dans  la  masse  du  sang 
courants  n'a  pu  être  démontrée.  en  circulation  ;  niais  il  résulte  des  expé- 

(2)  Il  y  a  lieu  de  penser  qu'il  faut  riences  plus  récentes  de  MM.  Tholozan 
attribuer  à  l'action  du  système  nerveux  et  Brown-Séquard,  que  la  température 
sur  le  degré  de  contraction  des  vais-  delà  bouche  n'est  que  peu  modifiée  par 
seaux  capillaires  un  phénomène  fort  le  grand  refroidissement  de  la  main 
remarquable  qui  a  été  constaté  par  immergée  ;  en  sorte  que  le  changement 


(a)  De  la  Rive,  Observations  sjir  les  causes  présumées  de  la  chaleur  propre  des  Animaux 
{Blbliothèqtie  universelle  de  Genève,  1820,  t.  XV,  p.  40j. 

(6)  W.  Edwards,  Animal  Heat  (Todd's  Cyclop.  oj  Anat.  and  PlvjsioL,  t.  II,  p,  060). 


M  NUTRITION. 

l'action  nerveuse  contribue  à  déterminer  les  combinaisons 
chimiques  qui  s'effectuent  dans  l'intérieur  de  l'économie,  et 
qui  me  paraissent  être  indubitablement  la  principale  cause 
du  dégagement  de  chaleur  dont  toutes  les  parties  vivantes 
du  corps  de  l'Animal  sont  le  siège. 

Ainsi,  en  définitive,  c'est  toujours  à  l'introduction  de  l'oxy- 
gène dans  l'organisme  et  à  la  combinaison  de  ce  principe  avec 
les  matières  combustibles  fournies,  soit  par  le  sang,  soit  par  les 
tissus,  qu'il  faut  attribuer  la  production  de  la  chaleur  animale. 

Il  est  aussi  à  noter  que  le  ralentissement  du  travail  respira- 
toire suffit  pour  produire  une  diminution  plus  ou  moins  grande 
dans  la  production  de  chaleur.  Ainsi,  dans  les  expériences  de 
Legallois,  des  Lapins  maintenus  étendus  sur  le  dos  se  sont 
refroidis  de  2  ou  o  degrés  en  une  heure  et  demie,  et  Chossat 
a  obtenu  des  résultais  semblables  en  agissant  sur  des  Chiens  (1). 
Influence         ^  \  l\ .  —  L'aUmcntation  exerce  aussi  une  grande  infiuence 

de 

l'alimentation  g^p  ](.  développement  de  la  chaleur  dans  l'intérieur  de  l'éco- 

sur 

la  production  nomic  aniuialc.  ïïunter  a  constaté  que,  chez  les  Souris,  la  pri- 

de  ciialeur.  ^  ^       '  ' 

vation  d'aliments  est  bientôt  suivie  d'un  abaisseinent  notable 


dans  l'état  ihermomé trique  de  Taulre  était  beaucoup  plus  considérable,  mais 
main  paraît  devoir  dépendre  d'une  dans  ce  cas  le  phénomène  était  com- 
action  sympathique  exercée  par  le  plcxe,etrabaissementde  la  température 
système  nerveux  sur  les  vaisseaux  san-  devait  cire  atlribué  principalement  à 
guins  de  cette  dernière  partie,  et  d'une  rinsuflisance  normale  de  la  produc- 
diminution  dans  la  quantité  de  sang  tion  de  chaleur  dans  les  premiers 
en  circulation  dans  celle-ci  par  suite  temps  de  la  vie  {b) .  Dans  des  expé- 
de  la  contraction  de  ces  mêmes  vais-  riences  analogues  faites  par  Chossat 
seaux  (a).  sur  des  Chiens  adultes,  le  refroidissc- 
(1)  Dans  quelques-unes  des  expé-  ment  déterminé  par  la  fixation  du 
riences  de  Legallois,  faites  sur  des  La-  corps  dans  la  position  indiquée  ci- 
pins  très  jeunes,  le  refroidissement  qui  dessus  n'a  jamais  dépassé  notablement 
accompagne  cette  position  du  corps  o  degrés  centigrades  (c). 

(a)  Tlio!oz.in  et  Brown-Scquard,  Recherches  expérimentales  sur  quelques-uns  des  effets  du 
froid  sur  l'Homme  {Joiirnal  de  j)hysiolo(jie ,  1858,  t.  I,  p.  500). 

(b)  Legallois,  Mém.  sur  la  chaleur  des  Animaux  [Œuvres,  t.  II,  p.  i  i). 

(c)  Cliossat,  Op.  cit.,  p.  12. 


PRODUCTION    DE    CHALEUU.  85 

dans  la  température  du  eorps  et  d'une  diminution  dans  la  faculté 
de  résister  à  l'action  d'un  froid  intense  (1).  Plus  récemment, 
M.  Martins,  professeur  à  Montpellier,  a  fait  des  observations 
analogues  (2),  et  Chossat  a  mis  ce  fait  mieux  en  évidence 
par  ses  expériences  sur  les  effets  de  l'inanition.  Il  a  constaté 
que  chez  des  Animaux  privés  d'aliments  la  température  du 
corps  s'abaisse  nolablcment,  et  qu'aux  approches  de  la  mort 
elle  est  quelquefois  de  18  à  20  degrés  au-dessous  de  la 
température    normale    (5).    Je   rappellerai   aussi    que   chez 


(1)  Chez  une  Souris  vigoureuse  et 
iiicn  nourrie,  Iluntcr  ville  thcrmom&tre 
marquer  99  degrés  Fahrenheit  clans 
i'ahdoinen,près  du  diaphragme,  tandis 
que  chez  un  autre  individu  affaibli  par 
un  long  jeûne,  l'instrument,  placé  de 
même,  ne  marqua  que  97  degrés. 

Le  premier  de  ces  Animaux,  exposé 
pendant  une  heure  à  de  l'air  dont  la 
température  n'était  que  de  13  degrés 
Fahr,  ,  se  refroidit  intérieurement 
d'environ  18  degrés  Fahr.  Le  second, 
placé  dans  les  mêmes  circonstances, 
perdit  23  degrés  Fahr.  (a). 

Des  faits  du  même  ordre  ont  été 
notés  par  les  voyageurs  qui,  en  explo- 
rant les  régions  polaires,  se  sont  trou- 
vés exposés  à  des  froids  intenses  et 
n'avaient  souvent  qu'une  nourriture 
insuffisante.  Ainsi,  l'un  des  compa- 
gnons du  capitaine  Franklin,  étant 
réduit  à  un  état  de  grande  maigreur, 
souffrit  beaucoup  des  abaissements 
de  température  qu'il  aurait  sup- 
portés sans  gêne  dans  les  circonstances 


ordinaires ,  et  il  remarqua  que  les 
Hommes  avec  qui  il  se  trouvait  sup- 
portaient beaucoup  mieux  l'influence 
du  froid  de  la  nuit  quand  ils  avaient 
fait  un  bon  repas  que  lorsqu'ils  avaient 
passé  la  journée  à  jeun  (6).  Il  est 
aussi  à  noter  que  dan;^  des  expériences 
sur  l'alimentation,  M.  Hammond  con- 
stata un  abaissement  notable  de  la 
température  de  son  corps  après  avoir 
vécu  pendant  quatre  jours  de  gomme 
seulement  (c). 

(2)  M.  Martins  a  eu  l'occasion  d'ob- 
server aux  environs  deMontpelUer  deux 
troupeaux  de  canards  qui  vivaient  dans 
la  même  localité,  mais  dont  l'un  n'avait 
qu'une  nourriture  insuffisante,  tandis 
que  l'autre  recevait  journellement  des 
rations  abondantes  et  de  bonne  qua- 
lité. Chez  les  premiers  la  température 
moyenne  était  Zil", 177,  tandis  que  chez 
les  seconds  elle  s'élevait  à  Z|l°,978.  La 
différence  en  faveur  des  Canards  bien 
nourris  était  donc  de  0",8  [d). 

(3)  Dansunedes  séries  d'expériences 


(a)  Hunier,  Op.  cit.  {Œuvres,  t.  IV,  p.  218). 

(6)  J.  Franklin,  Narrative  of  aJouniey  to  the  shores  of  Ihe  Polar  Sea  in  1819,  1820,  1821 
and  182-2,  p.  424. 

(c)  Hammond,  Recherches  expérimentales  sur  la  valeur  nutritive  et  les  effets  physiologiques 
de  l'albumine,  etc.  {Journal  de  physiologie,  1858,  1. 1,  p.  417). 

{d)  Martins,  Mém.  sur  la  température  des  Oiseaux  palmipèdes  du  nord  de  l'Europe,  p.  IG 
(extrait  des  Mémoires  de  l'Acad.  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier,  185G,  t.  III). 


86  NUTRITION. 

les  Animaux  soumis  à  l'abstinence,  la  respiration  est  moins 
active  que  chez  ceux  qui  reçoivent  des  aliments  en  quantité 
suffisante.  J'ai  déjà  cité  les  expériences  faites  sur  ce  sujet  par 


faites  par  Cliossat,  douze  Pigeons,  donl 
la  température  normale  avait  été  déter- 
minée préalablement  par  une  longue 
série  d'observations,  furent  soumis  à 
une  privation  complète  d'aliments  et 
de  boissons,  jusqu'à  leur  mort,  qui 
arriva  entrele  sixième  etle  dix-huitième 
jour  de  l'abstinence.  Pendant  la  pre- 
mière période  de  l'expérience,  c'est-à- 
dire  jusqu'au  pénultième  jour  de  l'exis- 
tence de  chacun  de  ces  Animaux, 
l'abaissement  de  la  température  ne  fut 
que  peu  marqué  pendant  le  jour  : 
observée  à  midi,  elle  ne  dépassa  qu'un 
demi-degré,  mais  l'oscillation  journa- 
lière était  beaucoup  plus  grande  que 
dans  les  circonstances  ordinaires,  et 


le  refroidissement  nocturne  de  leur 
corps,  au  lieu  d'être  seulement  eu 
moyenne  de  0",7ù,  comme  dans  l'état 
normal,  fut  successivement  de  2°, 3, 
de  3", 2  et  de  A°,l.  Pendant  le  jour 
qui  précédail;  la  mort  ,  les  Pigeons 
tombaient  dans  un  état  de  stupeur  et 
donnaient  des  signes  d'une  grande  fai- 
blesse ;  la  température  s'abaissa  alors 
rapidement,  et  au  moment  de  la  mort 
elle  tomba  en  général  à  25  ou  30  de- 
grés ;  quelquefois  même  beaucoup 
plus  bas,  par  exemple  à  22  degrés  ou 
même  à  18°, 5.  La  marche  moyenne 
du  phénomène  est  représentée  par  les 
résultais  consignés  dans  le  tableau 
suivant  : 


Tempéialure  le  premier  jour  de  l'oxpcrieiice 

„        ,    ,  ,  ,  -,  I    (•Premier  tiers  du  temps.  . 

Température  entre  le  premier  et  le<\ ,,       .,       ,.        ,      ' 

,     ....        .  ,    ',,       ,  .  <  Deuxième  tiers  du  temps 

pénultième  lour  de  1  expérience.  <_,..,       ,.        ,    ,      ' 
'^                 ''  '^  Vlroisiemc  tiers  du  temps 

L'antépénultième  jour 

Le  pénultième  jour 

Au  moment  de  la  mort 


42,3 
42,0 
41,8 
4d,6 
41,4 
40,0 
20,0 


40,4 
39,6 
38,7 
37,9 
37,5 
36,7 


D'autres  séries  d'expériences  du 
même  genre  portèrent  sur  des  Tourte- 
relles, des  Poules,  une  Corneille  et  des 
Lapins  ;  toutes  donnèrent  des  résultats 
analogues,  et  pendant  le  dernier  jour 
de  la  vie  le  refroidissement  de  ces  Ani' 
maux  fut  en  moyenne  cent  trois  fois 


plus  rapide  que  pendant  chacun  des 
jours  précédents  (a). 

Des  expériences  faites  plus  récem- 
ment par  M.  Ch.  Martins  sur  les  effets 
de  l'abstinence  chez  les  Canards  ont 
confirmé  les  résultats  obtenus  par 
Chossat  (6). 


[a)  ChossQt)  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  Savants,  étrangers,  i.  VIII,  p.  545  et 
suiv.). 

(&)  MartitiS)  Op.  cit.  j  p.  1 0  (extrait  des  Mémoires  de  l'Acad.  des  sciences  et  lettres  de  Montpellier, 
1856,  t.  III). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  87 

M.  Boussingault,  ainsi  que  par  MM.  Bidder  el  Schmidl  (1),  et 
j'ajouterai  que  dans  les  recherches  de  MM.  Regnault  et  Reiset 
sur  la  respiration  des  Chiens,  on  voit  la  consommation  de 
l'oxygène  tomber  de  i'\\1h-  à  0°",902  par  l'effet  de  l'inani- 
tion (2). 

§  15.  —  Tout  ce  qui  tend  à  ralentir  le  mouvement  nutritif 
ou  à  affaiblir  l'organisme  d'une  manière  quelconque,  paraît 
tendre  aussi  à  diminuer  la  puissance  productive  de  la  chaleur 
animale,  et,  parmi  les  circonstances  qui  agissent  de  la  sorte, 
je  citerai  ici  l'action  prolongée  d'une  température  élevée.  Le 
premier  effet  de  la  chaleur  extérieure  sur  l'économie  est  une 
excitation  générale  et  une  augmentation  correspondante  dans 
la  faculté  de  développer  de  la  chaleur;  mais  quand  ce  stimu- 
lant devient  continu  et  agit  pendant  longtemps,  il  en  résulte 
un  affaiblissement  considérable,  et  l'organisme  perd  de  son 
aptitude  à  produire  de  la  chaleur.  Ainsi,  en  été,  l'Homme  et 
les  autres  Animaux  à  sang  chaud  résistent  moins  bien  à  l'ac- 
tion réfrigérante  d'un  milieu  dont  la  température  est  basse 
qu'ils  ne  le  font  en  hiver.  Ces  faits,  dont  la  connaissance  est 
indispensable  pour  l'intelligence  de  tout  ce  qui  louche  à  l'in- 
fluence des  saisons  ou  des  climats  sur  l'économie  animale,  ont 
été  parfaitement  établis  par  les  recherches  expérimentales  de 
mon  frère  William  Edwards.  Ce  physiologiste  habile  fit  voir 
que  les  Animaux  à  sang  chaud,  adultes,  exposés  au  contact  d'un 


(1)  Voyez  tome  II,  page  538.  MAI.  Regnault  et  Reiset  ont  trouvé 

(2)  Chez  un  Lapin  (espér.  D)  nourri  aussi  que  chez  une  Poule  la  consom- 
avec  des  carottes  ,  la  consommation  mation  d'oxygène  était  pour  un  même 
d'oxygène  était  par  heure  de  3s',590.  poids  de  matière  vivante  : 

Soumis  à  l'inanition,  le  même  Ani- 
mal n'absorbait  l'oxygène  que  dans  la         ^'^'^^  du  régime  ordinaire. 

proportion  de  2S%731  par  heure.  ^'°**  '°"'  l'influence  de  l'inanition  (a). 


(a)  Regnault  et  Reiset,  Recherches  chimiques  sur  la  respiration  des  Animaux  {Ann.  de  chimie 
et  de  physique,  3'  série,  t.  XXVI,  p.  414  et  415). 


Effets 

des  climats 

chauds. 


88  NUTRITION, 

air  froid,  conservent  beaucoup  mieux  leur  chaleur  propre  en 
hiver  qu'en  été  (1),  et,  ainsi  que  j'ai  eu  l'occasion  de  le  dire 
précédemment,  il  constata  aussi  que  pendant  la  saison  froide 
la  consommation  d'oxygène  par  la  respiration  est  beaucoup  plus 
grande  que  pendant  les  chaleurs  de  l'été. 
Influence  L'influcnce  des  climats  est  analogue  à  celle  des  saisons,  et  la 
'"bruTque's"^  faculté  dc  dévcloppcr  de  la  chaleur  est  moins  grande  chez  les 
laiempLturc  liabilants  des  régions  tropicales  que  chez  ceux  qui  vivent  dans 
les  pays  froids.  Mais  lorsqu'on  veut  se  rendre  bien  compte  des 
effets  produits  sur  les  uns  et  sur  les  autres  par  les  variations 
brusques  de  température,  il  faut  ne  pas  confondre  les  impres- 
sions déterminées  par  ces  variations  avec  les  modifications 
qu'elles  peuvent  amener  graduellement  dans  la  constitution  des 
individus.  La  sensation  de  chaleur  ou  de  froid  résulte  des  chan- 
gements subits  qui  ont  lieu  dans  la  production  de  la  chaleur 
animale  bien  plus  que  de  la  température  réelle  de  l'organisme, 
et  cela  nous  explique  comment  les  personnes  qui  ont  vécu 
longtemps  dans  un  climat  chaud  peuvent  être  pendant  quelque 
,  temps  moins  sensibles  à  l'impression  du  froid  que  ne  le  sont 
les  habitants  d'un  pays  où  la  température  est  d'ordinaire  très 
basse.  La  réaction  physiologique  que  celle  impression  pro- 
voque est  plus  intense  chez  les  faibles  producteurs  de  chaleur 
animale  que  chez  les  personnes  où  le  développement  normal 

(l)  Dans  une  de  ses  expériences  sur  espèce,  placés  dans  les  mêmes  condi- 

cc  sujet,  William  Edwards  plaça  dans  tions,  perdaient  en  une  heure  3°, 6,  et 

mi  vase  rempli  d'air  et  entouré  de  glace  à  la  fin  de  la  troisième  heure  la  tem- 

cinq  Moineaux  adultes.  Au  mois  de  fé-  pératm-e  de  leur  corps  était  descen- 

vrier,  l'abaissement  de  la  température  due,  terme  moyen ,  à  G  degrés  au- 

propre  de  ces  Animaux  fut,  au  bout  dessous  de  sa  température  initiale.  Au 

d'une  heure,  terme  moyen,  0°,^,  et  ne  mois  d'août,  dans  une  expérience  ana- 

dépassa  dans  aucun  cas  1  degré  ;  puis  logue,  le  même  auteur  constata  un 

leur  température   resta  stationnaire.  refroidissement  de  /i'',87  dans  l'espace 

En  juillet,  quatre  Oiseaux  de  la  même  de  trois  heures  (a). 

(a)  W.  Edwards,  De  rinfluencé  des  agents i^hysiqncs  svr  la  vie,  p.  1G3. 


PRODUCTION    DE    CHALEUR. 


89 


de  cette  chaleur  est  en  rapport  avec  les  causes  de  refroidisse- 
ment dont  elle  dépend,  et  il  en  résulte  pour  les  premiers  une 
sensation  de  chaleur  qui  n'est  pas  en  accord  avec  la  tempéra- 
ture réelle  de  leur  corps  ;  mais  cette  réaction  n'est  que  passa- 
gère, et  après  quelque  temps,  les  effets  du  froid  deviennent 
plus  grands  chez  les  premiers  que  chez  les  seconds  (1). 
§  16.  —  Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  il  n'est     influence 

^  de  divers  états 

pas  possible  d'expliquer  d'une  manière  satisfaisante  toutes  les  ratiioiogiques. 
variations  qui  peuvent  se  manifester  dans  la  production  de  la 
chaleur  animale  ou  dans  les  sensations  qui  s'y  rapportent. 
Ainsi,  dans  certains  états  pathologiques,  la  température  du 
corps  humain  s'élève  un  peu  au-dessus  du  degré  normal  (2), 
et  le  même  phénomène  peut  être  déterminé  par  l'action  de 
diverses  substances  toxiques ,   sans  qu'il  se  manifeste  dans 


(1)  On  a  souvent  remarqué  que  les  ha- 
bitants des  régions  tropicales  qui  vien- 
nent vivre  dans  nos  climats  sont  peu 
sensibles  au  froid  de  l'hiver  pendant 
la  première  année  de  leur  séjour  en 
Europe ,  tandis  que  plus  tard  ils  en 
souffrent  beaucoup,  et  W.  Edwards  a 
cherché  à  expliquer  cette  anomalie  ap- 
parente par  l'observation  de  ce  que  l'on 
éprouve  quand  une  partie  du  corps  est 
refroidie  brusquement,  comme  dans  le 
cas  où  la  main  a  été  plongée  pendant 
quelques  instants  dans  de  l'eau  glacée. 
La  température  de  la  main  s'abaisse, 
et  la  réaction  provoquée  de  la  sorte 
est  suivie  d'une  sensation  de  chaleur, 
bien  que  la  température  de  la  partie 
refroidie  soit  encore  notablement  au- 
dessous  du  degré  normal  (a).  Ces  re- 


marques sont  également  applicables 
aux  natifs  des  pays  septentrionaux,  qui 
souvent  se  montrent  plus  sensibles  à 
un  froid  léger  que  ne  le  sont  les  habi- 
tants des  climats  doux  (6),  car  ce  froid 
provoque  chez  ceux-ci  une  réaction 
qui  ne  se  produit  pas  chez  les  premiers, 
et  qui  détermine  une  sensation  de  cha- 
leur indépendante  de  l'état  thermomé- 
trique de  l'organisme. 

(2)  Dans  les  fièvres  dites  essentielles, 
ainsi  que  dans  celles  qui  sont  sympto- 
matiques  d'une  phlegmasie  ou  d'un 
exanthème ,  tel  que  la  rougeole ,  la 
scarlatine  et  la  variole,  la  température 
du  corps  s'élève  notablement,  et  atteint 
quelquefois  kO  degrés  ou  même  Zi2  de- 
grés. 11  est  à  remarquer  que  dans  les 
fièvres  algides  la  sensation  de  froid 


(a)  W.  Edwards,  De  l'influence  des  agents  physiques  sur  la  vie,  p.  485, 

(6)  Marlins,  Du  froid  thcnnomdtriquc,  et  de  ses  relations  avec  le  froid  physiologique  dans  les 

plaines  et  sur  les  montagnes,  p.  43  (extrait  des  Mémoires  de  l'Acad.  des  sciences  de  Montpellier, 

1859,  t.  IV). 

Vin.  7 


90  NUTRITION. 

l'ctat  de  la  circulation  on  de  la  respiration  aucun   change- 
ment appréciable  auquel  cette  circonstance  puisse  être  attri- 
buée. Mais  aucun  de  ces  faits  n'infirme  les  vues  théoriques 
que  j'ai 'présentées  dans  le  cours  de  cette  Leçon  touchant 
la  source  de  la  chaleur  animale,  et  il  est  probable  que  lors- 
qu'on les  aura  mieux  étudiés,  ils  rentreront  tous  dans  la  règle 
commune,  c'est-à-dire  qu'ils  se  montreront  comme  des  con- 
séquences de  la   manière  dont  la  combustion  des  matières 
organiques  s'effectue  dans  la  profondeur  de  toutes  les  parties 
de  l'organisme  sous  l'influence  de  l'oxygène  fourni  par  la  res- 
piration. 
Conséquence       Ccttc  combustion  physiologlquc ,  comme  nous  l'avons  vu, 
de  nSie   s'effectue  dans  toutes  les  parties  de  l'organisme,  mais  ne  pré- 
de'k'chaieîr  scntc  pas  pailout  le  même  degré  d'activité,  et  par  conséquent 
l'organisme.   Ic  modc  dc  distributiou  de  la  chaleur  dans  l'intérieur  de  l'éco- 
nomie animale  peut  jeter  quelque  lumière  sur  la  manière  dont 
le  travail  chimique  de  la  nutrition  est  réparti.  En  effet,  lors- 
qu'on examine  attentivement  les  différences  thermométriques 
qui  existent  dans  les  diverses  parties  du  corps  d'un  Mammifère 
ou  d'un  Oiseau,  on  ne  tarde  pas  à  reconnaître  que  ces  inégalités 

que  le  malade  ressent  coïncide  sou-  sur  les  variations  de  la  chaleur  ani- 

vent  avec   une   augmentation  de  la  maie  dans   diverses  maladies  ;   mais 

chaleur  thermométrique  de  son  corps.  ces  recherches  n'ont  jeté  que  peu  de 

Depuis  quelques  années,  les  patholo-  lumière  sur   l'histoire   physiologique 

gistes  ont  fait  beaucoup  d'observations  de  la  caloricité  (a). 

(a)  Gavarret,  Recherches  sti,r  la  température,  du  corps  dans  la  fièvre  intermittente  (l'Expé- 
rience, 1839,  t.  IV,  p.  22J. 

—  Roger,  De  la  température  des  enfants  à  l' état  physiologique  et  pathologique  {Archives  géné- 
rales de  médecine,  i°  série,  1844,  t.  V,  p.  467  ;  t.  VU,  p.  472  ;  t.  VIII,  p.  17;  t.  IX,  p.  263). 

—  \le\mho\tz, Thierischen  Wàrme  {Encyklopœd.  ]Yôrterbuch  der  medicinischen  Wissenschaften, 
1846,  t.  XXXV,  p,  523). 

—  G.  Zimmermann,  Uelur  die  Wechselfieberkranken  (Archiv  flir  Physiol.  HeilkundC)  1850, 
t.  IX,  p.  382). 

-'•  Monneret,  Traité  de  pathologie  générale,  t.  II,  p.  3  et  suiv. 

—  Joclimann,  Beobachtungen  iiber  die  Kôrperiudrme,  1853. 

—  Maurice,  Des  modifications  de  la  température  animale  dans  les  affections  fébrilÉs,  thêsEj 
Paiis,  1855. 

—  Micliacl,  Specialbeobachlungen  der  Korpertemperalur  im  inlermitlerenden  Fieber  (Archiv 
fur  physiol.  Heilkunde,  1856*  t.  XV,  p.  89). 


PRODUCTION    DE    CHALEUR.  91 

ne  peuvent  dépendre  uniquement  de  lu  facilité  plus  ou  moins 
grande  avec  laquelle  la  chaleur  animale  se  dissipe  au  dehors  dans 
les  divers  organes,  et  qu'elles  doivent  résulter,  en  partie,  de 
différences  locales  dans  le  degré  d'activité  du  travail  chimique 
qui  s'opère  dans  les  tissus  vivants,  et  qui  donne  lieu  au  déve- 
loppement de  cette  chaleur.  Mais  l'étude  de  la  température 
propre  des  diverses  parties  du  corps  est  moins  simple  qu'on 
ne  serait  porté  à  le  croire  au  premier  abord,  car  cette  tempé- 
rature est  subordonnée  à  celle  des  parties  d'où  vient  le  sang 
qui  les  traverse.  En  effet,  le  torrent  circulatoire  est  le  grand 
égalisaleur  de  la  température  intérieure  de  l'organisme,  en 
même  temps  qu'il  est  la  source  alimentatrice  de  la  combus- 
tion dont  l'évolution  de  la  chaleur  animale  est  une  consé- 
quence. Nos  connaissances  à  ce  sujet  ne  sont  encore  que  peu 
avancées  ;  mais,  d'après  les  recherches  de  M.  Cl.  Bernard, 
nous  voyons  que  le  foie  est  de  toutes  les  parties  celle  où  ce 
mouvement  moléculaire  paraît  être  le  plus  actif  (1). 

Pour  faire  un  pas  de  plus  dans  l'étude  de  la  production  de 


(1)  En  introduisant  dans  diverses 
artères  et  veines,  cliez  un  Animal  vi- 
vant,  de  très  petits  tliermomètres  fort 
sensibles,  M.  Cl.  Bernard  a  pu  con- 
stater ,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit , 
des  différences  remarcfuables  entre  la 
température  du  sang  qui  se  rend  du 
cœur  à  certaines  parties  de  l'organisme, 
ou  qui,  après  avoir  traversé  celles-ci, 
revient  vers  le  centre  de  l'appareil  cir- 
culatoire. Dans  les  points  où  le  sang 
revient  de  parties  exposées  à  des  causes 
de  refroidissement  considérable,  les 
membi'es,  par  exemple,  la  température 
du  sang  veineux  fut  trouvée  inférieure 
à  celle  du  sang  artériel  ;  mais  dans  les 
points  où  la  déperdition  de  la  chaleur 


animale  n'est  que  faible,  la  tempéra- 
ture du  courant  sanguin  fut  trouvée  au 
contraire  plus  élevée  après  son  passage 
dans  les  vaisseaux  capillaires  qu'avant 
son  arrivée  dans  la  profondeur  des 
tissus  vivants.  Cette  augmentation  de 
température  était  presque  toujours  très 
sensible  dans  le  sang  qui  avait  circulé 
dans  l'épaisseur  des  parois  du  tube 
digestif,  mais  devenait  encore  plus 
grande  après  le  passage  du  liquide 
dans  le  système  de  la  veine  porte  (a). 
Chez  des  Chiens  vigoureux,  M.  Claude 
Bernard  trouva  que  la  température 
du  sang  de  la  veine  hépatique  était 
souvent  de  Zil  degrés,  ou  même  da- 
vantage. Il  constata  aussi  que  la  sub- 


[a]  Voyez  ci-dessus,  page  33. 


92  NUTRITION. 

chaleur  chez  l'Homme  et  les  autres  Animaux,  nous  nous  trou- 
vons donc  conduit  à  chercher  quelles  sont  les  matières  com- 
bustibles qui  dans  la  profondeur  des  organes  vivants  se  com- 
binent avec  l'oxygène,  et  donnent  ainsi  lieu  à  cette  élévation 
de  température.  Sont -ce  les  matières  alimeniaires  puisées  au 
dehors,  et  charriées  par  le  sang,  qui  sont  brûlées  de  la  sorte 
dans  l'économie  animale?  est-ce  le  sang  lui-même  qui  fournit 
ces  combustibles,  ou  bien  proviennent-ils  de  la  substance  des 
tissus  vivants,  et  l'entretien  de  la  combustion  physiologique 
est-il  lié  à  la  destruction  de  la  matière  vivante?  Ce  sont  là  des 
questions  qui  touchent  à  la  nature  même  du  travail  nutritif, 
et  nous  chercherons  à  les  résoudre  dans  une  des  prochaines 
Leçons. 

stance  des  tissus  situés  profondément  trouvé  que  l'urine  de  l'Homme,   au 

est  en  général  plus  chaude  que  le  sang  moment  de  l'émission,  avait  une  tem- 

qui  en  part  (a).  pérature,  terme  moyen,  de  39°, 5,  et 

Il  est  probable  que  les  glandes  ré-  était  par  conséquent  notablement  plus 

nales  sont,  de  même  que  le  foie,  le  chaude  que  la  plupart  des  autres  par- 

siége  d'un  travail  calorifique  consi-  lies  du  corps  (6). 
dérable ,  car  M.  Brown-Séquard   a 

{a)  Brown -SéquartI,  On  the  Normal  Degree  of  the  Température  of  Man  {Expérimental 
hesearches,  p.  30). 

(&)  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  les  propriétés  physiologiques  et  les  altérations  pathologiques  des 
liquides  de  l'organisme,  1859,  t.  I,  p.  77  et  suiv.). 


SOIXANTE-HUITIÈME  LEÇON. 

Suite  de  l'étude  des  phénomènes  de  nutrition  et  de  leurs  conséquences.  —  Production 
de  lumière  dans  l'économie  animale,  —  Causes  de  la  phosphorescence  de  la 
mer. 


Production 

(le  lumière 

par 

les  Animaux. 


§  1 .  —  Le  dégagement  de  chaleur  dont  l'étude  vient  de  nous 
occuper  n'est  pas  le  seul  effet  physique  qui,  dans  certains  cas, 
puisse  résulter  de  la  combustion  respiratoire  déterminée  par 
l'oxygène  de  l'air  dans  l'intérieur  de  l'organisme  vivant,  et 
constituant,  comme  nous  venons  de  le  voir,  une  des  parties 
fondamentales  du  travail  de  nutrition.  C'est  à  des  actions  chi- 
miques du  même  ordre  que  paraît  devoir  être  attribuée  la  pro- 
duction de  lumière  qui  a  lieu  chez  quelques  Animaux,  et  par 
conséquent,  avant  de  passer  à  l'étude  de  questions  d'un  autre 
ordre ,  je  crois  devoir  dire  quelques  mots  de  ce  phénomène 
remarquable ,  au  sujet  duquel  je  serai  cependant  bref ,  parce 
que  nous  n'en  avons  qu'une  connaissance  fort  incomplète. 

On  désigne  communément  sous  le  nom  de  phosphorescence,   phosphores 

C6nC6 

la  lueur  plus  ou  moins  vive  dont  brille  le  corps  de  divers     dueàia 
Animaux,  soit  pendant  la  vie,  soit  après  la  mort,  lorsque  leur 
substance  se  putréfie.  Chez  les  Poissons,  les  altérations  cada- 
vériques sont  souvent  accompagnées  d'une  émission  de  lu- 
mière (1),  et  ce  phénomène  paraît  être  dû  à  la  formation  lente 


putréfaction. 


(1)  Ce  fait  n'avait  pas  échappé  à 
l'attention  de  Redi  (a),  et  le  physicien 
Canton  en  fit  l'objet  de  quelques  ex- 
périences intéressantes.  Il  a  constaté 
que  le  corps  de  divers  Poissons  récem- 
ment morts,  le  Merlan  et  le  Hareng, 


par  exemple,  devient  lumineux  après 
avoir  séjourné  pendant  quelques  heures 
dans  de  l'eau  de  mer,  et  communique 
sa  phosphorescence  à  ce  liquide.  L'é- 
mission de  lumière  avait  lieu  princi- 
palement à  la  surface,  au  contact  de 


[a]  F.  Redi,  De  Animalculis  vivis  quœ  in  corporibus  Animalium  idvorum  reperiuntur  observa- 
tiones  (Opusculorum  pnrs  lertia,  p.  4  5,  ôdit.  de  Costc,  1729). 


94  NUTRITION. 

de  petites  quantités  d'hydrogène  phosphore  qui  brûle  à  l'air, 
et  qui  résulte  de  la  décomposition  des  matières  organiques 
pho.sphorées  des  tissus  des  Animaux  par  de  l'hydrogène  nais- 
sant (1). 

Il  est  probable  que  le  dégagement  de  lumière  qui  a  souvent 
lieu  pendant  la  putréfaction  des  débris  organiques  de  beaucoup 
d'autres  Animaux  marins  est  déterminé  par  des  phénomènes 
de  combustion  du  même  ordre  (2),  et  que  parfois  la  phospho- 


l'air,  mais  des  traînées  brillantes  se 
manifestaient  partout  où  Ton  agitait  le 
liquide  avec  un  bâton.  Ces  phéno- 
mènes ne  furent  pas  déterminés  p3r 
la  macération  de  ces  cadavres  dans  de 
l'eau  douce,  mais  ils  se  sont  montrés 
avec  beaucoup  d'intensité  lorsque  le 
corps  d'un  Hareng  en  voie  de  décom- 
position fut  placé  dans  une  dissolu- 
tion de  sel  marin.  Dans  une  des  expé- 
riences de  Canton,  la  phosphores- 
cence obtenue  ainsi  par  la  putréfac- 
tion lente  d'un  Poisson  dans  de  l'eau 
de  mer  dura  pendant  toute  une  se- 
maine (a).  J'ai  souvent  remarqué  des 
phénomènes  analogues  en  observant 
des  cadavres  de  Méduses  et  d'autres 
Animaux  marins. 

(1)  M.  Mulder  a  publié  dernièrement 
des  expériences  intéressantes  sur  ce 
sujet,  et  il  a  fait  voir  que  les  phéno- 
mènes de  phosphorescence  en  ques- 
tion ne  dépendent  pas  de  l'existence 


de  phosphore  à  l'état  de  liberté  ;  ils 
sont  toujours  accompagnés  d'un  déga- 
gement abondant  d'ammoniaque,  et 
paraissent  être  dus  au  dégagement 
d'un  composé  d'hydrogène  phosphore 
qui,  au  contact  de  l'air,  brûlerait 
spontanément  (/>). 

(2)  Il  me  semble  probable  que  les 
points  lumineux  observés  par  Quoy  et 
Gaimard  à  la  surface  de  parties  ulcé- 
rées de  la  peau  du  dos  chez  une  Tor- 
tue de  mer  vivante  dont  on  avait  enlevé 
les  écailles,  dépendaient  de  quelque 
phénomène  chimique  du  même 
ordre  (c). 

Je  pense  aussi  qu'il  faut  attribuer 
à  une  cause  analogue  la  lumière  que 
l'urine  humaine,  la  sueur  et  d'autres 
sécrétions  répandent  dans  quelques 
cas  pathologiques  très  rares  (rf),  ainsi 
que  la  phosphorescence  de  l'urine  de 
quelques  Animaux,  tels  que  la  Moufette 
d'Amérique  (<?), 


(a)  J.  Canton,  Experimenis  to  prove  thaï  the  Luminousness  oflhe  Sea  avises  from  the  Putré- 
faction of  animal  Substances  (Philos.  Trans.,  1769,  t.  L!X,  p.  44C). 

(b)  Mulder,  Natilrlichcs  und  kilnslliches  Phosphovesciren  von  Fischen  {Archiv  fur  die  Hollàn- 
dischen  Beitrdge  zur  Nalur  und  Heilkunde,  ISGO,  t.  II,  p.  398). 

(c)  Quoy  et  Gaimurd,   Observations  sur  quelques  Mollusques  et  Zoophijtes  considérés  comme 
causes  de  la  phosphorescence  de  la  nier  {Ann.  des  scidnr.es  nat.,  1825,  t.  IV,  p.  8). 

(d)  Heinricli,  Die  Phosphorescent  der  Kurper,  p,  384. 

—  Driessen,  Dissert,  de  phosphuria  et  diabète  mcllito.  Gôllingcn,  1819,  p.  28. 

—  Treviraïuis,  Biologie,  t.  IV,  p.  604,  et  t.  V,  p.  384. 

—  Walson,  Case  of  Luminous  Breath(The  Lancet,  1845, 1. 1,  p.  11). 

(e)  Azara,  Essai  sur  l'histoire  naturelle  des  Quadrupèdes  du  Paraguay,  I.  I,  p.  213. 

—  Lann:sdorf,  Reise  um  die  ]Yelt,  1812,  t.  II,  p.  184. 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  95 

rescence  qui  se  fait  remarquer  sur  les  plages  sablonneuses 
baignées  par  la  mer,  dépend  de  la  présence  de  pareils  débris 
en  voie  de  décomposition  (1);  mais,  dans  l'état  actuel  de  la 
science,  nous  n'avons  pas  une  explication  aussi  satisfaisante  de 
la  phosphorescence  des  Animaux  vivants,  et,  bien  que  dans 
certains  cas  ce  phénomène  semble  être  une  conséquence  de  la   phosphores- 

ccncG 

combustion  de  matières  sécrétées  par  l'organisme  et  suscep-  r*ysioiogique. 
tibles  de  devenir  lumineuses  au  contact  de  l'oxygène,  il  est 
d'autres  circonstances  dans  lesquelles  les  choses  pourraient 
bien  ne  pas  se  passer  de  la  môme  manière.  Pour  étudier  fruc- 
tueusement les  causes  de  la  phosphorescence  des  Animaux,  il 
faut  donc  ne  pas  vouloir  généraliser  prématurément  les  résul- 
tats fournis  par  la  constatation  de  quelques  faits  particuliers,  et 
examiner  successivement  Ips  différents  cas  dans  lesquels  cette 
émission  de  lumière  a  heu. 

Quelques  Insectes  possèdent,  comme  chacun  le  sait,  à  un     insectes 

^  ^  lumineux. 

haut  degré  cette  faculté  singulière,  et  c'est  par  les  expériences 

dont  ils  ont  été  l'objet  qu'on  est  parvenu  à  entrevoir  la  nature 

de  ce  phénomène  remarquable.  Tels  sont  les  Lampyres  ou 

Vers  luisants,  ainsi  nommés  parce  que  la  phosphorescence  est  Lampyres,  etc. 

beaucoup  plus  intense  chez  la  femelle  que  chez  le  mâle,  et 

que  dans  l'espèce  qui  abonde  dans  nos  campagnes  la  première 


(  1  )  Quelques  auteurs  on  t  attribué  à  rames  (a) ,  ou  par  toute  autre  cause  ana- 

une  cause  analogue  la  phosphorescence  logue.  Mais,  ainsi  que  nous  le  verrons 

des  eaux  de  la  mer,  qui,  dans  certaines  bientôt,  cette  émission  de  lumière  dé- 

circonstanccs,  semblent  être  converties  pend  en  général,  sinon  toujours,  de  la 

en   une   nappe   de  feu  scintillant  et  présence  d'un  nombre  incalculable  d'a- 

s'illuminent  partout  où  leur  surface  nimalcules  plus  ou  moins  microsco- 

est  agitée  par  les  vagues,   par  le  pas-  piques  qui  vivent  dans  ce  hquide,  et 

sage  d'un  navire,  par   le   choc  des  qui  sont  eux-mêmes  phosphorescents. 


(a)  Canton,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1"G0,  t.  LIX,  p.  44G). 

—  Commerson,  Notes  inédites,  voyez  Losson,  art.  PiiospiioREîCEXCfc:  de  la  meix  (Dictionnaire 
des  sciences  naturelles,  t.  XI-,  p.  40). 

—  Becquerel,  Traité  de  l'hysique  considérée  dans  ses  rapports  avec  la  chimie  et  les  sciences 
naturelles,  1844,  t.  11,  p.  IRO. 


96  NUTRITION. 

reste  toujours  privée  d'ailes  et  ressemble  à  une  larve  v^rmi- 
forme.  Dans  le  midi  de  l'Europe  il  en  existe  une  autre  espèce 
du  même  genre,  dont  les  deux  sexes  sont  ailés  (1),  et  en 
voltigeant  dans  l'atmosphère,  ces  Insectes  produisent  pendant 
les  belles  nuits  de  Tété  une  illumination  mobile  d'un  effet 
charmant  (2)  ;  mais  ces  Coléoptères  sont  beaucoup  moins 
brillants  que  quelques  insectes  phosphorescents  qui  appar- 
tiennent à  la  famille  des  Taupins  ou  Élatères,  et  qui  habitent 
les  parties  tropicales  de  l'Amérique  ,  où  ils  sont  connus 
sous  le  nom  de  Cucujos  (3).  On  assure  que  la  lumière  émise 
par  ceux-ci  est  tellement  vive ,  que  non-seulement  elle  a  été 
souvent  utilisée  par  les  voyageurs  pour  s'éclairer  pendant  la 


(1)  Ces  Insectes  phosphorescents 
que  les  Italiens  appellent  des  Luccioîi, 
et  que  les  entomologistes  désignent 
sous  le  nom  de  Lampyris  italica, 
sont  le  Xaji.Ttupl;  dont  parle  Aris- 
tote ,  et  le  Cicindela  de  Pline.  L'es- 
pèce que  Ton  rencontre  dans  les  cam- 
pagnes des  environs  de  Paris,  ainsi 
qu'en  Angleterre  et  en  Suède,  est  le 
Lampyris  noctiluca  ;  et  il  existe  en 
Europe  deux  autres  espèces  du  même 
genre,  savoir  :  le  L.  splendidula, 
qui  est  commun  en  Allemagne,  et  le 
L.  heniiptera  qui  se  trouve  plus  au 
midi.  On  connaît  aussi  un  grand  nom- 
bre d'espèces  exotiques  du  genre  Lam- 
pijris  ou  des  autres  petits  groupes 
génériques  établis  par  les  entomolo- 
gistes aux  dépens  de  la  famille  des 
Lampyrides,    et  il  est  probable  que 


toutes  sont  plus  ou  moins  phospho- 
rescentes. Le  Lampyris  hemiptera  ne 
brille  que  d'un  éclat  très  faible  (a), 
mais  n'est  pas  privé  de  la  faculté  d'é- 
mettre de  la  lumière,  ainsi  que  quel- 
ques auteurs  l'avaient  supposé.  L'es- 
pèce qui  habite  la  Corse  paraît  être 
distincte  des  précédentes  et  a  reçu  le 
nom  de  Lampyris  bicarinata  (6). 

(2)  Dans  quelques  cas  très  rares  on 
a  vu  les  Vers  luisants  briller  jusqu'en 
hiver,  même  en  Allemagne  (c). 

(3)  Le  Taupin  cucujo,  ou  Elater 
noctihicus,  Lin.,  a  près  de  3  centi- 
mètres de  long  {d).  Ou  a  donné  le  nom 
cVElater  phosphorinus  à  une  autre 
espèce  du  même  genre  qui  brille  aussi 
dans  l'obscurité,  mais  qui  est  beau- 
coup moins  grande,  et  qui  se  trouve  à 
Cnyenne  (e). 


(a)  Helbeg,  Merkivurdige Beobachtung  von  Johanniswui'inchen  {Voigl's  Magasin  fur  den  neiies- 
ten  Zustand  der  Natwkunde,  1805,  t.  IX,  p.  1G6). 

{b}  Mulsant  et  Revcillèro,  Description  d'une  nouvelle  espèce  du  genre  Lampyris  {Ann.  de  la 
Société  linnéenne  deLyon,  2"  isdric,  1800,  t.  VI,  p.  146). 

(c)  P.  Mûllcr,  Beitr.  sur  Nalurgesch.  des  halbdekkigen  LeucMktifers  Lampyris  licmiplcra 
(lUiser's  jl/flflaiJM  fur  Insecktcnkuude,  1805,  I.  IV,  p.  175). 

(d)  Voyez  Olivier,  Entomologie,  Coléoptères,  i.  U,  ii°  31,  pi.  2,  fig.  ^^  a. 
le)  Idem,  ibid.,  fig'.  14  b. 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  97 

nuit,  mais  qu'elle  peut  suffire  pour  la  lecture  des  plus  petKs 
caractères  (1). 

Chez  tous  ces  Insectes,  la  production  de  lumière  paraît  être 
localisée  dans  quelques  parties  bien  circonscrites  de  l'orga- 
nisme (2).  La  position  de  ces  foyers  varie;  mais  en  général, 
sinon  toujours,  ils  occupent  le  tronc  (3),  Chez  les  Élatères,  ils 


(1)  Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet, 
je  renverrai  aux  ouvrages  généraux 
sur  l'entomologie  (a). 

(2)  Quelques  auteurs  pensent  que 
chez  les  grands  Élatérides  phospho- 
rescents de  l'Amérique  tropicale,  la 
production  de  lumière  a  réellement 
lieu  dans  toutes  les  parties  de  l'orga- 
nisme, et  qu'elle  est  seulement  mas- 
quée dans  la  majeure  partie  de  la 
surface  du  corps  par  l'opacité  des  té- 
guments (b).  Mais  M.  Lacordaire,  qui 
a  eu  l'occasion  d'étudier  ces  beaux 
Coléoptères  à  l'état  vivant ,  assure 
qu'il  n'en  est  pas  ainsi,  et  que  la  pro- 
duction de  lumière  est  circonscrite 
dans  trois  points,  dont  deux  occupent 
la  face  dorsale  du  prothorax  et  un  la 
partie  inférieure  et  postérieure  du 
mésothorax.  Quand  l'Insecte  est  au 
repos,  ce  dernier  foyer  n'est  pas  visi- 
ble, mais  pendant  le  vol  l'abdomen, 
s'écartant  un  peu  du  thorax,  laisse  à 
découvert  une  dépression  triangulaire 


qui  brille  d'un  éclat  assez  vif  (c).  Sui- 
vant Sloane  (d)  et  Lees  (e),  il  y  aurait 
aussi  émission  de  lumière  par  la  face 
dorsale  de  l'abdomen,  mais  ce  der- 
nier foyer  ne  deviendrait  visible  que 
quand  les  élytres  se  relèvent.  M.  Bur- 
meister  parle  aussi  de  la  phosphores- 
cence de  cette  partie  du  corps  (f)  ; 
mais  je  dois  ajouter  que  les  observa- 
tions de  M.  Lacordaire  sont  en  par- 
fait accord  avec  celles  faites  vers  le 
milieu  du  siècle  dernier,  par  Fouge- 
roux  (g). 

(3)  Les  exceptions  à  cette  règle  sont 
douteuses.  D'après  Afzelius,  le  Paussus 
sphœrocerus,  qui  habitelacôte  de  Gui- 
née, émettrait  une  faible  lueur  par  la 
massue  arrondie  qui  termine  ses  an- 
tennes (h). 

Suivant  Sibille  Mérian ,  le  grand 
prolongement  vésiculaire  qui  sur- 
monte la  tête  du  Fulgora  lanternaria 
d'Amérique  serait  très  phosphores- 
cent (^)  ;  mais  cette  assertion  a  été 


(a)  Kirby  and  Spence,  An  Introduction  to  Entomology,  1817,  t.  II,  p.  409. 
—  Lacordaire,  Introdiiction  à  l'entomologie,  t.  II,  p.  140. 

(b)  Brown,  Natural  Histonj  ofjumaica,  p.  432. 

(c)  Lacordaire,  Mémoire  sur  les  habitudes  des  Insectes  Coléoptères  de  l'Amérique  méridionale 
{Ann.  des  sciences  nat.,  t.  XX,  p.  24-1). 

(d)  Sloane,  A  Voyage  to  the  Islands  of  Madera,  Jamaica,  etc.,  1725,  t.  II,  p.  200. 

(e)  Voyez  Curlis,  An  Account  of  Elater  nocliluciis  (The  Zoological  Journal,  1828,  t.  III, 
p.  381). 

(f)  Burmeister,  Handbuch  der  Entomologie,  t.  I,  p.  535. 

(g)  Fougeroux,  Mém.  sur  un  Insecte  de  Cayenne  appelé  Maréchal,  et  sur  la  lumière  qu'il  donne 
(Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1766,  p.  341). 

[h]  Afzelius,  Observ.  on  the  genus  Paiissui?  [Trans.  of  the  Linnean  Society,  1798,  t.  IV, 
p.  201). 

(i)  Mérian  ,  Dissertation  sur  la  génération  et  les  métamorphoses  des  Insectes  de  Surinam, 
1726,  p.  49. 


98  NUTRITION. 

sont  logés  dans  le  thorax,  et  deux  d'entre  eux  correspondent 
à  une  paire  de  grandes  taches  ovalaires  situe'es  sur  la  face 
supérieure  du  premier  anneau  de  cette  région  du  corps  (i); 
mais  chez  les  Lampyres  ils  occupent  la  partie  inférieure  de 
l'abdomen  (2).  Leur  nombre  varie  suivant  les  sexes  aussi  bien 
que  suivant  les  espèces.  Chez  le  Lampyre  noctiluque  de  nos 
campagnes,  le  maie  ne  présente  qu'une  paire  de  points  faible- 
ment lumineux,  qui  occupent  le  pénultième  segment  abdo- 
minal. Chez  la  femelle,  les  trois  derniers  anneaux  du  corps 
brillent  d'un  éclat  très  vif  (3). 


révoquée  en  doute  par  plusieurs  voya-  tache  ocellée  qui  se  voit  sur  chacun 

geurs,   tels  que  le  célèbre  botaniste  des  élytres  d'un  Bupreste  de  l'Inde  (le 

Richard  (a),  Siebcr  (6;,  le  prince  de  B.   ocellata),  mais  son  opinion  était 

Neuwied  ,    Doubleday  et   M.  Lacor-  probablement  fondée  sur  quelque  ren- 

daire  (c).  Je    dois  ajouter  cependant  seignement  inexact, 

qu'un    voyageur   l)e]ge,    M.    Linden,  (1)  Sur  les  individus  desséchés  que 

assure  avoir  vu  un  de  ces   Insectes  l'on  voit  dans  les  collections  eniomo- 

briller  dans  l'obscurité  {d).  logiques,  ces  taches  sont  d'une  couleur 

Le    Fulgora     candelaria    de     la  jaunâtre  {g). 

Chine  (e)  et  le  Fulgora  pyrrhorhyn-  (2)  Suivant  M.  Maille,  la  totalité  du 

chus  de  l'Inde  sont  considérés  aussi  corps  serait  phosphorescente  chez  le 

par  quelques  auteurs  comme  ayant  la  Lampyre  noctiluque  pendant  que  cet 

tète  phosphorescente,  mais  cette  opi-  Insecte  est  à  l'état  de  nymphe  (/t),  mais 

nion  n'est  pas  suffisamment  fondée.  cela  me  paraît  peu  probable. 

Il  est  aussi  à  noter  que  Latreille  (f)  (3)  La  phosphorescence  existe  chez 

parle  de  la  phosphorescence   de   la  les  larves  des  Lampyres   aussi  bien 


(a)  Voyez  Olivier,  Observations  silt  le  genre  Fulgore  {Choix  de  mémoires  sur  divers  objets 
d'histoire  naturelle,  ou  Journal  d'histoire  naturelle,  par  Lamarck,  elc,  1792,  t.  I,  p.  31).  — 
Encyclopédie  méthodique  :  Histoire  naturelle  des  Insectes,  t.  VI,  p.  562. 

(b)  Voyez  HonmannscsTg-,  Ueber  das  Leuchten  derFiilgoren  {Mag.  der  Gesellsch.der  naturforsch. 
Freunde  %u  Berlin ,  1807,  t.  I,  p.  153). 

(c)  Maximilien  Priiis!  zu  Wiod  Neuwied',  Reise  nach  Brasilien,  1820,  t.  II,  p.  111. 
—  LacorJaire,  Introduction  à  l'entomologie,  t.  II,  p.  143. 

-— Dou))lc(iay,  c\c., Discussion  on  theLuminosityofl''a\gora  cmàelsiria [Entomological Magazine, 
1836,  1.  m,  p.  45  et  105). 

(i)  Weslmael,  Sur  la  phosphorescence  du  Fulgore  porte- lanterne  [l'Institut,  1837,  t.  V, 
p.  259). 

(e)  Voyez  Règne  animal  de  Cuvier,  2«  édit  ,  t.  IV,  p.  447. 

(/■)  Voyez  Cuvier,  Règne  animal,  t.  IV,  p.  447. 

(g)  Voyez  Olivier,  Observ.  sur  le  genre  Fulgore  (Choix  de  mémoires  sur  divers  objets  d'histoire 
naturelle,  ou  Journal  d'histoire  naturelle  par  Lamarck,  etc.,  1792,  t.  I,  p.  31). 

(h)  M***  (de  Rouen),  Note  sur  les  habitudes  naturelles  des  larves  de  Lampyre  {Ann.  des 
sciences  nat.,  1820,  t.  VH,  p.  355). 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  99 

Chez  tous  les  Insectes  où  les  points  phosphorescenls  ont  été 
l'objet  d'observations  anatonaiques  (1),  on  a  constaté  que  la 
lumière  émanait  d'un  tissu  pulpeux  et  jaunâtre  qui  se  trouve 
appliqué  contre  une  portion  transparente  du  squelette  tégu- 
nientaire,  et  qui  est  entremêlé  d'une  multitude  de  fdaments 
blanchâtres  constitués  par  des  ramifications  du  système  tra- 
chéen (2).  La  structure  de  ces  organes,  chez  le  Lampyre, 
a  été  étudiée  récemment  par  M.  Kôlliker  (3). 


que  chez  les  individusadultes,  mais  elle 
est  faible  chez  les  premières  (a).  Elle 
a  été  observée  même  dans  les  œufs  de 
ces  Insectes  (6). 

(1)  Parmi  les  naturalistes  qui,  dans 
ces  derniers  temps,  se  sont  occupés  de 
l'étude  anatomique  de  ces  organes,  je 
citerai  principalement  M.  Peters,  de 
Berlin,  M.  Fr.  Leydig  et  M.  Kôlli- 
ker (c). 

(2)  Treviranus  pensait  que  la  pro- 
duction de  lumière  n'était  localisée 
dans  aucun  organe  particulier,  et  avait 
son  siège  dans  le  tissu  graisseux  inter- 
viscéral {d),  mais  cette  opinion  n'est 
pas  fondée. 

(3)  Chez  le  Lampyre  italique,  l'ap- 
pareil phosphorescent  occupe  la  face 
inférieur  de  l'antépénultième  et  du 
pénultième  anneau  de  l'abdomen;  il 
est  séparé  de  l'intestin  par  une  pelote 


de  graisse  blanche,  et  consiste  en  une 
paire  d'amas  de  corpuscules  arrondis, 
jaunes,  fortement  serrés  les  uns  contre 
les  autres  et  entremêlés  de  nombreuses 
ramifications  de  tubes  aérifères. 

Un  naturaliste  italien.  Carrera,  avait 
cru  trouver  chez  ces  Insectes  un  sac 
aérien  particulier  qui,  en  partant  de 
la  tête,  se  serait  rendu  à  l'appareil  lu- 
mineux (e)  ;  mais  c'était  probablement 
le  tube  intestinal  qu'il  avait  sous  les 
yeux,  et  cet  organe  ne  communique 
pas  avec  le  foyer  phosphorescent  {f). 

Chez  le  Lampyris  splendidula  mâle, 
les  organes  phosphorescents  sont  éga- 
lement au  nombre  de  deux,  et  corres- 
pondent aux  taches  blanchâtres  qui  se 
voient  à  la  face  ventrale  des  sixième 
et  septième  segments  de  l'abdomen. 
Chez  la  femelle,  l'organe  phosphores- 
cent du  sixième  anneau  est  double,  et 


{a)  Degeer,  Mém.  sur  un  Ver  hiisant  femelle  et  sur  sa  transformation  {Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences,  Savants  étrangers,  1755,  t.  II,  p.  269). 

(b)  Diekhoff,  Ueber  das  Leuchten  der  Lamiiyns  arten  [Stetliner  entomologische  Zeitiing, 
1842,  t.  III,  p.  118). 

(c)  Peters,  Ueber  das  Leuchten  der  Lampyris  italica  (Miiller's  Archiv  fur  A7iat.  und  Fhysiol., 
1841,  p.  229  ;  —  Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1842,  t.  XVII,  p.  254). 

—  Fr.  Lej'dij,  Lehrbuch  der  Histologie,  1857,  p.  343,  Rg.  183. 

—  Kôlliker,  Ueber  die  Leuchiorgane  von  Lampyris  {Yerhandl.  der  Wilrzburg.  phys.-med. 
Gesellsch.,  1858,  t.  VllI,  p.  217).  —  Prellminary  Observ.  on  the  Luminous  Organs  of  Lampyris 
(Quarterly  Journal  of  Microscopical  Sciences,  1858,  t.  VIII,  p.  IGG). 

(d)  Treviranus,  Ueber  das  Leuchten  der  Lampyris  splendidula  (Vermischte  Scbriflen,  iSiù, 
t.  I,  p.  87). 

(e)  Carrara,  Sur  la  phosphorescence  du  Lampyre  italique  {l'Institut,  1836,  I.  IV,  p.  444). 
(0  Voyez  Peters,  Op.  cit. 


100 


NUTRITION. 


Cause  §2. —  L'émission  de  lumière  est  tantôt  continue,  d'autres 

la pro/uciion  fois  intermittente  (1),  et  souvent  elle  paraît  être  subordonnée  à 
*-  "'"""'•^-    1^  volonté  de  l'animal  ;  mais  elle  ne  dépend  d'aucune  action 
vitale,  car  le  tissu  qui  en  est  le  siège  peut  continuer  à  être  phos- 
phorescent pendant  fort  longtemps,  après  avoir  été  séparé  du 
corps  (2) . 
Je  ne  rappellerai  pas  ici  toutes  les  hypothèses  auxquelles  les 


il  existe  de  cliaque  côté  une  série  de 
quatre  ou  cinq  spliériiles  analogues, 
qui  s'étendent  jusque  dans  le  premier 
anneau  de  l'abdomen,  et  ne  sont  pas 
toujours  disposés  symétriquement. 
Chez  le  L.  noctiluca  femelle,  il  y  a  deux 
petits  organes  phosphorescents  dans 
le  huitième  anneau  ou  segment  ter- 
minal, et  un  beaucoup  plus  grand 
dans  le  pénultième  anneau,  ainsi  que 
dans  l'anneau  précédent.  Chacun 
de  ces  organes  est  pourvu  d'une  tu- 
nique membraneuse  très  délicate,  et 
se  compose  principalement  d'un  amas 
compacte  de  cellules  arrondies  ou 
polygonales,  dont  les  unes  renferment 
des  granules  pâles  et  délicats  à  noyau 
distinct,  et  les  autres  des  granules 
blanchâtres.  Des  filets  nerveux  se  dis- 
tribuent dans  l'intérieur  de  ces  amas 
d'utricules.  Enfin  des  trachées  s'y  ra- 
mifient en  très  grand  nombre  et  y 
forment  des  anses.  Ce  sont  les  cel- 
lules pâles  qui  produisent  la  lumière, 
et  la  matière  qu'elles  contiennent  pa- 
raît être  albumineuse.  Les  granules  des 
cellules  blanches  paraissent  être  des 
concrétions  d'urate  d'ammoniaque  (a). 


(1)  Chez  le  Lampyre  italique,  l'émis- 
sion de  lumière  paraît  s'interrompre 
complètement  de  temps  en  temps 
lorsqu'on  l'observe  superficiellement, 
mais  dans  l'intervalle  qui  sépare  les 
éclats,  une  faible  lueur  persiste  dans 
la  partie  de  l'abdomen  correspondante 
à  l'appareil  phosphorescent.  Lors- 
que l'Animal  brille  fortement,  il  y  a 
aussi  des  intermittences  dans  ce  phé-* 
nomène,  mais  les  décharges  lumi- 
neuses se  succèdent  avec  une  très 
grande  rapidité  :  IM.  Peters  a  compté 
de  80  à  100  de  ces  éclairs  en  une 
minute  (6). 

(2)  Sloane  raconte  qu'en  se  frottant 
le  visage  ou  les  mains  avec  un  Elater 
phosphorescent,  on  peut  rendre  la  peau 
de  ces  parties  lumineuses  comme  l'est 
cet  Insecte  lui-même  (c),  et  Macartney 
constata  que  les  organes  phosphores- 
cents des  Lampyres  continuaient  à 
briller  pendant  phisieurs  heures  après 
avoir  été  extraits  du  corps  de  ces  Ani- 
maux {d).  Plus  récemment  beaucoup 
de  faits  analogues  ont  été  observés 
par  un  grand  nombre  d'autres  natu- 
ralistes. 


(a)  Kôlliker,  Ueher  die  Leuchtorgane  von  Lampuris  {Verhandl.  der  Wûrnburg.  phys.-med. 
Gesellschafl,  d858,  t.  VIII,  p.  1). 

(6)  Peters,  Ueber  das  Leuchlen  der  Latnpyris  italica  (Mï\]hr's.  Archîv  fur  Anat.  und  Physiol., 
1841,  p.  230  ;  —  Ann.  des  sciences  nal.,  2"  série,  1842,  t.  XVII,  p.  254). 

(c)  Sloane,  A  Voyage  to  the  Islands  ofMaiera,  Jamaica,  etc.,  1725,  t.  II,  p.  206. 

(d)  Macartney,  Observ.  upon  Lttminous  Animais  {Philos.  Trans,,  1810,  p.  284). 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  101 

physiologistes  oui  eu  recours  pour  tâcher  d'expliquer  le  piié- 
nomèue  de  la  phosphorescence  chez  les  Insectes.  Les  uns  ont 
suppose  que  la  lumière  répandue  dans  l'atmosphère  pouvait 
être  emmagasinée  par  ces  Animaux,  puis  dégagée  dans  l'inté- 
rieur de  leur  organisme;  mais  il  a  été  facile  de  constater 
expérimentalement  qu'un  long  séjour  dans  l'obscurité  ne  les 
empêche  pas  de  briller  de  leur  éclat  ordinaire  (1).  D'autres 
naturahstes  ont  pensé  que  cette  phosphorescence  était  le 
résultat  d'une  action  nerveuse  qui  développait  de  rélectricité  (2). 
Mais  un  grand  nombre  de  faits  bien  constatés  tendent  à  prou- 
ver qu'elle  est  due  à  des  phénomènes  de  combustion,  et  les 
observations  qui,  au  premier  abord,  semblaient  défavorables  à 
cette  opinion ,  s'expliquent  facilement ,  aujourd'hui  que  l'on 
connaît  la  structure  des  organes  lumineux. 

J .  Macaire,  de  Genève,  qui  a  fait  des  expériences  intéressantes 
sur  ce  sujet,  a  vu  que  la  matière  phosphorescente  extraite  du 
corps  d'un  Lampyre  s'éteint  bientôt,  quand,  à  l'aide  de  la  machine 
pneumatique,  on  la  soustrait  au  contact  de  l'air,  mais  qu'elle 
brille  de  nouveau  si  de  l'air  lui  est  rendu  (3).  Ce  chimiste  a  observé 


,(1)  Dans  quelques-unes  des  expé-  mique  ou  tliermométrique ,  provoque 
i-iences  faites  par  M.  Peters,  des  Lani-  l'émission  de  lumière,  et  qu'un  Lam- 
pyres furent  trouvés  lumineux  après  pyre  phosphorescent  placé  sur  un  mul- 
avoir  été  retenus  dans  une  obscurité  tiplicateur  a  déterminé  une  déviation 
profonde  pendant  huit  jours  [a],  et  de  l'aiguille  aimantée  (c).  Mais  on  sait 
M.  Matteucci  a  constaté  la  phosphores-  que  toute  combinaison  chimique  est 
cence  chez  des  individus  qui  avaient  accompagnée  de  phénomènes  galva- 
été  soustraits  à  l'action  de  la  lumière  niques,  et  par  conséquent  le  fait  de 
pendant  neuf  jours  (6).  la  combustion  physiologique  suffirait 

(2)    Cette  opinion  a  été  soutenue  pour  produire  ce  résultat, 
dernièrement  par  M.  Kolliker.  11  s'ap-  (3)  Macaire,  ayant  placé  un  Lampyre 

puie  principalement  sur  ce  que  toute  dans  un  tube  recourbé,  dans  lequel  le 

excitation  nerveuse,  mécanique,  chi-  vide  avait  été  fait  préalablement,  vit 


{a)  Peters,  Op.  cit.  [Ann.  des  sciences  nal.,  1842,  t.  XVII,  p.  255). 
[b]  Matieucci,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  des  corps  vivants,  1847,  p.  1C6. 
(C)  Kolliker,  Ueber  die  Leuchtorgaac  von  Lampyns  {Verhandl.  der  phys,-  lued.  Gesellsch.  in 
Wûrzburg,  1857,  p.  392), 


102 


NUTRITION. 


des  effels  analogues  en  plaçant  alternativement  la  même  matière 
dans  des  gaz  non  respirables  et  dans  de  l'oxygène  (1).  Enfin 
M.  Matteucci,  ayant  placé  des  fragmenis  de  l'abdomen  de  plu- 
sieurs Lampyres  dans  de  l'oxygène,  les  a  vus  continuer  à  briller 
dansce  gaz  comburant  pendant  quatre  jours,  tandis  que  d'autres 
fragments  semblables  placés  dans  de  l'acide  carbonique  ou  dans 
de  l'hydrogène  s'éteignaient  au  bout  de  quelques  minutes  (2)  ; 
et  ce  savant  constata  aussi  que  l'air  dans  lequel  la  substance 
lumineuse  a  conservé  pendant  longtemps  son  éclat  était  dé- 
pouillé d'une  partie  de  son  oxygène,  et  devenu  impropre  à 
l'entretien  de  la  combustion  (3).  On  a  vu  aussi  que  la  phos- 
phorescence de  cette  matière  augmente  lorsque  la  température 
s'élève  un  peu,  mais  cesse  lorsque  la  chaleur  atteint  environ 
50  degrés  (4). 


l'Animal  périr  bientôt,  et  ne  plus 
émettre  de  lumière  lors  même  qu'on 
le  réchauffait  doucement;  mais  ayant 
ensuite  laissé  rentrer  de  l'air  dans  le 
tube,  le  corps  du  Lampyre  brilla  aus- 
sitôt d'un  éclat  très  vif.  En  faisant 
imparfaitement  le  vide  dans  un  tube 
rempli  d'air  et  contenant  un  de  ces 
Coléoptères ,  le  même  auteur  vit  la 
phosphorescence  diminuer  peu  à  peu, 
et  enfin  cesser  entièrement  pour  re- 
prendre avec  éclat  dès  que  l'on  fai- 
sait rentrer  de  l'air  dans  l'appareil. 
Cette  expérience  peut  être  répétée 
plusieurs  fois  avec  succès  sur  le  même 
individu. 

(1)  En  plaçant  dans  de  l'oxygène 
des  Lampyres  phosphorescents^  Ma- 
caire  vit  leur  éclat  augmenter  pendant 
un  certain  temps,  mais  cesser  bientôt 


après  (a).  Suivant  ce  chimiste ,  le  gaz 
protoxyde  d'azote  produit  le  même 
effet  sur  ces  Insectes  (6). 

(2)  M.  Matteucci  a  remarqué  que 
les  Lampyres  périssent  et  cessent  de 
briller  plus  promptement  dans  l'acide 
carbonique  que  dans  l'hydrogène.  Les 
segments  lumineux  placés  dans  l'oxy- 
gène y  ont  brillé  trois  fois  plus  long- 
temps que  dans  l'air  atmosphérique  (c). 

(3)  Cette  absorption  d'oxygène  est 
plus  considérable  lorsqu'on  opère  sur 
des  Lampyres  vivants  que  lorsqu'on 
fait  usage  des  segments  phosphores- 
cents de  leur  abdomen  séparés  du  reste 
du  corps  {d). 

{Il)  Macaire  constata  que  la  sub- 
stance phosphorescente  des  Lampyres 
augmente  d'éclat  lorsqu'on  la  chauffe 
jusqu'à  environ  32  degrés  Réaumur, 


(n)  Maciirc,  Op.  cil.  {Ann.  de  chimie  cl  de  physique,  1821,  t.  XVII,  p.  2G0). 
(6)  Idem,  ibid.,  p.  261. 

(c)  Matleucci,  Levons  sur  les  phénomènes  j^hysiques  des  corps  vivants,  p.  IGO. 

(d)  Idem,  ibid. 


PRODUCTION    DE    LUMIERE. 


103 


Les  expériences  dans  lesquelles  on  agit  sur  des  Lampyres 
inlacls  et  vivants  ne  donnent  pas  toujours  des  résultats  aussi 
nels>  et  l'on  conçoit  facilement  qu'il  doit  en  être  ainsi,  car  les 
tubes  respiratoires  qui  se  répandent  en  grand  nombre  dans  les 
organes  dont  la  lumière  émane,  contiennent  de  l'air;  par  con- 
séquent, lorsque  l'x^nimal  est  plongé  dans  un  gaz  impropre  à 
l'entretien  de  la  combustion,  l'oxydation  de  la  matière  phos- 
phorescente peut  continuer  d'avoir  lieu  pendant  un  temps  plus 
ou  moins  long  à  l'aide  de  l'air  emmagasiné  dans  le  corps.  Il 
me  paraît  probable  que  c'est  aussi  à  raison  de  la  présence  de 
l'air  dans  les  trachées  capillaires  autour  desquelles  se  trouvent 
groupées  les  utricules  du  tissu  phosphorescent,  que  même 
des  fragments  du  corps  d'un  Lampyre  peuvent  continuer  à 
émettre  de  la  lumière  pendant  quelques  minutes,  lorsqu'ils 
sont  plongés  dans  de  l'eau  ou  dans  un  gaz  non  respi- 
rable  (1). 

Nous  ne  savons  encore  que  très  peu  de  chose  sur  la 
nature  de  la  matière  dont  la  combustion  paraît  être  la  cause 
de  la  phosphorescence  des  Lampyres.  On  n'a  pu  y  décou- 
vrir aucune  trace  de  phosphore  (2),  et  les  produits  de  son 


Nature 
de 
la  substance 
phosphores- 
cente 
des  Lampyres. 


mais  que  si  l'on  élève  davantage  la 
température,  la  lumière  diminue  et 
devient  rougeâtrc  ;  enfin  qu'elle  s'é- 
teint tout  à  fait  à  h1  degrés  Réau- 
mur,  c'est-à-dire  entre  5/i  et  55  de- 
grés centigrades  (a). 

(1)  M.  Mattcucci  a  constaté  que  des 
fragments  de  Lampyres  qui  pendant 
quelques  minutes  avaient  continué  à 
bi'iller,  lorsqu'ils  étaient  placés  dans 
de  l'hydrogène  très  pur^  y   avaient 


exhalé  une   certaine  quantité  de  gaz 
acide  carbonique  (6). 

(2)  Quelques  recherches  chimiques 
faites  par  M.  Schnetzler,  de  Vevey, 
avaient  conduit  cet  auteur  à  penser 
que  la  substance  lumineuse  des  Lam- 
pyres contenait  de  la  graisse  et  du 
phosphore  (c).  Mais  les  résultats  qu^il 
a  obtenus  ne  suffisent  pas  pour  auto- 
l'iser  cette  conclusion  (o?),  et  ne  sont 
pas  en  accord  avec  les  faits  constatés 


(a)  Macaire,  Op.  cit.  {Ann.  de  chimie  et  de  plujsiqiie,  1821 ,  t.  XVII,  p.  265). 

(6)  Malteuccii  Op.  cit.,  p.  164. 

(c)  Schnelzler,  De  la  production  de  la  lumière  chez  les  Lampyres  {Bibliothèque  universelle  de 
Genève,  Arch.  des  sciences  ph.,  1855,  t.  XXX,  p.  223). 

{d)  Blanchet,  De  la  production  de  la  lumière  chez  les  Lampyres  {Bibliothèque  universelle  de 
Genèvet  185G,  t.  XXXI,  p.  213). 


104  NUTRITION. 

oxydation  paraissent  être  de  l'acide  carbonique  seulement. 
Elle  est  très  altérable ,  et  elle  perd  facilement  la  faculté  de 
développer  de  la  lumière.  Ainsi ,  sous  l'influence  d'une 
légère  élévation  de  température ,  l'éclat  qu'elle  répand  aug- 
mente d'intensité  ;  mais  pour  peu  que  la  chaleur  dépasse 
Zr5  degrés,  elle  cesse  de  briller  et  devient  pour  toujours  inca- 
pable de  produire  de  la  lumière  (1).  Le  froid  diminue  la 
phosphorescence ,  mais  ne  la  détruit  pas  radicalement ,  et 
elle  reparaît  sous  l'influence  d'une  élévation  convenable  de 
température  {'2). 


par  M.  Matieucci.  Effectivement,  ce 
savant  a  trouvé  que  la  totalité  de  l'oxy- 
gène absorbé  par  la  matière  phos- 
phorescente est  remplacée  par  de  l'a- 
cide carbonique.  Il  a  constaté  aussi 
que  le  résidu  laissé  par  la  combus- 
tion de  cette  substance  ne  donne  lieu 
à  aucune  des  réactions  qui  caracté- 
risent les  produits  contenant  du  phos- 
phore (a). 

(i)  Lorsque  la  substance  phospho- 
rescente a  été  modifiée  de  la  sorte  par 
Taction  de  la  chaleur,  elle  cesse  aussi 
d'être  apte  à  fixer  de  l'oxygène,  comme 
elle  le  fait  dans  les  circonstances  ordi- 
naires (6). 

(2)  En  soumeUant  à  l'action  d'un 
froid  artificiel  des  Lampyres  vivants, 
Macaire  vit  toujours  la  lumière  de  ces 
Insectes  diminuer  peu  à  peu,  et  s'é- 
teindre lorsque  la  température  était 
descendue  à  environ  12  degrés  centi- 
grades. Ces  Animaux  mouraient  à 
0  degré,  mais  il  suffisait  de  réchauffer 
leur  corps  à  30  ou  32  degrés  pour  les 
voir  luire  de  nouveau.  Macaire  con- 


stata aussi  qu'une  certaine  élévation 
de  température  peut  provoquer  l'é- 
mission de  lumière  chez  des  Lampyres 
vivants  qui  ont  cessé  d'être  phospho- 
rescents. Ainsi  un  de  ces  Insectes  qui 
était  obscur,  et  qui  fut  placé  dans  de 
l'eau  à  environ  Ih  degrés,  redevint 
brillant  quand,  en  chauffant  le  hquide, 
on  en  avait  porté  la  température  à 
environ  26  degrés,  et,  sous  l'influence 
d'une  chaleur  plus  forte,  il  augmenta 
d'éclat  jusqu'à  ce  que  la  température 
eût  atteint  environ  /il  degrés;  lors- 
qu'on chauffa  davantage  cette  eau  , 
l'Animal  mourut,  mais  continua  d'être 
phosphorescent  et  ne  cessa  de  luire 
qu'à  environ  57  degrés  centigrades  (c). 
Dans  les  expériences  faites  par  M.  Mat- 
teucci  sur  le  Lampyre  italique,  les 
effets  du  froid  ne  furent  pas  aussi 
intenses  :  à  environ  0  degré,  la  lu- 
mière, quoique  faible,  était  visible, 
mais  elle  s'éteignit  au  bout  de 
quelques  minutes  dans  un  mélange 
réfrigérant  où  le  thermomètre  mar- 
quait —  6  degrés.  Ce  physicien  con- 


(a)  Mattcucci,  Leçons  sur  les  phénomènes  physiques  des  corps  vivants,  p.  170, 

(6)  Idem,  ibid.,  p.  16(. 

(t)  Macaire,  Op.  cit.  {Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1821,  l.  XVII,  p,  257). 


PRODUCTION   DE   LUMIÈRE.  105 

Le  chlore,  l'acide  sulfureux,  la  potasse,  l'alcool,  l'éther  et 
beaucoup  d'autres  agents  chimiques  privent  immédiatement 
cette  substance  de  ses  propriétés  phosphorescentes  et  en  déter- 
minent la  coagulation.  Il  est  aussi  à  noter  qu'elle  se  dissout 
dans  la  potasse,  ainsi  que  le  font  les  matières  albumineuscs  (l), 
et  qu'en  brûlant,  elle  donne  naissance  à  des  produits  ammo- 
niacaux, ce  qui  indique  qu'elle  contient  de  l'azote.  Mais 
lorsqu'on  la  soumet  à  l'action  de  l'acide  sulfurique  et  du 
sucre,  elle  ne  se  comporte  pas  comme  l'albumine,  qui  dans 
ces  circonstances  se  colore  en  rouge  (2).  Quelques  auteurs 
ont  pensé  qu'elle  était  un  corps  gras,  mais  elle  n'est  pas  comme 
ceux-ci  susceptible  de  se  dissoudre  ni  dans  l'huile,  ni  dans 
l'éther  (3). 

C'est  une  substance  organique  azotée  et  riche  en  carbone, 
qui  est  sécrétée  par  le  tissu  granuleux  dont  se  composent  les 
organes  phosphorescents,  et  il  est  assez  probable  qu'elle  doit 
sa  phosphorescence  à  quelques  propriétés  analogues  à  celles  qui 
donnent  à  certains  bois  pourris  et  à  quelques  autres  substances 
carbonées  la  faculté  de  brûler  spontanément  à  l'air,  et  de  jeter 
un  éclat  plus  ou  moins  vif  par  l'effet  de  cette  combustion. 


stata  aussi  que  riiitensité  de  la  lumière  que  de  fragments  du  corps  de  ces  lu- 

émise  par  ces  Lampyres  augmentait  sectes  contenant  les  organes  phospho- 

à   mesure    que    la    température   se  rescents  (a). 

rapprochait  de  30  degrés  Réauraur,  (1)  La  plupart  de  ces  faits  ont  été 

c'est-à-dire  37", 5  centigrades;  qu'a-  constatés  par  Macaire. 

lors  elle  cessait  d'être  intermittente  et  (2)  M.   Matteucci  a  constaté  que  la 

devenait  continue.   Lorsqu'il  chauffa  substance  phosphorescente  des  Lam- 

davantage,  la  lueur  devenait  rougeâtre,  pyres  n'est  ni  acide,  ni  alcaline,  et 

et  à  l\0  degrés  Réaumur  la  phospho-  qu'elle  ne  se  dissout  ni  dans  l'alcool, 

rescence  se  perdait  complètement.  Les  ni  dans  l'éther. 

résultats  furent  absolument  les  mêmes,  (3)  Macaire  considérait  la  substance 

soit  que  ai.  Matteucci  opérât  sur  des  phosphorescente    comme  étant  com- 

individus  vivants,  soit  qu'il  ne  fît  usage  posée  principalement  d'albumine  (b). 


{a}  MaUcucci,  Op.  cil.,  p.  154  et  suiv. 
(b)  Macaire,  loc.  cit.,  p.  257. 

VIII. 


106 


NUTRITION. 


Phosphores-       §3.  —  La  faculté  (.rémeitre  de  la  lumière  n'appartient  pas 

cence  '  '  ' 

chez       seulement  aux  Lampyres  et  aux  ïaupins  dont  je  viens  de 

les  Myriapodes  i  ii  p 

et        parler  :  elle  se  fait  remarquer  chez  d'autres  Insectes  (1),  chez 

les  Crustacés,  •  i  i 

un  petit  nombre  de  Myriapodes  (-2),  et  chez  divers  Crustacés 


(1)  Exemples  :  le  Thyréophore  cijno- 
phile  (a)  et  la  Chenille  de  la  Noctua 
occultata  (6).  Laniarck  jiense  que  la 
phosphorescence  pourrait  hien  exis- 
ter aussi  chez  le  Chiroscilis  bifenes- 
trafa  (c),  et  nous  avons  déjà  vu  que  la 
faculté  de  briller  dans  l'obscurité  a  été 
également  attribuée  aux  Fulgores,  au 
Bupreste  ocellé  et  au  Paussus  sphœ- 
rocerus  (voyez  pages  97  et  98). 

Suivant  Kirby  et  Spence,  des  phé- 
nomènes de  phosphorescence  auraient 
été  observés  aussi  chez  le  GryUotalpa 
vulgaris  {d)  ;  mais  cela  me  paraît  fort 
douteux.  On  a  parlé  aussi  d'un  Scarabée 
phosphorescent  comme  existant  dans 
le  midi  de  la  France  (e). 

(2)  Au  xvi^  siècle,  Oviedo,  Tun  des 
compagnons  de  Christophe  Colomb, 
mentionna  l'existence  de  Myriapodes 
lumineux  à  Saint-Domingue  (/").  Car- 
mann ,  Ray    et   Réaumur    parlèrent 


également  de  la  phosphorescence  de 
certains  Millepieds  d'Europe  (g) ,  et 
c'est  à  raison  de  cette  propriété  que 
Linné  donna  à  l'un  de  ces  Animaux 
le  nom  de  Scolopendra  electrica  (h). 
De  nos  jours  plusieurs  naturalistes  ont 
oljscrvé  des  Céophiles  qui  étaient  lu- 
mineux {i)  ;  mais  on  ne  sait  pas  si 
ces  Scolopcndrides  appartiennent  réel- 
lement à  l'espèce  lumineuse  dont  il 
vient  d'être  question.  Linné  a  donné 
le  nom  de  Scolopendra  phosphorea  à 
un  Myriapodede  la  même  famille,  qui, 
dit-il,  brille  comme  les  Lampyres  (/). 
Suivant  quelques  naturalistes,  la 
phosphorescence  s'observerait  aussi 
dans  la  classe  des  Arachnides.  Ainsi 
Grimm  dit  qu'en  comprimant  le  corps 
des  Scorpions  de  Ceylan,  on  en  fait 
sortir  un  liquide  phosphorescent  (A:), 
et  Tilesius  a  figuré  parmi  les  Animaux 
qui  contribuent  à  rendre  la  mer  lumi 


(a)  Voyez  Lalreille,  art.  Thyréophore  du  Dictionnaire  classique  d'Iilstoirc  naturelle,  t.  XVI, 
p.  244. 

(b)  Ginimerthal,  Observ.  sur  la  métamorphose  de  certains  Diptères,  et  sur  la  phosphorescence 
d'une  Chenille  de  Noctuelle  [Bulletin  de  la  Sociale  (les  naturalistes  de  Moscou,  ISS'J,  t.  V,  p.  13GJ. 

(c)  Lamarclt,  Sur  deux  nouveaux  genres  d'Insectes  delà  Nouvelle-Hollande  [Ann.  du,  Muséum, 
t.  III,  p.  262). 

(d)  Ivirby  and  Spcncc,  An  Inlroduetion  to  Enlomolo(iy,  1817,  t.  II,  p.  42-1. 

(e)  Luce,  Description  d'un  Insecte  phosphorique  qu'on  rencontre  dans  le  district  de  Grasse 
[Journal  de  physique,  1794,  t.  XLIV,  p.  300). 

(/■)  Oviedo,  Coronica  de  las  Yndios,  lib.  XV,  cap.  ii,  p.  13. 

[y]  Garmann  ,  De  luce  Seolopendrœ  innoix  [Ephem.  nalttrœ  curioBormn  ,  1G70,  dcc.  i, 
ann.  1,  p.  270). 

—  Hay,  Historia  Inseclorum,  p.  45. 

—  Roaiimur,  Des  merveilles  des  Dails  [Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  1723,  p;  204). 
[Il)  Linné,  Systema  naturoi,  cdit.  12,  t.  I,  p.  10G3. 

[i)  Newport,  Monoyr.  of  the  Class  Myriapoda  [Trans.  of  the  Linnean  Society ,  t.  XtX  p.  431). 

—  Audouin,  IXemarques  sur   la  phosphorescence   de  quelqws  Animiux  arlicuUs  [Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1840,  I.  M,  p.  748). 

(j)  Linné,  Systema  naturœ,  cdit.  12,  t.  I,  p_.  1064. 

[k)  H.  N.  Grinir.i,  Sur  des  Vers  luisants  [Ephcm.  des  curieux  de  la  nature,  déc.  2,  ann.  1 , 
obs.  172). 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRIS.  ^  07 

inférieurs  (1),  ainsi  que  chez  beaucoup  de  Vers  qui  appar-     Les  vers, 
licnnent  pour  la  plupart  à  la  classe  des  Annélidcs  (*2);  chez 


lieuse  quelques  Articulés  qui  parais- 
sent être  des  Uyclraclinés  {a], 

(1)  Vers  le  milieu  du  siècle  dernier, 
Godelien  de  Rivillc  observa  en  haute 
mer  de  petits  Crustacés  qui  étaient 
très  pliospliorescents,  et  qui,  à  en  ju- 
ger par  les  figures  qu'il  en  donna,  de- 
vaient appartenir  à  la  famille  des 
Cypridiens  (6). 

Quelques-unes  des  espèces  du  genre 
Sapphirina  sont  très  lumineuses  (c), 
et  c'est  probablement  un  de  ces  Ani- 
maux qui  a  été  figuré  par  Macartncy 
sous  le  nom  erroné  de  Limulus  noc- 
tilucus  {d)  ;  mais  la  plupart  des  espèces 
de  ce  groupe  ne  paraissent  pas  avoir 
la  faculté  d'émettre  de  la  lumière  (f), 
L'animal  phosphorescent  que  Tilesius 
a  appelé  VOniscus  falgens  [f] ,  est 
probablement  aussi  une  Sapphirine.  Ce 
voyageur  mentionne  également  di- 
verses espèces  de  la  famille  des  Cyclo  - 
piens  et  des  Ilypériniens  comme 
contribuant  à  produire  la  phospho- 
rescence de  la  mer.  Viviani  a  constaté 
aussi  un  développementde  lumière  chez 


diverses  espèces  de  Creveltincs  ((/).  Le 
même  phénomène  a  été  observé  par 
plusieurs  naturalistes  chez  certains  Dé- 
capodes macroures  de  la  famille  des 
Salicoques  ou  des  groupes  voisins  :  par 
exemple,  chez  un  Crustacé  pélagique: 
que  Banks  appela  Cancer  fulgens  {h), 
et  que  Thompson  a  figuré  de  nouveau 
sous  le  nom  de  Noctiluca  («)  ;  chez  le 
Symphysopus  hirtus ,  le  Palœmon 
noctilucus,  et  quelques  autres  espèces 
indéterminables  dont  Tilesius  a  donné 
des  figures  (j). 

Les  petits  Crustacés  dont  les  zoolo- 
gistes ont  formé  les  genres  Phosphoto- 
carcinus  (k),  ou  Leucifer,  et  Poclop- 
sis  [l],  contribuent  aussi  à  rendre  la 
mer  lumineuse. 

(2)  Vers  Icmiheu  du  siècle  dernier, 
VianeJli,  en  observant  la  phosphores- 
cence des  lagunes  de  Venise,  trouva 
que  ce  phénomène  était  dû  à  la  pré- 
sence d'animalcules  vermiformes  qui 
émeltentdelalumière  (m),  etGriselini, 
qui  les  désigna  sous  le  nom  de  Sco- 
lopendres   marines ,    on   donna   une 


{a)  TilcMiis,  Ueber  das  nàchtliche  Leuchten  des  Meeresiuassers  {Neiie  Annalen  der  Wet'.erani- 
schen  Gesellschaft  fur  die  gesammte  Naturkunde,  1848,  t.  IV,   pi.  21  bis,  (ig.  16). 

(6)  Riville,  Mém.  sur  la  mer  lumineuse  (Mém.  del'Acad.  des  sciences,  Savants  étrangers, 
1700,1.111,  p.  209). 

(c)  Thompson,  Zoological  Researches,  p.  47,  pi.  8,  fig.  2. 

{d}  Macartncy,  Obscrv.  upon  Luminous  Animais  {Philos.  Trans.,  1810,  p.  258,  pi.  14,  fig.  4). 

(6)  Dana,  Crustacea,  t.  II,  p.  1248  {United  States  exploring  Expédition  under  the  command  of 
cajit.  Wilkes). 

{fj  Tilesius.  Op.  cit.,  f.  IV,  p.  7  et  siiiv.,  pi.  21G.  fig.  14,  15,  18,  24,  etc. 

{g)  Viviani,  Phosp'iorescenlia  maris,  pi.  1,  fig.  4,  et  pi.  2,  fig.  2-10. 

—  Baird,  On  the  Luminousness  of  the  Sca  (Loudoii's  Mag.  of  Nat.  Ilist.,  1839,  t.  III,  p.  306). 
(/t)  Macartney,  loc.  cit.,  pl.  14,  fig.  4. 

—  Tuckey,  Whiteness  and  Luminositg  of  the  Sea  [Edinb.  Philosophical  Journal,  1819,  f.  I, 
p.  217). 

(t)  h  Thompson,  Zoological  Researches,  p.  52,  pl.  5,  fig.  2. 
(,/')  Tilesius,  loc.  cit.,  pl.  21  a,  fig.  2;  pl.  21  &,  fi-.  19,  cic. 

[k]  Tilesius,  Op.  cit.  {Neue  Annakn  der  Wctte'ranischen  Gesellschaft,  t.  IV,  p.  74,  pl.  21  a^ 
fig.  Oct  10). 

(/)  Thompson,  0,0.  cit.,  p.  58,  pl.  7,  fig.l  et  2. 

(m)  Vianelli,  Niiove  scoperle  intorno  aile  luce  nolturne  deU'aqua  marina,  1749. 


108  NUTRITION. 

Mollusques,    certains  Mollusques  (1),  et  un  grand  nombre  de  Zoophytes  dont 


figure  d'après  laquelle  on  peut  les 
reconnaître  pour  des  Annélides  de  la 
famille  des  Néréldiens  (a).  Bientôt 
après  un  voyageur  suédois,  nommé 
Adler,  constate  des  faits  analogues  [b]. 
Forskal  fit  des  observations  sur  des 
Annélides  phosphorescents  de  la  Mé- 
diterranée ,  qu'il  désigna  sous  les 
noms  de  Nereis  cœnilea  et  N.  pela- 
gica  (c).  Othon  Fabricius  constata  la 
même  propriété  chez  un  Néréidien  des 
côtes  du  Groenland  [d),  et  au  com- 
mencement du  siècle  actuel,  Viviani 
publia  un  travail  spécial  sur  les  Anné- 
lides qui  contribuent  à  rendre  la 
mer  lumineuse  sur  la  côte  de  Gênes. 
La  plupart  de  ces  Vers  n'ont  pas  été 
représentés  avec  assez  de  précision 
pour  que  l'on  puisse  les  déterminer 
spécifiquement  avec  quelque  certitude. 
Mais  l'un  deux  est  la  Sabelle  unispi- 
rale  (e)  ;  un  autre  paraît  être  une 
Syllis  (/■),  et  un  troisième  appartient 
probablement  au  genre  Néréide  {g). 


La  phosphorescence  a  été  constatée 
plus  récemment  chez  le  Pohjnoe  ful- 
gurans  et  la  Sijllis  que  M.  Ehrenberg 
désigne  sous  le  nom  de  Photocha- 
ris  (h),  ainsi  que  chez  la  Syllis  fui- 
gurans  de  Dugès  («),  et  le  Chœtopte- 
rus  pergamentaceus  (j). 

Viviani  aobservédes  phénomènes  de 
phosphorescence  chez  un  Turbellaria 
qu'il  désigne  sous  le  nom  de  Planaria 
rctusa  [k). 

Dans  quelques  cas  le  Ver  de  terre 
ordinaire,  ou  Lombric  terrestre,  pré- 
sente des  phénomènes  de  phospho- 
rescence (l).  Il  paraît  probable  que  les 
Vers  lumineux  observés  sur  la  côle  de 
Coromandel  par  Grimm  étaient  des 
Lombi'iciens  (m). 

La  faculté  de  développer  de  la  lu- 
mière a  été  constatée  aussi  chez  un 
petit  nombre  de  Rotateurs  ,  notam- 
ment chez  le  Synchœta  haltica  (n). 

(1)  Quelques  auteurs  ont  rangé  les 
Poulpes  parmi  les  Animaux  phospho- 


(n)  Griselini,  Observ.  sur  la  Scolopendre  marine  luisante,  1750,  p.  l-i,  pi.  i,  fig.  2-5. 

(6)  Adler,  Noctiluca  marina  (Linn.,  Amxnilates  academicœ,  1764,  t.  III,  p.  202,  pi.  3). 

(c)  Forskal,  Descriptiones  Animalium  quœ  in  itinere  Orientali  observavit,  1775,  p.  100. 

{d)  Otto  Fabricius,  Fauna  Grœnlandica,  1780,  p.  291. 

(e)  Le  Spiragraphis  Spallanzani  (Viviani,  Phosphorescentia  maris  qualuordecim  lucenlium 
Animalculonim  novis  speciebus  illustrata,  in-4,  1805,  pi.  4. 

(/■)  La  Nereis  cirrhigena  (Viviani,  Op.  cit.,  p.  H,  pi.  3,  fig;.  1,  2). 

(g)  La  Nereis  radiata  (Viviani,  Op.  cit.,  pi.   3,  fig.  5  et  6). 

(h)  Ehrenberg-,  Das  Leuchlen  des  Meeres  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1834,  p,  547). 

(i)  Voyez  Audouin  et  Milne  Edwards,  Annélides  des  côtes  de  la  France  {Ann,  des  sciences  nat. , 
1833,  t.  XXIX,  p.  229). 

U)  ftuatrefagcs.  Sur  la  phosphorescence  de  qiielques  Invertébrés  marins  {Ami.  des  sciences 
nat.,  2'  série,  1850,  t.  XIV,  p.  240). 

(k)  Viviani,  Op.  cit.,  p.  13,  pi.  3,  fig.  H  et  12. 

(l)  Flaugergues,  Lettre  sur  le  plwsphorisme  des  Vers  de  terre  (Journal  de  physique,  1780, 
t.  XVI,  p.  311). 

—  Bruguiùre,  Sur  la  qualité  phosphorescente  du  Ver  de  terre  en  certaines  circonstances 
{Journal  d'histoire  naturelle,  1792,  t.  II,  p.  267). 

—  Foresler,  Lettre  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1840,  t.  XI,  p.  712). 

—  Dugès,  Traité  de  physiologie  comparée,  1. 11,  p.  14. 

—  Audouin,  Remarques  sur  la  phosphorescence  de  quelques  Animaux  articulés  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1840,  t.  XI,  p.  747). 

(m)  H.  N.  Grimm,  Sîh-  des  Vers  luisants  très  rares  {Éphém.  des  curieux  de  la  nature,  1G70, 
déc.  2,  ann.  1,  obs.  172). 

(n)  Ehrenberg,  Das  Leuchlen  des  Meeres  {Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1834,  p.  573,  pi.  1, 
fig.  2). 


109 


PRODUCTION    DE    LUMIERE. 

quelques-uns  appartiennent  à  la  classe  des  Échinodermes  (1)  et    zoophyies. 
d'aulres  à  celle  des  Infusoires  (2),  mais  dont  la  plupart  sont  des 
Acalèphes,  et  il  y  a  même  des  raisons  de  penser  qu'elle  peut 
exister  chez  tous  ces  Animaux  pélagiques  (3).  Nous  ne  savons 


resceiits ,  mais  ces  Mollusques  à  l'é- 
tat vivant  ne  semblent  pas  avoir  la 
faculté  de  développer  de  la  lumière, 
et  si  dans  quelques  cas  ils  ont  paru 
brillants  dans  l'obscurité,  cela  tenait 
probablement  à  la  présence  de  matières 
étrangères  à  la  surface  de  leur  corps. 
Il  me  paraît  en  être  de  même  pour 
les  Moules  qu'Adanson  dit  avoir  trou- 
vées phosphorescentes  (a)  ;  mais  quel- 
ques Gastéropodes  et  beaucoup  de  I\Iol- 
luscoïdes  de  la  classe  des  Tuniciens 
jouissent  de  cette  singulière  propriété. 
Elle  existe  à  un  haut  degré  chez  les 
Pyrosomes  (b),  et  a  été  constatée  chez 
beaucoup  de  Biphores  (c).  D'après 
quelques  auteurs,  une  espèce  de  Li- 
mace ,  VHelix  noctiluca ,  brillerait 
aussi  dans  l'obscurité  [d]. 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  le 
Cleodora  cuspidata  une  lueur  bleuâtre 


est  développée  dans  la  région  abdomi- 
nale et  apparaît  au  dehors  et  au  som- 
met de  la  coquille  (e). 

(1)  Quelques  Zoophytes  de  la  classe 
des  Échinodermes  sont  phosphores- 
cents ;  cette  propriété  a  été  observée 
chez  des  Ophiures:  par  exemple,  chez 
une  espèce  désignée  sous  le  nom  à' As- 
ter ias  noctiluca  parViviani(/'),etune 
espèce  indéterminée  des  côtes  de  la 
Manche  observée  par  M.  de  Qualre- 
fages  {g). 

(2)  M.  Ehrenberg  signale  l'existence 
de  cette  propriété  chez  quelques  es- 
pèces des  genres  Peridinium  et  Pro~ 
rocentrum  (h).  D'après  Michaelis,  elle 
existerait  aussi  chez  certains  Cercaires 
et  Vorticelles  (i). 

(3)  La  faculté  d'émettre  de  la  lu- 
mière est  très  fréquente ,  et  d'après 
Eschscholtz  elle  serait  même  générale 


(a)  Voyez  Benrt  de  la  Taille,  Dissert,  de  Animalibus  phosphorescentibus.  Groningue,  1821. 
(6)  Péron,  Mém.  sur  le  nouveau  genre  Pyrosoina  {Ann.  du  Muséum,  t.  IV,  p.  Ai\,  pi.  72. 

—  Meyen,    Ueber  das  Leuchten  des  Meeres  (Nova  Acta  Acad.  nat.   curies.,  1834,  t.  XVI, 
Suppl.,p.  127). 

—  Benflet,  On  ihe  Light  emiltcd  bij  a  species  of  Pyrosoma  {Proceed.  of  the  Zool.  Soc,  1833, 
t.  I,  p.  79).  —  On  Noctiiuca;  {Op.  cit.,  1837,  t.  V,  p.  51). 

—  Huxley,  Observ.  iiphi  the  Anat.  and  Physiol.  of  Salpa  and  Pyrosoma  (Philos.  Trans., 
1851,  p.  580). 

(c)  Bosc,  JJist.  nat.  des  Vers,  t.  II,  p.  174. 

—  Tilesius,  Op.  cit.  (Meue  Ann.  der  Wetteranischen  Gesells.  fur  gesamm.  Naturkunde,  l8iS, 
t.  XLIII,  pi.  20  a,  fig.  1-9). 

—  Bennet,  Observ.  on  the  Phosphorescence  ofthe  Océan  (Proceedings  ofthe  Zool.  Soc,  1837, 
p.  1). 

(d)  Webb  et  Berlhelot,  voy.  Dugès,  Physiologie  comparée,  t.  II,  p.  14. 

(e)  Bennet ,  Observ.  on  the  Phosphorescence  of  the  Océan,  made  during  a  Voyage  from  England 
ta  Sydney  (Proceedings  ofthe  Zool.  Soc,  1837,  p.  51). 

(f)  Viviani,  Op.  cit.,  p.  5,  pi.  1,  fig.  1  et  2. 

(g)  Qualrefage?,  Note  sur  un  nouveau  mode  de  phosphorescence  observé  che%  quelques  Anne- 
lides  et  Ophiures  (Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1843,  t.  XlX,  p.  183). 

(h)  Ehrenberg',  Das  Leuchten  des  Meeres,  p.  5(55,  pi.  2,  fig.  1-6. 
(i)  Michaelis,  Ueber  das  Leuchten  der  Ost-See,  1830. 


110  NUTRITION. 

que  peu  de  chose  sur  la  nature  des  phénomènes  qui  déter- 
minent la  phosphorescence  de  la  plupart  de  ces  Animaux  ;  mais 


dans'la  classe  des  Acalèphes  («)  ;  elle  a 
étéconstatée  dans  les  espèces  suivantes  : 

La  Pelagia  noctiluca  (&),  qui  esl  très 
commune  dans  la  ÎMéditerranée,  et  qui  a 
étédécrite  d'abord  sous  les  noms  de  Mé- 
dusa pelagica,  et  de  Médusa  ipctiluca. 
La  phosphorescence  de  cet  Acalèphe 
a  été  étudiée  par  Forskiil,  Spallanzani 
et  plusieurs  autres  naturalistes  (c). 

La  Pelagia panopyra  {d),  qui  aljonde 
dans  les  mers  tropicales,  et  qui  est 
très  lumineuse  (ej. 

La  Pelagia  cyanella ,  ou  Médusa 
pelagica  de  Lœffling(/'),  qui  se  trouve 
dans  l'océan  Atlantique  (g) ,  et  qui  peut- 
être  ne  devrait  pas  être  séparée  spéci- 
fiquement de  la  précédente. 

La  Médusa  aurita  (h) ,  qui  est  très 
commune  dans  la  Méditerranée  (*)  ; 
VOceania  pileata  et  YOceania  mi- 
croscopica  {j). 


VOceania  Blumenhachii  [k], 

La  Cassiopea  canaricjisis,  observée 
parTilesius  dans  l'océan  Atlantique  (/). 

La  Médusa  pellucens  de  Banks  {m), 
grande  et  belle  espèce  mal  caracté- 
risée, qui  paraît  être  voisine  des  Chry- 
saorcs. 

Le  Ciarybdis  marsupalis  (n),  qui 
habite  la  Méditerranée  (o). 

L'Équorée  forskalienne  ou  Médusa 
œquorea  (p). 

Le  Stomobraehium  octodenla- 
tum  (q),  que  M.  Ehrenberg  a  décrit 
sous  le  nom  de  Melicertum  campa- 
nidatum  (r). 

Le  Thaumantias  hemisphœrica  ou 
Médusa  hemisphœrica  des  zoologistes 
du  siècle  dernier  (s),  petit  Acalèphe 
de  nos  mers,  dont  la  phosphorescence 
a  été  notée  par  plusieurs  auteurs  (/). 

La  Willtsia  stellata  (h),  la  Saphe- 


(a)  Eschscliollz,  System  der  Acaleplies,  1829,  p.  19. 

(b)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Ciivier,  Zoophytes,  pi.  44. 

(c)  Forskal,  Descriptiones  Animalium  quœin  ilinere  Orienlal'i  observavit,  ITTS,  p.  109. 

—  Spallanzani,  Viaggi  aile  due  Sicilie,  1793,  t.  IV,  p.  216. 
{d)  Pérou,  Voyage  aux  terres  australes,  pi.  31,  fvg.  2. 

{e)  Lcsson,  Histoire  naturelle  des  Zoophytes  acalèphes,  p.  389. 

(/■)  On  Pelagia  denliculata,  Urandt,  Schmirmquallen,  pi.  14,  fig.  2  {Mém.  de  l'Acad.  de  Saint- 
Pétersbourg,  1838,  t.  IV). 

{g)  Bosc,  Histoire  naturelle  des  Vers,  t.  II,  p.  140. 

—  Lesson,  Op.  cit.,  p.  392. 

(ft)  Voyez  VAllas  du.  Règne  animal  de  Cuvior,  Zoophytes,  pi.  48. 

(i)  Humholdl,  Voyage  aux  régions  équinoxiales  du  nouveaii  continent,  t.  I,  p.  78. 

(j)  Elireiiberg,  Dus  Leuchlen  des  Meeres  {Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin,  1839,  p.  538. 

(fe)  Piallike,  Beschreibung  der  Oceania  Blumenbacliii  [Mém.  de  l'Acad.  de  Saint-Pétersbourg, 
Savants  étrangers,  t.  II,  p.  321). 

(2)  ïilesius,  Deitr.  zur  Naturgesch.  der  Medusen  {Nova  Acta  Acad.  nat.  cvrios.,  1831,  t.  XV, 
p.  287.) 

(m)  Macarlney,  Op.  cit.  [Philos.  Trans.,  1810,  pi.  14,  llg.  3). 

(n)  Voyez  le  Règne  animal,  Zoophytes,  pi,  55,  fijj.  1. 

(o)  Tilesius,  voy.  Forlies,  Op.  cit.,  p.  12. 

{p)  Forskiil,  Op.  cit.,  p.  111. 

(r/i  Voyez  Forbes,  A  Monogr.  of  the  British  nakedeyed  Medu;œ  ,  pi.  4,  fig.  1  {Piay  Socie'.y, 
1858). 

{r}  Ehrenberg:,  Das  Leiichten  des  Meeres,  p.  538  {loc.  cit.).  —  Ucber  die  Acalcphen  des  rothen 
Meeres,  pi.  8,  li^^  5-7  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  roiir  1835). 

(s)  Voyez  0.  F.  Millier,  Zoologia  Danica,  pi.  7,  fi^'.  1  -4. 

(()  Macarlney,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1819,  p.  204|. 

[u)  Forbcj,  Monogr.  ofthe  British  niked-eyed.  Muliisœ,  p.  20,  pi.  1,  fio'.  1 . 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  Hl 

chez  quelques-uns  d'entre  eux  il  est  facile  de  constater  que  la 
matière  lumineuse  est  le  produit  d'une  sécrétion,  et  qu'elle 


nia  dianema  (a)  ou  Geronia  dia- 
nema  de  Pérou  (6)  ,  la  Dianema 
appendiculata  (c)  et  la  Dianema  ou 
Tiina  Bairdii  {d). 

Les  Lizzia  oclopunciala  (e)  ei 
L.  blondina  (/),  ainsi  que  la  Sarsia 
proliféra  (g)  ,  le  Bougainvillia  ni- 
gritella  (h),  la  Steenstriipia  riibra  (?) 
et  quelques  autres  Médusaires  gym- 
nophllialmes  de  nos  mers,  dont  la 
phosphorescence  a  été  signalée  par 
M.  I^each  (j). 

La  phosphorescence  a  été  ohservée 
chez  la  plupart  des  Acalèphes  cilio- 
grades,  notamment  chez  la  Médusa 
beroe    de  Forskal   [Je) ,  l'Ocyroé  ta- 


cheté (l),  VEucharis  multicornis  (m), 
le  Cijdippe  pileus  (n),  la  Mnemia 
norwegica  (o).  J'ai  observé  la  même 
propriété  chez  la  Chiaja  palermi- 
tana  (p). 

Le  même  phénomène  se  manifeste 
parfois  chez  les  Sertulariens,  et,  pour 
le  provoquer,  il  suffit  de  plonger  une 
branche  de  ces  Zoophytes  dans  de 
l'eau  douce,  ainsi  que  cela  a  été  con- 
staté chez  la  Sertularia  ahietina  {q) 
et  la  Laomedia  gelatinosa  (r). 

Quelques  Zoophytes  de  la  classe  des 
Coralliaires  sont  aussi  très  phospho- 
rescents, notamment  les  Pennatules  (s) 
et  les  Vérétilles  (i). 


(a)  Voyez  Foi'bes,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  i. 

{b)  Péi'on  et  Lesueiir,  Voyage  aux  terres  australes,  Hist.  nnt.  des  Méduses,  pi.  4,  fig.  1. 

(n)  Macnrlney,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1810,  p.  2GG,  pi.  18,  lig.  7j. 

—  Forbes,  Op.  cit.,  p.  i't. 

(d)  JoliiisloM,  lllustr.  in  British  Zoology  (Loiidnn's  Mag.  of  Nat.  Hist.,  1833,  t,  VI,  p.  320, 
fi  g.  41). 

(e)  Oi:  Cytœis  octopunctata  do  Sars  {Desh.  og  Jagt,  pi.  G,  iig.  14). 

(f)  Voyez  Forbes,  Op.  cit.,  pi.  12,  fig.  4. 
ig)  Idem,  ibid.,  pi.  7,  fig.  3. 
(ft)ldem,  ibid.,  pi.  12,  lig.  2. 

(i)  Idem,  ibid.,  pi.  13,  fig.  1. 

ij)  Peach,  Observ.  on  the  Luminosity  of  tlie  Sea  {Ami.  and  Mag.  of  Nat.  Hist.,  2»  série,  1850, 
t.  VI,  p.  425). 

{li)  Forskal,  Op.  cit.,  p.  IH. 

Dclle  Chioje,  Mem.  sulla  stor'.a  e  natomia  degli  Animall  senza  vertèbre  del  regno  di 

Napoli,  t.  111,  p.  58. 

(/)  r.ang.  Établissement  de  la  famille  des  Bcroïdes  {.\nn.  de  la  Société  d'histoire  naturelle, 
1828.  t.  ÎV,  p.  173,  pi.  20). 

(m)  Wi!l,  Horœ  Tergestinœ,  1844,  p.  57. 

(»i)  Ehrenberg,  Bas  Leuchten  des  Meeres,  p.  539  {loc.  cit.). 

(o)  Forbes,  Op.  cit.,  p.  12. 

(p)  Milne  Edwards,  Note  sxtr  quelques  Acalèphes  clénophores  {Ann.  des  sciences  nat.,  4»  série, 
857,  t.  VII,  pi.  14), 

(g)  Forbes,  Op.  cit.,  p.  12. 

()')  Hassal ,  Supplem.  to  a  Catalogue  of  Irlsh  Zcophytes  [Ann.  and  Mag.  of  Nat.  Hist.,  1 841 , 
t,  VII,  p.  281). 

(s)  Odlieliiis,  Chinensia  Lagerstromania  (Linné,  Amœnit.  acad.,  1759,  t.  IV,  p.  359). 

—  Boliadscli,  Be  quibusdam  Animalibus  marinis,  1701,  p.  ICI. 

—  r.rant,  Notic:  reupecling  Ihe  Slructure  and  Mode  of  Groiulh  of  the  Virgiilaria  and  Pennalida 
pliiistdioiea(Edi)i&wrg/i.  Journal  of  Science,  1827,  1.  VII,  p.  330). 

(t)  W.  Rapp,  Vnlersnchungen  iiber  den  Bau  einiger  Polypen  des  Millclla-  dischen  Meeres  'Nova 
Acia  Acad.  nat.  curmorum,  1829,  l.  MY,  p.  468,. 


de  la  mer. 


112  NUTRITION. 

est  susceptible  de  briller  sans  le  concours  d'aucune  action 
vitale.  On  peut  s'en  convaincre  en  observant  quelques-uns 
"  des  Mollusques  de  nos  côtes  :  les  Pholades  ,  par  exemple. 
Ainsi,  Pline,  en  parlant  de  ces  Animaux,  qu'il  désignait  sous 
le  nom  de  Dactyles,  nous  dit  que  non -seulement  la  substance 
de  leur  corps  émet  de  la  lumière,  mais  que  le  liquide  qui 
s'en  écoule  lorsqu'on  les  mange,  et  qui  tombe  à  terre,  pré- 
sente le  même  phénomène  (1).  Réaumur  a  constaté  l'exacti- 
tude de  ces  observations  (2),  et  en  plongeant  dans  de  l'alcool 
faible  quelques  Pholades  de  nos  côtes  qui  n'étaient  que  peu 
phosphorescentes,  j'ai  vu  un  torrent  lumineux  en  descendre  et 
s'étaler  en  nappe  au  fond  du  vase,  où  il  a  continué  à  luire  pen^ 
dant  un  certain  temps. 
^'"'ceîcT^'  La  phosphorescence  de  la  mer,  qui  s'observe  souvent  sur 
nos  côtes,  et  qui  dans  les  régions  tropicales  est  un  des  phéno- 
mènes les  plus  magnifiques  que  les  navigateurs  puissent  contem- 
pler, est  produite  par  la  présence  de  légions  innombrables  de 
petits  Animaux  presque  microscopiques,  qui  flottent  près  de  la 

(1)  Voici  textuellement  ce  passage      Pholades  (ou  Dails)  vivantes  sont  lumi- 
remarquable  de  Pline  :  neux  tout  comme  la  surface  de  leur 

«  De  Dactijlorum  mîraculis.  peau,  et  que  les  particules  de  substance 

»  Concharum  e  génère  sunt  dactyli  qui  s'en  détachent  lorsqu'on  les  manie, 

»  ab  humanorum  unguium  similitu-  et  qui  restent  adhérentes  aux  doigts, 

»  dine  appcUati.  His  natura  in  tene-  non-seulement  rendent  ceux-ci  phos- 

»  bris  ,  remoto  lumine ,  alio  fulgore  phorescenis,  mais  peuvent  même  com- 

»  claro,  et  quanto   magis  humorem  muniquer  cette  propriété  à  l'eau  dans 

»  habeant,  lucere  in  ore  raandentium,  laquelle  les  mains  ainsi  enduites  ont 

»  lucere  in  manibus,  atque  etiam  in  été  lavées.  Ce  naturaliste  habile  nous 

»  solo  ac  veste,    decidentibus  guttis  ;  apprend  également  que  la  substance 

»  ut  procul  dubio  pateat  succi  iilam  phosphorescente    de  ces  Mollusques 

»  naluram   esse ,    quam    miraremur  cesse  de  briller  quand  elle  a  été  des- 

»  etiam  in  corpore  (a).  »  séchée,   mais  qu'elle   peut  redevenir 

(2)  Réaumur  remarque  aussi   que  lumineuse  si  on  l'humecte  de  nou- 
les  fragments    séparés  du  corps  des  veau  {b). 

(a)  Plinii  secundi  Historiarum  mundi  liber  IX,  g  lxxxvii,  61. 

(6)  Réaumur,  Des  merveilles  des  Dails,  ou  de  la  lumière  qu'ils  répandent  (Mém,  de  l'Acad. 
des  sciences,  n23,  p.  198). 


PRODUCTION  DR  LUMIÈRE.  113 

surface  de  l'eau  et  qui  sont  autant  de  foyers  liuiiineux  (1).  Au 
nombre  de  ces  êtres  singuliers  il  faut  ranger  en  première 
ligne  les  Animalcules  gélatineux  et  réniformes  qui  ont  reçu  le 
nom  de  NoclUuques  (2). 
Leur  structure  est  très   simple.  On   n'aperçoit  dans  leur 


(1)  La  phosphorescence  de  la  mer 
est  très  fréquente  pendant  les  nuits 
obscures,  sur  les  côtes  méridionales  de 
la  France,  où  les  pêcheurs  langue- 
dociens la  désignent  sous  le  nom  d'ar- 
denn  (a).  Elle  n'est  pas  rare  sur  les 
côtes  de  la  Manche,  et  parfois  on 
l'observe  même  dans  les  régions  po- 
laires (6). 

(2)  Depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos 
jours  le  phénomène  de  l'émission  de 
lumière  par  la  surface  de  la  mer  a  été 
signalé  ou  même  décrit  avec  détail 
par  un  grand  nombre  d'auteurs  dont 
on  trouve  l'indication  dans  un  mé- 
moire publié  sur  ce  sujet,  en  183/!i, 
par  M.  Ehrenberg  (c). 

En  1707,  un  de  nos  missionnaires, 
le  père  de  Bourges,  pubha  une  bonne 
description  de  ceue  phosphorescence, 
et  remarqua  qu'elle  était  liée  à  la  pré- 
sence de  matières  étrangères  d'une 
consistance  gélatineuse  {d)  ;  mais  il 
n'examina  pas  ces  substances  au  mi- 
croscope, et  par  conséquent  il  ne  put 


en  reconnaître  la  véritable  nature.  Les 
premières  bonnes  observations  sur  les 
Animalcules  qui  d'ordinaire  produisent 
cette  phosphorescence  sur  nos  côtes 
datent  du  milieu  du  siècle  dernier,  et 
sont  dues  à  Vianelli.  On  donna  d'abord 
le  nom  de  Noctihiqiies  à  la  plupart 
de  ces  petits  êtres,  et  c'est  de  nos 
jours  seulement  qu'il  a  été  réservé  au 
genre  particulier  de  Zoophytes  dont 
je  parle  ici.  Vers  la  même  époque, 
Rigault  et  Diquemare  les  firent  con- 
naître (c),  et  Slabber,  qui  les  désigna 
sous  le  nom  de  Nier-Kwal,  c'est- 
à-dire  Méduse  réniforme,  en  donna 
une  meilleure  figure  (/").  Plus  récem- 
ment ,  Surlray ,  médecin  au  Havre , 
étudia  à  son  tour  ces  Animalcules 
lumineux,  mais  il  se  forma  des  idées 
très  fausses  touchant  leur  structure 
intérieure  (g),  et  ce  fut  d'après  ses 
vues  que  Lamarck  et  Blainville  pla- 
cèrent le  genre  Noctiluque  à  côté 
des  Béroés,  dans  la  grande  division 
des  Radiaires  mollasses  (h),  ou  auprès 


(a)  Dunal,  Note  sw  la  phosphorescena  de  la  mer  dans  les  environs  de  Motiipellier  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1838,  t.  VI,  p.  83). 

(ft)  Robert,  Phosphorescence  de  la  mer  dans  les  climats  froids  {Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  1838,  t.  VI,  p.  518). 

(c)  Ehrenberg,  Dos  Leuchten  des  Meeres.  Neiie  Beobachtungen  nebst  Uebersirht  der  Hauptmo- 
mente  der  geschichtlichen  Entwicklung  dièses  merkwûrdigen  PhcCnomens  {Abhandlungen  der 
Akad.  der  Wissenschaften  x,u  Berlin,  aus  1834,  p.  411). 

(d)  Voyez  Choix  des  Lettres  édifiantes  (édit.  de  1826),  t.  VIII,  p.  174  et  suiv. 

(«)  Diquemare,  Observ.  sur  la  lumière  dont  la  mer  brille  sottvent  pendant  la  nuit  [Journal 
de  phijsique,  ms,  t.  VI,  p.  519,  pi.  2,  fig.  8). 

(/■)  Slabber,  Nalurkundige  Verlustigungen,  1778,  p.  67,  pi.  8,  (!§•.  4  et  5. 

{g]  Les  observations  de  ce  naturaliste  furent  présentées  à  l'Institut  en  1810,  et  ne  furent  publiées 
que  beaucoup  plus  tard. —  Voyez  Suriray,  Recherches  sur  la  cause  ordinaire  de  la  phosphorescence 
de  la  mer,  et  description  de  la  Noctiluca  miliaris  {Magazin  de  zoologie,  1836,  cl.  X,  pi.  1  et  2). 

{h)  Lamarck,  Histoire  des  Animaux  sans  vertèbres,  t.  Il,  p.  470. 


114  NUTRITION. 

intérieur  ni  intestin,  ni  muscles,  ni  nerfs,  ni  aucun  autre 
organe  particulier,  et  la  lumière  jaillit  sous  la  forme  d'étin- 
celles de  tous  les  points  de  leur  surface.  Elle  est  provoquée 
par  l'agitation,  ainsi  que  par  toutes  espèces  d'excitants,  soit 
physiques,  soit  chimiques,  et  elle  ressemble  beaucoup  aux 
éclairs  qui  résulteraient  d'une  série  de  petites  décharges  élec- 
triques. M.  de  Quatrefages,  qui  a  fait  sur  ce  sujet  beaucoup 


des  Dipliycs,  parmi  les  Aciinozoaircs 
de  la  famille  des  Physogrades  (a), 
M.  Elircnberg  donna  à  ces  Animal- 
cules un  nom  nouveau,  celui  de  Mam- 
maria,  mais  il  n'ajouta  rien  d'impor- 
tant à  leur  histoire  (6).  Enfin,  en  18Z|3, 
M.  Verhaeglie  constata  que  leur  orga- 
nisation ne  ressemble  on  rien  à  celle 
des  Acalèphes  ou  des  Polypes,  parmi  les- 
quels quelques  naturalistes  les  avaient 
rangés,  mais  se  rapproche  davantage 
de  celle  des  Rhizopodes  (c),  fait  qui 
ressort  également  des  recherches  plus 
récentes  de  M.  Doyère  (d)  et  de  M.  de 
Quatrefages.  Ce  dernier  auteur  en 
a  donné  de  bonnes  figures  ,  et  les 
caractérise  de  la  manière  suivante  : 
Animalcules  arrondis,  de  ^  à  ^  de  mil- 
limètre de  diamètre,  et  de  forme  très 
variable,   tantôt  sphériquc  ,  d'autres 


fois  échancrés  sur  un  point  de  leur 
surface,  ou  même  cordiformes  ;  com- 
plètement transparents  ;  revêtus  d'une 
double  tunique  membraniforme  ex- 
trêmement mince,  et  pourvus  d'une 
sorte  de  tentacule  grêle  et  conique  ; 
intérieur  occupé  par  une  substance 
sarcodiquc  qui  se  creuse  de  vacuoles, 
et  constitue  une  sorte  de  trame  dont 
les  mailles  sont  occupées  par  un  li- 
quide et  sont  formées  par  des  expan- 
sions rhizopodiques.  L'émission  de  lu- 
mière a  lieu  quelquefois  simultanément 
dans  toute  l'étendue  de  la  surface  du 
corps,  mais  en  général  des  étincelles  se 
succèdent  sur  divers  points  (e). 

Le  mode  d'organisation  de  ces  sin- 
guliers Animalcules  a  été  étudié  plus 
récemment  par  MM.  Buseh,  Krohn, 
Huxley  et  Webb  {f) 


(a)  Blainville,  Maniiel  d'actinologie,  p.  140. 

(&)  Ehrenberg,  Das  Leucliten  des  Meeres  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin,  1834,  p.  4H). 

(c)  \oyez  Vaii  Beneden,  Rapport  sur  un  Mémoire  de  M.  Verhaeglie,  ayant  pour  litre  :  Recherches 
siir  la  cause  de  la  phosphorescence  de  la  mer  dans  les  parages  d'Ostende  [Bulletin  de  l'Académie 
de  Bruxelles,  1840,  t.  XHI,  2"  partie,  p.  3). 

(d)  Doyère,  Sur  la  Noctiluque  miliaire  {l'Institut,  1840,  t.  XIV,  p.  428). 

(e)  Quatrefages,  Observations  sur  les  Noctiluques  [Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1850, 
t.  XIV,  p.  220,  pi.  5,  fig.  1-5).  —  Mémoire  sur  la  phosphorescence  de  quelques  Animaux  inver- 
tébrés marins  {loc.  cit.,  p.  203). 

(f)  Buscli,  Bsobachtnngen  ilber  Anat.  xmd  Entwickelung  einiger  wirbellosen  Seelhiere,  1851, 
p.  103. 

—  Krohn,  Notiz  ùber  die  Nocliluca  miliaris  (Wiegmann's  Archiv  fur  1852,  p.  70,  pi.  3, 
fig.  2). 

—  Huxley,  On  Ihe  Structure  o/'Nocliluca  miliaris  {Quarterlg  Journal  of  Microscopical  Science, 
1855,  t  m,  p.  49). 

—  Webl),  On  Ihe  Nocliluca  miliiaris  [Quarterlg  Journal  of  Microscopical  Science,  1855, 
t.  III,  p.  102). 


PRODUCTION    DE    LUMIERE. 


115 


d'observations  intéressantes,  pense  que  ces  lueurs  ne  sont  pas 
dues  à  des  phénomènes  de  combustion  (1),  et  il  les  considère 
comme  étant  liées  à  l'action  mécanique  des  tissus  contractiles 
qui  occu[)ent  l'intérieur  du  corps  des  Noctiluques  (2). 

Beaucoup  d'Annélides  sont  aussi  très  phosphorescents,  et 
en  étudiant  au  microscope  quelques-uns  de  ces  Vers,  le  natu- 
raliste que  je  viens  de  citer  constata  que  la  lumière  émane  de 
leurs  muscles  et  se  développe  au  moment  de  la  contraction  de 
ces  organes.  En  raison  de  ces  faits  et  des  diverses  considéra- 
tions qu'il  serait  trop  long  d'exposer  ici,  M.  de  Quatrefages  et 
M.  Ehrenberg  sont  disposés  à  croire  que  chez  ces  Animaux  la 
phosphorescence  résulte  d'un  développement  d'électricité,  et 
cette  opinion  est  partagée  par  quelques  physiciens;  mais  elle 


(1)  M.  de  Quatrefages  a  bien  coii- 
stalé,  ainsiquel'avait  déjà  fait  M.  Pring, 
que  les  Noctiluques  peuvent  conti- 
nuer à  iDrillcr  pendant  un  certain 
temps,  lorsqu'il  ne  leur  est  pas  pos- 
sible de  venir  à  la  surface  de  l'eau  se 
mettre  en  rapport  avec  l'atmospbère, 
ou  bien  encore  lorsque  l'eau  dans 
laquelle  elles  nagent  est  en  contact 
avec  des  gaz  impropres  à  l'entretien 
de  la  combustion,  tels  que  de  l'hydro- 
gène ou  de  l'acide  carbonique  [a]. 
Mais,  à  mon  avis,  ces  faits  ne  prouvent 
pas  que  la  production  de  lumière  n'est 
pas  due  à  un  pbénomène  de  combus- 
tion ;  car  l'eau  dans  laquelle  ces  Ani- 
malcules vivent  contient  toujours  en 
dissolution  une  certaine  quantité  d'oxy- 
gène libre  ;  c'est  cet  oxygène  qui  en- 
trelient la  combustion  respiratoire,  et, 


lorsqu'il  est  épuisé,  la  mort  arrive,  lé- 
sultat  qui  est  accompagné  de  l'extinc- 
tion de  la  lumière  développée  dans 
l'intérieur  de  l'organisme  de  ces  petits 
Zoopliytes. 

(2)  M.  de  Quatrefages  a  remarqué 
que  l'expansion  (iliforme  de  substances 
sarcodiques  qui  occupent  l'intérieur  du 
corps  des  Noctiluques  se  rompt  sou- 
vent spontanément,  et  que  c'est  dans 
les  points  où  ce  phénomène  est  le  plus 
fréquent  que  les  étincelles  sont  les  plus 
nombreuses.  11  a  constaté  aussi  que  si 
l'on  presse  entre  deux  lames  de  verre 
le  corps  d'un  de  ces  Animalcules,  ces 
brides  se  rompent  également,  et  il  a 
vu  que  cet  écrasement  déterminait 
toujours  une  forte  émission  de  lu- 
mière (6). 


(a)  Pring,  Observ.  and  Experimenls  on  the  Noctiluca  miliaris,  the  animalcular  Source  o] 
Ihe  Phosphorescence  of  Vie  Brilish  Seas  ;  together  with  a  feio  gênerai  Rnnnrks  on.  the  Pheno- 
mena  of  Vital  Phosplioresrence  {Philosophical  Magaiine,  3°  sorie,  ■1849,  t.  XXXIV,  p.  iOi). 

—  Qualrefugos,  Mém.  sur  la  phosplwrescence  de  quelques  Invertébrés  marins  [Ann.  des 
sciences  nat.,  3'  série,  1850,  l.  XIV,  p.  208). 

[b)  Qualrefa^os,  Op.  cit.  {toc.  cit.,  p.  270). 


116  NUTRITION. 

ne  me  semble  pas  suffisamment  fondée,  et  j'incline  à  penser  que 
eliez  les  Vers  etlesZoopliytes,  de  môme  que  chez  les  Insectes, 
ce  phénomène  doit  dépendre  de  l'oxydation  de  quelque  sub- 
stance combustible.  En  effet,  M.  Ehrenberga  constaté  que  chez 
la  Syllis,  que  ce  naturaliste  désigne  sous  le  nom  de  Photo- 
charis  cirrigera  (1),  la  lumière  se  montre  d'abord  par  étincelles 
dans  les  appendices  tentaculiformes  situés  à  la  base  de  la 
rame  dorsale  des  pieds,  et  gagne  ensuite  toute  la  surface  du  dos, 
mais  ne  se  développe  pas  seulement  dans  l'intérieur  de  l'or- 
ganisme, et  émane  aussi  du  mucus  qui  suinte  à  la  surface 
de  la  peau.  Or,  ce  mucus  continue  à  briller  après  qu'on  l'a 
détaché  du  corps  de  l'Animal,  et  communique  sa  phospho- 
rescence aux  objets  sur  lesquels  on  l'applique  (2),  circon- 
stance qui  est  incompatible  avec  l'hypothèse  suivant  laquelle 
la  production  de  cette  lumière  dépendrait  de  l'électricité  déve- 
loppée dans  l'économie  animale  (3). 


(1)  Il  me  paraît  probable  que  la  (3)  J'ajouterai  qu'à  la  suite  de  quel- 
Photocharis  de  M.  Ehrenberg  n'est  ques  observations  faites  par  Forbes  sur 
autre  chose  que  la  Syllis  monillaris  la  direction  constante  des  traînées 
dont  Savigny  a  donné  une  très  belle  phosphorescentes  qui  se  manifestent 
figure  (a).  chez  les  Pennatulides,  M.  Wilson  (d'É- 

(2)  M.  Ehrenberg  s'exprime  for-  dimbourg)  a  fait  des  expériences  élec- 
mellement  au  sujet  de  la  phosphores-  troscopiques  en  vue  de  constater  le 
cence  de  cette  Syllis  (6)  ;  mais  je  dois  développement  d'électricité  lors  de  l'é- 
ajouter  que  Dugès,  en  observant  un  mission  de  lumière  par  ces  Animaux  ; 
autre  Annélide  du  même  genre,  qu'il  mais  il  n'est  arrivé  qu'à  des  résultats 
a  appelé  Syllis  fulgurans,  n'a  pu  négatifs,  et  ce  savant  conclut  de  ses 
constater  aucune  excrétion  de  matière  recherches  que  probablement  le  phé- 
phosphorescente,  bien  que  la  lumière  nomène  est  dû  à  la  sécrétion  de  quel- 
développée  dans  l'intérieur  du  corps  que  matière  spontanément  inflam- 
fùt  très  intense  (c).  mable  {d). 


(a)  Savigny,  Système  des  Annélides  {Description  de  l'Egypte.  Histoire  naturelle,  Annélides, 
pl.  4,  ûg.  3). 

(b)  Ehrenberg,  Das  Leuchten  des  Meeres  (Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1834,  p.  548). 

(c)  Voyez  Audouin  et  Milne  Edwards,  Classiftcation  des  Annélides  et  description  de  celles  qui 
habitent  les  côtes  de  France  {Ann.  des  sciences  nat.,  -1833,  t.  XXIX,  p.  229). 

(d)  Voyez  Jolinslon,  Hist.  of  Britisli,  Zoophytes,  1847,  t.  I,  p.  151  et  suiv. 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  117 

On  doit  ranger  aussi,  parmi  les  Animaux  marins  qui  pos- 
sèdent au  plus  haut  degré  la  faculté  photogénique,  divers 
Tuniciers,  les  Pyrosomes  et  les  Bipliores,  par  exemple  (1), 
beaucoup  de  Coralliaires,  tels  que  les  Pennatules,  et  la  plupart 
des  Acalèphes  (t2).  Chez  ces  Zoophytes,  de  môme  que  chez  les 
autres  x4nimaux  marins,  dont  je  viens  de  parler,  l'émission  de 
lumière  est  provoquée  par  le  choc  et  par  toutes  les  causes  qui 
déterminent  la  production  de  mouvements  dans  l'intérieur  de 
l'organisme  (3).  Souvent  ce  phénomène  ne  se  manifeste  que 
dans  les  parties  du  corps  où  des  fdores  musculaires  se  con- 
tractent, par  exemple  le  long  des  côtes  ciliées  des  Bercés  (/l); 
mais  ces  parties  sont  aussi  celles  où  l'irrigation  physiologique 
est  la  plus  active,  et,  d'après  quelques  observations  que  j'ai  eu 
l'occasion  de  faire  sur  des  Béroés,  ce  serait  dans  l'intérieur  des 


(1)  L'émission  de  lumière  par  ces  douce  active  beaucoup  la  production 
Tuniciers  a  été  observée  par  plusieurs  de  lumière  pendant  quelques  instants 
naturalistes,  et  contribue  parfois  beau-  chez  la  plupart  des  Acalèphes  phos- 
coup  à  la  phosphorescence  de  la  phorescents  ;  souvent  elle  peut  même 
mer  (a).  la  déterminer  quand  celle-ci  a  cessé 

(2)  Voyez  ci-dessus  page  109.  d'avoir  lieu  (c). 

(3)  Pour  provoquer  les  décharges  II  paraîtrait,  d'après  les  observations 
lumineuses  chez  ces  Béroés,  il  suffit  en  récentes  de  M.  AUman,  que  l'action 
général  d'irriter  mécaniquement  l'A-  préalable  de  la  lumière  est  défavorable 
niraal  ;  mais  lorsque  les  éclairs  se  suc-  à  la  phosphorescence  des  Béroés  ;  il 
cèdent  rapidement,  leur  intensité  s'af-  n'a  pu  constater  ce  phénomène  que 
faiblit  beaucoup,  comme  si  la  provi-  chez  des  individus  qui  étaient  restés 
sion  de  matière  phosphorescente  accu-  quelque  temps  dans  l'obscurité  (d). 
mulée  dans  l'organisme  par  un  travail  (ù)  Voyez  l'atlas  du  Règne  animal 
sécrétoire  plus  ou  moins  lent  s'épui-  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  56,  fig.  1 
sait   (6).   L'immersion  dans  de  l'eau  et  2. 


(o)  Voyez  ci-dessus,  page  109. 

(6)  Murrav,  On  the  Luminosity  of  the  Sea  (Mem.  of  the  Wernerian  Nat.  Hist.  Soc,  1821, 
t.  m,  p.  466). 

—  Forbes,  A  Monograph  ofthe  British  naked-eyed  Medusœ,  p.  13. 

—  Bennet,  Observ.  on  the  Phosphorescence  of  Ihe  Ocsan  {Proceedings  of  the  Royal  Society, 
1837,  p.  1). 

(c)  Milne  Edwards,  Observations  sur  la  structure  el  les  fonctions  de  quelques  Zoophytes,  etc. 
{Ann.  des  sciences  nat.,  2' série,  t.  XVI,  p.  216). 

((2)  AUman,  Note  on  the  Phosphorescence  of  Beroe  [Proceedings  of  Ihe  Royal  Society  of  Edin- 
burgh,  1862,  p.  518). 


118  NUTRITION. 

canaux  sanguilcres  que  le  développement  de  la  lumière  parai- 
trait  avoir  son  siège.  Je  suis  donc  porte  à  croire  que  le  renou- 
vellement du  lluidc  nourricier  qui  baigne  le  tissu  sécréteur  de 
la  matière  phosphorescenle  pourrait  bien  être  une  des  causes 
de  l'apparition  des  éclairs  qui  de  temps  en  temps  sillonnent  tout 
le  voisinage  de  ces  conduits.  Il  est  aussi  à  noter  que  chez 
d'autres  Acalèphes  le  foyer  lumineux  est  situé  dans  l'appareil 
reproducteur,  qui  reçoit  beaucoup  de  fluide  nourricier,  mais 
qui  n'est  que  peu  coniraclile  (1).  Enfin  on  sait  depuis  longtemps, 
par  les  expériences  de  Spallanzani,  que  chez  d'autres  Animaux 
marins  qui  appartiennent  à  la  même  classe,  la  phosphorescence 
persiste  après  la  mort,  et  peut  être  transmise  à  des  liquides  dans 
lesquels  on  délaye  la  substance  des  parties  lumineuses  de  l'or- 
ganisme (2). 
Quelques  observations  faites  sur  la  phosphorescence  des 


(1)  Ainsi,  ]\I,  Ehrcnl)erg  a  remar- 
qué que  chez  VOceania  pileata  la 
phosphorescence  réside  clans  la  por- 
tion centrale  de  la  face  inférieure  de 
l'ombrelle,  où  les  ovaires  se  trouvent 
suspendus  (a),  et  Forbcs  a  vu  [que  la 
lumière  émane  aussi  de  l'appareil  re- 
producteur chez  la  Dianema  appendi- 
culata  (6). 

(2)  Spallanzani  a  constaté  que  chez 
l'Acalèphc  qu'il  appelle  Médusa  phos- 
phorea,  et  que  l'on  désigne  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  Pelagia  nocti- 
luca  (c),  l'émission  de  lumière  a  lieu 
par  la  portion  marginale  de  l'ombrelle, 
oii  se  trouvent  les  principaux  muscles 
locomoteurs.  11  trouva  aussi  que  le 
mucus  qui  lubrifie  la  surface  de  la  peau 


de  celte  partie  est  lumineux,  et  com- 
munique la  phosphorescence  aux  doigts 
de  l'observateur  ainsi  qu'aux  autres 
corps  auxquels  il  adhère.  Spallanzani 
vit  aussi  que  des  fragments  peu  lumi- 
neux de  cette  portion  du  disque  devien- 
nent très  brillants  quand  on  les  plonge 
dans  de  l'eau  douce  et  qu'en  faisant 
la  même  expérience  avec  du  lait  ce 
liquide  jetait  un  éclat  encore  plus  vif. 
Le  liquide  phosphorescent  obtenu  de 
la  sorte  formait  des  traînées  lumineuses 
quand  on  le  répandait  à  terre,  et  une 
de  ces  Méduses  plongée  dans  un  verre 
de  lait  éclaira  si  fortement  les  objets 
adjacents,  qu'à  une  distance  d'un  mètre 
on  pouvait  s'en  servir  pour  lire  une 
lettre  {d). 


(a)  Elirenlierg,  Das  Lcuchten  des  Meeves  (Méni.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1 834). 
(6)  l'orbcs)  ,1  Momigraph  of  the  Driiish  naked-eyed  Meduscc,  p.  14. 
(c]  Voyez  VAllas  du  Règne  animal  rie  Cuvicrj  Zoopiiytes,  pi.  45. 
(dj  Spallanzani)  Viaggi  aile  Duc  Sicilie,  1793,  t.  IV,  p.  216  et  suiv. 


PRODUCTION    DE    LUMIÈRE.  110 

petits  Crustacés  qui  dans  certains  parages  illuminent  la  sur- 
face de  la  mer,  tendent  également  à  établir  cpie  l'émission  de 
la  lumière  est  due  à  un  liquide  sécrété  par  ces  Animaux.  Ainsi, 
pendant  un  voyage  dans  le  grand  Océan  ,  Eydoux  et  Souleyct 
ont  vu  ces  Animaux  lancer  des  jets  d'une  matière  lumi- 
neuse qui,  en  se  mêlant  à  l'eau,  rendait  ce  liquide  phospho- 
rescent (1). 

Il  est  aussi  des  Poissons  chez  lesquels  des  phénomènes  de 
phosphorescence  ont  été  observés,  mais  il  ne  me  paraît  pas 
bien  démontré  que  la  lumière  dont  brillaient  ces  Animaux  leur 
appartînt  réellement,  et  ne  fût  pas  développée  par  des  Ani- 
malcules photogènes  ou  par  d'autres  corps  étrangers  dont  la 
surface  de  leur  peau  pouvait  être  enduite. 

Je  dois  ajouter  qu'il  paraît  y  avoir  de  grandes  différences 
dans  la  période  de  la  vie  à  laquelle  se  manifeste  la  faculté  pho- 
togénique chez  les  divers  Animaux.  Dans  les  uns  elle  existe 
avant  la  naissance  et  dure  toujours  (2),  tandis  que  chez  d'autres 
elle  ne  paraît  se  développer  que  temporairement. 

§  /i.  — En  résumé,  nous  voyons  que  la  faculté  de  produire 
de  la  lumière  est  beaucoup  plus  répandue  dans  le  règne  animal 
qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire  au  premier  abord  ;  car,  si  elle 
n'existe  que  chez  un  petit  nombre  d'Animaux  terrestres,  qui 


(1)    La    matière   phospliorescenlc  prennent  pas  sur  quelles  espèces  de 

lancée  par  ces  Crustacés  était  assez  Crustacés  pélagiques  ces  observations 

visqueuse  pour  se  coller  aux  parois  du  furent  faites  {a). 
vase  dans  lequel  les  Animaux  étaient  (2)  1\I,  A.llman  a  constaté  récemment 

placés,  et  son  émission  produisait  d'à-  que  l'embryon   des   Béroïdiens   dont 

bord  l'effet  d'une  fusée  brillante,  puis  on  a  formé  le  genre  Idya,  est  pbospho- 

formait  autour  du  petit  être  une  sorte  rescent  avant  l'éclosion  (6),  et  j'ai  déjà 

d'atmosphère  lumineuse.  Malheureuse-  eu  l'occasion  de  dire  que  les  œufs  des 

ment  Eydoux  et  Souleyet  ne  nous  ap-  Lampyriens  sont  lumineux. 

{a)  Voyez  Blainvillo,  Rapport  stw  les  résultats  scientifiques  du  voyage  dz  la  Bonite  autour  du 
monde  {Comptes  rendus  de  l'Acaiéinle  dis  sciences,  1838,  t.  VI,  p.  456). 

(!))  Allra:iii,  Note  ou  ihi  Ptiosphoréscence  of  Deroî  [Ih'oczedinjs  OftHe  Rvjal  Sic.  Of  Edinburgh; 
1802,  p.  518). 


120  NUTRITION. 

pour  la  plupart  appartiennent  à  la  classe  des  Insectes,  elle  est 
très  commune  chez  les  Invertébrés  marins,  principalement  chez 
les  espèces  dont  les  tissus  sont  transparents,  et  cette  circon- 
stance me  porte  à  soupçonner  que  des  phénomènes  du  même 
ordre  pourraient  bien  se  développer  parfois  dans  la  profondeur 
de  l'organisQie  chez  d'autres  Animaux  où  ils  restent  inaperçus 
à  cause  de  l'opacité  des  téguments.  Dans  l'état  actuel  de  nos 
connaissances,  il  me  paraîtrait  inutile  d'insister  davantage  sur 
l'histoire  de  ces  phénomènes  remarquables,  et  je  me  bornerai 
à  engager  les  naturalistes  qui  naviguent  ou  qui  habitent  les 
bords  de  la  mer  à  faire  de  nouvelles  recherches  sur  son  mode 
de  production. 

Je  terminerai  donc  là  cette  digression,  et  dans  la  prochaine 
Leçon  je  m'occuperai  de  questions  qui  touchent  plus  directe- 
ment à  l'histoire  du  travail  nutritif. 


SOIXANTE -NEUVIÈME  LEGON. 


Suite  de  l'étude  des  phénomènes  de  iiuliition.  —  Mutation  de  la  niatièie  organique 
dans  l'organisme.  —  Pertes  subies  par  le  corps  d'un  Animal  privé  d'aliments.  — 
Rôle  des  matières  alimentaires.  —  Modes  d'cvaliialion  du  degré  d'activité  de  la 
combustion  nutritive.  —  Circonstances  qui  influent  sur  l'activité  de  ce  travail  ; 
influence  du  volume  de  l'organisme,  des  dilTérences  spécifiqiies ,  de  l'âge;  des 
sexes ,  de  l'exercice  musculaire  ;  application  de  ces  faits  aux  procédés  employés 
pour  l'engraissement  des  Animaux  de  ferme;  inlluence  du  régime.  —  Fiation 
alimentaire  de  l'Homme  et  de  quelques  Animaux. 


§  1 .  —  La  combustion  physiologique,  dont  l'étude  nous  a  Effets 
occupés  dans  les  Leçons  précédentes,  s'effectue  dans  l'intérieur  la  combusiion 
du  corps  des  Animaux,  et  se  lie  de  la  manière  la  plus  intime 
à  presque  toutes  les  manifestations  de  leur  puissance  vitale. 
Son  degré  d'intensité  est  même  en  rapport  avec  la  grandeur  de 
l'activité  physiologique  de  ces  êtres,  et  bien  que  dans  certaines 
circonstances  elle  puisse  continuer  après  la  mort,  on  voit  tou- 
jours la  force  vitale  s'éteindre  ou  devenir  latente,  dès  qu'elle 
s'arrête. 

Pour  Tentretcnir,  il  faut  nécessairement  que  l'organisme 
puisse  disposer  de  deux  choses  :  d'une  quantité  suffisante  de 
l'agent  comburant,  c'est-à-dire  d'oxygène  libre  ou  suscep- 
lible  d'être  enlevé  à  des  corps  dans  la  composition  desquels  il 
entre,  et  de  matières  combustibles  aptes  à  brûler  dans  les  con- 
ditions où  l'Animal  doit  en  faire  usage. 

La  respiration,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  fournit  à  ces 
foyers  de  combustion  l'élément  comburant  que  l'Animal  trouve 
à  l'état  de  liberté  dans  l'atmosphère,  ou  faiblement  associé  à 
l'eau  qui  est  exposée  au  contact  de  l'air.  Dans  quelques  cas  . 
extrêmement  rares,  l'être  animé  peut  vivre  aux  dépens  de 
l'oxygène  qui  se  trouve  à  l'état  de  combinaison  dans  certains 
vni.  9 


'l'22  NUTRITION. 

corps  auxquels  il  en  enlève  une  portion,  et  il  est  probable  que 
souvent  des  phénomènes  du  môme  ordre  ont  lieu  dans  l'inté- 
rieur de  l'économie,  animale  [)ar  l'action  de  certaines  parties 
vivantes  sur  des  matières  préalablement  oxydées  par  suite  du 
travail  respiratoire  ordinaire  ;  mais  dans  l'immense  majorité 
des  cas,  c'est  l'atmosphère  qui  fournit  directement  à  l'orga- 
nisme l'oxygène  nécessaire  à  l'entretien  de  la  combustion  phy- 
siologique :  par  l'acte  de  la  respiration,  le  lluide  nourricier 
de  l'Animal  s'en  charge,  et  sert  de  véhicule  pour  le  porter 
sur  les  combustibles  avec  lesquels  il  doit  se  combiner  (I). 

L'oxygène  qui  est  en  dissolution  dans  l'eau,  est  libre  chimi- 
quement; les  Animaux  aquatiques  sont  donc  placés,  sous  ce 
rapport,  dans  des  conditions  analogues  à  celles  où  se  trouvent 
les  Animaux  terrestres,  dont  le  corps  est  baigné  directement 
par  le  fluide  atmosphérique.  Et  jusque  dans  ces  derniers  temps 
on  devait  penser  que  l'action  de  l'oxygène  libre  sur  l'organisme 
était  indispensable  à  l'entretien  de  la  vie  chez  tous  les  êtres  ani- 
més ;  mais  il  existe  quelques  Animaux  inférieurs  chez  lesquels 
le  travail  respiratoire  peut  être  remplacé  par  un  phénomène 
plus  complexe,  et  l'introduction  de  l'oxygène  dans  l'économie 
peut  être  obtenue  au  moyen  de  la  décomposition  de  certains 
composés  oxygénés  avec  lesquels  le  corps  vivant  est  en  conlact. 
Cela  a  été  constaté  par  M.  Pasteur,  dans  ses  belles  expériences 
sur  certains  Infusoires  qui  déterminent  la  fermentation  buty- 
rique dans  les  dissolutions  de  sucre  ou  d'acide  lactique  (2),  et 

(1)  Voyez  tome  I,  page  /i30  et  suiv.  L'espèce  de  fermentation  ainsi  pi'o- 

(2)  Il  résulte  des  recherches  de  duite  est  accompagnée  d'un  dégage- 
M.  Pasteur  que  certains  Vibrions  peu-  ment  d'acide  carbonique  et  d'hydro- 
vent  vivre  sans  oxygène  libre  et  en  gène.  Il  est  aussi  à  noter  que  ces 
décomposant  des  matières  organiques,  Animalcules  périssent  très-prompte- 
telles  que  le  sucre  et  l'acide  lactique,  ment  quand  ils  subissent  l'action  de 
qu'ils  transforment  en  acide  butyrique.  l'oxygène  libre  (a). 

(a)  Pasteur,  Animalcules  infusoires  vivant  sans  gaz  oxygène  libre  et  déterminant  des  fer- 
mentations [Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1861,  t.  LU,  p;  344), 


SOliaCK    DES    MATlÈRIiS    HIVL'LÉES.  1 -O 

il  me  i)araîl  probable  que  les  Helmiiillies  qui  vivent  dans  l'in- 
térieur du  corps,  des  Animaux  sont  doués  du  même  pouvoir 
désoxydant.  Mais,  quoiqu'il  en  soit  à  cet  égard,  la  règle  ordi- 
naire pour  les  êtres  animés  est  d'entretenir  la  combustion 
physiologique  au  moyen  de  l'oxygène  libre  puisé  directement 
ou  indirectement  dans  l'air  atmosphérique;  aussi  avons-nous 
vu  que  chez  tous  les  Animaux,  sauf  les  espèces  intérieures 
dont  il  vient  d'être  question,  la  privation  de  cet  élément  com- 
burant est  plus  ou  moins  promptement  une  cause  de  mort  appa- 
rente, suivie  de  la  mort  réelle. 

Je  rappellerai  aussi  que  nous  avons  constaté  précédemment 
que  l'activité  respiratoire  des  Animaux,  ou,  en  d'autres  termes, 
la  consommation  d'oxygène  faite  par  ces  êtres  est  en  rapport  avec 
le  degré  de  leur  activité  vitale  et  la  grandeur  de  leur  puissance 
physiologique.  Bientôt  nous  verrons  que  les  mêmes  rapports 
existent  entre  ces  phénomènes  et  la  destruction  des  matières 
combustibles  dont  l'organisme  est  pourvu,  de  telle  sorte  que  la 
mesure  de  l'action  vitale  peut  être  fournie  également  bien  par 
la  considération  de  ces  deux  ordres  de  faits.  Mais,  avant  d'a- 
border l'élude  de  ces  questions,  il  faut  que  nous  cherchions  à  ' 
bien  fixer  nos  idées  au  sujet  delà  source  qui  fournit  à  la  combus- 
tion physiologique  les  matières  combustibles  destinées  à  fixer 
l'oxygène  introduit  sans  cesse  dans  l'organisme  par  le  travail 
respiratoire. 

§  2.— Il  est  évident  que  les  matières  brûlées  de  la  sorte      source 
dans  l'intérieur  de  l'économie  animale  ne  peuvent  être  que  les  combusiibie 

brûlés  dans 

substances  organiques  qui  y  sont  mtrodnites  sous  la  forme  d'ali-    ror-anisme. 

Au  moment  de  mettre  celte  feuille  tion  exefcée  par  certains  Vibrions  sur 

sous  presse,  j'apprends  que  cet  expé-  le  tartrate  de  chaux.  Ces  Animalcules 

rimentateur  habile  a  constaté  d'autres  vivent  sans  air,  en  décomposant  l'acide 

faits  du  même  ordre  en  étudiant  l'ac-  tartrique  (a). 

(a)  Pasteur,  Nouvel  exemple  de  fermentation  déterminée  par  des  Animalcules  infusoires  pouvant 
vivre  sans  gax.  oxugène  libre  et  en  dehors  de  tout  contact  avec  l'air  de  l'atmosphère  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  9  mars  1863,  t.  LVI,  p.  410). 


124  NUTRITION. 

ments,  et  qui  sont  versées  par  l'appareil  digestif  dans  le  torrent 
de  la  circulation,  ou  bien  celles  qui  constituent,  soit  des  dépôts 
ou  réserves  de  matières  nutritives,  comme  la  graisse,  soit  le 
tissu  même  des  organes.  Mais  les  physiologistes  sont  partagés 
d'opinions  au  sujet  du  rôle  accompli  par  ces  deux  sortes  de 
corps  combustibles.  Jadis  on  pensait  que  tout  ce  qui  se  détruit 
dans  l'économie  provenait  de  la  substance  des  organes,  que 
cette  substance  se  renouvelait  tout  entière  avec  une  grande 
rapidité,  et  que  la  matière  organique  fournie  par  les  aliments, 
et  absorbée  par  l'appareil  digestif,  était  exclusivement  destinée, 
soit  à  la  reconstitution  des  tissus  soumis  à  cette  loi  de  renou- 
vellement, soit  à  la  formation  des  humeurs  non  excrémenti- 
tielles;  enfin  que  toutes  les  matières  excrétées  étaient  les  pro- 
duits de  cette  destruction  de  la  substance  vivante. 
Travail  Cctte  hypothèsc  reposait  sur  une  multitude  de  faits  fournis 
désassiîiiation  taut  par  l'obscrvation  journalièrc  que  par  l'expérimentation  des 
organique,  pj^ygioiogistcs.  Alusl, chacun  saitque,  lorsqu'un  Anmial  estprivé 
d'aliments,  le  poids  de  son  corps  diminue  plus  ou  moins  rapi- 
dement; qu'il  perd  de  ses  forces  en  même  temps  qu'il  perd  de 
sa  substance,  et  que  la  mort  est  toujours  la  conséquence  de  ces 
pertes,  lorsqu'elles  dépassent  certaines  limites.  Quand  il  s'ap- 
proprie une  quantité  suffisante  de  matières  nutritives,  son  poids 
reste  stationnaire  ou  augmente,  et  cependant  il  continue  à 
éprouver  des  pertes  non  moins  considérables  que  s'il  était 
privé  d'aliments. 

Cuvier,  dont  le  style  était  souvent  remarquable  par  le  brillant 
des  images  aussi  bien  que  par  l'élévation  des  pensées  et  la 
netteté  de  l'expression,  a  parfaitement  résumé  l'opinion  des 
physiologistes  de  son  époque  sur  la  nature  du  travail  nutritif, 
lorsqu'il  a  dit  :  «  La  vie  consiste  essentiellement  dans  la 
«faculté  qu'ont  certaines  combinaisons  corporelles  de  durer 
»  pendant  un  temps  et  sous  une  forme  déterminée,  en  attirant 
»  sans  cesse  dans  leur  composition  une  partie  des  substances 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BRÛLÉES.  125 

»  environnantes,  et  en  rendant  aux  éléments  des  portions  de 
»  leur  propre  substance.  La  vie  est  donc  un  tourbillon  plus  ou 
»  moins  rapide,  plus  ou  moins  compliqué ,  dont  la  direction 
»  est  constante,  et  qui  entraîne  toujours  des  molécules  de  mêmes 
»  sortes,  mais  où  les  molécules  individuelles  entrent  et  d'où 
»  elles  sortent  continuellement,  de  manière  que  la  fonne  du 
»  corps  vivant  lui  est  plus  essentielle  que  la  matière  [i).  » 

11  est  indubitable  que  l'organisme,  considéré  dans  son  en- 
semble, présente  toujours  des  phénomènes  de  cet  ordre,  et  que 
sans  cesse  certaines  de  ses  parties  se  détruisent  et  disparaissent 
pendant  que  d'autres  se  forment  pour  leur  succéder  et  en  tenir 
lieu.  Ainsi  chacun  sait  que  nos  ongles,  de  même  que  nos  che- 
veux ou  les  poils  de  notre  barbe,  croissent  par  leur  base  et  s'usent 
par  leur  extrémité  opposée,  en  sorte  qu'au  bout  d'un  certain 
temps  la  substance  constitutive  de  chacun  de  ces  appendices 
cornés  se  trouve  renouvelée  complètement,  bien  que  leur  forme 
générale  n'ait  pas  changé.  Nous  avons  déjà  vu  qu'il  en  est  de 
même  pour  la  couche  de  tissu  utriculaire  qui  revêt  les  membranes 
muqueuses  du  tube  digestif,  des  voies  respiratoires  et  des  cavités 
glandulaires;  dans  une  autre  partie  de  ce  cours  je  montrerai 
que  l'épiderme  croît  de  la  même  manière  par  sa  face  interne, 
pendant  que  du  côté  opposé  elle  se  détruit  ou  se  détache  de  la 
peau.  Entln  les  belles  expériences  de  M.  Flourens  sur  les  os 
des  Mammifères  et  des  Oiseaux  étabhssent  que  pendant  le  jeune 
âge  ces  organes  s'accroissent  et  s'usent  en  même  temps  d'une 
manière  analogue,  mais  en  sens  inverse,  c'est-à-dire  grandis- 
sent par  la  naissance  de  couches  nouvelles  à  leur  surface,  tandis 
que  vers  le  centre  ils  se  creusent  des  cavités  produites  par  la 
résorption  progressive  des  couches  primitives  de  leur  tissu  con- 
stitutif. Ce  genre  de  changement  a  été  mis  bien  en  évidence  par 
l'emploi  alimentaire  de  la  garance,  qui,  répandue  dans  le  fluide 

(1)  Le  Bègne  animal  distrihué  d'après  son  organisation,  1817,  t.  I,  p.  13. 


126  NUTRITION. 

nourricier,  teint  en  rouge  les  parties  superficielles  des  os,  phé- 
nomène (jui  nous  permet  de  reconnaître  les  portions  de  la  sub- 
stance osseuse  existante  au  moment  de  l'expérience,  et  de  les 
distinguer  de  celles  développées  après  que  l'Animal  a  été  remis 
à  son  régime  ordinaire  (1).  Dans  tous  ces  cas  il  y  a  remplace- 
ment d'une  portion  de  l'ancienne  substance  constitutive  du  corps 
vivant  par  de  la  substance  nouvelle  ;  et  comme  l'a  très-bien  fait 
remarquer  M.  Flourens,  la  théorie  de  la  rénovation  matérielle 
de  l'organisme,  conçue  delà  sorte,  est  certainement  l'expression 


(1)  Le  fait  de  la  coloration  des  os  en 
rouge  cirez  des  Cocbons  qui  mangent 
une  certaine  quantité  de  garance,  avait 
été  signalé  dès  le  milieu  du  xv!**  siècle 
par  un  certain  ^Mizaud,  dit  IMizaldi  (a) , 
mais  n'avait  pas  fixé  l'attention  des 
physiologistes,  et  était  généralement 
ignoré  lorsqu'en  1736,  un  chirurgien 
anglais,  J.  Belchier,  l'observa  par 
hasard  en  dînant  chez  un  teinturier 
qui  utilisait  pour  la  nourriture  de  ses 
Porcs  le  son  imprégné  de  garance  pro- 
venant de  ses  ateliers.  Belchier  fit  aus- 
sitôt des  expériences  sur  la  cause  de 
ce  phénomène  (6),  et  il  fut  suivi  dans 
cette  voie  par  Duhamel  et  par  plusieurs 
autres  physiologistes,  qui  profilèrent 
de  la  coloration  du  tissu  osseux  oi)te- 
nue  de  la  sorte  pour  étudier  le  mode 


de  croissance  des  os.  Dans  une  autre 
partie  de  ce  cours  je  rendrai  compte 
des  résultats  obtenus  ainsi  par  M.  Flou- 
rens ou  par  ses  prédécesseurs  (c),  et 
ici  je  me  bornerai  à  considérer  ce  sujet 
au  point  de  vue  de  l'étude  des  phé- 
nomènes de  nutrition. 

On  a  cru  d'abord  que  le  tissu  osseux 
rougi  par  le  principe  colorant  de  la 
garance  avait  dû  se  former  pendant 
que  l'Animal  recevait  dans  son  orga- 
nisme cette  substance  tinctoriale  mê- 
lée à  ses  aliuients.  Ainsi  Pailherford, 
qui  fut  le  premier  à  reconnaître  que 
le  phénomène  en  question  est  dû  à 
la  ppoduclion  d'une  sorte  de  laque 
résultant  de  l'union  chimique  de 
l'alizarine,  ou  principe  colorant  de  la 
garance,  avec  les  sels  calcaires  de  l'or- 


(a)  Mizaldi,  MemorahilhnmitiUum  et  jucundorum  ccnturiœ  novem  lu  ciphorismos  digestœ, 
Lutetiae,  1584,  p.  101,  cent,  vu,  aph.  91. 

(6)  Belchier,  An  Account  of  Vie  Bones  of  Animais  bebig  Changed  lo  a  Red  Colour  bij  aimant 
only  (Philos.  Trahis.,  1836,  t.  XXXIX,  p.  287).  —  Furthei' Account,  de.  [toc.  cit.,  p.  299). 

(c)  Duhamel,  Su7'  une  racine  qui  a  la  faculté  de  teindre  en  rouge  les  os  des  Animaux  vivants 
{Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  pour  1739,  p.  1).  —  Sur  le  développement  et  la  crue  des  os  des 
Animaux  (Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  1742,  p.  354). 

—  Bazani,  De  coloratis  animalium  quorumdam  viv  irum  ossibus  {Comment.  Insl.  Bononiensis, 
1745,  t.  II,  part,  1,  p.  129).  —  De  ossium  colorandorum  artificio  per  radicem  rubùc  (Op.  cit., 
174G,  t.  Il,  pars  2,  p.  124). 

—  Bœhmer,  De  radicis  Rubiœ  tinctorum  effectibus  in  corpore  animali  {dissert,  inaug'.).  Lipske, 
1752.  —  }\ouvelles  expériences  sur  les  effets  que  produit  la  garance  dans  le  corps  des  Animaux 
(Mélanges  d'hisioire  naturelle,  par  A.  Diilac,  1705,  t.  111,  p.  227). 

—  J.  Hiinter,  Expériences  et  observations  sur  le  développement  des  os  {Œuvres,  t.  IV,  p.  409). 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BRÛLÉES.  1*27 

de  la  vérité  pour  beaucoup  de  parties  de  l'économie  animale, 
sinon  pour  toutes.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  que  l'on  se  repré- 
sente généralement  la  mutation  de  la  matière  vivante  dans  l'in- 
térieur de  l'organisme.  On  suppose  que  la  substance  constitu- 
tive de  chaque  fibre,  de  chaque  lamelle  de  tout  tissu  vivant  se 
renouvelle,  molécule  à  molécule;  que  chacune  des  molécules 
dont  ces  tissus  se  composent  est  usée  et  détruite  sur  place,  pen- 
dant qu'une  ou  plusieurs  molécules  nouvelles  de  môme  espèce 
viennent  en  tenir  lieu  ;  en  un  mot,  que  les  matériaux  constitutifs  de 
ces  fibres  et  de  ces  lamelles  sont  renouvelés  à  peu  près  comme 
les  pierres  d'un  vieil  édifice  sont  parfois  remplacées  successi- 
vement parla  substitution  de  blocs  nouveaux  à  ceux  que  le  temps 
a  détériorés.  On  se  trouve  ainsi  conduit  à  admettre  que  la  matière 


ganisme  (a) ,  pensait  que  celte  combi- 
naison devait  s'effectuer  clans  le  sang 
et  précéder  le  dépôt  des  matières  ter- 
reuses dans  le  tissu  de  l'os.  Mais  on 
sait  aujourd'hui  par  les  expériences 
de  Gibson,  ainsi  que  par  celles  faites 
plus  récemment  par  MM.  Doyère  et 
Serres,  que  les  choses  ne  se  passent 
pas  ainsi  ;  que  le  tissu  osseux  préexis- 
tant se  teint  en  rouge,  pourvu  que  le 
fluide  nourricier  chargé  d'alizarine  y 
pénètre  on  assez  grande  abondance. 
Ainsi,  un  fragment  d'os  enfoncé  sous 
la  peau  d'xui  Animal  soumis  au  ré- 
gime de  garance,  se  colore  comme  le 
font  les  os  vivants  du  même  individu; 


et  si  la  coloration  du  squelette  a  lieu 
promptement  chez  les  jeunes  Ani- 
maux, tandis  qu'elle  ne  s'effectue  que 
très-lentement  ou  très-incomplétement 
chez  ceux  qui  sont  avancés  en  âge, 
cela  dépend  seulement  des  différences 
dans  le  degré  de  perméabilité  du  tissu 
osseux  et  dans  l'activité  de  la  circula- 
tion des  fluides  nourriciers  dans  sa  sub- 
stance aux  dernières  périodes  de  la 
vie.  Dans  tous  les  cas,  la  fixation  de  la 
garance  sur  les  sels  calcaires  du  tissu 
osseux  est  un  phénomène  analogue  à 
celui  dû  à  l'action  des  mordants  dans 
la  teinture  d'une  étoffe,  et  n'est  aucu- 
nement liée  au  travail  nutritif. 


(a)  Rutherford,  cité  d'après  Gibson. 

—  Gibson,  06s.  on  the  Effect  ofMadder  root  on  llie  Bones  of  Animais  {Mem.  of  the  Lit.  and 
Philos.  Soc.  of  Manchester,  2°  série,  1805,  t.  I,  p.  146). 

—  Flourens,  Recherches  sur  le  dévelopiiement  des  os  et  des  dents  {Archives  du  Muséum,  1841, 
t.  H,  p.  315). 

—  Serres  et  Doyère,  Exposé  de  quelques  faits  relatifs  à  la  coloration  des  os  chez  les  Animaux 
soumis  au  régime  de  la  garance  {.\nn.  des  sciences  nat.,  2»  série,  18-42,  t.  XVII,  p.  153). 

( —  Briillé  et  Hugueny,  Expériences  sur  le  développement  des  os  dans  les  Mammifères  et  les 
Ciseaux,  faites  au  moyen  de  l'alimentation  par  la  garance  (.\nn.  des  sciences  nat,,  3"  série, 
1845,  t.  IV,  p.  583). 


128  NUTRITION. 

dont  se  compose  chaque  partie  de  l'organisme  est  toujours  en 
mouvement,  et  que  dans  un  espace  de  temps  plus  ou  moins  court 
la  substancedu  corps  tout  entier  se  trouve  renouvelée.  Quelques 
auteurs  ont  même  cru  pouvoir  assigner  une  période  détermi- 
née pour  l'accomplissement  de  cette  rénovation  de  substance 
dans  le  corps  humain.  Enfin,  beaucoup  de  physiologistes  admet  - 
tent,  conformément  à  ces  vues  de  l'esprit,  que  la  combustion 
physiologiquedontl'économie  animale  est  le  siège,  estalimentée 
uniquement  par  la  substance  des  tissus  ;  que  la  totalité  de  l'acide 
carbonique,  de  l'urée  et  des  autres  produits  excrémentitiels  for- 
més dans  l'organisme,  provient  de  cette  source,  et  que  par 
conséquent  aussi  toute  matière  nutritive  absorbée  par  l'Animal 
n'est  utilisée  qu'à  la  condition  d'être  fixée  dans  ces  mêmes  tis- 
sus et  d'en  devenir  partie  intégrante  (1). 

Mais  beaucoup  de  faits  paraissaient  être  peu  favorables  à  cette 
hypothèse  de  la  mutation  générale  et  conlinue  de  la  matière 
constitutive  de  l'organisme.  Ainsi  Duhamel  a  vu  que  les  parties 
du  système  osseux  qui  ont  été  colorées  par  l'action  de  la  garance 
chez  un  Animal  vivant  ne  se  décolorent  pas,  comme  on  le  sup- 
posait d'abord,  mais  sont  cachées  sous  les  nouvelles  couches 
développées  ultérieurement;  M.  Flourens  a  montré  que  les 
parties  teintes  de  la  sorte  conservent  leur  coloration  anormale 
jusqu'à  ce  qu'elles  soient  elles-mêmes  détruites  ;  que  rien  n'y 
décèle  un  renouvellement  de  subslance,  et  que  chez  l'individu 
parvenu  au  terme  de  sa  croissance ,  leur  existence  paraît 
être  en  général  permanente  (2).  Les  rapports  qui  ont  été 
constatés  par  Chossat  et  plusieurs  autres  expérimentateurs 


(1)  Celte  hypothèse  a  été  adoptée      mutation  de  la  matière  dans  l'éconn- 
récemment  par  MM.  Bischoff  et  Voit,       mie  animale  (a), 
dans  leur  intéressant  travail   sur  la  (2)   Duhamel  avait  d'abord  pensé 


(a)  Th.  Bischoff  iinJ  C.  Voit,  Die   Geselxe  der  Ernahrunq  des  Fleischfi'essers  djirch  neve 
Untersvchungen  feslgestellt.,  ISOO. 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BRULEES.  129 

entre  le  mode  d'alimentation  et  la  nature  on  la  quantité  des 
produits  de  la  sécrétion  urinaire,  ont  môme  conduit  quelques 
physiologistes  à  penser  que  dans  les  circonslances  ordinaires 
toutes  les  matières  excrétées  de  l'organisme  proviennent  direc- 
tement des  matières  étrangères  qui  y  ont  été  introduites  ;  de 
sorte  que  la  combustion  physiologique  dont  résultent  l'acide 
carbonique,  l'urée,  etc.,  serait  eniretenue  uniquement  par  les 
aliments  (1).  Mais  cette  hypothèse  n'est  pas  admissible,  et  la 


qu'après  la  cessation  du  régime  de  la 
garance,  les  os  rougis  par  celte  sub- 
stance reprenaient  toujours  leur  cou- 
leur primitive  (a)  ;  mais,  par  la  suite 
de  ses  expériences,  il  reconnut  que 
chez  les  jeunes  Animaux  les  parties 
rougies  de  la  sorte  se  retrouvent  au- 
dessous  des  couches  du  tissu  osseux 
développées  ultérieurement  (6).  M. 
Flourens  confirma  ce  résultat,  et  mon- 
tra que  dans  les  cas  où  la  teinte  rouge 
vient  à  disparaître,  cela  no  dépend  pas 
d'un  renouvellement  moléculaire  de  la 
portion  du  tissu  qui  a  été  garancée, 
mais  de  sa  résorption  complète  par 
suite  du  travail  d'accroissement  (c), 
phénomène  sur  lequel  je  reviendrai 
lorsque  je  traiterai  du  mode  de  déve- 
loppement des  os. 

Je  citerai  également  ici  une  des  ex- 
périences de  MAI.  Doyère  et  Serres. 
Un  jeune  pigeon  fut  soumis  au  régime 
de  la  garance  du  10  mars  I8Z1O  au 
15  avril;  le  15  mai  on  lui  amputa  une 
aile,  puis  le  30  janvier  18/il  on  lui 
amputa  l'autre  aile  :  l'Animal  mourut 


des  suites  de  cette  seconde  opération. 
Entre  les  moments  où  les  deux  ailes 
avaient  été  amputées,  il  n'avait  reçu 
aucun  aliment  coloré  ;  cependant  les 
os  correspondants  dans  ces  deux  mem- 
bres étaient  également  colorés. (d).  11 
est  du  reste  à  noter  que  par  le  seul 
fait  du  lavage  des  os  colorés  opéré 
avec  du  sérum  qui  ne  contient  pas 
d'alizarine,  l'espèce  de  laque  formée 
par  la  combinaison  de  ce  principe 
avec  le  phosphate  calcaire  des  os  peut 
à  la  longue  abandonner  une  certaine 
quantité  d'alizarine  et  pâlir  plus  ou 
moins  (e)  ;  mais  ce  phénomène  pure- 
ment chimique  ne  ressemble  en  rien 
à  la  mutation  continue  de  la  matière 
organique  dont  les  physiologistes  par- 
lent d'ordinaire  sous  le  nom  de  mou- 
vement nutritif, 

(1)  Ghossat  (de  Genève)  a  fait  une 
longue  séried'expériences  intéressantes 
sur  les  circonslances  qui  influent  sur 
la  sécrétion  urinaire  chez  l'Homme. 
Malheureusement  il  n'a  pas  dosé  di- 
rectement les  matières  azotées  et  sa- 


(a)  Duliamel,  Sur  une  racine  qui  a  la  faculté  de  teindre  en  rouge  les  os  des  Animaux  vivants 
[Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  il'id,  p.  A). 

(b)  Idem,  Sur  le  développement  des  os  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1742,  p.  365). 

(c)  Flourens,  Op.  cit.  {Mém.  du  Muséum,  t.  II,  p.  407). 

{d)  Dojère  et  Serres,  Exposé  de  quelques  faits  relatifs  à  la  coloration  des  os  chez  les  Animaji.x 
soumis  au  régime  de  la  garance  {Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1842,  t.  XVII,  p.  172). 
(iç)  Brullé  et  Hugiieny,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  3«  série,  d845,  t.  IV,  p.  294). 


130  nutrition: 

vérité  se  trouve  entre  les  deux  opinions  extrêmes  Que  je  viens 
d'exposer. 

En  eftet,  d'une  part  il  est  évident  que  des  phénomènes  de 
combustion  ont  lieu  dans  les  liquides  nourriciers  de  l'économie, 
que  des  matières  organiques  en  dissolution  ou  en  suspension 
dans  ces  fluides  peuvent  s'y  oxyder,  et  que  de  ces  réactions 
chimiques  il  peut  résulter  de  l'acide  carbonique  ou  d'autres 
matières  brûlées  qui  sont  ensuite  excrétées.  La  transformation 
des  sels  végétaux  en  carbonates,  que  nous  avons  déjà  vue  s'opérer 
dans  le  torrent  circulatoire,  nous  en  fournit  une  preuve  irré- 
cusable (1).  Mais,  d'autre  part,  les  faits  fournis  par  l'étude  des 
changements  qui  ont  lieu  dans  le  corps  d'un  Animal  privé  de 
tout  aliment  ou  nourri  d'une  manière  insuffisante,  me  semblent 
prouver  non  moins  clairement  qu'il  y  a  consommation  de  la 
substance  des  organes  par  suite  de  l'action  comburante  de 


lines  qui  se  trouvent  excrétées  de  la 
sorte,  et  il  s'est  contenté  d'en  appré- 
cier approximativement  la  quantité  en 
déterminant  d'une  part  le  volume  des 
liquides  évacués,  et  d'autre  part  leur 
densité;  puis  en  multipliant  par  un 
facteur  constant,  3,32,  le  produit  du- 
dit  volume  multiplié  par  l'excès  de  la 
pesanteur  spécifique  observée  sur  celle 
de  l'eau  distillée.  La  quantité  de  ma- 
tières solides  contenues  dans  les  urines 
a  pu  être  évaluée  de  la  sorte  d'une 
manière  satisfaisante  ;  mais  co:nnie  la 
composition  du  mélange  formé  par  ces 
suijstances  n'était  pas  constante,  des 
erreurs  assez  grandes  pouvaient  être 
commises  quand  on  venait  à  appliquer 
les  résultats  ainsi  obtenus  à  l'étude  des 
mutations  do  la  matière  organique 
dans  l'intérieur  de  l'organisme.    Quoi 


qu'il  en  soit,  Chossat  a  trouvé  que  la 
quantité  de  matières  solides  sécrétées 
par  les  reins  en  vingt- quatre  heures 
varie  beaucoup  suivant  le  régime  ; 
que  cette  sécrétion  augmente  toujours 
peu  de  temps  après  qu'à  la  suite  des 
repas,  les  produits  de  digestion  arrivent 
dans  le  torrent  de  la  circulation,  et 
qu'il  existe  des  relations  intimes  entre 
l'abondance  de  cette  excrétion  et  la 
quantité  d'aliments  albuminoïdes  in- 
troduits dans  l'organisme  peu  de  temps 
auparavant.  Il  en  conclut  que  c'est  l'al- 
bumine du  chyle  qui,  en  traversant  les 
poumons,  se  dépouille  d'une  certaine 
quantité  d'eau  et  de  carbone  pour  don- 
ner naissance  à  de  l'acide  carbonique 
et  à  de  l'urée,  etc.  (a). 

(1)   Voyez   ci  -  dessus  ,    tome  Vif , 
page  531. 


(a)  Cliossat,  Mémoire  sur  l'analyse  des  fonctions  urinaires  {Journal  dephysioloiiie  deMageivtie, 
1825,  t.  V,  p.  65). 


Entretien 

de 

la  combustion 

physiologique 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BlîULÉES.  131 

l'oxygène  dont  le  sang  est  chargé,  que  cette  substance  orga- 
nisée (îoncourt  à  l'entretien  de  la  combustion  vitale,  et  qu'une 
portion  des  produits  excrétés  est  le  résultat  des  transforma- 
tions qu'elle  éprouve. 

Examinons  ce  qui  se  passe  dans  l'économie  des  Animaux 
qui,  étant  privéi?  d'aliments,  ne  reçoivent  du  dehors  que  l'un 
des  facteurs  des  produits  excrémentitiels,  et  tirent  l'autre  de  leur     pendant 

1  l'abstinence 

propre  fonds,  c'est-à-dire  de  la  substance  constitutive  de  leurs 
organes  ou  de  la  réserve  alimentaire  représentée  tant  par  la 
graisse  emmagasinée  dans  leur  corps  que  par  les  principes 
albuminoïdes  et  autres  matières  combustibles  contenues  dans 
leur  sang  ou  dans  les  autres  fluides  de  leur  organisme. 

Ce  sujet  a  été  l'objet  de  plusieurs  séries  de  recherches  inté- 
ressantes faites,  les  unes  par  Chossat  (de  Genève) ,  les  autres 
parM.Boussingaultetson  élèveLetellier,  puis  par  MM.  Bidder 
et  Schmidt,  à  Dorpat,  MM.  Bischoff  et  Voit,  à  Munich,  ainsi 
que  par  quelques  autres  physiologistes;  mais  il  esta  regretter 
que  dans  la  plupart  des  cas  les  résultats  constatés  par  ces  expé- 
rimentations n'aient  pas  été  aussi  complets  qu'on  aurait  pu  le 
désirer.  Chossat,  par  exemple,  n'a  fait  usage  que  de  la  balance 
et  a  négligé  l'analyse  chimique  des  matières  excrétées,  et  aucun 
de  ses  successeurs  n'a  déterminé  directement  la  quantité  d'oxy- 
gène fixée  dans  l'économie  animale.  Cependant  tous  sont  arrivés 
à  des  résultats  intéressants,  et  leui^s  travaux  jettent  beaucoup 
de  lumière  sur  ce  que  j'appellerai  la  résorption  ou  consomma- 
tion organique,  c'est-à-dire  la  destruchon  ou  l'abandon  des 
matières  qui  entrent  dans  la  composition  du  corps  vivant,  et  qui 
ont  été  enlevées  à  l'économie  animale,  ou,  en  d'autres  termes,  la 
désorganisation  physiologique . 

§  3.  —  Nous  voyons  par  les  expériences  de  Chossat  que  chez     P'-f^^es 


d'une 


les  Animaux  privés  d'aliments,  le  poids  du  corps  diminue  plus  ou  désorganisation 

physiologique. 

moins  rapidement,  suivantles  espèces,  ainsi  quesuivant  plusieurs 
autres  circonstances;  que  dans  la  première  journée  de  jeûne,  la 


132  NUTRITION. 

perte  diurne,  c'est-à-dire  la  perte  subie  pendant  vingt-quatre 
heures,  est  plus  considérable  que  pendant  un  certain  nombre  des 
jours  suivants  ;  qu'elle  diminue  en  général  progressivement  sans 
présenter  cependant  de  grandes  diflerences,  et  que  pendant  la 
dernière  période  de  l'abstinence  mortelle,  elle  s'élève  de  nouveau 
de  manière  à  devenir  très-considérable.  La  mort  est  toujours  la 
conséquence  de  cette  déperdition  quand  la  diminution  du  poids 
total  du  corps  a  atteint  certaines  limites,  savoir  environ  hO  ou 
50  pour  100  du  poids  initial  (1).  Pendant  cette  abstinence  pro- 
longée, la  combustion  respiratoire  a  continué,  l'excrétion  de 
ses  produits  a  contribué  pour  beaucoup  à  la  production  des 
pertes  de  substance  éprouvées  par  l'Animal  ;  et  l'examen  du 
cadavre  a  fait  voir  que  les  matières  enlevées  de  la  sorte  avaient 
été  fournies  non-seulement  par  la  graisse  préexistant  dans  l'or- 
ganisme et  par  le  sang,  c'est-à-dire  par  les  matières  constituant 
ce  quej 'appelle  la  réserve  nutritive,  mais  aussi  par  les  muscles  et 
même  par  toutes  les  autres  parties  vivantes  de  l'organisme.  La 
part  attribuable  au  tissu  musculaire  était  d'environ  la  moitié  de  la 


(1)  Dans  les  expériences  de  Chossat  la  dans  d'autres  circonstances,  et  je  ci- 
limite  de  déperdition  compatible  avec  tarai  à  ce  sujet  les  expériences  de 
la  vie  a  paru  être  de  ZtO  centièmes  du  MM.  Bidder  et  Schmidt  sur  un  Chat, 
poids  initial  pour  les  Mammifères,  et  de  L'Animal  ne  mourut  qu'après  avoir 
hli  centièmes  chez  les  Oiseaux.  11  en  perdu  51,7  pour  100  de  son  poids 
fut  à  peu  près  de  même  dans  les  expé-  initial  (6),  ce  qui  dépendait  probable- 
riences  que  ce  physiologiste  fit  sur  di-  ment  de  ce  qu'il  était  très-gras, 
vers  Vertébrés  à  sang  froid  («).  ]Mais  il  Chossat  a  trouvé  que  la  mort  arri- 
est  évident  que  celte  limite  doit  varier  vait  quand  le  poids  du  corps  était  ré- 
beaucoup,  suivant  l'état  d'engraissé-  duit  de  la  sorte,  soit  d'une  manière 
ment  de  l'Animal  au  commencement  rapide  par  la  privation  complète  d'a- 
de  l'expérience.  Aussi  ne  devons-nous  limenls  (ou  l'inanition),  soit  d'une  ma- 
pas  nous  étonner  en  voyant  des  résul-  nière  lente,  par  suite  d'une  alimenta- 
tats  un  peu  différents  être   obtenus  lion  insuffisante  (c). 


(rt)  C.  Chossat,  Recherches  expérimentales  sur  l'inanition  (Mém.   de   l'Acad.  des  sciences, 
Savants  étrangers,  1843,  t.  VIII,  p.  447  et  siiiv.). 

(6)  Bidder  et  Schmidt,  Die  Verdauunç/ssâfte  und  der  Stoffwechsel,  1852. 
(c)  Chossat,  Op.  cit. 


SOURCE    DKS    MATIÈRES    «RULÉES.  '13S 

perte  totale,  et  celle  afférente  à  la  réserve  nutritive  ne  s'élevait 
pas  au  tiers  de  cette  perte  intégrale  ('!).  Je  ne  présente  pas  ces 
nombres  comme  l'expression  de  la  consommation  réelle  de  la 
substance  constitutive  des  fibres  musculaires  ou  des  autres  tis- 
sus de  l'économie;  car  Chossatn'a  pas  tenu  compte  des  matières 
organiques  en  dissolution  ou  en  suspension  dans  les  liquides 
dont  ces  parties  sont  imprégnées,  matières  que  nous  devons 
considérer  comme  appartenant  à  la  réserve  nutritive,  de  même 
(jue  le  sang  et  les  dépôts  de  graisse;  mais  les  résultats  que  je 
viens  de  rapporter  n'en  sont  pas  moins  d'une  grande  impor- 
tance pour  la  connaissance  des  phénomènes  dont  l'étude  nous 
occupe  ici. 
Dans  des  recherches  analogues  faites  sur  des  Tourterelles  par 


(1)  Pour  constater  la  part  que  les 
diverses  parties  de  l'organisme  peuvent 
ayoir  à  supporter  dans  la  perte  totale 
déterminée  par  l'abstinence,  Chossat 
a  divisé  en  deux  lots  les  Animaux  em- 
ployés à  ses  recherches  :  ceux  du  pre- 
mier lot  furent  asphyxiés  au  commen- 
cement de  l'expérience,  et  le  poids 
total  de  leur  corps,  puis  le  poids  de 
leur  sang,  de  leur  graisse,  de  leur  peau 
et  de  chacun  de  leurs  organes  fut 
déterminé  avec  autant  de  précision  que 
possible.  Les  mê.ues  observations  fu- 
rent répétées  sur  les  cadavres  des  Ani- 
maux morts  de  faim,  et  la  perte  subie 
par  chaque  partie  de  leur  corps  fut 
calculée  d'après  les  termes  de  compa- 
raison fournis  par  les  Animaux  as- 
phyxiés. D'après  ces  données,  Chossat 
a  évalué  de  la  manière  suivante  la  perte 
intégrale  de  chaque  partie  comparée 
à  son  poids  initial  : 

Graisses 0,933 


Sang 0,750 

Rate 0,7t4 

l'ancréas 0,64t 

l^iic 0,520 

Cœur 0,448 

lalestiiis 0,42  4 

Muscles  locomoleurs.  .  0,423 

Peau 0,333 

Système  osseux.   .   .  .  0,167 

Sysicme  nerveux.   .   .  0,019 

Ainsi  la  presque  totalité  de  la  graisse 
avait  disparu  de  l'organisme  ;  le  sang 
était  réduit  des  trois  quarts  de  son  poids 
initial  ;  les  muscles  avaient  perdu  près 
de  la  moitié  de  leur  poids,  tandis  que 
la  perte  de  substance  subie  par  le  sys- 
tème nerveux  avait  été  au-dessous 
de  J/50.  Une  perte  intégrale  abso- 
luede  l_'t2s%17se  composait  de  SSs"",/!? 
attribuables  à  la  graisse  ;  de  7s%86  four- 
nis par  le  sang;  de  7/iî',63  par  le  sys- 
tème musculaire,  de  15s',S7  pour  les 
glandes,  la  peau,  etc.,  et  de  6s%oZi 
pour  le  système  osseux  (a). 


(a)  Chossat,  Op.  cil.  {Méin.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  VIII,  p.  530  et  531). 


ÏSIl  NUTRITION. 

l.elcilier,  le  dosoge  de  la  graisse  existant  daiir^  l'organisme, 
soit  chez  les  individus  pris  comme  terme  de  comparaison  au 
commencement  de  l'expénence,  soit  chez  ceux  qui  avaient  été 
privés  d'aliments  pendant  plusieurs  jours,  a  été  fait  d'une  ma- 
nière plus  exacte,  et  les  résultais  obtenus  de  la  sorte  indiquent 
que  la  graisse  fournit  une  part  un  peu  plus  grande  à  la  consom- 
mation physiologique  des  substances  constitutives  de  l'économie 
animale  ;  mais  au  moins  les  deux  tiers  des  pertes  éprouvées 
pendant  l'abstinence  devaient  encore  être  attribués  aux  tissus  et 
aux  autres  parties  de  l'organisme  (1). 

M.  Boussingault  a  avancé  davantage  la  question.  11  a  déter- 
miné comparativement  les  diverses  perles  intégrales  de  l'orga- 
nisme subies  par  une  Tourterelle  privée  d'aliments  :  la  quantité 
de  carbone  exhalée  par  les  voies  respiratoires  chez  le  même 
Animal,  et  la  quantité  d'azote,  de  carbone  et  d'hydrogène 
contenue  dans  les  matières  urinaires  ou  les  autres  produits 
excrémentitiels  évacués  sous  la  forme  de  fèces.  Par  conséquent 
il  a  pu  mieux  apprécier  la  marche  de  la  combusiion  vitale  dans 
ces  conditions  biologiques.  Or,  il  a  trouvé  que  la  quantité  de 
graisse  brûlée  dans  les  vingt-quatre  heures  pouvait  être  évaluée 
à  2^', 58,  tandis  que  les  pertes  diverses  attribuables  à  la  com- 
bustion des  principes  albuminoïdes  de  l'organisme  s'élevait  à 
li'\^S  (2). 


(1)  Effectivement ,  en  discutant  les  poids  qu'elles  ont  éprouvée  pendant  la 
résultats  obtenus  par  Letellier,  on  voit    '  durée  de  Tabstinence  était  en  moyenne 

que  les  Tourterelles  privées  d'aliments  de  6 "2  grammes.  Ces  Oiseaux  avaient' 

pesaient  en  moyenne  IZil  grammes,  et  donc  perdu  au  moins  Zil  grammes  de 

par  conséquent  ne  pouvaient  contenir  substance  en  sus  des  pertes  dues  à  la 

au  début  de  l'expérience,  d'après  la  consommation  de  la  graisse  (a). 

moyenne  générale  servant  de  terme  (2)  Dans  cette  expérience,  de  même 

de  comparaison,  qu'environ  21  gram-  que  dans  celles  de  Gliossat,  la  perle  in- 

mes  de  graisse.  Or,  la  perte  totale  du  tégrale  diurne  s'est  notablement  abais- 

(a)  Lelellicr,  Observations  sur  l'action  du  sucre  dans  l' alinwntaiion  des  Granivores  (Ann.  de 
chimie  et  de  physique,  'i'  série,  1844,  t.  XI,  p.  150). 


SOURCE    DES    MATIEHES    BRULEES. 


135 


Enfin  je  signalerai  comme  une  élude  pUiscoiuplèlc  (in  même 
sujet  les  recherches  de  MM.  Bidder  et  Schmidt  sur  les  effets 
de  la  privation  d'aliments  chez  le  Gliat.  J'aurai  souvent  à  les 
citer,  et  en  ce  moment  je  me  bornerai  à  dire  fpi'elles  confirment 
pleinement  les  résultats  fournis  précédemment  par  les  expé- 
riences de  Ghossat,  relativement  à  la  consommation  rapide  et 
considérable  de  tissu  musculaire,  aussi  bien  qu'à  l'emploi  de 
la  réserve  nutritive  pour  l'entretien  de  la  combustion  phy- 
siologique pendant  l'abstinence.  Ainsi  un  Animal  pesant 
2572  grammes  fut  privé  d'aliments  ;  il  vécut  de  la  sorte  pen- 
dant dix-huit  jours,  et  il  perdit  pendant  ce  temps  o0^'',807  d'a- 
zote, 205"'", 96  de  carbone,  et  927"', 62  d'eau.  Or,  pour  fournir 
à  cette  dépense,  le  sang  avait  perdu  93  centigrammes  de  son 


sée  le  second  jour  de  rabstinence; 
mais  elle  est  restée  ensuite  à  peu  près 
la  même  pendant  les  sept  jours  que 
dura  le  jeûne.  La  quantité  de  carbone 
brûlé  par  FAnimal  en  vingt-quatre 
heures  n'atteignait  pas  la  moitié  de 
celle  consommée  par  le  même  indi- 
vidu dans  l'état  normal,  et  a  varié  de 
Osi-jS!  à  0s'-,07  par  heure,  sans  que  ces 
différences  aient  paru  avoir  aucun  rap- 
port constant  avec  la  durée  de  l'inani- 
tion (a). 

Voici  les  quantités  de  carbone 
exhalées  par  heure,  sous  la  forme 
d'acide  carbonique ,  par  un  de  ces 
Oiseaux  : 

G  m  m. 

1°  Après  avoir  mangé  ....     0,213 

2°  Après  avoir  élé  privé  d'ali- 
ments pendant  vintfl- quatre 
heures 0,Hi 

3°  Le  quatrième  jour  d'inani- 
tion      0,124 


4°  Le  sixième  jour  d'inanition.     0,113 
5°  Le  septième  jour  d'inani- 
tion       0,072 

Dans  une  autre  expérience  faite 
sur  une  Tourterelle  du  poids  de 
176  grammes ,  la  quantité  d'acide 
carbonique  produite  en  une  heure  a 
été  de  : 


0,114  après  deux  jours  d'inanition. 

0,121   après  quatre  jours  d'inanition. 

0,095  après  onze  heures  seulement 
d'inanition. 

0,073  après  trente-six  heures  d'inani- 
tion. 

0,065  après  deux  jours  et  demi  d'ina- 
nition. 

0,077  après  trois  jours  et  demi  d'ina- 
nition. 

0,077  après  quatre  jours  et  demi  d'ina- 
nition. 


(à)  Bdussingault,  Analyses  comparées  de  l'aliment  consommé  et  des  excréments  rendus  par 
Une  Tourterelle  (Ann.  de  chimie  et  de  physique,  3"  série,  1844,  t.  XI,  p.  448). 


136  NUTRITION. 

poids  initial,  la  graisse  80  centigrammes,  l'appareil  muscu- 
laire 66  centigrammes,  et  l'axe  cérébro-spinal  o7  centigrammes. 
Eniin  la  quantité  d'azote  exhalée  correspond  à  la  désorganisa- 
tion de  plus  de  200  grammes  de  tissu  musculaire  supposé  sec 
et  dépouillé  de  graisse  (1). 


(1)  Les  principaux  résultats  de  cette      Biclder  et  Schniidt  dans  le  tableau  ci- 
expérience  ont  été  résumés  par  MM.      joint  {a)  : 


Di;SIGiXAT10i\ 

des 
ORGANES. 


Muscles  et  ton- 
dons  

Os 

Graisse 

Œsophage,  esto- 
mac el  entrailles 

Axe  cérébro-spi- 
nal  

Foie 

Poumons  .  .  .  . 

Reins 

Raie 

Pancréas 

Glandes  salivaires 

Cœur 

Aorte   et   veine 
cave 

Mésentère  et  épi- 
ploon 

Yeux  avec  leurs 
muscles  .... 

Larynx  et  trachée 

Utérus 

Vessie 

Ovaires 

Peau 

Sang' 

Bile 


REPARTITION  DES  MATIERES  C0\STITUT1VES 
DE  l'oRGAIMSSIE. 


AVANT  l'inanition, 
POIDS  TOTAL  2572  GR, 


Poids 
à  l'état 
frais. 


Totaux. 


1158,32 

379,26 
310,87 

166,95 


122,21 

27,72 

23,U 

8,12 

7,71 

2,00 

10,85 

3,43 

98,15 

37,82 
5,86 

2,50 

1,06 
155,25 


2572,00 


Eau. 


Sub- 
stance 
sèche. 


881,47 
172,56 
164,1 

129,39 

38,86 
89,3i 
21,95 
18,37 
6,38 
6,00 
2,30 
8,44 


42,60 

26,25 
3,93 

1,92 

0,82 
130,57 


1747,93 


276,85 
206,70 
146,73 

37,56 

11,02 
32,87 
5,77 
4,77 
1,74 
1,71 
0,60 
2,41 

0,79 

55,55 

11,57 
1,93 
» 
0,58 

» 

0,Ê4 
24,68 


824,07 


APRES  L'INANITION, 
POIDS  TOTAL  1241  GR. 


PERTES   EPROUVEES 
PE\DAXT    l'i\A»IT10\'. 


POIDS  ABSOLU. 


Poids 
à  l'état 
frais. 


380,98 
325,00 
215,40 

115,40 

31,12 
49,33 

20 
21,70 
2  27 

i',h 

1,01 
12,33 

2,13 

19,00 

12,02 
4,33 

10,91 
5,36 
0,39 


9,88      7,52 
0,96      0,79 


Eau. 


28},98 

118,30 

77,11 

88,28 

23,71 

37,74 

15,39 

16,58 

1,75 

0,87 

0,61 

9,40 

1,62 

14,17 

9,14 

2,87 
8,61 
4,14 
0,29 


Sub- 
stance 
sèche. 


1241,02 


723,87 


96,00 
206,70 
138,29 

27,12 

7,41 
11,69 

5,16 
5,12 
0,52 
0.26 
0,40 
2,93 

0,51 

4,83 

2,88 
1,46 
2,30 
1  22 

oiïo 

2,36 
0,17 


Eau. 


517,33 


—  596,49 

—  54,26 

—  87,03 

—  41,11 

—  15,15 

—  51,60 

—  6,56 

—  1,79 

—  4,63 

—  5,13 

—  1,69 
+  0,96 

—  1,02 

—  28,43 

—  17,11 
~  '1,06 

+  2  22 


123,05 


Sub- 
stance 
sèche. 


-1021,00 


-180,85 
0,0 

-  8,4i 

-  10,44 

-  3,61 

-  21,28 

-  0,61 

-  0,35 
1  22 

-  i;45 

-  0,20 
0,5: 

-  0,28 

-  50,72 

-  8,69 

-  0,47 
» 

+    0,64 


—  22,32 


POIDS 

RELATIF 

correspoiioaiit 

A  400  GR. 


66,9 
14,3 
3u,7 

30,9 

37,6 
59,6 

25,9 
6,2 
72,0 
85,4 
65,2 


37,8 

80,7 

68,2 
26,2 


93,7 


-306,49 


58,4  37,2 


65,0 
0,0 
5,7 

27,8 

32,9 

64,7 

10,5 

•> 

10,2 
84,5 
58,2 


35,6 

91,3 

75,1 
24,3 


90,4 


(n)  Bidder  und  Schmidt,  Die  Verdauungssaefte  und  dev  Sto/f'wechsel,  1852,  p.  331. 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BRÛLÉES.  137 

§  l\, — D'après  tous  ces  fails,  il  me  paraît  bien  démontre  que  consdquoncc 

,.,.,.  A,  ,  ,  de  CCS  fails. 

la  combustion  physiologKjue  peut  e(re  eniretenuo  aux  dépens 
de  la  substance  constitutive  des  organes  ;  mais  cette  oxydation 
de  matières  albuminoïdes  est-elle  un  phénomène  nécessaire  ou 
n'a-t-elle  lieu  dans  les  circonstances  dont  je  viens  de  parler 
que  parce  que  le  principe  comburant  porté  dans  l'intérieur  de 
l'économie  parla  respiration  n'y  trouve  pas  une  quantité  suffi- 
sante d'autres  combustibles  organiques  ?  En  d'autres  termes,  la 
combustion  vitale  peut-elle  être  entretenue  indifféremment  par 
toute  espèce  de  matières  oxydables,  ou  doit-elle  nécessairement 
être  alimentée  en  partie  par  la  substance  des  tissus  animaux  ou 
d'autres  combustibles  azotés  du  même  ordre? 

Si  l'entretien  de  cette  combustion  était  l'unique  condition  de 
l'activité  physiologique  des  Animaux,  ceux-ci  devraient  pouvoir 
se  nourrir  d'aliments  hydrocarbonés  sans  mélange  de  matières 
azotées,  à  moins  que  ce  ne  fut  pendant  la  période  de  croissance, 
lorsque  leurs  tissus,  en  voie  de  développement,  nécessitent 
l'assimilation  de  matériaux  semblables  à  ceux  dont  ces  parties 
se  composent.  On  devrait  môme  s'attendre  à  voir  les  aliments 
remplir  d'autant  mieux  leur  rôle  d'agents  nutritifs,  qu'ils  seraient 
plus  combustibles,  ou  du  moins  plus  riches  en  carbone,  en  hy- 
drogène, et  par  conséquent  les  substances  carbo-hydrogénées, 
telles  que  le  sucre  ou  les  graisses,  seraient  les  aliments  p'ar 
excellence,  ou  tout  au  moins  des  aliments  suffisants.  Mais  il  n'en 
est  pas  ainsi  :  nous  savons,  par  les  expériences  de  Magendie  et 
de  plusieurs  autres  physiologistes,  que  ces  aliments  ne  répon- 
dent pas  à  tous  les  besoins  de  l'organisme,  et  que  les  Animaux 
adultes,  aussi  bien  que  les  Animaux  en  voie  de  développement, 
meurent  toujours  plus  ou  moins  promptement  quand  ils  ne 
trouvent  pas  dans  leur  nourriture  des  principes  organiques 
azotés  (1). 

(1)  A  répoquc  où  Magendie  enire-      Icgistes  n'avaient  que  des  idées  très- 
prit  ces  recherches  (1816),  les  physio-      vagues  et  fort  incomplètes,  ou  n:ème 
Yiu.  10 


138  NUTRITION. 

Il  est  aussi  à  noter  qu'un  Animal  nourri  avee  de  la  graisse, 
du  sucre  ou  tout  autre  élément  non  azoté,  continue  à  excréter 
des  produits  azotés  par  les  voies  urinaires.  Or,  dans  ce  cas, 
l'azote  qu'il  élimine  ne  peut  provenir  que  de  sa  propre  sub- 
stance, c'est-à-dire  des  matières  azotées  qui  constituent  les 
tissus  de  ses  organes,  ou  qui  se  trouvent  soit  en  dissolution, 
soit  en  suspension  dans  son  sang  et  dans  les  aulres  fluides  de 
l'organisme.  La  destruction  d'une  certaine  quantité  de  matières 
de  cet  ordre,  et  leur  transformation  en  urée  ou  en  quelque  pro- 
duit analogue,  ont  lieu  constamment,  quel  que  soit  le  régime 
de  l'animal. 

J'ajouterai  qu'un  Chien  qui  ne  mange  que  de  la  viande 
dépouillée  de  graisse  peut,  sans  diminuer  de  poids,  satisfaire 
à  toutes  les  causes  de  déperdition  inhérentes  à  son  mode  d'exis- 
tence (l).  11  n'en  continue  pas  moins  à  exhaler  de  l'acide  car- 
erronées,  sur  le  rôle  des  aliments  dans  comme  aliment  uniqne,  tantôt  de  la 
la  nutrition,  et  assez  généralement  on  gomme ,  d'autres  fois  du  beurre  ou 
supposait  que  les  Animaux  avaient  la  de  Thuile,  Magendie  obtint  le  même 
faculté  de  transformer  en  matière  liislo-      résultat  (a). 

génique  toute  substance  nutritive  ;  que  Ainsi,    dans    les    expériences    de 

la  gomme  ou  le  sucre,  par  exemple,  MM.  Bischoff  et  Voit,  relatives  à  Tin- 
se  changeaient  ainsi  en  chair,  aussi  tluence  de  l'alimentation  sur  les  pro- 
bien que  l'albumine  ou  la  fibrine.  duits  de  la  sécréUon  urinaire,  nous 
Magendie  chercha  à  déterminer  si  la  voyons  que  chez  un  Chien  dont  la 
vie  d'un  Animal  pouvait  être  entre-  ration  se  composait  uniquement  de 
tenue  de  la  sorte  à  l'afde  de  matières  graisse,  la  quantité  d'urée  sécrétée 
réputées  nutritives,  qui  ne  contien-  en  vingt-quatre  heures  était  d'environ 
nent  pas  d'azole,  et  dans  ceUe  vue  il  l/i  grammes,  et  renfermait  une  quan- 
soumit  des  Chiens  à  l'usage  exclusif  tité  d'azote  correspondant  à  17  centi- 
de  sucre  et  d'eau  distillée.  Les  Ani-  grammes  pour  1  kilogramme  du  poids 
maux  soumis  à  ce  régime  dépérirent  total  du  corps  (h). 
rapidement,   la    cornée  transparente  0)1^^  possibilité  d'entretenir  de  la 

s'altéra,  la  faiblesse  générale  devint      sorte  un  Chien  a  été  constatée    par 
extrême,  et  la  mort  arriva  au  bout       M.  Bischoff. 
d'environ  cinq  semaines.  En  employant 

(n)  Mii.ïentlio,  Mémoire  sur  les  propriétés  niUvillves  des  substances  qui  ne  contiennent  pas 
rt'axQfe,  ISlG  {Journal  de  médecine  de  Leroux,  1817,  t.  XXXVIU). 

(b)  BiscliofT  et,  C.  Voit,  /)je  Gesflze  der  EmAhrung  des  Fleischfressers,  1860,  p/  150  et  suiv. 


SOURCE    DliS    MAÏlÊKtS    BHULÉF.S.  139 

bonique,  ainsi  qu'à  excréter  de  l'urée,  et  cela  s'explique  faci- 
lement, même  sans  l'intervention  des  matières  grasses  emma- 
gasinées dans  son  corps  ;  car,  dans  ce  cas,  il  brûle  beaucoup 
de  matières  protéiques,  comme  on  peut  en  juger  par  l'abon- 
dance des  produits  azotés  que  ses  reins  excrètent,  et  les  prin- 
cipes albuminoïdes,  en  s'oxydant  pour  donner  naissance  à  de 
l'urée,  doivent  nécessairement  perdre  beaucoup  de  carbone 
et  d'hydrogène. 

§  5.  —  L'étude  du  mode  d'alimentation  des  Animaux  et  celle  Emploi  direct 
des  produits  ordinaires  du  travail  nutritif  dont  ils  sont  le  siège,  po'ïren'iretkn 
nous  conduisent  également  à  reconnaître  que,  dans  l'état  normal,    comhiiuon 
la  combustion  vitale  est  entretenue  en  partie  par  la  substance  p^y"°^°s'que. 
des  organes  et  en  partie  par  les  substances  combustibles  non 
azotées  qui  se  trouvent  dans  le  sang,  ou  qui  sont  emmagasinées 
autrement  dans  l'intérieur  du  corps,  et  qui  ne  sont  pas  aptes  à 
servir  de  matériaux  pour  la  constitution  des  tissus  vivants.  C'est 
donc  avec  raison  que  M.  Dumas,  dans  ses  savantes  leçons  sur 
la  chimie  physiologique,  faites  il  y  a  une  vingtaine  d'années  à 
noire  école  de  médecine,  et  M.  Liebig,  dans  une  série  de  pu- 
blications d'un  haut  intérêt  sur  le  même  sujet,  ont  divisé  les 
aliments  en  deux  classes  principales  :  ceux  qui  ne  sont  destinés 
qu'à  l'entretien  de  la  combustion  vitale,  et  ceux  qui  sont  assi- 
milables aux  parties  vivantes  de  l'organisme.  Les  premiers  sont 
appelés  communément  les  aliments  respiratoires^  et  consistent 
en  substances  organiques  carbo-hydrogénées,  qui  ne  renferment 
pas  d'azote,  telles  que  le  sucre  et  les  graisses;  les  seconds  ont 
reçu  le  nom  &' aliments  plastiques^  et  sont  des  principes  immé- 
diats protéiques,  renfermant  de  l'azote  aussi  bien  que  du  car-^' 
bone,  de  l'hydrogène  et  de  l'oxygène  :  par  exemple,  de  la  llbrine^ 
de  l'albumine  et  de  la  caséine. 

Cette  distinction  est  très-utile  et  a  beaucoup  contribué  aux 
progrès  de  nos  connaissances  relatives  aux  phénomènes  de  nu- 
trition j  mais  en  général  les  chimistes  la  présentent  d'une  ma^ 


Résumé. 


l/lO  NUTRITION. 

nière  trop  absolue,  et  c'est  à  tort  que  M.  Liebig  considère  les 
aliments  respiratoires  comme  étant  les  seuls  qui  servent  à  l'en- 
tretien de  la  combustion  vilale,  et  les  aliments  plasticjues  comme 
étant  employés  uniquement  à  la  conslitution  des  tissus  orga- 
nisés. Dans  l'économie  animale,  il  y  a  toujours  oxydation  d'une 
(juantité  plus  ou  moins  considérable  de  matières  albuminoïdes, 
car  il  y  a  toujours  production  et  excrétion  d'urée  ou  de  quel- 
(jue  autre  principe  urinaire  du  môme  ordre,  et  le  carbone  éli- 
miné des  matières  azotées  pendant  cette  transformation  doit 
concourir,  comme  celui  des  aliments  non  azotés,  à  la  produc- 
tion de  l'acide  carbonique  exhalé  par  l'appareil  respiratoire. 
En  effet,  la  protéine,  que  l'on  peut  considérer  comme  le  type 
des  aliments  plastiques,  se  compose  de  C'^°H^^4z^0'-,  et  l'urée 
a  pour  formule  C^H'*Az^O-  ;  par  conséquent,  5^', 462  de  pro- 
téine, en  donnant  naissance  à  1°',875  d'urée,  laissent  en  liberté 
2^', 6-23  de  carbone,  qui,  transformés  en  acide  carbonique, 
représenteront  plus  de  ll^',GOO  de  ce  dernier  gaz.  Il  en  résulte 
que  chaque  gramme  d'urée  produit  de  la  sorte  suppose  une 
production  correspondante  d'environ  5  grammes  d'acide  car- 
bonique (1). 

§  6. — En  résumé,  nous  voyons  donc  que  le  cor|)s  d'un 
Animal  vivant  doit  être  considéré  comme  étant  nécessairement 


(1)  En  effer,  les  équivalents  don- 
nent : 

C'^o  =  3000,00 

H3J  =     387,50 

Az»  =     875,00 

012  ^  1200,00 


5462,50 


D'après  un  calcul  analogue,  on  sait 
que  la  quantité  d'urée  contenant 
875  grammes  d'azole  pèse  1875  gram- 
mes, car  Az^  doit  s'y  trouver  com- 
biné avec  : 


C^  =  375 
Hio  =  125 
0»    =  500 

Ce  qui  donne  pour  le  poids  de  l'urée 
produit  2622.  Or,  sur  les  3000  par- 
lies  de  carbone  contenues  dans  la  pro- 
téine, l'urée  n'en  a  employé  que  375  ;  il 
reste  donc  35  équivalents  de  carbone 
(  =  2625  parties),  qui,  transformés 
en  acide  carbonique  (  =  00^),  auront 
fixé  70  équivalents  d'oxygène  (soit 
7000),  et  donnent,  par  conséquent, 
9625  parties  de  ce  composé. 


SOURCE    DES    MATIÈRES    BRÛLÉES.  \l\i 

le  siège  d'une  combuslion  physiologique  qui  csl  délerminée 
par  l'oxygène  introduit  dans  l'économie  par  le  moyen  de  la  res- 
piration, et  qui  est  entretenue  en  partie  aux  dépens  de  la  sub- 
stance des  tissus  dont  l'oxydation  et  la  destruction  partielle  sont 
une  conséquence  des  fonctions  qu'ils  ont  à  accomplir  dans  les 
phénomènes  complexes  de  la  vie,  et  qui  peut  être  alimentée 
aussi  en  partie  à  l'aide  de  matières  organiques  combustibles, 
mais  non  organisables,  qui  ne  constituent  pas,  à  proprement 
parler,  les  organes  vivants,  et  sont  contenues  seulement  dans  le 
fluide  nourricier  ou  emmagasinées  dans  diverses  parties  de 
l'économie  animale  à  titre  de  réserve  alimentaire. 

11  en  résulte  que  la  combustion  vitale  est  plus  active  que  ne 
le  supposent  les  phénomènes  qui  déterminent  l'oxydation  et  la 
consommation  de  la  substance  vivante.  Par  la  pensée  nous 
pouvons  la  diviser  en  deux  parties,  dont  l'une  est  nécessaire- 
ment désorganisatrice,  et  dont  l'autre  ne  présente  paslemême 
caractère. 

La  première,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  paraît  être 
corrélative  du  développement  de  la  force  mécanique  et  des  autres 
manifestations  de  la  puissance  vitale.  La  seconde  semble  être 
une  conséquence  toute  chimique  de  la  propriété  comburante  de 
l'oxygène  dont  l'organisme  se  charge,  et  de  la  nature  combus- 
tible des  matières  qui  constituent  le  corps  vivant  ou  qui  sont 
contenues  dans  son  intérieur;  elle  peut  devenir  désorganisa- 
trice comme  la  première,  mais  ne  l'est  pas  nécessairement; 
elle  le  devient  quand  l'oxygène  qui  est  en  circulation  dans  l'é- 
conomie, et  qui  n'est  pas  employé  pour  l'oxydation  nécessaire 
de  la  substance  vivante,  ne  se  trouve  pas  en  présence  de  ma- 
tières inertes  suffisamment  combustibles,  ainsi  que  cela  se  voit 
chez  les  Animaux  privés  de  nourriture;  mais,  dans  les  circon- 
stances biologiques  ordinaires,  elle  est  entretenue  directement 
par  les  matières  alimentaires  qui  sont  incluses  dans  l'organisme 
sans  en  faire  partie  intégrante. 


1/|2  MiTRITlON. 

i^oie  11  rilsullo  également  de  ces  fails  friie  les  aliinents  doivent 

des  alimenls.  ^ 

avoir  un  double  rôle  à  remplir.  D'une  part,  ils  doivent  servir 
à  réparer  les  pertes  inévitables  que  les  solides  vivants  de  l'or- 
ganisme subissent,  ainsi  qu'à  augmenter  la  masse  de  ces  mêmes 
solides,  tant  que  la  croissance  n'en  est  pas  achevée.  D'autre 
part,  ils  doivent  concourir  directement  à  l'entretien  de  la  com- 
bustion respiratoire,  de  façon  à  préserver  la  substance  des  lis- 
sus  de  toute  oxydation  superllue,  de  toute  destruction  qui  n'est 
pas  commandée  par  le  rôle  physiologique  des  organes  auxquels 
ils  apparliennent. 

Je  continuerai  d'appeler  aliments  respiratoires  ceux  qui  sont 
inaptes  à  constituer  un  tissu  vivant,  et  qui  servent  essentielle- 
ment à  l'entretien  de  la  combustion  physiologique;  mais  il  ne 
faut  pas  oublier  que  les  aliments  plastiques,  c'est-à-dire  com- 
posés de  substance  organisable  et  viable,  sont  également  des 
matières  qui  fournissent  soit  directement,  soit  indirectement,  des 
éléments  combustibles  à  celte  espèce  de  feu  vital  ;  et  si  les  varia- 
tions dans  le  langage  scientifique  ne  présentaient  pas  de  graves 
inconvénients,  j'aurais  préféré  substituer  au  nom  d'aliments 
respiratoires  celui  (ï aliments  protecteurs  ;  car  leur  principal 
rôle  me  semble  être,  je  le  répète,  d'empêcher  que  la  combus- 
tion respiratoire  ne  soit  entretenue  par  une  portion  plus  grande 
de  matière  organisée  que  ne  le  nécessite  l'action  fonctionnelle 
des  organes. 

§  7.  — La  comparaison  des  produits  de  la  sécrétion  urinaire 
chez  un  Animal  qui  tour  à  tour  est  soumis  à  l'abstinence  com- 
plète, ou  nourri  avec  des  aliments  non  azotés,  met  bien  en  évi- 
dence le  rôle  protecteur  de  ces  derniers,  par  rapport  aux  pré- 
cédents. Lorsqu'un  Animal  est  privé  de  nourriture,  il  ne  peut 
entretenir  la  combustion  respiratoire  qu'à  l'aide  de  combustibles 
fournis  par  sa  propre  substance,  c'est-à-dire  parles  matières 
combustibles  de  ses  tissus  ou  par  celles  existant  sous  la  forme  de 
réserve,  soit  dans  les  dépôts  graisseux,  soit  dans  le  sang  et  les 


RÔLI5    DES    ALIMENTS.  1^3 

autres  fluides  de  l'économie.  En  elTcl,  le  poids  do  son  corps 
diminue  alors  progressivement,  el,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit, 
celte  perte  est  déterminée  en  parlic  par  l'excrétion  d'une  cer- 
taine quantité  d'urée  ;  mais  si  le  même  Animal  reçoit  journelle- 
ment une  ration  de  graisse  sans  addition  d'aucun  aliment  azolé, 
non-seulement  le  dépérissement  est  moindre,  mais  la  quantité 
absolue  d'urée  est  diminuée.  Ainsi,  dans  une  série  d'expériences 
fort  instructives  faites  sur  ce  sujet  par  MM.  Bischoff  et  Voit,  le 
même  Animal  a  perdu  par  les  voies  urinaires,  en  vingt-quatre 
heures,  terme  moyen,  entre  âOet'i"2  centigrammes  d'azote  pour 
chaque  kilogramme  du  poids  de  l'organisme,  quand  il  était  privé 
d'aliments,  et  seulement  17  centigrammes  d'azote  quand  il 
recevait  une  ration  de  graisse. 

§  8.  —  Mais  si  les  aliments  doivent  préserver  les  tissus  vi-  conséquences 
vants  des  causes  de  destruction   dépendant  d'une  oxydation   des  aiimems 

n  A  ,  ,-,  I  '        \     p  •  relatives 

superflue,  en  même  temps  qu  ns  sont  appelés  a  tournn^  aux  au  régime. 
organes  les  matières  voulues  pour  leur  croissance  et  pour  la 
réparation  des  pertes  auxquelles  leur  substance  est  nécessaire- 
ment assujettie,  on  conçoit  que  ces  corps,  pour  bien  remplir  leur 
rôle,  doivent  être  de  deux  sortes  :  les  uns  doivent  être  essentiel- 
lement réparateurs  et  organisables  ;  les  autres  doivent  être  doués 
d'une  affinité  plus  grande  pour  l'oxygène  que  ne  le  sont  les 
matériaux  constitutifs  des  tissus  vivants,  c'est-à-dire' doivent  être 
plus  combustibles.  Or,  ces  caractères  sont  réunis,  d'une  partdans 
les  aliments  azotés,  que  nous  avons  appelés  plastiques,  d'autre 
part  dans  les  aliments  carbo-hydrogénés,  que  nous  avons  dési- 
gnés sous  le  nom  d'aliments  respiratoires.  Nous  pouvons  donc 
prévoir  que  le  régime  le  plus  favorable  à  l'accomplissement 
du  travail  nutritif  doit  être  un  régime  mixte  dans  lequel  il  entre 
à  la  fois,  suivant  certaines  proportions,  des  aliments  azotés,  tels 
que  la  fibrine,  l'albumine  ou  la  caséine,  et  des  ahments  dépour- 
vus d'azote,  mais  riches  en  carbone  et  très-oxydables,  tels  que 
les  fécules,  les  sucres  et  les  graisses. 


\llk  NUTRITION. 

uiiiiié  §  9.  — L'expérience  est  pleinement  d'accord  avec  ces  vues 

d'une  1    /       .  11  '        1  1   •       •  1  1  1 

alimentation  Uieonqucs,  ct  1  ctudc  chimiquc  des  substances  que  la  nature 
destine  uniquement  à  l'alimentalion  des  jeunes  Animaux,  dont 
la  nutrition  doit  être  à  la  fois  facile  et  forte,  suffirait  même  pour 
nous  apprendre  qu'un  pareil  mélange  convient  mieux  que  tout 
autre  régime.  En  effet,  il  est  deux  produits  animaux,  qui  sont 
pour  ainsi  dire  les  types  les  plus  parfaits  de  l'aliment,  savoir  :  le 
lait,  qui  est  la  nourriture  préparée  par  la  Nature  pour  répondre 
aux  besoins  de  l'Homme  et  des  autres  Mammifères  pendant  les 
premiers  temps  de  leur  vie  ;  et  le  jaune  d'œuf,  qui  est  une  pro- 
vision de  matière  nutritive  destinée  à  être  employée  d'une  ma- 
nière analogue  par  l'embryon  des  Animaux  ovipares,  en  atten- 
dant que  ces  êtres  puissent  chercber  dans  le  monde  extérieur 
les  aliments  qui  leur  conviendront.  Or,  le  lait  et  le  jaune  d'œuf, 
comme  nous  le  verrons  par  la  suite,  sont  l'un  et  l'autre  des 
corps  riches  en  principes  albuminoïdes  et  en  principes  gras, 
c'est-à-dire  en  aliments  plastiques  et  respiratoires.  Ainsi,  par 
son  exemple,  la  Nature  nous  enseigne  à  donner  aux  Animaux 
que  nous  voulons  nourrir  le  mieux  possible,  des  aliments 
mixtes. 

Il  est  également  à  remarquer  que  la  plupart  des  aliments 
dont  les  Animaux  font  usage  instinctivement,  sont  en  réalité 
des  mélanges  de  ce  genre.  En  effet,  les  Carnassiers  trouvent 
dans  leur  proie  des  matières  grasses  aussi  bien  que  des  matières 
albuminoïdes,  et  presque  toujours  les  substances  végétales 
que  les  phytophages  mangent  contiennent  du  gluten 'ou  quel- 
que autre  principe  azoté  du  même  ordre,  associé  à  de  la  fécule, 
du  sucre  ou  des  corps  gras.  Seulement,  dans  les  aliments  d'o- 
rigine animale,  ce  sont  les  matières  plastiques  qui  prédominent, 
tandis  que  dans  les  aliments  végétaux,  ce  sont  d'ordinaire  les 
principes  immédiats  carbo-hydrogénés  qui  abondent. 

§  10.  —  Avant  d'aller  plus  avant  dans  l'étude  des  phéno- 
mènes de  combustion  dont  l'économie  animale  est  le  siège. 


ROLE    DES    ALIMENTS.  1Ù5 

et  d'examiner  plus  en  détail  les  conséquences  de  celte  action     influence 

de  l'irri^alion 

chimique,  je  dois  rappeler  que  la  destruction  des  combus-  piosioiogiquo 

^  sur 

tibles  orofaniques  ef'fecluée  ainsi  n'est  pas  la  seule  cause  de  la  résorption. 
déperdition  de  substance  agissant  dans  l'organisme,  et  que, 
par  conséquent,  ce  n'est  pas  uniquement  pour  répondre  aux 
besoins  créés  de  la  sorte,  que  l'Homme  et  les  Animaux  sont  . 
soumis  à  la  nécessité  de  s'assimiler  sans  cesse  de  nouvelles 
quantités  de  matières  étrangères.  En  effet,  nous  avons  vu  que 
de  l'eau  en  quantité  plus  ou  moins  considérable  circule  toujours 
dans  l'intérieur  de  leur  corps,  et  qu'une  partie  de  ce  liquide 
s'échappe  constamment  au  dehors  sous  la  forme  d'urine  et  d'au- 
tres humeurs  excrémentitielles.  Or,  cette  eau  lave,  pour  ainsi 
dire,  les  tissus  qu'elle  baigne,  et  doit  entraîner  avec  elle  une 
portion  des  matières  solubles  qui  entrent  dans  leur  composition 
ou  qui  s'y  trouvent  déposées.  Par  conséquent,  pour  empêcher 
cette  soustraction  de  matière,  ou  pour  en  contre-balancer  les 
effets,  il  faut  que  l'eau  introduite  dans  l'organisme  soit  accom- 
pagnée d'une  certaine  proportion  de  ces  mômes  substances 
solubles  dont  la  présence  l'empêche  de  se  charger  de  celles 
préexistanles  dans  les  tissus,  ou  permette  à  ceux-ci  d'y  puiser 
pour  réparer  les  pertes  qu'ils  peuvent  avoir  subies. 

Pour  mettre  bien  en  évidence  ce  genre  d'échanges  qui  s'éta- 
blit entre  les  solides  et  les  liquides  de  l'économie  animale,  sui- 
vant que  les  uns  ou  les  autres  sont  plus  ou  moins  chargés  des 
matières  pour  lesquelles  ils  ont  une  certaine  affinité,  il  me 
paraît  utile  de  prendre  en  considération  certains  phénomènes 
que  l'on  n'observe  pas  dans  les  circonstances  ordinaires,  et  qui 
sont  faciles  à  constater  d'une  manière  nelte. 

L'élude  du  mode  d'action  des  poisons  sur  l'économie  ani- 
male a  permis  aux  physiologistes  de  reconnaître  que  beaucoup 
de  substances  minérales,  qui  ne  sont  pas  des  malériaux  nor- 
maux de  l'organisme  et  qui  sont  portées  dans  le  torrent  de  la 
circulation  par  absorption  ou  autrement,  se  déposent  dans  le 


l/l6  JNUTRITIOiN. 

lissii  de  certains  organes,  et  s'y  (Combinent  de  manière  à  y  être 
retenues  avec  pins  on  moins  de  force.  Ces  tissus  enlèvent 
donc  au  sang  une  portion  de  ces  matières  minérales  dont  la 
présence  dans  l'économie  est  accidentelle  ;  mais  lorsque,  par 
suite  de  la  cessation  de  l'arrivée  de  ces  matières  étrangères 
et  du  renouvellement  normal  de  l'eau  dans  le  fluide  nourricier, 
celui-ci  cesse  d'en  être  chargé,  il  redissout  peu  à  peu  les  sub- 
stances qu'il  avait  abandonnées  lorsqu'il  en  était  saturé,  et  les 
expulse  ensuite  au  dehors  avec  la  portion  de  llcjuide  qu'il  cède 
aux  organes  excréteurs.  Ainsi,  dans  les  cas  d'empoisonnement 
par  les  préparations  arsenicales  ,  la  substance  toxique  est 
absorbée  et  introduite  dans  le  sang  ;  puis  elle  circule  avec  ce 
fluide  dans  toutes  les  parties  du  corps,  mais  elle  s'arrête  dans 
certaines  parties,  et  se  iixe  plus  particulièrement  dans  le  tissu 
du  foie  et  de  quelques  autres  organes,  où  elle  s'accumule  de 
façon  à  être  facile  à  découvrir  par  les  procédés  d'analyse  dont 
la  chimie  moderne  dispose  (1).  Mais  lorsque  les  désordres 


(1)  Ce  dépôt  de  l'acide  arsénieux  vn  qu'à  la  suite  de  l'adminislration 
dans  la  substance  des  divers  tissus  de  quotidienne  d'une  certaine  quantité 
l'organisme,  lorsque  cette  matière  rai-  de  tartre  émétique,  pendant  plusieurs 
nérale  se  trouve  dans  le  torrent  de  la  jours,  l'antimoine  se  retrouve  en  pro- 
circulation, a  été  très-bien  établi  par  portions  à  peu  près  égales  dans  toutes 
Orfiia.  Ce  toxicologiste  a  constaté  aussi  les  ^parties  de  l'organisme  ;  mais  lors- 
que le  poison  ainsi  emmagasiné  est  en-  que  les  Animaux  qui  ont  été  empoi- 
suite  résorbé  et  expulsé  de  l'organisme  sonnés  de  la  sorte  ne  périssent  pas  et 
parla  sécrétion  urinaire;  circonstance  sont  remis  à  leur  régime  ordinaire,  ce 
qui  explique  l'utilité  des  diurétiques  métal  disparaît  assez  promptement  du 
dans  les  cas  où  de  petites  quantités  tissu  musculaire  et  de  quelques  autres 
d'arsenic  ont  été  absorbées  (a).  parties  du  corps,  tandis  qu'il  séjourne 

Des  faits  du  même  ordre  ont  été  fort  longtemps  dans  le  foie,  dans  le 

fournis  par  l'étude  de  l'action  lente  tissu  adipeux  et  dans  les  os.  Chez  un 

des    préparations    antimoniales    sur  Chien  qui  fut  tué  quatre  mois  après  la 

l'économie  animale.  Ainsi,  en  expéri-  résorption  de  l'émétiiiue,   on  trouva 

mentant  sur  des  Chiens,  M.  Millon  a  des    quantités    considérables    d'anti- 


(a)  Orfila,  Mémoires  «ic  l'empoisonnement  {Mém.  de  l'Acad.  demédecine,  1840,  t.  VIII,  p.  418) 
-  Traité  de  toxicologie,  1852,  t.  1,  p.  453). 


RÔLE    DES    ALIMENTS.  ilil 

produits  ainsi  ne  sont  pas  mortels,  et  que  l'introduction  do 
l'arsenic  dans  le  sang  ne  continue  pas,  le  métal  déposé  de  la 
sorte  est  peu  à  peu  repris  par  les  fluides  en  circulation  et 
éliminé  de  l'organisme  par  la  sécrétion  urinaire.  Il  en  est  de 
même  pour  le  mercure  et  pour  le  plomb  -,  suivant  qu'il  en  existe 
davantage  dans  le  sang  ou  dans  les  tissus  qui  sont  aptes  à  s'en 
emparer,  le  torrent  irrigaloire  en  dépose  ou  en  enlève  à  mesure 
qu'il  traverse  ceux-ci,  et,  lorsque  les  solides  vivants  ont  été 
chargés  d'une  de  ces  substances  toxiques,  on  peut  en  accélérer 
la  résorption  et  l'expulsion  au  dehors  en  introduisant  dans  le 
sang  certains  médicaments  qui  rendent  ce  liquide  plus  apte 
à  attaquer  et  à  dissoudre  les  composés  insolubles  que  ce  métal 
avait  formés  dans  la  profondeur  des  organes  :  par  exemple,  en 
administrant  de  l'iodure  de  potassium  (1). 

Il  en  résulte  que  par  l'effet  de  la  combustion  physiologique 
d'une  part,  et  du  lavage  irrigatoire  d'autre  part,  toutes  les  sub- 
stances combustibles  ou  solubles  qui  entrent  dans  la  compo- 

moJne  dans  le  foie  et  dans  les  os,  Les  composés  mercuriels  insolubles  , 

mais  les  autres  parties  du  corps  n'en  tels  que  ceux  résultant  de  l'action  du 

contenaient  que  fort  peu  (a).  sublimécorrosif  sur  les  matières  albu- 

M.  A.  F.  Orfila  a  constaté  qu'à  la  minoïdes,  se  dissolvent  dans  l'iodure 
suite  de  l'introduction  lente  des  sels  so-  de  potassium,  et  cette  substance,  in- 
lubles  de  plomb  et  de  cuivre  dans  Téco-  troduite  dans  le  torrent  de  la  circula- 
nomie  animale,  ces  métaux  pouvaient  tion,  les  déplace,  puis  les  entraîne  au 
séjourner  dans  le  foie,  les  os,  etc.,  dehors  par  les  voies  urinaires.  Cela  ex- 
pendant huit  mois  ou  même  davan-  plique  l'utilité  de  l'emploi  de  ce  médi- 
tage  ,  mais  que  peu  à  peu  ils  sont  cament  dans  les  cas  d'intoxication  lente 
résorbés  et  excrétés  avec  les  urines,  par  le  merciu"e.  Des  effets  analogues 
la  sueur,  etc.  (6).  sont  produits  par  l'iodure  de  potas- 

(1)  On   doit  à  M.  jMelsens  des  re-  sium,  lorsque  l'organisme  est  chargé 

cherches  intéressantes  sur  ce  sujet.  de  matières  contenant  du  plomb  (c), 

(a)  Millon,  Sur  la  permanence  de  l'antimoine  dans  les  organes  vivajits  [Revue  scientiflque  et 
industrielle,  1847,  t.  XXVI,  p.  3i)). 

(fc)  A.  F.  Orfila,  De  l'éliminalion  des  poisons,  Ihèse.  Paris,  1852. 

(r)  Miîlseiis,  Mémoire  sur  l'emploi  de  l'iodure  de  potassium  pour  combattre  les  affections 
saturnines  et  mercurielles  [Ami.  de  chimie  et  de  physique,  3'  série,  1849,  t.  XXVI,  p.  21 5j, 

—  Parke?,  On  the  Elimination  of  Lead  by  lodide  of  potassium  [British  and  Foreign  Med. 
Review,  1853,  p.  522). 


MxS  NUTRITION. 

bilion  du  corps  animal  sont  susceptibles  d'être  détruites  ou 
enlevées,  et  que  pour  empêcher  ces  pertes  ou  pour  les  réparer, 
l'être  vivant  a  besoin  d'introduire  continuellement  dans  son 
organisme  de  nouvelles  provisions  de  chacune  de  ces  sub- 
stances, lors  môme  que  sa  croissance  est  terminée,  et  que  son 
poids  doit  rester  stationnaire.  Pour  se  nourrir,  il  lui  faut  donc 
non-seulement  des  matières  organisées  propres  à  la  formation 
de  ses  tissus,  et  des  ahments  de  la  respiration,  mais  aussi 
toutes  les  substances  inorganiques  qui  sont  nécessaires  à  la 
constitution,  soit  de  ses  organes,  soit  de  ses  humeurs,  et  qui 
sont  sans  cesse  entraînées  au  dehors  avec  l'eau  dont  les  reins 
ou  les  autres  glandes  opèrent  l'excrétion. 

Ainsi  rx4nimal  adulte,  de  même  que  l'Animal  en  voie  do 
développement,  a  besoin  de  trouver  dans  ses  aliments,  en  cer- 
taines proportions,  tous  les  éléments  constitutifs  des  corps 
composés  qui  sont  à  leur  tour  les  matériaux  dont  ses  organes 
sont  formés,  et  il  faut  que  ces  éléments  lui  soient  fournis  dans 
un  état  tel,  qu'il  puisse  les  utiliser,  c'est-à-dire  déjà  combinés 
de  façon  à  fournir  les  matériaux  dont  je  viens  de  parler,  ou  des 
substances  à  l'aide  desquelles  il  pourra  les  produire. 

Pour  connaître  les  besoins  nutritifs  d'un  Animal,  il  suffit 

donc  de  connaître  ce  qui  compose  son  organisme  et  la  quantité 

de  chacun  de  ses  matériaux  constitutifs  qu'il  perd  en  un  temps 

donné,  soit  par  les  voies  respiratoires,  soit  par  la  sécrétion 

urinaire  ou  toute  autre  excrétion. 

Diversité        §  li .  —  Ainsi  que  chacun  le  sait,  les  corps  que  les  cliimistes 

chimiques    appellent  sunples  ou  elementan^es,  parce  qu  on  n  en  peut  ob- 

l'introduciion  t^nir  quc  des  molécules  d'une  même  sorte,  ne  peuvent  être 

est  nécessaire.       •!',•.  •  ''  •<  p  '  i  f  ij 

m  détruits ,  m  crées ,  m  transtormes  par  les  lorces  dont 
l'Homme  dispose,  et,  à  cet  égard,  la  puissance  vitale  n'est  pas 
plus  grande.  Aucun  élément  chimique  ne  peut  donc  naître  dans 
l'économie  animale,  et  tous  les  corps  simples  qui  s'y  trouvent 
ont  dû  y  arriver  du  dehors.  Jadis  quelques  physiologistes  pen- 


RÔLE    DES    ALIMENTS.  1/|9 

saient  qu'il  n'en  était  pas  ainsi,  et  que  certains  élcinenis  étaient 
créés  dans  l'intérieur  de  l'organisme  ;  mais  c'est  là  une  erreur 
dont  la  réfutation  serait  aujourd'hui  su[)erllue,  et  il  suffit  de  la 
signaler  en  termes  précis  pour  en  l'aire  justice.  U  est  vrai  que 
dans  quelques  cas  certains  éléments  n'arrivent  dans  le  corps 
de  quelques  Animaux  qu'en  si  petites  quantités  à  la  fois,  que 
nos  moyens  d'analyse  ne  nous  permettent  pas  d'en  constater 
toujours  la  présence  dans  les  aliments  ou  les  boissons  dont  ces 
êtres  font  usage  ;  mais  toutes  les  fois  que  l'origine  des  malières 
constitutives  de  l'organisation  a  été  attentivement  examinée,  on 
a  pu  se  convaincre  de  la  généralité  de  la  loi  que  je  viens  de 
rappeler. 

Pour  dresser  la  liste  complète  des  éléments  qui  entrent  dans     Anaio-ie 

_  ,     Je  composition 

la  composition  de  la  substance  constitutive  de  l'organisme,  il  des  principaux 

aliments. 

faut  analyser  le  corps  tout  entier  de  l'Animal  dont  on  s'occu[)e. 
Mais  l'étude  que  nous  avons  déjà  faite  de  la  composition  du  sang 
peut  nous  suffire  en  ce  moment,  car  ce  liquide  est  en  quelque 
sorte  le  fonds  commun  dont  toutes  les  parties  de  l'économie 
tirent  leur  substance,  et  par  conséquent  il  doit  contenir  tout  ce 
(]ue  ces  parties  renferment.  Je  me  bornerai  donc  à  rappeler  ici 
<]ue  ce  fluide  nourricier  est  formé  par  de  l'eau  tenant  en  disso- 
lution ou  en  suspension  des  matières  minérales  fort  diverses, 
aussi  bien  que  des  matières  organiques,  parmi  lesquelles  il  en 
est  qui  sont  composées  noù-seulement  d'azote,  de  carbone, 
d'hydrogène  et  d'oxygène,  mais  aussi  de  soufre  et  de  phos- 
phore. Au  nombre  des  substances  inorganiques  se  trouvaient 
le  chlorure  de  sodium,  des  sulfates  et  des  phosphates  de  soude, 
de  potasse,  de  chaux  et  de  magnésie  ;  enfin  des  composés  de 
silice,  de  fer,  etc.  Par  conséquent,  il  faut  que  l'Homme  et  les 
Animaux  trouvent  dans  leurs  aliments  non-seulement  du  car- 
bone, de  l'azote,  do  l'hydrogène  et  de  l'oxygène,  mais  aussi  du 
soufre,  du  phosphore,  du  chlore,  du  sodium,  du  calcium,  et 
tous  les  autres  éléments  que  je  viens  d'énumérer. 


150  NUTRITION. 

Du  reste,  sauf  les  proportions  qui  varient,  les  mêmes  élé- 
ments essentiels  se  trouvent  réunis  dans  le  eorps  de  tous  les 
êtres  vivants,  que  ceux-ci  soient  des  Animaux  ou  des  plantes; 
et  par  conséquent  la  substance  des  uns  et  des  autres  peut  tou- 
jours êlre  un  aliment  complet  pour  l'Animal  qui  a  le  pouvoir 
d'en  absorber  une  quantité  suffisante.  Ainsi,  le  régime  du 
Carnassier  et  celui  de  l'Herbivore  diftërent  entre  eux  beaucoup 
moins  qu'on  ne  serait  porté  à  le  croire  au  premier  abord.  La 
proie  dont  le  premier  se  nourrit  contient  beaucoup  de  matières 
grasses  associées  à  des  matières  azotées,  et  par  conséquent 
fournit  à  celui-ci  un  mélange  d'aliments  respiratoires  et  plas- 
tiques, en  même  temps  que  des  phosphates  terreux  et  les  autres 
sels  minéraux  dont  l'organismea  besoin  (1).  Dans  le  régime  de 
l'Herbivore,  la  proportion  des  matières  carbo-hydrogénées  est 
plus  considérable  ;  mais  dans  presque  tous  les  aliments  végé- 
taux, tels  que  la  Nature  les  fournit,  il  y  a  aussi  des  substances 
azotées,  et  si  l'Animal  est  capable  de  digérer  rme  quantité 
considérable  de  ces  matières  végétales,  il  y  trouve  en  définitive 
tout  l'azote  dont  il  a  besoin. 

11  est  aussi  à  noter  qu'en  général  les  Animaux  boivent  en 
quantité  plus  ou  moins  considérable  de  l'eau,  qui  fient  en  disso- 

{\)  011  doit  â  MM.  Gilbert  et  Lawes  des  Animaux  de  boucherie,'  les  pre- 

Une  longue  série  de  recherches  très-  raières  sont  beaucoup  plus  abondantes, 

intéressantes  sur  la  composition  chi-  Quand  ces  Animaux  ont  été  engraissés 

mique  de  Tensemble  de  l'organisme  pour  le  marché,  on  trouve  chez  le 

des   divers    Animaux    de   boucherie  Bœuf  deux  ou    trois   fois  autant  de 

employés  en  Angleterre,  et  sur  celle  graisse  que  de  matières  azotées  sèches, 

des  différentes  parties  de  leur  corps.  Chez  les  Moulons,  celte  proportion 

Us  ont  trouvé  que    la   viande ,   telle  s'élève  ordinairement  à  U  pour  1,  et 

qu'on  la  mange  ordinairement,  con-  atteint  quelquefois  6  pour  1  (a).   En 

tient   plus   de   matières    grasses  que  France,  les  Animaux  de  boucherie  ne 

de   substance   azotée  sèche,    et  que  sont  pas  chai'gés  d'autant  de  graisse 

dans   le  corps  entier  de  la  plupart  qu'en  Angleterre. 

(a)  Lawcs  and  Gilbert,  Ou  ihc  Composition  of  some  of  the  Animais  fed  and  stlaughtered  as 
humun  food  {Philos.  Trans.,  1859,  p.  521). 


EVALUATION    DES    BESOINS. 


151 


lulion  des  sels  calcaires  et  aulres.  Or,  ces  matières  minérales 
concourent  aussi  à  l'entretien  du  travail  nutritif  dont  leur  orga- 
nisme est  le  siège,  et  il  est  probable  que  si  beaucoup  d'Ani- 
maux marins  périssent  plus  ou  moins  prompîement  dans  l'eau 
douce,  cela  dépend  souvent  de  ce  qu'ils  ne  trouvent  pas  dans 
celle-ci,  comme  dans  l'eau  de  la  mer,  toutes  les  substances 
minérales  dont  ils  ont  besoin  pour  la  constitution  de  leur  orga- 
nisme (1). 

Ainsi,  en  résumé,  nous  voyons  que,  pour  l'alimentation 
normale  des  Animaux,  il  faut  la  réunion  de  trois  sortes  de  sub- 
stances :  des  madères  organiques  plastiques  (2),  des  matières 
organiques  essentiellement  combustibles,  et  des  matières  miné- 
rales, lesquelles  se  trouvent  effectivement  associées  dans  pres- 


(1)  11  me  paraît  également  très-pro- 
bable que  l'inaptitude  de  certains  Ani- 
maux marins  à  vivre  dans  l'eau  douce, 
ou  de  certains  Animaux  d'eau  douce 
à  vivre  dans  l'eau  salée,  dépend  des 
phénomènes  osmotiques  qui  se  pro- 
duisent lorsqu'ils  changent  de  miUeu. 
Ainsi  l'Animal  qui  habite  les  eaux  de 
la  mer  doit,  par  un  effet  d'endosmose, 
se  charger  d'une  quantité  inaccoutu- 
mée d'eau,  lorsqu'il  vient  à  être  plongé 
dans  de  l'eau  qui  n'est  pas  chargée  de 
sel,  et  l'Animal  d'eau  douce  qui  subit 
le  contact  de  l'eau  de  la  mer  doit  au 
contraire  céder  à  ce  liquide  une  cer- 
taine quantité  de  l'eau  dont  les  tissus 
situés  près  de  la  surface  de  son  corps 
sont  chargés.  Il  serait  intéressant 
d'étudier  à  ce  point  de  vue  l'action 
des  bains. 

L'insalubrité  des  eaux  qui  provien- 
nent de  la  fonte  des  neiges  et  qui  n'ont 
pas  coulé  longtemps  sur  un  sol  chargé 
de  sels  calcaires,  dépend  en  partie  de 
leur  trop  grande  pureté  et  de  l'absence 


d'une  proportion  convenable  de  ma- 
tières calcaires  en  dissolution. 

(2)  Hien  ne  nous  autorise  à  penser 
que  les  substances  azotées  non  orga- 
niques puissent  servir  à  la  nutrition 
de  la  plupart  des  Animaux  ,  et  se 
substituer  aux  matières  albuminoïdes 
dans  les  phénomènes  histogéniques. 
Je  dois  ajouter,  cependant,  que  quel- 
ques chimistes  pensent  que  les  compo  - 
ses  ammoniacaux  peuvent  èU'e  utilisés 
dans  l'intérieur  de  l'organisme.  Ainsi, 
M.  Kuhlmann,  ayant  remarqué  que  les 
Mollusquesd'eau  douce  se  multipliaient 
beaucoup  dans  les  fossés  d'une  usine 
où  arrivaient  des  eaux  chargées  de 
bicarbonate  d'ammoniaque,  entreprit 
quelques  expériences  sur  l'emploi  des 
sels  ammoniacaux  dans  l'alimentation 
des  Cochons.  Il  constata  que  ces  Ani- 
maux peuvent  en  prendre  sans  incon- 
vénient des  doses  considérables  mêlées 
à  leurs  aliments,  et  que,  sous  l'in- 
fluence de  ce  régime,  leur  urine  devient 
plus  alcaUne  et  paraît   plus  chargée 


15*2  NUTRITION. 

que  toutes  les  substances  alimentaires,  telles  que  la  Nature  les 
fournit. 

Modes  ,  , 

j'appréciaiioi.      §  ^ '2 •  —  H  Tcsulte  également  tic  l'ensemble  des  faits  dont 

des  bcsoms      .  .  i,       -i  •         •  i  •  v 

nuirilifs.  je  Viens  de  rendre  compte,  que  1  utuisation  des  matières  ali- 
mentaires dans  la  profondeur  de  l'organisme  est  corrélative  de 
l'oxydation  de  ces  mômes  matières  ou  de  celles  qu'elles  rem- 
placent, et  que,  par  conséquent,  tout  ce  travail  intérieur,  que 
je  désignerai  d'une  manière  générale  sous  le  nom  de  mutation 
nutritive,  est  subordonné  Ji  l'absorption  et  à  la  fixation  de 
l'oxygène  introduit  dans  l'économie  animale  par  l'acte  de  la 
respiration.  Il  doit  donc  y  avoir  une  relation  directe  entre  la 
grandeur  de  la  puissance  respiratoire  et  l'intensité  du  mouve- 
ment nutritif.  Par  conséquent  encore,  nous  pourrons  juger  de 
la  valeur  fonctionnelle  de  ce  mouvement  par  la  quantité  d'air 
que  l'Animal  consomme  (1). 

Les  connaissances  que  nous  avons  acquises  au  commence- 
ment de  ce  Cours,  touchant  l'activité  respiratoire  des  divers 
Animaux  et  du  même  Animal,  quand  il  est  placé  dans  des  con- 
ditions différentes,  peuvent  ainsi  nous  aider  dans  l'appréciation 
des  mutations  nutritives.  Mais  les  recherches  relatives  aux 


d'urée   que    dans    les    circonslances  taitrate  d'ammoniaque  est  un  aliment 

ordinaires  (a).  tout  comme  le  serait  de  l'albumine  ou 

Pour  les  Animalcules  qui  jouent  le  de  la  caséine  (6). 
rôle  de  ferments,  et  qui  vivent  à  la  (I)    Tout  ce    que  je  dis  ici  s'ap- 

manière  des  Végétaux,  en  réduisant  plique  aux  Animaux  ordinaires  ;  mais 

des  matières  oxydées,  la  faculté  d'uti-  les  recherches  récentes  de  M.  Pasteur 

liser  les  composés  ammoniacaux  dans  m'obligent   à  faire   des   réserves  au 

le  travail  nutritif  a  été  mise  hors  de  sujet  des  êtres  animés  microscopiques 

doute  par  les  expériences  de  ÎM.  Pas-  qui  appartiennent  à  la  catégorie  des 

teur.  Effectivement,  ce  savant  a  con-  ferments,  et  qui  ne  respirent  pas  de  la 

staté  que  pour  ces  êtres  singuliers,  le  même  manière  que  les  précédents  (c). 

(a)  Kuhlmanii,  Ce  l'influence  des  alcalis  dans  divers  phénomène!^  nalurcls,  et  en  particulier 
du  rôle  que  joue  V  ammoniaque  dans  la  nulrilion  des  Animaux  ^(Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  IS^T,  t.  XXIV,  p.  263). 

(6)  Pasleur,  Mémoire  sur  les  corpuscules  organises  qui  existent  duns  l'atmosphère  {Ann.  des 
sciences  nat.,  4'  série,  1851,  t.  XVI,  p.  95). 

(c)  Voyez  ci-dessus,  pajc  122. 


ÉVALUATION    DES    BESOINS.  153 

quantités  d'oxygène  employées  par  les  êtres  animés  sont  peu 
nombreuses,  et  elles  présentent  des  dilTieultés  considérables. 
Ce  sera  donc  principalement  par  l'examen  de  (ails  d'un  autre 
ordre  que  nous  chercherons  à  nous  éclairer  sur  la  marche  des 
phénomènes  de  combustion  ou  de  rénovation  organique  dont 
l'étude  nous  occupe  en  ce  moment. 

En  effet,  pour  évaluer  les  résultats  de  ces  actions  molécu- 
laires, il  n'est  pas  indispensable  de  tenir  compte  de  l'élément 
comburant  ;  il  suffit  de  prendre  en  considération  les  combus- 
tibles physiologiques,  et  de  connaître,  soit  la  quantité  de  ces 
corps  qui  arrivent  dans  l'organisme,  sans  en  augmenter  le 
poids,  soit  la  quantité  des  divers  produits  excrémentitiels  qui 
s'échappent  de  l'économie  animale,  genre  de  détermination  qui 
est  en  général  facile. 

On  appelle  ration  (Tentretien^  la  quantité  d'aliments  qu'un 
Animal  doit  consommer  pour  subvenir  d'une  manière  complète 
aux  besoins  de  la  mutation  nutritive  dont  son  organisme  est  le 
siège.  Ce  travail  s'effectue  alors  sans  perte  ni  gain  apparent,  et 
le  poids  du  corps  reste  stationnaire  ou  n'oscille  qu'entre  des 
limites  très-étroites.  Si  l'ahmentation  est  insuftisante,  la  com- 
bustion vitale  est  entretenue  en  partie  au  moins  à  l'aide  de  la 
substance  propre  de  l'Animal,  et  alors  le  poids  de  son  corps 
diminue  proporlionnément  aux  pertes  qu'il  subit.  Si ,  au 
contraire,  sous  l'influence  d'un  régime  déterminé,  le  poids  de 
son  corps  augmente,  il  en  faut  conclure  que  la  quantité  des 
matières  étrangères  introduites  dans  son  organisme  dépasse  celle 
dont  il  peut  opérer  la  destruction  et  l'éhmination.  Quand  l'Ani- 
mal est  encore  jeune  et  en  voie  de  développement,  cet  excédant 
est  employé  en  totalité  ou  en  partie  à  la  formation  de  tissus 
nouveaux;  mais  lorsque l'iVnimal  est  adulte,  les  matières  com- 
bustibles surabondantes  s'accumulent  dans  diverses  parties, 
principalement  sous  la  forme  de  graisse,  et  constituent  des 

réserves  de  substance  nutritive.  11  en  résulte  qu'en  tenant 
vni.  11 


15/l  INUTRITION. 

compte  de  ki  quantité  d'aliments  consommés  par  un  Animal  et 
du  poids  de  son  corps,  on  peut  évaluer  avec  une  précision  suf- 
fisante le  degré  d'activité  de  la  mutation  nutritive  qui  s'opère 
dans  son  organisme ,  sans  avoir  égard,  ni  à  l'oxygène  qu'il 
absorbe,  ni  aux  matières  qu'il  excrète. 

La  même  question  peut  être  résolue  par  l'évaluation  des 
diverses  excrétions  qui,  étant  les  produits  de  la  mutation  nutri- 
tive, donnent  aussi  la  mesure  de  ce  phénomène. 

Enfin,  on  peut  juger  aussi  de  l'activité  plus  ou  moins  grande 

du  travail  nutritif  par  la  déperdition  totale  que  l'animal  subit 

quand  il  ne  reçoit  du  dehors  aucun  aliment  et  vit  aux  dépens 

de  sa  propre  subslance. 

Circonstances      §  ]  3 .  __  Du  rcstc,  qucllc  quc  soit  la  méthode  d'investigation 

sur  le  degré  cuiployée,  OU  rccounaît  facilement  qu'il  existe  de  grandes  diffé- 

d'activité  ,  ii       ,•     •,  r  ,  ni 

du  travail  rcuces  daus  l  activité  avec  laquelle  les  mutations  nutritives 
s'effectuent  non -seulement  chez  les  divers  Animaux,  mais  aussi 
chez  les  individus  d'une  même  espèce,  suivant  l'âge,  le  sexe  et 
une  multitude  d'autres  circonstances. 
■  Influence  II  cst  d'obscrvatiou  que,  lorsque  toutes  choses  sont  égales 
poids  du  corps,  d'ailleurs,  le  volume  du  corps  influe  beaucoup  sur  la  quantité 
de  matière  organique  consommée  par  un  Animal.  Chacun  sait 
qu'un  Homme  grand  a  besoin  de  plus  d'aHments  qu'un  individu 
de  petite  taille,  et  que  la  ration  d'entretien  d'un  petit  Cheval 
serait  insuffisante  pour  un  Cheval  dont  la  taille  serait  élevée.  Il 
est  vrai  que  chez  deux  Animaux  de  même  espèce  ou  d'espèces 
voisines,  cette  consommation  n'est  pas  tout  à  fait  proportion- 
nelle au  poids  de  l'organisme,  et  que,  comparativement  à  ce 
poids,  elle  est  plus  forte  chez  les  petits  individus  que  chez  les 
grands  ;  mais  il  y  a  toujours,  chez  les  Animaux  dont  l'activité 
vitale  est  à  peu  près  la  même,  un  rapport  intime  entre  la  quan- 
tité de  matière  vivante  dont  l'organisme  se  compose  et  la  quan- 
tité de  matière  ahmenlaire  ou  organisée  qui  est  employée  à 
l'enlrelien  du  mouvement  nutritif.  Il  en  résulte  que  chez  les 


QUANTITÉ    DES    PRODUITS    DE    CE    TRAVAIL.  155 

individus  de  grande  taille,  la  quantité  (le  matières  iirinaires  excré- 
tées journellement  est  aussi  plus  considérable  que  chez  les  indivi- 
dus de  même  espèce  dont  le  poids  du  corps  est  moins  élevé.  Cela 
ressort  nettement  des  observations  faites  sur  l'Homme  [lar  plu- 
sieurs physiologistes.  Ainsi,  dans  les  recherches  de  M.  Scherer, 
la  quantité  d'urée  sécrétée  en  vingt-quatre  heures  s'est  élevée  à 
environ  13,  18,  27  et  30  grammes  chez  quatre  individus  dont 
le  poids  du  corps  élait  de  16,  22,  62  et  70  kilogrammes  (1). 


(1)  Voici  les  principaux  faits  con- 
statés par  M.  Scherer  sur  les  quatre 
individus  mentionnés  ci-dessus.  Dans 
la  dernière  colonne,  on  a  indiqué  la 


quantité  proportionnelle  d'urée,  cal- 
culée pour  une  même  unité  du  poids 
du  corps,  savoir,  1  kilogramme  : 


MATIÈRES 

PROPORT.  D'UHÉE 

AGE. 

POIDS. 

URINE. 

URÉE. 

cxlraclives, 
etc. 

MATIÈRE 

inorganique. 

pour  1  kilogr. 
du  poids  du  corps. 

Ans. 

Kilogr. 

Gram. 

Giani. 

Gram. 

Gram. 

Gram. 

N°  1    (fille).  .   . 

31/2 

16 

755 

12,98 

2,17 

10,98 

0,81 

N°  2  (garçon). 

7 

22 

1077 

18,29 

3,88 

10,23 

0,82 

N'  3  (homme). 

22 

62 

2156 

27,008 

24,33 

23,627 

0,43 

N»  4  (homme). 

38 

70 

1761 

29,824 

20,484 

20,919 

0,42 

Des  recherches  analogues  faites  par 
M.  Tiumniel  et  par  M.  Bischoflf  ont 
donné  des  résultais  semblables,  sauf  en 
ce  qui  concerne  un  vieillard,  comme 
on  peut  le  voir  par  le  tableau  suivant  : 

EXPÉRIENCES  DE  M.   RUMMEL. 

Proportion 
Age.      Poids.        Urée.  d'urée 

pour  1  kilogr. 

Ans.        Kilogr.  Gram.  Gram. 


EXPERIENCES  DE  M.  BISCHOFF. 


Age.      Poids. 


An 


1.  3 

2.  16 

3.  18 

4.  43 

5.  45 


66 
99 

104 


Urée. 

Gram. 

11,27 
19,86 
20,19 
25,32 
37,70 


Proporlion 

d'urée 

pour  1  kilogr. 

Gram. 

0,53    , 

0,41 
0,30 
0,28 
0,35 


1.  3 

2.  4 

3.  5 

4.  18 

5.  31 

6.  65 


13,6 

14,5 

16,7 

58 

71 

57 


13,57 
15,59 

18,22 
36,52 
39,28 
19,17 


1,03 
1,08 
1,08 
0.62 
0,51 
0,33 


Je  dois  ajouter  que  les  individus 
désignés  ici  sous  le  n"  3  dans  les  expé- 
riences de  M.  Piummel,  et  sous  les 
n°^  3  et  Zi  dans  celles  de  M.  Bischoft", 
étaient  du  sexe  féminin  (a). 


(a)  Scherer,  Vergleichende  UntÊrsuchungen  der  in  24  Stunden  durch  den  Harn  austrelenden 
Stoffe  {Verhandlungen  der  Phys.  Med.  Gesellschaft  in  Wiïrx^burg,  1852,  t.  III,  p.  180). 

—  Rummel,  Beitràge  %ii  den  vergl.  Untevsuch.   der  in  24  Slunden  durch  den  Harn  ausge  ■ 
schiedenen  Stoffe  [Yerhandl.  der  Phgs.  Med.  Gesellsch.  aw  Wûnburg,  1854,  t.  V,  p.  110). 

—  Bischoff,  Der  Harnstoff  als  Maass  des  Stoffweehsels,  1853,  p.  25  et  suiv. 


J56  NUTRITION. 

Effeclivement,  toutes  les  particules  de  substance  organisée 
dont  l'économie  animale  se  compose,  semblent  participer  à  ce 
travail  métamorphique  et  concourir  à  la  production  des  matières 
excrémentitielles,  dont  la  quantité  nous  donne  la  mesure  de  la 
somme  des  actions  partielles  accomplies  de  la  sorte  ;  mais  de 
même  que  la  mutation  de  la  matière  n'est  pas  également  rapide 
dans  tous  les  organes  d'un  même  individu,  le  degré  de  puis- 
sance mutatoire  dont  les  parties  correspondantes  sont  douées 
chez  les  divers  Animaux  peut  varier.  Par  conséquent,  il  peut  y 
avoir,  à  poids  égaux,  de  grandes  différences  dans  la  consom- 
mation physiologique. 

Ainsi  nous  avons  vu,  an  commencement  de  cette  Leçon,  que 
tous  les  Animaux  meurent  lorsqu'ils  ne  reçoivent  pas  du  dehors 
de  nouvelles  provisions  de  matières  nutritives,  et  vivent  aux 
dépens  de  leur  propre  substance  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  atteint 
un  certain  degré  de  dépérissement.  La  quantité  de  matière  qu'ils 
peuvent  perdre  ainsi  sans  que  la  mort  en  résulte,  paraît  être  à 
peu  près  la  même  pour  tous  ;  mais  il  existe  des  différences 
énormes  dans  la  durée  du  temps  pendant  lequel  ils  peuvent 
vivre  ainsi  sur  eux-mêmes,  et  par  conséquent  dans  la  rapidité 
avec  laquelle  ils  dépensent  la  matière  qu'il  leur  est  possible 
d'abandonner  (1).  Nous  voyons,  par  exemple,  dans  les  expé- 
riences de  Chossat,  que  les  Mammifères  et  les  Oiseaux  privés 

(1)  Chossat  conclut  de  ses  expé-  la  même  valem'  physiologique,  il  fau- 
riences,  que  dans  l'inanition,  c'est-à-  drait  que  l'état  initial  de  l'organisme 
dire  l'abstinence  complète  de  tout  ali-  fût  toujours  le  même,  quant  à  la  ré- 
ment organique,  la  durée  de  la  vie  est  serve  nutritive  contenue  dans  le  corps 
égale  à  la  perte  intégrale  proportion-  de  l'Animal.  Or,  il  existe  à  cet  égard 
nelle  divisée  par  la  perte  diurne  des  différences  très-considérables,  et 
proportionnellement moyenne(a);  mais  par  conséquent  la  question  est  moins 
il  est  évident  que  pour  que  la  perte  simple  qu'on  ne  serait  porté  à  le  sup- 
intégrale  proportionnelle  ait  toujours  poser  au  premier  abord. 

(a)  Cliossat,  Op.  cit.  (il/m.  de  l'Acad,  des  sciences  ,  Sav.  élrang.,  l.  VIII,  p.  472). 


QUANTITÉ    DES    PRODUITS    DE    CE    TRAVAIL.  157 

d'aliments  organiques,  et  ne  recevant  que  de  l'eau,  n'ont  résisté 
à  l'inanition  qu'environ  dix  jours,  terme  moyen,  et  ont  perdu 
en  moyenne  /i2  millièmes  de  leur  poids  chaque  jour  5  tandis 
que  les  Grenouilles  placées  dans  des  conditions  analogues  ont 
vécu  aux  dépens  de  leur  propre  substance  pendant  neuf  mois  ; 
en  moyenne,  et  quelquefois  jusqu'à  quatorze  ou  quinze  mois, 
mais  que  la  perte  de  poids  subie  par  ces  Animaux  n'élait  en 
moyenne  que  d'environ  0,0015  de  leur  poids  initial,  c'est-à- 
dire  environ  un  trentième  de  celle  constatée  chez  les  Verté- 
brés à  sang  chaud.  Chossat  a  obtenu  des  résultats  analogues 
en  opérant  sur  des  Reptiles  et  des  Poissons;  en  sorte  qu'on 
peut  poser  en  règle  que  la  consommation  de  matière  organique 
nécessaire  à  l'entretien  de  la  vie  est  beaucoup  plus  considérable 
chez  les  Mamniifères  et  les  Oiseaux  que  chez  les  Vertébrés 
à  sang  froid. 

Je  pourrais  citer  ici  beaucoup  d'autres  faits  propres  à  mon- 
trer l'inégalité  qui  existe  entre  les  Animaux  supérieurs  et  ceux 
dont  l'activité  vitale  est  moindre,  quant  à  la  grandeur  des 
besoins  nutritifs  et  à  la  faculté  de  vivre  avec  peu,  inégalité  qui 
implique  des  différences  correspondantes  dans  le  travail  de 
mutation  de  la  matière  organique  dont  l'économie  est  le  siège  ; 
mais  je  me  bornerai  à  faire  remarquer  que  les  résultats  aux- 
quels nous  arrivons  de  la  sorte  sont  parfaitement  conformes  à 
ceux  que  nous  a  déjà  fournis  l'étude  des  phénomènes  de  la  res- 
piration. En  effet,  nous  avons  vu  que  la  quantité  d'oxygène 
absorbée  en  un  temps  donné  par  les  divers  Animaux  est  loin 
d'être  proportionnelle  au  poids  de  la  matière  vivante  dont  leur 
corps  se  compose,  et  varie  beaucoup  suivant  le  degré  de  puis- 
sance physiologique  dont  ils  sont  doués.  Ainsi,  nous  avons  vu 
qu'un  Poisson,  lors  même  qu'il  est  beaucoup  plus  gros  qu'un 
Oiseau,  peut  vivre  pendant  plus  d'une  heure  avec  une  quantité 
d'air  qui  serait  insuffisante  pour  l'entretien  de  la  respiration  de 


158  NUTRITION. 

l'Oiseau  pendant  une  minute  (1).  Or,  la  quantité  de  l'élément 
comburant,  dont  les  Animaux  font  usage,  est  nécessairement 
en  rapport  avec  la  quantité  de  matières  combustibles  qu'ils 
consument,  et  par  conséquent  les  Animaux  dont  la  respiration 
est  la  plus  active  sont  aussi  ceux  qui  effectuent  avec  le  plus 
de  rapidité  la  mutation  nutritive  dont  tout  corps  vivant  est  le 
siège. 

En  étudiant  la  respiration,  nous  avons  vu  aussi  qu'il  existe  des 
rapports  étroits  entre  l'aclivité  de  cette  fonction  et  les  diverses 
manifestations  de  la  puissance  vitale  ;  que  plus  les  actions  phy- 
siologiques sont  grandes,  plus  la  consommation  d'oxygène  est 
considérable,  et  que  tout  déploiement  de  force  est  accompagné 
de  phénomènes  de  combustion  organique.  Nous  pouvons  donc 
prévoir  qu'il  doit  en  être  de  même  pour  l'emploi  des  matières 
combustibles  dont  la  transformation  accompagne  ou  constitue 
le  mouvement  nutritif,  et  que  par  conséquent  l'abondance  des 
produits  excrémentitiels  fournis  par  l'organisme,  ainsi  que  la 
quantité  de  matière  alimentaire  nécessaire  pour  contre-balancer 
ces  pertes,  sont  subordonnées  au  degré  de  puissance  physiolo- 
gique déployée  par  l'Animal. 

Voyons  si  l'expérience  confirmera  ce  raisonnement. 
Influence  §  14-  —  Ou  Sait  dcpuis  l'autlquité  que  l'âge  influe  beaucoup 
de  rage.  ^^^^  |.^  focuUé  dc  supportcT  l'abstinence;  que  chez  les  jeunes 
Animaux  le  besoin  de  nourriture  se  fait  sentir  à  de  courts  inter- 
valles, tandis  que  dans  l'âge  mûr,  et  surtout  dans  la  vieillesse, 
le  jeijine  peut  être  soutenu  pendant  plus  longtemps  sans  aucun 
inconvénient  grave.  Le  tableau  tragique  que  le  Dante  trace  des 
souffrances  d'Ugohn  et  de  ses  enfants  est  l'expression  de  ce  qui 
doit  arriver  quand  des  personnes  dont  l'âge  diffère  beaucoup 
périssent  d'inanition  :  c'est  le  plus  jeune  qui  meurt  d'abord,  et 
le  plus  vieux  qui  résiste  le  plus.  Or,  cela  ne  dépend  pas  de  ce 

(1)  Voyez  tome  II,  page  516  et  suivantes. 


QUANTITÉ    DES    PRODUITS    DE    CE    TRAVAIL.  159 

que  celui-ci  peut  supporter  des  pertes  plus  grandes  que  le  pre- 
mier, mais  de  ce  qu'en  un  temps  donné  il  perd  moins  :  les 
expériences  de  Chossat  nous  le  démontrent.  En  évaluant  com- 
parativement ces  pertes  par  la  diminution  du  poids  du  corps 
chez  des  Tourterelles  dont  les  unes  étaient  jeunes,  d'autres 
adultes,  et  d'autres  encore  plus  avancées  en  âge,  ce  physiolo- 
giste trouva  que  la  perte  diurne  proportionnelle  était  : 

de  81  millièmes  chez  les  premières, 
de  59  millièmes  chez  les  secondes, 
et  de  35  millièmes  seulement  chez  les  dernières. 

Or  les  premières,  c'est-à-dire  les  plus  jeunes,  sont  mortes  de 
faim  au  bout  de  trois  jours  ;  les  secondes  ont  vécu  sans  aliments 
pendant  six  jours,  et  les  plus  âgées  ont  résisté  aux  effets  mortels 
de  l'inanition  pendant  treize  jours.  11  est  vrai  que  dans  ce  cas 
la  perte  intégrale  a  été  beaucoup  plus  forte  chez  les  individus 
les  plus  âgés,  mais  cette  cause  de  différence,  dépendant  peut- 
être  de  la  proportion  de  graisse  accumulée  préalablement  dans 
leur  corps,  ne  suffirait  pas  pour  rendre  compte  des  différences 
observées  ;  et  l'inégalité  |dans  la  durée  de  la  vie  alimentée  uni- 
quement par  la  substance  de  l'Animal  dépendait  évidemment 
en  majeure  partie  delà  grande  inégahté  que  la  balance  a  révélée 
dans  la  dépense  physiologique  (1).  Nous  savons,  d'ailleurs, 


(1)  Il  est  à  regretter  que  l'âge  des  jours,  vit  la  mort  arriver  après  qua- 

Tourterelles  employées   par   Chossat  rante-huit  heures  d'abstinence,  tandis 

n'ait  pas  pu  être  constaté  direclement  que  des  individus  âgés  de  plus  de  six 

et  n'ait  été  évalué  que  par  les  diffé-  ans  résistèrent  encore  après  plus  de 

rences  dans  leurs  poids  (a).  trente  jours  de  diète  absolue  ;  d'autres 

Des  faits  du  même  ordre  ont  été  Chiens  déjà  grands,  mais  plus  jeunes 
constatés  sur  des  Chiens  par  Magen-  que  ces  derniers,  ont  vécu  sept,  chx, 
die.  Ce  physiologiste,  en  expérimen-  onze,  quinze  et  vingt  jours  sans  ali- 
tant sur  des  Animaux  âgés  de  quatre  ments  (6).  Des  expériences  analogues 


(a)  Chossat,  Op.  cit.,  p.  iQQ. 

(6)  Magendie,  Rapport  fait  à  l'Académie  des  sciences  au  nom  de  la  Commission  dite  de  la 
gélatine  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1841,  t.  XIII,  p.  255). 


160  NUTRITION. 

que  la  combustion  respiratoire  est  beaucoup  plus  active  chez 
l'enfant  que  chez  l'adulte,  et  s'affaiblit  considérablement  chez 
le  vieillard.  x\insi,  nous  avons  vu  que  dans  des  conditions  ana- 
logues un  enfant  a  consommé  par  jour  une  quantité  de  carbone 
correspondant  à  6  grammes  pour  chaque  kilogramme  du  poids 
intégral  de  son  corps,  tandis  que  chez  un  adulte  cette  consom- 
mation diurne  n'était,  proportionnellement  au  poids  total  de 
l'organisme,  que  de  3  grammes  (1). 

La  grande  diminution  dans  le  travail  de  mutation  nutritive 
qui  nous  est  démontrée  par  ces  faits  ressort  également  de 
l'étude  des  produits  delà  sécrétion  urinaire.  Ainsi,  M.  Lecanu 
a  trouvé  que  la  quantité  moyenne  d'urée  excrétée  en  vingt- 
quatre  heures  était  d'environ  28  grammes  pour  les  Hommes 
adultes  de  vingt  à  quarante  ans,  et  d'environ  13  grammes  pour 
des  garçons  de  huit  ans  ;  or  le  poids  du  corps  augmente  beau- 
coup plus  que  dans  le  rapport  de  1  à  2  à  dater  de  ce  dernier 
âge.  Enfin,  le  même  chimiste  a  vu  que  la  sécrétion  diurne  de 
l'urée  n'était  plus  que  d'environ  8  grammes  chez  des  vieillards  ; 
elle  était  par  conséquent  de  beaucoup  inférieure  à  ce  qu'il  avait 
constaté  chez  les  enfants  de  huit  ans,  malgré  la  différence  en 
sens  inverse  qui  devait  exister  dans  le  poids  total  du  corps  (2). 

ont  été  constatées  par  CoUard  de  Mar-  valent.  Je  dois  ajouter  que  le  dosage 

tigny  dans   ses  expériences  sur  les  de  l'urée  contenue  dans  l'urine  d'en- 

effets  de  l'abstinence  chez  les  Lapins  fants  de  trois  ou  quatre  ans  n'a  pas 

adultes  et  jeunes  (a).  donné  des  résultats  en  accord  avec  la 

(1)  Voyez  tome  II,  page  566.  marche  générale  des  phénomènes  in- 

(2)  11  est  à  regretter  que  dans  ses  diqués  ci-dessus  ;  car  la  quantité  abso- 
recherches  sur  la  sécrétion  journa-  lue  de  ce  produit  excrémentitiel  n'était 
lière  de  l'urine,  M.  Lecanu  n'ait  tenu  pas  égale  au  tiers  de  celle  fournie  par 
un  compte  exact  ni  du  poids  des  indi-  les  urines  d'enfants  de  huit  ans,  et  la 
vidus  soumis  à  ses  expériences,  ni  de  différence  dans  le  poids  du  corps  est 
la  quaniité   d'aliments   qu'ils    rece-  loin  d'être  dans  la  même  propor  lion  (6). 

(a)  CoUard  de  Martigny,  Recherches  expérimentales  sur  les  effets  de  Vubstinence  complète 
(Journal  de  pliysiologie  de  Magendie,  1828,  t.  VIII,  p.  1C3). 

(b)  Lecanu,  Nouvelles  recherches  sur  l'urine  humaine  (Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1839, 
t.  XII,  p.  i06). 


QUANTITÉ    DES   PRODUITS    DR    CR    TRAVAIL.  161 

Ces  vues  sont  pleinement  confirmées  par  les  résultais  obtenus 
plus  récemment  à  l'aide  d'expériences  dans  lesquelles  les  pro- 
portions entre  le  poids  total  de  l'organisme  et  le  rendement 
journalier  de  l'appareil  urinaire  ont  été  détermiuées  directe- 
ment. Ainsi,  dans  les  recherches  de  M.  Scherer,  la  quantité 
d'urée  excrétée  en  vingt-quatre  heures  élait  de  0^',81  par 
kilogramme  chez  un  jeune  garçon  de  sept  ans,  et  de  0^',62  chez 
mi  adulte  de  trente-huit  ans.  Dans  une  série  d'expériences 
analogues  faites  par  M.  Rummel,  la  décroissance  des  produits 
urinaires  à  mesure  que  l'Homme  avance  en  âge  était  encore 
plus  marquée.  Ainsi,  il  y  avait  par  kilogramme  : 

Gram. 
1,08  chez  un  garçon  de  huit  ans  ; 
0,62  chez  un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  ; 
0,51  chez  un  homme  de  trente  et  un  ans; 
0,33  chez  un  vieillard  de  soixante-cinq  ans. 

Des  difféi^ences  du  même  ordre  ont  été  constatées  par 
M.Bischoff(l). 

§  15.  —  La  consommation  des  matières  organiques  dépen- 
dant du  mouvement  nutritif  diffère  aussi  suivant  les  sexes,  et  elle  ''^  '^''^■ 
est  beaucoup  plus  grande  chez  l'Homme  que  chez  la  Femme. 
Nous  avons  déjà  vu  qu'à  poids  égal,  le  corps  fournit  beaucoup 
plus  d'acide  carbonique  chez  les  petites  filles  que  chez  les  gar- 
çons, et  qu'à  l'âge  adulte,  l'inégalité  est  encore  ti^ès-grande, 
quoique  modifiée  par  diverses  circonstances  dépendantes  des 
fonctions  de  reproduction  (2).  La  quantité  des  produits  de  la 
combustion  physiologique  qui  s'échappent  de  l'organisme  par 
les  voies  urinaires  est  également  beaucoup  moins  considéi\ablc 
chez  la  Femme  que  chez  l'Homme  (3). 

(1)  Voy.  ci-dessus  page  155,  note.        M.  Lecanu,  la  quantité  d'urée  excré- 

(2)  Voyez  tome  II,  page  565.  tée  en  \ingt-quatre  lieures  était,  en 

(3)  Ainsi ,  dans  les  expériences  de      moyenne,  de  '28  grammes  pour  les 


Influence 


Influence 

du  volume 

du 

corps. 


Influence 
de  l'activilé 
musculairei 


162  NUTRITION. 

§  16.  —  Cependant,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  quand  toutes 
choses  sont  égales  d'ailleurs,  l'activité  vitale  est  en  général 
plus  grande  chez  les  petits  Animaux  que  chez  ceux  dont  le 
corps  est  plus  volumineux,  et,  pour  un  même  poids  de  matière 
vivante,  les  premiers  consomment  plus  d'oxygène  et  brûlent 
plus  de  carbone  que  les  seconds.  Cette  inégalité  entraîne  avec 
elle  des  différences  correspondantes  dans  la  proportion  des 
produits  excrémentitiels  éliminés  de  l'organisme,  et  dans  celle 
des  matières  alimentaires  nécessaires  pour  constituer  la  ration 
d'entretien.  En  étudiant  les  phénomènes  de  la  respiration,  nous 
en  avons  déjà  eu  des  preuves  (1),  et  lorsque  nous  nous  occu- 
perons de  l'engraissement  de  nos  Animaux  de  boucherie, 
j'aurai  à  signaler  d'autres  faits  du  même  ordre  qui  sont  non 
moins  significatifs  (2). 

§  17.  —  Dans  une  précédente  Leçon,  nous  avons  vu  que  le 
développement  de  la  force  musculaire  est  accompagné  d'une 


Hommes  adultes ,  et  seulement  de 
19  grammes  pour  les  Femmes  {a). 
Nous  avons  vu  ci-dessus  que  les  re- 
cherches de  M.  Bisclîoff  mettent  encore 
mieux  cette  différence  en  lumière. 
Ainsi,  dans  le  tableau  qui  représente  les 
résultats  obtenus  par  ce  physiologiste, 
on  trouve  que  pour  1  kilogramme  du 
poids  total  du  corps  il  y  avait  journel- 
lement : 

Grnin; 

0,35  d'urée  chez  un  homme  do  quarante- 
cinq  ans  ; 

0,28  d'ure'e  chez  une  femme  de  quarante- 
trois  ans  (6). 

M.  Beigel  a  trouvé,  pour  1   kilo- 
gramme du  poids  total,  entre  0^^,àl\  et 


Qs^ôl  chez  l'Homme,  et  seulement  de 
Oe^Sg  à  0e%/i7  chez  la  Femme.  La 
moyenne  était  pour  l'Homme  ii^^,kQ, 
et  pour  la  Femme  0S'',/i2  (c). 

(1)  Voyez  tome  II,  page  515. 

(2)  En  général,  les  Animaux  de 
petite  taille  supportent  l'abstinence 
moins  bien  que  les  grands.  Ainsi  l\edl, 
qui  fit  beaucoup  d'expériences  sur  les 
effets  de  la  faim,  estima  que  les  Rats 
ne  peuvent  vivre  plus  de  trois  jom's 
sans  aliments,  tandis  que  les  Chiens 
qu'il  soumettait  à  une  diète  absolue, 
ne  mouraient  de  faim  que  vers  le 
trente-quatrième  ou  même  le  trente- 
sixième  jour  (cZ). 


(a)  Lecanu,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  2«  série,  t.  XII,  p.  106). 
(6)  Bischoff,  Der  llarnstoff  als  Maass  des  Stoffivechsels ,  p.  25. 

(c)  Beigel,  Op.  cit.  (Nova  Acta  Acad.  nat.  ciirios.,  1855,  t.  XVII,  p.  500  et  501). 

(d)  Redi,  De  Animalculis  vivis  quœ  in  corporibus  Animalium  vivorum  reperiuntur  observa- 
liones  {Opiiscitlorum  pars  lertia,  p.  1838,  édit.  de  Cosle,  1729). 


QUANTITÉ  DES  PRODUITS  DE  CE  TRAVAIL.        163 

augmentation  de  la  combustion  respiratoire.  En  effet ,  nous 
avons  trouvé  que  chez  les  Insectes  la  quantité  d'acide  carbo- 
nique exhalé,  quand  l'Animal  fait  des  mouvements  violents, 
est  dans  certains  cas  vingt-sept  fois  plus  considérable  que 
dans  l'état  de  repos  ;  et  que  chez  l'Homme,  la  différence, 
quoique  beaucoup  moins  grande,  est  encore  très-notable  :  car, 
dans  les  expériences  de  Séguin,  un  Homme  au  repos  n'a  con- 
sommé que  300  pouces  cubes  d'oxygène,  tandis  que  dans  le 
même  espace  de  temps  il  en  employait  800  pouces  cubes, 
lorsqu'il  faisait  des  efforts  musculaires  intenses  (1).  Tout 
récemment ,  de  nouvelles  recherches  ont  été  faites  sur  ce 
sujet  par  M.  Smith,  et  elles  mettent  encore  mieux  en  évidence 
l'influence  de  l'action  musculaire  sur  la  combustion  respira- 
toire. En  effet,  ce  physiologiste  estime  qu'en  vingt -quatre 
heures  la  quantité  d'acide  carbonique  qu'il  exhalait  par  les  pou- 
mons était,  en  moyenne  : 

28,8  onces  (ou  environ  815  grammes)  pendant  un  repos  complet  ; 
33,43  (ou  948  grammes)  quand  il  marchait  et  agissait  de  la  manière  ordinaire  ; 
45,7  (ou  1293  grammes)  quand  il  effectuait  un  travail  musculaire  considé- 
rable (2). 

Le  rendement  de  la  sécrétion  urinaire  est  également  aug- 

(1)  Voyez  tome  II,  page  531.  carbonique  exhalée  par  minute  était 

(2)  Les  recherches  de  M.  E.  Smith  de  18,1  grains  (ou  lg%16)  quand  il 
furent  faites  à  l'aide  d'un  appareil  marchait  à  raison  de  2  milles  par 
qui,  sans  gêner  la  respiration,  per-  heure  ,  et  s'élevait  à  25,83  grains 
mettait  de  recueilhr  et  de  doser  la  quand  il  accélérait  le  pas  de  façon 
quantité  totale  de  vapeur  d'eau  et  à  faire  3  milles  (ou  près  de  3  kilo- 
d'acide  carbonique  qui  s'échappaient  mètres  )  par  heure  ;  puis ,  quand  il 
des  poumons,  ainsi  que  d'évaluer  le  était  assis,  la  quantité  du  même  gaz 
volume  de  l'air  qui  passait  dans  ces  était  d'environ  10  grains  (Og%65); 
organes.  enfin,  lorsque  étant  couché,   il  était 

Dans  une  de  ses  expériences  faites  sous  l'influence  du  sommeil,  la  quan- 

sur  un  Homme  qui  pesait  86\8,  et  tité  correspondante  tombait   au-des- 

qui  portait  un  appareil  spirométrique  gous  de  5  grains  ou  0s%32  (a). 
pesant  3'', 400,  la    quantité   d'acide 

(a)  E.  Smith,  Expérimental  Inquiries  into  the  Chemicnl  and  other  Phenomena  of  Respiration 
(Philos.  Trans.,  1859,  p.  693). 


164  NUTRITION. 

mente  par  l'exercice  musculaire.  Ainsi,  dans  des  expériences 
faites  par  M.  Beigel,  un  Homme  bien  nourri,  qui,  en  vingt- 
quatre  heures  n'excrétait  que  liQ  grammes  d'urée  quand  il 
était  au  repos,  en  fournissait  52=', 32  lorsqu'il  faisait  beaucoup 
d'exercice  (1).  Il  paraîtrait  aussi  que  ce  genre  d'activité  phy- 
siologique tend  à  augmenter  la  puissance  comburante  de  l'or- 
ganisme, et  à  rendre  plus  complète  l'oxydation  des  matières 
brûlées  dans  le  travail  nutritif;  car  M.  Hammond  a  trouvé  que, 
sous  l'influence  de  l'exercice  musculaire,  la  proportion  d'acide 
urique  diminue  dans  l'urine,  tandis  que  celle  de  l'urée  aug- 
mente (2). 


(1)  Lorsque  la  nourriture  était  in- 
suffisante, la  différence  déterminée  par 
l'état  de  repos  ou  d'activité  muscu- 
laire n'était  que  dans  le  rapport  de  31 
à  33  (a). 

Dans  des  expériences  comparatives 
faites  sur  des  Chiens  qui  recevaient  la 
même  ration,  mais  qui  étaient  tantôt 


au  repos,  d'autres  fois  astreints  à  un 
travail  musculaire  fatigant,  M.  Voit  a 
vu  la  quantité  d'urée  différer  dans  la 
proportion  de  109^'", 8  à  11^^%!,  et 
même  117e%2  (6). 

(2)  Voici  les  résultats  obtenus  par 
ce  physiologiste  en  expérimentant  sur 
le  même  individu  : 


POIDS 

DE  L'URÉE. 

POIDS 

DE   l'acide   urique. 

487  grains. 

G82 

864,9 

24,8 

13,7 

8,2 

Se  livrant  à  un  travail  musculaire  modéré.  . 
Travail  musculaire  très-considérablo 

Le  même  auteur  a  vu  apparaître  de 
l'urée  dans  l'urine  d'un  Boa  qui  était 
dans  un  état  d'excitation,  tandis  que 
dans  les  circonstances  ordinaires  ce 
produit  n'en  contenait  pas  (c). 

M.  Bergholz  a  constaté  que  l'acti- 


vité musculaire  des  membres  infé- 
rieurs est  accompagnée  d'une  augmen- 
tation plus  grande  dans  la  production 
des  matières  urinaires  que  ne  le  sont 
les  mouvements  exécutés  parles  mem- 
bres thoraciques  [d)  ;  et  cette  différence 


(a)  Beigel,  Op.  cit.  {Nova  Acta  Acad.  iiat.  curios.,  1855,  t.  XVII). 

[h)  Voit,  Untersiiclmnoen  ûber  den  Einflvss  des  KochsaJzes,  des  Koffees  und  der  ifuskelbeive- 
gunyen  au f  den  Stofwechsel.  Munich,  1860. 

(c)  Hammond,  Un  the  Relations  existing  between  Urea  and  Uric  Acid  {The  American  Journal 
of  Médical  Science,  1855,  t.  XXIX,  p.  119). 

{d)  Bergholz,  Veber  die  ïiarnmenge  bci  Letuegwig  der  unieren  und  oberen  Eœtremitâten 
{Archiv  filr  Anat.  imd  Physiol.,  1801,  p.  131J. 


QUANTITÉ    DES    PllODUlTS    DE    CE    TllWAIL.  165 

D'après  les  tails  que  nous  venons  de  passer  en  revue,  nous  conscamnces 

^  .  ,    .  I  relatives 

pouvons  prévoir  que  lorsqu'on  veut  appliquer  speeialement  la  à  l'cngraissc- 

'  1  •  ^    i>  ment. 

matière  alimentaire  au  développement  des  tissus  et  a  1  aecuuui- 
lation  de  la  graisse,  il  faut  éviter  tout  déploiement  de  forée  mus- 
culaire, et,  autant  que  cela  est  compatible  avec  l'entretien  de  la 
santé,  maintenir  l'organisme  dans  un  état  de  repos  profond, 
car  la  matière  combustible  qui  serait  détruite  pour  produire 
le  mouvement  serait  perdue  pour  l'objet  que  l'on  se  pro- 
pose. La  pratique  a  depuis  longtemps  conduit  les  agronomes 
à  reconnaître  cette  règle  de  zootechnie ,  et  lorsqu'ils  veulent 
déterminer  une  obésité  rapide,  ils  condamnent  à  une  inaction 
aussi  complète  que  possible  les  sujets  sur  lesquels  ils  opèrent. 

§  18.  —  Le  régime  exerce  une  influence  plus  grande  sur  la     influence 

^  du  régime. 

quantité  des  matières  excrémentitielles  expulsées  de  1  organisme 
par  les  voies  urinaires.  Chossat  publia  en  1825  une  longue  série 
d'expériences  intéressantes  sur  ce  sujet,  mais  il  ne  détermina 
pas  directement  le  poids  des  divers  produits  de  la  sécrétion 
rénale,  et  c'est  dans  ces  dernières  années  seulement  que  des 
recherches  à  ce  sujet  ont  été  faites  avec  toute  la  précision  dési- 
rable. Néanmoins  les  expériences  de  Chossat  montrent  claire- 
ment que  la  quantité  de  ces  substances  urinaires  croît  avec  la 
quantité  des  alimenls,  quand  ceux-ci  restent  les  mêmes,  et  qu'à 
poids  égaux  d'aliments,  elle  augmente  à  mesure  que  le  régime 
devient  plus  riche  en  matières  azotées  (1).  Plus  récemment 

pourrait  bien  dépendre  d'une  certaine  Dans  une   seconde    série   d'expé- 

gène  que  la  contraction  des  muscles  riences  les  aliments  étaient  les  mêmes, 

moteurs  du  bras  détermine  dans  le  mais  leur  poids  était  de  60  onces  par 

jeu  de  l'appareil  respiratoire.  jour,  et  la  moyenne  diurne  de  Fexcré- 

(1)  Dans  une  première  série  d'expé-  tion  urinaire  s'éleva  à  500  grains, 

riences  qui  dura  dix  jours,  la  nourri-  Sous  l'influence  d'un  régime  végéto- 

ture  consista  principalement  en  paiii,  albumineux,  la  sécrétion  urinaire  était 

et  le  poids  total  des  alimenls  était  en  représentée  par  339  grains  quand  la 

moyenne  de  39  onces  par  jour.  La  quantité  des  aliments  était  de  25  ou 

moyenne  diurne  des  matières  urinaires  23  onces  par  jour,  et  par  513  à  568 

était  représentée  par  390  grains.  quand  la  même  ration  pesait  36  onces. 


166  NUTRITION. 

M.  Lebmann,  chimiste  distingué  de  l'Allemagne,  dont  j'ai  sou- 
vent à  citer  les  travaux,  lit  sur  lui-même  une  série  d'expériences 
dont  les  résultats  sont  encore  plus  significatifs,  comme  on  peut 
s'en  convaincre  en  jetant  les  yeux  sur  le  tableau  suivant,  où  se 
trouvent  réunies  les  moyennes  obtenues  par  l'analyse  des 
urines  évacuées  en  vingt-quatre  heures,  sous  l'intluence  de 
divers  régimes  (1)  : 


RÉGIME. 

TOTAL 
des 

MATIÈRES  FIXES. 

URÉE. 

ACIDE 
URIQDE. 

MATIÈRES 
EXTRACTIVES 

ET    SELS, 

Non  azoté 

Aliments  végétaux.  . 
Aliments  mixtes.  .  . 
Régime  animal  .  .  . 

Gram. 
/il, 63 
59,2/1 
67,82 
87,/i/i 

Gram. 

15,/|08 

22,/i81 

32,/i96 

53,198 

Gram. 
0,735 
1,021 
1,183 
l,/l78 

Gram. 
17,139 
19,312 
12,7/|6 
7,31/1 

M.  Beigel  a  profité  d'un  mode  de  traitement  adopté  dans 


Enfin,  lorsque  le  régime  était  essen-  aliments,  Chossat  trouva  que  pour  un 
tiellement  animal ,  les  produits  uri-  même  poids  d'aliments  secs,  la  sécré- 
naires  s'élevèrent  dans  la  proportion  don  urinaire  était  représentée  par  : 
de  339  à  53/i,  quand  le  poids  des  ali- 
ments fut  porté  de  23  à  30  onces  par  ^^  ^  ^^  s^^'''"^  ''''^  ^^  '^^'"^'  P^''^»'-^^- 

73  ffrains  avec  le  réeime  albumiiieux. 

jour. 

Pour  un  même  poids  de  matières  La  diflférence  était  donc  à  peu  près 
alimentaires  (l  once),  la  quantité  de  ma-  dans  le  rapport  de  1  à  /i. 
tière  urinaire,  évaluée  comme  dans  les  je  dois  ajouter  que  le  facteur  va- 
expériences  précédentes,  varia  dans  niable  dont  Chossat  se  sert  pour  é va- 
les  proportions  suivantes  :  luer  la  sécrétion  urinaire  est  le  produit 
Gram.  ^^  1*  multipHcation  du    volume  de 

Régime  panaire 9,9  l'urine  par  la  pesanteur  spécifique  de 

Régime '«'égéio-aibumineux.  .  .    10,7  ^p  liquide,  et  quc,  pouf  arriver  à  la 

Régime  alburaineux 13,6  connaissance   de  la  quantité  de  ma- 

Régimevégéio-fibrineux  ....    14,2  ^.,^,^^  ^^j.^^^  excrétées,  il  admet  que 

Régime  fibrineux 17,o  „                ,   .     *               i.^.    i-r 

ce  facteur  doit  être  multiplié  par  un 

Enfin,  en  tenant  compte  de  la  quan-  facteur  constant  3  (a). 

tité  d'eau  contenue  dans  ces  divers  (1)  Les  aliments  non  azotés  compo- 

(o)  Cbossat,  Mêm,  sur  l'analyse  des  fonctions  urinaires  {Journal  de  physiologie  de  Magendie, 
1825,  t.  V,  p.  65). 


QUANTITÉ    DES    PRODUITS    DE    CE    TRAVAIL.  167 

quelques  hôpitaux  de  l'Allemagne,  et  appelé  hungerkur,  pour 
faire  des  observations  sur  la  quantité  dfe  matières  urinaires 
sécrétées  journellement  par  l'Homme,  sous  l'intluence  d'un 
régime  extrêmement  sévère  ;  et  en  comparant  les  résultats  ainsi 
obtenus  avec  ceux  fournis  par  un  individu  dont  l'alimentation 
était  abondante  et  très  riche  en  matières  animales,  il  a  vu  que 
la  quantité  d'urée  était  en  moyenne  de  18  à  23  grammes  dans 
le  premier  cas,  et  qu'elle  s'élevait  de  /|.6  à  52  grammes  dans  le 
second  cas  (1). 


sant  la  ration  dans  la  première  série 
d'expériences  étaient  de  la  graisse,  de 
Tamidon  et  du  sucre.  Les  aliments  vé- 
gétaux composaient  la  seconde  espèce 
de  ration. 
M.  Hauglîton  (de  Dublin)  a  fait  éga- 


lement un  certain  nombre  d'expé- 
riences relatives  à  l'Influence  du  ré- 
gime sur  la  quantité  d'urée  excrétée  en 
vingt-quatre  beures.  Les  principaux 
résultats  qu'il  a  obtenus  sont  résumés 
dans  les  tableaux  suivants  (a)  : 


AGE   DES    INDIVIDUS. 


POIDS 

des  corps. 


QUANTITE 

d'urine. 


QUANTITE 

d'urée. 


ACIDE 

uriqiie. 


ACIDE 

phosphorique. 


Ans. 

N»  1 37 

N"  2 35 

N°  3 19 

N°  4 39 

N°  5 40 

N»  6 40 

N»  1 63 

N*  2 22 

N"  3 31 

N»  4 22 

N*  5 31 


Livres. 

126 
126 
126 
174 
189 
145 


173 
132 

146 
146 
146 


Régime  animal. 

Onces 

34 
62 
52 
50 
45 
41 

Régime  végétal. 


Grains. 

Gialns. 

465,09 

1,02 

677,25 

11,88 

644,62 

1,04 

554,10 

7,40 

630,00 

5,29 

484,30 

0,71 

70 
81 
45 
56 
43 


367,50 
578,81 
315,00 
366,12 
342,55 


0,50 
0,71 
1,69(6) 
2,48 
2,03  (6) 


Grains. 
47,14 

43,28 
40,78 
38,10 
23,72 
29,43 


30,00 
32,47 
22,78 
27,54 
20,70 


(1)  Le  hungerkur,  ou  traitement 
par  la  faim,  est  quelquefois  employé 
dans  les  cas  d'affections  sypbilitiques  ; 


le  malade  ne  reçoit  qu'un  quart  de 
ration,  composé  de  soupe,  de  pain  et 
de  tisane  sudorifique  (c). 


(a)  S.  Hauglîton,  On  the  Natural  Contents  of  the  Healthy  Urine  of  Man  (The  Dublin   quai'- 
lerly  Journal  of  Médical  Science ,  1859,  t.  XXVIII,  p.  5  et  6). 

(6)  Dans  ces  deu.K  cas  l'acide  urique  était  mêlé  à  de  l'acide  hippurique, 
(c)  Beigelt  Op.  cit.  {NovaActa  Acad.  nati  curios>,  1855,  t.  XVII,  p.  527). 


168  NUTRITION. 

Je  pourrais  citer  également  ici  des  recherches  semblables  à 
celles  de  M.  Lehmann,  qui  ont  été  laites  par  plusieurs  physiolo- 
gistes, et  qui  ont  fourni  des  resultats  analogues  ;  mais  je  préfère 
passer  tout  de  suite  à  l'examen  des  faits  obtenus  par  l'expéri- 
mentation sur  les  Animaux,  car,  dans  ce  cas,  on  peut  intro- 
duire des  différences  plus  grandes  dans  le  régime  et  le  mieux 
réglementer.  On  doit  à  MM.  Bidder  et  Schmidt  un  travail  très- 
remarquable  sur  ce  sujet.  Ces  physiologistes  ont  opéré  sur  nn 
Chat  (1),  et  ils  ont  évalué  de  la  manière  suivante,  pour  vingt- 
quatre  heures,  les  principaux  produits  dont  l'excrétion  peut 
être  considérée  comme  donnant  la  mesure  des  transmutations 
de  matière  dont  l'organisme  est  le  siège  dans  diverses  condi- 
tions de  régime. 


PRIVATION 

d'alitnenis 

solides  ; 

eau 

à  discrétion. 


NOURRITURE 
ordinaire 
sans  eau. 


NOURRITURE 

ordinaire 
avec  eau. 


ALIMENTATION 

la  plus 

abondante 

possible, 

et  eau 

à  discrétion. 


Excrétion  pulmonaire. 


Acide  carbonique . 
Eau 


16,30 
15,G0 


21,32 
17,08 


?0,32 
15,36 


Excrétion  urinaire  et  fécale. 


Eau 

Urée 

Substances  inorganiques. 

Soufre 

Acide  phosphorique .  .  . 


55,Zi7 
1,237 
0,225 
0,0/1 1 
0,071 


23,i9 
3,050 
0,461 
0,090 
0,178 


50,59 
2,958 
0,/|/il 
0,0«6 


3/1,88 
1/1,70 


67,72 
5,152 
0,760 
0,l/i0 


L'accroissement  de  la  combustion  physiologique  dépendante 

(1)  Dans  CCS  expériences,  l'Animal  de  régime,  qui  furent  maintenues  pen- 
fut  placé ,  autant  que  possible,  dans  les  dant  plusieurs  semaines  consécu- 
mOmcs  conditions,  sauf  les  différences      tives  (a). 


(«)  Bidder  et  Sclnnidt,  Die  Verdaimngssafle  und  der  Sto/fwechsel,  1852,  p.  345, 


RATION    d'entretien    DE    l'jIOMMK.  103 

de  riiitroduclioii  d'aliinciils  (laiis  l'économie  niiimale  est  éga- 
lement indiquée  par  les  dilTércnces  f|iie  l'on  observe  dans  les 
(ILianlités  d'acide  carbonique  exbalécs  en  un  temps  donn;''.  Je  ne 
l'eviendrai  pas  ici  sur  les  preuves  que  j'en  ai  déjà  fournies  dans 
uFie  des  premières  Leçons  de  ce  cours  (l),  et  je  me  bornerai  à  / 

ajouter  que  dans  les  expériences  récenles  sur  la  respiration  de 
l'bomme,  par  M.  Smith,  des  fails  du  môme  ordre  ont  été 
constatés  (2). 

§  19.  —  En  résumé,  nous  voyons  que  les  matières  excré-  ncsumé. 
mentilielles  provenant,  soit  de  la  décomposition  des  matériaux 
constitutifs  de  l'organisme,  soit  des  substances  alimeniaires  oti 
des  composés  auxquels  celles-ci  donnent  naissaiice  [)ar  leur 
association  à  l'oxygène  que  la  respiration  introduit  dans  le  lluidc 
nourricier,  s'échappent  de  l'économie  animale,  sous  diverses 
formes,  par  trois  voies  principales  :  la  surface  respiratoire, 
l'appareil  urinaire  et  l'intestin;  que  les  perles  effectuées  de  la 
sorte  varient  suivant  les  espèces,  les  iridividus  et  les  condi- 
tions biologiques  dans  lesquelles  ceux-ci  se  trouvent,  mais 
qu'on  peut  établir  en  principe  général  que  toujours  elles  sont 
dans  un  certain  rapport  avec  le  degré  d'activité  vitale  déployé 
par  l'Animal.  Enfin,  que  tout  être  vivant,  pour  rester  dans  son 
état  normal,  doit  s'approprier  chacun  des  éléments  chimiques 
dont  son  corps  se  compose  en  quantités  égales  à  celles  de  ces 
mêmes  matières  (ju'il  expulse  de  son  organisme. 

Pour  connaître  quels  sont  les  besoins  nutritifs  de  l'Homme    Évauiaiion 

.      ,  des  besoins 

OU  d  un  Anmial  quelconque  dont  la  croissance  est  termmec  et  de  rnomaie. 


(1)  Voyez  lome  II,  page  539.  fluencc  d'un  régime  ordinaire,   et  à 
(^2)  SM.  Smith,  en  expérimentant  sur  2i,7/!i  cette  même  quantité   pendant 
Ini-mème,  fut  conduit  à  évaluer  en  une  abstinence  presque  complète  pro- 
moyenne  à  33,97  onces  la  quantité  longée  pendant  plus  de  vingt-quatre 
d'acide  carbonique  exhalée  sons  l'in-  heures  (a). 

{a)  Siiiilli,  On  ihe  Chemical  and  ollicr  l'Iieiioinciia  of  Iksplration  {Pliilûs.  Traiis  ,  iEÔ'J. 
p.  (303  et  090). 

viii.  1 2 


nutritive. 


170  NUTRITION. 

dont  le  poids  reste  stationnairc,  il  sutTit  donc  de  connaître  sa 
dépense  physiologique,  c'est-à-dire  la  quantité  de  chacun  de  ses 
cléments  constitutifs  qu'il  perd  en  vingt-quatre  heures,  et  de 
connaître  la  forme  sous  laquelle  ces  mêmes  éléments  doivent 
se  trouver  associés  dans  sa  ration  quotidienne  pour  qu'il  puisse 
les  utiliser. 
Dépense  Or,  nous  avons  vu  dans  les  précédentes  Leçons  que  cette 
dépense  physiologique  consiste  principalement  en  carbone  et  en 
azote.  Nous  avons  constaté  aussi  qu'en  général,  chez  un  Homme 
de  taille  ordinaire,  l'exhalation  pulmonaire  verse  journellement 
dans  l'atmosphère  environ  7G0  grammes  d'acide  carbonique, 
quantité  qui  contient  207  grammes  de  carbone  (i).  D'autre 
part,  on  sait  qu'en  France  la  taille  de  l'Homme  est  en  général 
peu  élevée,  et  que  le  poids  moyen  de  son  corps  peut  être 
estimé  à  environ  64  kilogrammes.  Par  conséquent,  il  perd 
de  la  sorte,  en  vingt-quatre  heures,  à  peu  près  7— ^  de  son 
poids,  ou,  en  d'autres  mots,  pour  chatjue  kilogramme  de  son 
poids  physiologique,  il  emploie  environ  â^%25  de  carbone  pour 
alimenter  le  travail  excrétoire  dont  ses  poumons  sont  le 
siège.  Mais  pour  un  Homme  de  grande  taille,  cette  consom- 
mation de  carbone  serait  plus  considérable,  et  elle  s'élèverait 
aussi  si  l'individu  faisait  un  grand  déploiement  de  force  mus- 
culaire (2). 

(1)  Voyez  tome  II,  page  506  et  sui-  Pétai  de  repos,  et  8^63  onces,  c'est-à- 
Vantes.  dire  2Zi5  grammes,  quand  ils  se  li- 

(2)  Cette  évaluation,  qu'on  iie  doit  vraient  à  un  exercice  modéré  ;  enfin 
considérer  que  comme  une  approxi-  il,7  onces,  ou  331  grammes,  quand  le 
mation,  concorde  très-bien  avec  les  travail  musculaire  était  très-considé- 
résultats  fournis  par  les  recherches  rable.  On  peut  donc  considérer  l'exha- 
récentes  de  M.  Smith.  Ce  pliysiolo-  lation  de  2/i5  grammes  de  carbone  par 
giste  a  trouvé  que  les  quatre  Hommes  jour,  comme  représentant  l'état  nor- 
sur  lesquels  il  expérimenta  devaient  mal  de  ces  individus  ;  et  si  l'on  tient 
exhaler  par  les  poumons,  en  vingt-  compte  du  poids  du  corps  de  ces  per- 
quatre  heures,  terme  moyen,  l,\[\li  sonnes,  on  voit  que,  pour  xme  même 
onces,  ou  203  grammes  de  carbone,  à  quantité  de  matière  vivante,  lacombus- 


RATION    d'eNTKETIEN    DE    l'hOMME.  171 

En  établissant  ce  compte  des  dépenses  de  l'organisme,  nous 
ne  devons  pas  oublier  que  l'appareil  respiratoire  n'est  pas  la 
seule  voie  par  laquelle  le  carbone  est  expulsé  de  l'économie,  et 
qu'il  s'en  trouve  aussi  dans  les  urines,  ainsi  que  dans  les  pro- 
duits sécrétés  par  l'appareil  digestif,  et  évacués  avec  le  résidu 
local  laissé  parles  aliments.  Or,  nous  savons  que,  terme  moyen, 
l'Homme  excrète,  en  vingt-quatre  heures,  environ  28  grammes 
d'urée  (1),  et  que  l'urée,  dont  la  composition  est  représentée  par 
la  formule  C^H*Az'"0-,  contient  1/5"  de  son  poids  de  carbone. 
L'organisme  dépense  donc  journellement,  sous  la  forme  d'urée, 
environ  5^', 6  de  ce  dernier  élément,  et  si  l'on  tient  compte  du 
carbone  contenu  dans  les  autres  produits  organiques  sécrétés 
par  les  reins,  matière  dont  le  poids  s'élève  à  environ  2  grammes 
par  jour,  et  dont  la  composition  ne  s'éloigne  que  peu  de  celle 
de  l'urée,  on  arrivera  à  un  total  d'environ  6  grammes,  comme 
représentant  les  pertes  en  carbone  attribuables  à  l'excrétion 
urinaire. 

La  quantité  de  matières  organiques  provenant  de  la  bile, 
des  sucs  intestinaux,  et  des  autres  produits  que  l'organisme 
verse  dans  le  tube  digestif  et  évacue  sous  la  forme  de  fèces,  est 
peu  considérable  ;  elle  ne  s'élève  pas  à  plus  de  25  ou  30  gram- 
mes (2),  et  ne  renferme  qu'environ  15  grammes  de  carbone. 
Par  conséquent,  en  faisant  la  somme  de  la  dépense  physiolo- 
gique, on  trouve  que  la  quantité  de  carbone  excrétée  journel- 
lement est  en  moyenne  d'environ  230  grammes  (3). 


lion  physiologique  ne  devait  être  que  giqucs  ordinaires,  ces  individus  exlia- 

peu  différente  de  ce  qui  a  été  admis  ci-  laient  donc  par  kilogramme  du  poids 

dessus.  En  effet,  les  Hommes  en  ques-  du  corps  Ss^i  de  carbone  (a), 

lion  étaient  de  grande  taille,  et  le  poids  (1)  Voyez  tome  VII,  page  ôlà. 

moyen  de  leur  corps  s'élevait  à  T2  ki-  (2)  Voyez  tome  VII,  page  1 58,  note, 

logrammes  ;  dans  les  conditions  biolo-  (3)  Ces  évaluations  se  rapprochent 


(a)  SiiiUli,   Oit   Ihc  Chemical  and  other  Phenomcna  cf  Respiratmi  {Philos.  Traits. i  1850, 
p.  093). 


172  NUTunioK. 

La  déperdilioii  d'azolc,  comme  je  Vu'i  déji'i  dif,  n  lieu  princi- 
palement par  les  voies  urinaires.  Pour  !  gramme  de  carbone, 
l'urée  contient  S'', 33  de  cet  élément,  et  par  conséquent  les 
28-  grammes  d'urée  excrétés  journellement  emportent  de 
l'organisme  environ  il'\S  d'azote,  quantité  qu'il  faut  élever 
à  environ  19  grammes,  si  l'on  veut  y  comprendre  l'azote  des 
autres  matières  urinaires.  Les  évacuations  alvines  entraînent 
au  dehors  environ  2  grammes  d'azote  par  jour  (i),  et  par 
conséquent  la  dépense  totale  de  l'organisme  peut  être  évaluée  à 
environ  21  grammes  d'azote  en  vingt- quatre  heures. 

D'après  ces  données,  nous  pouvons  prévoir  que,  dans  les 
circonstances  ordinaires,  l'Homme  doit  trouver  dans  sa  ration 
quotidienne  au  moins  230  grammes  de  carbone  et  21  grammes 
d'azote  assimilables  ;  que  si  ses  alimenls  ne  lui  fournissent  pas 
sous  une  forme  utilisable  ce  poids  d'azote  et  de  carbone,  il 
vivra  en  partie  aux  dépens  de  sa  propre  substance,  et  le  poids 
de  son  corps  diminuera  proportionnément  au  déficit  nutritif. 
Si,  au  contraire,  sa  ration  contient  une  quantité  plus  grande  de 
ces  mêmes  éléments,  le  surplus  sera  excrété  sous  la  forme  de 
fèces,  ou  bien  sera  consommé  physiologiquement,  et  détermi- 
nera, soit  un  accroissement  dans  l'activilé  de  la  combustion 
nutritive  et  une  augmentation  proportionnelle  dans  les  produits 
excrétés  par  les  voies  respiratoires  et  urinaires,  soit  une  accu- 
mulation de  graisse  ou  d'autres  matières  organiques  dans  l'in- 


beaucoup  des   résultats  obtenus  par  Dans   une   seconde   série    d'expé- 

M.  Barrai  dans  une  série  d'expériences  riences  faites  pendant  Tété,  le  poids 

faites  sur  lui-même  pendant  l'biver.  des  fèces,  au  lieu  d'être  en  moyenne 

L'analyse  des  fèces  donna  par  jour  :  de  29  grammes  par  jour,  s'est  trouvé 


réduit  ;"i  17  grammes,  et  par  consé- 
quent ces  matières  ne  renfermaient 

^y^ote." 2,8  qu'environ  9  grammes  de  carbone  (a). 

Oxygène 8,8  (l)  Voyez  tome  Vil,  page  586. 


Carbone 15,3 

Hyrlrogcne 2,5 


(o)  DaiTjl,  Slulme  chimique  des  AiiimauX:  p.  218  ctsuiv. 


RATION    d'entretien    DE    l'hOMME.  173 

térieur  de  l'économie,  et  une  augmentation  correspondante  du 
poids  du  corps. 

§  20.  — r  Les  résultats  fournis  par  la  pralique  et  par  l'expé-  ,.'^*JJ°,"g^ 
rience  sont  en  parfait  accord  avec  les  déductions  théoriques  que  ^^  l'Homrae. 
je  viens  de  présenter;  mais,  pour  en  bien  apprécier  la  portée, 
il  faut  tenir  compte  des  circonstances  biologiques  qui  influent 
le  plus  sur  l'activité  du  travail  nulritif,  et  par  conséquent  aussi 
sur  l'étendue  des  besoins.  Or,  parmi  ces  circonstances,  il  faut 
ranger  en  première  ligne  la  quantité  de  travail  musculaire 
effectuée  par  les  Hommes  dont  on  étudie  le  mode  d 'alimenta- 
tion, leur  taille  et  leur  âge. 

Des  recherches  expérimentales  très-intéressantes  ont  été 
faites,  il  y  a  quelques  années,  par  M.  Barrai,  sur  la  composi- 
tion chimique  de  la  ration  alimentaire  d'un  Homme  adulte  dont 
le  genre  de  vie  n'entraînait  aucune  dépense  considérable  de    • 
force  musculaire. 

Dans  une  série  d'observations  ,  les  ahments  consommés 
chaque  jour  contenaient  en  moyenne  environ  : 

21  grammes  d'azote, 
26/is%8  de  carbone. 

Dans  une  seconde  série  d'observations,  M.  Barrai  trouva  : 

27E',9  d'azoïe, 
366  grammes  de  carbone. 

La  moyenne  générale  donna  pour  la  consommation  ordi- 
naire : 

2!ig'',7  d'azote, 
olti  grammes  de  carbone. 

Enfin,  la  comparaison  de  ces  quantités  avec  le  poids  du 
corps  montra  que  pour  chaque  kilogramme  de  ce  poids  l'orga- 
nisme avait  reçu  journellement,  sous  la  forme  d'aliments  : 

/lû  centigrammes  d'azote 
et     ijs'',9  (le  carI)one. 


■Mil  NUTRITION, 

Ces  résuKals,  comme  on  le  voit,  ne  s'éloignent  que  très-peu 
des  évaluations  que  la  théorie  nous  avait  conduit  à  adopter, 
savoir ,  pour  la  ration  d'entretien  d'un  Homme ,  terme 
moyen  : 

21  grammes  d'azoïe 
et  230  grammes  de  carbone  (1). 

Un  accord  non  moins  remarquable  existe  entre  ces  évalua- 
tions et  les  données  statistiques  fournies  par  une  enquête  almi- 
nistrative  faite,  il  y  a  dix  ans,  en  Ecosse,  sur  le  régime  des 
prisonniers.  Il  s'agissait  de  constater  si  la  ration  des  détenus, 
dans  des  conditions  de  la  plus  stricte  économie,  était  ou  non 
suffisante  pour  subvenir  aux  besoins  physiologiques  ;  et  afin  de 


(1)  Dans  ses  reclierches  sur  la  sta- 
tique chimique  du  corps  humain , 
M.  Barrai  détermina  le  poids  et  la  com- 
position élémentaire  des  diverses  ma- 
tières alimentaires  dont  les  personnes 
soumises  à  ses  investigations  firent 
usage  ;  chaque  série  d'expériences 
dura  cinq  jours,  et  les  résultats  obte- 
nus servirent  de  terme  de  comparaison 
pour  l'étude  des  matières  excrétées  de 
l'organisme.  La  première  série  d'expé- 
riences, portant  sur  un  homme  âgé  de 
vingt-neuf  ans   et  pesant  Z|7'S7,  fut 


faite  en  hiver  ;  la  seconde,  faite  sur  la 
même  personne,  eut  lieu  en  été  ;  la 
troisième  porta  sur  un  Homme  âgé  de 
cinquante-neuf  ans  et  pesant  58'', 7; 
enfin  la  quatrième  fut  pratiquée  sur 
une  femme  âgée  de  trente-deux  ans  et 
pesant  62  kilogr.  Pour  le  moment, 
je  laisse  de  côté  une  autre  série  d'ex- 
périences faites  sur  un  enfant. 

Le  tableau  suivant  résume  les  prin- 
cipaux faits  constatés  relatifs  à  la 
composition  des  aliments  consommés 
chaque  jour,  terme  moyen  : 


MATIÈRE    ORGANIQUE   SÈCHE, 

MATIÈRES 
MINÉRALES 

fixes. 

EAU. 

CARBONE. 

AZOTE. 

Gram. 

NM 717 

31,2 
20,1 
31,2 
23,5 

1998, G 

1842,4 

900,2 

1737,4 

306,2 
2G4,9 
331,8 
292,7 

27,9 
21  2 
27,'3 

22,4 

N»  2 520 

N»  3 073 

^°  4 573 

Moycnno  çôn^rale.  .     G21 

20,5 

1894,0 

313,8 

24,7  (a) 

(a)  Barrai,  Statique  chimique  des  Animaiix,  p.  240  il  siiiv. 


RATION    d'entretien    DE    l'iIOMME.  175 

résoudre  cette  question,  on  tint  compte  du  poids  de  chaque  indi- 
vidu à  son  entrée  dans  la  prison  et  à  sa  sortie,  ainsi  que  de  la 
quantité  des  divers  aliments  qui  lui  étaient  alloués  chaque  jour. 
Les  documents  recueillis  de  la  sorte  par  un  des  professeurs  les 
plus  distingués  de  l'école  médicale  d'Edimbourg,  M.  Christison, 
ne  nous  permettent  pas  de  calculer  avec  précision  la  quantité 
de  matières  combustibles  et  assinuhibles  dont  se  composaient 
ces  rations;  mais  on  en  peut  juger  d'une  manière  approxima- 
tive, et  je  ne  m'éloignerai  certainement  que  peu  de  la  vérité  en 
estimant  à  17  grammes  d'azote  et  212  grammes  de  carbone 
le  poids  de  ces  deux  principes  essentiels  fournis  chaque  jour, 
sous  la  forme  d'aliments,  à  chacun  des  détenus  dans  la  princi- 
pale prison  de  l'Ecosse  (1).  Ces  quantités  sont  un  peu  inférieures 


(1)  Cette  enquête  eut  lien,  par  ordre 
du  conseil  général  des  prisons,  dans 
toutes  les  principales  villes  de  l'Ecosse  ; 
mais  malheureusement  les  aliments  ne 
furent  pesés  qu'à  l'état  humide,  et  c'est 
seulement  par  une  approximation  in- 
directe que  M.  Chrisiison  a  pu  évaluer 
la  quantité  des   matières  nutritives, 


NOAIS 
des 

VILLES. 


Edimbourg 
Glasgow.  . 
Aberdeen  . 
Sterling.  . 
Ayr.  .  .  . 
Dundee  .  . 
Penh.  .   . 


RATION 

évaluée  en  onces. 


Aliments 
azotés. 


4,05 
4,0G 
3,98 
4,27 
4,17 
2,73 
2,68 


Aliments 
non  azotés. 


d2,87 
12,58 
13,03 
13,40 
13,20 
14,06 
14,11 


.soit  azotées,  soit  non  azotées,  dont 
chaque  ration  réglementaire  se  com- 
posait. C'est  donc  seulement  d'une 
manière  encore  moins  rigoureuse  que 
l'on  peut  estimer  les  quantités  de  car- 
bone et  d'azote  contenues  dans  ces 
rations.  Voici,  du  resie,  les  principaux 
faits  signalés  par  ce  physiologiste. 


PROPORTION 

des  individus  sur  100 

dont  le  poids  fut 


maintenu 
ou  auirnienté. 


82,0 
07,0 

68,0 

29,0 
50,0 
46,0 


diminué. 


18,0 
32,0 

32,0 

71,0 
50,0 
54,0 


PERTE 

MOYENNE 

des  individus 

dont 
la  ration 

était 
insuflisante. 


1,5 

4,0 

4,2 

5,0 

5,25 

3,2 


La  ration  des  détenus  à  Edimbourg  Glasgow,  où  le  régime  était  à  peu  de 
suffisait,  comme  on  le  voit,  à  72  indi-  chose  près  le  même  ,  l'alimentation 
vidus  sur  100  ;  mais  dans  la  prison  de       é[ait  insuffisante  ponr  environ  le  tiers 


176  NUTRITION. 

fi  celles  que  je  viens  de  présenter  comme  devant,  en  général, 
entrer  dans  la  ration  d'entretien  d'un  Homme.  Or,  elles  étaient 
insuCtisantes  pour  répondre  aux  besoins  physiologiques  d'un 
nombre  considérable  de  détenus.  Le  séjour  des  prisonniers 
dans  cette  maison  de  détention  n'était  pas  long,  et  cependant 
chez  18  individus  sur  100  le  poids  du  corps  diminua  notable- 
ment  sous  l'influence  de  ce  régime. 

Il  est  aussi  à  noter  que,  d'après  les  calculs  de  M.  Liebig, 
la  ration  alimentaire  fournie  aux  détenus  de  la  maison  d'arrêt 
de  Giessen  contiendrait  environ  265  grammes  de  carbone, 
quantité  qui  ne  dépasse  que  de  très-peu  nos  évaluations  théo- 
riques (1). 

La  nourriture  fourme  à  nos  soldats  suffit  à  presque  tous  ces 
Hommes,  et  doit  même  être  considérée  comme  surabondante 
pour  un  grand  nombre  d'entre  eux,  car  on  sait  que  souvent  ils 
vendent  ou  donnent  aux  indigents  une  portion  de  leur  pain  de 
munition.  Or,  nous  voyons  par  les  calculs  de  M.  Dumas  que 


de  la  population  ;  et  cependant,  dans       1  i  livre  de  pain,  conlenant  14,5  lolhs   (6)  do 

l'un  et  l'autre  de  ces  établissements,         carbone. 

le  déficit,   calculé   d'après  les   vues      ^  ^''"'  ^'  ^""I'^'  «°""^"^"'  ^'  '""'^  ^'  ''" 

bone. 

livre  de  pommes  de  terre,  contenant  2  lolhs  de 
carbone. 


théoriques  exposées  ci-dessus,  n'avait 
été  en  moyenne  que  d'environ  h  gram. 

d'azote  et  de  18  grammes  de  carbone.        ^otal  :  1 7  lollis,  ou  265  grammes  de  carbone. 

Dans  les  prisons  où  la  ration  était  plus 

faible,  elle  devenait  insuffisante  pour  Le  même  chimiste  évahie  à  297 

l'entretien  du  poids  initial  de  l'orga-  grammes  par  individu  la  quantité  de 

nisme  pour  la  moitié  ou  même  pour  carbone  contenue  dans  les  aliiuenîs 

les  trois  quarts  des  individus  (a).  consommés  journellement  par  chaque 

(1)  M.  Liebig  nous  apprend  que  individu  dans  une  famille  particulière 

dans  celte  prison  les  détenus  ne  sont  q„i  ^e  composait  de  cinq  adultes  et  de 

astreints  à  aucun  travail  fatigant,  et  t,.Qig  enfants  (c). 
reçoivent,  tenue  moyen,  par  jour  : 

(a)  Christison,  An  Aecotint  ofsome  Experiments  on  the  Diet  of  Prisoners  [The  MonthUj  Journal 
of  Médical  Science,  1852,  t.  XIV,  p.  415). 

{bj  Le  lolli  correspond  à  i  5si",r). 

(f)  LiL'lii.;r,  C/iinu/  onjaniqne  appllqui'e  à  la  phnsiolodie  aniinilc,  Irad.  pn-  GcrbarJl,  ^842, 
p.  39  et  :i03. 


RATION    d'entretien    DE    l'hOMME.  177 

dans  l'armée  française  les  cavaliers,  c'est-H-t1ire  des  Hommes 
qui  ont  Ions  une  taille  bien  au-dessus  de  la  moyenne,  trouvent 
dans  leur  ration  journalière  entre  '22  et  :23  grammes  d'azote 
associés  à  330  grammes  de  carbone  (1). 

Chacun  sait  que  l'état  de  repos  ou  d'activité  musculaire  indue 
beaucoup  sur  la  quantité  d'aliments  qui  est  nécessaire  pour 
satisfaire  à  nos  besoins  ou  pour  soutenir  les  forces  de  nos  fconsommation 

'  _  _  alimentaire. 

Animaux  de  travail.  Le  dicton  populaire  :  «  Qui  dort  dîne  », 
est  sans  doute  une  grande  exagération,  mais  montre  que  depuis 
longtemps  on  a  généralement  reconnu  l'existence  de  rapports 
étroits  entre  la  dépense  nutritive  et  le  déploiement  de  la  force 


Influence 

de  l'activitd 

musculaire 

sur  la 


(1)  M.  Dumas  nous  apprend  que  la 
ration  de  ces  soldats  se  compose  de  : 

125  grammes  de  viande  fraîche  ,  contenant 
70  grammes  de  matières  azotées 
supposées  sèches. 
1066  grammes  de  pain,  dont  750  grammes  de 
pain  de  munition  et  516  grammes  de 
pain  blanc,  le  tout  contenant  64  gram- 
mes de  matières  azotées  sèches  et 
596  grammes  de  matières  non  azo- 
tées sèches. 

200  grammes   de  légumincux,  contenant    20 
grammes  de  matières  azotées  sèches 
et    i  50    grammes  de   matières  non 
azotées. 

125  grammes  de  carottes,  choux,  navets,  etc., 
qui  ne  contiennent  que  des  quantités 
insignifiantes  de  matières  nutritives. 
Total  :  154  grammes  do  matières  azotées 
sèches  ,  contenant  environ  22s'',5 
d'azole. 

746  grammes  de  matières  alimentaires  non 
azotées,  contenant  environ  328  gram- 
mes de  carbone  (a). 

Gasparin,  agronome  irès-distingué, 
qui  a  réuni  beaucoup  de  documents 


intéressants  relatifs  à  l'alimentation  de 
l'Homme  et  des  Animaux,  donne  une 
évaluation  un  peu  plus  élevée  de  la 
ration  des  soldais  français.  Suivant  cet 
auteur,  chaque  Homme  reçoit  jour- 
nellement : 

750  grammes  de  pain  de  munition,  contenant 
9s',15  d'azote  et  282  grammes  de  car- 
bone et  d'hydrogène. 

516  grammes  de  pain  blanc,  contenant  6,45 
d'azote  et  193  grammes  de  carbone  et 
d'hydrogène. 

125  grammes  de  viande,  contenant  3,02  d'a- 
zote et  18  grammes  de  carbone  et  d'hy- 
drogène. 

150  grammes  de  haricots,  contenant  5,70  d'a- 
zote et  80  grammes  de  carbone  et 
d'hydrogène. 

500  grammes  de  pommes  de  terre,  contenant 
1,80  d'azole  et  77  grammes  de  carbone 
et  d'hydrogène. 
Total  :  2041  grammes  d'aliments,  contenant 
■49d'',8  de  matières  grasses,  et  fournis- 
sant 26sr,12  d'azole  et  650  grammes 
de  carbone  et  d'hydrogène. 

Le  même  aulour  donne,  d'après  des 


(a)  Diim^s,  Traité  de  clnmie  appliquée  aux  arts,  1840,  l.  Vill,  p.  40G. 


178  NUTRITION. 

physique.  Il  est  d'observalion  journalière  que  la  ration  dont 
un  Cheval  peut  se  contenter,  lorsqu'il  reste  à  l'écurie,  ne 
saurait  lui  suffire  quand  il  agit,  et  que  la  quantité  d'ahmenis 
dont  il  a  besoin  auguienle  avec  la  quantité  de  travail  mécanique 
qu'il  effectue.  Ainsi,  les  agronomes  estiment  que,  pour  consti- 
tuer la  ration  d'entretien  d'un  de  ces  Animaux  lorsqu'il  est 
au  repos,  il  suffit  d'une  quantité  d'aliments  contenant,  pour 
100  kilogrammes  du  poids  du  corps,  20  grammes  d'azote  et 
[\i''2  grammes  de  carbone;  mais  que,  pour  le  Cheval  qui  tra- 
vaille, il  faut  augmenter  cette  ration  dans  la  proportion  d'envi- 
ron Sk  milligrammes  d'azote  par  tonneau  mètre,  c'est-à-dire 
1000  kilogrammes  de  force  déployée  (1). 


documents  officiels,  le  tableau  suivant 
de  la  ration  des  ouvriers  de  la  marine 
de  l'État  : 

750  grammes  de  pain  ilc  miiiiilion,  contenant 
9s'',l  5  d'azote  et  28ïî  g'raniuies  de  car- 
bone et  d'Iiydrogèiie. 

250  grammes  de  viande,  contenant  G, 04  d'a- 
2ote  et  36  grammes  de  cnibone  cl 
d'hydrogène. 
00  granmies  de  fromage,  contenant  3,~\  d'a- 
zote et  48  grammes  de  carijuno  et 
d'hydrogèr.e. 

120  grammes  de  haricots  secs,  contenant  4,50 
d'azote  et  04  grammes  de  carbone  et 
d'hydrogène. 
CO  grammes  de  riz,  contenant  0,72  d'azote 
et  34  grammes  de  caibone  et  d'hydro- 
gène. 
Total  :  24si',i8  d'azote  et  464  grammes  de 
carbone  et  d'hydrogène  (fl). 

En  Angleterre,  les  soldats  reçoivent 
journellement  1530  grammes  d'ali- 
ments contenant  environ  285  grammes 


de  carbone,  dont  le  quart  à  peu  près 
provient  de  substances  azotées  (6). 

Enlin ,  d'après  les  évaluations  de 
i\!.  Liebig,  les  soldats  hessois  reçoivent 
journcllcmeni  une  ration  contenant 
27,8  lotbs ,  c'est  -  t"»  -  dire  environ 
/i35  grammes  de  carbone  (c). 

(1)  D'après  Gasparin,  la  ration  d'un 
Cheval  du  poids  de  liiG  kilogrammes 
doit  cire  équivalente,  pour  l'entretien 
organique,  ù  7'^,23  de  foin,  contenant 
83»', 20  d'azote,  et  de  plus,  pom*  le 
travail  que  nécessite  le  labour  ordi- 
naire du  sol  pendant  douze  heures, 
à  9'',69  de  foin,  contenant  llis%/i7 
d'azote  :  total,  16'", 92  de  foin  renfer- 
mant une  quantité  da  matières  albu- 
minoïdes  correspondant  à  19/is%75 
d'azote.  D'une  manière  générale,  cet 
auteur  estime  que,  pour  100  kilogf. 
du  poids  du  corps,  la  ration  alimen- 
taire du  Cheval  qui  travaille  doit  ren- 
fermer 1x7  grammes  d'azote  à  l'état  de 


(a)  Gasparin,  Cours  d'agriculture,  t.  V,  p   395. 

{bj  Playfair,  On  the  Food  of  Man  [Edinburgh  new  Philos.  Journal,  1S54,  t.  LVI,  p.  200), 

(c)  Liebig,  Op.  cil.,  p.  295. 


RATION  d'entretien  DE  l'ifommr.  179 

La  consommation  de  l'Homme  est  subordonnée  aux  mômes 
causes  de  variations,  et  lorsque  le  travail  forcé  a  été  introduit 
dans  le  régime  de  divers  établissements  pénitenciers,  on  n'a 
pas  tardé  à  reconnaître  que  la  ration  alimentaire  qui  avait  suffi 
aux  détenus  inactifs  était  insuffisante  pour  ceux  dont  les  occu- 
pations nécessitent  un  certain  déploiement  de  force  méca- 
nique (1).  Ainsi,  dans  une  des  prisons  de  l'Allemagne,  dont 
M.  Liebig  nous  a  fait  connaître  le  régime,  les  détenus  sont 
astreints  à  un  travail  fatigant,  et  pour  les  nourrir  on  a  trouvé 
nécessaire  de  leur  fournir  journellement  une  ration  contenant 
03  grammes  de  carbone  de  plus  que  n'en  renferment  les  aliments 
consommés  par  les  prisonniers  de  la  maison  d'arrêt  de  Giessen 
où  le  travail  n'est  pas  obligatoire  (5).  Divers  documents  sta- 
tistiques réunis  et  discutés  par  Gasparin  ont  même  conduit  ce 
savant  agronome  à  penser  que  la  différence  entre  la  ration 
d'entretien  d'un  Homme  condamné  au  repos  et  la  ration  com- 
plète d'un  ouvrier  effectuant  un  travail  mécanique  pénible, 
celui  du  terrassier  ou  du  batteur  de  blé  par  exemple,  était  plus 
considérable  quant  aux  aliments  plastiques.  En  effet,  il  regarde 
la  ration  d'entretien  comme  pouvant  être  réduite,  dans  le  pre- 
mier cas,  à  environ  12^', 5  d'azote  et  26û  de  carbone,  tandis 
que  dans  le  second  cas  il  l'estime  à  25  grammes  d'azote  et 
,S00  grammes  de  carbone  (3). 

principes  allDuminoïdes  et  une  quan-  sonnicrsde  la  maison  pénitentiaire  de 

tité  correspondante  de  carbone  (a).  ÎMarienschloss,  où  le  travail  est  forcé, 

(1)  Dans  la  prison  de  Carliste,  où  les  consomment  par  jour  environ  323 
détenus  qui  ne  travaillent  pas  reçoi-  grammes  de  carbone,  tandis  que  pour 
vent  13,6  onces  d'aliments  par  jour,  ceux  de  la  maison  d'arrêt  de  Gif^ssen, 
on  a  trouvé  qn'il  fallait  donner  au  qui  sont  privés  de  tout  exercice,  la 
moins  15  onces  à  ceux  qu  étaient  cm-  ration  alimentaire  ne  renferme  que 
ployés  à  des  travaux  de  force  (6).  265  grammes  de  carbone  [c]. 

(2)  M.  Liebig  a  constaté  que  les  pri-  (3)  Gasparin  n'a  pas  donné  les  bases 

(a)  Gasparin,  Cours  d'agriculture,  t.  V,  p.  401. 

(6)  Christison,  0/).  cit.  [The  Monthlij  Journal  of  Med.  Science,  1852,  I.  XIV,  p.  42G). 

(c)  Liebig,  Chimie  organique  appliquée  à  la  physiologie  aninale,  p.  39. 


Influence 

de  r.'igo 

sur  I:i 

consomninlion 

aiiracnlairt'. 


180  NUTRITION. 

î^  2i.  —  Nous  avons  vu  précédemment  que  dans  la  vieillesse 
la  eombustion  physiologique  se  ralentit.  Par  conséquent,  la 
quantité  de  conibuslihles  organiques  nécessaire  pour  alimenter 
le  travail  nutritif  doit  être  moins  considérable  que  dans  la  force 
de  l'âge.  Celte  différence  se  manifeste  dans  les  recherches  faites 
en  Ecosse  sur  le  régime  des  prisonniers  (1),  ainsi  que  dans  les 
expériences  de  M.  Barrai.  Ce  chimiste  trouva  que  la  consom- 


de  ses  calculs  relatifs  à  rétablissement 
de  la  raUon  d'entretien  de  l'Homme  au 
repos,  et  il  se  borne  à  dire  que  ses 
résultats  sont  déduits  de  beaucoup 
d'observations  recueillies  dans  des 
couvents  et  des  prisons  (c).  Pour 
l'évaluation  de  la  ration  de  travail,  il 
rapporte  les  comptes  annuels  de  l'ali- 


mentation des  laboureurs  dans  divers 
établissements  agricoles,  et  de  quel- 
ques autres  ouvriers.  On  peut  résumer 
de  la  manière  suivante  les  principaux 
résultats  ainsi  obtenus,  relatifs  à  la 
consommation  journalière  de  ces  ou- 
vriers, dans  dilîérentes  parties  de  la 
France  : 


AZOTE. 

CARBONE  ET   HYDROGÈNE. 

Cram. 
24,3 

24,7 
27,4 
20,2 

Gnim. 
723 

591 
971 
945 

Fermes  du  déparlement  du  Nord 

Fermes  du  département  de  la  Corrôze.   .  .  , 

24,1 

805 

La  cpiantité  d'azote  contenue  dans 
ces  rations  ne  s'éloigne  que  peu , 
terme  moyen,  de  ce  que  nous  avons 
considéré  comme  strictement  sufBsant; 
mais  les  aliments  liydrocarbonés  sont 
beaucoup  plus  abondants  que  dans 
nos  évaluations  théoriques. 

(1)  En  comparant  les  effets  d'une 
alimentation  uniforme  chez  des  per- 
sonnes dont  les  unes  étaient  âgées  de 
seize  à  vingt  ans,  et  les  autres  de  plus 
de  vingt  ans,  M.  Christison  a  trouvé 


qu'à  Edimbourg  la  même  ration  était 
insuflisante  pour  31  sur  100  dans  le 
premier  groupe ,  et  seulement  pour 
2Zi  individus  sur  100  dans  le  second. 
A  Glasgow,  la  différence  fut  encore 
plus  considérable  :  soumis  au  même 
régime,  les  Hommes  âgés  de  plus  de 
vingt  ans  diminuèrent  de  poids  dans 
la  proportion  de  36  individus  sur  100, 
tandis  que  chez  ceux  âgés  de  seize 
à  vingt  ans,  cette  proportion  s'éleva  à 
53  pour  ICO  (6). 


iii)  Oasparin,  C.oiii's  d'ngricuUxire,  t.  V,  p.  395. 

\J))  CliiisliMMi,  0/1.  rU.  {The  Monthln  Joiirnnl  nf  Hetlkal  Science,  lfiJ2,  I,  \IV,  p.  'i"22). 


Influence 
tlu  sexe. 


RATION    d'iCNTRETIKN    DE*  l'iiOMME.  181 

mation  des  aliinenls,  évaluée  cra[)n^s  la  (juaiililé  de  car!)OMe 
con(eniic  dans  ces  substances,  élait  en  rnoyeniic,  pour  chaque 
kilogramme  du  poids  du  corps,  Qf^%6  chez  un  Homme  de  vingL- 
neuf  ans,  et  seulement  de  S"', 6  cliez  un  Homme  de  près  de 
soixante  ans.  Chez  un  enfimt  de  six  ans,  elle  était  dans  la  pro- 
portion de  plus  de  10  grammes  de  carbone  pour  le  même  poids 
physiologique  (1). 

D'après  ce  que  nous  savons  relativement  aux  produits  du 
travail  nutritif  chez  l'Homme  et  la  Femme,  nous  devons  nous 
attendre  à  trouver  que  leur  ration  d'entretien  n'est  pas  la  môme  ; 
et  eiïectivement  chacun  sait ,  par  l'observation  journalière , 
qu'en  général  une  différence  assez  notable  existe  dans  la  quan- 
tité d'aliments  qu'ils  consomment  ('2). 

§  22.  —  L'étude  des  variations  qui  se  manifestent  dans  la 
production  de  la  chaleur  animale  nous  conduit  à  reconnaître  la  tempérauire. 
aussi  que,  sous  l'influence  d'un  froid  modéré,  les  phénomènes 
d'oxydation  augmentent  d'intensité  (3),  et  par  conséquent  la 
théorie  aurait  pu  suffire  encore  pour  nous  faire  penser  qu'en 
hiver  la  consommation  alimentaire  doit  être  plus  grande  qu'en 
été.  L'observation  journalière  prouve  qu'effectivement  il  en  est 


Intliience 


(1)  Le  petit  garçon  sur  lequel 
AI.  Bnrral  fit  des  observations  pesait 
15  kilogrammes,  et  consommait  par 
jom-  en  moyenne  315s'', 8  de  matière 
organique  sèche,  contenant  15li^%'o  de 
carbone  et  7s'',92  d'azote. 

La  consommation  d'eau  était  de 
1,069,  et  les  matières  minérales  fixes 
contenues  dans  les  aliments  pesaient 
environ  9°'',U  (a). 

(2)  La  différence  dans  les  besoins 
alimentaires,  suivant  les  sexes,  ressort 


nettement  des  observations  de  Al.  Chris- 
tison  sur  le  régime  des  prisonniers.  A 
Edimbourg,  où  la  ration  était  la  même 
pour  tous  les  détenus,  elle  fut  trouvée 
suflisante  pour  90  Femmes  sur  100  ; 
tandis  que  pour  les  Hommes  elle  n'é- 
tait suffisante  que  pour  environ  73  in- 
dividus sur  100.  Dans  la  prison  de 
Glasgow  la  ration  alimentaire  était  in- 
suffisante pour  21,7  l^emmcs  et  pour 
hi  Hommes  sur  100  (6). 

(3)  Voyez  ci-dessus,  page  87. 


(a)  lînmil,  SUU'uiuc  chhmqm  des  Animaux,  |i.  'ioG. 

(I;;  Chrisiiott,  'J;).  cit.  [T.is  Mj'ilkly  JjM\nl  of  Mjp/Ji!  S:lc:ijs,  ISj'2,  l.  \î\',  p.  i2ï). 


{82  NUTRITION. 

ainsi,  et  nous  voyons,  par  les  expériences  de  statique  chimique 
dues  à  M.  Barrai,  que  les  différences  déterminées  de  la  sorte 
peuvent  être  fort  considérables  ;  car  ce  chimiste  trouva  qu'en 
hiver  il  lui  fallaitjournellemcnt,  pour  se  nourrir  convenablement, 
717  grammes  de  matière  alimentaire  organique  sèche,  tandis 
qu'en  été  il  n'en  prenait  que  520  grammes(l).  Les  climats  influent 
non  moins  sur  la  grandeur  des  besoins  nutritifs  de  l'Homme, 
et  chacun  sait  que  les  peuples  des  pays  chauds  sont  en  général 
d'une  sobriété  remarrjuable,  tandis  que  ceux  des  régions  froides 
sont  renommés  pour  leur  voracité.  Cette  différence  se  révèle 
déjà  lorsque  l'on  compare  le  régime  alimentaire  de  nos  labou- 
reurs dans  le  département  du  Nord  et  dans  le  midi  de  la  France. 
En  effet ,  d'après  les  documents  statistiques  rapportés  par 
M.  de  Gasparin,  chaque  ouvrier  agricole  consommerait  par 
jour  2/i  grammes  d'azote  et  591  grammes  de  carbone  et  d'hy- 
drogène dans  cette  région  méridionale,  tandis  que  dans  la  partie 
la  plus  septentrionale  de  la  France  cette  consommation  s'élève- 
rait à  ^21^\li  d'azote  et  à  971  grammes  de  carbone  et  d'hydro- 
gène. Au  premier  abord,  on  pourrait  supposer  que  cela  dépend 
uniquement  de  la  distribution  inégale  des  richesses  dans  ces 
deux  parties  de  notre  pays-,  mais  si  l'on  établit  la  même  com- 
paraison entre  les  agriculteurs  du  midi  de  la  France  et  ceux  du 
canton  de  Vaud  en  Suisse ,  où  l'aisance  est  moins  grande 
qu'aux  environs  de  Lille  et  où  le  climat  est  aussi  froid  pendant 
une  grande  partie  de  l'année,  on  obtient  des  résultats  ana- 
logues (2).  On  sait  que  rien  n'est  épargné  pour  assurer  le  bien- 

(1)  La  quantité  de  caibolie  Cdiilcmi  riences  faites  siir  la  même  pei'sonne  en 

dans  la  ration  alimentaire  était,  terme  été  («)i 

moyen,  d'environ  366  grammes  dans  (2)  Cet  ailtenr  a  donné  les  détails 

la  série  d'expériences  faites  en  hiver,  de  la  consommation  ordinaire  des  ou- 

ct  de  26/i  granunes  dans  les  expé-  vi'icrsdcragricullarc  à  Vallcyncs-soiis- 

(a)  Barrai,  StatlqM  cliiinique  des  Animaux,  p.  247  et  siliv. 


RATION    d'entretien    DE    l'hOMME.  183 

être  des  soldats  anglais  qui  tiennent  garnison  dans  l'Inde,  mais 
la  ration  qui  leur  est  fournie  est  cependant  notablement  infé- 
rieure à  celle  que  ces  mômes  Hommes  reçoivent  quand  ils  sont 
en  Angleterre  (i).  S'il  faut  en  croire  les  récits  de  beaucoup  de 
voyageurs,  les  habitants  des  régions  circompolaires  seraient 
d'une  voracité  inconcevable  et  sembleraient  ne  pouvoir  jamais 
se  rassasier.  Mais  il  y  a  eu,  suivant  toute  probabilité,  beaucoup 
d'exagération  dans  l'évaluation  de  la  quantité  d'aliments  qu'ils 
sont  susceptibles  de  digérer  (2);  et  s'ils  se  chargent  énor- 
mément l'estomac  lorsque  l'occasion  s'en  présente,  ils  sont 
souvent  exposés  aux  effets  de  la  disette,  en  sorte  que  la  des- 


Lanie,  dans  le  canton  de  Vaud,  cl  il  a 
calculé  que  la  ration  journalière  de 
chacun  de  ces  Hommes  renferme 
STs^S  d'azote  associés  à  Q[\2  grammes 
de  carbone  et  d'hydrogène  (o). 

(1)  D'après  les  documents  recueillis 
par  M.  Playfair,  on  voit  que  la  con- 
sommation journalière  du  soldat  an- 
glais correspond  à  environ  287  gram- 
mes de  carbone,  lorsque  celui-ci  tient 
garnison  en  Angleterre,  et  à  environ 
267  grammes  lorsqu'il  habite  l'Inde. 
Dans  le  premier  cas,  il  reçoit  aussi 
un  peu  plus  d'aliments  azotés  que  dans 
le  second  (6). 

(2)  Ainsi ,  il  me  semble  difficile 
d'ajouter  foi  aux  assertions  de  beau- 
coup de  voyageurs  relativement  à  la 
voracité  des  habitants  de  la  partie 
septentrionale  de  la  Sibérie  et  des 
autres  régions  circompolaires.  Co- 
chrane,  par  exemple,  assure  que  sou- 
vent il  a  vu  un  Tonguie  ou  un  Yakout 


dévorer  20  kilogrammes  de  viande  par 
jour,  et  un  amiral  russe,  Saritcheff, 
rapporte  avoir  vu  un  Homme  de  cette 
dernière  nation  manger,  à  un  seul 
repas ,  lU  kilogrammes  de  riz  cuit 
avec  du  beurre  (c). 

Le  capitaine  Parry,  pendant  son 
séjour  parmi  les  Esquimaux,  a  con- 
staté qu'à  la  suite  d'une  pèche  abon- 
dante, ces  Hommes  se  gorgent  parfois 
d'aliments  au  point  de  ne  pouvoir 
plus  se  mouvoir  et  d'être  obligés  de 
rester  couchés  dans  leurs  huttes.  Vou- 
lant apprécier  la  capacité  digestive 
d'un  jeune  Esquimau,  ce  navigateur 
pesa  les  aliments  dont  on  lui  permit 
de  manger  à  discrétion,  et  il  fut  con- 
staté ainsi  qu'en  un  seul  repas,  cet 
individu  consomma  plus  de  5  kilo- 
grammes de  viande  et  de  pain,  ac- 
compagnés d'environ  un  demi-litre  de 
sauce  épaisse  et  de  beaucoup  de  bois- 
son alcoolique  (f^. 


(a)  Gasparin,  Cours  d'agriculture,  t.  V,  p.  396. 

(6)  Playfair,  On  the  Food  of  Mail  in  différent  Conditions  of  Age  and  Einploijnunt  {Edinburgh 
new  i'Iiilosophical  Journal,  185i,  t.  LVI,  p.  2G6). 

(c)  J.  D.  Gochrane,  Narrative  of  a  Pedestrious  Journcy  through  Russia  and  Siberian  Tartary 
ta  Ihe  Frozen  Sea,  1824,  t.  I,  p.  235. 

(d)  Parry,  Journal  of  a  second  Voyage  for  the  Dlscovery  of  a  Nortli-west  Passage  froni  the 
Atlantic  la  the  Pacific,  performed  in  the  years  1821,  22,  23,  p.  413. 


Pation 
alimentaire 
de  divers 
Animaux. 


184  NliTRITlON. 

cription  de  leurs  festins  ne  nous  éclaire  que  peu  sur  leur  con- 
soumialion  moyenne  :  et  i)Our  ne  pas  donner  d'idées  fausses  à 
ce  sujet,  je  me  bornerai  à  dire,  d'une  manière  générale,  que 
dans  les  climats  très-froids,  l'Hoiiunc  a  réellement  besoin  de 
beaucoup  plus  de  nourriture  que  dans  les  pays  chauds  (1). 

§23.  — Nous  ne  savons  que  peu  de  choses  relatives  à  la 
fjuantité  de  matières  nutritives  qui  est  nécessaire  pour  l'entre- 
tien de  l'organisme  de  la  plupart  des  Animaux,  mais  un  grand 
nombre  d'observations  ont  été  enregistrées  touchant  l'alimen- 
tation des  espèces  domestiques  dont  la  production  est  un  objet 
d'industrie  rurale,  et  même  on  a  fait  sur  ce  sujet  quehjues 
recherches  expérimentales  dont  les  {)hysiologisles  doivent  tenir 
grand  compte.  Ainsi,  M.  Boussingault,  dans  ses  études  sur  l'ali- 
mentation des  Tourterelles,  chercha  à  déterminer  le  minimum 
d'aliments  plastiques  qui,  associé  à  des  aliments  respiratoires  en 
abondance,  pouvait  suffire  au  maintien  du  poids  initial  d'un  de 
(3es  Animaux  qui  pesait  130  grammes,  et  il  trouva  que  sa  ration 
devait  contenir  au  moins  31  centigrammes  de  matières  albumi- 


(1)  M.  Scliavliiig,  après  avoir  criti- 
qué avec  raison  les  assertions  exagérées 
de  iieaucoiip  de  voyageurs  touchant  la 
consonnnalion  des  habitants  des  pays 
froids,  me  semble  être  tombé  dans  un 
oxès  contraire,  en  soutenant  que  dans 
les  régions  circompolaires  l'Homme 
n'a  pas  besoin  d'une  ration  alimentaire 
plus  forte  que  dans  la  zone  torride.  Il 
s'appuie  principalement  sur  des  docu- 
ments qui  lui  ont  été  fournis  par 
l'administration  de  la  marine  danoise, 
relatifs  à  la  consoomiation  faite  par 
l'équipage  d'un  navire  qui  a  navigué 
successivement  pendant  plusieurs  mois 


dans  les  mers  du  Kord  et  des  Antilles, 
pièces  d'où  il  résulterait  que  la  ration 
journalière  des  Hommes  était  notable- 
ment plus  élevée  dans  les  régions  tro- 
picales que  dans  les  régions  froides  du 
glo])e  (a).  Mais  il  me  paraît  probable 
qu'il  y  avait  là  quelque  cause  d'erreur 
inaperçue  par  Fauteur  de  ce  travail  ; 
et  je  ferai  remarquer  à  ce  sujet  que  le 
capitaine  Hoss,  qui  a  vécu  beaucoup 
parmi  les  Esquimaux,  dit  positivement 
que  la  ration  de  viande  qu'il  leur  four- 
nissait d'ordinaire  était  six  fois  plus 
considérable  que  celle  dont  un  Anglais 
se  contenterait  (6). 


(a)  Scliarling,  Foi'lsatle  Forsiin  foi-  al  bestenmc  deii  mcciigde  Kulsijre  et  Mcnncskc  mlaander 
i  i4  timev  {Del  Videnskabernes  Selskables  Afkandinuier,  1«45,  l.  XI,  p.  381). 
(bj  lios>,  S.irralive  ofa  second  Voyage  in  Search  ofa  N.  ))'.  Passage,  \>.  44i,i. 


RATION   d'entretien    DES   ANIMAUX.  185 

noïdes  ;  ce  qui  suppose  l'azote  alimcutaire  dans  la  proportion 
d'environ  31  milligrammes  pour  chaque  kilogramme  de  l'ctrc 
vivant  (1).  Des  observations  analogues,  mais  moins  précises, 
ont  conduit  ce  savant  à  considérer  la  nourriture  des  Bœufs  et 
des  Chevaux  comme  insuffisante,  quand  elle  ne  renferme  pas 
des  principes  albuminoïdes  dans  les  proportions  de  200  ou 
même  225  grammes  pour  100  kilogrammes  du  poids  du  corps, 
tandis  que  pour  les  Porcs  cette  quantité  relative  descendrait  à 
environ  l/iO  grammes  (2).  Du  reste,  je  ne  cite  ici  ces  résultais 
que  pour  montrer  que,  suivant  toute  apparence,  la  ration  d'ali- 
ments plastiques  requise  pour  l'entretien  d'un  même  poids  de 
l'organisme  varie  considérablement  suivant  les  espèces  et  les 
individus,  aussi  bien  que  suivant  les  conditions  biologiques  (3). 


(1)  M.  Boiissingault  a  constaté  d'a- 
bord que  la  Tourterelle  mise  en  expé- 
rience était  parfaitement  rationnée 
avec  IZi  grammes  de  millet;  puis  il 
diminua  progressivement  la  quantité 
de  ce  grain,  dans  lequel  il  existe  une 
proportion  considérable  de  principes 
albuminoïdes,  et  il  remplaça  largement 
le  déficit  par  des  aliments  non  azotés, 
tels  que  de  l'amidon,  du  sucre  et  du 
beurre.  Or,  il  a  trouvé  que,  sous  l'in- 
fluence de  ce  régime  mixte,  le  poids 
initial  de  l'Animal  ne  se  soutenait  plus 
lorsque  la  ration  de  millet  fût  ré- 
duite à  !*''■', 5  par  jour,  bien  que  dans 
celte  circonstance  la  quantité  d'amidon 
et  de  beurre  consommés  suffisait  am- 
plement pour  satisfaire  à  la  dépense 
totale  de  carbone  occasionnée  par  la 
respiration  et  les  autres  évacuations. 
Or,  is%5  de  millet  renferme  0,31  de 
principes  albuminoïdes,  et  par  consé- 
quent M.  Boussingault  en  conclut  que 


ce  poids  d'aliments  azotés  était  insuf- 
fisant pour  l'entretien  de  l'organisme 
de  cet  Animal,  dont  le  poids  était  de 
130  grammes,  quelle  que  fût  l'abon- 
dance des  aliments  carbo-hydrogénés, 
mais  non  azotés  (a). 

('2)  i\I.  Boussingault,  sans  s'expli- 
quer formellement  sur  la  quantité 
d'aliments  plastiques  dont  ces  Ani- 
maux ont  besoin  pour  maintenir  leur 
corps  au  même  poids,  dit  que  la  ration 
quotidienne  lui  paraît  être  insuffisante 
quand  l'albumine  ou  la  légumine  qui 
s'y  trouve  tombe  au-dessous  de  : 

kii. 

1,20  pour  une  Vaclic  laitière  pesant  000  kilo- 
grammes. 

d  ,00  pour  un  Ciieval  de  travail  pesant  500  lii- 
logrammes. 

0,90  pom-  un  Clioval  pesant  400  kilOa'rammes. 

0,12  pour  un  Porc  pesant  85  kilogrammes  (6). 

(3)  J'ajouterai  cependant,  à  titre  de 
renseignement,  que,  suivant  M.  de 


(a)  Boussingault,  lîtoiioiiiic  rurale,  2'  cdil.,  1851,  t.  Il,  [>.  275. 

(b)  Idem,  Op.  cil  ,  t.  11,  p.  27 U. 

VIU. 


i86  '  NUTRITION. 

Ces  différences  peuvent  dépendre  jusqu'à  un  certain  point 
de  la  part  que  le  tissu  graisseux  forme  dans  le  poids  total  de 
l'Animal  (1),  mais  elles  tiennent  probablement  aussi  au  degré 
d'activité  du  travail  nutritif  effectué  dans  les  organes;  et  à  ce 
sujet  je  rappellerai  .que  nous  avons  déjà  constaté  que,  toutes 
choses  égales  d'ailleurs,  les  produits  do  la  combustion  phy- 
siologique correspondant  à  un  poids  donné  de  substance  vivante 
sont  plus  abondants  chez  les  petits  Animaux   que  chez  les 


Gasparin,  la  ration  d'entretien  crun 
Cheval  qui  ne  travaille  pas  doit  conte- 
nir de  l'azote  dans  la  proportion  de 
20  grammes  d'azote  et  du  carbone 
dans  la  proporlion  de  /jl2  grammes 
pour  100  kilogrammes  du  poids  de 
l'Animal  ;  mais  que  pour  le  Cheval  qui 
travaille  à  la  charrue,  cette  ration  doit 
être  ausment(5e  dans  la  proportion  de 
130  pour  100.  Ainsi,  il  eslime  qu'un 
cheval  du  poids  de  /jlG  kilogrammes 
doit  consommer  une  ration  correspon- 
dant à  83s'',2  d'azote  pour  les  jours  de 
repos,  et  à  19Z(S'',75  pour  les  jours  de 
travail  (a). 

M.  Baudement,  qui  a  étudié  avec 
beaucoup  de  soin  les  variations  de 
poids  du  corps  des  Chevaux  de  cava- 
lerie qui  étaient  nourris  avec  la  ra- 
tion réglementaire,  a  constaté  qu'elle 
est  suffisante,  même  pour  ceux  dont 
le  poids  s'élève  à  plus  de  fiOt)  kilogr. 
Or,  cette  ration  pour  les  Chevaux  de 
réserve  consistant  en  5  kilogrammes  de 
foin,  5  kilogrammes  de  paille  et  Zi'^,2 
d'avoine,  et  pour  les  Chevaux  de  ligne 
en  h  kilogrammes  de  foin,  5  kilo- 
grammes de  paille  et  5^,[i  d'avoine, 
fournit  aux  premiers  9098', /i/j  d'ali- 
menls  plastiques  et  o^,128,li6  d'ali- 


ments respiratoires  ;  aux  seconds  , 
757S",88dc  matières  azotées  et  2''^',G9^ 
d'alimenis  non  azotés  (h). 

M.  Allibert,  qui  a  réuni  et  discuté 
beaucoup  d'oliservations  relatives  au 
régime  alimeniaire  des  divers  Ani- 
maux domestiques,  évalue  à  environ 
2  grammes  par  kilogramme  du  poids 
du  corps  la  quantité  de  matières  albumi- 
noïdes  consommées  paries  Chevaux  de 
l'artillerie  de  la  garde  impériale,  et  à 
2s%5  la  quantité  des  mêmes  principes 
azotés  existant  dans  la  portion  de  la 
ration  correspondant  au  même  poids 
du  corps  pour  les  Chevaux  de  travail 
ordinaire.  Cet  auteur  évalue  aussi  à 
2  grammes  par  kilogramme  du  poids 
de  l'organisme  la  quantité  d'aliments 
plastiques  nécessaires  pour  l'entretien 
des  Bœufs  et  des  Vaches,  en  ajoutant 
toutefois  à  la  ration  de  ces  dernières 
un  supplément  correspondant  à  la  pro- 
duction du  lait. 

(1)  Le  tissu  graisseux  ne  jouit  que 
de  très-peu  d'activité  physiologique, 
et  par  conséquent  la  ration  d'entretien 
nécessaire  pour  réparer  les  perles 
quolidienncs  de  l'organisme  ne  doit 
pas  être  la  même  pour  les  individus 
de  même  poids  qui  seraient  sembla- 


(ai  Gasparin,  Cours  d'agricuUure,  1.  V,  p.  40  I. 

(6)  Biiiiilcmrnl,  Eludes  expérimentales  sur  Valimcnlalion  du  bclail  (Annales  de  l'IasUlul  agi'j- 
nomique  de  Versailles,  1852,  i.  I,  p.  t2l). 


r.ATioN  d'entiietien  dls  ammalx.  187 

grands  (1),  et  que  par  conséquent  nous  devons  penser  que  [)ro- 
porlionncment  à  leur  poids,  ces  derniers  consomment  moins 
d'alimcnls  que  les  premiers.  L'observation  confirme  celte  opi- 
nion, et  ce  lait  nous  explique  pourquoi  les  agriculteurs  qui 
élèvent  des  Animaux  de  boucherie  trouvent  en  général  plus  de 
profil  à  opérer  sur  des  races  de  grande  taille  (2). 


blcs  ciili'c  eux  sous  tous  les  rapports, 
sauf  la  proporlion  de  graisse  dont  leur 
corps  serait  chargé,  et  ceux  dont  le 
poids  est  dû  priacipalcment  au  déve- 
loppement du  système  musculaire  con- 
sommeront plus  d'aliments  que  ceux 
dont  le  corps  est  chargé  de  graisse. 
Aussi,  dans  les  expériences  sur  l'en- 
graissement des  Animaux  domesli  - 
qucs,  voit-on  que  proportionnellement 
au  poids  vif,  la  quantité  d'aliments  em- 
ployés diminue  à  mesure  que  l'em- 
bonpoint augmente.  Gela  a  été  mis 
très-bien  en  évidence  par  les  recber- 
chcs  de  MM.  Lawes  et  Gilbert  sur  le 
régime  des  porcs  {a). 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  5î. 

(2)  M.  Baudement  a  mis  ce  fait  très- 
bien  en  évidence  par  ses  expériences 
sur  l'alimentation  des  Chevaux  et  des 
Bœufs.  !l  a  conclu  de  ces  recherches 
que,  pour  100  kilogr.  de  poids  vif,  les 
Chevaux  exigent  journellement  : 

207  grammes  d'alimcnls  azolds  cl  070  grammes 

d'alimenls  respiratoires,  quand  ils  pèsent  de 

400  à  450  kilogrammes. 
i  03  grammcsd'aliments  azolcs  cl  070  grammes 

d'à  imcnis  respiratoires,  quand  ils  pèsent  de 

500  à  550  kiloirramraes. 


D'après  le  même  auteur,  les  Bœufs 
du  poids  de  : 

000  à  050  kilogrammescxigcnt  104  grammes 
do  matières  azole'cs  et  C2G  grammes  d'ali- 
mcnls respiratoires  pour  100  kilogrammes  de 
poids  vif. 

700  à  750  kilogrammes  exigent  pour  le  même 
poids  \if  seulement  140  grammes  d'aliments 
azotés  associes  à  020  grammes  d'aliments 
non  azotes. 

750  à  800  kilogramiKcs  exigent  pour  le  même 
poids  vif  135  grammes  d'aliments  azolo's  et 
G20  grammes  d'aliments  respiratoires  [ti). 

J'ajouterai  que,  d'après  Î\I.  Allibcrt, 
les  Poneys,  dont  le  poids  n'est  que 
d'en  vil  on  200  kilogrammes,  doivent 
trouver  dans  leur  ration  journalière 
des  principes  albuminoïdes  dans  la 
proportion  de  o  grammes  par  kilo- 
gramme, tandis  que  pour  les  grands 
Chevaux  d'artillerie ,  il  estime  ceUe 
quantité  relative  à  2  grammes  seule- 
"  ment. 

Le  même  auteur  a  fait  une  série 
d'expériences  sur  l'alimentaliou  des 
L^ipins  et  des  Souris,  et  il  estime  que 
pour  le  même  poids  de  substance  vi- 
vante, les  premiers  ont  besoin  de  trou- 
ver dans  leur  nourriture  iournalière 


(a)  I.a-.ves,  Pig  fccdlurj  {Journal  ofihc  Royal  AijiiaLltural  Soclely  of  England,  1353,  t.  XIV, 
p.  495. 

—  Lawos  and  Gilbert,  On  the  EiiiUvalency  of  Starch  and  Sugctr  i'i  Fool  {Ihport  of  Ihe 
24iii  meeting  of  Ihe  British  Assxiation,  1854,  p.  428). 

(b)  Baudement,  Expériences  sur  la  valeur  alimentaire  de  plusieurs  espèces  de  betteraves 
introduites  dans  la  ration  des  Bœufs  de  travail  [Mém  de  la  Société  centrale  d'agriculture,  1853, 
2'  partie,  p.  3i-3). 


188 


NUTRITION. 


Influence 

de  certaines 

raalicres 

minérales. 


§  2/i.  —  Il  est  aussi  à  noter  que  certaines  substances  qui  ne 
sont  pas  susceptibles  d'être  brûlées  dans  l'intérieur  de  l'éco- 
nomie animale,  ni  d'être  utilisées  pour  la  constitution  des  tissus 
vivants,  paraissent  pouvoir  exercer  une  influence  considérable 
sur  la  marche  du  travail  nutritif,  et  ralentir  ou  accélérer  les 
métamorphoses  chimiques  qui  ont  pour  résultat  final  la  forma- 
tion des  produits  excrémentitiels.  Ainsi  l'arsenic,  administré  à 
petites  doses,  paraît  ralentir  la  combustion  respiratoire  et  favo- 
riser l'accumulation  de  la  graisse  dans  le  corps  de  l'Homme  et 
des  Animaux  (1)  ;  tandis  que  l'iode,  porté  dans  le  torrent  de  la 


8  grammes  de  matières  albiiminoïdes. 
Enfin,  pour  les  Souris  dont  le  poids 
moyen  est  seulement  de  i  6  grammes, 
il  évalue  à  /i6  grammes  la  proportion 
de  ces  aliments  plastiques  calculée 
toujours  par  1  kilogramme  du  poids 
du  corps  (a).  Proportionnément  àleurs 
poids,  ces  petits  Animaux  consomme- 
raient donc  2U  fois  plus  d'aliments 
azotés  que  ne  le  font  les  Chevaux. 

(1)  MM.  Sclimidt  et  Stiiravvage  (de 
Dorpat)  ont  fait  une  série  d'expériences 
intéressantes,  relatives  à  l'influence  que 
l'introduction  de  petites  doses  d'acide 
arsénJeux  exerce  sur  le  travail  nutritif 
chez  les  Chats.  Ils  ont  trouvé  que  cette 
médication  détermine  une  grande  di- 
minution dans  l'exhalation  de  l'acide 
carbonique  et  dans  l'excrétion  de 
l'urée.  La  différence  s'est  élevée  de  20 
à  /lO  pour  100  de  la  production  ordi- 
naire ;  et  lorsque  les  fonctions  digcs- 
tives  ne  sont  pas  troublées,  le  poids 


du  corps  peut  être  notablement  aug- 
menté par  suite  des  effets  ainsi  pro  * 
duits  (6). 

L'arsenic  (ou  acide  arsénieux)  est, 
comme  on  le  sait,  un  poison  violent 
lorsqu'il  est  introduit  en  quantité  un 
peu  considérable  dans  l'économie  ;  et 
si  quelques  Animaux  semblent  résister 
mieux  que  l'Homme  à  son  action 
toxique,  cela  dépend  seulement  de  ce 
qu'il  ne  séjourne  que  peu  dans  leur 
tube  digestif,  et  n'est  absorbé  qu'en 
très-petite  quantité  avant  d'être  expulsé 
au  dehors  avec  les  déjections.  C'est  de 
la  sorte  que  l'acide  arsénieux  sohde  a 
pu  être  employé  à  hautes  doses  dans 
le  traitement  de  la  pleurésie  chronique 
chez  les  Moutons  (c),  et  administré  de 
la  même  manière  à  des  Bœufs  et  à  des 
Chevaux  (d)  ;  mais,  employé  en  disso- 
lution, il  est  absorbé  assez  rapidement 
pour  que  son  action  toxique  ordinaire 
se  manifeste  (e). 


(a)  AUibert,  Alimentation  des  Animaux  domestiques ,  18G2,  p.  32. 

(b)  C.  Sclimidt  uncl  L.  Sliii'awaje,  Veber  dcii  Einlluss  der  arsenigen  Sâure  auf  deii  Stoffwechsel 
(Molcàcholt's  Untersuchungen  zur  Nalurlehre,  ISSO,  t.  VI,  p.  283). 

(c)  Cambcsscdes,  voyez  Gasparin,  Note  sur  l'emploi  de  l'arsenic  à  hautes  doses  dans  le  traile- 
vient  de  la  pleurésie  chronique  des  Moutons  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1843, 
t.  XVI,  p.  23). 

{di  Dantrcr  etFlandin,  Note  sur  l'emploi  de  l'arsenic  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
■1S43,  I,  XVI,  p.  53  cl  136). 

{e)  liognctla.  Note  sur  l'arsenic  considéré  comme  remide  cliex,  les  Animaux  domestiques 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  i.  XVI,  [>.  57). 


minérales 

ilans 
a  nulrilion. 


RATION    d'kNTRETIRN.    MATIKRES    MINÉRALES.  189 

circulation,  tend  à  activer  divers  phénomènes  de  résorption, 
et  à  déterminer  l'amaigrissement.  Mais  co  sont  là  des  sujets 
dont  l'étude  appartient  à  la  médecine  plus  qu'à  la  physiologie, 
et  par.consé(|uent  je  ne  m'y  arrêterai  pas  davantage  ici. 

§  25.  —  Dans  les  considérations  que  je  viens  de  présenter,  ^^^  ^.^.^^ 
il  n'a  été  guère  question  que  des  matières  alimentaires  de 
nature  organique  ;  mais  nous  avons  déjà  vu  qu'il  existe  des 
matières  minérales  en  proportion  plus  ou  moins  considérahlc 
dans  toutes  les  parties  solides  et  liquides  de  l'économie  animale; 
que  ces  malières  y  jouent  des  rôles  importants,  et  que  les 
humeurs  excrémentitielles  en  entraînent  sans  cesse  au  dehors. 
Il  faut  donc  que  la  ration  d'entretien  de  l'Homme  et  des  Ani- 
maux renferme  une  quantité  de  chacune  de  ces  substances 
correspondante  à  celle  nécessaire  pour  contre-balancer  ces 
pertes,  ainsi  que  pour  fournir  à  l'accroissement  du  corps  lorsque 
celui-ci  est  dans  sa  période  de  développement.  Dans  la  plupart 
des  circonstances,  ces  substances  minérales  existent  en  quan- 
hté  suffisante  dans  les  aliments  naturels  que  fournissent  les 
deux  règnes  organiques  ou  dans  les  eaux  employées  comme 
boisson  ;  mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi,  et  alors  la  ration 
d'entretien  doit  nécessairement  contenir  des  sels  minéraux 
aussi  bien  que  de  l'eau  et  des  aliments  azotés  et  carbo-hydro- 
génés.  Ainsi,  dans  l'accomplissement  des  actes  physiologiques 
normaux,  certains  Animaux  font  une  très-forte  dépense  de 
chaux  carbonatéc,  et,  pour  compléter  leur  recette  quotidienne, 
ils  ont  besoin  de  manger  des  matières  minérales  aussi  bien  que 
des  aliments  ordinaires.  La  Poule  est  dans  ce  cas  :  les  œufs 
qu'elle  pond  en  grand  nombre  emportent  journellement  une 
quantité  très-considérable  de  chaux  qui  est  le  principal  élément 
constilutif  de  la  coquille,  et  c'est  en  partie  pour  fournir  à  la 
sécrétion  dont  son  oviducte  est  le  siège,  que  la  Nature  lui 
a  donne  l'instinct  de  picoter  dans  le  sol  et  d'avaler  de  petits 
fragments  de  terre.  Si  elle  est  privée  de  celte  ressource,  elle 


sel  commun 


JOO  NUTniTIOX. 

cpiiiso  bicnlùt  hi  réserve  de  carbonate  calcaire  emmagasiné 
dans  son  organisme,  et  ne  pond  pins  (1). 

Un  phénomène  analogue,  mais  dont  l'importance  est  plus 
grande,  a  été  constaté  expérimentalement  par  Chossat  sur  des 
Tourterelles.  En  empêchant  ces  Oiseaux  d'avaler  des  fragments 
de  pierre  et  en  les  nourrissant  de  grains  seulement,  ce  physio- 
logiste a  vu  que  leurs  os  cessaient  d'avoir  la  consistance  ordi- 
naire et  devenaient  friables.  Pour  eux,  les  petites  pierres  cal- 
caires sont  des  aliments  nécessaires,  dont  la  privation  est  en 
général  très-promptement  suivie  de  la  mort  (2). 
^'°l^  §  26,   —    L'importance    physiologique   du    chlorure  de 

sodium  est  rendue  manifeste  par  ce  que  nous  avons  déjà  vu 
relativement  à  la  présence  de  ce  corps  dans  le  sang  et  à  son 
influence  sur  la  conservalion  des  globules  hématiques  dans  le 
sérum  (3).  Nous  avons  vu  également  que  la  sécrétion  du  suc 
gastrique  nécessaire  pour  l'accomplissement  du  travail  digestif 
est  accompagnée  d'une  élimination  d'acide  chlorhydrique  en 
quantité  considérable  (ù);  enfin,  nous  avons  constaté  aussi 
l'excrétion  de  beaucoup  de  chlorure  de  sodium  par  les  voies 

(1)  Vauqaelin  a  observé  cette  par-  caires  dans  la  ration  des  Pigeons,  la 
ticularité  en  nourrissant  avec  de  friabilité  des  os  ne  résulte  pas  d'un 
l'avoine  seulement  une  Poule  qui ,  changement  dans  la  composi.ion  chi- 
sous  l'influence  de  son  régime  or-  miqiie  de  la  substance  osseuse  et 
dinaire,  pondait  un  œuf  tous  les  d'une  diminution  dans  la  proportion 
jours  (a).  d'^s  cléments  uiinérau>:  de   ce  tissu, 

(2)  Dans  ces  expériences  de  Chossat,  mais  d'un  ralentissement  dans  le  tra- 
ie tissu  osseux  a  été  en  partie  résorbé,  vail  nutritif  producteur  ou  réparateur, 
et  le  squelette   est  devenu   très-fra-  de  façon  que  la  quantité  de  tissu  os- 
gile  (6)  ;  mais  on  voit,  par  les  recher-  seux  devient  insuffisante  (c). 
ches  plus  récentes  de  mon  fils,  que  (3)  Voyez  tome  I,  page  19G, 
lors  de  l'insuffisance  des  matières  cal-  (U)  Voyez  tome  Vif,  page  26. 

(fi)  Vauquelin,  Expériences  sur  les  excrémenls  des  Poules  compares  à  la  nourrUnrc  qu'elles 
prennent  {Ann.  de  chimie,  1799,  t.  XXIX,  p.  20). 

(ft)  Cliossat,  Note  sur  le  système  osseux  [Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  iS^ti, 
t.  XIV,  p.  451). 

(c)  Alplionjo  Miiiio  RihvnrJ?,  Expériences  sur  lu  nutrition  des  os  {.Uin .  des  sciences  nnt., 
I.  XV,  p.  251). 


RATION    d'entretien.    EAU.  191 

urinaircs  (1).  Il  en  résulte  que  la  ration  d'cnlrclicn  de  l'Homme 
et  dos  Animaux  qui  se  rapproehent  de  lui  par  leur  mode  de 
constitution,  doit  contenir  une  certaine  quantité  de  cette  sub- 
stance minérale.  Pour  l'Homme,  la  proportion  de  chlorure  de 
sodium  qui  existe  dans  les  aliments  tels  que  la  Nature  nous  les 
fournit,  est  en  général  insuffisante,  et  il  est  très-utile  d'y  ajouter 
une  petite  quantité  de  cette  matière  saline.  Dans  certaines 
circonstances,  il  en  est  de  même  pour  les  Moutons  et  pour. 
quelques  autres  de  nos  Animaux  domestiques  ;  mais  dans  ces 
derniers  temps  les  agriculteurs  et  les  économistes  ont  singu- 
lièrement exagéré  les  avantages  de  cette  pratique,  et  ils  ont 
évalué  avec  non  moins  d'exagération  la  consommation  utile  du 
sel  pour  l'alimentation  de  l'Homme  (2).  C'est  à  tort  que  l'on 
considère  la  quantité  de  chlorure  de  sodium  contenu  d'ordi- 
mire  dans  les  urines  comme  donnant  la  mesure  de  la  quantité 
que  la  ration  d'entretien  doit  contenir,  car  nne  grande  partie 
du  sel  excrété  de  la  sorte  a  traversé  rapidement  l'organisme 
sans  y  avoir  joué  aucun  rôle  utile,  et  l'excrétion  de  cette 
substance  peut  diminuer  beaucoup  sans  qu'il  en  résulte  aucun 
inconvénient  grave  (3)  ;  mais,  d'un  autre  côté,  l'addition  d'une 
certaine  proportion  de  ce  condiment  aux  aliments  dont  nous 
faisons  usage  est  bonne  non-seulement  pour  stimuler  notre 


(1)  Voyez  tome  Vif,  page  517.  vent  ua  livre  de  M.  Barrai,  parce  qu'on 

(•i)   Beaucoup  de  ces  exagérations  y  trouve  des  renseignements  utiles  aux 

ont  été  inspirées  par  le  désir  de  faire  physiologistes  (a).  Pour  Fappréciation 

iibolir  l'impôt  dont  le  sel  a  été  peu-  des  arguments  invoqués  par  M.  Demos- 

dant  longtemps  l'objet.  Cette  question  niay  et  autres,  je  renverrai  à  un  rap- 

a  fait  naître  de  nombreuses  publica-  port  que  j'ai  adressé  au  ministre  de 

lions  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  l'agriculture  en  1850  (6). 
et  parmi  les  plaidoyers  eu  faveur  de  (3)M.  Wuncl  a  trouvé  qu'en  s'abs - 

cette  mesure  financière,  je  citerai  sou-  tenant   complélemcnt   de  l'usage   du 


(a)  Barrai,  Slaiique  chimique  des  Animaux  appliquée  spcciale.nenl  à  la  quesûon  île  l'emploi 
agricole  du  sel,  •!  850. 

(b)  Milno  lîclwaiJs,  Rapport  sur  la  production  cl  remploi  du  sel  en  Anglderre,  '1850. 


192  NUTRITION. 

appélit,  mais  aussi  pour  entretenir  les  forces  digestives,  et  pour 
modifier  l'action  exercée  par  l'eau  qui  peut  se  trouver  intro- 
duite en  quantité  considérable  dans  le  torrent  de  la  circulation 
par  l'absorption  gastrique,  et  qui  s'échappe  ensuite  de  l'éco- 
nomie par  les  reins.  11  me  paraît  bien  démontré  que  l'emploi 
de  ce  condiment  tend  à  augmenter  le  travail  de  mutation  de  la 
matière  organique  dont  résultent  les  produits  excrémenti- 
tiels  urinaires  ;  mais  il  ne  me  semble  pas  aussi  bien  prouvé 
que  ce  résultat  soit  une  conséquence  directe  de  l'action  du 
chlorure  de  sodium  sur  les  substances  en  voie  de  transforma- 
lion  (1),  et  ne  dépende  pas  seulement  de  ce  qu'un  régime  salé 


sel  de  cuisine  pendant  cinq  jours,  la      parles  voies  urinaires  a  diminué  de  la 
quantité  de  cette  substance  excrétée      manière  suivante  : 


l"jour.  .  . 
2»  jour.  .  . 
3°  jour.   .  . 
4"  jour.  .  . 
5"  jour,  .  . 

QUANTITÉ    d'urine   ÉVACUÉE. 

QUANTITÉ  DE    CHLORURE   DE   SODIUM   EXCRÉTÉE. 

Ccntimt'trps  riibrs. 

2022 
1428 
121G 
1341 
1045 

Crninnifs. 
7,207 

3,623 
2,437 
1,359 
1,091  (rt). 

(1)  M.  Bischoff  a  trouvé  qu'un 
Chien  qui  mangeait  journellement  500 
grammes  de  bœuf,  excrétait  22ê^50 
d'urée  lorsqu'il  ne  recevait  pas  de  sel, 
et  28s'',3û  lorsqu'on  avait  ajouté  du 
sel  à  sa  boisson.  Cela  suppose  une 
augmentation  journalière  de  5s%8/i 
dans  la  consommation  nutritive  des 
matières  azotées  sous  rinflucnce  du 
sel  (6). 


Quelques  auteurs  ont  considéré  le 
cblornre  de  sodium  comme  exerçant 
une  influence  très-considérable  sur 
Tengraissement  des  Animaux,  et  Ton 
a  été  jusqu'à  dire  sérieusement 
qu'une  livre  de  sel  fait  10  livres  de 
graisse  (c)  ;  mais  dans  la  plupart  des 
expériences  bien  faites  par  les  agro- 
nomes, on  n'a  pu  constater  aucim 
effet  de  ce  genre  (d).  La  discussion  des 


(a)  W.  WuiilI,  Ueber  den  Kochsalzgehalt  des  Ilarns  (Journal  fur  praktische  Chemie,  1853, 
t.  LIX,  p.  267). 

(b)  Bischoff,  Einfluss  des  Kochsalzes  aiif  die  Harnstoffenlleerurg  {Annalcn  der  Chemie  und 
Pharm.,  1853,  i.  LXXXVl  I,  p.  109). 

(r)  Uemiismay,  voyez  le  Moniteur  universel  du  20  mai  1847. 

(d)  liaiirier,  Ex\érienccs  sur  le  sel  ordinaire  employé  pour  l'amendement  des  terres  et  l'en- 
graissemenc  des  Aiiimaux.  Nancy,  1847. 

—  liarihéloiny,  Observaiions  sur  l'emploi  du  sel  en  agriculture  [Mém  de  la  Sociélé  centrale 
d'agncullurc,  1848-1R40,  p.  411). 


RATION    d'entretien,    EAU.  193 

provoque  la  soif  et  détermine  l'introduclion  d'une  qnanlité 
plus  considérable  d'eau  dans  l'organisme,  circonstance  qui,  à 
son  tour,  active  le  travail  de  résorption  nutritive  et  d'excré- 
tion (1). 

En  effet,  l'eau  introduite  dans  notre  corps  sous  la  forme  de 
boisson  ne  sert  pas  seulement  à  remplacer  l'eau  [)erdue  par 
suite  de  la  transpiration  pulmonaire  et  des  autres  excrétions  ; 
elle  active  l'absorption  des  produits  de  la  digestion,  elle  aug- 
mente les  effets  du  lavage  organique  résultant  du  passage  des 
courants  sanguins  dans  la  substance  des  tissus,  et  elle  rend 
plus  abondantes  les  évacuations  effectuées  par  la  sécrétion 
rénale  (2). 


reclierclies  de  M.  Boussingault  sur  ce 
sujet  confirme  cette  opinion  (a)  ;  mais 
remploi  d'une  certaine  quantité  de  sel 
peut  être  utile  en  agriculture  pour  ex- 
citer les  Animaux  h  manger  des  four- 
rages avariés  dont  le  goût  leur  déplaît, 
ou  pour  combattre  les  elfels  d'un  sol 
trop  humide, lorsqu'il  s'agitdel'élevage 
des  Moutons  (6).  M.  Boussingault  a 
remarqué  que  les  bêles  bovines  qui, 
dans  ses  élables,  recevaient  une  ra- 
tion de  sel,  avaient  le  poil  plus  lisse 
et  plus  beau  que  les  autres  (c). 

(1)  Il  est  cependant  à  noter  que, 
d'après  les  expériences  faites  par 
M,  Barrai  sur  des  IMoutons,  le  sel  pa- 
raît avoir  augmenté  la  sécrétion  uri- 
naire,  non-seulement  d'une  manière 
absolue,  mais  aussi  proportionnément 
à  la  quantité  d'eau  employée  comme 
boisson.  Sous  l'influence  du  régime 
salé,  cet  auteur  a  trouvé  aussi  que  la 


proportion  d'azote  excrétée  par  les 
voies  urinaires  était  beaucoup  plus 
considérable  que  sous  l'influence  du 
régime  ordinaire  (d). 

(2)  Pour  étudier  l'influence  que 
l'eau  exerce  sur  le  travail  nutritif, 
chez  l'Homme,  M.  Bôker  fit  sur  lui- 
même  une  série  d'expériences  dans 
lesquelles,  après  avoir  constaté  quelle 
était  la  quantité  d'aliments  néces- 
saire pour  maintenir  sans  variations 
le  poids  de  son  corps  dans  les  circon- 
stances ordinaires,  il  continua  ce  ré- 
gime, mais  en  variant  la  quantité 
d'eau  employée  comme  boisson.  Pen- 
dant une  semaine  il  ne  prit  journelle- 
ment que  l'260  grammes  de  ce  liquide, 
et  pendant  une  autre  période  de  même 
durée  il  en  prit  3080  grammes  par 
jour.  Sous  l'influence  de  cette  ingur- 
gitation considérable  de  liquide  le 
besoin  d'aliments  se  fit  sentir  davan- 


(a)  Milne  Edwards,  Rapport  sur  la  production  et  l'emploi  du  sel,  p,  73. 

[b]  Delafond,  Sur  l'emploi  du  sel  marin  dans  l'économie  des  Animaux  domestiques  [Mém.  de  la 
Société  centrale  d'agriculture,  1S49,  1"  partie,  p.  385). 

{c)  Boussingault,  Heclierches  entreprises  pour  déterminer  l'inlluence  que  le  sel  ajouté  à  la 
ration  exerce  sur  le  développement  du  bétail  [Ann.  de  chimie,  1847,  t.  XIX,  p.  117  ;  t.  XX, 
p.  113,  et  t.  XXll,  p.  116). 

((/)  Barrai,  Statique  chimique  des  Animaux,  p.  437  et  siiiv. 


de 


Holc 
eau. 


19/l  Nl'TRITION. 

La  qunnlilc  d'cnii  qui,  sous  la  forme  de  boisson,  est  néces- 
saire pour  constituer  la  ralion  d'entrelien,  varie  beaucoup, 
suivant  les  Animaux  ,  suivant  les  conditions  biologiques  qui 
influent  sur  la  transpiration  insensible,  et  suivant  le  degré  de 
sécheresse  des  alimenls  solides.  Quelques  Animaux  ne  boivent 
jamais  ou  presque  jamais,  parce  qu'ils  trouvent  dans  leurs 
aliments  la  quantité  d'eau  dont  ils  ont  besoin  :  le  Lapin  est 
dans  ce  cas  (l)  ;  mais  d'autres  en  boivent  beaucoup.  Ainsi, 


tage,  et  ii  éprouva  de  la  faiblesse  ;  le 
poids  de  son  corps  diminua,  el  la  quan- 
tité d'urine  augmenta  beaucoup  pro- 
portionnelleuicnt  à  celle  de  Peau  em- 
ployée. La  quantité  d'acide  carbonique 
.  exhalé  par  les  poumons  ne  varia  pas, 
et  la  perte  du  poids  du  corps  résulta 
d'une  augmentation  dans  le  travail 
sécréloire,  d'où  l'auteur  conclut  que 
le  passage  de  l'eau  à  travers  l'orga- 
nisme accélère  la  marche  des  phéno- 
mènes de  désassimiblion  dont  celui-ci 
est  le  siège  («). 

MM.  Falck  et  Scheller  ont  étu- 
dié l'influence  que  la  privation  des 
boissons  ou  i'usagc  libre  de  l'eau 
exercent  sur  la  consommation  des  ali- 
ments et  sur  les  produits  excrémen- 
tiliels  du  travail  nutritif  chez  les  Pi- 
geons. Ils  ont  vu  que  ces  Animaux 
mangent  beaucoup  plus  quand  ils 
boivent  comme  d'ordinaire,  qm  lors- 
qu'ils sont  piivés  d'eau,  et  que  les 
pertes  subies  par  l'organisme  ,  soit 
sous  la  forme  d'acide  carbonique  et 
d'eau  à  l'état  de  vapeur  exhalée  par 


les  voies  respiratoires,  soit  sous  celle 
de  produits  urinaires  et  de  matières 
alvines,  diminuent  dans  une  propor- 
tion non  moins  grande  sous  l'influence 
de  la  soif.  Dans  une  des  expériences 
faites  par  ces  physiologistes,  les  pertes 
par  la  respiration  et  la  transpiration 
insensibles  tombèrent  ainsi  de  66  à  11, 
et  celles  dues  aux  évacuations  urinaires 
et  alvines  de  lih  à  G9  par  le  fait  de  la 
privation  d'eau  (6). 

(!)  Il  en  est  de  même  du  Cochon 
d'Jndc,  delà  Souris  et  de  plusieurs  au- 
tres Rongeurs,  l'iusieurs  Oiseaux  de 
proie  ne  boivent  que  rarement,  et 
peuvent  se  passer  d'eau  pendant  très- 
longtemps.  Ainsi ,  Lassaigne  a  gardé 
un  Duc  pendant  huit  mois  sans  lui 
donner  à  boire,  et  en  le  nourrissant 
seuleuîcnt  avec  un  petit  anima!  ou  un 
morceau  de  viande  fraîche  chaque 
jour  (c). 

Quelques  zoolo;:;isle3  ont  rangé 
aussi  le  Lézard  parmi  les  Animaux 
qui  ne  boivent  pas,  mais  ils  étaieiu 
dans  l'erreur  à  ce  sujet  (c/). 


(a)  Bokfir,  Untersiichungen  ûber  die  Wirkungen  des  Wassers  {Nova  Aeta  Acad.  nal.  curios., 
1.  XXIV,  p,.  307). 

(h)  Falck  iind  Tli.  Sclieffer,  Der  Stoffivechsel  an  Kôvper  durstender,  durststillender  nnd  ver- 
durstender  VOgel  {Archiv  fûv  physiologisclie  Heilkumle,  1854,  1.  XIII,  p.  Ci). 

(c)  Leiircl  el  Lassaigne,  Uecherches  pour  servir  à  l'histoire  de  la  digestion,  1825,  p.  4  93. 

(d)  Dugès,  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur  la  déglutiiion  dans  les  lieptiks  {Ann. 
des  sciences  nat.,  1827,  t.  XII,  p.  3G0j. 


RATiON    1)  KiNTP.ETIEN    nK    L  HOMME. 


195 


un  Cheval  qui  trouve  eîiaquc  jour  environ  1  kilogramme  et 
quart  d'eau  dans  ses  aliments  solides,  en  prend  d'ordinaire 
environ  6  litres  sous  la  forme  de  boisson  (1).  Le  Bœuf  en  con- 
somme encore  plus,  et  la  quantité  totale  d'eau  qu'il  reçoit 
quotidiennement  sous  diverses  formes  s'élève  d'ordinaire  à 
environ  90  grammes  pour  cliaqne  kilogramme  du  poids  de 
son  corj)s.  Pour  les  Vaches  laitières,  cette  quantité  est  encore 
plus  élevée  par  suite  do  la  déperdition  due  à  la  sécrétion  mam- 
maire (2). 

Plusieurs  anciens  physiologistes  ont  cherché  à  évaluer  la 
quantité  d'eau  dont  l'Homme  a  besoin  journeHement  ;  mais  on 
ne  peut  rien  établir  de  général  à  ce  sujet,  car  les  variations 
sont  très-considérables  suivant  les  individus,  la  température 
extérieure,  l'état  hygrométrique  de  l'air  et  une  foule  d'autres 
circonstances  (o). 


(1)  Le  Cheval  qai  a  servi  aux  re- 
cherclies  de  M.  Boussingault  sur  l'a- 
limentalion  pesait  environ  ZiOO  kilo- 
grammes, et  recevaitpar  jour,  tantsous 
la  forme  de  boisson  que  dansles  aliments 
solides,  17  378  grammes  d'eau  ;  ce  qui 
correspond  à  environ  h3  grammes  pour 
chaque  kilogramme  du  poids  de  TA- 
nimal  (a).  Dans  une  expérience  faite 
à  Alfort  par  Lassaigne,  cette  propor- 
tion était  de  Zi3  pour  1000  [h). 

(2)  AI.  AlHbcrt  a  trouvé  que  chez  un 
Bœuf  qui  pesait  797  kilogrammes,  la 
consommation  totale  d'eau  était  de 
72  kilogrammes  par  jour,  et  que  chez 
un  autre  individu  du  poids  de  G.'jG  kilo- 
grammes, cette  même  consommation 
était  de  58  kilogrammes.  Enfin,  chez 
un  troisième  individu  qui  pesait  555 


kilogrammes,  elle  n'était  que  de  50  ki- 
logrammes, ce  qui  donne  pour  chacun 
de  ces  Animaux  90  grammes  par  kilo- 
gramme du  poids  total  du  corps.  Chez 
des  Vaches,  cette  consommation  d'eau 
était  dans  la  proportion  de  120  gram- 
mes par  kilogramme  du  poids  de  l'a- 
nimal (c). 

Le  même  auteur  évalue  à  150  gram- 
mes pour  chaque  kilogramme  du  poids 
do  l'Animal  la  quantité  d'eau  qui 
entre  dans  la  ration  d'un  Porc,  tandis 
que  cette  proportion  ne  s'élèvert:ir, 
d'après  ses  calculs,  qu'il- 68  ou  même  à 
63  seulement  chez  les  Moutons. 

(3)  Quelques  auteurs  ont  évalué  la 
quantité  des  boissons  par  rapport  à 
celle  des  aliments.  Ainsi  Sanctorius  a 
cru  pouvoir  établir  que,  normalement, 


(a)  Boiissiajault,  Analyses  comparées  des  aliments  consommés  et  des  produits  rendus  par  iin 
Cheval  soumis  à  la  ration  d'entretien  (Ann.  de  cldmii  et  de  physique,  1839,  t.  IjXXF,  p.  134;. 
(6)  Alliliert,  Alimentation  des  Animaux  domestiques,  If^di,  p.  101. 
{c)  Idem,  Op.  cil.,  p.  105. 


19G  NUTRITION. 

Ainsi  que  chacun  le  sait,  la  privalion  des  boissons  occa- 
sionne à  l'Homme  des  souffrances  très-vives  ;  il  en  est  de 
même  pour  la  plupart  des  aulres  Animaux.  Mais  les  effets  de 
ce  genre  d'abstinence  ne  sont  pas  aussi  graves  qu'on  pour- 
rait le  croire  au  premier  abord ,  et  lorsque  les  aliments 
organiques  nécessaires  pour  constituer  la  ration  d'entretien 
manquent,  la  mort  est  souvent  accélérée  plutôt  que  retardée 
par  le  libre  usage  de  l'eau;  ce  qui  s'explique  facilement  par 
l'augmentation  des  perles  par  excrétion  que  détermine  le  pas- 
sage d'une  quantité  considérable  de  ce  liquide  par  les  voies 
minaires  (1). 

§  27.  —  Nous  venons  de  passer  en  revue  les  principales 
circonstances  qui  influent  sur  la  consommation  nutritive  de 
l'Homme  adulte  ;  nous  avons  cherché  aussi  à  déterminer  la 
quantité  de  chacun  des  principaux  éléments  chimiques  que 
le  corps  humain  a  besoin  de  s'approprier.  Mais  les  no- 
lions  acquises  de  la  sorte  ne  peuvent  nous  suffire,  et  |)our 
compléter  nos  études  relatives  à  la  nutrition  de  l'Homme 


pour  un   partie   d'aliments   solides ,  mais  les  Lapins  qui,  en  étant  soumis 

rriomme  buvait  normalement  plus  de  à   l'inanition  ,    se   trouvaient   privés 

trois  parties  (en  poids)  d'eau  ;  suivant  d'eau,  ont  vécu  notablement  moins 

Cornaro,  cette  proportion  serait  comme  longtemps  que  ceux  qui  buvaient  à 

1  : 1,16,  et  suivant  Uobinson,  comme  discrétion.  Par  l'ingestion  forcée  d'une 

1  :  2,5  (a).  certaine  quantité  d'eau  dans  l'esto- 

(1)  Ainsi,  dans  des  expériences  sur  mac  des  Animaux  privés  d'aliments, 

ce  sujet,   faites  par  Chossat  sur  des  Chossat   a  vu   la    vie   êire   abrégée 

'J'ourterelles,  la  mort  est  arrivée  plus  d'une  manière  très-remarquable.  Ceux 

promptement  chez  les  individus  qui  qui  étaient  soumis  à  cette  ingestion 

buvaient  de  l'eau  à  volonté  que  chez  n'ont  vécu ,  terme  moyen,  que  sept 

ceux  qui  en  étaient  privés.  Pour  les  jours,  tandis   que  ceux   qui    étaient 

Pigeons,    la  durée  de  la  vie  a  été  à  privés  d'eau  ne  sont  morts  qu'au  bout 

peu  près  la  même  dans  les  deux  cas;  de  onze  jours  d'abstinence  (6). 


(a)  Voyez  Bunlacl),  Traité  de  physiologie,  t.  IX,  p.  287. 

(b)  Chossat,  Recherches  expérimentales  siir  l'inanition  (Muni,  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants 
étrangers,  1843,  t.  VIU,  p.  501). 


RATION    d'entretien    DE    l'hOMME.  197 

et  des  Animaux,  il  nous  faut  encore  chercher  sous  quelle 
forme  ces  matières  doivent  être  fournies  à  l'organisme,  et 
approfondir  davantage  l'histoire  physiologique  des  substances 
alimentaires  :  c'est  ce  que  nous  forons  dans  la  prochaine 
Leçon . 


SOIXANTE -DIXIÈME  LEÇON. 

Suite  de  l'ctLicle  des  pliénomèncs  de  nulrition,  —  De  la  valeur  nulrilive  des  divers 
•  aliments. 

Valeur  §  1 .  —  11  Q  suffi  cIg  l'obsorvation  journalière  pour  faire  re- 

des  aiiraenis.  coiinaître  que  tous  les  aliments  ne  possèdent  pas  au  mêuic  degré 
la  puissance  nutritive,  et,  lorsque  les  agronomes  ont  voulu 
donner  à  la  zoofcclmic  des  bases  scienlitiques,  ils  ont  compris 
que  pour  l'économie  rurale  il  importait  de  connaître  avec  au- 
tant de  précision  que  possible  les  dilTérenccs  qui  peuvent 
exister  à  cet  égard  entre  les  diverses  substances  dont  ils  com- 
posent la  ration  do  leurs  Animaux  domestiques.  Les  physiolo- 
gistes ont  attaché  aussi  beaucoup  d'intérêt  à  la  solution  des 
questions  de  cet  ordre,  et  les  personnes  qui  s'occupent  d'éco- 
nomie sociale  et  d'administration  publique  n'ont  {)u  y  rester 
indifférentes.  Aussi,  depuis  une  vingtaine  d'années,  des  recher- 
ches expérimentales  fort  nombreuses  ont  été  faites  sur  ce  sujet, 
et  l'on  a  cherché  à  déterminer  avec  précision,  d'une  part,  quels 
sont  les  besoins  nutritifs  de  l'Homme  et  des  Animaux  que  nous 
élevons  pour  notre  service;  d'autre  part,  quelle  est  la  valeur 
physiologique  relative  des  différents  aliments.  M.  Boussiu- 
gault  fut  un  des  premiers  à  tenter  la  construction  d'une  table 
d'équivalents  nutritifs,  et  d'importants  travaux  relatifs  à  l'aii- 
mentalion  de  l'Homme  ont  été  faits  plus  récemment  par  plu- 
sieurs chimistes,  au  nombre  desquels  je  placerai  en  première 
ligne  M,  Liebig. 
rroporiion  L'cau  sc  trouvc  en  si  grande  abondance  dans  la  nature,  qu'en 
contenue  général  la  valeur  vénale  de  la  quantité  de  ce  liquide  dont  un 
les'divers  Hommc  OU  uu  Animal  a  besoin  pour  sa  boisson  est  pour  ainsi 
dire  nulle,  et  qu'on  n'en  tient  aucun  compte  dans  les  évalua- 


VALEUR  NUTRITIVE  DES  DIVERS  ALIMENTS.  11)0 

lions  dont  il  est  ici  ([uestion.  Lorsqu'on  veut  comjinrer  entre 
eux  la  puissance  nutritive  des  divers  aliments,  il  faut  donc  dé- 
terminer tout  d'abord  la  jiroportion  d'eau  que  ces  corps  peu- 
vent contenir,  et  les  considérer  que  comme  s'ils  étaient  à  l'éiat 
sec,  bien  que  cène  soit  jamais  ainsi  qu'on  en  lasse  usage.  Dans 
les  premiers  essais  Adts  par  les  chimistes  pour  apprécier  la  va- 
leur physiologique  des  substances  alimentaires,  on  se  contenta 
des  données  obtenues  de  la  sorte  :  et  effectivement,  quand  il 
s'agit  seulement  de  matières  qui,  par  leur  nalurc,  se  ressemblent 
beaucoup  entre  elles,  on  peut  arriver  ainsi  à  des  approxima- 
tions satisfaisantes  dans  beaucoup  de  cas  (1);  mais  lorsqu'on 
veut  approfondir  l'étude  théorique  de  ces  questions,  il  faut  né- 
cessairement tenir  grand  compte  de  la  composition  et  des  pro- 
priétés de  la  portion  solide  des  alimcnls,  aussi  bien  que  de  leur 
quantité. 


(1)  En  '1818,  le  ni.inislre  de  l'inté- 
rieur voulant  s'éclairer  sur  la  valeur 
nutritive  des  diverses  substances  em- 
ployées pour  l'alimentation  des  déte- 
nus, a:îressa  à  la  Faculté  de  médecine 
de  Paris  une  série  de  questions  à  ce 
sujet,  et,  pour  y  répondre,  Vauquclin 
et  Percy  dosèrent  la  quantité  d'eau  et  la 
proportion  de  matières  exlractivcs  con- 
tenues dans  un  certain  nombre  de  ces 
corps.  Ils  trouvèrent  q:c  la  quantité 
de  matière  sèche  contenue  dans  1  kilo- 
gramme d'aliment  était  de  : 

750  pour  lo  pain  ordiiiiiirc  de  Paris. 

340  pour  la  viaiids  maigre  do  Bœuf. 

230  pour  les  pommes  do  terre, 

144  pour  les  cpinards. 

143  pour  les  carotics. 

89  pour  les  choux. 

80  pour  les  navets. 


Ce  fut  d'après  ces  bases  que  Vau- 
quelin  et  Percy  dressèrent  un  tableati 
de  la  valeur  nutritive  comparative  des 
principaux  aliments  employés  dans  les 
prisons  (a). 

Dans  toutes  les  recherches  faites 
sur  le  même  sujet  depuis  vin^t  ans, 
il  a  été  tenu  compte  de  la  proportion 
d'eau  qui  se  trouve  associée  aux 
matières  organiques  dans  les  sub- 
stances alimentaires,  et,  pour  pins  de 
détails  relatifs  aux.  faits  de  cet  ordre , 
je  renverrai  aux  tableaux  que  je  don- 
nerai dans  une  autre  partie  de  celte 
Leçon  (6). 

J'ajouterai  que  i\l,  Lawes  et  Gilbert 
ont  déterminé  la  proportion  d'eau 
contenue  dans  les  dilierentes  par- 
lies  du  corps  des  animaux  de  bou- 
cherie (c). 


la)  Percy  et  Vauquelin,  Rapport  fait  à  la  l'acuUé  de  médecine  le  9  avril  1815  {Bulletin  de  la 
Faculté  et  de  la  Société  de  médecine,  i.  VI,  p.  75). 

(6)  Voyez  ci-après,  page  208. 

(c)  I-awes  and  Gilliert,  Expérimental  Inquirn  into  thc  Composition  ofsom:  of  thc  Animais  fcd 
and  sl'Vfihtered  as  lluman  Foo.l  {l'hilos.  'i'rans  ,  ISô'J,  t.  CXLIX,  p.  oSO  cl  fuiv.). 


200  NUTRITION. 

^nuS""  ^^^^  ^'^  pratique,  on  peut  suivre  une  autre  marehe,  et  arriver 
par  des  tâtonnements  à  connaître  la  quantité  de  tel  ou  tel 
.  aliment  particulier  qui  peut  être  substitué  à  une  quantité  déter- 
minée de  telle  autre  substance  nutritive  dans  la  ration  d'entre- 
tien d'un  Animal  adulte,  c'est-à-dire  dans  la  ration  à  l'aide  de 
laquelle  on  satisfait  à  tous  ses  besoins  et  l'on  maintient  son  corps 
dans  nn  état  slationnaire.  Plusieurs  agronomes  ont  publié  des 
observations  de  ce  genre;  mais  dans  une  exploitation  rurale 
il  est  toujours  fort  difficile  d'obtenir  ainsi  des  résultats  nets  et 
constants,  car  les  conditions  dans  lesquelles  on  opère  varient 
trop,  et,  du  reste,  les  faits  enregistrés  de  la  sorte  ne  pou- 
vaient résoudre  la  plupart  des  questions  les  plus  importantes 
pour  l'étude  physiologique  de  l'alimentation.  M.  Boussingault 
a  donc  rendu  à  la  science  un  service  considérable,  lorsqu'il  a 
•  fait  intervenir  dans  ces  recherches  l'analyse  élémentaire  des 
matières  alimentaires,  et  qu'il  a  établi  des  comparaisons  pré- 
cises entre  leur  pouvoir  nutritif  et  leur  richesse  en  azote  ou  tout 
autre  principe  constitutif. 

Évaiuaiion        Lcs  prcmièrcs  expériences  de  M.  Boussingault  portent  sur 

d'après  l'aïolc    ,,    ,.  .  i  »      •  i       r-  i  i       r^^  i       .    i 

conienu.  1  aliincntalion  des  Animaux  de  lerme,  tels  que  le  Cheval  et  la 
Yache,  dont  la  nourriture  se  compose  de  substances  très-riches 
en  carbone,  mais  généralement  pauvres  en  azote.  Or,  les  faits 
dont  j'ai  rendu  compte  dans  les  précédentes  Leçons  nous  ont 
montré  que  pour  subvenir  à  la  dépense  nutritive  de  ces  Ani- 
maux, il  faut  que  leur  ration  quotidienne  renferme  une  quantité 
considérable  d'azote.  Nous  ne  devons  donc  pas  nous  étonner 
si,  dans  le  cas  particulier  que  je  viens  d'indiquer,  la  condition 
dominatrice  ait  été  la  proportion  de  matières  azotées  contenues 
dans  l'aliment.  En  effet,  M.  Boussingault  a  été  frappé  de  la 
concordance  qu'il  trouvait  entre  la  puissance  nutritive  des  di- 
verses substances  végétales  dont  il  faisait  usage  pour  la  nour- 
rilure  de  ses  Animaux  de  ferme  et  la  f|uantité  d'azote  que  ces 
substances  contiennent.  11  crut  même  [louvoir  poser  en  prin- 


VALEUR   NUTRITIVE    DES    DIVEUS    ALIMENTS.  201 

cipe  que  la  propriété  alimentaire  des  végétaux  réside  essentiel- 
lement dans  leurs  matières  azotées,  et  que  leur  faculté  nutri- 
tive est  proportionnelle  à  la  quantité  d'azole  qui  entre  dans  leur 
composition;  enfin,  il  dressa  d'après  ces  vues  une  table  d'équi- 
valenls  nutritifs,  dans  laquelle  il  donna  le  poids  de  chaque  ali- 
ment correspondant  à  une  quantité  constante  d'azote. 

Comme  exemples  de  ces  différences,  je  dirai  que  pour  fournir 
à  un  Animal  la  quantité  d'azote  contenue  dans  100  grammes 
de  foin  ordinaire,  il  faut  : 


Grammes, 

68  d'avoine  des  magasins  militaires 
de  Paris. 

60  d'avoine  d'Alsace,  première  qua- 
lité. 

58  de  seigle  d'Alsace ,  première 
qualité. 

55  de  froment  d'Alsace. 

'27  de  pois  secs. 

25  de  lentilles. 

22  de  tourteau  de  lin. 

iZi  de  tourteau  d'arachis. 


Grammes. 

885  de  navets. 

669  de  betteraves  blanches  de  Si- 

lésie. 
548  de  betteraves  champêtres. 
Ù79  de  paille  de  seigle  nouvelle. 
un  de  choux  pommés. 
382  de  carottes. 
319  de  pommes  de  terre. 
235  de  paille  de  froment  ancienne. 
209  de  fanes  de  pomme  de  terre. 
nu  de  paille  de  lentilles. 
83  de  foin  de  luzerne. 

Celte  inégalité  dépend  en  grande  partie  de  la  proportion  d'eau 
contenue  dans  ces  substances,  mais  elle  correspond  aussi  en 
partie  à  la  proportion  d'azote  que  renferme  la  matière  sèche  ; 
ainsi,  en  faisant  abstraction  de  l'eau  et  en  analysant  la  matière 
sèche,  M.  Boussingault  trouva  pour  100  grammes  : 

ûs%/i3  d'azote  dans  la  paille  de  froment  ancienne. 
l'^ôO  dans  la  pomme  de  terre  ordinaire. 

2s'^,30  dans  le  froment  d'Alsace. 

3s'',8Zi  dans  les  pois  jaunes. 

56'^,20  dans  le  tourteau  de  lin. 

8B'',89  dans  le  tourteau  d'arachis, 

En  se  fondant  sur  l'hypothèse  de  la  proportionnalité  de  l'azote 
contenu  dans  ces  aliments  et  de  leur  pouvoir  nutritif,  M.  Bous- 
singault a  fait  diverses  expériences  dans  lesquelles  une  portion 
du  foin  de  la  ration  ordinaire  fut  remplacée  par  son  équivalent 
vin.  lu 


202  NUTRITION. 

théorique  de  paille,  d'avoine,  etc.,  et  dans  un  grand  nombre 
de  cas  il  vit  que  le  poids  du  corps  de  l'Animal  restait  station- 
naire,  malgré  ces  changements  de  régime  ;  mais  dans  d'autres 
cas,  il  n'en  fut  pas  de  même,  et  il  n'y  eut  pas  accord  entre  la 
théorie  et  les  résultats  observés  (i). 

Le  désaccord  deviendrait  encore  plus  grand,  si  l'on  compa- 
rait entre  elles  d'autres  substances  alimentaires,  telles  que  du 
riz,  de  la  viande,  du  thé  ou  du  café,  et  l'écorce  de  certaines 
plantes.  En  effet,  les  divers  principes  immédiats  azotés  qui 
peuvent  se  rencontrer  dans  une  substance  végétale  ou  animale 
•  ne  sont  pas  tous  également  utilisables  dans  le  travail  nutritif 
dont  l'économie  animale  est  le  siège,  et,  du  reste,  nous  savons 
déjà  que  les  substances  carbo-hydrogénées  sont  aptes  à  se 
substituer  en  partie  aux  matières  azotées  comme  aliment  de  la 
combustion  physiologique,  et  par  conséquent,  en  théorie  aussi 
bien  que  dans  la  pratique,  il  faut  en  tenir  grand  compte.  Il 
paraîtrait  même  que  pour  l'engraissement  de  nos  Animaux  de 
boucherie,  leur  rôle  serait  plus  important  que  celui  des  prin- 
cipes azotés  (2).  Les  questions  relatives  à  la  nutrition  des 

(1)  Pour  plus  de  détails,  au  sujet  II  est  aussi  à  noter  que,  dans  quel- 

de    la   proportion   d'azote    contenue  ques  substances   alimentaires    végé- 

dans   les  divers   aliments ,   et  de  la  taies,  il  existe  des  sels  ammoniacaux 

valeur  nutritive  de  ces  substances,  je  en  quantité  fort  notable,  et  que,  par 

renverrai  aux  ouvrages  de  M.  Boussin-  conséquent,  la  totalité  de  l'azote  fourni 

gault   {a).  Mais  je  dois  ajouter  que  par  l'analyse  élémentaire  n'y  est  pas 

dans  la  dernière  édition  de  son  traité  applicable  à  la  nutrition.  Dans  VAga- 

d' Économie   rurale  (1851),   ce  clii-  r^c^is  prime/^ws,  par  exemple,  à  l'état 

miste  éminent  a  beaucoup  modifié  ses  frais,  on  a  trouvé  environ  2  millièmes 

premières    idées  sur  les  équivalents  de  ces  sels  (6). 
nutritifs,  et  qu'il  n'attribue  plus  une  (2)  Ce  résultat  ressort  des  rccher- 

importance  aussi  grande  à  la  propor-  ches  de  M.  Lawes  sur  l'engraissement 

tiond'azote  contenue  dans  les  aliments.  des  Moutons  et  des  Porcs  (c)^ 

(a)  Boussingault,  Recherches  sur  la  (luantité  d'awte  contenue  dans  les  fourrages  et  sur  leurs 
équivalents  [Ann.  de  chimie  et  de  physique,  1836,  t.  LXIII,  p.  225,  et  t.  LXVII,  p.  409).  — 
Economie  iniralc,  1844,  t.  II,  p.  38G  et  suiv. 

(6)  Voeicker,  On  the  percentage  of  Nitrogen  as  an  index  to  the  Nutritive  valour  of  food 
(Report  of  the  Drilish  Association  for  the  Advancernent  a f  Science,  1850,  Transactions,  p.  04). 

(c)  Lawes,  AgricuUural  Chemislry,  Sheep-feeding  and  Manure  {Mirnal  of  the  R.  Agricul' 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  203 

xVnimaux  sont  d'ailleurs  beaucoup  plus  complexes  qu'on  ne 
serait  porté  à  le  croire  au  premier  abord,  et  la  valeur  physio- 
logique des  aliments  dépend  non-seulement  de  leur  composition 
élémentaire  et  des  qualités  qui  leur  sont  propres ,  mais  aussi  de 
lem-  mode  d'association,  et  l'on  se  formerait  des  idées  fausses 
du  rôle  que  ces  substances  sont  susceptibles  de  remplir,  si 
on  les  considérait  seulement  d'une  manière  isolée  (1). 


(1)  La  connaissance  de  la  composi- 
tion élémentaire  des  substances  em- 
ployées pour  l'alimentation,  soit  de 
l'Homme,  soit  de  nos  Animaux  do- 
mestiques, n'en  est  pas  moins  indis- 
pensable pour  toute  étude  scientifique 
de  la  valeur  nutritive  de  ces  matières, 


et  depuis  quelques  années  beaucoup 
de  recherches  ont  été  faites  sur  ce 
sujet. 

Voici  les  principaux  résultats  ob- 
tenus par  MM.  Schlossbergcr  et  Kemp, 
en  opérant  sur  100  parties  de  ma- 
tières sèches  (a)  : 


ALIMENTS   ANALYSES. 


Lait  de  Vache 

Lait  de  Femme 

Fromage  de  Dunlop 

Fromage  liollandais  de  Gouda.  . 

Fromage  de  Chester 

Fromage  de  Gloiicester  double  . 
Fromage  de  Gloucester  vieux  .   . 

Jaune  d'œuf 

Huîtres 

Foie  et  bile  de  Crabe 

Moules  crues 

Moules  bouillies 

Foie  de  Bœuf. 

Foie  de  Pigeon 

Soupe  conservée  

Anguille  crue 

Anguille  bouillie 

Anguille  traitée  par  l'alcool  bouillant. 

Saumon  frais 

Saumon  bouilli 

Saumon  trailc  par  l'alcool.  .  .  . 

Hareng  cru 

Hareng  bouilli 

Hareng  traité  par  ralcool .... 


3,78 

1,50 

6,03 

7,11 

6,75 

6,98 

5,27 

13,14 

5,25 

7,52 

8,41 

10,15 

10,66 

11,80 

12,16 

6,91 

6,82 

14, 45 

12,35 

9,70 

15,62 

14,48 

12,85 

14,54 


ALIMENTS   ANALYSES. 


Laitance  du  Hareng.   .   .  . 

Cabillaud  frais 

Cabillaud  bouilli 

Cabillaud  traité  par  l'alcool 
Plie  {Flaunder)  crue  .  .  . 

Plie  bouillie 

Plie  traitée  par  l'alcool .  . 

Raie  crue 

Raie  traitée  par  l'alcool.  . 

Crabe 

Pigeon  cru 

Pigeon  bouilli.  ...... 

Pigeon  traité  par  l'alcool . 

Agneau  cru 

Agneau  traité  par  l'alcool. 

Mouton  cru 

Mouton  bouilli 

Mouton  traité  par  l'alcool . 

Bœuf  cru 

Bœuf  traité  par  l'alcool.   . 

Jambon  cru 

Jambon  bouilli 

Jambon  traité  par  l'alcool. 
Blanc  d'œuf 


tural  Soc.  of  England,  1849,  t.  X,  p.  276).  —  Pig  feeding  (Journ.  of  the  AgricuU.  Soc.  of 
England,  1853,  t.  XIV,  p.  521). 

—  Lawes  and  Gilbert,  On  the  Composition  of  foods  in  relation  to  Respiration  and  Feeding  o[ 
Animais  (Report  of  the  22'!'  meeting  of  the  British  Association,  p.  323). 

(a)  Schlossberger  und  Kemp,  Versuch  »m  einer  Nutritionsskale  unserer  Nahrungsmittel  ans 
beiden  organischen  Reichen,  hergeleitet  ans  ihrem  Stickstoffgehalt  [Arch,  f.  Physiol.  Heilli., 
1846,  t.  V,  p.  17). 


Ëvaluation 
d'après 


20/l  NUTRITION. 

Jadis  boaucoiip  de  physiologistes  croyaient  devoir  refuser  le 
ia"qiiantïic  110111  d 'aliuieiits  aux  substances  qui  ne  suffisent  pas  à  l'entretien 
carbone,  dc  la  vlc,  ct,  après  avoir  constaté  que  le  sucre,  la  gomme  et 
les  autres  natures  organiques  non  azotées  ne  remplissent  pas 
ces  conditions,  on  trouva  que  certaines  substances  azotées,  la 
gélatine,  par  exemple,  étaient  également  inaptes  à  répondre 
à  tous  les  besoins  de  l'organisme  ;  en  sorte  que  l'on  consi- 
déra ce  corps  comme  ne  pouvant  être  employé  ntilement  pour 
la  nourriture  de  l'Homme  ct  des  Animaux.  Mais  cette  manière 
d'envisager  la  question  manquait  de  justesse,  et  des  expériences 
précises  montrèrent  que  la  gélatine  est  susceptible  de  concourir 
à  l'entretien  du  travail  nutritif,  pourvu  (ju'elle  se  trouve  asso- 
ciée à  des  substances  excitantes  qui  en  facilitent  la  digestion  et 
l'emploi  ultérieur  dans  l'intérieur  de  l'organisme  (i). 


(1)  Cette  question  fut  soulevée  à 
l'occasion  de  l'emploi  des  soupes  dites 
économiques  dans  les  hôpitaux  et  au- 
tres établissements  destinés  à  secourir 
les  indigents.  Darcet  avait  beaucoup 
préconisé  l'usage  de  ces  soupes,  dont 
le  principal  ingrédient  était  de  la  gé- 
latine extraite  des  os  dc  boucherie 
parla  coction  à  haxite  température,  ou 
au  moyen  d'un  traitement  préalable  par 
l'acide  chlorhydriquc  (a).  Cependant 
les  produits  obtenus  de  la  sorte  étaient 
fort  mauvais  et  furent  l'objet  dc  plain- 
tes très-vives  ,  à  la  suite  desquels 
M.  Donné,  Ganal,  :\Iagendie  et  plu- 
sieurs autres  médecins  firent  des  ex- 
périences, dont  il  leur  parut  résulter 


que  la  gélatine  ne  possédait  pas  dc 
propriétés  nutritives  (6).  Mais  les  re- 
cherches expérimentales  de  William 
Edwards  et  Balzac  prouvent  que  cette 
substance,  tout  en  étant  un  aliment 
insuffisant  est  susceptible  de  jouer  un 
rôle  important  dans  la  nutrition.  Ainsi, 
un  petit  Chien  mis  au  régime  du  pain  et 
de  la  gélatine  pendant  soixante-quinze 
jours  augmenta  de  poids  de  159 
grammes;  dans  une  autre  expérience, 
le  même  Animal  soumis  au  même  ré- 
gime augmenta  de  29  grammes  en 
vingt  et  un  jours;  mais,  étant  ensuite 
privé  de  gélatine  et  nourri  avec  du  pain 
et  de  l'eau  seulement,  il  perdit  333, 
grammes  en  trente- trois  jours.  Un  au- 


(a)  Darcet,  Mémoire  sur  les  os  provenant  de  la  viande  de  bouclierie,  dans  lequel  on  traite  de 
la  conservation  dz  ces  os,  de  l'extraction  de  leur  gélatine  par  le  moyen  de  la  vapeur,  et  de 
l'usage  alimentaire  de  la  dissolution  gélatineuse  qu'on  en  obtient  (Recueil  industriel,  par  Moléon), 
cL  im  L^rand  nombre  d'autres  notes  publiées  dans  le  même  recueil. 

(6;  Doiuic,  Mémoire  sur  l'emploi  de  la  gélatine  comme  substance  alimentaire  {Archives  géné- 
rales de  médecine,  2'  série,  1835,  t.  VIII,  p.  240). 

—  Gannal,  Letlre  adressée  à  M.  le  baron  Thenard,  1841. 

—  Magendie,  IXapport  fait  à  l'Académie  des  sciences  au  nom  de  la  Commission  dite  de  la 
gélatine  [Comptes  rculus  de  l'Académie,  1841,  t.  XIII,  p.  237). 

—  Licbig,  Nouvelles  lettres  sur  la  chimie,  1852,  p.  206. 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  205 

Il  est  évident  que  dans  l'étude  théorique  des  aliments  il  faut 
tenir  grand  compte  de  la  quantité  d'oxygène  que  ces  corps 
renferment;  car  leur  valeur  comme  combustible  diminue  pro- 
portionnellement à  celte  quantité,  puisque  cet  élément  com- 
burant s'y  trouve  déjà  à  l'état  de  combinaison  avec  un  ou 
plusieurs  des  autres  éléments  constitutifs  de  la  matière  orga- 
nique dont  il  neutralise  la  puissance  comme  agent  combustible. 
Ce  n'est  donc  pas  la  proportion  totale  de  l'hydrogène  ou  du 
carbone  contenus  dans  un  aliment  qui  inllue  sur  sa  puissance 
nutritive,  mais  la  quantité  de  l'un  et  de  l'autre  de  ces  élé- 
ments qui  se  trouve  en  excès,  lorsqu'on  suppose  que  la  totalité 
de  l'oxygène  avec  lequel  ils  sont  associés  est  employée  à  les 
transformer  en  eau  ou  en  acide  carbonique.  /Vinsi,  le  sucre 


tre  individu  nourri  de  pain  et  de  gé- 
latine pendant  trente-quatre  jours 
perdit  209  grammes  de  son  poids,  et 
dans  un  égal  espace  de  temps  il  perdit 
hGli  grammes  lorsqu'il  était  mis  au 
régime  du  pain  et  de  l'eau  seulement. 
Enfin,  dans  d'autres  expériences,  ces 
physiologistes  constatèrent  qu'un  Chien 
nourri  avec  du  pain  et  de  la  gélatine 
assaisonnés  de  quelques  cuillerées  de 
bouillon  bien  sapide  gagna  en  quinze 
jours  1418  grammes.  Or,  dans  ce  cas, 
la  quantité  pondérale  de  matière 
alimentaire,  autre  que  la  gélatine  que 
renfermait  le  bouillon,  était  insigni- 
fiante, et  aurait  été  évidemment  in- 
suffisante pour  maintenir  l'organisme 
à  son  poids  initial,  si  elle  avait  été  ad- 
ministrée seule  (a). 

Des  expériences  faites  plus  ré- 
cemment sur  le  même  sujet  par 
M!\I.  Bischoff  et  Voit  prouvent  égale- 
ment  que  la  gélatine  peut  tenir  lieu 


d'une  portion  de  la  matière  azotée 
nécessaire  à  la  nutrition.  Ainsi,  un 
Chien  du  poids  de  33  040  grammes 
reçut  journellement  200  grammes  de 
viande  et  200  grammes  de  gélatine  ;  il 
perdit  journellement  134  grammes  de 
son  poids.  On  augmenta  alors  de 
100  grammes  de  gélatine  la  ration  du 
même  Animal,  et  l'on  trouva  que  ses 
pertes  se  réduisirent  à  77  grammes 
par  jour.  Ainsi,  100  grammes  de  géla- 
tine par  jour  avaient  diminué  de 
23  grammes  la  perte  du  poids  du 
corps  chaque  jour.  Ces  expérimenta- 
teurs pensent,  du  reste,  que  la  valeur 
nutritive  de  la  gélatine,  comparée  à 
celle  de  l'albumine,  est  très-faible  (en- 
viron 1/4),  et  que  pour  subvenir  aux 
dépenses  physiologiques  de  l'orga- 
nisme avec  cette  substance  seulement, 
il  faudrait  des  quantités  bien  supé- 
rieures à  celles  que  l'appareil  digestif 
est  capable  d'absorber  (6). 


(a)  W.  Edwards  et  Balzac,  Recherches  expérimentales  sur  l'emploi  de  la  gélatine  comme  sub- 
stance alimentaire  {Archives  générales  de  médecine,  d835,  2'  série,  t.  VII,  p.  272,  et  Ann.  des 
se.  nat.,  4831,  t.  XXVI,  p.  318). 

{b)  bischoff  nnd  Voit,  Die  Cesetxe  der  Ernflhrung  des  Fleisch  presser  s,  1860,  p.  215  et  suiv. 


Délcrmination 


206  NUTRITION. 

de  lait  et  la  stéarine  renferment  à  peu  près  la  même  quantité 
d'hydrogène  pour  une  quantité  donnée  de  carbone  :  mais,  dans 
le  sucre  de  lait,  il  existe  autant  d'équivalents  d'oxygène  qu'il 
y  a  d'équivalents  d'hydrogène,  et  par  conséquent  cette  sub- 
stance ne  joue  le  rôle  de  combustible  qu'à  raison  de  son 
carbone  ;  tandis  que  dans  la  stéarine  on  trouve  pour  chaque 
équivalent  d'oxygène  près  de  9  équivalents  d'hydrogène.  La 
stéarine  est  par  conséquent  une  substance  dont  la  valeur, 
comme  combustible,  est  plus  grande  que  celle  du  sucre  (1). 
Du  reste,  pour  bien  juger  de  la  valeur  nutritive  des  ahments 
.^''^       par  l'étude  de  leur  composition  chimique,  il  ne  faut  pas  se  con- 

principes        '  '■  i       7  r 

immédiats,  tcutcr  dcs  résultats  fournis  par  l'analvse  élémentaire,  et  il  est 
nécessaire  de  déterminer  les  proportions  suivant  lesquelles  les 
différents  groupes  de  principes  immédiats  s'y  trouvent  asso- 
ciés. En  effet,  il  faut  pouvoir  se  rendre  compte  de  la  quan^ 
tité  des  matières  albuminoïdes,  des  substances  sucrées  ou 
transformables  en  sucre  (2),  et  des  corps  gras  que  l'aliment 


(1)  En  effet,  la  composition  élé-  l'oxygène  en  proportion  voulue  pour 

mentaire  du  sucre  de  lait  est  repré-  constituer  de  l'eau, 

sentée  par   C^^W^O-^,  et  celle  de  la  Des  considérations  de  cet  ordre  ont 

stéarine    par   C'H'OQS.    uj^   certain  conduit  MINI.  Lawes  et  Gilbert  à  re- 

poids  de  sucre  de  lait  qui,  en  brûlant,  garder  les  graisses  mixtes  qui  se  trou- 

donnerait  naissance  à  71  équivalents  vent  dans  le  corps  des  Animaux  de 

d'acide  carbonique,  fixerait  62  équi-  boucherie    comme   des  combustibles 

valents  d'oxygène  sur  l'hydrogène  con-  physiologiques   dont  la  valeur   égale 

tenu  dans  cette  substance  :  total,  133  celle  de  deux  fois  et  demie  leur  poids 

d'oxygène  ;  tandis  que  la  quantité  de  de  matière  amylacée  (a). 

sucre  de  lait  qui,- en  s'oxydant,  don-  (2)  Nous  avons  vu  précédemment 

nerait    naissance  à  un  même  poids  que  les    substances   amylacées    sont 

d'acide  carbonique,  ne  fixerait  néces-  transformées  en  glucose  par  l'action 

sairement,  pour  la  constitution  de  ce  des  sucs  digestifs,  et  par  conséquent 

produit,   en  tout  que  les  71  équiva-  on  doit  considérer  ces  matières  comme 

lents  d'oxygène  ,  la  totalité   de   son  ayant  la  même  valeur  nutritive  que 

hydrogène  étant   déjà   associée  à  de  le  sucre.  C'est,  du  reste,  ce  qui  a 

(a)  Lawes  antl  Gilbert,  Expérimental  Inquiry  into  the  Composition  of  tlie  Animais  fcd  and 
slauglUered  as  Haman  food  (Philos.  Trans.,  1S5S,  p.  551). 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  207 

renferme  (1);  il  est  bon  de  doser  aussi  les  matières  salines, 
mais  en  général  cela  n'est  pas  nécessaire  pour  les  évaluations 
approximatives  dont  on  a  besoin,  soit  dans  les  recherches 
physiologiques,  soit  dans  les  calculs  agronomiques;  aussi  la 
plupart  des  chimistes  qui  ont  dressé  des  tables  de  ce  genre 
se  sont-ils  bornés  à  indiquer  les  quantités  d'eau,  d'azote,  de 
carbone  et  de  matières  grasses  que  contient  un  poids  donné 
des  divers  aliments  dont  ils  parlent. 

Comme  exemple  de  ces  documents,  dont  les  physiologistes 
ont  souvent  besoin,  je  citerai  ici  la  partie  principale  du  tableau 
donné  par  M.  Payen  dans  un  ouvrage  consacré  spécialement 
à  l'histoire  des  substances  alimentaires.  Je  suppose  que  la 
quantité  de  chaque  aliment  nommé  soit  égale  à  100  grammes, 
et  j'ajouterai  que,  pour  évaluer  approximativement  la  quantité 
de  matières  albuminoïdes  qu'ils  contiennent,  il  suffit  de  multi- 
plier par  6,5  le  poids  de  l'azote  obtenu. 


été    constaté  expérimentalement  par  quantitéd'eauvariaentre57et87pour 

MM.  Lawes  et  Gilbert.  En  employant  100  ;  la  proportion  de  principes  albu- 

comparativement  l'amidon  et  le  sucre  minoïdes  était  en  général  de  3  h  h  pour 

de   canne    pour    l'alimentation    des  100,  mais  dans  quelques  cas  elle  tomba 

Porcs ,   ces    agronomes  ont  vu   que  à  2  pour  100,  et  dans  d'autres  elle 

pour  des  poids  égaux  de  ces  matières  s'éleva  jusqu'à  10,9  pour  100;  celle 

supposées  à  l'état  sec,  il  y  avait  égalité  des  matières  grasses  varia  entre  1,50 

dans   l'accroissement    du   poids    du  et  0,52  ;  celle  des  matières  amylacées 

corps  (a).  ou  sucrées  varia  entre  3,98  et  22,6  ; 

(1)  M.  Way  a  fait  une  série  de  re-  enfin,  le  dosage  des  matières  miné- 

elierches  sur  les  proportions  d'eau,  de  raies  donne    de   0,52  à  Zi,17   pour 

substances  azotées  et  de  matières  gras-  dOO.  Dans  une  autre  série  d'expérien- 

ses   contenues  dans  diverses  espèces  ces,  M.  Way  détermina  la  proportion 

d'herbages  employées  pour  l'alimen-  d'azote  contenue  dans  ces  mêmes  four- 

tation  des  bestiaux  en  Angleterre.  La  rages  (6). 


(a)  Lawes  and  Gilbert,  On    the  Equivalency  of  Starch  and  Sugar  in  food  {Report  of  the 
24"'  meeting  of  the  British  Association  held  in  ■1854,  p,  421). 

(b)  Way,  On  the  relative  Nutritive  and  Fattening  Properties  of  différent  natural  and  artificial 
Grasses  {Journal  oftheR.  AgricuUural  Soc.  of  England,  1853,  t.  XIV,  p.  il\). 


208 


NUTRITION. 


NOMS   DES   ALIMENTS. 


Viande  (sans  os) 

OEufs  (blanc  et  jaune  ensemble). 

Lait  de  Vache 

Lait  de  Chèvre 

Fromage  de  Brie 

Fromage  de  Gruyère 

Cliocolat 

Fèves 

Haricots 

Lentilles 

Pois ■ 

Blé  dur  du  Midi ■ 

Blé  tendre 

Farine  blanche  de  Paris  .  .  .  , 

Farine  de  seigle 

Orge  d'hiver,  ou  escourgeon. 

Maïs 

Sai'rasin 

Riz 


Gruau  d'avoine 

Pain  blanc  de  Paris 

Pain  de  munition  (nouveau)  . 
Pain  de  farine  de  blé  dur.  .  . 

Châtaignes  ordinaires 

Châtaignes  sèches 

Pommes  de  terre 

Carottes 

Figues  fraîches 

Figues  sèches 

Pruneaux 

Lard 

Beurre  ordinaire  (frais).  .  .  . 
Huile  d'olive 


AZOTE.       CARBONE 


1,90 

0,66 

0,69 

2,25 

5 

1,52 

Zl,50 

3,88 

3,75 

3,50 

3 

1,81 

1,6/1 

1,75 

1,90 

1,70 

1,95 

1,08 

1,95 

1,08 

1,20 

2,20 

0,6Zi 

3,0/1 

0,2/1 

0,31 

0,/il 

0,92 

0,73 

1,18 

0,6/1 

0,00 


11 

12,50 

7 

7,60 
2/1,60 
36 
/l8 
/lO 
/il 
/lO 
/il 
10 
39 
39 
/il 
ZlO 
hli 
/lO 
/l3 
/il 

29,50 
30 
31 
35 
/l8 
10 

5,50 
15,50 
3/1 
28 

61,1^1 
67 
77 


GRAISSE. 


7 

3,70 
/l,10 
5,56 

2/1 

26 
2,10 
2,80 
2,65 
2,10 
2,10 
1,75 
1,80 
2,25 
2,20 
8,80 
2 

0,80 
6,10 
1,20 
1,50 
1,70 
/1,/J0 
6 

0,10 
0,15 
0,00 
0,00 
0,00 

71 

82 

86 


EAU. 


78,50 

80 

86,50 

83,60 

58 

/lO 

8 
15 
12 
12 
10 
12 
l/l 
l/l 
15 
13 
12 
12 
13 
13 
36 
35 
37 
26 
10 
7/1 
88 
66 
25 
26 
20 
1/1 

2 


Je  dois  ajouter  que  les  nombres  désignés  dans  le  tableau  ne 
sont  pas  rigoureusement  applicables  à  toutes  les  variétés  de 
grains  ou  de  légumineuses  d'une  même  espèce,  car  la  compo- 
sition de  ces  plantes  est  sujette  à  quelques  variations  suivant  las 
conditions  dans  lesquelles  la  culture  en  a  été  faite  ;  mais  ici  nous 
n'avons  besoin  que  d'approximations.  Quant  à  la  proportion  du 
soufre  et  des  autres  matières  inorganiques  contenues  dans  les 
aliments,  les  différences  sont  si  faibles,  qu'il  est  rarement  né- 
cessaire d'en  tenir  compte  dans  l'évaluation  de  la  valeur  nutri- 


VALEUR   NUTRITIVE   DES   DIVERS    ALIMENTS.  209 

tive  des  rations.  Du  reste,  le  dosage  en  a  été  fait  par  divers 
chimisles  (1). 

Il  est  également  à  noter  que,  dans  un  grand  noinjjrc  de  sub- 
stances alimentaires  employées  par  les  agricLiKcm^s  pour  la 
nourriture  des  animaux  de  ferme,  il  existe,  en  proportions  plus 
ou  moins  fortes,  des  matières  organiques  qui,  d'ordinaire,  ne 
sont  digérées  que  d'une  manière  incomplète,  et  sont  évacuées 


(1)  Voici,  par  exemple,  les  résultais  obtenus  d'une  longue  série  d'analyses 
faites  par  M.  Ilorsford  (a). 


MATIERES   ANALYSEES. 


Farine  de  froment  de  Vienne,  n°  ■]  .  . 
Farine  do  froment  de  Vienne,  n°  2  .  . 
Farine  de  fioment  de  Vienne,  n"  3  .  . 
Froment  de  Talavera,  de  llolienheira  .  . 
Froment  de  Wiiillinglen,  de  Ilohenlieim 
Froment  de  Sandomir,  de  Hohenheim.  . 
Farine  de  seigle  de  Vienne,  n°  i.  .  .  . 
Farine  de  seigle  de  Vienne,  n°  2.  .  .  . 
Seigle  [Staudenrogen)  de  Holionlieim.  . 
Seigle  (Schilfrogen)  de  Hohenheim .   .   . 

Polenta  de  Vienne 

Maïs  de  Hohenheim 

Avoine  de  Giessen 

Orge  de  Hohenheim 

Orge  d'hiver  de  Hohenheim 

Avoine  du  Kamtchatka,  de  Hohenheim  . 

Avoine  blanche  de  Hohenheim 

Riz  ordinaire 

Farine  de  sarrasin  de  Vienne 

Sarrasin  fartare  de  Hohenheim 

Pois  verls  de  Vienne 

Pois  de  Giessen 

Haricots  de  Vienne 

Fèves 

Lentilles 

Pommes  de  terre  blanches 

Pommes  de  terre  violettes 

Carottes 

Betteraves 

Radis 

Turneps  jaunes 

Choux 

Oignons , 


3.00 

"2  12 
3^44 
2,50 
2,68 
2,69 
1,87 
2,93 
2,78 
2,47 
2,14 
2,30 
2,07 
2,31 
2,79 
2,39 


1,10 
1,08 
1,56 
4,42 
4,57 
4,47 
4,59 
4,77 
1,56 
1,20 
1,67 
2,43 
1,81 
1,45 
1,78 
1,18 


0,23 
0,15 
0,25 
0,18 
0,19 
0,19 
0,13 
0,21 
0,15 
0,18 
0,15 
0.16 
0,15 
0,10 
0,20 
0,17 
0,20 
0,08 
0,07 
0,11 
0,14 
0,14 
0,14 
0,14 
0,15 
0,11 
0,08 
0,12 
0,17 
0,13 
0,10 
0.14 


0,70 

0,66 

1,10 

2,80 

3,13 

2,40 

1,33 

1,07 

0,80 

2.37 

0,80 

1,92 

2,01 

2,84 

5,52 

3,20 

4,14 

0,36 

1,09 

2,30 

3,18 

2,79 

4,38 

4,01 

2,60 

3,71 

3,36 

5,77 

6,43 

5,02 

4,01 

7,02 

8,53 


19,16 

13,54 

21,97 

16,54 

17,11 

17,18 

11,94 

18,71 

17,75 

15,77 

13,00 

14,68 

13,22 

14,74 

17,81 

15,20 

18,00 

7,40 

0,89 

9,96 

28,02 

29,18 

28,54 

29,31 

30,46 

9,96 

7,66 

10,66 

15,50 

11,56 

9,25 

12,64 

7,53 


79,77 
85,37 
78,03 
80,78 
78,58 
78,89 
85,05 
78,97 
80,86 
82,67 
84,90 
84,52 
84,52 
84,80 
80,04 
86,05 
83,08 
91,00 
91,52 
90,38 
07,31 
00,22 
60,70 
66,17 
05,06 
80,30 
88,20 
84,59 
73,18 
78,49 
90,32 
81,33 


13,85 

13,05 

12,73 

15.43 

13,93 

15,48 

13,78 

14,68 

13,94 

13,82 

13,36 

14,96 

14,40 

10,79 

13,80 

12,71 

12,94 

15,14 

15,12 

14.19 

13,43 

19,50 

13,41 

15,80 

13,01 

74,95 

08,94 

80,10 

81,01 

82,25 

83,28 

87,78 

93,78 


(a)  HorsforJ,  Ueber  den  Werth  verschiedener  vegetabilischer  Nahnmgsmittel,  liergeleitet  aus 
ihrem  Stkkstoffgehalt  {Ann.  der  Chemie  und  Pharm.,  1848,  t.  LVIII,  p.  IGOi, 


210  NUTRITION. 

au  dehors  sans  avoir  servi  à  l'entretien  de  l'organisme.  Il  est 
donc  utile  de  connaître  la  quantité  de  matières  réellement  uti- 
lisables que  ces  aliments  renferment,  et  dans  cette  vue  on  peut 
consulter  avec  avantage  les  analyses  dans  lesquelles  on  a  dosé 
la  quantité  de  principes  amylacés  contenus  dans  ces  corps  (1). 
Pour  montrer  l'étendue  des  différences  qui  peuvent  exister  à 
cet  égard  entre  diverses  substances  alimentaires  dont  on  fait 
souvent  usage  pour  la  nourriture  de  nos  Animaux  domestiques, 
il  me  suffira  de  citer  ici  un  petit  nombre  d'exemples.  Ainsi  les 


(1)  Dans  les  analyses  élémentaires 
ordinaires  des  substances  alimentaires 
végétales,  on  dose  en  bloc  la  totalité 
du  carbone  provenant  de  la  cellulose, 
de  la  cire  et  d'autres  matières  plus  ou 
moins  indigestes,  aussi  bien  que  celui 
fourni  par  les  principes  amylacés  ou 


sucrés.  Dans  les  analyses  dont  les 
résultats  ont  été  consignés  dans  le 
tableau  suivant,  M.  Kroker  a  déterminé 
la  proportion  de  ces  dernières  sub- 
stances carbo-hydrogénées  digestibles 
qui  se  trouvent  dans  100  parties  de 
matières  sèches  (o). 


Amidon  de  haricots  pur. 
Farine  de  froment,  n°  4 , 
Farine  de  froment,  n°  2 
Farine  de  froment,  n°  3 
Froment  de  Talavera.  .  , 
Farine  de  seigle,  n°  i. 
Farine  de  seigle,  n°  2. 
Farine  de  seigle,  n°  3. 
Seigle  (Staudenrogen)  . 
Seigle  {Schilfrogen]  .  . 
Avoine  des  prairies  .   . 
Avoine  du  Kamtchatka. 

Farine  d'orge 

Orge 

Orge  de  Jérusalem.   .  . 
Farine  de  sarrasin  .  .   . 

Sarrasin 

Farine  de  maïs 

Maïs 

Epeaulre 

Riz 

Fèves 

Pois 

Lentilles 


NUMÉRO    i. 


99,96 
65,21 
66,93 
57,70 
55,92 
61,26 
54,88 
57,07 
44,39 
47,71 
37,93 
39,55 
64,63 
38,62 
42,66 


77,74 
65,88 
55,51 
85,76 
37,71 
38,81 
39,62 


NUMÉRO    2. 


66,16 
67,42 
57,21 
56,59 
60,56 
54,12 
57,77 
44,80 
47,13 
36,90 
40,17 
64;i8 
37,99 
42,03 


66,80 
53,76 
86,63 
37,79 
38,70 
40,08 


{a)  Krocker,  Bestimmu7iy  des  Stârkmehlgehaltes  in  vegetalilisclien  Nahrungsmitleln.  {A7in. 
der  Chem.  und  Pharm.,  1848,  t.  LVlII,p.  212). 


VALEUR   NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  211 

agronomes  évaluent  à  âOO  grammes  la  quantilé  de  substances 
indigestes  contenue  dans  1  kilogramme  de  paille  d'avoine;  à  220 
la  quantité  des  mêmes  matières  contenue  dans  le  môme  poids 
de  luzerne  sèche;  à  17  grammes  le  résidu  digestif  de  i  kilo- 
gramme de  feuilles  de  betteraves,  et  à  k  grammes  seulement 
ce  même  résidu  laissé  par  la  digestion  de  1  kilogramme  de 
pommes  de  terre  jannes.  En  général,  ces  différences  dépendent 
principalement  du  degré  d'agrégation  moléculaire  des  tissus, 
et  le  déchet  nutritif  est  d'autant  moindre,  que  la  proportion 
d'eau  contenue  dans  la  substance  végétale  est  plus  élevée.  Mais 
on  ne  peut  pas  toujours  juger  de  la  digestibilité  de  ces  aliments 
par  des  considérations  de  cet  ordre;  car  la  Betterave  à  sucre, 
par  exemple,  contient  plus  d'eau  que  les  pommes  de  terre  dont 
je  viens  de  parler,  et  cependant  elle  fournit  six  fois  plus  de  ma- 
tières indigestes  (1). 


(1)  M.  AUibert,  professeur  à  l'école 
d'agriculture  de  Grignon,  en  traitant 
des  rations  équivalentes  pour  l'alimen- 
tation des  Animaux  domestiques,  a 
donné  un  laljleau  dans  lequel  toutes 


ces  indications  se  trouvent  réunies. 
L'intérêt  qui  s'attache  aux  connais- 
sances de  cet  ordre  me  détermine  à 
reproduire  ici  ce  document. 


Tableau  de  la  composition  des  aliments  {pour  1  kilogramme). 


S 

ta  V 

O 

u 

u 

3 
'S 
o 

RAPPORT 

du 

rn 

H 

E-1 

ri 

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■i% 

carbone 

s 

■a  m 

< 

H  .a 
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albumin. 

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carbone 

-5; 

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en 

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respirât. 

n 
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en 

a, 

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fjr. 

r.r. 

Giam. 

Grain. 

r.inm 

Gr. 

Gr. 

Gr.ini 

110 

4S 

«15 

958 

55 

44 

345 

::1:7 

140 

41 

61 

150 

5fi 

056 

276 

10 

8 

340 

5,1 

144 

1b 

46 

193 

U 

676 

284 

15 

12 

340 

6,7 

Ub 

21 

58 

13fi 

/|.9 

657 

976 

20 

16 

341 

6 

148 

23 

53 

134 

4R 

637 

267 

28 

22 

337 

6 

130 

2b 

54 

195 

45 

662 

278 

20 

16 

339 

6,5 

140 

33 

58 

131 

47 

640 

269 

39 

31 

347 

6,4 

130 

3b 

58 

195 

45 

619 

960 

70 

56 

361 

7 

l'/O 

Ib 

58 

75 

91 

760 

320 

5 

4 

345 

15 

146 

9 

96 

206 

74 

578 

243 

30 

24 

341 

3,6 

140 

24] 

35 

Grains  et  graines. 

Avoine 

Blé  poulard 

Blé  roug;e 

Blé  corné. 

Orge  d'hiver 

Seigle 

Sarrasin 

Maïs  d'Alsace 

Riz 

Millet 


212 


NUTRITION. 


Différences        i^  2 .  —  Dii  Fcsle,  l'utilïté  pliysiologique  des  alimeiils  ne 

entre  ""  '  .  . 

des  maiitres   (lépeiKl  pos  sculemeiit  de  leur  eomposilion  chimique  ;  elle  est 

jsomériques.  ,         ,  /  •    >    i  nu  i  '      i    • 

subordonnée  aussi  a  leur  mode  d  arrangement  moleculan^e  et 
à  leur  degré  d'absorbabilité. 

L'influence  exercée  par  le  mode  de  groupement  des  atomes 
constitutifs  d'un  corps  sur  sa  valeur  nutritive  a  été  mise  en  lu- 
mière de  la  manière  la  plus  évidente  par  les  recherches  expé- 
rimentales de  M.  Pasteur,  relatives  aux  dilTérentes  variétés  de 
l'acide  tarlrique.  En  effet,  ce  chimiste  habile  a  constaté  que 


s 

H 

bl 

î? 

J2 

RAPPORT 

3 

NOMS 

2 

?.:2 

o 

L. 

C 
O 

du 

U 

hS 

O'o 

S 

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H    " 

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des 

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O 

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<  w 

J  •- 

<  -3 

Si 

carbone 

albiimin. 

au 

< 

5 

<  o 

ce— 

ALIMENTS. 

z 

o 

es 

H 

3 

carbone 

< 

a 
s 

Gr. 

Gr:im 

r.r. 

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s 

■a 

T3 

respirât. 

Gi-, 

en 
Gr. 

T3 

r,r. 

Giiim. 

Grain. 

Oian, 

Kiti 

38 
97 

86 
85 
87 
114 

i16 

259 
205 
250 
234 

21G 
oOO 

61 

30 
20 
16 
15 
20 

49 
24 
16 
13 
12 
16 

346 
326 
352 

::1:8 
2,36 
3,1 
2,9 
2,6 
1  9 

132 
150 
89 
155 
160 
195 

51 

28 
36 
26 

30 

67 

069 

'l?,^ 

27 

0H9 

"iO') 

30 

"38 

')')7 

332 

30 

OU 

51  ■! 

315 

29 

Féverollts 

319 

477 

330 

99 

9,3 

Lenlillep 

250 
«73 

90 
98 

72 
74 
.^9 

557 

489 
342 
190 
236 

234 
205 

144 
80 
99 

25 
27 
23 
390 
336 

20 

22 

18 

312 

269 

344 
325 
234 
464 
427 

2,8 

2,3 

2,25 

5,3 

6,2 

125 
146 
560 
123 
122 

21 
35 
45 
32 
121 

29 
26 
359 
35 
44 

20 
205 
103 

Giaine  de  clianvre 

l'Jb 
85 

63 
30 

137 
34 

58 
14 

410 
265 

328 
212 

449 

256 

6,1 

7,2 

147 
310 

61 

270 

41 

85 

Tourteaux. 

327 
335 

121 

332 

308 

139 
129 

60 
84 

48 
67 

298 
317 

1,68 
1,6 

134 

C8 

51 
117 

22 
21 

Tourteaux  de  pavot 

Tourteaux  d'œilletle 

•à'IS 

136 

233 

139 

101 

81 

356 

1,6 

117 

111 

19 

'l'ourteaiix  do  colza 

'SOI 

110 

325 

136 

100 

80 

326 

2 

105 

9i 

23 

Touileaux  de  ihènevis 

263 

95 

388 

153 

60 

48 

296 

2,1 

53 

20 

27 

Tourleaux  de  noix 

328 
168 

118 

60 

456 
64 

194 

27 

90 
10 

72 
S 

384 
95 

2,2 
0,6 

60 
100 

34 
506 

22 
43 

Tourteaux  de  faînes 

Tourteaux  de  sesamo 

424 

153 

163 

68 

82 

66 

287 

0,9 

100 

50 

17 

Marc  ce  raisin  distillé 

37 

13 

157 

6( 

17 

14 

93 

6 

726 

41 

195 

Pain  de  créions 

'lio 

267 

» 

» 

130 

104 

371 

0,4 

65 

)) 

10 

Foins. 

Foin  de  pré  naturel 

72 

26 

444 

186 

38 

30 

242 

8,3 

130 

244 

100 

Regain  de  |  ré  naturel 

d24 

45 

405 

170 

35 

28 

243 

4.4 

141 

215 

58 

120 
28 
lOC 

27 

43 
10 
38 
10 

418 
96 

392 
83 

176 
40 

163 
35 

35 

8 

32 

8 

28 
6 

20 
6 

257 
54 

229 
51 

4,7 
4,6 

r 

4 

150 
804 
200 

824 

220 
51 

220 
42 

60 

250 

54 

207 

Trètle  fané 

Trèfle  en  vert 

VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  213 

les  ôlrcs  organisés  qui  déterminent  la  Fermentation  alcoolique 
détruisent  l'acide  tartrique  ordinaire,  lequel  est  pour  eux  une 
sorte  d'aliment,  mais  qu'ils  sont  inaptes  à  agir  de  la  même  ma- 
nière sur  la  variété  du  môme  composé  appelée  acide  tartrique 
gauche;  et  cependant  cette  dernière  substance  ne  diCIcrc  de  la 
précédente  que  par  le  mode  de  groupement  dyssymétrique 
de  ses  molécules  constitutives  (1). 


NOMS 
des 

ALIMENT; 


Pailles. 

Paille  de  froment  (nouv.)  .  .  . 

Paille  de  seijle 

Pai  le  d'avoine 

Paille  d'oi'ïe  d'hiver 

Balles  de  froment  (menue  paille) 

Feuilles  et  fanes  vertes. 

Feuilles  de  betteraves 

Feuilles  de  carottes 

Feuilles  de  vigne  (pampres)  .  .  , 

Fanes  de  topinambour 

Feuilles  de  maïs 

Racines  et  tubercules. 

Bellcraves  à  sucre 

Carottes  blanches 

Panais 

Navets  blancs 

Navets  jaunes 

Navels  turneps 

Rutabagas 

Pommes  de  terre  jaunes  .  .  .  .  . 
Pommes  de  terre  rouges.  ... 

To[)inambour 

Choux  pommés , 

Potirons  (citrouilles) 

Pommes  à  cidre , 


Gram. 

22 
15 
51 

14 


0,10 
1,7 


1,5 

0,5 

2 

2 

3 

9 

0,5 

0,5 


Gram 
174 

198 
209 
205 
250 


86 


UAi'Por.ï 

du 
carbone 
albumin. 

au 
carbone 
respirât. 


Il  :24 
38 
30 
28 
12 


0,3 

9,0 
6 
9 
7 

7,7 
7 

9,7 
10 
9 


13 


820 


(1)  M.  Pasteur  a  montré  qu'il  existe 
quatre  variétés  d'acide  tartrique,  dont 
l'une,  l'acide  tartrique  ordinaire,  qui 
tourne  à  droite  la  lumière  polarisée  ; 
une  seconde  qui  tourne  cette  lumière 


à  gauche;  une  troisième,  appelée  acide 
racémique,  qui  se  compose  d'une  mo- 
lécule de  chacun  des  corps  précédents, 
et  une  quatrième  variété  qui,  sans  être 
composée  de  la  sorte,  est  hiaclive  sur 


214  NUTRITION. 

Peut-être  faudrait-il  rapporter  à  quelque  circonstance  de 
même  ordre  la  dil'férence  que  Magendie  a  constatée  entre  la 
valeur  alimentaire  des  os  crus  ou  cuits  pour  la  nutrition  des 
chiens.  Ce  physiologiste  a  trouvé  que  les  Animaux  dont  la 
ration  journalière  se  composait  d'eau  et  de  parenchyme  des  os 
dépouillé  des  matières  calcaires  par  l'action  d'un  acide  ou  mo- 
difié par  la  cuisson,  s'affaiblissaient  rapidement,  et  mouraient 
d'inanition,  tandis  que  ceux  qu'il  nourrissait  avec  des  os  crus 
ont  vécu  pendant  plus  de  trois  mois,  sans  éprouver  ni  perte  de 
poids,  ni  trouble  dans  leur  santé  (1). 
desFoprie^tés  §  ^-  —  Lcs  propHétés  osmotiqucs  dcs  corps  influcut  bcau- 
osmotiques.  ^.Qyp  g^^,  jg  j.^|g  ^^^  ^g^  substauccs  sout  susccptiblcs  de  rem- 
plir dans  la  nutrition  des  Animaux,  et  l'analyse  élémentaire  est 
insuffisante  pour  nous  éclairer  sur  ce  genre  de  propriétés  phy- 
sico-chimiques. Ainsi  la  gomlne  arabique  desséchée  à  une  tem- 
pérature de  100  degrés  présente  la  même  composition  chimique 
que  le  sucre  ;  dans  l'une  et  l'autre  de  ces  substances  on  trouve 
12  équivalents  de  carbone  unis  aux  éléments  de  11  équivalents 
d'eau  ;  mais,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  précédemment,  le  sucre 

la  lumière  polarisée.  Or,  en  soumet-  l'un   peut  être   utilisé  par  les  êtres 

tant  de  l'acide  racémique  à  l'action  de  microscopiques  en  question,  tandis  que 

la  levure  de  bière,  cet  expérimenta-  l'autre  ne  le  peut  pas,  bien  que  la  coni- 

teur  a  trouvé  que   la    fermentation  position  chimique  des  deux  corps  soit 

s'établit  aux  dépens  de  Facide  tartri-  identique  (a). 

que  droit  (ou  Ordinaire)  contenu  dans  (1)    Dans   ces    recherches,   les    os 

cette  sul^slance,  et  la  transforme,  mais  avaientctédépouilléspréalablementdes 

que  l'acide  tartrique  gauche  ainsi  mis  parties  molles  environnantes  et  d'une 

en  liberté  reste  intact.   Le  caractère  portion  de  leur  graisse;  mais  je  dois 

de  dyssymétrie  moléculaire  qui  établit  ajouter  que  les  expériences  en  ques- 

la  différence  entre  ces  deux  acides,  tion  ne  me  paraissent  pas  avoir  été 

et  qui  est  propre  aux  matières  orga-  faites  d'une  manière  aussi  comparative 

niques,  modifie  donc  les  affinités  chi-  qu'on  aurait  pu  le  désirer,  et  elles  ne 

miques  de  ce  composé,  et  fait   que  m'inspirent  que  peu  de  confiance  {b), 

(a)  Pasteur,  Mémoire  sui*  la  fermentallon  de  Vacide  lartrique  {Comptes  rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  1858,  t.  XLVI,  p.  615). 

(6)  Magendie,  Rapport  sur  la  gélatine,  etc.  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1841, 
t.  XIII,  p.  269). 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  215 

en  dissolution  traverse  facilement  les  membranes  animales, 
tandis  que  la  gomme  est  peu  diffusible  et  ne  passe  qu'avec  une 
lenteur  extrême  dans  la  substance  de  ces  tissus  organiques  (1). 
Il  est  aussi  à  noter  que  les  sucs  digestifs  paraissent  être  impuis- 
sants à  transformer  la  gomme  en  sucre  (2),  et,  d'après  cet  en- 
semble de  faits,  nous  pouvons  prévoir  que  l'absorption  de  cette 
substance  par  les  parois  de  l'intestin  ne  saurait  être  rapide  ;  par 
conséquent  aussi,  que  sa  valeur  nutritive,  comparée  à  celle  du 
sucre,  ne  peut  être  que  très-faible.  Effectivement  il  en  est  ainsi. 
Les  expériences   directes  faites  par  Tiedemann  et  Gmelin, 
M.  Boussingault  et  quelques  autres  physiologistes,  montrent  que 
la  gomme  ne  peut  contribuer  notablement  à  la  nutrition  des 
Animaux  (3). 


(1)  Voyez  lome  V,  page  38  et  sui- 
vantes. 

(2)  M.  Blondlot  a  trouvé  que  de  la 
gomme  soumise  pendant  plus  de  vingt- 
quatre  lie  ures  à  l'action  d'un  suc  gastri- 
que très-actif  s'y  était  dissoute  sans 
avoir  éprouvé  aucun  changement  dans 
ses  propriétés  chimiques  (a).  M.  Fre- 
rich  a  obtenu  le  même  résultat  en  fai- 
sant agir  sur  cette  substance,  pendant 
quarante-huit  heures,  soit  du  suc  gas- 
trique, soit  de  la  salive  ou  du  suc  pan- 
créatique (6),  et  M.  Lehmann  a  vu  que 
non-seulement  la  gomme  restait  inal- 
térée en  présence  de  la  salive  ou  du 
suc  pancréatiqift,  mais  qu'elle  retar- 
dait l'action  transformatrice  que  ces 
substances  exercent  sur  l'amidon  (c). 

(3)  Tiedemann  et  Gmelin  soumirent 
une  Oie  au  régime  exclusif  de  la 
gomme,  et  ils  retrouvèrent  celte  sub- 


stance inaltérée  dans  les  excréments. 
Enfin  l'Animal  mourut  d'inanition 
au  bout  de  seize  jours,  après  avoir 
perdu  environ  1/9^  de  son  poids  ini- 
tial (d). 

L'indigestibilité  de  la  gomme  est 
mise  aussi  en  évidence  par  une  des 
expériences  de  M.  Boussingault.  Il  fit 
avaler  à  un  Canard  50  grammes  de 
cette  substance,  et  au  bout  de  neuf 
heures  il  en  avait  déjà  retrouvé  Zj6 
grammes  dans  les  excréments  (e). 
Enfin,  M.  Lehmann  injecta  pen- 
dant plusieurs  jours  de  suite,  dans 
l'estomac  d'un  Lapin,  10  grammes  de 
gomme  en  dissolution  dans  90  gram- 
mes d'eau,  et  il  ne  put  découvrir  au- 
cune trace  de  cette  substance,  ni  dans 
l'urine,  pendant  la  vie  de  l'Animal,  ni 
dans,  le  chyle  ou  dans  le  sang  après 
qu'on  l'eut  tué  (/"}. 


(a)  Blondlot,  Traité  analytique  de  la  digestion,  1843,  p.  S!98. 

(6)  Frerich,  Vei'dauung  (Wagner's  Handworterbuch  der  Physiologie,  1846,  t.  III,  p.  406). 

(c)  Lehmann,  Lehrbuch  der  physiologischen  Chemie,  t.  III,  p.  239. 

(d)  Tiedemann  et  Gmelin,  Recherches  expérimentales  sur  la  digestion,  t.  II,  p.  213. 

(e)  Boussingault,  Expériences  statiques  sur  la  digestion  {Ann,  de  chimie  et  de  physique, 
3'  série,  1846,  t.  XVIII,  p.  461). 

(f)  Lehmann,  lac.  cit.,  p.  240. 


216  NUTRITION. 

Rapports         Dgs  coiisidcrations  de  môme  ordre  nous  pcnncltront  aussi  de 

entre  lii 

consommation  saisir  la  caiise  d'une  autre  partieularite  de  l'histoire  physiolo- 

pliysiologiquc        .  i      n    i  •  ,     ,  • 

ot  le  degré    gique  de  I  ahmenlation. 

derdivers  °  J'ai  déjà  eu  l'oeeasion  de  dire  que  l'Homme,  et  les  Animaux 
qui  se  rapproebent  le  plus  de  lui  par  leur  organisation,  ne  peu- 
vent vivre  longtemps  d'un  seul  principe  immédiat  organique, 
quelque  nutritif  que  soit  ce  corps;  qu'il  leur  faut  des  aliments 
complexes,  et  qu'en  général  la  variété  dans  le  régime  est  même 
une  condition  de  bonne  sustentation.  Cela  ne  dépend  pas  tant 
de  l'insuffisance  de  ces  matières  comme  source  des  matériaux 
dont  l'assimilation  est  nécessaire,  que  des  limites  de  la  puis- 
sance digestive,  ou  du  pouvoir  absorbant  des  parois  de  la 
cavité  alimentaire  pour  une  même  substance,  et  de  l'aptitude 
de  l'organisme  à  recevoir  en  même  temps  des  matières  diverses 
comme  si  celles-ci  étaient  seules. 

Ainsi,  dans  une  série  d'expériences  très -intéressantes  faites 
par  M.  Boussingault  sur  la  digestion  chez  le  Canard,  nous 
voyons  que  la  quantité  d'albumine  que  l'Animal  était  suscep- 
tible d'absorber  n'était  en  moyenne  que  d'environ  1°'',26 
seulement  par  heure.  Gavé  avec  de  la  gélatine  seulement,  il  en 
absorbait  pendant  le  même  espace  de  temps  environ  4°', 40  ; 
enfin ,  nourri  avec  un  mélange  de  ces  deux  substances,  il 
absorbait  par  heure  1  gramme  d'albumine  et  environ  [i^\2Q  de 
gélatine,  c'est-à-dire  presque  autant  de  chacune  d'elles  que 
si  elles  avaient  été  ingérées  dans  l'estomac  isolément.  Or, 
1^',26  d'albumine  sèche  ne  renferme  qu'environ  0'',6S  de 
•  carbone,  et  le  Canard  consomme  par  heure  à  peu  près  1^',25 
de  ce  principe  combustible.  L'albumine  seule  est  donc  pour  lui 
un  aliment  insuffisant  ;  mais,  associée  à  de  la  gélatine,  elle 
constitue  une  ration  qui  peut  répondre  aux  besoins  physiolo- 
giques dépendants  de  la  combustion  respiratoire.  La  quantité 
de  fibrine  que  les  Canards  peuvent  digérer  en  un  temps 
donné  est  également  insuffisante  pour  introduire  dans  le  tor- 


VALEUR    iNUÏlUTlVE    DES    DIVEIIS    ALIMENTS.  217 

rent  de  la  circulation  la  quantité  de  carbone  correspondante  à 
celle  que  le  travail  respiratoire  élimine  de  l'organisme  pen- 
dant !e  môme  espace  de  temps,  et  par  conséquent  les  Ani- 
maux de  cette  espèce  soumis  à  un  régime  composé  de  fibrine 
seulement  seraient  réduils  à  briilcr  une  parlie  de  leur  propre 
substance,  perdraient  de  leur  poids,  et  finiraient  par  mourir 
d'inanition  (1)  ;  mais  nourris  avec  de  la  viande,  c'est-à-dire 
avec  un  aliment  complexe  qui  contient  de  la  graisse  ,  de 
l'albumine  et  d'autres  principes  assimilables  associés  à  de  la 
librine,  ces  Oiseaux  peuvent  subvenir  à  tous  les  besoins  de 
la  combustion  pbysiologique,  car  la  quanlité  de  carbone  qu'ils 
absorbent  alors  peut  dépasser  celle  qui  est  contenue  dans  l'acide 
carboni(iue  qu'ils  exhalent. 

11  résulte  également  de  ces  expériences,  que  l'absorption  des 
matières  grasses  par  les  parois  du  tube  digestif  est  trop  lente 
chez  les  Canards  pour  que  la  quanlité  de  carbone  fourni  de  la 
sorte  à  l'organisme  puisse  suffire  à  alimenter  la  combustion 
respiratoire,  et  par  conséquent,  lors  même  que  des  principes 
azotés  ne  seraient  pas  nécessaires  pour  constituer  la  ration 
d'entretien  de  ces  Animaux,  les  corps  gras  ne  pourraient  suf- 
fire pour  les  nourrir. 

Les  résultats  numériques  que  je  viens  de  présenter  ne  sont 

(1)  Dans  ces  expériences,  un  Canard  élimine  de  l'organisme  au  moins  is^'iS 

fut  nourri  avec  du  l3œuf  bouilli,  se-  par  heure  (e)- 

paré  de  la  graisse  et  réduit  à  Téiat  de  II  est  aussi  à  noter  que  dans  les  cx- 

fibrine  presque  pure  par  des  lavages  périences   do  Magendic,   des   Chiens 

convenables.  La  quantité    digérée  et  nourris  avec  de  la  fibrine  seulement  en 

absorbée  en  treize  heures    et  demie  consommèrent  beaucoup,  mais  néan- 

s'éleva  à  'J/jS^lO,  ce  qui  donne  par  moins    présentèrent   tous    les   signes 

heure  1°'',78.  Or,  ce  dernier  poids  de  d'une  alimentation  insuffisante,  et  l'un 

fibrine  ne  fournit  pas  1  gramme  de  de  ces  Animaux  mourut  d'inanition 

carbone,  tandis  que  la  respiration  en  au  bout  de  deux  mois  (6). 

(a)  Boufsingault,  Expériences  statiques  sur  la  difjestioii  {Ann.  de  clùmle  et  de  physique, 
3°  scric,  1840,  l.  XVII!,  p.  il 3). 

(6)  Magendic,  Rapport  sur  la  gélatine  {Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  1841, 
t  XIII,  p.  272). 

Vin.  15 


218  Nli'lRiTION. 

cvidemiiiciiL  applicables  qu'aux  cas  particuliers  qui  les  out 
Iburiiis,  et  de  ce  que  les  Canards  ne  sauraient  vivre  de  fibrine 
ou  d'albumine  seulement ,  il  ne  faudrait  pas  conclure  qu'il 
n'existe  pas  d'autres  Animaux  ])Our  lesquels  l'une  ou  l'autre  de 
ces  substances  serait  un  aliment  suffisant.  Mais  les  faits  que 
nous  venons  de  passer  en  revue  n'en  ont  pas  moins  une  grande 
portée,  car  ils  nous  montrent  que  l'efficacité  de  toute  ration  ali- 
mentaire est  subordonnée  à  trois  choses  :  à  la  composition  chi- 
mique des  substances  dont  elle  est  formée  ;  à  la  rapidité  plus 
ou  moins  grande  avec  laquelle  l'absorption  s'en  effectue,  et  à  la 
grandeur  des  besoins  nutritifs  de  l'animal.  Ainsi,  on  conçoit 
facilement  que  si  un  être  animé  qui  posséderait  la  même  puis- 
sance digestive  que  le  Canard,  respirait  d'une  manière  beau- 
coup moins  active,  il  pourrait  entretenir  la  combustion  physio- 
logique dont  il  serait  le  siège  à  l'aide  du  carbone  introduit  dans 
son  organisme  par  l'albumine  ou  par  la  fibrine  dont  il  se  sus- 
tenterait; et  que  la  variété  dans  le  régime  doit  être  d'autant  plus 
grande,  que  la  puissance  absorbante  de  l'appareil  digesfif  sera 
plus  petite  relativement  à  l'intensité  de  la  combustion  respira- 
toire et  des  autres  phénomènes  du  travail  nutritif. 

§  /i.  —  Pour  constituer,  sans  emploi  superflu  de  matière 
ahmentaire,  la  ration  d'entrefien  d'un  Animal,  il  faut  évidem- 
ment que  la  quantité  de  substance  nutritive  qu'il  en  peut  tirer 
journellement  porte  dans  le  torrent  delà  circulation,  sous  une 
forme  assimilable,  une  quantité  de  carbone,  d'hydrogène  et 
d'azote  correspondante  à  celle  de  chacun  de  ces  éléments  chi* 
miques  qui  entrent  dans  la  composition  de  l'acide  carbonique 
exhalé  en  vingt -quatre  heures,  et  dans  l'urée  ou  les  autres  ma- 
tières excrémentitiellesdont  la  production  est  une  conséquence 
nécessaire  du  travail  nutritif.  La  composifion  de  cette  ration 
doit  donc  dépendre  en  partie  du  rapport  qui  existe  entre  le  degré 
d'activité  de  la  combustion  respiratoire  qui  détermine  la  for- 
mation de  cet  acide  carbonique  et  lu  grandeur  des  }»hénomènes 


VALEUR    NUTRITlVli)    DES    DIVERS    ALIMENTS.  211) 

cl)iini([iies  qui  amènent  la  transluri nation  des  [)rinei[)cs  orga- 
niques azotés  en  produits  urinaires.  Si  l'emploi  néeessaire  de 
ces  dernières  substances  est  restreint  et  la  combustion  physiolo- 
gique de  carbone  très-active,  les  aliments  hydro-carbonés,  tels 
que  la  fécule,  le  sucre  ou  les  graisses  doivent  être  en  pro[)or- 
tion  considérable  relativement  aux  aliments  albuminoïdes;  car 
la  portion  de  ceux-ci  qui  ne  serait  pas  employée  dans  l'orga- 
nisme pour  réparer  les  pertes  occasionnées  par  la  production 
nécessaire  d'urée  ou  d'autres  principes  de  même  ordre,  et  qui 
ne  servirait  qu'à  donner  du  carbone  ou  de  l'hydrogène,  intro- 
duirait inutilement  dans  l'économie  un  excédant  d'azote,  et  son 
absorption  occasionnerait  une  dépense  superflue  des  forces 
digestives.  En  composant  la  ration  d'après  ces  principes,  il 
y  aura  donc  économie  pour  la  consommation  ahmentaire  et 
allégement  pour  le  travail  digestif.  Mais  ces  avantages  ne  sont 
pas  les  seuls  qui  pourront  résulter  d'un  régime  mixte^  comparé 
à  un  régime  exclusivement  albuminoïde.  Si  la  combuslion  res-      cii^'ic 

,  .  .  .       lies  râlions 

piratoire  nécessite  l'introduction  de  beaucoup  de  cai^bone,  et  si  complexes. 
la  puissance  élémentaire  de  l'appareil  urinaire  n'est  pas  très- 
grande,  l'alimentation  de  cette  combustion  au  moyen  de  ma- 
tières albuminoïdes  pourra  amener  la  production  de  produits 
urinaires,  tels  que  l'acide  urique,  en  quantitét  trop  considérable 
]»our  que  l'organisme  puisse  s'en  débarrasser  en  temps  utile,  et  il 
pourra  en  résulter  une  accumulation  de  ces  matières  dans  l'inté- 
rieur de  l'économie,  ainsi  que  cela  se  Voit  souvent  dans  certains 
états  pathologiques,  tels  que  la  goutte  (1).  Or,  l'observation  nous 

(1)  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  déterminer  la  formation  de  graviers 

de  voir  que  dans  les  affections  de  ce  dans   les   reins  (6).  Les  concrétions 

genre  le  sang  est  parfois  très-chargé  arthritiques   sont  en  général  formées 

de  matières  urinaires  (a),  et  que  l'em-  aussi     en     grande     partie    par    des 

ploi  d'une  nourriture  trop  azotée  peut  urates  (c). 

[a]  Voyez  tome  I,  page  200. 

(6)  Voyez  tome  VII,  page  476. 

(c)  Voyez  Lliéritier,  Traité  de  cidmie  pallwlogique,  \\  094. 

—  Simon,  Animal  Ghemisli'u,  I.  II,  p.  477. 


Ralion 

alimentaire 

de 

l'Homme. 


220  NUTRITION. 

a  de{)uis  longtemps  appris  que  les  alTections  de  ce  genre  se 
dcclarcnt  le  plus  souvent  chez  des  personnes  qui  se  livrent  trop 
aux  plaisirs  de  la  table.  Les  médecins  savent  aussi  que,  pour 
combattre  ces  maladies,  il  suffit  parfois  de  substituera  l'emploi 
des  viandes  succulentes  un  régime  végétal. 

Ainsi,  supposons  un  Animal  qui,  en  remplissant  normale- 
ment le  travail  nutritif  nécessaire  au  maintien  de  l'élat  slation- 
naire  de  son  organisme,  produira  par  jour  800  grammes  d'ocidc 
carbonique  et  20  grammes  d'urée  ou  d'autres  matières  urinaires 
analogues.  S'il  se  nourrissait  de  fibrine  ou  de  caséine  seule- 
ment ,  il  lui  faudrait  pour  sa  ralion  (juotidienne  environ 
o75  grammes  de  ces  substances,  car  la  fibrine,  de  môme 
que  la  caséine,  ne  renferme  que  55  pour  100  de  carbone 
environ;  mais  ce  poids  de  fibrine  portera  dans  l'économie 
60  grammes  d'azote,  tandis  que  pour  remplacer  la  quantité 
d'azote  excrétée  normalement  par  les  voies  urinaires,  il  suffi- 
rait de  IxO  grammes  de  ce  même  élément.  Si,  au  contraire, 
sa  ration  se  compose  de  25  grammes  de  fibrine  et  de 
250  grammes  de  matières  grasses,  il  pourra  satisfaire  aux 
mêmes  besoins  en  n'employant  chaque  jour  que  275  grammes 
d'alimenls. 

§  5.  —  C'est  en  examinant  à  ce  point  de  vue  les  substances 
complexes  dont  l'Homme  fait  sa  nourriture  ordinaire,  ou  dont  il 
se  sert  pour  suslenler  les  Animaux  placés  dans  sa  dépendance, 
que  nous  pouvons  juger  de  la  part  qui  doit  être  attribuée  à  cha- 
cune d'elles  dans  la  composition  des  rations  destinées  à  ces 
usages. 

Ainsi  le  pain,  qui  constitue  la  base  principale  delà  nourriliu^e 
d'tme  grande  partie  de  la  population  en  France,  renferme  des 
principes  amylacés  associés  à  des  matières  azotées  et  mêlés  à 
des  sels  inorganiques  et  à  beaucoup  d'eau.  Sa  composition  varie 
un  peu  suivant  celle  du  blé  dont  on  s'est  servi  pour  le  faire,  et 
suivant  la  manière  dont  la  mouture  de  ce  grain  a  été  prati- 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  221 

quée  (1),  Celui  qui  est  généralement  employé  à  Paris  contient, 
pour  100  parties  en  poids  : 

33     parties  d'eau. 

56,7  parties  de  malif'rcs  amylacées,  principalemciii  de  l'amidon  el  de  la 
dextrine. .     • 
i,'6  partie  de  substances  grasses. 
7      parties  de  substances  azotées,  telles  que  glutine,  rd)rine,  caséine  et  albu- 

inine,  que  l'on  confond  comninnénient  sous  le  nom  de  glulen. 
2      parties  de  pliospliates  de  chaux  et  de  magnésie,  chlorure  de  sodium  et 
autres  substances  minérales. 

(1)  Considérées  sous  le  rapport  ali-  grasses  que  le  périspermc  ;  enfin,  les 

mcntaire,  les  nombreuses  variétés  de  principes  albuminoïdes  qu'il  renferme 

froments  diffèrent  entre  elles  princi-  n'ont  pas  les  mêmes  propriétés  que 

paiement  par  la  proportion  des  ma-  celles  de  la  partie  profonde  du  grain, 

tières  azotées  contenues  dans  le  grain,  qui  est   blanche    et    beaucoup   plus 

et,  à  raison  de  ces  différences,  on  les  riche  en  gluten  souple  et  élastique, 

divise  en  trois  catégories,  savoir  :  les  II   en   résulte  que ,    suivant   que   le 

blés  durs,   les  blés  demi-durs  et  les  blutage    ou  le  procédé  de   mouture 

blés  tendres.  Les  blés  durs  sont  les  employé  enlève  le  son  plus  ou  moins 

plus  riches  en  gluten  ou  principes  al-  complètement,  la   farine  est  plus  ou 

buminoïdes,  dont  la  proportion  s'élève  moins   blanche,    et    apte    à   donner 

en  général  à  près  de  20  pour  100  ou  par  le  pétrissage   avec  de   l'eau  une 

même  davantage  (22,7  dans  le  blé  de  pâte  susceptible  de   bien  lever.    La 

Venezuela).  Les  blés  demi-durs  n'en  coloration  du  pain  bis  est  générale- 

renferment  qu'environ  16  pour  100,  ment  attribuée  au  son,  mais  elle  dé- 

et  les  blés  tendres  n'en  ont  qu'à  peu  pend  principalement  de  l'actfon  exer- 

près  12  pour  100  (a).  cée  sur  le  gluten   par   une    matière 

La  mouture  a  pour  objet  la  sépara-  particulière,  appelée  céréaline,  qui  se 

tion  plus  ou  moins  complète  des  té-  trouve  à  la   surface  du  périsperme, 

guments  de  la  graine,  dont  les  débris  en  contact  avec  le   tégument  de  la 

constituent  le  so7i,  et  du  périsperme  qui  graine  (6). 

renferme  la  fécule,  et  qui,  resté  entier  La  farine  des  boulangers  de  Paris 

ou   faiblement  divisé,  prend  le  nom  contient  : 
de  qruau,  tandis  que  broyé  d'une  ma-  ^  ^""'"' 

nière  plus  complète,  il  prend  la  forme  ^,^^^^  ,    ^ 

de  farine.  Le  son  est  coloré  et  cou-  Amidon 728 

tient  beaucoup  de  cellulose  (environ  Glucose 4,2 

U  centièmes) ,   et  plus  de    matières  Dextrine 2,8  (c). 

(a)  Payen,  Précis  de  chimie  industrielle,  1859,  f.  II,  p.  154. 

(6)  Ctievreul,  Rapport  sur  un  mémoire  de  M.  Mège-Mouriez,  ayant  pour  titre  :  necherches 
chimiques  sur  le  froment,  sa  farine  et  sa  panification  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
4857,  t.  XLIV,  p.  40). 

(c)  Dumas,  Traité  de  chimie,  t.  VT,  p.  589. 


'222  *  NUTRITION. 

Par  conséquent ,  100  grammes  de  ce  pain  renferment 
P'',08  d'azote  et  environ  30  grammes  de  carbone. 

Or,  nous  avons  vu  précédemment  que,  ferme  moyen,  la 
dépense  pliysiologiqued'un  homme  pouvait  être  représentée  par 
21  grammes  d'azote  et  230  grammes  de  carbone. 

Pour  fournir  à  son  organisme  une  quantité  de  carbone  équi- 
valente à  celle  qu'il  exhale,  il  suffirait  donc  d'nne  ration  d'en- 
viron 750  grammes  de  pain.  Mais  ce  poids  de  pain  ne  lui  don- 
nerait qu'environ  8  grammes  d'azote  ;  et,  pour  trouver  dan's  un 
tel  aliment  la  quantité  de  principes  albuminoïdes  dont  il  a  besoin, 
il  lui  faudra  digérer,  non  pas  750  grammes  de  pain  seulement, 
mais  plus  de  2  kilogrammes. 

Si  l'Homme  se  nourrissait  de  riz  seulement,  le  manque  d'ali- 
ments plastiques  serait  encore  plus  grand.  En  effet,  100  grammes 
decelte  céréale  ne  contiennent  qu'environ  7  grammes  de  matières 
azotées  associées  à  près  de  ^^0  grammes  de  substances  amylacées, 
à  quelques  traces  de  matières  grasses,  un  peu  de  cellulose  et 
une  très-faible  proportion  de  matières  minérales.  Pour  fournir 
une  quantité  de  carbone  équivalente  à  celle  qui  est  brûlée  dans 
l'organisme  de  l'individu  dont  il  vient  d'être  question,  il  suffirait 
l>resque  de  650  grammes  de  riz  ;  mais  cette  ration  ne  donnerait 
guère  que  7  grammes  d'azote,  et  le  déficit  des  aliments  plas- 
tiques correspondrait  à  l/i  grammes  de  ce  dernier  élément. 

Supposons,  au  contraire,  la  ration  de  l'Homme  composée  uni- 
quement de  viande  de  boucherie  peu  chargée  de  graisse.  Nous 
avons  vu  précédemment  que  100  grammes  de  cette  matière  ali- 
mentaire contiennent  78^', 50  d'eau  et  seulement  11  grammes 
de  carbone  associés  à  3  grammes  d'azote.  Pour  fournir  à  la 
dépense  physiologique  en  matières  azotées,  il  suffirait  donc 
d'environ  700  grammes  de  cette  viande;  mais  une  pareille 
ration  ne  donnerait  que  71  grammes  de  carbone,  au  lieu  de  230, 
(pi'il  aurait  fallu  introduire  dans  l'organisme.  ^ 

Nous  voyons  donc  que,  pour  rendre  le  régime  de  l'Homme 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  223 

approprié  à  ses  besoins  nutritifs,  sans  dépense  superflue  des 
madères  alimentaires  et  des  forces  digestives,  il  faut  y  réunir, 
dans  certaines  proportions,  des  substances  animales  et  végé- 
tales. Par  exemple,  une  ration  composée  de  600  grammes  do 
pain  et  de  500  grammes  de  viande  donnerait  235  grammes  de 
carbone  et  environ  21  grammes  d'azote,  c'est-à-dire  les  quan- 
tités voulues.  Cette  ration  ne  contiendrait  cependant  en  tout 
que  512  grammes  de  matières  solides,  tandis  que  la  ration 
composée  de  pain  seulement,  et  pesant  2  kilogrammes,  en  con- 
tiendra 1350  grammes.  Une  ration  composée  uniquement  de 
fibrine  ou  d'autres  matières  albuminoïdes  et  de  graisse  en  pro- 
portions convenables  serait  encore  plus  substantielle,  car,  pour 
des  poids  égaux  de  substance  alimentaire  sèche,  elle  donnerait 
une  proportion  plus  élevée  de  principes  plastiques  et  de  com- 
posés carbo-hydrogénés  utilisables  à  titre  de  combustibles  ; 
mais,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  l'absorption  des  corps 
gras  ne  peut,  en  général,  s'effectuer  que  lentement,  et,  par 
conséquent,  l'usage  d'une  certaine  quantité  de  fécule  ou 
de  sucre  comme  aliment  respiratoire  est  généralement  préfé- 
rable (1). 

Lorsqu'on  veut  nourrir  d'une  manière  suffisante  les  Hommes, 
tout  en  ne  faisant  que  la  moindre  dépense  pécuniaire  possible, 


(1)  On  doit  à  M.  Hoppe  une  série  Un  mélange  de  viande  crue  pilée 

d'expériences  intéressantes ,  relatives  et  de  sucre  constitue  un  excellent  ali- 

au  rôle  du  sucre  dans  l'alimentation  nient  pour  les  très-jeunes  enfants  qui 

des  Chiens.  Il  a  constaté  qu'en  asso-  viennent  d'être  sevrés,  et  qui  ne  di- 

ciant  cette  substance  à  la  viande,  ou  gèrent  pas  le  lait  de  Vache  en  quan- 

détermine   une  diminution    dans    la  tité  suffisante  pour  y  trouver  toute  la 

quantité  d'urée  excrétée  et  une  aug-  nourriture  dont  ils  ont  besoin.  J'ai  eu 

mentation  plus  rapide  du   poids  du  plusieurs  fois  l'occasion  d'en  constater 

corps,  que  dans  le  cas  où  la  ration  se  l'utilité, 
compose  de  viande  seulement  (a). 

(a)  Hoppe,  Ueber  den  Einfluss  des  Rohrzuckers  auf  die  Verdammg  vnd  Erndhnmg  lirrhiv 
fur  pathoL  Anat.  und  Physiologie,  1856,  t.  X,  p.  \U}. 


22/|  NUTRITION. 

il  faut  tenir  grand  compte  des  faits  de  cet  ordre,  et  prendre  en 
considération,  d'une  part  la  valeur  vénale  des  différents  ali- 
ments, d'autre  part  leur  valeur  physiologique  relative  aussi 
bien  qu'absolue  (1).  L'art  de  composer  à  bon  marché  des 
rations  d'un  pouvoir  nutritif  déterminé  pour  l'usage  des  Ani- 
maux de  ferme  est  aussi  d'une  grande  importance  en  agro- 
nomie. Mais  ces  questions  ne  sont  pas  de  notre  domaine,  et 
nous  ne  devons  nous  en  occuper  qu'on  tant  que  leur  étude 
peut  jeter  d'uliles  lumières  sur  l'histoire  générale  de  la  nutri- 
tion ;  elles  sont,  coQime  on  le  voit,  très-compliquées,  et,  pom^ 
les  résoudre,  il  ne  suffit  pas  des  données  fournies' par  l'analyse 
chimique,  il  (\iut  aussi  avoir  égard  à  l'ensemble  des  propriétés 
de  chaque  substance  alimentaire,  et  bien  connaître  les  besoins 
réels  que  le  travail  nutritif  fait  naître  dans  les  organismes 
vivants ,  suivant  les  conditions  dans  lesquelles  ces  organismes 
fonctionnent. 

§  6.  —  D'après  ce  que  nous  savons  déjà  sur  l'emploi  pby- 
de  siologique  des  matières  alimentaires,  nous  pouvons  prévoir 
égaleuient  que  la  composition  de  la  ration  la  plus  convenable 
pour  un  Animal  déterminé  pourra  varier,  suivant  qu'il  sera 
jeune  ou  que  sa  croissance  sera  terminée,  ou  bien  encore  sui- 
vant qu'il  sera  au  repos,  ou  qu'il  fera  un  grand  usage  de  sa 
force  musculaire.  Toutes  choses  étant  égales  d'ailleurs,  le  jeune 
Animal  a  besoin  de  fournir  au  travail  histogénique  dont  dépend 
sa  croissance,  en  môme  temps  qu'il  fournit  à  l'entrelien  de  la 
combustion  respiratoire  ;  par  conséquent,  il  aura  besoin  d'une 
plus  forte  proportion  d'aliments  azotés  que  l'animal  adulte, 


(1)  Je  citerai  à  ce  sujet  des  reclier-  sur  la  valeur  relative  du  pain  et  de  la 
ches  intéressantes  qui  ont  été  faites  viande  de  liouclierie  plus  ou  moins 
récemment  par  MM.  Lawes  et  Gilbert      chargée  de  graisse  (a). 


(tt)  Lawcs  and  Gilbert,  Expérimental  Inqu'mj  into  Ihe  Composition  of  the  Animais  feJ  and 
slaughtered  as  Ihiman  food  (Philos.  Trans.,  -1858,  p.  508  et  sniv.). 


l'âge. 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  225 

dont  le  corps  ne  grandit  plus.  Aussi,  en  comparant  le  régime 
alimenlaire  qu'une  longue  pratique  a  conduit  à  adopter  dans 
divers  clablissements  publics,  pour  des  adultes  et  pour  des 
enfants,  a-t-on  remarqué  que  la  ration  des  derniers  conlient 
proportionnellement  plus  d'aliments  plastiques  et  moins  d'ali- 
ments respiratoires  que  celle  des  premiers  (I). 

Comme  nous  l'avons  déjà  vu,  l'activité  musculaire  accélère 
le  travail  chimique  dont  dépend  la  transformation  des  matières 
albuminoïdes  en  principes  urinaires,  et  par  conséquent  aussi, 
quelle  que  soit  dans  ces  conditions  la  quantité  de  carbone  brûlé 
dans  l'organisme,  il  faut  plus  d'aliments  plastiques  que  chez 
l'individu  au  repos.  Sur  ce  point,  les  résultats  fournis  parla  pra- 
tique sont  parfaitement  d'accord  avec  les  vues  théoriques,  et 
chacun  sait  que  l'ouvrier  qui  exécute  des  travaux  de  force  a 
besoin  de  manger  plus  de  viande  ou  d'autres  aliments  azotés 
que  l'homme  de  lettres,  dont  le  système  musculaire  ne  fonctionne 
que  peu  (2).  Un  exemple  remarquable  de  l'inOuence  que  le 


Influence 

du 

travail 

musculaire. 


(1)  M.  Playfair  a  publié  des  re- 
cherches statistiques  très-intéressantes 
sur  le  régime  alimentaire  des  sol- 
dats, des  prisonniers  et  des  collégiens 
en  Angleterre.  Il  a  fait  connaître  non- 
seulement  le  poids  des  aliments  azo- 
tés et  non  azotés  qui  sont  consom- 
més par  individu  pendant  une  se- 
maine ,  mais  aussi  la  quantité  totale 
de  carbone  qui  est  contenue  dans  ces 
substances,  et  la  proportion  existant 
entre  le  carbone  des  aUments  appar- 
tenant aux  deux  classes  de  substances 
indiquées  ci-dessus,  ce  qui  permet  de 
bien  apprécier  la  proportion  des  ali- 
ments plastiques  et  des  aliments  dits 
respiratoires  dans  ces  diverses  rations. 


Or,  nous  voyons,  par  les  documents 
réunis  dans  ce  travail,  que  si  l'on  re- 
présente par  l  la  quantité  de  carbone 
contenu  dans  les  aliments  plastiques, 
celle  du  carbone  contenu  dans  les  ali- 
ments respiratoires  est  d'environ  5  ^ 
dans  le  régime  adopté  pour  les  garçons 
des  écoles  publiques  de  Londres,  de  6,1 
dans  celui  employé  pour  les  adultes 
dans  les  maisons  de  refuge  de  la  même 
ville,  et  de  6,8  pour  les  adultes  dans 
les  prisons  (a). 

(•2)  Je  citerai,  à  ce  sujet,  rm  fait  en- 
registré par  M.  Playfair.  Les  détenus 
dans  les  prisons  anglaises  au  Bengale 
sont  nourris  de  manière  à  recevoir, 
pour  une  quantité  d'aliments  azotés 


(a)  Playfair,   On   the  Food  of  Mail  under  différent   Conditions   of  Age  and   Employment 
(Edinhurgh  netc  Philos,  Journal,  i854,  t.  LVF,  p.  260). 


Influence 

de 

la  température 


226  NUTRITION. 

R'gime  plus  ou  moins  azoté  exerco  sur  le  développement  des 
forces  physiques  de  l'Homme,  s'est  produit,  d  y  a  quelques 
années,  lorsqu'on  exécutait  entre  Paris  et  Rouen  les  grands  tra- 
vaux nécessaires  pour  l'établissement  du  chemin  de  fer  qui 
relie  ces  deux  villes.  Les  entrepreneurs  de  terrassement  avaient 
fait  venir  plusieurs  escouades  d'ouvriers  anglais,  et  avaient 
remarqué  que  ceux-ci  mangeaient  beaucoup  plus  de  viande 
que  les  ouvriers  français  employés  aux  mêmes  travaux,  mais 
faisaient  aussi  beaucoup  plus  d'ouvrage  ;  on  mit  alors  les 
ouvriers  français  à  un  régime  alimentaire  analogue,  et  bientôt 
on  les  vit  déployer  non  moins  de  force  que  leurs  compagnons 
d'outre-Manche  (1). 

§  7.  —  La  température  atmosphérique  paraît  exercer  aussi 
une  certaine  influence  sur  la  nature  des  aliments  qui  convien- 
nent le  mieux  à  l'Homme  et  aux  Animaux,  ainsi  que  sur  l'em- 
ploi que  ces  êtres  sont  susceptibles  de  faire  des  matières  assi- 
milables (2).  Dans  les  pays  très-froids,  où  la  dépense  de  chaleur 


contenant  1  de  carbone,  des  aliments  ouvriers  français  ne  mangeaient  que 

carlîo-liydiogénés  dans  la  proportion  pcude  viande,  et  se  nourrissaient  prin- 

de  7,6  lorsqu'ils  ne  sont  pas  astreints  cipalement   de  pain  et  de  légumes, 

au  travail,  et  de  5,9  lorsqu'ils  sont  con-  Des   observations   analogues  ont  été 

damnés  à  des  travaux  de  force.  Les  faites  en  Irlande,  où  les  ouvriers  se 

premiers  reçoivent  par  semaine  envi-  nourrissent  d'ordinaire  de  pommes  de 

ron  18  onces  d'aliments  azotés,  les  terre  et  de  lait  seulement  (6). 

seconds  plus  de  28  onces  des  mêmes  (2)  M.  May  a  fait  une  série  d'cxpé- 

substances  (a).  riences  relatives  à  la  température  la 

(1)  Les  ouvriers  anglais  dont  il  est  plus  favorable  à  l'utilisation  de  la  ra- 

ici  question  consommaient  journelle-  tion  alimentaire  des  Vaches,  et  il  a 

menl  660   grammes  de   viande,  700  trouvé  que  c'est  dans  une  atmosphère 

grammes  de  pain,  1  kilogramme  de  à  12»  ou  13"  centigrades  que  ces  Ani- 

pommes  de  terre  et  2  kilogrammes  de  maux  produisent  le  plus  de  lait  et  de 

bière,    ils     recevaient    ainsi    3ls%9  viande  à  l'aide  d'une  quantité  donnée 

d'azote  alimentaire,   tandis    que  les  d'aliments  (c). 

(a)  Playfair,  Op.  cit.  (Edinh.  netv  Philos.  Joimi.,  1854,  t.  LVI,  p.  26G). 
(6)  Payen,  Des  substances  alimentaires,  p.  379. 

(c)  May,  Bei  welcher  Temperatur  vArd  bel  Kiihen  das  Fulter  am  hesten  verwerlhel  (Molesolioll's 
Untersvchungen  ^ur  Naturlehre,  1858,  t.  V,  p.  319). 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS,  227 

animale  est  très-grande,  et  où,  par  conséquent,  la  combustion 
physiologique  doit  être  très-active,  la  consommation  des  matières 
grasses  est  en  général  fort  considérable,  et,  comme  l'a  trèS' 
bien  fait  remarquer  M.  Liebig,  ce  régime  est  en  parfaite  har- 
monie avec  les  besoins  du  travail  respiratoire,  car  les  graisses 
sont,  de  toutes  les  substances  alimentaires,  celles  qui,  pour  un 
poids  délerminé  de  matière,  fournissent  le  plus  de  combustibles 
et  dégagent  le  plus  de  chaleur  par  le  fait  de  leur  oxydation.  En 
effet,  ces  substances  sont  très-riclies  en  hydrogène  et  en  car- 
bone, mais  ne  contiennent  que  peu  d'oxygène;  on  conçoit  donc 
que,  dans  ces  circonslances,  des  matières  de  ce  genre  puissent 
être  plus  utiles  que  des  alimenls  féculents  ou  sncrés,  dans 
lesquels  la  totalité  de  l'hydrogène  se  trouve  associée  à  de  l'oxy- 
gène dans  les  proportions  voulues  pour  former  de  l'eau,  et  par 
conséquent  ne  sauraient  être  utilisés  comme  combustibles  dans  le 
travail  respiratoire  (1).  Il  est  aussi  à  noter  que,  toutes  choses 
étant  égales"  d'ailleurs,  l'absorption  d'une  substance  est  d'autant 
plus  facile,  qu'il  en  existe  moins  dans  le  torrent  de  la  circula- 
tion, et  que,  par  conséquent,  la  combustion  rapide  des  matières 
grasses  sous  l'intluence  de  l'oxygène  inspiré,  qui  semble  devoir 
s'effectuer  dans  les  climats  très-froids,  doit  tendre  à  augmenter 
la  puissance  de  l'action  absorbante  exercée  sur  les  matières  de 
même  ordre  par  les  parois  du  canal  digestif.  Aussi  plusieurs 
des  voyageurs  qui  ont  visité  les  terres  polaires  insistent-ils  non- 
seulement  sur  la  grande  consomma  lion  d'huile  que  font  les 
habitants  de  ces  régions  glacées,  mais  aussi  sur  l'aptitude  qu'ils 
avaient  acquise  eux-mêmes  à  suivre  un  régime  analogue  dont 

(1)  M.  Liebig  a  fait  remarquer  avec  les  matières  amylacées,  sont  des  ali- 

raison  que  les  graisses  contenant,  pour  ments  respiratoires  plus  puissants,  et 

un  même  poids  de  carbone  et  d'iiydro-  que  ce  fait  explique  leur  utilité  dans 

gène,  dix  fois  moins  d'oxygène  que  le  régime  des  habitants  du  Nord  (a). 

(a)  Lieliig,  Nouvelles  Lettres  sur  In  chimie,  p.  124,  141,  elc. 


2*28  NUTRITION. 

ils  se  seraient  mal  nccommodés  dans  les  climals  tempe'rés  ou 
chauds  (1).  J'ajouterai  que  la  quantité  de  chaleur  dégagée  par 
la  combustion  de  l'hydrogène  est  presque  trois  fois  aussi  con- 
sidérable que  celle  qui  résulte  de  la  transformation  du  carbone 
en  acide  carbonique  (2). 
Engraissemeni.  §  8.  —  Lorsqu'uu  Animal  mange  à  discrétion,  la  quantité 
d'alimenls  qu'il  consomme  est  en  général  réglée  par  la  grandeur 
de  la  puissance  fonctionnelle  de  son  appareil  digestif.  Si  cette 
puissance  est  insuffisante  pour  répondre  aux  besoins  du  travail 
nutritif,  de  môme  que  lorsque  la  ration  alimenfaire  est  trop 
faible,  l'Animal  vit  en  parlie  aux  dépens  de  sa  propre  substance, 
et  le  poids  de  son  corps  diminue  plus  ou  moins  rapidement. 
Mais  lorsqu'au  contraire  la  quantité  de  matière  assimilable  in- 
troduite dans  le  torrent  de  la  circulation  par  l'appareil  digestif 
est  supérieure  à  celle  des  combustibles  employés  à  l'entretien 
de  la  combustion  respiratoire  et  du  travail  histogénique  néces- 
saire pour  la  croissance  du  corps,  la  majeure  partie  de  l'excé- 
dant est  emmagasinée  dans  l'organisme,  et  la  réserve  nutritive 
ainsi  formée  constitue  du  tissu  graisseux. 

L'aptitude  des  animaux  à  se  charger  ainsi  de  graisse  varie 
beaucoup  suivant  les  espèces  et  môme  suivant  les  individus  (o). 

(1)  Je  citerai  parliciilièremcnt,  à  cet  et  qui  se  trouvaient  dans  leur  état  or- 
égard,  les  ojjservations  de  M.  Taylor  (a),      dinaire,  celte  quantité  constitua  18,7 

(2)  Voyez  ci- dessus,  page  2/i.  pour  100  du   poids   total  du  corps, 

(3)  La  quantité  totale  de  matières  mais  chez  des  individus  surchargés 
grasses  contenues  dans  le  corps  de  de  graisse,  elle  s'éleva  à  /i5,8  de  ce 
divers  Animaux  de  houcherie,  et  ex-      même  poids  total. 

traite,  soit  par  la  fusion  ou  l'exprès-  Chez  les  Cochons  de  basse- cour,  la 

sion,  soit  par  l'action  dissolvante  de  graisse  représenta  les  23  centièmes  du 

l'éther,  a  été  déterminée  avec  beau-  poids  de  l'organisme,  et  chez  les  Co- 

coup  de  soin  par  MM.  Lawes  et  Gil-  chons  gras  elle  s'est  trouvée  dans  la 

bert.  proportion  de  /i2,2  pour  100. 

Chez  des  Moutons  qui  n'avaient  pas  Chez  les  Bœufs  ordinaires,  cette  pro- 

été  mis  au  régime  de  l'engraissement,  portion  était  de  19  pour  100,  et,  chez 

(6)  Baron  Taylor,  Northern  Travels,  1858,  p.  40. 


VALEUR    ISUTUITIVE    DES    UlVEllS    ALIMENTS. 


220 


Chez  quel(jucs  races  de  Moutons,  elle  est  porlcc  si  loin,  (jii'eri 
peu  de  temps  le  poids  du  corps  peut  être  presque  doublé  de  la 
sorte;  mais,  en  général,  lorsque  l'accumulaliori  de  la  graisse 
dans  l'organisme  dépasse  certaines  limites,  il  en  résulte  un  état 
pathologique.  Elle  est  favorisée  par  toutes  les  circonslancesqui, 
sans  affaiblir  la  puissance  digcslivc  et  absorbante,  diminuent 
l'activité  du  travail  nutritif  (1).  Nous  avons  déjà  vu  (jue  le 
repos  musculaire  est  une  de  ces  circonstances.  L'inactivité 
des  organes  reprodueleurs  tend  à  produire  le  môme  effet, 
et  la  zootechnie  pratique  nous  apprend  que  la  castration 
prédispose  à  l'engraissement  la  plupart  de  nos  Animaux  domes- 
tiques. 

§9. —  Nous  avons  vu  précédemment  (|ue  certaines  sub- 
stances îcndcnt  à  ralentir  le  travail  de  combustion  pliysiolo- 


Aclion 
de  diverses 
substances 

sur 
la  nutrition. 


au  Animal  de  même  espèce  bien  en- 
graissé, elle  s'est  élevée  à  oO,l  pour 
100. 

Enfin,  chez  les  jeunes  individus,  les 
matières  grasses  étaient  moins  abon- 
dantes. Ainsi,  chez  un  Veau  gras,  le 
poids  de  ces  substances  ne  constituait 
que  l/i,8  pour  100  du  poids  total,  et 
chez  un  Agneau  engraissé,  elles  en- 
traient pour  28,5  centièmes  dans  le 
poids  total  du  corps  [a). 

(l)  Beaucoup  d'agronomes  qui  ont 
écrit  sur  l'élevage  de  nos  Animaux  de 
boucherie  ont  considéré  le  grand  dé- 
veloppement des  poumons  et  l'activité 
respiratoire  comme  étant  des  condi- 
tions favorables  à  l'engraissement  ; 
mais  il  n'en  est  pas  ainsi.  11  est  vrai 
que  les  individus  dont  le  thorax  est 


grand  et  les  membres  petits,  sont  en 
général  plus  aptes  à  tirer  bon  parti 
de  leurs  aliments  et  à  engraisser  rapi- 
dement; aussi,  en  favorisant  par  la 
.'élection  des  reproducteurs  le  déve- 
loppement de  ces  particularités  phy- 
siologiques, les  agdcuUeurs  sont- ils 
parvenus  à  accroître  beaucoup  cette 
aptitude  dans  certaines  races  de  Mou- 
tons et  de  Boeufs.  Mais  les  dimensions 
de  la  région  thoracique  du  corps  ne 
sont  pas  en  relation  avec  la  capacité 
pulmonaire  ou  l'activité  respiratoire, 
et  tout  ce  qui  tend  à  augmenter  la 
combuslion  physiologique  est  défavo- 
rable à  l'utilisation  des  aliments  pour 
la  production  de  la  graisse.  On  doit  à 
M.  Bauderaent  de  très-bonnes  recher- 
ches sur  ce  sujet  {b). 


(a)  Lawes  and  Gilberl,  An  Expcrime  ital  [iiquinj  inlo  Un  ComposUio.i  ofsome  of  Iha  Anhnds 
fed  and  slaughtered  as  Humaii  fuod  [Philos.  Trans.,  1859,  p.  509). 

(b)  Baudemeiit,  Observations  sur  Ici  rapports  qui  e.tlslent  entre  le  développement  de  li  poi- 
trine, la  conformation  et  les  aptitudes  des  races  bovines  (Ann.  du,  Conservatoire  des  arts  et 
métiers,  et  Ann.  des  sciencesuat.,  i°  série,  1801,  t.  XV,  p.  331). 


250  NUTRITION. 

gi(iue  dont  l'cconomie  animale  est  le  siège  (1).  11  est  donc 
évident  que  ces  matières,  si  elles  n'exercent  aucune  action 
nuisible  sur  l'organisme,  pourront  tenir  lieu  d'une  portion  des 
aliments  combustibles  dont  la  ration  d'entretien  se  compose 
d'ordinaire  ;  et  si,  en  même  temps,  elles  excitent  le  système 
nerveux  de  façon  à  relever  les  forces,  et  si  elles  sont  suscep- 
tibles de  jouer  le  rôle  de  combustibles  dans  l'action  de  la 
respiration,  elles  pourront  avoir  une  importance  considérable 

Café  dans  la  nutrition.  Tel  est  le  café,  dont  plusieurs  peuples  font, 
comme  chacun  lésait,  un  grand  usage.  ]\].  Lelimann  a  con- 
staté expérimentalement  que  chez  l'homme  l'action  de  cette 
substance  tend  à  diminuer  beaucoup  la  production  de  l'urée  et 
des  matières  salines  dont  l'existence  dépend  du  travail  d'oxy- 
dation qui  s'opère  dans  toutes  les  parties  vivantes  de  l'éco- 
nomie animale  (2). 

Alcool.  Des  effets  analogues  paraissent  résulter  de  l'emploi  de  plu- 

sieurs autres  substances  qui  exercent  une  aciion  stimulante  sur 
le  système  nerveux  :  le  thé  (3)  et  l'alcool,  par  exemple.  Nous 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  voir  que  l'usage  des  liquides  spiri- 
tueux est  Suivi  d'une  diminution  dans  la  quantité  d'acide  car- 


(1)  Vo^ez  ci-dessus,  page  188.  solides  consommés   diminua,    terme 

(2)  L'opinion  contraire  a  été  sou-  moyen,  de  12  grammes  par  jour;  mais 
tenue  par  M.  Zobel  (a).  que  la  perte  de  poids  subie  par  Forga- 

(3)  M.  Bôcker  a  étudié  cxpérimen-  nisme  était  cei)cndant  beaucoup  ré- 
lalement  l'action  de  l'infusion  de  thé  diiite.  La  différence  était  dans  le  raj)- 
sar  l'économie  animale  dans  des  cir-  port  de  539  à  336.  La  quantité  d'uré  t 
constances  d'alimentation  insuffisante  excrétée  en  vingt-quatre  heures  di- 
pour  l'entretien  du  poids  du  corps,  et  niinua  d'environ  1  gramme  sous  Pin- 
il  a  constaté  que  lorsque  ce  liquide  fluence  du  thé,  mais  la  quantité  d'acide 
était  substitué  à  l'eau  dont  il  buvait  carbonique  expulsé  par  les  poumons 
d'ordinaire  ,   la    quantité    d'aliments  resta  constante  (6). 


(a)  Zobel,  Reflexioneii  ûber  Knffeinhaltige  Geiiussmillcl  [Prciger  Vlertcljahischrilï  fur  die 
pyakt.  Ileilkunde,  1853,  t.  II,  p.  105). 

(6)  Bôcker,  Versiwha  ùber  die  ^Vil•kung  des  Thees  (Archiv  des  Verdns  fier  OemciitsuluifUichc 
Arbeileu  *!«'  FOrderung  der  wissenschaftlichcn  Heilkunde,  4853)^ 


VALEUR    NUTRITIVE    DES    DIVERS    ALIMENTS.  231 

buuiquc  Iburnie  par  la  combustion  respiratoire  (l)  ;  il  en  csl 
(le  même  pour  l'urée  et  les  autres  produits  de  la  mutation  de 
la  matière  organique  qui  constitue  ou  accompagne  le  travail 
nutritif  (2).  L'usage  modéré  de  l'alcool  tend  à  ralentir  la  con- 
somiïiation  nutritive  des  combustibles  organiques,  tout  en 
soutenant  les  forces  de  l'économie  animale.  Lorsque  la  nour- 
j'iture  est  abondante,  l'influence  de  cette  substance  devient  ainsi 
nuisible  plutôt  qu'utile  ;  mais  lorsque  la  ration  alimentaire 
par  elle-même  est  insuffisante,  elle  peut,  jusqu'à  un  certain 
point,  suppléer  à  ce  déficit,  non-seulement  en  contribuant 
directement  à  l'entretien  de  la  combustion  respiratoire,  mais 
aussi  en  retardant  la  marche  de  ce  travail.  Des  expériences 
intéressantes  ont  été  faites  à  ce  sujet  par  M.  Hammond,  qui  a 
vu  l'emploi  d'une  certaine  dose  de  liquides  spiritueux  arrêter 
les  pertes  de  poids  que  le  corps  éprouvait  par  suite  d'une 
nourriture  insuffisante,  et  diminuer  en  même  temps  la  quantilé 
de  tous  les  produits  excrémentitiels  de  l'organisme  (3). 

(1)  Voyez  tome  II,  page  535.  Phosphates  terreux 0,27 

(2)  M.  Bôcker,  en  expérimentant  sur  Sels  décomposabies  par  la 

lui-même,    trouva    que  l'emploi    ali-  chaleur  et  matières  extrac 

,       ,,  ,        ,     T     .  1,  livcs 13,36 

mentau-e  de   lalcool  diminnç  d'une 

manière  très-notable  les  produits  ex-  L'emploi  de  l'alcool  réduisit  aussi  la 

crémentitiels  du  travail   nutritif.  En  quantité  d'acide   carbonique   excrété 

comparant  ces  produits  pendant  l'em-  par  les  poumons,  d'environ  lG'o,7hli 

ploi  de  la  ration  d'entretien  ordinaire,  centimètres  cubes  par  jour,  mais  ne 

avec  ou  sans  l'addition  d'une  certaine  parut  pas  influer  sur  la  quantité  d'eau 

quantité  d'alcool,  il  fut  conduit  à  éva-  exhalée  (a). 

hier  cette  diminution  de  la  manière  (3)  Dans  nne  des  séries  d'expérien- 

suivante  :  ces    faites   par  ce   physiologiste  sur 

lui-même,   le  poids  du  corps  dimi- 


nuait journellement  de  0,28,  par  suite 


Urine 1151,7 

Eâu  contenue  dans  l'urine.  1115i49  .        . 

-,  ,.>       .    .       ,.,               n^  al  d  mie  ahmenlation  msuihsante ,  lors- 

Matiere  unnaire  solide.   .  .          30, a*  ' 

Uj.^g                                     ^3  3Q  qu'il  ajouta  à  sa  ration  12  drachmes 

Acide  urique 0,09  d'alcool  étendu  d'eau.  En  cinq  jours 

Mucus 0,09  de  ce  nouveau  régime,  non-seulement 

(a)  Bdcker,  Beitrâge  x-w  Hellkimde  (voyez  British  and  Foreigri  Med.-Chii'.  Heview,  1854, 
t;  XIV,  p.  398). 


OAO 


Bière,  etc. 


ISIJTIUTIO.N. 

§  10.  —  il  est  aussi  à  noter  que  la  euiiiposilion  de  la  ralion 
aliuicnlairc  peut  influer  d'une  manière  [)lus  marquée  sur  cer- 
taines parties  du  travail  éliminatoire  dont  l'organisme  est  le 
siège  que  sur  l'ensemble  de  ce  phénomène.  Ainsi  la  quantité 
de  phosphate  terreux  que  le  lavage  irrigatoire  enlève  aux  tissus 
et  verse  dans  les  voies  urinaires  est  diminuée  par  l'emploi 
alimentaire  du  sucre  en  proportion  considérable  (1),  et  l'usage 
de  la  bière  paraît  activer  singulièrement  l'excrétion  du  chlorure 
de  sodium  (2). 


ramaigrissement  tïu  arrèlé ,  mais  le 
poids  du  corps  s'éleva  notablement. 
En  même  temps,  l'exhalation  d'acide 
carbonique  par  les  poumons  avait  été 
réduite  d'environ  312  grammes  par 
jour,  et  l'excrétion  quotidienne  d'urée 
diminuée  de  5/i,5  grains  (a). 

On  pense  assez  généralement  que 
l'alcool  est  un  aliment  de  la  respira- 
lion,  et  qu'après  avoir  été  introduit 
dans  le  torrent  de  la  circulation,  il  est 
en  majeure  partie  oxydé,  de  façon  à 
donner  naissance  finalement  à  de 
l'acide  carbonique  et  à  de  l'eau  (h). 
Il  semblait  même  résulter  des  expé- 
riences de  M.  Duchek,  que  ce  liquide 
était  d'abord  transformé  en  aldé- 
hyde (c).  Mais  les  reclicrches  plus 
récentes  de  MM.  Lallemand,  Perrin  et 
Duray  tendent  à  établir  que  cette 
transformation  n'a  pas  lieu,  et  que  la 
plus  grande  partie  de  l'alcool  absorbé 
est  assez  promptement  exhalée  par  les 
poumons  [d). 


(1)  M.  Bocker  a  remarqué  que  l'cm- 
i)loi  du  sucre,  comme  aliment,  tend  à 
diminuer  notablement  l'élimination  des 
phosphates  terreux  par  les  voies  uri- 
naires. Il  évalue  à  0s%013  la  diffé- 
rence déterminée  de  la  sorte  dans 
l'excrétion  du  phosphate  de  chaux  par 
kilogramme  du  poids  du  corps,  et  il 
conclut  de  ses  observations  que  ce 
comestible  retarde  le  travail  de  dés- 
assimilation  dans  le  tissu  osseux  (e). 

(2)  Il  résulte  des  recherches  expé- 
rimentales de  M.  Bocker  sur  les  effets 
produits  par  l'usage  de  la  bière,  que 
cette  boisson,  indépendamment  de  l'ac- 
tion qu'elle  exerce  à  raison  de  son 
alcool,  inffue  d'une  manière  remar- 
quable sur  l'excrétion  du  chlorure  de 
sodium  par  les  voies  urinaires.  D'a- 
près l'analyse  de  la  bière  employée, 
on  constata  que  ce  liquide  ne  conte- 
nait que  des  traces  de  chlorure  de  so- 
dium et  très-peu  de  chlorure  de  potas- 
sium ;  cependant  les  jours  où  i\l.  Bocker 


[a]  Voyez  Day,  Clœmislry  in  Us  Relalions  lo  Physiology  and  Mcdicinc,  18G0,  p.  515. 

(';)  Bouchai'dat  et  Sanrlras,  De  la  digestion  des  boissons  alcooliques,  et  de  leur  rôle  dans  la 
nulrition  {Annales  de  chimie  et  de  phijsique,  'i'  série,  18i",  t.  XXI,  p.  456). 

—  Liebiî^,  Nouvelles  lettres  sur  la  chimie,  p.  'iii. 

(c)  Diiclic'k,  Ueber  das  Verhallen  des  Alkohols  iin  thierlschen  Organismus  [Pragcr  Vicrtcl- 
jahrschrilt  fïtr  praktisclie  Heïlkunde,  1851^). 

{d)  Lallcniaml,  l'crrin  cl  D»r;iv,  Du  rôle  de  Valcool  et  des  aiiesthéslqucs  dans  l'organisme, 
1860. 

(e)  Docker,  Beitrcige  ;iu;-  Ikilkundc  (\oy.  Brilish  and  Foreigii  Mcd.-Chir.  llevieiu,  1854, 
l.XIV.p.  403). 


VALEUR    MTUITIVE    DES    DlVEliS    AIJMEMS.  'îloO 

Je  dois  rappeler  éi^alementici  que  quelques  peuples  peu  avoii-    subsunces 

'  f^  1        i  i  niinôi-ales. 

ces  en  civilisation  emploient  parfois  comme  aliment  des  matières 
terreuses,  et  apaisent  ainsi  les  souffrances  de  la  faim  ou  même 
se  nourrissent  un  peu.  Les  substances  minérales  employées 
de  la  sorte  renferment  quelquefois  des  débris  de  matières 
organiques  en  proportion  assez  considérable  pour  donner  à  ces 
corps  un  faible  pouvoir  nutritif;  mais,  dans  d'autres  cas,  elles 
sont  trop  pauvres  en  principes  de  ce  genre  pour  que  leur  utilité 
puisse  être  expliquée  de  la  sorte,  et  il  est  probable  qu'alors  elles 
agissent  seulement  comme  absorbants,  pour  s'emparer  du  suc 
gastrique  et  empêcher  son  action  sur  les  parois  de  l'estomac  (1). 

en  prenait  une  certaine  quantité  à  ses  servent  d'aliment  contiennent  une  sub- 
repas, ses  urines  contenaient  jusqu'à  stance  animale  provenant  des  Infusoires 
3  grammes  de  chlorure  de  plus  que  qui  s'y  trouvent  en  grand  nombre, 
dans  les  circonstances  ordinaires  (a).  C'est  le  cas  pour  le  Bergmehl,  ou  farine 
(1)  Humboldt  a  constaté  ce  singu-  de  montagne,  dont  les  Lapons  mangent 
lier  mode  d'alimentation  chez  les  en  temps  de  disette  (e). 
Ottomaques  ,  peuplade  des  bords  Les  Chinois  ont  aussi  recours  à  des 
de  rOrénoque,  dans  l'Amérique  du  matières  terreuses  pour  apaiser  leur 
Sud  (6).  MM.  Spix  et  Martius  signa-  faim  en  temps  de  disette  (/"),  mais 
lent  les  mêmes  habitudes  chez  des  In-  cette  sorte  de  farine  minérale  ne  ren- 
diens  de  la  rivière  des  Amazones  (c),  ferme  que  très-peu  de  matières  orga- 
et  Labillardière    a   observé  des  faits  niques  (g). 

analogues  chez  les  habitants  de  quel-  Des  observations  relatives  à  l'emploi 

ques  villages  de  Java  {d).  L'espèce  de  de  la  terre  en  guise  d'aliment  ont  été 

terre  glaise  employée  de  la  sorte  ne  recueillies  par   plusieurs  autres   au- 

paraît  pas  contenir  de  matières  orga-  teurs  (li),  mais  elles  soiU  en  général 

niques,  mais  d'autres  terres  qui  parfois  fort  incomplètes. 

(a)  Bocker,  Ueber  die  Wirkung  des  Bïers  (Archiv  des  Vereins  fur  fjcmelnsch.  Arbietcn  x,ur 
l-'ôrderung  der  tvissensch.  UeUkuude,  1854). 

(b)  Humboldt,  Tableaux  de  la  nature,  t.  I,  p.  188  cl  suiv. 

(c)  Spix  et  Marlius,  Reise  in  Brasilien,  i.  II,  p.  527. 

{d)  Labillardière,  Voyage  à  la,  recherche  de  la  Pérouse,  t.  II,  p.  322). 

(e)  Humboldt,  Lettre  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1837,  t.  IV,  p.  293). 

—  Trail,  Examination  and  Anahjsis  of  the  Berg-Meal  or  Minerai  J'our  {ound  in  West  Bolhnia 
(Trans.  of  the  Roy.  Soc.  of  Edinburyh,  1844,  1.  XV,  p.  145). 

—  Retzius,  Matière  pulvérulente  formée  de  dépouilles  siliceuses  d'infusoires ,  et  désignée  sous 
le  nom  de  farine  minérale,  etc.  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1838,  t.  VI,  p.  350). 

if)  Biot,  Note  sur  des  matières  premières  employées  en  Chine  dans  les  temps  de  famine,  sous 
le  nom  de  farine  de  pierre  [Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1837,  i.  IV,  p.  301). 

—  Stanislas  Julien,  Sur  la  farine  fossile  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  scienoes,  dSil, 
t,  XIII,  p.  358). 

(g)  Payen,  Note  sur  la  farine  fossile  des  Chinois  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciemes,  1841 , 
t.  xm,  p.  480). 

(h)  Voyez  Burdacli,  Traité  de  physiologie,  t.  IX,  p.  260, 

vni.  16 


23/i  MJTKlTlOiN. 

iiisioyénùsc.  §11.  —  Les  subslances  alimenlaires  que  nous  venons  de 
passer  en  revue  ne  peuvent  être  utilisées  pour  l'entretien  de  la 
vie  de  l'Animal  qu'après  avoir  été  absorbées  et  introduites  dans 
le  torrent  delà  circulation.  La  digestion,  comme  nous  l'avons 
déjà  vu,  a  pour  but  de  les  rendre  absorbables  et  souvent  aussi 
çVen  modifier  les  propriétés  chimiques  ;  mais,  quoi  qu'il  en 
soit  à  cet  égard,  lorsque  ces  matières  sont  arrivées  dans  le 
sang,  elles  s'y  mêlent  aux  autres  principes  dont  ce  liquide  se 
compose,  et  dès  lors  on  peut  en  général  les  considérer  comme 
des  parties  constitutives  du  fluide  nourricier.  En  effet,  leur 
rôle  ultérieur  se  confond  avec  celui  des  matières  préexistantes 
dans  le  sang,  et  elles  servent  tout  d'abord  à  réparer  les  pertes 
que  celui-ci  éprouve  sans  cesse  par  suite  des  sécrétions,  de 
la  combustion  physiologique,  ou  des  autres  phénomènes  à  la 
production  desquels  il  contribue.  En  poursuivant  dans  cette 
direction  l'étude  du  travail  nutritif  dont  l'économie  aniaiale  est 
le  siège,  nous  nous  trouvons  donc  ramenés  à  notre  point  de 
départ,  c'est-à-dire  à  l'examen  du  rôle  du  sang  dans  l'orga- 
nisme, sujet  dont  j'ai  traité  dans  les  premières  Leçons  de  ce 
cours,  et  ici  je  n'aurai  que  peu  de  choses  à  ajouter  à  ce  que 
j'ai  eu  l'occasion  d'en  dire  précédemment.  Si  je  voulais  appro* 
fondir  davantage  ces  questions,  je  me  trouverais  bientôt  réduit 
à  n'exposer  que  des  conjectures  assez  vagues,  et  par  conséquent 
je  dois  être  bref. 

D'après  l'ensemble  des  faits  dont  j'ai  rendu  compte^  nous 
devons  penser,  ce  me  semble,  que  la  partie  essentiellement 
nutritive  du  sang  n'est  en  réalité  que  le  sérum,  qui  tient  en 
dissolution  de  l'albumine  ainsi  qu'une  foule  d'autres  matières 
eombustibles,  et  que  la  fixation  de  l'oxygène  sur  ces  matières 
est  déterminée  principalement  par  l'action  des  solides  vivants, 
dont  les  uns  affectent  la  forme  d'organites  isolés  et  flottent  au 
milieu  du  fluide  nourricier,  où  ils  constituent  les  globules  du 
«ang,  et  dont  les  autres,  agrégés  d'une  manière  plus  ou  moins 


UÔLK    DU    SAiNG.  2Ô5 

intime,  composaient  les  divers  tissus,  tels  (lue  les  membranes, 
les  muscles  ou  la  substance  glandulaire.  Pour  que  les  phéno- 
mènes nutritif  de  cet  ordre  se  manifestent,  il  n'est  donc  pas 
nécessaire  que  le  sang  tout  entier,  c'est-à-dire  le  plasma  et 
les  globules,  arrive  en  contact  .avec  la  partie  vivante;  il  sul'lit 
que  le  sérum  y  parvienne,  et  par  conséquent  aussi,  quoique  la 
multiplicité  des  vaisseaux  sanguins  soit  une  circonstance  très- 
favorable  à  l'activité  du  travail  nutritif,  en  rendant  l'abord  de 
ce  liquide  plus  rapide  et  plus  abondant  dans  les  solides  adja- 
cents, la  vascularité  d'un  tissu  n'est  pas  une  condition  néces- 
saire pour  l'établissement  du  mouvement  nutritif  dans  sa  pro- 
fondeur. Il  faut  seulement  que  le  solide  vivant  soit  perméable 
aux  liquides,  et  c'est  ainsi  que  des  réactions  de  chimie  physio- 
logique d'une  grande  importance  peuvent  avoir  lieu  dans  l'inté- 
rieur des  utricules  qui  constituent  les  tissus  épilhéliques  en 
général,  aussi  bien  que  la  substance  des  glandes,  quoique  ces 
utricules  soient  dépourvus  de  vaisseaux  sanguins.  Cela  nous 
permet  aussi  de  comprendre  comment  les  phénomènes  essen- 
tiels de  la  nutrition  peuvent  se  manifester  de  la  même  manière 
chez  tous  les  Animaux,  que  ceux-ci  soient  ou  non  pourvus  d'un 
système  de  vaisseaux  destinés  au  service  de  l'irrigation  orga- 
nique. 

Mais  les  réactions  chimiques,  qui  jouent  un  rôle  si  important 
dans  la  vie  végétative  de  tous  les  êtres  vivants,  ne  sont  pas  les 
seuls  phénomènes  de  nutrition  dont  l'étude  doive  nous  occu- 
peri  Les  matières  plastiques  contenues  dans  le  fluide  nourricier 
sont  employées  en  partie  à  constituer  les  tissus  qui  provoquent 
ces  réactions,  et,  pour  achever  cette  partie  de  nos  études  phy- 
siologiques, il  faut  par  conséquent  examiner  aussi  comment 
l'organisation  de  ces  substances  s'effectue,  comment  un  Animal 
peut  s'accroître,  et  comment  il  peut  réparer  les  pertes  qu'il 
éprouve.  Mais  tout  ce  qui  se  rappoi'te  au  travail  histogéniquci 
ne  peut  être  bien  saisi  que  lorsqu'on  connaît  ce  qui  se  passe 


2o6  NUTunioN. 

daijs  l'embryon  au  moment  où  loutes  les  parlies  vivantes  com- 
meneent  à  se  constituer  et  s'accroissent  avec  le  plus  de  rapi- 
dité, le  terminerai  donc  ici  la  longue  série  de  Leçons  consa- 
crées spécialement  à  l'histoire  des  fonctions  de  nutrition,  et  je 
compléterai  cette  partie  de  ma  tâche  à  mesure  que  j'avancerai 
dans  l'étude  d'un  autre  groupe  de  phénomènes  qui  se  lient 
d'une  manière  intime  à  ceux  dont  je  viens  de  parler,  mais  qui 
ont  pour  objet  principal  la  multiplication  des  individus  vivants. 
Par  conséquent  j'aborderai  maintenant  l'histoire  des  fonctions 
de  reproduction,  me  proposant  de  ne  traiter  des  phénomènes  de 
la  vie  de  relation  qu'après  avoir  achevé  l'étude  des  fonctions 
de  la  vie  végétative. 


SOIXANTE  ET  ONZIÈME  LEÇON. 

1)E  LA  REPRODUCTION  DES  ANIMAUX.  —  Réfutation  de  l'hypothèse  des  gôncralioiis 

dite?  spontanées. 

§  1.  —  Chacun  sait  que  la  durée  de  tout  être  vivant  a  des  Dcsirucuon 
limites  infranchissables,  et  qu'après  avoir  existé  pendant  un  renouvellement 
temps  plus  ou  moins  long,  les  Animaux,  comme  les  Plantes,  êtres  vivants. 
meurent  nécessairement,  mais  que  cette  destruction  des  indi- 
vidus n'entraîne  pas  la  disparition  des  espèces  ou  types  orga- 
niques dont  ils  sont  des  représentants,  car  ils  ont  tous  la  faculté 
de  produire  d'autres  individus  faits  à  leur  image,  et  de  perpé- 
tuer leur  race  par  voie  de  génération.  Chacun  sait  aussi  que 
le  Chêne  et  le  Froment,  de  même  que  le  Chien,  le  Cheval  et 
l'Homme,  ne  peuvent  naître  que  de  leurs  semblables,  dont  ils 
sont  des  produits  et  dont  ils  tirent  leur  puissance  vitale.  En 
cela,  comme  en  beaucoup  d'autres  choses,  ces  êtres  organisés 
diffèrent  radicalement  des  corps  bruts,  qui  durent  tant  qu'une 
force  étrangère  ne  vient  pas  désassocier  leurs  molécules  con- 
stitutives, qui  ne  sont  jamais  engendrées  par  leurs  semblables 
et  qui  résultent  toujours  de  l'union  ou  de  la  décomposition  de 
corps  dont  la  nature  diffère  de  la  leur.  Ainsi  un  atome  de  craie 
n'est  pas  produit  par  de  la  craie  qui  préexisterait,  mais  naît  de  là 
combinaison  d'un  atome  de  chaux  et  d'un  atome  d'acide  carbo- 
nique ;  de  même  que  tous  les  autres  corps  bruts,  il  n'a  ni 
ascendants  ni  descendants  de  son  espèce,  et  il  est  une  consé- 
quence des  propriétés  dont  est  douée  la  matière  qui  le  con- 
stitue ;  tandis  que  les  corps  organisés  dont  je  viens  de  parler 
ne  se  forment  que  sous  l'influence  d'un  autre  individu  de  leur 
espèce  qui  imprime  à  la  matière  destinée  à  les  constituer  un 
VIII.  17 


dos  Animaux 
€st  parfo 
obscure 


238  REPUODLCTION. 

cachet  parlicLilicr,  on  même  temps  qu'il  y  communique  la  puis- 
sance vitale  dont  il  est  lui-môme  anime.  Aucun  de  ces  êtres 
n'existerait  s'il  n'avait  été  engendre  par  des  parents,  et  si  les 
grandes  lois  de  la  Nature  ont  réellement  la  généralité  que  je  leur 
ai  souvent  attribuée  dans  le  cours  de  ces  Leçons,  nous  devons 
penser  qu'il  en  sera  de  même  pour  tout  ce  qui  vit;  que  tous  les 
Animaux,  ainsi  que  toutes  les  Plantes,  doivent  être  des  descen- 
dants d'autres  Animaux  et  d'autres  Plantes,  et  que  leur  multi- 
plication à  la  surface  de  notre  globe  est  toujours  une  consé- 
quence de  la  faculté  génératrice  dont  les  individus  de  leur 
espèce  sont  doués. 
L'origine  Dans  l'immense  majorité  des  cas,  il  est  facile  de  s'assurer 
e't't™'^  qu'effectivement  les  Animaux  et  les  Plantes  se  reproduisent,  et 
ne  peuvent  naître  que  s'ils  ont  été  procréés  de  la  sorte.  Mais 
dans  quelques  circonstances  cette  filiation  n'est  pas  également 
évidente,  et  parfois  même  on  ne  s'explique  pas  bien,  au  pre- 
mier abord,  comment  certains  Animaux  peuvent  avoir  une 
origine  semblable.  On  ne  leur  connaît  pas  de  mère,  et  l'on  ne 
voit  même  pas  d'Animaux  de  leur  espèce  dans  les  lieux  où  ils 
naissent.  Ainsi  il  n'est  pas  rare  de  voir  des  Anguilles,  des  Apus 
et  d'autres  Animaux  aquatiques  se  montrer  en  nombre  consi- 
dérable dans  des  mares  ou  même  dans  de  petites  flaques  d'eau 
pluviales,  au  milieu  de  terres  qui  étaient  restées  à  sec  pendant 
de  longues  années,  et  qui  par  conséquent  n'avaient  pu  être  habi- 
tables pour  des  êtres  de  cette  nature.  Lorsqu'un  cadavre  exposé 
à  l'action  de  l'air  se  putréfie,  on  voit  souvent  des  milliers  de 
petits  Animaux  vermiformes  s'y  développer,  et  dans  quelques 
cas  on  trouve  des  parasites  non-seulement  dans  les  intestins  de 
beaucoup  d'Animaux,  mais  aussi  jusque  dans  la  substance 
d'organes  en  apparence  inaccessibles  à  des  êtres  venant  du 
dehors,  dans  la  substance  du  foie,  dans  le  globe  de  l'œil  et 
dans  l'intérieur  du  crâne,  aussi  bien  que  dans  le  centre  de  cer- 
tains fruits  et  dans  le  tissu  du  bois. 


HYPOTHÈSE    DR    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  2?)0 

Pour  rendre  compte  de  faits  de  cet  ordre,  les  philosoplies  de    Hjpotii,w. 
l'antiquité  imaginèrent  que  le  limon  de  la  terre ,  les  chairs  la  génmaiion 
corrompues  et  d  autres  substances  privées  de  vie,  pouvaient,    sponinnéo. 
sous  l'influence  de  la  chaleur,  de  l'air  et  de  l'eau,  se  constituer 
en  corps  organisés  qui  prendraient  vie  sans  avoir  été  engendrés 
par  aucun  être  vivant.  Par  un  singulier  emploi  des  mots,  on  a 
appelé  génératiofi  spontanée  ce  mode  d'origine  de  corps  vivants 
qui  ne  seraient  pas  des  produits  d'une  génération  quelconque,  et 
qui  se  constitueraient  de  toutes  pièces  sans  le  concours  d'aucun 
organisme  préexistant;  qui  seraient  créés  et  non  engendrés. 

Cette  manière  d'expliquer  la  formation  des  Animaux  dont 
l'origine  était  entourée  d'obscurité  fut  généralement  adoptée 
par  les  naturahstes  anciens  et  par  les  écrivains  du  moyen  âge  ; 
aujourd'hui  encore  quelques  physiologistes  y  ont  recours,  et 
dans  ces  derniers  temps  elle  a  été  soutenue  avec  ardeur  par 
quelques  hommes  de  talent.  Mais,  à  mesure  que  la  science  a 
fait  des  progrès,  on  a  vu  presque  toutes  les  prétendues  excep- 
tions à  la  loi  de  la  multiplication  des  êtres  vivants  par  voie  de 
génération  rentrer  successivement  dans  la  règle  commune ,  et 
il  me  semble  impossible  de  ne  pas  croire  que,  dans  l'état  actuel 
des  choses,  la  vie  est  toujours  transmise,  que  la  matière  brute 
ou  morte  ne  saurait  à  elle  seule  se  constituer  en  forme  d'être 
organisé,  et  acquérir  le  mode  d'activité  qui  caractérise  soit  un 
Animal,  soit  une  Plante,  et  que  la  multiplication  de  ces  êtres 
s'effectue  d'après  le  même  principe  essentiel,  que  ces  corps 
soient  des  Hommes  ou  des  Monades  ;  en  d'autres  termes,  que 
tout  corps  vivant  provient  d'un  corps  qui  vit. 

§  2.  —  Il  me  paraîtrait  presque  inutile  de  rapporter  ici  tout 
ce  que  les  anciens  ont  dit  de  la  production  des  Animaux  par  le 
limon  des  fleuves  ou  la  corruption  des  cadavres.  Chacun  de 
nous,  dès  son  enfance,  a  été  familiarisé  avec  les  idées  de  ce 
genre  par  la  lecture  de  l'un  des  plus  grands  poètes  de  l'antiquité, 
et  ce  que  Virgile  raconte  des  Abeilles  du  berger  Aristée  n'était 


240  REPRODUCTION. 

(jiK^  l'expression  des  croyances  partagées  par  tous  les  natura- 
listes de  son  temps.  Le  grand  Aristote  avait  pensé  de  même,  et 
généralisant  des  observations  incomplètes,  il  avait  dit  que  tout 
corps  sec  qui  devient  humide,  ainsi  que  tout  corps  humide  qui 
se  dessèche,  produit  des  Animaux,  pourvu  qu'il  soit  susceptible 
de  les  nourrir  (1). 

Quelques  naturalistes  du  moyen  âge  et  de  l'époque  de  la 
renaissance  firent  un  usage  encore  plus  immodéré  d'hypothèses 
analogues.  Ainsi  un  érudit  célèbre  du  xvn'  siècle,  le  père  Kir- 
cher,  assura  que  la  chair  d'un  Serpent  desséchée  et  réduite  en 
poudre,  puis  semée  dans  de  la  terre  et  arrosée  par  la  pluie, 


(1)  Au  (tribut  du  cinquième  livre  de 
son  Histoire  des  Animaux,  Aristote 
s'exprime  de  la  manière  suivante  :  «  Il 
y  a  des  Animaux  qui  sont  produits  par 
d'autres  Animaux  qu'une  forme  com- 
mune place  dans  le  même  genre,  et  il 
y  en  a  qui  naissent  d'eux-mêmes  sans 
être  produits  par  des  Animaux  sem- 
blables. Ceux-ci  viennent  ou  de  la  terre 
putréfiée,  ou  des  plantes,  comme  la 
plupart  des  Insectes  ;  ou  bien  ils  se 
produisent  dans  les  Animaux  mêmes 
des  superfluités  qui  peuvent  se  trou- 
ver dans  les  différentes  parties  de  leur 
corps.  »  Dans  beaucoup  d'autres  pas- 
sages, Aristote  parle  de  la  production 
d'Animaux  par  le  limon  ou  d'autres 
matières  analogues  :  ainsi  il  explique 
de  la  sorte  h  formation  des  larves 
qu'il  appelle  des  Ascarides,  et  qui,  en 


se  niétamorphosanl ,  deviennent  des 
Mouches  du  genre  Empis  ;  il  dit  que 
les  Poux  naissent  de  la  chair,  et  que 
les  Puces  résultent  d'une  fermentation 
qui  se  développe  dans  les  ordures;  il 
attribue  aussi  à  la  génération  dite  spon- 
tanée la  formation  des  Teignes  qui 
rongent  la  laine,  et  des  Acarus  de  la 
cire,  ainsi  que  celle  des  Anguilles  et  de 
quelques  autres  Poissons  [a). 

Diodore  de  Sicile  mentionne  le  dé- 
veloppement d'une  foule  d'Animaux 
aux  dépens  du  limon  du  Nil  échauffé 
par  les  rayons  du  soleil  (6),  et  Plutar- 
que  assure  que  le  sol  de  l'Egypte  paraît 
engendrer  spontanément  des  Rats  (c). 

La  fable  que  Virgile  raconte  au  sujet 
de  la  production  des  Abeilles  au  moyen 
du  cadavre  d'un  bœuf  (d)  a  été  ac- 
ceptée sans  critique  par  Pline  (e). 


(a)  Aristote,  Histoire  des  Animaux,  trad.  de  Camus,  t,  I,  p.  237,  291,  313,  363,  367,  etc. 
(6)  Diodore,  Bibliothèque  historique,  trad.  par  Gros,  4  8-46,  t.  I,  p.  12. 

(c)  Quelques  auteurs  ont  fait  remarquer  que  ce  passage  ne  saurait  s]app)iquer  au  Rat  proprement 
dit,  qui  n'était  pas  connu  des  anciens  ;  mais  on  sait  qu'il  existe  en  Kgypie  une  autre  espèce  du 
même  genre  qui,  clans  les  temps  modernes,  a  été  désignée  sous  le  nom  de  Mus  cohirinus  (voyez 
Geoffroy  Saint-Hilaire,  Description  de  l'Egypte:  Hist.nat.,  t.  II,  p.  733,  Mammifères,  pi.  5,  fig.  1). 

(d)  Virgile,  Géorrjiques,  chant  IV. 

(e)  l'Une,  llistoriarum  mundi  lib.  XI,  §  xxiii. 


IiyPOTIIKSK    I^E    r,A    r.KNÉRATION    DITR    RI'ONTANKF,,  2/|1 

donne  nalssanco  à  des  Vers  (|ui  bienlol  se  Iransformenl  en  Sei'- 
penls  (1). 

En  1638,  un  premier  coup  fiU  porte;  à  (ouïes  ees  idées 
fausses  par  un  médecin  de  Florence,  dont  j"ai  déjà  eu  rocca- 
sion  de  parler  dans  une  précédente  Leeon,  François  Redi  (2). 
A  l'aide  d'expériences  non  moins  simples  que  probantes,  ce 
naturaliste  constata  que  les  prétendus  A^ers  qui  se  montrent 
dans  les  charognes  sont  des  larves  d'Insectes  ;  que  ces  larves 
ne  sont  pas  des  produits  de  la  putréfaction,  mais  naissent  des 
œufs  qui  sont  déposés  sur  la  chair  par  des  Mouches,  et  que  les 
matières  corrompues  dont  on  les  supposait  provenir  ne  sont  en 
réalité  qu'un  aliment  dont  ils  se  nourrissent  (o). 


FApéiiences 
de  P.eili. 


(1)  Ce  savant,  trop  crédule,  s'occu- 
pait de  linguistique,  de  mathématiques 
et  de  physique,  aussi  bien  que  d'his- 
toire naturelle,  et  il  fut  un  des  pre- 
miers à  chercher  à  interpréter  les  hié- 
roglyphes égyptiens.  Il  mourut  à  Rome 
en  1680,  Ce  fut  en  partie  pour  con- 
trôler les  assertions  consignées  dans 
un  de  ses  ouvrages  (a),  que  Redi  entre- 
prit les  expériences  dont  il  va  être 
question. 

(2)  Voyez  tome  V,  page  255. 

(3)  Après  avoir  rendu  compte  de 
beaucoup  d'expériences  faites  pour 
établir  que  les  Animaux  vermiformes 
qui  se  développent  dans  la  chair  en 
putréfaction  sont  des  larves  destinées  à 
se  transformer  en  Mouches  de  diffé- 
rentes sortes,  Redi  s'exprime  dans  les 
termes  suivants  : 

«  D'après  ces  faits  que  je  venais 
d'acquérir,  je  commençais  à  soupçon- 
ner que  tous  les  Vers  qui  naissent  dans 
les  chairs  y  sont  produits  par  des  Mou- 
ches et  non  par  ces  chairs  mêmes, 
et  je   me  confirmais    d'autant    plus 


dans  cette  idée,  qu'à  chaque  nouvelle 
génération  produite  par  mes  soins, 
j'avais  toujours  vu  des  Mouches  vol- 
tiger et  s'arrêter  sur  les  chairs  avant 
qu'il  y  parût  des  Vers,  et  que  les 
^louches  qui  s'y  formaient  ensuite 
étaient  de  même  espèce  que  celles  que 
j'avais  vues  s'y  poser.  Mais  ce  soupçon 
n'aurait  été  d'aucun  poids  si  l'expé- 
rience ne  l'eût  confirmé  ;  c'est  pour- 
quoi, au  mois  de  juillet,  je  mis  dans 
quatre  bouteilles  à  large  cou,  un  Ser- 
pent, quatre  petites  Anguilles  et  un 
morceau  de  veau.  Je  bouchai  bien 
exactement  ces  bouteilles  avec  du  papier 
que  j'arrêtai  sur  leur  orifice  en  le  ser- 
rant autour  du  goulot  avec  une  ficelle; 
après  quoi  je  mis  des  mêmes  choses 
et  en  même  quantité  dans  autant  de 
bouteilles  que  je  laissai  ouvertes.  Peu 
de  temps  après,  les  Poissons  et  les 
chairs  de  ces  seconds  vaisseaux  se  rem- 
plirent de  Vers  et  je  voyais  les  Mouches 
y  entrer  et  en  sortir  librement  ;  mais 
je  n'ai  pas  aperçu  un  seul  Ver  dans 
les  bouteilles  bouchées,  quoiqu'il  se  fût 


{a)  Kirchev,  Mvndvs  sitliterranexis,  lib.  XII. 


Observation 

de 
Vallisnieri. 


2/l2  REPRODUCTION. 

Redi  resta  dans  le  doute  concernant  le  mode  d'origine  de 
certains  Vers  ou  larves  que  l'on  trouve  souvent  dans  l'inté- 
rieur du  corps  de  divers  Animaux  vivants  ou  dans  la  sub- 
stance de  certaines  Plantes  en  pleine  végétation,  et,  tout  en 
refusant  à  la  matière  morte  la  faculté  de  s'organiser  sponta- 
nément et  de  devenir  ainsi  un  corps  vivant,  il  inclina  à  penser 
que  la  force  vitale  dont  les  Plantes,  aussi  bien  que  les  êtres  ani- 
més, sont  douées  pouvait  déterminer  dans  leur  organisme  la 
production  d'Animaux  parasites.  Mais  un  de  ses  disciples, 
Vallisnieri,  ne  tarda  pas  à  faire  rentrer  dans  la  règle  commune 
un  grand  nombre  de  ces  anomalies  présumées,  car  il  constata 
que  divers  Insectes  qui  se  développent  dans  l'intérieur  des 
fruits  sont  les  produits  d'une  génération  ordinaire,  et  qu'ils 
sont  déposés  à  l'état  d'œufs  dans  la  substance  des  Végétaux, 
ou  y  pénètrent  du  dehors  à  l'état  de  larves  pour  y  vivre  et  y 
grandir  (1). 


écoulé  plusieurs  mois  depuis  que  ces 
matières  y  avaient  été  renfermées;  on 
voyait  quelquefois  sur  le  papier  qui  les 
couvrait  de  petits  Vers  qui  cherchaient 
un  passage  pour  s'introduire  dans  ces 
bouteilles  :  ils  semblaient  s'efforcer 
de  pénétrer  jusqu'à  ces  chairs  qui 
étaient  corrompues  et  qui  exhalaient 
une  odeur  fétide...  Je  ne  me  conten- 
tai pas  de  ces  expériences,  j'en  fis  une 
infinité  d'autres  en  différents  temps  et 
avec  différentes  sortes  de  vaisseaux,  et 
pour  ne  négliger  aucune  espèce  de 
tentatives,  je  fis  enfouir  plusieurs  fois 
dans  la  terre  des  morceaux  de  chair, 
que  j'eus  soin  de  faire  recouvrir  de 
terre  bien  exactement  ;  et  quoiqu'ils  y 
restassent  plusieurs  semaines,  il  ne  s'y 


engendra  jamais  de  Vers,  comme  il 
s'en  formait  sur  toutes  les  chairs  sur 
lesquelles  les  Mouches  s'étaient  po- 
sées (a).  » 

Uedi  constata  aussi  l'existence  d'or- 
ganes reproducteurs  chez  divers  Vers 
intestinaux  que  l'on  supposait  généra- 
lement ne  se  multiplier  que  par  la  gé- 
nération dite  spontanée  (6). 

(1)  Vallisnieri  était  un  neveu  de 
l'illustre  Malpighi,  et  il  pratiquait  la 
médecine  à  Padoue,  vers  le  commen- 
cement du  XVIII*  siècle  ;  on  lui  doit 
beaucoup  d'observations  intéressantes 
sur  la  génération  des  Insectes  dont 
les  larves  vivent  dans  ou  sur  les  végé- 
taux. Il  reconnut  aussi  que  l'Animal 
vermiforme  appelé  OEstre,  qui  se  déve- 


(a)  Redi,   Expérimenta  circa  generationem   Insectonnn    (édit.   de  Leyde,  1739),  p.  32  et 
suiv.). 

(b)  Tdem,  De  AnimalcuUs  vivis  quœ  in  corporibus  AnimaUum  vivorvm  reperinntur  observa- 
tiones,  édit.  de  Lovde,  4729. 


HYI'OTHÈSIi    Di:    L\    GÉ.NliKATION    IJITi:    Sl'OMAiNKIi.  2/l3 

UiJ  autre  iiaturalisle  du  xvii'  siècle,  douL  le  nom  revient  sou- 
vent dans  ces  Leçons ,  Swammerdain  [i],  combattit  avec  non 
moins  de  succès  les  erreurs  qui  régnaient  depuis  l'antiquité, 
louchant  l'aptitude  de  la  matière  brute  à  former  spontanément 
beaucoup  d'Animaux  intérieurs  (2).  Ainsi  il  fit  voir  que  les 
Abeilles,  dont  le  nombre  se  compte  par  milliers  dans  chaque 
ruche,  sont  toutes  le  produit,  non  pas  de  la  putréfaction  des 
cadavres,  comme  on  l'avait  prétendu,  mais  du  développement 
des  œufs  pondus  par  l'individu  que  les  anciens  appelaient  le 
m,  et  que  les  modernes  désignent  par  le  nom  mieux  approprié 
de  7'eine  (3).  Il  constata  que  les  Poux  sortent  d'un  œuf,  et  en 


l'icclicrclies 


SwaiimioriJain, 
elc. 


loppe  dans  l'intestin  du  Clioval,  est  en- 
gendré par  une  sorte  de  iMoache,  mais 
il  se  trompa  sur  la  manière  dont  ce 
parasite  est  introduit  du  dehors  dans 
l'intérieur  du  corps  de  l'Animal  où  il 
vit  (o).  Vallisnieri  pensait  que  la  fe- 
melle pénétrait  dans  l'anus  du  Che- 
val pour  y  pondre  -ses  œufs,  tandis 
qu'en  réalité  elle  les  dépose  à  l'exté- 
rieur et  les  colle  aux  poils  de  cet  Ani- 
mal,  sur  une  des  parties  du  corps  que 
celui-ci  a  l'habitude  de  lécher.  Le 
Cheval  ramasse  avec  sa  langue  les 
larves  qui  sortent  des  œufs  ainsi 
placés,  les  avale  et  les  introduit  dans 
son  estomac,  où  elles  séjournent  fort 
longtemps  ;  de  là  ces  parasites  passent 
dans  l'intestin  et  s'échappent  au  dehors 
par  l'anus,  pour  aller  en  terre  achever 
leurs  métamorphoses  (b). 

(1)  Voyez  tome  J,  page  à2. 

(2)  Swanimerdam  ne  ménagea  pas 
ses  expressions  lorsqu'il  parla  des  par- 
tisans de  l'hypothèse  des  générations 


dites  spontanées.  yVinsi,  en  traitant  de 
l'Abeille,  il  dit  :  «  Quoique  ce  vsoit  le 
comble  de  l'absurdité  d'imaginer  que 
la  pourriture  soit  capable  d'engendrer 
des  Animaux  aussibien  organisésquele 
sont  les  Abeilles,  c'est  cependant  l'opi- 
nion de  la  plus  grande  partie  des  Hom- 
mes, parce  qu'on  juge  sans  vouloir  rien 
examiner  (c).  »  Enfin,  il  termine  son 
ouvrage  par  ces  mots  :  «  En  examinant 
donc  attentivement  le  développement 
des  Insectes,  des  Animaux  qui  ont  du 
sang  et  des  Végétaux,  on  reconnaît  que 
tous  ces  êtres  croissent  et  se  dévelop- 
pent suivant  une  même  loi,  et  l'on  sent 
combien  est  fausse  l'opinion  de  la  gé- 
nération spontanée,  qui  attribue  à  des 
causes  fortuites  des  effets  si  réguliers  et 
si  constants  {d).  » 

(3)  Les  résultats  généraux  des  re- 
cherches de  Swammerdam  sur  la  gé- 
nération des  Abeilles  et  des  autres 
Insectes  furent  publiés  du  vivant  de  ce 
naturaliste  en  1669  (e)  ;  mais  la  plupart 


(a)  Vallisnieri,  Délia  curiosa  origine  degll  Sviluppi  e  de  costiimi  ammirabili  di  molli  Inselli 
{Opère  flsico-mediche,  t.  I,  p.  3). 

{bj  Bracy-Claïke,  An  Essaij  ou  tlic  Bots  of  Horses  and  other  Animais,  1815,  p,   t"  et  suiv. 

(c)  Swammerdam ,  Biblia  Naturœ,  t.  I,  p.  530. 

(d)  Idem,  Op.  cit.,  t.  11,  p.  863. 

(e)  Swammerdam,  Histoire  générale  des  Insectes,  p.  96,  cic. 


2/t/l  KEPRODLCTION. 

pondent,  comme  les  autres  Insectes  (1);  enfin  il  expliqua  d'une 
manière  très-judicieuse  l'origine  des  larves  qui  habitent  dans 
l'intérieur  des  excroissances  végétales  appelées  galles,  ou  dans 
la  s,ubstance  des  feuilles  de  diverses  plantes  (2).  L'histoire  du 
mode  de  reproduction  de  ces  parasites,  et  de  beaucoup  d'autres 
Insectes  dont  les  mœurs  sont  analogues,  ne  fut  complétée  que 
bien  plus  tard  par  les  belles  recherches  de  Réaumur;  mais 
les  faits  introduits  dans  la  science  par  Redi,  Swammerdam  et 
Vallisnieri  auraient  probablement  sufti  pour  faire  justice  de 


de  SCS  observations  ne  furent  connues 
du  monde  savant  que  longtemps  après 
sa  mort,  lorsqu'on  1737,  son  grand 
ouvrage,  inlitulé  Biblia  Nalurœ,  seu 
historia  Insectorum  in  certas  classes 
reducta,  fui  édité  par  son  compatriote 
l'illustre  médecin  Boerhaave.  Une  tra- 
duction française  de  ce  livre  parut  en 
J758  dans  le  5'  volume  de  la  collec- 
tion académique  de  Dijon. 

(l)  Dans  quelques  cas,  les  Poux  se 
développent  sur  le  corps  humain  en 
nombre  si  prodigieux,  qu'au  premier 
abord  on  a  cru  ne  pouvoir  s'expliquer 
leur  mulliplication  par  la  voie  ordi- 
naire de  la  génération,  et  qu'on  a  sup- 
posé qu'ils  naissaient  de  la  substance 
de  notre  organisme,  opinion  qui  a  été 
soutenue  encore  de  nos  jours  par  quel- 
ques auteurs.  Les  médecins  ont  con- 
sidéré ce  phénomène  comme  dû  à 
une  maladie  particulière  qu'ils  dési- 
gnent sous  le  nom  de  phthiriasis,  et 
parmi  les  personnes  qui  ont  été  infestées 
de  la  sorte,  on  cite  plusieurs  hommes 
célèbres  :  par  exemple,  Alcman,  poëlc 
grec  («) ,  Platon,  le  dictateur  Sylla , 


les  deux  Hérodes,  l'empereui'  Maxiniiil 
et  le  roi  d'Espagne  Philippe  IL.  On  a 
même  attribué  à  cette  maladie  la  mort 
de  plusieurs  de  ces  personnages. 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  les  partisans 
de  l'hypothèse  des  générations  dites 
spontanées  pensaient  que  les  Puces 
naissaient  de  la  poussière  et  d'autres 
matières  inertes;  mais  en  1682,  Leeu- 
wenhoek constata  que  ces  Insectes  pon- 
dent des  œufs  et  se  multiplient  par  la 
voie  de  la  génération  ordinaire  ;  il  fit 
connaître  en  même  temps  les  méta- 
morphoses qu'ds  subissent  dans  le 
jeune  âge  (6). 

(2)  Swammerdam  n'eut  pas  l'occa- 
sion d'observer  la  manière  dont  les  œufs 
sont  introduits  dans  le  tissu  de  la 
plante,  qui,  en  se  développant,  consti- 
tuera une  galle,  mais  il  constata  que 
ces  œufs  donnent  naissance  à  des  lar- 
ves qui,  après  s'être  nourries  delà  sub- 
stance végétale  dont  elles  sont  entou- 
rées;  se  transforment  en  Insectes  ailés 
qui  produisent  à  leur  tour  des  œufs 
semblables  à  cous  dont  elles  étaient 
elles-mêmes  sorties  (c). 


(a)  SwahimerJam ,  Biblia  Salurœ,  t.  H,  p.  7-23  et  buiv. 

(6)  Lcu\venho>:k,  Arcana  Naturœ  détecta,  epist.  LXXvi  yOiicra,  I.  11,  p.  ^'25]. 

(t)  BunJucli,  Trailc  de  physlolofjic,  t.  (,  p.  liO, 


HYPOTHÈSE    DE    L\    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE,  2/l5 

l'hypothèse  des  générations  spontanées  (1),  si,  vers  la  fin  du 
xvn'  siècle,  une  découverte  importante,  en  reculant  les  limites 
de  l'observation  possible ,  n'eût  fait  naître  d'autres  diffi- 
cultés pour  l'explication  desquelles  on  eut  de  nouveau  recours 
à  des  suppositions  analogues  à  celles  dont  la  fausseté  venait 
d'être  reconnue  pour  tous  les  cas  susceptibles  d'être  étudiés 
d'une  manière  approfondie. 
En  examinant  au  microscope  de  l'eau  pluviale  qui  était  restée    Découve. le 

\  '  •  des 

exposée  à  l'air,  Leeuwenhoek  (2)  y  découvrit  une  multitude  infusoires. 
d'êtres  animés,  d'une  pefitesse  extrême,  qui  n'y  existaient  pas 
au  moment  où  il  avait  recueilli  ce  liquide.  Il  constata  aussi  que 
des  Animalcules  microscopiques  analogues  se  développent  par 
myriades  dans  l'eau  où  l'on  fait  infuser  des  matières  orga- 
niques, par  exemple  du  poivre  ou  du  foin,  et  il  ouvrit  ainsi 
un  champ  nouveau  aux  investigations  des  observateurs  ainsi 
qu'aux  hypothèses  des  physiologistes  spéculatifs  (3) .  De  bonne 

(1) En  1737, Réaumur disait:  «Nous  (3)  Les  premières  observations  de 

n'avons  plus  besoin  de  combattre  le  Leeuwenhoek  sur  le  développement 

sentiment  absurde  dans  lequel  on  a  été  des  Animalcules  microscopiques  dans 

pendant  si  longtemps  sur  l'origine  des  l'eau  pluviale  datent  de  1675,  mais  ne 

Insectes  des  galles  ;  il  n'est  plus  de  furent   publiées  que  quelque  temps 

philosophe  qui  osât  soutenir  avec  les  après.  Il  constata  aussi  la  présence  de 

anciens,  peut-être  même  n'en  est-il  ces  petits  êtres  dans  de  l'eau  dé  puits, 

plus  de  capable  de  penser  que  quel-  dans  de  l'eau  provenant  de  la  fonte 

ques  parties  d'une  plante  peuvent,  en  des  neiges,  et  dans  l'eau  de  la  mer. 

se  pourrissant,  devenir  un  Ver,  une  Enfin,  il  vit  ces  Animalcules  se  déve- 

Mouche,  en  un  mot  un  Insecte,  qui  est  lopper  en  très-grand  nombre  dans  de 

un  assemblage  de  tant  d'admirables  l'eau  où  il  avait  fait  infuser  du  poi- 

organes  (a).  »  Les  observations  de  ce  vre  (6).  Afin  de  donner  une  idée  de  la 

grand  naturaliste  sur  la  génération  des  petitesse  et  de  l'abondance  de  ces  Ani- 

Insectes  qui  se  développent  dans  l'in-  malcules,  Leeuwenhoek  chercha  à  cal- 

térieur  des  plantes  sont  pleines  d'in-  culer  combien  une  seule  goutte  d'eau 

térèt  et  d'une  exactitude  parfaite.  pouvait  en   contenir,  et  il  arriva  à 

(2)  Voyez  tome  I,  page  /i2.  cette  conclusion  que,  dans  certains  cas, 

(a)  Réaumur,  Mémoires  pour  servir  à  l'hisloire  des  Insectes,  t.  III,  p.  474. 

(6)  A.  Van  Leeuwenhoek,  Lettcr  concernijig  little  Animais  by  him  observed  in  rahl  Waler 
and  snoui  luater  ;  as  also  walcr  containing  pepper  had  laiii  infused  (Philos.  Trans.,  1678, 
I.  XII,  p.  821). 

viii.  18 


2/i6  KliPRODUCTlON. 

Hypoihèses   heuFC    quclcjues    naturalistes    attribuèrent   cette   production 

l'clalives 

à  l'origine    d'Animalcules  à  une  sorte  d'ensemencement  d'œufs  ou  de 

de  CCS 

Animalcules,  gemies  QUI,  cngendrés  par  d'autres  Animalcules  de  même 
espèce,  auraient  été  entraînés  par  les  vents  et  flotteraient  dans 
l'atmosphère  au  milieu  des  poussières  dont  l'air  est  toujours 
plus  ou  moins  chargé  (1).  Mais  d'autres  auteurs,  ne  pouvant 
apercevoir  ni  œufs  ni  germes  de  ce  genre,  crurent  préférable 
d'expliquer  la  naissance  de  ces  petits  êtres  comme  les  anciens 
expliquaient  la  formation  des  Abeilles  d'Aristée  ou  la  multipli- 
cation des  Rats  de  l'Egypte,  c'est-à-dire  en  supposant  que  la 
matière  inorganique  ou  morte,  soumise  à  l'action  de  la  cha- 
leur et  de  l'humidité,  posséderait  la  faculté  de  s'organiser  et 
de  constituer  des  êtres  animés,  lesquels  vivraient  sans  avoir 
reçu  la  vie  d'un  autre  corps  vivant;  ou,  en  d'autres  termes, 
ils  attribuaient  l'apparition  de  ces  Animalcules  à  une  génération 
dite  spontanée. 

Vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  ces  questions  ardues  occu- 
pèrent beaucoup  l'attention  des  naturalistes,  et  donnèrent  nais- 
sance à  deux  hypothèses  opposées  qui  ont  eu  trop  de  célébrité 
pour  que  je  n'en  dise  pas  quelques  mots. 

il  pouvait  y  en  avoir  plus  de  vingt-  cle,  interpréta   de  la  sorte  les  faits 

septniillions  (a).  Entîn,  ilconstata  avec  observés  par  LeeuAvenhoek  et  par  lui- 

beaucoup  de  soin  que  les  Animalcules  même,  relatifs  au  développement  des 

de  l'eau  pluviale  n'existaient  pas  dans  Animalcules  dansl'eau  exposée  à  l'air, 

ce  liquide  au  moment  de  sa  clnUe,  et  etcontcnantdesmatièresnutrilives](c). 

qu'ils  s'y  étaient  développés  quelques  Ce  fut  aussi  l'hypothèse  que  Spallan- 

jours  après  (6).  zani  et  quelques  autres  auteurs  adop- 

(1)  Henry  Baker,  l'un  des  micro-  tèrent  pour  expliquer  l'apparition  des 

graphes  les  pi  us  laborieux  du  xviii'^siè-  Animalcules  dans  les  infusions  [d). 

(a)  Leeuwenliook,  Lelter  wherein  some  Account  is  glven  of  the  Manner  of  his  ohsevving  so 
great  a  number  of  living  Animais  in  diverse  sorts  ofvjater,  elc.  [Philos.  Trans.,  1G78,  f.  XII, 
p.  844). 

(6)  Leciiwenlioek,  Anolher  Letter  concerning  his  Observations  on  rain  tuater  {Philos.  Trans., 
1702,  t.  XXIII,  p.  H52), 

(c)  Baker,  The  Microscope  made  easij,  1742,  p.  69. 

((/)  Spallaiizaiii,  Opuscules  de  physique  animale  et  Végétale,  frad.  par  Scnebier,  1787,  t.  I, 
p.  232  el  suiv. 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉIlATION    DITE    SPONTANÉE.  2!\1 

En  réfléchissant  sur  les  phénomènes  naturels  plutôt  (m'en  Embuîiomeni 

des  germes. 

observant  la  nature,  un  philosophe  genevois,  Bonct,  fut  con- 
duit à  penser  que  non-seulement  un  Animal  ne  pouvait  se  con- 
stituer de  toutes  pièces  et  prendre  vie  sans  avoir  été  engendre 
par  un  Animal  préexistant,  mais  qu'il  ne  pouvait  être  une 
création  de  celui-ci  ;  que  le  jeune  se  développait  dans  le  corps 
de  sa  mère  sans  être  en  réalité  formé  par  elle,  et  qu'il  y 
préexistait  à  l'état  de  germe.  Appliquant  ensuite  ce  mode  de 
raisonnement  à  la  série  des  êtres  dont  cette  mère  était  elie-r 
même  descendue  et  à  la  progéniture  future  de  ses  produits, 
Bonet  arriva  à  penser  que  le  premier  individu  de  chaque  race 
devait  contenir,  inclus  les  uns  dans  les  autres,  les  germes  de 
tous  les  individus  dont  il  était  destiné  à  être  la  souche,  de  sorte 
que  tous  ces  individus  auraient  existé  à  l'état  de  germes  dès 
la  création  du  Règne  animal,  et  n'auraient  fait  que  se  déve- 
lopper à  mesure  qu'ils  se  seraient  dépouillés  successivement 
des  enveloppes  constituées  par  des  germes  placés  moins  pro- 
fondément. C'est  cette  hypothèse  singuhère  que  l'on  connaît 
sous  le  nom  de  théorie  de  V emboîtement  des  germes.  Notre 
imagination  s'en  effraye  comme  de  l'idée  de  l'infini,  et  cepen- 
dant Guvier  considéra  cette  manière  d'envisager  le  mystère 
de  la  multiplication  des  êtres  vivants  comme  étant  préférable 
à  toute  autre  (1). 

Buffon,  dont  les  conceptions  nous  charment  toujours  par    Moiécuiéâ 
leur  grandeur,  lors  môme  qu'on   ne  saurait  les  considérer    '"^''^^'^"^^ 
comme  l'expression  des  faits  acquis  à  la  science,  se  plaça  à  un 
autre  point  de  vue,  et,  adoptant  en  partie  les  idées  de  Mauper- 
tuis  sur  l'attraction  élective  des  molécules  (2),  il  regarda  la 

(1)  J'ai  souvent  entendu  Guvier  s'ex-  (2)  Maupertuis,  dont  la  célébrité  est 

pliquer  à  ce  sujet  dans  la  conversa-      due  surtout  au  voyage  qu'il  fit  en  La- 
lion,  et  son  opinion  a  été  recueillie  par      ponie  avec  Clusant  et  quelques  au- 

son  collaborateur  Laurillard  (a).  très  savants  pour  vérifier  les  idées  de 

* 

(a)  Laurillard,  Éloge  de  Ciwier  {llecherches  suv  les  ossements  fossiles,  cdil,  in~8,  t.  I,  p.  57). 


Buffon. 


2^|8  HEPRODUCTiON. 

vitalité  comme  étant  une  propriété  indestructible,  non  pas  de  la 
matière  en  général,  mais  de  la  matière  organisée,  c'est-à-dire  de 
la  substance  constitutive  des  êtres  vivants;  il  pensa  que  chaque 
molécule  de  cette  matière  vit  par  elle-même,  et  que  la  manière 
dont  son  activité  physiologique  se  manifeste,  dépend  de  son 
mode  d'association  avec  d'autres  molécules  organiques.  Le 
corps  d'un  Animal  ou  d'une  Plante  ne  serait  donc  qu'une  réu- 
nion d'une  multitude  d'êtres  vivants  ayant  chacun  leur  indivi- 
dualité, et  susceptibles  de  se  réunir  de  mille  manières  différentes 
pour  constituer  autant  d'autres  Animaux  ou  d'autres  Plantes  ;  ce 
que  nous  appelons  la  mort  d'un  de  ces  êtres  complexes  ne  serait 
alors  que  la  dissolution  d'une  de  ces  associations,  et  les  molé- 
cules organiques  ainsi  mises  en  liberté  continueraient  à  vivre 
isolément,  ou  entreraient  dans  de  nouvelles  combinaisons  pour 
former  d'une  part  les  Monades,  par  exemple,  d'autre  part 
quelque  corps  vivant  plus  complexe,  tel  qu'un  Insecte  ou  un 
Quadrupède. 

Telle  est,  en  peu  de  mots ,  l'essence  de  la  théorie  dite  des 
molécules  organiques  de  Buffon ,  théorie  d'après  laquelle  les 
Animalcules  qui  naissent  dans  les  infusions  ne  seraient  que 
des  molécules  des  matières  animales  ou  végétales  mises  en 
liberté  par  la  destruction  de  l'association  physiologique  dont  elles 

Newton  touchant  Taplatissement  de  la  blages  analogues  à  ceux  dont  ces  mê- 

terre  aux  pôles,  combattit  fortement  la  mes  molécules  proviennent,  propriété 

théorie  de  la  préexistence  et  de  l'em-  qu'il  comparait  tantôt  à  l'affinité  chi- 

boîtement  des  germes.  Il  crut  pouvoir  mique  ou  à  l'attraction  en  vertu  de 

expliquer  la  formation  des  organismes  laquelle  les  parties  constitutives  d'un 

en  supposant  que  les  molécules  de  la  cristal  se  réunissent  suivant  un  ordre 

matière  organisabie  sont  douées  d'une  déterminé,  tantôt  à  une  sorte  d'instinct 

sorte  d'attraction  élective  en  vertu  de  ou  de  souvenir  d'un  état  antérieur, 

laquelle  ces  atomes  se  rapprocheraient  Les  premiers  écrits  de  Maupertuis  sur 

et  s'uniraient  danscertains  rapports,  de  ce  sujet  parurent  peu  d'années  avant 

façon  à  donner  naissance  à  desassem-  ceux  de  BuU'on  (a). 

(n)  Maupertuis,  Venus  physique,  1744  {Œuvres,  t.  II,  p.  3). 

—  Essai  siw  la  formation  des  corps  organisés,  Berlin,  1754  (Œuvres,  I.  II,  p.  139). 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  2^9 

faisaient  préalablement  partie,  et  redeveniies  actives  isolément 
après  avoir  cessé  de  manifester  leur  puissance  vitale  par  un 
genre  d'activité  dépendant  de  leur  mode  de  réunion  en  un  orga- 
nisme complexe.  Ce  serait  cette  matière  organique,  et  par 
conséquent  vivante,  qui,  retenue  dans  l'intérieur  de  certains 
Animaux  ou  de  certaines  Plantes,  formerait  des  Vers  intestinaux 
ou  d'autres  parasites.  Enfin,  ce  seraient  encore  ces  molécules 
organiques  qui,  en  s'associant  dans  l'intérieur  des  organes  de 
la  reproduction  d'un  être  vivant,  imitant  le  mode  d'assem- 
blage des  molécules  dont  le  corps  de  celui-ci  se  compose,  rem- 
pliraient une  sorte  de  moule  virtuel  fourni  par  cet  organisme 
préexistant,  et  constitueraient  ainsi  l'embryon  destiné  à  perpé- 
tuer sa  race  (1). 

L'hypothèse  de  la  multiplication  des  êtres  animés  sans  l'in-  Renouvellement 

de  l'hypotlièse 

tervention  d'Animaux  engendreurs,  et  par  le  jeu  seulement  des       .de« 

.  . ,         .  générations 

lorces  physiques  ou  chimiques  dont  la  matière  inerte  est  douce,  spontanées. 
ou,  en  d'autres  termes,  l'hypothèse  de  la  génération  dite  spon- 
tanée fut  adoptée  par  la  plupart  des  micrographes  du  dernier  siè- 
cle, et  elle  compte  aujourd'hui  plus  d'un  défenseur  habile;  mais 
elle  a  été  sans  cesse  déplacée,  et  n'a  jamais  pu  être  soutenue 
d'une  manière  plausible  que   sur  les  contins  extrêmes  du 

(1)  Ces  idées  de  Buffon  relative-  trouvent,  et  comme  l'a  déjà  fait  remar- 
ment  aux  propriétés  des  molécules  quer  M.  Flourens,  notre  célèbre  zoo- 
organiques et  à  leur  rôle  dans  la  mul-  logiste  y  reproduit,  au  sujet  de  la  géné- 
tiplication  des  Animaux,  furent  basées  ration  dite  spontanée,  toutes  les  nié- 
en  grande  partie  sur  les  observations  prises  des  anciens  (c).  Cependant  nous 
microscopiques  faites  sous  ses  yeux  verrons  bientôt  qu'en  restreignant  dans 
par  Needham(a),  et  on  les  trouve  ex-  certaines  limites  l'hypothèse  des  mo- 
posées  dans  le  premier  volume  de  son  lécules  organiques,  c'est-à-dire  de 
Histoire  naturelle  {b).  En  Msani  ceM-  l'indépendance  biologique  des  parti- 
vre,  il  faut  se  tenir  en  garde  contre  une  cules  constitutives  de  l'économie  ani- 
multitude  d'opinions  erronées  qui  s'y  maie,  on  est  dans  le  vrai. 

(a)  Needham,  Summary  ofsome  late  Observations  upon  Génération,  Composition  and  Becom- 
position  of  Animal  and  Vegetable  Substances  (Philos.  Trans.,  1748,  t.  XLV,  p.  615). 
(6)  Buffon,  Histoire  des  Aiiimaux,  1748. 
le)  Flourens,  Buffon,  histoire  de  ses  travaux  et  de  ses  idées,  1844,  p.  79.  ^ 


250  REPRODUCTION. 

domaine  de  l'observation,  là  où  la  constatation  des  faits  pré- 
sentait de  grandes  difficultés.  Les  partisans  de  l'opinion  con- 
traire gagnèrent  lentement  du  terrain,  et  ù  mesure  qu'ils  por- 
tèrent la  lumière  à  l'iiorizon  brumeux  de  la  science ,  ils 
firent  rentrer  dans  la  règle  commune  un  grand  nombre  de 
cas  particuliers  où  l'origine  des  êtres  vivants  par  la  voie  de 
l'engendrement,  n'ayant  pu  être  constatée,  avait  été  niée  ;  mais 
en  même  temps  les  limites  connues  de  la  création  biologique 
ont  été  reculées,  et  de  nouvelles  difficultés  de  même  ordre  ont 
surgi.  Pour  expliquer  ces  cas  obscurs,  on  a  eu  recours,  comme 
jadis,  à  l'bypothèse  de  la  génération  dite  spontanée.  Ainsi  le 
perfectionnement  récent  des  microscopes  a  permis  de  recon- 
naître que  les  corpuscules  d'une  petitesse  extrême  qui  com- 
posent les  substances  appelées  ferments,  la  levure  de  bière 
par  exemple,  sont  des  êtres  vivants,  et,  pour  se  rendre  compte 
de  l'apparition  de  ces  corpuscules  dans  les  liquides  en  fermen- 
tation, quelques  physiologistes  ont  supposé  qu'ils  naissaient  de 
la  matière  inerte  sans  avoir  reçu  la  vie  d'aucun  être  vivant.  La 
question  s'est  donc  transportée  sur  ce  terrain  nouveau,  et  il  est 
probable  que  des  déplacements  analogues  éterniseront  le  débat, 
car  il  y  aura  toujours  certains  esprits  enclins  à  supposer  que  là 
où  la  filiation  des  Animaux  similaires  n'est  pas  manifeste,  on 
est  autorisé  à  dire  que  les  nouveaux  venus  n'avaient  pas  de 
parents  et  se  sont  constitués  de  toutes  pièces  sans  le  concours 
d'aucun  être  vivant  préexistant.  Mais  pour  ceux  qui  placent 
quelque  confiance  dans  les  inductions  fondées  sur  l'analogie,  la 
généralisation  progressive  de  la  règle  commune  sera  un  motif 
puissant  pour  croire  que  l'origine  de  ces  petits  êtres  ne  diffère  pas 
essentiellement  de  celle  des  autres  Animaux  ou  de  celle  des 
Plantes  dont  le  mode  de  multiplication  a  été  bien  étudié;  que 
l'obscurité  dont  leur  filiation  est  encore  entourée  sera  dissipée  un 
jour,  et  qu'alors  ces  prétendues  exceptions  à  la  grande  loi  de  la 
transmission  de  la  vie  disparaîtront  comme  ont  déjà  disparu 


HYPOTHÈSE    DE    L\    GÉNÉRATION    DITK    SPONTANÉE.  251 

les  exceptions  citées  jadis  par  le  crédule  Pline  on  par  le  père 
Kircher. 

Quoi  qu'il  en  soit,  ces  difficultés  physiologiques  doivent  être 
examinées  ici  d'une  manière  attentive,  et,  pour  faciliter  l'ap- 
préciation des  faits  et  des  arguments  employés  dans  la  discus- 
sion de  ces  questions  ardues,  il  me  paraît  nécessaire  de  préciser 
nettement  les  hypothèses  ainsi  que  les  idées  dont  ces  hypo- 
thèses sont  l'expression,  puis  d'étudier  successivement  les 
divers  ordres  de  faits  sur  lesquels  le  débat  s'établit  aujour- 
d'hui. 

§  3,  —  Les  mots  génération  et  spontanée  s'accordent  si  mal   Distinciions 

11  1  M       1)  1        •  "  ôlablir 

ensemble,  que  quelques  auteurs  ont  cru  utile  u  y  substituer  une     ausi.jet 
expression  nouvelle,  et  de  désigner  sous  le  nom  dliétérogénie  rhétûio^énie, 
la  production  d'un  être  vivant  qui  ne  procéderait  pas  d'un  être 
de  son  espèce,  qui  serait  dénué  de  parents,  et  qui  résulterait 
d'une  génération  primordiale  ou  création.  Ces  auteurs  appellent 
homogénie,  la  production  des  Animaux  et  des  Plantes  qui  sont 
procréés  par  des  êtres  vivants  semblables  à  eux  (1).  Mais  le  mot 
hétérogénie,  que  l'on  donne  comme  synonyme  de  génération 
spontanée,  de  génération  primordiale  et  de  génération  équi- 
voque, s'applique,  comme  on  le  voit,  à  des  choses  qui  pour- 
raient être  très-différentes  et  qu'il  importe  de  ne  pas  confondre, 
savoir  : 

1°  La  formation  d'un  être  vivant  par  l'organisation  spontanée 
de  la  matière  brute  ou  de  la  matière  morte,  sans  le  concours 
ou  l'influence  d'aucun  être  déjà  existant,  mode  d'origine  que, 
pour  la  commodité  de  la  discussion,  j'appellerai  agénétigue. 

2°  La  formation  d'individus  vivants  par  suite  de  la  désassocia- 

(1)  Un  physiologiste  allemand  dont  expressions  dans  notre  langage  scien- 
rou  vrage  a  eu  beaucoup  d'admirateurs  tifiqae  (a) ,  et  aujourd'hui  la  plupart  des 
en  France,  Bardach,  a  introduit  ces      hétérogénistes  les  emploient. 

(«)  Biirdacli,  Traiié  de  physiologie,  traj.  par  JourJan,  1837,  I.  I,  p.  8. 


252  REPRODUCTION. 

tioii  départies  qui,  constituées  par  l'action  vitale  d'un  Animal 
ou  d'une  Plante,  et  ayant  participé  à  la  puissance  vitale  de  cet 
être,  conserveraient  la  faculté  de  vivre  et  de  se  développer  de 
façon  à  réaliser  certaines  formes  organiques  après  que  celui-ci 
aurait  été  frappé  de  mort  et  son  organisme  détruit  ;  mode  de 
multiplication  que  l'on  pourrait  appeler  nécrogénie. 

3°  La  formation  d'êtres  particuliers  par  l'action  physiolo- 
gique d'un  organisme  vivant  qui  leur  transmettrait  le  principe 
de  la  vie  sans  leur  imprimer  les  caractères  organiques  qu'il 
possède  lui-même;  l'être  nouveau  serait  procréé,  mais  ne 
serait  pas  de  la  même  nature  que  ses  parents  et  représenterait 
une  autre  espèce.  J'appellerai  œénogénie  cette  descendance 
d'une  souche  étrangère  (1). 

Dans  les  cas  de  naissance  agénétique,  soit  que  l'être  nou- 
veau se  constituât  avec  des  matières  inorganiques,  telles  que 
l'eau,  l'acide  carbonique  et  l'ammoniaque,  soit  qu'il  résultât  de 
quelque  transformation  d'une  substance  organique,  telle  que 
la  fibrine,  l'albumine  ou  la  cellulose  végétale,  il  ne  recevrait  le 
mouvement  vital,  le  principe  de  la  vie,  d'aucun  être  vivant  ; 
la  force  dont  il  serait  animé  appartiendrait  tout  entière  à  la 
matière  dont  il  se  compose,  et  serait  une  propriété  inhérente 
à  cette  matière,  propriété  qui  serait  tantôt  latente,  d'autres  fois 
active  à  la  manière  de  l'affinité  chimique  ou  d  i  mouvement 
calorifique,  et  qui  se  manifesterait  de  telle  ou  telle  manière 
suivant  les  circonstances  dans  lesquelles  cette  même  matière 
serait  placée.  Dans  les  autres  hypothèses,  la  vie  serait  com- 
muniquée à  la  matière  inerte  par  un  être  vivant;  mais,  dans  le 
cas  de  la  nécrogénie,  il  y  aurait  discontinuité  dans  la  manifes- 
tafion  de  cette  force  acquise,  qui  deviendrait  latente  lorsque 
l'association  des  molécules  organiques  ainsi  douées  deviendrait 


(1)  J'aurais  préféré  le  nom  (Thé-      une  acception  différente  et  beaucoup 
térogénie  si  ce  mot  n'avait  déjà  reçu      pins  étendue. 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  253 

inapte  à  fonctionner  en  commun,  ou,  en  d'autres  mots,  lorsque 
l'individu  dont  elles  font  partie  serait  frappé  de  mort,  mais 
qui  rentrerait  en  jeu  lorsque  ces  mêmes  molécules,  redevenues 
libres,  seraient  susceptibles  de  contracter  de  nouvelles  asso- 
ciations. 

Au  premier  abord,  toutes  ces  distinctions  peuvent  paraître 
un  peu  subtiles,  mais  elles  ont  en  réalité  une  importance  con- 
sidérable, et  c'est  en  partie  pour  les  avoir  négligées  que  les 
physiologistes  ont  souvent  discuté  d'une  manière  vague  et 
obscure  sur  les  questions  de  cet  ordre. 

§  /i .  —  Examinons,  en  premier  lieu,  si  nous  devons  croire     Examen 

,  ^  de  l'hypothèse 

OU  ne  pas  croule  que,  dans  l'état  actuel  de  la  Nature,  des  êtres  de  la  formation 

,      ,  ,  .  .      I  agénétique 

vivants  naissent  par  agenesie,  et  ne  tirent  leur  puissance  vitale  des  Animaux. 
que  de  la  matière  inerte,  c'est-à-dire  inorganique  ou  morte, 
dont  ils  se  composent. 

Aujourd'hui  cette  hypothèse  a  été  assez  généralement  aban- 
donnée en  ce  qui  concerne  les  Animaux  dont  le  corps  n'est 
pas  trop  exigu  pour  être  observable  sans  l'emploi  du  micros- 
cope (1);  mais  quelques  physiologistes  y  ont  encore  recours 
pour  expliquer  l'origine  de  ce  qu'ils  appellent  les  proto- 
organismes, c'est-à-dire  des  Animalcules  et  des  Végétaux  d'une 
petitesse  extrême,  tels  que  des  Mycodermes  et  des  globules  de 


(1)  Au  commencement  du  siècle  ac-  des  Monocles,  de  Podures  et  autres 

tuel,  un  auteur  que  les  partisans  de  Insectes  (a).  Vers  la  même   époque, 

l'hypothèse   des  naissances  agénési-  Gruithuisen  annonça  qu'il  avait  fait 

ques  citent  parfois  encore  aujourd'hui,  naître  des  Infusoires  à  l'aide  de  diverses 

Fray,  publia  un  grand  nombre  d'expé-  substances   minérales,    telles    que  le 

riences  dans  lesquelles  il  crut  avoir  granit  et  l'anthracite  (6).  Plus  récem- 

constaté  la  formation  spontanée,  non-  ment,  Cross  assurait  avoir  fait  naître 

seulement  de  beaucoup  d'Infusoires,  des  Acariis  en  électrisant  une  pierre 

mais  aussi  de  Crustacés  de  la  famille  vésuvienne  humide  (c). 


(a)  Fray,  Essai  sur  l'origine  des  corps  organisés  et  inorganisés,  in-8,  1817. 

(b)  Gruiihuisen,  Beitrâge  xur  Phtjsiologie  und  Eautognosie,  1812. 

(c)  Cross,  Lettre  à  M.  Roberton  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1837,  t.  V,  p.  C40). 


254  REPRODUCTION. 

ferment,  qui  naissent  souvent  dans  l'eau  exposée  à  l'aclion 
de  l'almosplière  ou  renfermant  des  matières  organiques  en 
infusion  (1), 

La  plupart  des  naturalistes  pensent  au  contraire  que  les 
êtres  microscopiques  dont  ces  infusions  se  peuplent  ont  une 
origine  semblable  à  celle  des  Animaux  ou  des  Plantes  ordi- 
naires, et  qu'ils  sont  le  résultat  du  développement  d'œufs,  de 
germes  ou  de  quelque  autre  sorte  de  propaguies,  c'est-à-dire 
de  corpuscules  préorganisés  qui,  engendrés  par  des  êtres 
vivants,  auraient  été  introduits  accidentellement  dans  le  liquide 
avec  les  matières  que  l'on  y  fait  infuser,  ou  y  auraient  été 
déposés  par  l'atmosphère.  On  sait,  en  effet,  que  les  Infusoires 
sont  susceptibles  de  se  reproduire  comme  le  font  les  êtres 


(1)  Ainsi,  un  savant  zoologiste  de  naturalistes  (6).   Enfin,  seS  opinions 

Rouen,  M.  Pouchet,  soutient  cette  ma-  paraissent  être  partagées  par  Tanato- 

nière  de  voir  avec  une  grande  perse-  miste  le  plus  éminent  que  l'Angleterre 

vérance,  et  il  a  fait  sur  ce  sujet  de  possède    aujourd'hui ,    M.     Richard 

nombreuses  publications  (a).  11  a  été  Owen  (c).  î\lais  ce  dernier  ne  semble 

secondé  dans  ses  efforts  par  M.  Joly,  pas  avoir  traité  la  question  expérimen- 

professeur  à  la  Faculté  des  sciences  talement,  et  paraît  ne  l'avoir  envisagée 

de  Toulouse,  et  par  quelques  autres  qu'au  point  de  vue  théorique. 

(fl)  Pouchet,  llétérogénie,  ou  Traité  de  la  généralicn  spontanée,  basé  sur  de  nouvelles  expé- 
riences.In-S,  Paris,  1859. 

—  Corps  organisés  recueillis  dans  l'air  par  la  neige  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
dSOO,  t.  L,  p,  532  el  572). 

—  Moyen  de  rassembler  dans  un  espace  infiniment  petit  tous  les  corpuscules  normalement 
invisibles  contenus  dans  un  volume  déterminé  d'air  (loc.  cit.,  p.  '748). 

—  Genèse  des  proto-organismes  dans  l'air  calciné  et  à  l'aide  de  corps  putrescibles  portés  à 
la  température  de  150  degrés  {loc.  cit.,  p.  ■1014). 

—  Phénomènes  blologiqties  des  fermentations  {Moniteiir  scientifique,  1862,  t.  IV,  p.  545). 

—  Études  expérimentales  sur  la  genèse  spontanée  (Ann.  des  sciences  nat,,  4"  scrie,  18(32, 
t.  XVIII,  p.  276). 

(6)  Joly  et  Ch.  Musset,  Recherches  sur  l'origine,  la  germination  et  la  fructification  de  la  levure 
debière  {Monileur  scientifique,  1861). 

—  Réfutation  de  l'une  des  expériences  capitales  de  M.  Pasteur,  suivie  d'études  physiolo- 
giques  sur  l'hétérogénie  {Moniteur  scientifique). 

—  Cil.  Musset,  Nouvelles  recherches  expérimentales  sur  l'hétérogénie,  ou  génération  spontanée, 
Ihèse,  Faculté  tics  sciences  de  Bordeaux,  1862. 

—  Joly,  Examen  critique  du  mémoire  de  M.  Pasteur,   relatif  aux  générations  spontanées 
{Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Toulouse,  6°  série,  1863,  t.  1,  p.  215). 

—  Montogazza,  Ricerche  sxdla  generazione  degli  Infusorii  (extrait  du  Joxirnal  Lombard  des 
sciences,  lettres  et  arts,  nouvelle  série,  1858,  t.  III). 

—  Schauffliausen,  Ueber  die  generatio  œquivoca  {Verhandl.  des  naturhistorischen  Vereines  von 
Bonn,  1861,  Sitzungsber.,  p.  106). 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  255 

organisés  dont  la  taille  est  plus  considérable;  et  l'on  sait  éga- 
lement que  non-seulement  des  graines  et  des  œufs  peuvent 
rester  pendant  fort  longtemps  dans  un  état  de  vie  latente  sans 
perdre  la  faculté  de  reprendre  la  vie  active  lorsque  les  circon- 
stances sont  favorables  à  l'exercice  de  leurs  facultés  (1),  mais 
que  des  Animalcules  adultes  peuvent  présenter  des  phéno- 
mènes de  même  ordre  et  conserver  leur  vitalité  après 
avoir  été  réduits  à  un  état  de  mort  apparente  par  la  dessic- 
cation (2).  Enfin  nous  savons  aussi  que  la  dissémination  des 
corpuscules  légers  par  les  courants  atmosphériques  est  chose 
facile.  Aucun  physiologiste  ne  révoque  en  doute  la  puissance 
génératrice  des  Animalcules  et  des  Végétaux  microscopiques, 


(1)  Les  graines  qui  renferment  des 
inatières  grasses  susceptibles  de  deve- 
nir rances  au  contact  de  l'air  perdent 
en  général  assez  promptement  la  fa- 
culté de  germer ,  mais  parmi  les 
autres  il  en  est  qui  peuvent  conserver 
une  vitalité  latente  pendant  un  temps 
extrêmement  long.  Un  nombre  consi- 
dérable de  faits  de  cet  ordre  ont  été  cités 
par  P.  de  Candolle  (a),  par  exemple 
la  germination  d'un  Haricot  qui  avait 
été  conservé  depuis  plus  de  cent  ans 
au  Jardin  des  plantes,  dans  la  collec- 
tion de  Tournefort  (6).  Robert  Brown 
a  constaté  la  même  propriété  chez 
des  graines  de  Nelumbium  specio- 
sum  conservées  depuis  plus  de  cent 
cinquante  ans  dans  Therbier  de 
Sloane  (c).  L'abbé  Audierne  a  vu  lever 
des  graines  d'Héliotrope,  de  Lupulin  et 


de  diverses  autres  plantes  qui  avaient 
été  trouvées  dans  un  tombeau  gallo- 
romain  situé  près  de  Bergerac,  et  pa- 
raissant dater  du  iv"  et  du  V^  siècle  [d). 
Plusieurs  auteurs  assurent  même  avoir 
vu  germer  des  graines  qui  avaient  été 
conservées  depuis  la  plus  haute  anti- 
quité dans  des  étuis  de  momies  égyp' 
tiennes  ;  mais  la  plupartde  cesobserva- 
tions  ne  méritent  que  peu  de  confiance, 
et,  dans  certains  cas  de  ce  genre,  les 
expérimentateurs  paraissent  avoir  été 
victimes  de  fraudes  pratiquées  par  les 
marchands  d'antiquités.  H  me  sem- 
ble cependant  difficile  d'expliquer  de 
la  sorte  un  fait  de  ce  genre  constaté 
avec  beaucoup  de  soin  par  le  comte  de 
Sternberg  {e). 

(2)  Voyez  tome  VII,  page  526  et 
suivantes. 


(a)  Pyr.  de  Candolle,  Physiologie  végétale,  t.  II,  p,  621. 
(6)  Girardin,  Conservation  des  graines. 

(c)  Alph.  de  Candolle,  Géographie  botanique,  t.  I,  p.  542. 

(d)  Desmoulins,   Notice  sur  des  graines  trouvées  dans  des  tombeaux  romains,  et  qui  ont  con- 
servé leur  faculté  germinative  (Actes  de  la  Société  linnéenne  de  Bordeaux,  1835,  t.  VII,  p.  65). 

(c)  Sternbei-g,  Ueber  die  lieimung  einiger  aus  agrjptischen  Momien  erhaltenen  Getreide  kôrner 
(Flora,  1835,  p.  3). 


256  REPRODUCTION. 

et,  pour  se  convaincre  de  la  possibilité  du  transport  de  leurs 
propagules  par  la  voie  que  je  viens  d'indiquer,  il  suffit  de  se 
rappeler  la  quantité  énorme  de  poussière  qui  flotte  toujours 
dans  l'air,  et  la  difficulté  que  nous  éprouvons  à  préserver  de 
son  contact  les  objets  qui  ne  sont  pas  renfermés  dans  des  vases 
hermétiquement  fermés.  Des  corpuscules  bien  plus  gros  et  bien 
plus  lourds  que  ne  doivent  l'être  les  propagules  en  question 
sont  charriés  de  la  sorte  à  des  distances  immenses,  ainsi  qu'on 
a  pu  s'en  assurer  en  observant  les  poussières  tombées  de 
l'atmosphère  dans  les  pays  situés  sous  le  vent  de  quelques 
volcans  en  éruption  (1).  Nous  savons  également  que  le  trans- 
port des  graines  par  les  courants  atmosphériques  est  un  des 
moyens  employés  par  la  Nature  pour  effectuer  la  dispersion 
des  espèces  végétales  à  la  surface  du  globe  ;  et  par  consé- 
quent en  attribuant  à  des  phénomènes  analogues  l'apparition 
de  corpuscules  vivants  dans  les  eaux  chargées  de  matières 
propres  à  la  nutrition  de  ces  petits  êtres,  on  explique  l'origine 
de  ceux-ci  d'une  manière  bien  plus  plausible  qu'en  les  sup- 
posant formés  par  une  génération  dite  spontanée. 

Mais,  en  science,  on  ne  saurait  se  contenter  d'une  proba- 
bihté  de  cet  ordre,  et,  pour  se  prononcer  en  faveur  de  l'une  ou 


(1)  En  1815,  lors  de  l'éruption  du  de  Lichens  comestibles  qui  ont  lieu 

grand  volcan  de  Sumbawa,  des  cen-  parfois  en  Perse  et  en  Asie  Mineure  : 

dres  lancées  du  cratère  furent  trans-  les  pluies  de  pollen  que  l'on  observe 

portées  par  les   vents  jusqu'à  Am-  assez   souvent  dans  les  mêmes   ré- 

boine,  dont  la  distance  est  d'environ  gions;    enfin,    les   pluies    de   petits 

290  lieues.  En  îSZiô,  les  cendres  de  Crapauds  et  de  petits  Poissons  qui, 

rHéclaarrivèrentpar  la  même  voie  jus-  dans  quelques  cas,  ont  été  entraînés 

qu'en  Angleterre,  et  dans  plus  d'une  au  loin  par  les  vents, 

éruption  du  Vésuve,  les  cendres  de  Je  rappellerai  également  que  la  pous- 

ce  volcan  allèrent  tomber  en  Syrie  et  sière  d'eau  et  de  sel  marin  enlevée  à 

à  Consiantinople.  la  surface  de  la  mer,  et  entraînée  de  la 

Comme  exemples  du  transport  des  même  manière  dans  l'atmosphère,  se 

corps  solides  par  les  courants  de  l'at-  répand   à  une  distance  considérable 

mosphère,  on  peut  citer  aussi  les  pluies  dans  l'intérieur  des  terres. 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  257 

de  l'autre  des  deux  hypothèses  que  je  viens  d'exposer,  il  fallait 
les  soumettre  à  l'épreuve  de  l'expérimentation ,  c'est-à-dire 
chercher  à  provoquer  les  phénomènes  en  question  dans  des 
circonstances  compatibles  seulement  avec  l'une  ou  l'autre  de 
ces  explications.  Spallanzani,  dont  le  nom  revient  toutes  les 
fois  qu'il  s'agit  d'élucider  une  des  grandes  questions  de  la 
physiologie  générale,  fut  un  des  premiers  à  tenter  cette  épreuve 
d'une  manière  conforme  à  la  saine  raison,  et  quoiqu'il  ne  par- 
vînt pas  à  résoudre  complètement  le  problème,  il  eut  le  mérite 
de  le  bien  poser. 

Pour  décider  si  les  êtres  vivants  qui  se  montrent  dans  une   Expériences 

.     ,       de  Spallanzani. 

infusion  y  naissent  de  propagules  ou  germes  préorganisés, 
ou  s'y  forment  directement  par  l'organisation  spontanée  de  la 
matière  non  vivante,  il  fallait  examiner  si  ces  Infusoires  se 
développent  lorsque  l'infusion  ne  contient  rien  qui  vive,  et  se 
trouve  placée  dans  des  conditions  telles  qu'aucun  corpuscule 
vivant  ou  apte  à  vivre  ne  puisse  y  arriver  du  dehors  (1).  Spal- 
lanzani suivit  cette  marche  logique,  et,  afin  de  remplir  les  deux 
conditions  essentielles  de  l'expérience,  il  eut  d'abord  recours 
à  la  chaleur  pour  détruire  la  vie  dans  tout  ce  qui  pouvait 
exister  dans  ses  infusions ,  puis  il  conserva  celles-ci  en  vases 
clos  afin  de  les  soustraire  à  l'influence  de  l'atmosphère,  et 
d'empêcher  ainsi  toute  introduction  nouvelle  de  corpuscules 
vivants  ou  viables  (2).  En  effet,  il  savait  que  ni  les  Animaux  ni 
les  Plantes  ne  résistent  à  une  certaine  élévation  de  tempé- 
rature, que  les  graines  aussi  bien  que  les  œufs  perdent  la 
faculté  de  se  développer  et  de  donner  naissance  à  des  êtres 

(1)  INeedliam  fut  le  premier  à  tenter  de  Needtiam  et  deBiiffon,  relativement 
des  expériences  de  ce  genre  (a).  à  l'origine  des  Infusoires  (6)  ;  mais  ce 

(2)  En  1765,  Spallanzani  publia  une  ne  fut  qu'en  1777  que  parut  l'ensemble 
première  dissertation  sur  les  systèmes  de  ses  expériences  sur  ce  sujet  (c). 

(«)  Ncedliam,  Op.  cit.  {Philos.  Trans.,  1748). 

(b)  Spallanzani,  Saggio  di  osservaxioni  microscopiche  concernenti  il  sislema  délia  generazioM 
de'  signori  Ncedham  e  Buffon  {Dlsserta^toni  due,  Modena,  1705). 

(c)Ideni,  Opuscules  de  physique  animale  et  végétale,  trad.  par  Senebier,  1777,  2  vol.  in-8. 


258  REPRODUCTION. 

vivants,  lorsqu'on  les  chaufie  de  la  sorte.  Pour  s'éclairer  davan- 
tage sur  le  degré  de  chaleur  incompatible  avec  la  vie,  il  fit 
une  longue  série  d'expériences,  et  il  vit  que  les  œufs  ainsi  que 
les  graines  résistent  parfois  à  des  températures  qui  seraient 
fatales  pour  les  Animaux  ou  les  Plantes  qui  sont  déjà  dévelop- 
pés, et  que  cette  résistance  est  plus  grande  lorsque  les  corps 
reproducteurs  en  question  sont  secs  que  lorsqu'ils  sont  hu- 
mides ;  mais  il  trouva  que  la  vitalité  des  uns  et  des  autres  était 
toujours  détruite  par  l'action  un  peu  prolongée  de  l'eau  en 
ébulhtion.  Il  en  conclut  qu'en  faisant  bouillir  l'eau  et  les  ma- 
tières organiques  mises  en  infusion,  il  devait  tuer  infailhble- 
ment  tout  ce  qui  pouvait  y  exister  de  vivant,  et  que  pour 
empêcher  le  développement  ultérieur  d'êtres  vivants  dans  le 
liquide  ainsi  préparé,  il  suffirait  de  le  renfermer  hermétique- 
ment de  façon  à  le  soustraire  à  l'action  de  l'air,  pourvu  que 
la  matière  inerte  ne  fût  pas  capable  de  s'organiser  et  de  prendre 
vie  spontanément. 

Spallanzani  prépara  de  la  sorte  une  série  d'infusions  qui, 
après  avoir  été  soumises  à  l'ébullition,  furent  placées  dans  des 
vases  dont  les  uns  étaient  ouverts,  dont  d'autres  furent  bou- 
chés avec  du  coton  seulement,  et  d'autres  fermés  aussi  exac- 
tement que  possible.  Dans  les  premiers,  c'est-à-dire  dans  les 
vases  ouverts,  les  Animalcules  microscopiques  ne  tardèrent 
guère  à  se  montrer  par  myriades,  mais  dans  les  autres  il  n'en 
trouva  que  peu,  et  leur  nombre  était  d'autant  moindre  que  la 
clôture  avait  été  plus  complète  (1).  Il  ne  parvint  jamais  à  em- 

(1)  Baker  avait  déjà  remarqué  que  on  ne  voit  que  très-peu  de  ces  petits 

si  l'on  recouvre  avec  de  la  mousseline,  êtres  s'y  développer,  et  il  argua  de  ce 

ou  de  la  toile  fine,  une  infusion  de  fait  pour  soutenir  que  les  Infusoires 

racine  ou  de  foin  qui,  dans  les  circon-  ne  s'y  forment  pas  de  toutes  pièces  et 

stances  ordinaires,  donne  naissance  à  naissent  d'œufs  déposés  par  l'atmos- 

des  animalcules  en  grande  abondance,  phère  (o). 

(a)  Baker,  The  Micvoscope  made  easy,  4742,  p.  6U. 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  259 

pécher  complétementrapparition  de  quelques  Infusoires  d'une 
petitesse  extrême  ;  mais,  d'après  la  tendance  générale  des  faits 
constatés  de  la  sorte,  il  se  confirma  dans  l'opinion  que  ces  êtres 
ne  naissent  que  de  germes  préorganisés  charriés  par  l'atmos- 
phère et  déposés  dans  les  matières  en  infusion,  comme  les 
Plantes  naissent  dans  le  sol  par  le  développement  des  graines 
qui  y  ont  trouvé  gîte  et  nourriture. 

Les  expériences  de  Spallanzani  devaient  paraître  décisives 
pour  tous  les  Infusoires  que  ce  physiologiste  appela  des  Ani- 
malcules d'ordre  supérieur;  mais  il  n'en  était  pas  de  même 
pour  les  êtres  encore  plus  microscopiques,  qu'il  appela  des 
Animalcules  du  dernier  ordre,  et,  pour  généraliser  d'une  ma- 
nière légitime  ses  conclusions  touchant  le  mode  d'origine  de 
tous  ces  corpuscules  vivants,  il  fallait  supposer  que  les  germes 
de  ces  Infusoires  inférieurs  n'avaient  pas  été  tués  par  les 
moyens  employés  utilement  pour  les  autres  propagules  orga- 
nisés, ou  qu'ils  n'avaient  pas  été  arrêtés  par  la  clôture  des 
vases  contenant  les  infusions.  Il  est  vrai  que  d'autres  natura- 
listes constatèrent  que  les  êtres  vivants  ne  se  montrent  pas 
dans  les  infusions  préalablement  soumises  à  l'ébullition  et  dont 
ia  surface  est  séparée  de  l'atmosphère  par  une  couche  d'huile  ; 
pour  les  empêcher  d'apparaître,  il  suffit  aussi  de  renfermer 
ces  infusions  dans  un  flacon  dont  le  bouchon  de  verre  touche 
la  surface  du  liquide;  mais,  dans  tous  ces  cas,  l'oxygène  de 
l'air  n'arrivait  pas  à  l'infusion,  et  l'on  pouvait  supposer  que 
l'absence  des  Animalcules  dépendait  du  défaut  d'air  respi- 
rable.  Pour  quelques-uns  de  ces  êtres  microscopiques,  cette 
explication  n'était  guère  admissible,  car  plusieurs  expérimen- 
tateurs avaient  vu  des  Infusoires  se  développer  dans  des  liquides 
en  contact  avec  de  l'hydrogène  ou  avec  de  l'azote  seulement. 
Cependant  l'objection  n'était  pas  sans  gravité,  et,  pour  résoudre 
d'une  manière  plus  satisfaisante  la  question  de  l'origine  de  ces 
petits  êtres,  il  fallait  avoir  recours  à  d'autres  expériences. 


!260  •  REPRODUCTION. 

Autres  En  voicl  11116  qul  m'a  semblé  plus  concluante.  De  l'eau  et 

tnalogrcT  des  matières  organiques  furent  placées  dans  deux  longs  tubes 
en  forme  d'éprouvettes  ;  l'un  de  ces  tubes,  dont  les  deux  tiers 
étaient  occupés  par  de  l'air,  fut  alors  fermé,  à  la  lampe  par  son 
extrémité  supérieure  et  ensuite  plongé  dans  de  l'eau  bouillante, 
ainsi  que  l'autre  tube  resté  ouvert.  Le  bain  fut  maintenu  en 
ébullition  pendant  le  temps  nécessaire  pour  que  l'équilibre 
de  température  dût  s'établir  à  peu  de  chose  près  entre  les 
deux  infusions  et  le  liquide  extérieur;  puis  on  laissa  refroi- 
dir les  tubes  et  on  les  abandonna  à  eux-mêmes,  en  ayant  soin 
d'examiner  de  temps  en  temps  leur  contenu  à  travers  leurs 
parois  transparentes.  Au  bout  de  quelques  jours,  je  vis  des 
Infusoires  se  mettre  en  mouvement  dans  celui  des  deux  tubes 
qui  était  resté  en  communication  libre  avec  l'atmosphère , 
tandis  que  dans  l'autre  tube  dont  la  clôture  hermétique  avait 
précédé  l'action  présumée  mortelle  de  la  chaleur,  je  ne  vis 
jamais  apparaître  un  seul  Animalcule  (1). 

Quelque  temps  auparavant,  une  expérience  semblable  avait  été 
faite  en  Allemagne  par  M.  Schultze  et  avait  donné  les  mêmes 
résultats  -,  mais  on  pouvait  encore  y  faire  des  objections,  car 
l'air  emprisonné  dans  le  vase  pouvait  avoir  été  altéré  par  les 
matières  organiques  en  infusion,  et  l'on  pouvait  supposer  que 
l'absence  des  Animalcules  dans  le  liquide  avait  dépendu  de 
cette  circonstance.  Pour  mieux  éclaircir  la  question,  le  natu- 
raliste que  je  viens  de  nommer  disposa  donc  son  appareil  de 


(1)  Cette  expérience  a  été  faite  il  y  nière  fort  inexacte  dans  quelques  ou- 

a  plus  de  vingt-cinq  ans,  et  j'en  ai  vrages  (o),  et  c'est  pour  cette  raison 

souvent  rendu  compte  dans  mes  cours  que  j'ai  cru  devoir  en  rappeler  les 

publics,  mais. on  en  a  parlé  d'une  ma-  détails  (6). 


(a)  Longet,  Traité  de  physiologie,  t.  II,  p.  638. 

(b)  Milnc  Edwards,  Remarques  sur  la  valeur  des  faits  qui  sont  considérés  par  quelques  nalu- 
ralisles  comme  étant  propres  à  prouver  l'existence  de  la  génération  spontanée  des  Animatix 
(Ann.  des  sciences  nat.,  i°  série,  1858,  t.  IX,  p.  35'J). 


HYPOTHÈSE  DE  LA  GÉNÉRATION  DITE  SPONTANÉE.     261 

façon  à  pouvoir  y  renouveler  l'iiir  à  volonté,  mais  à  n'y  laisser 
pénétrer  ce  fluide  qu'après  l'avoir  purifié  en  le  faisant  passer 
à  travers  un  bain  d'acide  sulfurique.  Aucun  être  vivant  ne 
se  montra  dans  le  vase  tant  que  l'air  qui  y  arriva  fut  ainsi 
dépouillé  de  tout  corps  organisé  ;  mais  les  Infusoires  s'y  déve- 
loppèrent lorsqu'on  y  laissa  entrer  de  l'air  ordinaire  chargé  des 
poussières  qui  flottent  dans  l'atmosphère  (1). 


(1)  Pour  faire  cette  expérience, 
Schultze  remplit  a  moitié  ,  avec  de 
Tenu  distillée,  mi  flacon  de  cristal 
contenant  des  fragments  de  matières 
organisées,  et  le  ferma  avec  un  bou- 
chon traversé  par  deux  tubes  coudés  ; 
puis  il  le  plonga  dans  de  l'eau  bouil- 
lante, et  pendant  que  la  vapeur  se  dé- 
gageait par  les  tubes  dont  je  viens  de 
parler,  il  adapta  à  chacun  de  ceux-ci 
un  petit  laveur  de  Liebig,  dans  l'un 
desquels  on  plaça  de  l'acide  sulfarique 
concentré,  tandis  que  dans  l'autre  on 
plaça  une  solution  de  potasse.  Ces  deux 
liquides  interceptaient  toute  communi- 
cation entre  l'atmosphère  et  l'intérieur 
du  flacon  ;  mais  pour  renouveler  l'air 
dans  celui-ci,  il  suffisait  d'aspirer  par 
l'extrémité  du  laveur  contenant  de  la 
potasse.  L'air  arrivait  alors  dans  le 
vase,  après  avoir  barboté  dans  Facide 
sulfurique.  Pendant  près  de  deux  mois 
l'air  du  flacon  fut  renouvelé  de  la 
sorte  plusieurs  fois  par  jour,  et  l'on 


constata  que  pendant  tout  ce  laps  de 
temps  aucun  Infusoire  ne  se  montra. 
On  dL'boucha  alors  le  flacon  alin  d'y 
laisser  pénétrer  l'air  librement  ;  l'infu- 
sion ne  contenait  alors  ni  moisissures, 
ni  Conferves,  ni  Animalcules,  mais  au 
bout  de  peu  de  jours  des  Monades, 
des  Vibrions  et  même  des  Rotateurs 
s'y  développèrent  (a). 

Des  expériences  faites  vers  la  même 
époque  sur  la  fernfentation  putride, 
par  Schwann  et  par  quelques  autres 
chimistes,  prouvèrent  que  l'air  pur  ne 
provoque  pas  ce  phénomène,  tandis 
que  l'air  chargé  des  matières  étran- 
gères qui  se  trouvent  dans  l'atmos- 
phère le  détermine  (6).  Plus  récem- 
ment, les  expériences  de  M.  Schrœder 
et  de  M.  Dusch  nous  apprirent 
que  le  principe  dont  dépend  cette 
altération  des  matières  putrescibles 
n'est  pas  un  fluide,  car,  pour  l'arrêter 
au  passage,  il  suffisait  de  filtrer  l'air 
à  travers  une    couche  de  coton  (c). 


(a)  Schultze,  Resultate  eïner  expérimental.  Be.ib.  ûber  generatio  equivoca  (Poggendorff's 
AnnaleiL  derPkysik  und  Cliemie,  183G,  t.  XXXIX,  p.  437).  —  Expériences  siu-  les  générations 
éqicivoques  [Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  4836,  t.  VllI,  p.  320). 

(6)  Scliwann,  Vorlaufige  Mittheilung,  betreffend  Versuche  ûber  die  Weingahrung  und  Fâul- 
niss  (Poij'gcndorff's  Annalm  der  Physik  und  Chemie,  1831,  t.  XLI,  p.  184). 

—  Ure,  Expériences  sur  la  fermentation  {BibUotllèq^ie  universelle  de  Genève,  1839,  t.  XXllI, 
p.  422). 

—  HelmhoUz  Ueber  das  Wesen  der  Fâulniss  und  Gdhrung  (Miiller's  Archiv  fur  Physiologie, 
1843,  p.  453). 

(c)  Schiœdcr  unJ  DliscIi,  Ueber  Filtralion  der  Luft  in  Be:&ielmng  auf  Fâulniss  und  Gdhrung 
(Journal  fiir  prakt.  Chemie,  1854,  t.  LXl,  p.  485). 


VUl. 


19 


faites 
par  ' 

elc, 


262  REPRODUCTION. 

Plus  récemment,  M.  Claude  Bernard  a  constaté  que  si  une 
dissolution  de  gélatine  et  de  sucre,  après  avoir  bouilli,  reste 
en  contact  direct  avec  l'atmosphère,  il  s'y  développe  rapide- 
ment des  végétaux  microscopiques,  tandis  que  si  l'air  n'y 
arrive  qu'après  avoir  traversé  un  tube  chauffé  au  rouge,  aucun 
être  vivant  ne  se  montre  dans  le  liquide  ;  d'où  ce  savant 
conclut  avec  raison  que  les  germes  de  ces  êtres  vivants  sont 
introduits  dans  le  liquide  par  l'atmosphère  (1). 
Observations  Tous  CCS  faits  étaicut  favorables  à  l'opinion  de  Baker  et  de 
MÎÏouciiet,  Spallanzani  touchant  l'origine  des  Infusoires  ;  mais  des  résultats 
négatifs  ne  sont  que  rarement  suffisants  pour  la  solution  d'une 
question  biologique,  et,  en  1858,  quelques  naturahstes  d'un 
mérite  considérable  présentèrent  de  nouveaux  arguments  en 
faveur  de  l'hypothiîse  des  générations  dites  spontanées.  Ainsi, 
M.  Pouchet  assura  que  les  Infusoires  apparaissent  dans  l'eau 
où  l'on  fait  macérer  des  substances  organisées,  lors  même 
que  ces  matières  ont  été  soumises  à  ime  température  qui 


Enfin,  on  sait  aujourd'hui  que  ce  fer-  (1)  Le  végétal  qui  s'était  développé 

ment  est  constitué  par  des  êtres  vi-  dans  le  vase  ouvert,  était  le  Penicil- 

vanls  microscopiques  {a)  ;  par  consé-  lium  glaucum  (c). 

quent,  les  résultats  constatés  par  les  J\I.  Dumas  est  arrivé  à  des  résultats 

savants   que  je   viens   de   citer    sont  analogues  en  opérant  sur  des  matières 

applicables  à  la  question  de  l'origine  organiques   chauffées  à  120   degrés, 

des  Infusoires.  puis  placées  dans  de  l'eau  artificielle, 

Je  dois  ajouter  que  peu  de  temps  et  mises   en   contact   successivement 

avant  sa  mort,  Jules  [laime  avait  répété  avec    de  l'air  préalablement  chauffé 

dans  mon  laboratoire,  à  la  Sorbonne,  au  rouge,  ou  de  l'air  chargé  de  cor- 

les  expériences  de   M.   Schultze ,    et  puscules  organiques  qui  flottent  dans 

était  arrivé  aux  mêmes  résultats  (6).  l'atmosphère  {d). 


(a)  Cagnard-Lalour,  Mém.sur  lo,  fermentation  vineuse  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
4837,  t.  IV,  p.  905). 

(b)  Voyez  Lacaze-Duthiers,  Lettre  sur  les  recherches  de  M.  Haime  concernant  les  générations 
spontanées  {Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences,  t.  XLVIU,  p.  HO). 

(c)  Claude  Bernard,  Observations  relatives  aux  prétendues  ijénérations  spontanées  {Ann.  des 
sciences  nat.,  A'  série,  1858,  t.  IX,  p.  364).  —  Leçons  stir  les  propriétés  physiologiques  et  les 
allérntions  pathologiques  des  liquides  de  l'organisme,  1.  I,  p.  488. 

(d)  Dumas,  Observations  relatives  aux  prétendues  générations  spontanées  {Ann.  des  sciences 
nat,,  4'  série,  1858,  t.  IX,  p.  365). 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉINÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  263 

avoisine  celle  de  l'eau  bouillante  et  qu'on  les  soustrait  complè- 
tement à  l'action  de  l'air  non  dépouillé  de  corpuscules  étran- 
gers (i).  Il  me  paraissait  probable  que  ce  résultat,  de  même 
que  ceux  obtenus  jadis  par  Fray,  et  que  les  faits  de  môme  ordre 
invoqués  par  d'autres  naturalistes  à  l'appui  des  opinions  de 
M.  Pouchet,  dépendaient  de  quelque  vice  dans  le  mode  d'expé- 
rimentation :  soit  de  l'insuffisance  de  la  chaleur  employée 
pour  tuer  les  germes  ou  autres  propagules  contenus  dans  l'eau, 
dans  les  matières  mises  en  infusion  ou  même  peut-être  adhé- 
rentes à  la  surface  interne  du  vase,  soit  dans  l'imperfection  de 
la  clôture  de  l'appareil  ou  du  défaut  de  purification  de  l'air 
admis  dans  celui-ci  (2).  Mais  la  discussion  placée  sur  ce  ter- 
rain aurait  pu  s'éterniser,  car  elle  roulait  sur  le  degré  de  con- 
fiance qu'on  devait  accorder  à  l'habileté  de  l'expérimentateur. 
Pour  avancer  la  question,  il  fallait  donc  de  nouveaux  éléments 


(1)    La   principale   expérience    de  étiive  dont   la  température  était  de 

M.  Poucliet  a  été  faite  de  la  manière  100  degrés.  Auboutde  quelques  jours, 

suivante  par  ce  naturaliste  et  son  col-  des  végétations  de  Pénicillium  glau- 

laborateur  M.    Houzeau.    Un    flacon  cmn  se  montrèrent  dans  l'infusion,  et 

bouché  à  Fémeri  fut   rempli  d'eau ,  plus  tard  on  y  aperçut   des  Amibes, 

puis  fermé    hermétiquement  et  ren-  des  Trachélies ,  des  Monades  et  des 

versé  sur  une  cuve  à  mercure  ;   on  Vibrions  (a).  Les  faits  constatés  par 

rempUt   ensuite  aux  trois  quarts  ce  M.  Pasteur,  et  dont  il  sera  bientôt 

vase  avec  un   mélange  d'oxygène  et  question,  feront  saisir  au  premier  coup 

d'azote  dans  les  proportions  voulues,  d'œil  le  défaut  capital  de  cette  expé- 

pour  constituer  de  l'air  artificiel,  et  rience  (voy.  page  266). 
l'on  y  introduisit  une  certaine  quantité  (2)  Voyez  à  ce  sujet  les  remaix:|ues 

de  foin  qui   avait  été  préalablement  présentées  à  l'Académie,  le  5  janvier 

exposé,  durant  vingt  minutes,  dans  une  1859  (&). 

(a)  Pouchet,  Note  sur  des  Proto-organismes  nés  spontanément  dans  de  l'air  artificiel  et  dans 
le  gaz  oxygène  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1858,  t.  XLVII,  p.  979,  et  Ann.  des 
sciences  nat.,  4°  série,  1858,  t.  IX,  p.  347). 

—  Poiicliet  et  Houzeau,  Expériences  sur  les  générations  spontanées  (Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  1858,  t.  XLVII,  p.  982,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  t.  IX,  p.  350). 

{b)  Milne  Edwards,  Remarques  sur  la  valeur  des  faits  qui  sont  considérés  par  quelques  natu- 
ralistes comme  étant  propres  à  prouver  l'existence  de  la  génération  spontanée  des  Animaux 
(Comptes  rendus,  t.  XLVIII,  p.  23,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  i°  série,  1858,  t.  IX,  p.  353j. 

—  Observations  sur  la  question  des  générations  spontanées,  par  MM.  Payen,  de  Quatrefages, 
Claude  Bernard  et  Dumas  (Comptes  rendus,  t.  XLVIII,  et  Ann,  des  sciences  nat.,  4»  série,  t.  IX, 
p.  360). 


264  RKPRODUCTION. 

de  conviction,  et  des  preuves  qui  me  paraissent  décisives  ne 
tardèrent  pas  à  nous  être  fournies  par  les  belles  expériences 
de  M.  Pasteur  (1). 
Expériences       Jusqu'alors  l'existence  de  propagules  ou  de  germes  d'Infu- 

de  M.  Pasteur.         .  -,  ,,    ,  ,   ,  ,      .  ,  ,   ^  i  .11 

son^es  dans  I  atmosphère  était  une  hypothèse  plausible  pour 
expliquer  l'origine  de  ces  êtres  d'une  manière  conforme  aux 
lois  générales  de  la  reproduction  ;  mais  c'était  une  supposition 
seulement,  et  l'on  n'avait  pu  ni  voir  ni  saisir  ces  corpuscules 
reproducteurs.  M.  Pasteur,  en  faisant  passer  de  l'air  à  travers 
divers  corps  qui  remphssaient  l'office  de  fibres,  du  coton  ou 
de  l'amiante,  par  exemple,  est  parvenu  à  arrêter  ces  germes 
ou  propagules,  et,  en  les  semant  dans  des  infusions  placées 
dans  des  vases  hermétiquement  fermés,  il  a  pu  déterminer  à 
volonté  le  développement  d'êtres  vivants  dans  des  conditions 
où  aucun  phénomène  vital  ne  se  serait  manifesté  si  cet  ense- 
mencement n'avait  eu  lieu.  Ses  expériences  ont  été  instituées 
de  manière  à  éviter  toutes  les  causes  d'erreur  qu'il  nous  est 
possible  d'imaginer,  et  les  résultats  qu'elles  lui  ont  fournis 
'  me  paraissent  inattaquables.  Les  arguments  à  l'aide  desquels 

M.  Pouchet,  M.  Joly  et  quelques  autres  naturalistes  ont  cherché 
à  les  renverser  ne  me  semblent  avoir  aucune  valeur,  et,  sans 
m'arrêter  à  les  réfuter  (j2),  je  me  bornerai  à  citer  ici  quelques 


(1)  Les  recherclies  de  M.  Pasteur  dées  par  cet  habile  expérimentateur 

sur  Ja  génération  dite  spontanée  lurent  sont  discutées  d'ime  manière  ïippro- 

d'aijord  communiquées  à  l'Académie  fondie  (6). 

des  sciences  dans  une  série  de  noies  (a),  (2)  Pom*  plus  de  détails  à  ce  sujet, 

puis  réunies  et  coordonnées  dans  un  je  renverrai  aux  publications  faites  par 

mémoire  où  toutes  les  questions abor-  ces  divers  naturalistes  (c),  aux  dis- 


la)  Pasleur,  Expériences  relatives  aux  générations  dites  spontanées  {Comptes  rendus  de  l'Àcad. 
des  sciences,  1860,  t.  L,  p.  303,  et  Ann.  des  sciences  nat.,  i^  série,  t.  Xll,  p.  85). 

—  De  l'origine  des  ferments.  Nonvelles  expériences  relatives  aux  générations  dites  sponta- 
nées (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  iXC>0,  t.  L,  p.  8-49). 

(b)  Pasleur,  Mémoire  sur  les  corpuscules  organisés  qui  existent  dans  l'atmosphère,  et  examen 
de  la  doctrine  des  générations  spontanées  {Ann.  des  sciences  nat.,  4*  série,  ISOl,  t.  XVI,  !>,  5). 

(c)  Voyez  ci-dessus,  page  254. 


HYPOTHÈSE  DE  LA  GÉNÉRATION  DITE  SPONTANÉE.     2(55 

parties  du  beau  travail  de  M.  Pasteur,  car  les  détails  qu'il 
donne  suffiront,  je  pense,  pour  oonvainerc  tous  les  esprits 
impartiaux,  et  montrent  combien  il  est  facile  de  laisser  passer 
inaperçues  des  causes  d'erreur. 

M.  Pasteur  constata  d'abord  que  si  l'on  place  dans  un  ballon 
de  verre  une  dissolution  de  sucre  mêlée  à  des  substances  albu- 
minoïdes  et  à  une  petite  quantité  de  matières  minérales  pro- 
venant de  l'incinération  de  la  levure  de  bière  ;  si  l'on  bouche 
ensuite  ce  ballon  en  étirant  à  la  lampe  son  col  elfdé,  et  si, 
après  avoir  effectué  cette  clôture  hermétique,  on  chauffe  le 
liquide  à  100  degrés,  la  fermentation  ne  s'y  établit  pas.  11 
ne  s'y  développe  ni  globules  de  ferment,  ni  Mucédinées,  ni 
aucune  autre  espèce  d'êtres  vivants,  lorsqu'on  fait  pénétrer 
dans  le  ballon  ainsi  disposé  de  l'air  qui  a  été  calciné  en  passant 
à  travers  un  tube  chauffé  au  rouge,  et  qui,  après  avoir  été 
purifié  de  la  sorte,  n'a  pu  se  charger  d'aucun  corps  organisé. 
Cette  expérience,  répétée  un  grand  nombre  de  fois,  a  toujours 
donné,  entre  les  mains  de  M.  Pasteur,  le  même  résultat.  Les 
choses  se  passaient  encore  de  la  même  manière  lorsqu'une 
certaine  quantité  des  poussières  organisées  qui  flottaient  dans 
l'atmosphère,  et  qui  avaient  été  recueillies  par  la  fdtration  de 
l'air,  fut  placée  dans  le  col  du  ballon  de  façon  à  ne  pas  subir 
l'influence  destructive  de  la  chaleur  et  à  ne  pas  arriver  dans 
le  liquide  mis  en  expérience  ;  mais,  lorsque  après  avoir  laissé 


eussions  qui  ont  eu  lieu  entre  M.  Pas-  bonne  en  1862  (a),  et  aux  aulres  pu- 
teur  et  ses  antagonistes  ,  dans  des  blications  faites  sur  ce  sujet  par  divers 
réunions  scientifiques  tenues  à  la  Sor-      auteurs  (6). 


(a)  Voyez  la  Revue  des  Sociétés  savantes,  sciences  mathématiques  physiques  et  naturelles, 
1862,  t.  I,  p.  64  et  suivantes. 

(6)  LavîiUée  Poussin,  Le  viviparisme  et  la  question  des  générations  spmtanées  (extrait  de  la 
Revue  catholique  de  Louvain,  ISOS). 

—  Jobard,  De  la  génération  spontanée  [le  Progrès  international,  Bruxelles,  28  août  1861), 

—  G.  Gallo,  SuUe  generazioni  spontanée  (Giornale  di  faiinacia,  1860;. 

—  Salmibeni,  Sulla  elerogenia  ovvero  sulla  generazione  spontanea.  Modena,  1863. 

—  Voyez  aussi  les  publications  dt'jà  citées  patjes  254  et  suivantes. 


266  REPRODUCTION. 

l'appareil  clans  cet  élat  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long, 
on  l'inclinait  de  façon  à  faire  tomber  cette  poussière  dans 
le  bain  chargé  de  sucre  et  d'albumine ,  on  voyait  toujours 
des  signes  de  fermentation  se  manifester  promptement  dans 
le  liq^uide,  et  au  bout  de  quelques  heures  des  productions 
organiques  s'y  développer.  Le  point  où  ces  poussières  tom- 
baient dans  le  bain  était  toujours  celui  où  les  végétations 
commençaient ,  et  si  ces  mêmes  corpuscules,  au  lieu  d'élre 
portés  directement  dans  l'infusion,  étaient  exposés  préalable- 
ment à  une  température  d'environ  100  degrés,  ils  restaient 
inactifs,  et  la  production  d'înfusoires  n'avait  pas  lieu.  Mais 
pour  dépouiller  complètement  de  ces  propagules  les  instru™ 
monts  ou  les  matières  employés  dans    ces  expériences,  il 
faut  des  précautions  parfois  minulieuses.  Ainsi,  M.  Pasteur 
a  constaté   que  les   germes  déposés   par  l'atmosphère  à  la 
surface  d'un  bain  de  mercure   peuvent  suffire  pour  rendre 
les  gaz  ([ui  traversent  ce  liquide  aptes  à  produire  des  phéno- 
mènes de  génération  prétendue  spontanée  ;  l'air,  en  passant 
dans  le  mercure,  peut  se  charger  de  ces  germes ,  les  porter 
avec  lui  dans  les  infusions  ,  y  introduire  des  principes  de 
vie  et  y  faire   naître    des    êtres   organisés  dont    la  multi- 
plication est  rapide.  Cela  nous  explique  comment,  dans  beau- 
coup d'expériences  où  les  naturalistes  croyaient  s'èlre  mis  à 
l'abri  de  toute  cause  d'erreur,  les   infusions  sur  lesquelles 
ils  opéraient  avaient  pu  se  peupler  d'Animalcules  sans  que 
l'origine  de  ces  petits  êtres  ait  éîé  due  à  un  phénomène 
agénétique. 

En  effet,  ces  corpuscules  organisés  qui  flottent  dans  l'at- 
mosphère, et  qui,  en  tombant  dans  un  liquide  approprié 
à  leurs  besoins ,  se  développent  en  Animalcules  ou  en 
Végétaux  microscopiques,  et  pullulent  avec  une  rapidité 
extrême,  de  façon  à  donner  promptement  naissance  à  une 
population  innombrable,  sont  pour  la  plupart  d'une  petitesse 


HYPOTHÈSE    DE    LA   GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  267 

extrême  (1),  et  peuvent  cire  déposés  indifféremment  sur  la  sur- 
face de  tous  les  objets  employés  dans  les  expériences  de  ce 
genre,  sur  les  matières  organiques  mises  en  infusion  dans 
l'eau,  sur  la  paroi  interne  du  vase,  dans  les  interstices  des 
bouchons  servant  à  clore  l'appareil,  ou  dans  l'air  qui  est  empri- 
sonné dans  celui-ci  ou  qui  y  pénètre  du  dehors.  La  valeur  de 
l'expérience  comme  argument  dans  le  débat  relatif  à  l'ori- 
gine des  Infusoires  qui  se  montrent  dans  une  infusion  que  l'on 
suppose  avoir  été  séquestrée  complètement  et  préalablement 
purgée  de  tout  corps  étranger,  dépend  donc  entièrement  du 
succès  avec  lequel  l'expérimentateur  se  débarrasse  de  tout 
germe  viable  contenu  de  son  appareil,  et  empêche  ensuite  des 
corpuscules  de  ce  genre  d'y  pénétrer.  Or,  la  destruction  de 
la  propriété  germinative  des  propagules  en  question  ne  se  fait 
pas  toujours  aussi  facilement  que  l'on  pourrait  le  croire  de 
prime  abord.  Nous  savons,  par  les  expériences  de  Doyère, 
que  certains  Animalcules ,  lorsqu'ils  sont  convenablement 
desséchés,  peuvent  supporter  des  températures  qui  dépas- 
sent de  beaucoup  celle  de  l'eau  bouillante  (2),  et  l'on  a  con- 
staté aussi  que  les  germes  de  quelques  végétaux  microsco- 
piques ne  sont  pas  tués  par  la  chaleur  des  fours  où  se  fait  la 
cuisson  du  pain  (o).  On  comprend  donc  que,  dans  beaucoup  de 


(1)  U.  Pouchel:  pense  que  les  œufs  (2)  Voyez  tome  VII,  page  529. 

de  Vorticelles  sont  au  contraire  d'un  (3)    Ce    fait    a    été    constaté    par 

volume    relativement    très  -  considé-  M.  Payen,  à  l'occasion  de  ses  recher- 

rable  :  savoir,  0"i",Oii  (a)  ;  mais  ce  ches  sur  les  causes  de  la  coloration  du 

qu'il  a  pris  pour  des  œufs  étaient  pro-  pain  de  munition  en  rouge  (c),  obser- 

bablement  des  Vorticelles  enkystées  (6).  vée  à  Paris  il  y  a  quelques  années  (d). 


a)  Pouchet,  Note  sur  le  développement  et  l'organisation  des  Infusoires  [Comptes  rendus  de 
Acad.  des  sciences,  1849,  t.  XXVIII,  p.  82). 

(b)  Claparède  et  Laclimann,  Études  sur  les  Infusoires  et  les  Rhizopodes,  1861,  t.  If,  p.  81. 

(c)  Payen,  Op.  cit.  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1859,  t.  XLVIII,  p.  30). 

(d)  Lesunie,  Rapport  sur  une  altération  extraordinaire  du  pain  de  munition  (Ann,  de  chimie 
et  de  physique,  3°  série,  1843,  t.  IX,  p,  5). 


268  KEPRODUCTION. 

cas,  la  chaleur  employée  en  vue  de  détruire  la  vitalité  des 
corpuscules  contenus  dans  une  infusion  ou  dans  les  parlies 
accessoires  de  l'appareil,  ait  pu  être  insuffisante,  et  que  des 
germes  emprisonnés  dans  le  vase  avec  les  substances  que  l'on 
croyait  dépouillées  de  toute  matière  vivante  aient  pu  échapper 
à  cette  cause  de  destruction.  Un  seul  de  ces  corpuscules  invi- 
sibles, même  pour  notre  œil  armé  d'une  loupe  ordinaire, 
pourrait  suffire  pour  peupler  le  liquide  séquestré;  car  lorsque 
les  circonstances  sont  favorables,  ces  petits  êtres  se  repro- 
duisent avec  une  grande  rapidité ,  et  leur  fécondité  est 
extrême  (l).  Si  l'on  écarte  d'une  manière  judicieuse  les 
causes  d'erreur,  on  voit  que  les  êtres  vivants  ne  se  montrent 
jamais  là  où  des  germes  vivants  (2)  n'ont  pu  arriver  du 
dehors  :  ainsi ,  dans  une  des  séries  d'expériences  faites  par 
M.  Pasteur  pour  empêcher  le  développement  d'Infusoires  au 
sein  des  infusions  placées  dans  des  ballons  de  verre  restés 
ouverts ,  il  a  suffi  de  recourber  le  col  de  ces  vases  de  façon 
que  la  poussière  tombant  verticalement  dans  l'atmosphère  ne 
pût  y  pénétrer  (o). 

Il  est  aussi  à  noter  que  si  la  naissance  des  Infusoires  était  due 


(l)  D'après  les  calculs  de  M.  Ehren-  covo  si  les  clrconslances  étaiont  favo- 

berg,  il  paraît  qu'eu  mettant  en  expé-  râbles  (a). 

rie.nce  un  Rotateur,  on  peut  obtenir  (2)  .l'emploie  ici  le  mot  vivant  clans 

au  dixième  jour   un  million  de  ces  son  acception  la  plus  large,  c'est-à-dire 

petits  êtres;  U  millions  le  onzième  pour  exprimer  l'idée  de  la  vie  latente 

jour,  et  16  millions  le  seizième  jour.  des  graines  et  des  œufs,  anssi  bien  que 

Vom-]e.sMnsoiresd\[spolygastriques,  de  la  vie  sensible  de  l'être  qui  végète 

la  progression  serait  encore  plus  ra-  ou  qui  exerce  de  tonte  autre  manière 

pidc,  car,  d'après  M.   Ehrenberg,  le  ses  fonctions  biologiques, 

premier  million  serait  obtenu  dès  le  {'6)   Je  dois  ajouter  que  les  expé- 

seplième  jour ,   et   la  multiplication  riences  de   M.  Pasteur,  répétées  par 

pourrait  devenir  plus  considérable  en-  quelques  autres  naturalistes,  n'ont  pas 

la)  Ehi'ciibertr,  Piecherches  sur  le  développement  et  la  durée  de  la  vie  des  Animaux  infusoires 

lAnn.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1834,  t,  1,  p.  207). 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  569 

seulement  aux  propriétés  de  la  matière  organique,  de  l'eau  et  de 
l'air,  la  production  de  ces  êtres  microscopirpies  devrait  avoir 
conslamment  lieu,  quand  ces  corps  inertes  sont  en  présence  et 
que  la  température  est  convenable  pour  le  développement  de 
pareils  produits;  de  même  que  du  sulfate  de  chaux  se  forme 
toutes  les  fois  que  le  chimiste  verse  de  l'acide  sulfurique  sur  de 
la  craie.  Or,  M.  Pasteur  a  constaté  qu'il  n'en  est  pas  ainsi,  et 
que  la  proportion  des  cas  dans  lesquels  une  infusion  se  peuple 
d'êtres  vivants  devient  d'autant  plus  faible  que  les  circon- 
stances dans  lesquelles  on  opère  sont  moins  favorables  à  l'exis- 
tence de  corpuscules  organisés  en  suspension  dans  l'atmos- 
phère. Ainsi ,  en  faisant  des  expériences  comparatives  avec 
de  l'air  puisé  au  milieu  d'une  grandç  ville,  ou  dans  une  cave 
protbnde ,  dans  un  champ  cultivé  ou  au  sommet  d'une  haute 
montagne,  au  miheu  de  neiges  éternelles  qui  s'opposent  à 
toute  végétation,  M.  Pasteur  a  vu  que  tantôt  les  Infusoires 
ne  manquaient  pas  d'apparaître  dans  tous  ses  vases,  tandis  que 
d'autres  fois  il  n'en  obtenait  que  dans  cinq  vases  sur  vingt,  ou 
même  dans  un  seul,  tandis  que  les  dix-neuf  autres  restaient 
stériles.  Plus  les  conditions  dans  lesquelles  il  se  plaçait  étaient 
défavorables  au  transport  des  germes  végétaux  ou  animaux 
par  les  courants  atmosphériques  et  au  dépôt  de  ces  poussières 
viables  dans  ses  infusions,  moins  il  y  avait  de  chance  d'obtenir 
dans  celles-ci  la  naissance  des  x4nimalcules  ou  des  Végétaux 
microscopiques  dont  les  hétérogénistes  atlribuent  la  formation 

donné  les  mêmes  résultais  (a),  mais  M.  Pastem- m'a  rendu  témoin,  et  dont 

je  pense  que  cela   devait   dépendre  les  résultats  ont  été  placés  sous  les  yeux 

de  quelque  défaut  dans  les  procédés  de  l'Académie,  me  semblent  à  l'abri  de 

opératoires  employés  par  ces  derniers  toute  cause  d'erreur  et  me  paraissent 

auteurs  ;   car   les    expériences    dont  être  complètement  probantes. 

la)  3.  Wyman,  Experimeiits  on  the  Formalioii  of  Infusoria  in  boiled  Solulions  of  Organic 
yialter  cnctnscd  in  liermelicalhj  sealed  Vesscls  and  supplied  witli  ]nire  Air  {Ameiican  Journal 
or  Science,  1802,  t.  XXXIV). 

-  Miisfct    Konvelks  recherches  expérimentales  sur  riiélèrogénic,  thèse.  Bordeaux,  1862, 


270  REPRODUCTION. 

à  la  matière  employée  de  la  même  manière  dans  toutes  les 
expériences  (1). 
cunckision,  Nous  voyons  done  que  chacune  des  prétendues  exceptions  à 
la  loi  de  la  formation  des  êtres  vivants  par  voie  de  généra- 
tion a  disparu  de  la  science  dès  que  l'on  en  eut  fait  une  étude 
approfondie.  Lorsque  la  peuplade  sauvage  de  l'une  de  ces  îles 
qui  sont  isolées  au  milieu  du  grand  Océan,  vit  pour  la  pre- 
mière fois  des  matelots  jetés  sur  ses  côtes  par  quelque  nau- 
frage, elle  crut,  dit-on,  que  ces  étrangers  étaient  descendus  du 
ciel,  ou  nés,  comme  les  Poissons,  au  fond  des  eaux  ;  mais  elle 
ne  tarda  pas  à  reconnaître  qu'ils  venaient  d'une  terre  inconnue 
située  au  delà  des  limites  étroites  de  l'horizon,  et  dès  lors 
elle  n'attribua  plus  à  une  autre  origine  les  nouveaux  arrivants 
qu'elle  vit  aborder  dans  ses  domaines ,  lors  même  qu'elle 


(1  )  Pour  faire  ces  expériences , 
M.  Pasteur  plaça  dans  des  jjallons  de 
verre  les  infusions  reconnues  propres 
à  être  le  siège  des  générations  pré- 
tendues spontanées ,  mais  ne  conte- 
nant rien  de  vivant  ;  puis  il  fit  le  vide 
dans  ces  vases  et  les  ferma  herméli- 
quemeat.  Les  ballons  ainsi  préparés 
furent  ensuite  transportés  dans  les 
lieux  dont  on  voulait  étudier  Tair;  là 
on  les  ouvrit  pour  laisser  enîrer  ce 
fluide,  et  aussitôt  après  on  les  ferma 
de  nouveau  en  prenant  toutes  les  pré- 
cautions désirables  pour  empêcher 
l'introduction  de  corps  étrangers. 

Dans  onze  ballons  préparés  de  la 
sorte  et  remplis  avec  de  l'air  pris  dans 
la  cour  de  l'Observatoire  à  Paris,  le 
développement  d'Infusoires  ne  fit  dé- 
faut nulle  part  ;  mais  sur  dix  ballons 
remplis  d'air  dans  la  cave  de  cet  éta- 
blissement où  la  température  est  con- 
stante, et  où  par  conséquent  il  n'y  a 


que  peu  de  courants,  neuf  restèrent 
stériles  et  un  seul  donna  des  Infu- 
soir  es. 

Dans  une  autre  expérience,  M.  Pas- 
teur opéra  de  la  même  manière  sur 
soixante  ballons  ,  dont  vingt  furent 
ouverts  dans  la  campagne,  loin  des 
habitations,  au  pied  du  Jura,  dont 
un  pareil  nombre  fut  ensuite  ouvert 
au  sommet  d'une  des  montagnes  de 
cette  chaîne ,  dont  l'altitude  est  de 
850  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer  ;  enfin  les  vingt  autres  furent 
remplis  d'air  sur  le  flanc  du  Mont- 
Blanc,  près  de  la  mer  de  glace,  à  une 
élévation  de  2000  mètres. 

Dans  la  première  série  de  ballons, 
les  Jnfusoires  se  montrèrent  dans  neuf 
de  ces  vases  et  onze  restèrent  stériles. 

Dans  la  deuxième  série ,  celle  des 
ballons  ouverts  au  haut  du  Jura,  les 
Infusoires  ne  se  développèrent  que 
dans  cinq  vases,  et   dans  les  quinze 


HYPOTHÈSE    DE    LA    GÉNÉRATION    DITE    SPONTANÉE.  271 

ne  put  apercevoir  le  navire  qui  les  y  avait  transportes.  Les 
partisans  de  l'hypothèse  de  la  naissance  agénctique  des  Ani- 
malcules dont  les  infusions  se  peuplent  me  semblent  raisonner 
de  la  même  manière  que  ces  insulaires  ignorants ,  lorsque 
ceux-ci  n'avaient  pas  encore  appris  qu'ils  n'étaient  pas  les  seuls 
habitants  de  notre  globe,  et  que  la  mer  n'était  pas  un  obstacle 
infranchissable  pour  les  peuples  civilisés.  Mais  je  pense  qu'à 
la  longue  ces  physiologistes  se  laisseront  convaincre  par  des 
observations  analogues  à  celles  qui  ont  dû  dissiper  peu  à  peu 
les  erreurs  des  Océaniens  dont  je  viens  de  parler  ;  et  que  tôt 
ou  tard  tous  les  naturalistes  seront  d'accord  pour  reconnaître 
que  la  même  loi  fondamentale  régit  la  production  du  chêne 


autres  il  n'y  eut  aucun  indice  d'acti- 
vité vitale. 

Enfin,  dans  la  troisième  série,  celle 
des  ballons  ouverts  sur  le  Mont-Blanc, 
dix-neuf  de  ces  vases  restèrent  stériles 
et  un  seul  se  peupla  d'Infasoires  (a). 

Or,  cette  stérilité  des  infusions  em- 
ployées dans  les  expériences  faites  à 
de  grandes  altitudes  où  l'air  est  pur, 
ne  dépendait  en  aucune  façon  de  la 
nature  des  matières  dont  ces  infusions 
se  composaient,  car  un  des  ballons 
restés  clos  pendant  plus  de  trois  ans 
ayant  été  ouvert  et  placé  dans  des  con- 
ditions où  les  poussières  charriées  par 
l'atmosphère  peuvent  y  tomber,  donna 
des  Infusoires  dans  l'espace  de  quel- 
ques jours  (6). 

Des  expériences  analogues  ont  été 
faites  récemment  dans  les  Pyrénées 
(à  la  Maladetta)  par  MM.  Pouchet, 


Joly  et  Musset  ;  mais  les  résultats  ob- 
tenus ne  furent  pas  les  mêmes  que 
dans  les  cas  dont  je  viens  de  parler. 
Ces  physiologistes,  ayant  opéré  sur 
huit  ballons,  virent  des  Infusoires  se 
développer  dans  tous  (c).  Peut-on 
en  conclure  que  les  faits  annoncés 
par  M.  Pasteur  sont  inexacts  ?  Évi- 
demment non.  Les  expériences  de 
MM.  Pouchet  ,  Joly  et  Musset ,  en 
supposant  qu'elles  aient  été  bien  faites, 
prouveraient  seulement  que  dans  le 
lieu  et  au  moment  où  les  huit  vases 
de  ces  naturalistes  ont  été  remplis 
d'air ,  l'atmosphère  était  chargée  de 
plus  de  poussières  organiques  qu'il  n'y 
en  avait  au  haut  du  Jura  au  moment 
où  M.  Pasteur  s'y  rendit.  Ces  expé- 
riences ne  fournissent  donc  aucun  ar- 
gument sohde  à  l'appui  de  l'hypothèse 
de  l'hétérogénie. 


{a)  Pasteur,  Mém.  sur  les  corpuscules  organisés  qui  existent  dans  l'atmosphère  {Ann.  des 
sciences  nat.,  i'  série,  1861,  t.  XVI,  p.  75  etsuiv.). 

(6)  Pasleur,  Note  en  réponse  des  observations  critiques,  etc.  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des 
sciences,  1863,  l.  LVII,  p.  7'J4). 

(c)  Expériences  sur  l'hétérogénie  exécutées  dans  l'intérieur  des  glaciers  de  la  Maladetta 
[Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1863,  t.  LVII,  p.  358). 


nc'crojrencsio. 


272  REPRODUCTION. 

et  des  moindres  moisissures,  celledc  l'iiomme  et  de  la  monade; 
en  un  mot,  la  naissance  de  tout  ce  qui  est  doué  de  vie. 
Examen  .       §  5.  —  Eu  attendant,  je  ne  m'occuperai  pas  davantage  ici  de 

de  riiypollièsc  .  '       i  .  i     •.       i  • 

doiapioduciion  celfc  Qucstion  sans  cesse  résolue  et  sans  cesse  reproduite  depuis 
*"'  par'"™'   le  temps  d'Aristote  jusqu'à  nos  jours;  et  laissant  de  côté  l'hypo- 
thèse de  l'origine  agénésique  des  Animaux,  je  me  hâte  d'aborder 
l'examen  d'un  autre  point  de  l'histoire  de  la  multiplication  de 
ces  êtres  :  l'hypothèse  de  leur  production  par  nécrogénésie. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  serait  oiseux  de  discuter 
la  portion  des  idées  de  Buffon  qui  sont  relatives  à  l'indestructi- 
bilité  de  la  matière  organisable  et  à  l'impuissance  où  seraient 
les  êtres  vivants  d'en  former  de  toutes  pièces.  Effectivement  on 
sait  que  les  Plantes  et  même  que  certains  Animaux  inférieurs 
peuvent,  avec  de  l'eau,  de  l'acide  carbonique,  des  sels  ammo- 
niacaux et  d'autres  matières  minérales,  fabriquer  pour  ainsi 
dire  les  composés  chimiques  qui  sont  nécessaires  à  la  constitu- 
tion de  leurs  organes,  et  former,  avec  la  substance  ainsi  pré- 
parée, des  tissus  vivants.  Sous  l'intluence  des  forces  vitales,  la 
matière  inorganique  peut  donc  devenir  de  la  matière  vivante. 
Mais  la  théorie  des  molécules  organiques  de  Buffon,  dégagée 
de  ce  qui  est  relatif  à  l'origine  de  la  matière  vivante,  ne  choque 
aucun  des  principes  fondamentaux  de  la  physiologie,  et  mérite 
de  fixer  notre  attention  ;  je  m'y  arrêterai  même  d'autant  plus 
volontiers,  que  l'examen  de  cette  question  me  fournira  l'occa- 
sion de  parler  de  divers  faits  importants  à  signaler,  et  qui  ne 
trouveraient  peut-être  que  difficilement  leur  place  dans  les 
autres  parties  de  ce  cours. 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  (1),  Buffon  considérait  les  Animaux 
et  les  plantes  comme  étant  formés  par  l'assemblage  d'un  certain 
nombre  de  molécules  organiques  douées  chacune  de  la  puissance 
vitale,  et  réunies  dans  certains  rapports  de  façon  à  constituer 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  2/i7. 


HYPOTHÈSE    DE    LVlÉTÉnOGÉNIE.  273 

par  leur  assemblage  tel  ou  Ici  organisme  parliculier  dont  le  mode 
d'activilé  dépendrait  du  caractère  de  cette  association,  mais 
dontla  destruction  ou  mort  n'influerait  en  rien  sur  les  propriétés 
essentielles  de  la  matière  vivante  des  molécules  dont  je  viens 
de  parler,  et  aurait  seulement  pour  effet  de  leur  rendre  leur 
indépendance  individuelle,  et  de  leur  permettre  de  contrac- 
ter entre  eljes  de  nouvelles  alliances ,  d'où  résulteraient 
d'autres  organismes.  L'idée  ({u'implique  le  mot  imÀécvle  ne 
nous  permet  pas  d'employer  ici  le  langage  de  Buffon;  mais  si 
l'on  substitue  à  celte  expression  le  mot  organite,  on  peut  dire, 
avec  ce  grand  naturaliste,  que  la  vie  de  ces  matériaux  de  l'or- 
ganisme n'est  pas  nécessairement  liée  à  la  vie  générale  de 
l'être  dont  ils  font  partie  ;  que  chaque  organite,  devenu  un  corps 
vivant  sous  l'intluence  de  la  vie  de  l'Animal  ou  de  la  Plante  qui 
le  produit,  a  une  vitalité  propre,  et  peut  conserver  celle  puis- 
sance biologique  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  après 
avoir  cessé  d'être  uni  à  ses  associés,  c'est-à-dire  aux  autres 
parties  de  l'organisme  de  l'être  producteur.  Ainsi,  les  globules 
hématiques  qui  flottent  dans  le  fluide  nourricier  des  Animaux, 
et  qui  ont  été  l'objet  de  nos  études  au  commencement  de  ce 
cours,  sont,  comme  nous  l'avons  vu,  des  organites  libres  et 
vivants,  des  individus  biologiques  qui,  pendant  la  période  em- 
bryonnaire, sont  susceptibles  de  se  reproduire  par  division 
spontanée  ou  par  bourgeonnement,  mais  qui  meurent  prompte- 
ment  lorsqu'ils  sortent  de  leur  milieu  ordinaire.  Les  Sperma- 
tozoïdes, dont  l'étude  nous  occupera  bientôt,  sont  également  des 
produits  de  l'organisme  qui  jouissent  d'une  vie  individuelle,  et 
qui  peuvent  même  conserver  leur  mode  d'activité  spéciale 
pendant  longtemps  après  avoir  été  séparés  de  l'être  dans  l'inté- 
rieur duquel  ils  ont  pris  naissance.  La  vitalité  propre  de  beau- 
coup de  parties  solides  de  l'économie  animale  est  également 
mise  en  évidence  par  les  signes  d'activité  qu'elles  donnent 
après  leur  ablation  :  chacun  sait  que  les  Ironçons  du  corps  d'un 


27/l  REPRODUCTION. 

Yer  de  terre  continuent  à  se  mouvoir  après  avoir  été  séparés, 
et  des  expériences  récentes  relatives  aux  greffes  animales  et 
à  la  transplantation  de  fragments  de  tissus  vivants  sur  des 
parties  éloignées  de  l'organisme,  ou  même  d'un  animal  à  un 
autre,  prouvent  que  si  les  conditions  dans  lesquelles  les  parties 
vivantes  se  trouvent  placées  sont  favorables  à  leur  existence, 
elles  peuvent  continuer  à  vivre  après  avoir  cessé  d'appartenir 
à  l'individu  dont  elles  étaient  primitivement  des  matériaux 
constitutifs  (1). 
Dans  la  prochaine  Leçon,  nous  verrons  mêuie  que  chez  cer- 


(1)  On  trouve  dans  les  écrits  des 
chirurgiens  un  nombre  assez  considé- 
rable d'observations  de  cas  dans  les- 
quels certaines  parties  du  corps  hu- 
main, après  avoir  été  complètement 
séparées  de  l'organisme  et  avoir  été 
remises  en  place,  s'y  sont  entées  de 
façon  à  faire  disparaître  toute  solution 
de  continuité  et  à  continuer  de  vivre 
comme  elles  vivaient  avant  l'accident. 
Or,  on  ne  conçoit  pas  la  possibilité 
d'une  soudure  semblable  entre  le  corps 
vivant  et  une  parde  réellement  morte. 
On  sait  que  les  greffes  animales  peuvent, 
dans  certaines  circonstances,  avoir  heu 
assez  facilement,  si  le  fragment  appli- 
qué à  la  surface  d'une  plaie  saine 
reste  pendant  un  certain  temps  en  con- 
tinuité de  substance  avec  l'être  vivant. 
C'est  sur  la  connaissance  de  ces  faits 
que  repose  le  principe  de  la  rhinoplas- 
lie,  opération  dans  laquelle  le  chirur- 
gien fabrique  en  quelque  sorte  un  nez 
nouveau  à  l'aide  d'un  lambeau  de  la 
peau  du  front.  On  doit  donc  penser  que 


dans  les  cas  où  des  fragments  du  corps, 
après  avoir  été  complètement  séparés, 
ont  repris  de  la  sorte,  ils  avaient  con- 
servé une  vitalité  qui  leur  était  propre. 
Parmi  les  histoires  de  nez  coupés 
d'une  manière  complète  et  réintégrés, 
la  plus  célèbre  et  l'une  des  plus  authen- 
tiques, au  moins  en  apparence,  est 
cehe  publiée  en  1731,  par  Garengeot. 
Un  soldat,  se  battant  avec  un  de  ses 
camarades ,  fut  mordu  par  celui-ci 
de  façon  qu'il  lui  emporta  la  presque 
totalité  de  la  partie  cartilagineuse  du 
nez.  Le  morceau  ainsi  détaché  tomba 
à  terre,  et  ayant  été  ramassé  et  lavé, 
fut  ajusté  à  sa  place  natureUe  et  main- 
tenu avec  un  emplâtre  agglutinatif; 
la  réunion  s'opéra  proraptement,  et 
était  complète  au  bout  de  quelques 
jours  (a).  Le  récit  de  Garengeot, 
quoique  en  accord  avec  quelques  ob- 
servations plus  anciennes  {b),  ne  ren- 
contra pendant  longtemps  que  des 
incrédules  ;  mais  des  faits  analogues 
ayant   été    constatés    par    plusieurs 


[a]  Garengeot,  Traité  des  opérations  de  chirurgie,  2"  édit.,  1731. 

(6);Par  exemple,   celles  de  Fioravanli,  chirurgien   du   xvr  siècle,  deMollnelii    et  de  Winsœlt 
voyez  Jobert,  de  Lamballe',  Traité  de  chirurgie  plastique,  1. 1,  p.  ^109). 


HYPOTHÈSE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  275 

tains  Animaux  inférieurs,  ainsi  que  chez  beaucoup  de  Vég(3- 
taux,  des  fragments  de  l'organisme,  après  avoir  clé  délacljés, 
se  développent  et  se  complètent  de  façon  à  devenir  des  Ani- 
maux ou  des  Plantes  semblables  à  l'être  dont  ces  fragments 
proviennent,  et  que  la  scissiparité  est  un  des  procédés  que  la 
nature  emploie  pour  la  multiplication  des  individus. 

En  se  plaçant  au  point  de  vue  de  la  théorie,  on  peut  donc 
concevoir  la  possibilité  d'un  phénomène  de  même  ordre  qui 
serait  poussé  plus  loin,  et  qui  aurait  pour  conséquence  la  trans- 
formation des  organites  ou  éléments  anatomiques  d'un  tissu 


autres  cliirurgiens  (a),  la  possibilité  de  Dans  quelques   cas,   l'oreille,  après 

cette  soudure  est  considérée  aujoui-  avoir   été    complètement  coupée    ou 

d'iiui    comme  étant    démontrée.    La  arrachée,  a  pu  être  réintégrée  (c),  et 

plupart  des  expérimentateurs  qui  ont  la  réunion  entre  une  portion  de  doigt 

essayé  de  faire  des  réintégrations  de  et  le  moignon  de   cet  appendice  a 

ce  genre  chez  des  Chiens  ou  d'autres  été  obtenue    dans  plusieurs   circon- 

Animaux  n'ont  pas  réussi  ;  mais  Dief-  stances  {d). 

fenbach  y  est  parvenu  une  fois  (6).  Des  lambeaux  de  peau  de  la  face  et 

(a)  Loubet,  Traité  des  plaies  d'armes  à  feu,  1753. 

—  Hoffacker,  Ueber  die  Anheilung  abgehaueiier  Stûcke  der  Nasè  und  Lippen  (Ann.  clin,  de 
Ileidelberg,  1828,  t.  IV,  p.  322) 

—  Wiesmann,  De  coalitu partium  a  reliquo  corpore  prorsus  disjimetarum.   Lipsiœ,  1824. 

—  Carlezzi,  Rappicciatura,  curaz-ionc  e  total  risaldamento  di  unnaso  mo%7io  co'  denli,  1833 
(voy.  Gazette  médicale,  1834,  p.  634). 

(6)  DiefTenbach,  Nonnulia  de  regeneratione  et  transplantatione  (dissert,  inaug.) ,  Herbipoli, 
1822  (voy.  Journal  complémentaire  du  Dictionnaire  des  sciences  médicales,  1830,  t.  XXXVIII, 
p.  271). 

(c)  Magnin,  Portion  de  l'oreille  droite  entièrement  séparée,  méthodiquement  réappliquce  et 
complètement  réunie  {Bulletin  de  la  Faculté  de  médecine,  1818,  t.  VI,  p.  507). 

{dj  Lenhossek,  voyez  Bui-dach  {Traité  de  physiologie,  t.  VIII,  p.  291). 

—  Balfour,  Observations  on  Adhésion  luith  two  Cases  démonstrative  of  the  Poiuers  of  Nature 
to  reunite  Parts  luhich  hâve  been  separated  from  the  Animal  System.   In-8,  Edimbourg,  1814. 

—  Bailly,  Case  of  Reunion  of  the  first  Phalanx  of  the  middle  Finger  {Edinburgh  Med.  and 
Surg.  Journal,  1815,  t.  XI,  p.  317). 

—  Schopper,  voyez  Burdach  {Op.  cit.,  t.  VIII,  p.  291). 

—  Bronn,  Wieder-Anheilung  eincs  ganzlich  abgeschnittenen  Fingers  (P.iist's  Maga%in  fur  die 
gesammte  Heilkunde,  1823,  t.  XIV,  p.  112. 

—  Lespegnol,  Observations  sur  la  réunion  immédiate  d'un  doigt  qui  avait  été  eniièrement 
coupé  et  séparé  du  corps  {Journal  de  médecine  de  Leroux,  1817,  t.  XXXIX,  p.  273). 

—  Wiesmann,  Op.  cit. 

—  Hoffacker,  Op.  cit. 

—  Houlion,  Case  of  Adhésion  of  a  divided  Porllm  of  a  Finger  after  it  had  been  for  some  time 
altogether  separated  from  ils  Connexions  {Lonion  Med.  Repositorg,  1826,  t.  XXV,  p.  147). 

—  Sommé,  Traité  de  l'inflammation,  1830,  p.  12. 

—  'Piédssne\,ilém.  sur  la  réwnion  des  parties  complétemsnt  séparées  du  corps  {Bulletin  de 
la  Société  anatomique,  1830). 

—  Jobert  (de  Lamballe),  Trailé  de  chirurgie  plastique,  t.  I,  p.  415. 


576  "  RKPHODUCTION. 

animal  ou  végélal  en  autant  d'individus  vivants  ;  et  si  les  utri-" 
cules,  sphérules  ou  filaments  qui  constituent  ces  éléments,  et  qui 
conserveront  leur  vitalité  particulière  après  avoir  été  désunis, 


d'autres  parties  ont  souvent  été  i-epla- 
cés  avec  succès  (a) .  Le  périoste  est  une 
des  parties  dont  la  vie  locale  et  indé- 
pendante paraît  pouvoir  se  conserver  le 
plus  longtemps,  et  dont  la  transplan- 
tation était  la  plus  facile.  Depuis  long- 
temps on  est  parvenu  à  faire  reprendre 
des  fragments  d'os  qui  avaient  été 
détachés  par  le  trépan  (6) ,  et  M.  Flou- 
rens  a  constaté  que  cliez  les  Cochons 
d'Inde  ces  fragments  du  squelette  pou- 
vaient être  transplantés  d'un  individu 
sur  un  autre  (c).  Des  résultats  ana- 
logues ont  été  obtenus  plus  récem- 
ment par  M.  Ollier  [d),  et  vers  la  fiu 
du  siècle  dernier  ,  Ilunter  constata 
le  rétablissement  des  connexions  vas- 
culaires  entre  des  dents  arrachées  et 
les  individus,  dans  la  mâchoire  desquels 
ces  parties  avaient  été  replantées  (e). 


Les  ergots  des  coqs  et  d'autres  oiseaux 
reprennent  très-bien  racine,  non-seu- 
lement à  la  place  dont  ils  ont  été  déta- 
chés, mais  d'un  individu  à  un  autre, 
et  même  sur  le  crâne  ;  l'appendice 
ainsi  transplanté  continue  à  croître, 
et  acquiert  parfois  une  longueur 
très-considérable  (/').  Enfin,  des  por- 
tions de  nerfs  ont  été  transplantées 
d'une  manière  analogue  (g) ,  et,  suivant 
Himter,  le  testicule  d'un  Coq  introduit 
dans  la  cavité  abdominale  d'une  Poule 
y  aurait  contracté  des  connexions  vas- 
culaires  et  aurait  continué  à  vivre  (/i). 
Enfin,  chez  des  Rats,  la  queue  dépouil- 
lée de  ses  téguments  a  pu  être  greffée 
dans  le  tissu  cellulaire  sous-cutané 
d'un  autre  individu  [i). 

Le  temps  écoulé  entre  l'ablation  de 
la  partie  et  sa  réapplication  a  été  par- 


(«)  Baronio,  Degli  innesH  Animali.  Milano,  1804. 

—  Velpeau,  Nouveaux  Eléments  de  médecine  opératoire,  2"  édit.,  1839,  1. 1. 
■ —  Bcrt,  De  la  greffe  animale,  Ihèse,  1863,  p.  71. 

(6)  Merreni,  Animadversiones  quœdam  chirurgicales  experimenlis  in  Animalibus  faclis  illus- 
trntœ.  Giessen,  1810. 

—  Wallher,  Wiederein  heilung  bel  der  Trépanation  ausgehohrten  Knochenscheibe  (J.  der 
Chirurg.  voii  Graofe  uml  Waltlier,  1821,  1.  II). 

(c)  Floiirens,  Note  sur  la  durn-mère  ou  périoste  interne  des  os  du  crâne  {Comptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences,  1859,  t.  XLIX,  p.  227). 

(d)  OUior,  Recherches  expérimentales  sur  la  production  artificielle  des  os  au  mogen  de  la 
transplantation  du  périoste,  etc.  (Journal  de  physiologie,  1859,  t.  II,  p.  12).  —  De  la  produc- 
tion artificielle  des  os  au  moyen  de  la  transplantation  du  périoste  et  dés  greffes  osseuses 
(Gazette  médicale,  1839). 

ie)  Hunier,  Traité  des  dents  (Œuvres,  t.  II,  p.  83).  —  Traité  du  sang,  de  l'inflammation,  etc. 
[Œuvres,  t.  III,  p.  290). 

(f)  Duhamel,  Recherches  sur  la  réunion  des  plaies  des  arbres,  etc.  (Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences,  1746,  p.  350,  pi.  28  et  29). 

—  Iliinlci-,  Traité  du  sang,  de  l'inflammation,  etc.,  deuxième  parlie  {Œuvres,  t.  III,  p.  309 
et  siiiv.). 

—  Baronio,  Op.  cit. 

(g)  Pliilipeaux  cl  Viilpian,  Note  sur  la  régénération,  des  nerfs  transplantés  (Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  sciences,  1801,  t.  LU,  p.  849). 

Ih)  Hnnter,  Op.  cit.  (Œuvres,  t.  I,  p.  455). 
(()  Bert,  De  la  greffe  animale,  p.  51. 


HYPOTHESE    DE    L  HETEROGE.NIE. 


277 


étaient  doués  de  la  facuKé  do  se  mulliplier  par  boiirgeoririeinciil 
ou  de  toule  autre  manière,  ainsi  (jue  e'est  le  eas  pour  bcaucouj) 
de  cellules  histogéniques,  on  concevrait  aussi  la  possibilité 
d'une  production  d'êtres  vivants  par  suite  de  la  désagrégation 
de  la  matière  vivante  dont  se  compose  le  corpsd'un  Animal  ou 
d'une  Plante  (1).  Entin,  si  les  corpuscules  ainsi  mis  en  liberté 
avaient  la  même  structure  que  les  Animalcules  des  infu- 
sions, ou  étaient  susceptibles  d'acquérir  cette  structure  par  rclTet 
de  leur  développement,  il  n'y  aurait  aucune  raison  pour  ne  pas 
admettre  que  les  corpuscules  dontje  viens  de  parler  deviennent 


fois  très-considérable.  Ainsi,  M.  Vel- 
peau  oljtint  la  reprise  de  la  pulpe  du 
doigt,  qui  n'avait  été  remise  en  place 
qu'une  demi-heure  après  rablation  de 
celte  partie  (a),  et  M.  Ollier  a  pu  opé- 
rer, avec  non  moins  de  succès ,  la 
réintégration  d'une  portion  de  doigt 
qui  était  séparée  depuis  quarante 
minutes  (6).  On  cite  des  cas  dans 
lesquels  le  fragment  du  doigt  n'a  été 
replacé  que  plusieurs  heures  après 
l'accident,  et  s'est  cependant  conso- 
lidé complètement  (c).  M.  Ollier  a 
transplanté  avec  succès  des  lambeaux 
de  périoste  pris  sur  des  Animaux 
morts  depuis  vingt-quatre  ou  même 
vingt-cinq  heures,  et  il  a  constaté  que 
l'influence  d'une   température  basse 


est  favorable  à  la  conservation  dea 
propriétés  vitales  de  ce  tissu  ostéogé- 
nique  (d).  Enfin  M.  Bert  a  greffé  sous  la 
peau  d'un  Rat  la  queue  d'un  autre  Rat 
mort  depuis  vingt-quatre  heures  (e). 

(1)  Les  observations  de  M.  G,  Jaeger 
tendent  à  établir  que,  dans  certaines 
circonstances,  le  corps  des  Hydres  se 
désagrège,  et  que  les  cellules  élémen- 
taires ainsi  mises  en  liberté  conti- 
nueraient à  vivre  et  s'enkysteraient.  Il 
pense  même  que  ces  portions  de  sub- 
stance organique  se  transforment  ainsi 
en  Amibes  ;  mais  cette  opinion  ne  pa- 
raît pas  être  fondée,  et  rien  ne  prouve 
que  les  corpuscules  enkystés  de  la  sorte 
subissent  ultérieurement  un  dévelop- 
pement quelconque  (f). 


{a)  Velpeau,  Nouveaux  Eléments  de  médecine  opér-atoire,  2'  édition,  1839,  t.  I,  p.  619. 
(6)  Ollier,  Nouvelle  note  sur  les  greffes  périostiques  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences 
1861,  t.  LU,  p.  1087).  ' 

(c)  Bailey,  Op.  cit.  {Edinburgh  Médical  Review,  1815,  t.  X,  p.  317). 

—  Regnault,  voyez  Barthélémy  (Journal  hebdomadaire,  t.  V,  p.  15). 

—  Carlizzi,  Op.  cit. 

{d)  Ollier,  Note  sur  des  transplantations  d'os  pris  sur  des  Animaux  morts  depuis  un  certain 
laps  de  temps  [Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1860,  (.  L,  p.  103). 

(e)  Bert,  De  la  greffe  animale,  tlièse.  Paris,  1863,  p.  53. 

(/■)  Jœger,  Ueber  das  spontané  Zerfallen  der  Sussiuasserpolypen  nebst  einigen  Bemerkungen 
ùber  Generationswechsel  (Sitaungsbericht  der  Wiener  Akad,,  1860,  t.  XXXIX,  p.  321). 


Vin. 


20 


278  REPRODUCTION. 

des  Intiisoires,  et  que  ceux-ci  soient,  par  conséquent,  des  pro- 
duits de  la  nécrogénésie  (1). 

A  l'époque  où  les  microscopes  n'étaient  encore  que  peu  per- 
rcctronnés,  on  croyait  généralement  à  cette  identité  de  struc- 
ture entre  les  Infusoires  et  les  éléments  anatomiqnes  des  tissus  ; 
on  considérait  les  uns  et  les  autres  comme  étant  formés  seu- 
lement par  de  petites  masses  d'une  substance  gélatineuse 
amorphe,  et  plus  d'un  observateur  a  cru  avoir  été  un  témoin 
oculaire  de  la  transformation  de  ces  particules  en  Monades  ou 
en  Kolpodes,  par  exemple  (2).  Mais  aujourd'hui  on  sait  que  cette 

(1)  Parmi  les  mici'ographes  du  siècle  très-simples,  se  montrer  dans  les  in- 
dernier, qui  ont  expliqué  de  la  sorte  fusions  à  mesure  que  des  particules 
la  formation  des  yVnimalcules  infusoi-  d'une  forme  analogue  se  détachaient 
res,  je  citerai  en  première  ligne  Oihon  des  tissus  organiques  en  macération,  on 
Frédéricli  Muller  {a).  Une  opinion  pouvait  être  assez  facilement  induit  à 
assez  semblable  fut  soutenue  par  Glei-  croire  que  c'étaient  ces  particules  elles- 
chen  (6),  et  de  nos  jours,  cette  manière  mêmes  qui,  en  devenant  libres,  consti- 
de  voir  a  eu  beaucoup  de  partisans  :  tuaient  des  Infusoires.  Dans  quelques 
Treviranus,Burdach  et  M.  Pineau,  par  circonstances,  il  était  même  très-diffi- 
exemple  (c).  Les  vues  présentées  par  cile  de  ne  pas  s'en  laisser  imposer  par 
M.  Gros  (de  Moscou) ,  au  sujet  de  ce  qu'il  des  apparences  trompeuses  (e).  Ainsi, 
nomme  génération  ascendante,  s'en  ]M.  Donné,  en  étudiant  au  microscope 
rapproche  et  à  beaucoup  d'égards  {d).  le  mouvement  ciliaire  qui  se  fait  remar- 

(2)  Lorsqu'en  1822,  je  commençais  quer  à  la  surface  de  diverses  mem- 
à  m'occuper  de  l'étude  de  ces  ques-  branes  muqueuses,  constata  que  ce 
tiens,  les  microscopes  qui  étaient  entre  mouvementpeut  persister  pendant  plus 
les  mains  de  la  plupart  des  observa-  de  trente  heures  sur  de  très-petits 
teurs  étaient  si  mauvais,  qu'on  était  fragments  détachés  de  la  membrane  pi- 
exposé  à  une  foule  d'erreurs,  et  qu'en  tuitaire,  et  que  par  la  désagrégation  de 
voyant  les  Animalcules,  en  apparence  ce  tissu,  des  particules  de  l'épithélium 

(a)  0.  1<\  Millier,  Vermitim  terrestrium  et  fluviatilium  historia,  1773,  t.  I,  p,  21. 

(b)  Gleichen,  Dissertation  sur  la  génération,  les  Animalcules  spermatiques  et  ceuai  d'infusion, 
trad.  de  l'allomand,  an  VII,  p.  41. 

(c)  Treviramis,  Biologie,  t.  11. 

—  Burdach,  Traité  de  physiologie,  t.  I,  p.  13. 

—  Pineau,  Recherches  sur  le  développement  des  Infusoires  et  des  moisissures  {Ann.  des  sciences 
nat.,  3'  série,  1845,  t.  ni,  p.  182j. 

(d)  Gros,  De  l'embryogénie  ascendante  des  espèces  ou  générations  perfeclives  équivoqiles  et 
spontanées  (Bulletin  de  la  Société  des  naturalistes  de  Moscou,,  1851,  t.  XXIU).  — •  Loi  nouvelle 
de  la  génération  ascendante  [Op.  cit.,  1854,  t.  XXVII,  p.  967).  —  Note  sur  la  génération 
spontanée,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  185:2,  t.  XVll,  p.  193). 

(e)  Voyez  Dumas,  art,  GÉNÉRATION,  Dictionnaire  classique  d,' histoire  naturelle,  1825,  l.  VU, 
p.  iU* 


HYPOTHÈSE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  279 

ideiititc  de  structure  n'existe  pas  ;  que  dans  l'immciise  majorité 
des  cas,  sinon  toujours,  les  Animalcules  microscopiques  ont  en 
réalité  une  structure  très-complexe,  et  ne  ressemblent  aux 
organiles  en  question  que  par  leur  petitesse  et  leurs  formes 
arrondies;  enfin  on  sait  aussi  que  les  Inlusoires  se  repro- 
duisent comme  le  font  les  autres  Animaux  ou  Plantes  (1),  et, 
dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  rien  ne  vient  à  l'appui 
de  l'hypothèse  de  leur  production  par  nécrogénésie  (2). 


portant  des  cils  s'en  séparent,  et  nagent 
pendant  fort  longtemps  de  manière  à 
simuler  exactement  autant  de  Mo- 
nades (a). 

(1)  Ce  sont  les  belles  observations 
deM.  Ehrenbergsur  Torganisation  des 
Infiisoires,  qui  ont  le  plus  conUibué  à 
saper  les  bases  de  cette  hypotbèse  (6), 
et,  dans  ces  derniers  temps,  le  mode 
de  reproduction  de  ces  petits  êtres  a 
été  étudié  de  manière  à  ne  laisser 
aucune  incertitude  quant  à  leur  multi- 
plication par  voie  de  génération  (c). 

(2)  Comme  exemple  des  erreurs  dont 
il  est  difficile  de  se  préserver  dans  les 
recherches  sur  l'origine  des  êtres  mi- 
croscopiques, je  citerai  ici  les  résultats 
annoncés  il  y  a  quelques  années  par 
jM.  Cienkowski  et  réfutés  ensuite  par  le 
même  naturaliste.  En  observant  des 
grains  de  fécule  mis  en  infusion,  il  les 
avait  vus  s'entourer  d'une  enveloppe 
membraniforme,  puis  se  dissoudre  peu 


cl  peu  et  être  remplacés  par  des  Infu- 
soires  (d).  Ces  faits  furent  constatés 
aussi  par  d'autres  micrograplies,  et  on 
les  considéra  comme  démonstratifs  de 
la  production  d'Animalcules  au  moyen 
de  l'organisation  spontanée  de  la  ma- 
tière constitutive  des  grains  de  fé- 
cule (e).  Mais  les  recherches  ulté- 
rieures de  M.  Cienkowski  les  ont  fait 
rentrer  dans  la  règle  commune  ;  car 
ce  naturaliste  a  montré  que  la  pré- 
tendue enveloppe  membraniforme  dont 
le  grain  de  fécule  semblait  s'entourer, 
loin  d'être  lin  produit  de  celui-ci,  est 
en  réalité  le  corps  d'un  Animalcule 
préexistant ,  qui ,  venant  s'étendre 
sur  le  corpuscule  amylacé,  l'entoure 
pour  s'en  nourrir,  de  sorte  que  les 
petits  êtres  vivants  qui  naissaient  en- 
suite dans  l'intérieur  de  l'espèce  de 
cellule  ainsi  formée  descendaient  de 
cet  Animalcule,  et  non  de  la  matière 
amylacée  incluse  (f). 


{a)  Donné,  Sur  le  mouvement  ciliaire  {L'Institut,  1S37,  t.  V,  p.  343). 
(6)  Elirenberg,  Organisation,  Sijsteniatik  und  geographisches  Verhâltaiss  def  Infusicnsthier • 
chen,  tSSO  (Mém,  de  l'Académie  de  Berlin). 

(c)  Balbiani,  Becherches  sur  les  phénomènes  sexuels  des  Infusoires  (Journal  de  phy Biologie, 
1861,  t.  IV,  p.  102). 

—  Stein,  Die  Infusionsthierclien  aufihre  Entiviekebmg  untersuclit,  ISS^. 

—  Claparède  ctLachmann,  Etudes  sur  les  Infusoires,  t.  II,  p.  74  et  suiv, 

(d)  Cienkowski,  Zur  Genesis  eines  ein'ueltigen  Organismus. 

(e)  Regel,  Professor  CienkowskVs  Entdeckiuig  um  Erx-eugung  (  Botaniscke  Zeilung,  1856, 
n«  38,  t.' XIV,  p.  665). 

—  Merkliii,   Nachtrdgliclie  Bemerkungen  %ur  Kartoffelkrankheit  [Bulletin  de  la  Société  des 
naturalistes  de  Moscou,  1850,  I.  XXIX,  p.  304). 

(f)  Cienkowski,  Ueber  meinen   Beweis  filr  die  Generatio  prlmaria   (Bulletin  de  la  classe 
phgsico -mathématique  de  l'Académie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg,  1859,  t.  XVII,  p.  81); 


XCllOLTOIlÔsio 


280  REPRODUCTION. 

wypuiiusc  §  6.  —  ÏMois  si  tout  être  vivant  est  produit  par  un  antre  être 
ï  Amm-ulx''  cjui  vit,  ct  sî,  (bus  l'immense  majorité  des  cas,  il  est  facile  de 
voir  que  les  jeunes  ainsi  formés  sont  des  individus  de  la  même 
espèce  que  les  parents  dont  ils  proviennent,  faut-il  en  conclure 
que  le  Règne  animal  tout  entier  est  soumis  à  la  loi  de  l'homogé- 
nésie,  et,  dans  quelques  circonstances,  la  puissance  génétique 
ne  pourrait-elle  s'exercer  d'une  autre  manière,  et  l'être  (jui 
reçoit  la  vie  de  tel  ou  tel  Animal  ne  pourra-t-il  pas  être  essen- 
tiellement différent  de  celui-ci  ?  xVinsi  l'Helminthe  qui  apparaît 
dans  l'intérieur  de  l'organisme  d'un  Poisson,  d'un  Chien  ou 
d'un  Homme  n'est-il  pas  un  produit  de  cet  organisme^ 

Les  parasites  diffèrent  entre  eux  suivant  les  espèces  animales 
où  ils  vivent  ;  et  quelquefois  même  suivant  les  parties  du  corps 
où  on  les  rencontre  ;  souvent  les  places  qu'ils  occupent  sont 
situées  si  profondément  et  sont  si  hien  fermées  de  toutes  parts, 
qu'au  premier  ahord  on  doit  supposer  que  de  pareils  hôtes  n'au- 
raient pu  y  pénétrer  du  dehors.  Il  est  aussi  à  noter  que  dans  un 
grand  nombre  de  cas  on  n'aperçoit  chez  ces  parasites  aucune 
trace  de  l'existence  d'organes  génitaux.  D'autres  fois  les  Hel- 
minthes sont  pourvus  d'un  appareil  de  reproduction^  et  pondent 
des  œufs  ;  mais,  dans  le  lieu  qu'ils  habitent,  on  ne  voit  aucun 
jeune  naître  de  ces  œufs,  et  lors  même  que  ceux-ci  en  produi- 
raient après  leur  expulsion  au  dehors,  il  resterait  encore  ii  expli- 
quer comment  cette  progéniture  pourrait,  de  là,  pénétrer  dans  le 
corps  d'autres  victimes  et  s'y  établir.  Enlin,  la  plupart  de  ces 
parasites  ont  une  conformation  très- différente  de  celle  des  Ani- 
maux qui  vivent  dans  le  monde  extérieur,  et  ne  semblent  au 
premier  abord  ne  pouvoir  être  assimilés  à  aucun  de  ceux-ci. 

Ces  considérations  et  beaucoup  d'autres  arguments  analo- 
gues avaient  porté  la  plupart  des  naturalistes  à  penser  que  les 
Vers  intestinaux  étaient  engendrés  par  l'être  dont  le  corps  en  est 
infesté,  et,  par  conséquent,  que  si  ces  parasites  n'étaient  pas  le 
résultat  d'un  phénomène  de  nécrogénésie,  comme  le  suppo» 


HYPOTHÈSE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  281 

saient  les  partisans  de  rhypollièsc  des  gcncralions  sponta- 
nées, ils  étaient  produits  par  xénogénésie. 
Mais  aniourd'hiii  l'origine  des  Vers  intestinaux  n'est  plus  un       W'^dc 

'  (le    firoi)agalion 

mystère  pour  les  physiologistes.  On  sait  qu'ils  naissent  les  uns     -J'»  ver, 

•^  ^  I     ^  o  1  inicsiinaux.elc. 

des  autres  eomme  le  font  les  Animaux  ordinaires;  que  la  plupart 
d'entre  eux  subissent,  dans  le  jeune  âge,  des  métamorphoses 
variées  qui  les  rendent  diffîeiles  à  reconnaître,  et  qu'en  général 
ils  voyagent  nécessairement  du  corps  d'un  Animal  dans  le  corps 
d'un  Animal  d'espèce  différente,  pour  y  aclieverleur  dévelop- 
pement et  s'y  reproduire  au  moyen  d'œufs  dont  l'évolution 
ne  pourra  se  faire  que  dans  quelque  autre  milieu  (1).  On  a  pu 


(I)  Jusque  dans  ces  derniers  temps 
Tapparition  des  Vers  intestinaux  dans 
la  profondeur  du  corps  de  l'Homme 
et  des  autres  Animaux  était  attribuée, 
par  la  plupart  des  naturalistes  et  des 
médecins,  à  un  phénomène  de  généra- 
tion dite  spontanée ,  ot  aujourd'hui 
encore  cette  manière  de  voir  compte 
des  partisans  (a).  Quelques  auteurs 
ont  cherché  à  expliquer  ces  faits  par 
l'hérédité,  en  supposant  que  les  para- 
sites en  question,  ou  tout  au  moins 
leurs  germes,  étaient  transmis  aux 
jeunes  par  les  parents  dont  ils  nais- 
saient (6)  ;  mais  celte  hypothèse  a  de- 
puis longtemps  disparu  de  la  science, 
et  depuis  près  d'un  siècle  d'autres 
zoologistes,  dont  le  nombre  va  crois- 
sant chaque  jour,  pensent  que  tout 
Helminthe  provient,  par  voie  de  gé- 


nération, d'un  autre  llelminlhe  de  son 
espèce,  et  arrive  dans  le  corps  de 
l'Animal  qui  l'héberge  à  l'état  d'œuf, 
de  germe  ou  de  larve,  soit  avec  les 
aliments  ou  les  boissons,  soit  de  quelque 
autre  manière  (c).  Celte  dernière  opi- 
nion paraissait  d'abord  peu  conciliable 
avec  beaucoup  de  fait:?  ;  mais  elle  est 
devenue  admissible  dès  qu'on  eut  en- 
trevu la  possibilité  de  certaines  trans- 
formations chez  les  parasites  qui  chan- 
gent de  résidence. 

Le  premier  fait  important  à  l'appui 
de  l'hypothèse  des  transmigrations  des 
Helminthes  fut  introduit  dans  la  science 
vers  la  fin  du  siècle  dernier  par  un 
naturaliste  danois  nommé  Abildgaard. 
Cet  auteur  constata  expérimentale- 
ment que  les  Vers  intestinaux  qui  sont 
nommés  aujourd'hui  Schistocéphales, 


(a)  Cremser,    Traité  zoologique  et  physiologique  des  Vers  intestinaux  de  l'Homme,  1824. 
■ —  Burdach,  Traité  de  physiologie,  t.  I,  p.  27. 

—  Dugès,  Traité  de  physiologie  comparée,  ISSO,  t.  III,  p.  204. 

—  Bérard,  Cours  de  physiologie,  d848,  t.  I,  p.  99. 

—  Poucliet,  Hétéroyénie,  ou  Traité  de  la  génération  spontanée,  1859,  p.  526  et  siiiv. 
{h)  Brera,  Mem.  sopra  iprincipali  Vermi  del  corpo  tmiano,  18dl. 

(c)  Pallas,  De  Insectis  viventibus  intra  viventia,  1768. 


282  REPRODUCTION. 

suivre  beaucoup  de  ces  elres  singuliers  dans  leurs  migrations, 
les  semer  en  quelque  sorte  dans  les  organismes  propres  à  les 
héberger,  les  voir  pénétrer  à  travers  les  tissus  de  leurs  holes, 
et  constater  les  métamorphoses  qu'ils  subissent;  enfin,  on  a  pu 
se  procurer  leur  progéniture  et  s'en  servir  pour  renouveler 
avec  succès  les  expériences  d'ensemencement  dont  je  viens 
de  parler.  En  ce  moment,  il  serait  prématuré  d'étudier  d'une 
manière  approfondie  cette  partie  curieuse  et  complexe  de  l'his- 


et  qui  se  trouvent  dans  le  corps 
de  rÉpinoche ,  peuvent  continuer  de 
vivre  dans  l'intestin  du  Canard , 
lorsque  le  Poisson  qui  les  renfermait 
a  été  mangé  par  cet  Oiseau  (a).  Vers 
la  même  époque,  des  expériences 
analogues  furent  tentées  par  Bloch  sur 
les  Ligules  des  Poissons,  et  }>ar  Gœze 
sur  les  Cestoïdes  du  Chai;  mais  elles 
furent  mal  combinées  et  ne  donnèrent 
que  des  résultats  négatifs  (6),  La  ques- 
tion en  resta  là  pendant  près  d'un 
demi-siècle,  bien  qu'en  1829  Creplin 
eût  fait  connaître  toutes  les  formes 
intermédiaires  entre  les  Vers  intesti- 
naux des  i^oissons  et  ceux  des  Canards, 
dont  les  transmigrations  avaient  été 
signalées  précédemment  par  Abild- 
gaard  (c).  En  18/i2,  l'attention  des 
physiologistes  fut  appelée  de  nouveau 
sur  ce  sujet  par  une  observation  due  à 
M.  de  Siebold.  Ce  naturaliste  distingué 
reconnut  l'identité  de  structure  entre 


la  portion  cépbalique  du  Cysticerque 
de  la  Souris  et  la  tête  du  Tœnia  crassi- 
collis  du  Chat  {d).  Quelques  années 
après,  j\I.  Van  Beneden,  professeur  à 
l'université  de  Louvain,  fit  voir  que 
les  Tétrarhynques  qui  vivent  dans  l'in- 
térieur du  corps  des  Poissons  osseux 
ne  diffèrent  de  certains  Vers  intesti- 
naux des  Poissons  cartilagineux  que 
par  l'absence  de  l'appareil  reproduc- 
teur, et  que  ces  derniers  Helminihes 
doivent  être  considérés  comme  la 
forme  adulte  des  premiers.  Ce  ne  se- 
rait donc  qu'en  mangeant  les  Poissons 
osseux  infestés  de  Tétrarhynques  que 
les  Poisçons  cartilagineux  recevraient 
dans  leur  intestin  les  parasites  qui  y 
vivent  (e).  Enfin,  en  1851,1e  fait  de 
ces  transmigrations  et  de  ces  méta- 
morphoses des  Helminthes  a  été  établi 
expérimentalement  par  le  docteur 
Iviichenmeister,  qui,  en  administrant  à 
des  Chiens  et  h  des  Chats  le  Cysti- 


(a)  Ahildgaard,  Om  Indvolde  Orme  (Skrivter  of  Naturhistone  Selskabet  Kiobenhaven,  il9Q, 
1. 1,  p.  20). 

(b)  Blocli,  Traité  de  la  génération  des  Vers  des  intestins,  trad.  de  l'allemand,  1788,  p.  94. 

—  Gœze,  Versuch  einer  Naturgeschichte  der  Eingetveideiinmner  thierschen  Kuiyer,  ili^, 
p.  26  el  291. 

(c)  CrepUn,  Novie  observationes  de  Enlozois,  1829. 

'(/). Siebold,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  158,  noie.  —  Ueber  den  genera- 
iionsiuechsel  der  Cestoiden  (Zeitschrift  fur  wissensch.  ZooL,  1850,  t.  II).  —  Mém.  sur  la 
génération  alternante  des  Cestoïdes  [Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1851,  I.  XV,  p.  180). 

(e)  Van  Beneden ,  Recherches  sur  la  Faune  littorale  de  la  Belgique.  Les  Vers  cestoïdes 
considérés  sous  le  rapport  physiologique,  embryologique  et  x-ooclassique  {Mém-,  de  l'Acad.  de 
Belgique,  t.  XXV), 


HYPOTHÈSE  DE  l'hétkrogi^:nik.  283 

toire  physiologique  des  Helminthes;  nous  y  revieuLlrons 
bientôt,  et  ici  je  pourrais,  peut-être,  me  borner  à  ajouter 
que  leur  mode  de  multiplication  ne  présente  rien  d'anomal  ; 
que,  de  môme  que  les  Animaux  supérieurs,  ils  perpétuent 
leur  espèce  par  voie  de  génération,  et  que  les  jeunes  ne 
diffèrent  par  rien  d'essentiel  de  ce  (ju'étaient  leurs  parents 
immédiats  ou  médiats  à  la  même  période  de  leur  existence. 
Mais  je  crois  préférable  de  ne  pas  m'en  tenir  à  de  simples 
assertions,  et  je  citerai  quelques  faits  à  l'appui  de  ce  que  je 
viens  de  dire. 

§  7.  —  Le  premier   exemple   dont  j'arguerai    nous  est    Migrations 

„  ^  ''  1  ,,-  lies  Pilaires, 

fourni  par  les  parasites  que  l'on  rencontre  souvent  dans  1  m- 
térieur  du  corps  des  Sauterelles,  des  Chenilles  et  de  plusieurs 
autres  Animaux  de  la  même  classe,  et  que  les  zoologistes 


cercus  'pisiformis  du  Lièvre  et  du  zoologistes,  et  les  résultats  en  furent  si 

Lapin,  a  vu  ce  Ver  se  transformer  en  favorables  à  l'hypothèse  en  question, 

Ténia  (a).  Des  expériences  analogues  qu'aujourd'hui  presque  tous  les  zoo- 

furent  entreprises  aussitôt  par  M.  de  logistes-physiologistes  s'accordent  pour 

Siebold,  M.  Haubner,  M.  Gurlt,  M,  Van  la  considérer  comme  étant  l'exprès- 

Beneden,  ainsi  que  par  plusieurs  autres  sion  de  la  vérité  (6). 


/a)  Kuchenmeisler,  Ueherdie  Umivandlung  der  Finnen  in  Baniiuûrmer  '  (PraQcr  Viertel- 
jahrsschrift,  1852,  t.  XXXIII,  n°  i,  p.  106).  —  Ueher  Cestoden  in  Allgemeinen  nnd  die  des 
Menschen  ins  Besondere.  In-8,  Zitlau,  4853.  —  Die  in  nnd  an  dem  Kdrper  des  lehenden 
Mensclien  vorkommendeii  Parasiten.  Leipsig,  1855. 

(b)  Siebold,  Expériences  sîir  la  transformation  des  Vers  vésiculaires  ou  Cyslicerques  en 
Ténias  {Ann.  des  sciences  nat.,  .3'  série,  1852,  t.  XVIII,  p.  377).  —  Ueber  die  Band-und- 
Blaseiuïirmer.  Leipzig-,  1854.  —  Mém.  sur  les  Vers  rubanés  et  vésiculaires  de  l'Homme  et  des 
Animaux  [Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1855,  t.  IV,  p.  48). 

—  Lewaltl,  De  Cysticercorum  in  Tœnia  metamorphosi  (clissert.  inaug.).  Berolini,  1852. 
-  —  Roll,  On  the  Resuit  of  tlie  Administration  of  the  Tape-Worm. 

—  Milne  Edwards,  Compte  rendit  de  quelques  nouvelles  expériences  sur  la  transmission  et 
les  métamorphoses  des  Vers  intestinatcx  (Comptes  rendais  de  VAcadémie  des  sciences,  1855, 
t.  XL,  p.  997). 

—  Van  Beneden,  Mém.  sur  les  Vers  intestinaux,  p.  151  et  suiv.  {Supplément  aux  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1858,  1. 11). 

—  R.  Leuckart,  Blasenbandiuûrmer  und  ihre  Entwickdung,  185G. 

—  Baillet,  Expériences  sur  la  production  du  Cœ-nure  cérébral  chez  le  Mouton  (Journal  des 
vétérinaires  du-  Midi,  2"  série,  1856,  i.  IX.  p.  97).  — Compte  rendu  d' expériences  faites  à 
l'école  vétérinaire  de  Toulouse  sur  l'organisation  et  la  reproduction  des  Cestoïdes  du  genre 
Tœnia  [Ann.  des  sciences  nat.,  4»  série,  t.  X,  p.  1  90). —  Expériences  sur  le  tournis  de  la  Chèvre 
et  du  Bœuf  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1859,  t.  XI,  p.  303).  —  Expériences  sur  le  Cysli- 
cercus  tennicollis  et  sur  le  Tœnia  qui  résulte  de  sa  transformation  dans  l'intestin  du  Clneu 
{.Ann.  des  sciences  nat,,  1861,  t.  XVI,  p.  99). 


!28/i.  REPRODUCTION. 

connaissent  sous  le  nom  de  Filaria  Insectorum.  Ces  Vers  sont 
dépourvus  d'organes  reproducteurs,  et  beaucoup  de  naturalistes 
attribuaient  leur  formation  à  un  pbénomcne  de  génération  spon- 
tanée. Mais  un  belmintologiste  babile  de  l'une  de  nos  facultés 
provinciales,  Félix  Dujardin ,  ayant  constaté  que  les  Vers 
terricoles  appelés  Mermis  ne  diffèrent  de  ces  Filaires  que  par 
l'existence  d'un  appareil  génital,  d'autres  pliysiologistes  furent 
conduits  à  penser  que  les  parasites  en  question  pourraient 
bien  n'être  que  de  jeunes  Mermis  qui,  à  l'état  de  larves,  se 
logeraient  dans  le  corps  des  Insectes,  et  en  sortiraient  plus  tard 
pour  s'enfoncer  en  terre,  y  achever  leur  développement,  et 
s'y  reproduire  de  la  manière  ordinaire  (1).  M.  Siebold,  pro- 
fesseur à  l'université  de  Munich,  partageant  cette  opinion, 
la  soumit  à  l'épreuve  de  l'expérience,  et  il  reconnut  de  la 
sorte  qu'effectivement  les  Filaires  ne  font  qu'un  séjour  tem- 
poraire dans  l'intérieur  du  corps  des  Insectes;  qu'à  l'époque 
où  leur  croissance  est  achevée,  ils  émigrent  pour  descendre 
en  terre,  où  ils  ne  tardent  pas  à  acquérir  des  organes  généra- 
teurs; qu'arrivés  ainsi  à  maturité,  ils  pondent  des  œufs;  qu'au 
printemps  suivant,  ces  œufs  donnent  naissance  à  une  nouvelle 
génération  de  petits  Vers  filiformes  agames  ;  enfin,  que  ces 
jeunes  Vers  attaquent  les  Chenilles  ou  autres  Insectes  qui 
sont  à  leur  portée,  en  perforant  les  téguments,  et  s'introduisent 
dans  l'intérieur  du  corps  de  ces  Animaux  pour  y  vivre  en 
parasites,  et  s'y  développer  comme  l'avaient  fait  les  Filaires 
dont  ils  descendent  (2). 


(1)  LesobservaUonsde  F.  Diijardln  ce  naturalisle   ne  l'appuya  d'aucune 

sur  la  structure  des  Mermis  et  sur  les  expérience  concluante, 
caractères  de  leurs  emlîryons  rendirent  (2)  Les  expériences  de    M.  de  Sie- 

cette  opinion  trcs-probable  (a).  Mais  bold  sur  rémigration   nécessaire  des 


(fl)  V.  Diijarilin,  Mein.  sur  la  structure  anatomhiue  des  Gordius  et  d'un  autre  Ilelinhilhe,  If 
Mermis,  qu'on  a  confondu  avec  eux  {Ann.  des  sciences  nat.,  H»  série,  1842,  t.  XVIII,  p.  ■129). 


HYPOTHÈSE  DE  l'iiétérogénii:.  285 

Ainsi  ces  Vers  ont  besoin  d'habiter  successivement  la  terre 
humide,  où  ils  prennent  naissance;  l'intérieur  du  corps  d'un 
Animal,  où  ils  rencontrent  la  nourriture  qui  leur  convient  et  où 
ils  grandissent,  sans  pouvoir  arriver  à  maturité;  puis  la  terre, 
où  ils  deviennent  aptes  à  se  reproduire,  et  où  ils  pondent  les 
œufs  dont  sortiront  de  nouveaux  Vers,  destinés  à  elre  bientôt 
des  parasites  comme  l'avaient  été  leurs  procréateurs. 

Des  phénomènes  analogues,  mais  plus  compliqués,  ont  été  Mi-rations 
constatés  chez  les  Ténias,  et  nous  permettent  d  expliquer  la 
présence  de  ces  Vers  parasites  dans  l'intestin  de  l'Homme,  du 
Chien  et  de  quelques  autres  Animanx,  sans  avoir  recours  aux 
hypothèses  des  hétérogénistes.  En  eflet,on  sait  aujourd'hui,  par 
les  expériences  d'un  médecin  de  Zittau,  M.  Kûchenmeister,  et 
par  celles  de  M.  VanBeneden,  de  M.  de  Siebold  et  de  plusieurs 
aulres  naturahstes,  que  les  Vers  vésiculaires  agames,  qui  ont 
reçu  le  nom  de  Cysticerques  et  qui  se  trouvent  dans  l'intérieur 
du  corps  des  Rats,  des  Souris,  des  Lapins,  etc.,  ne  sont  autre 
chose  que  de  jeunes  Ténias  dont  le  développement  ne  peut  pas 
s'achever  dans  les  conditions  biologiques  où  ces  parasites  se 
trouvent  ;  que  ces  Vers  subissent  des  métamorphoses  remar- 
quables lorsque  l'hôte  qui  les  logeait,  ayant  servi  d'aliment  à 
un  Chien  ou  à  un  autre  JMammifère  Carnivore  ou  omnivore,  ils 
se  trouvent  transportés  dans  l'intestin  d'un  de  ces  animaux.  Ils 
perdent  alors  leur  vésicule  aquifère,  et  s'allongent  de  plus  en 


Filnires  des  Insectes,  et  leur  iransfor-  vent  dans  le  corps  de   divers  Pois- 

ination  en  Mermis  albicans,  ont  été  sons  sont  aussi  les  larves  des  Asca- 

faites  avec  beaucoup  de  soin  et  ne  me  rides  qui   vivent    en   parasites   dans 

paraissent  laisser  rien  à  désirer  (a).  la   cavité  digestive   des  Phoques    et 

Ce  zoologiste  habile  pense  que  les  Fi-  des  divers  Oiseaux  aquatiques  carni- 

laires  agames  que  l'on  trouve  sou-  vores. 


(a)  Siebold,  Ueber  die  Fadenwûrmer  der  Insecten  {Entomologische  Zeitung,  1848,  p.  290).  — 
Uebev  die  Dand-uiid  Blasenwiirmer,  etc.,  1854  :  Mém.  sin'  les  Vers  rubanés  et  vésiculaires  de 
l'Homme  et  des  Animaux  et  sur  la  production  des  Helminthes  en  général  {Ann.  des  sciences 
nat.,  4"  série,  1855,  t.  IV,  p.  53  et  suiv.). 


286  REPRODUCTION. 

plus,  par  le  développement  d'une  longue  série  de  segments, 
dans  chacun  desquels  se  trouve  un  appareil  reproducteur  très- 
complexe  (1).  Là  se  forment  des  œufs  en  nombre  immense, 
mais  ces  œufs  ne  peuvent  se  développer  sur  place  et  sont  ex- 
pulsés au  dehors.  Tombés  à  terre,  ils  donnent  naissance  à  de 
petits  Vers  qui  périraient  plus  ou  moins  promptement,  s'ils 
restaient  sur  le  sol,  mais  qui  prospèrent  lorsque,  déposés  sur 
des  plantes  dont  certains  Mammifères,  tels  que  les  Rats  ou  les 
Lapins,  se  nourrissent,  ils  sont  portés  dans  l'intestin  de  l'un  de 
ces  Animaux,  ou  bien  encore  lorsqu'on  se  transportant  eux- 
mêmes,  ils  parviennent  à  se  loger  dans  les  fosses  nasales  d'un 
Mouton  (2).  Dans  ce  nouveau  gîte,  ils  se  fixent  au  moyen  de 
crochets  dont  leur  tête  est  munie,  et,  en  se  développant,  ils 
deviennent  des  Cysticerques  ou  quelque  autre  Ver  parasite  du 
même  groupe,  qui,  pour  se  reproduire,  a  besoin  de  changer  de 
gîte  encore  une  fois,  et  de  pénétrer  dans  l'intestin  d'un  autre 


(1)    Voyez   ci-dessus,  page   281,  sa  présence  détermine  la  maladie  con- 

note.  nue  sous  le  nom  de  tournis.  Intro- 

{2)LeCœ7iuruscerebralisestunYev  duit  dans  le  canal  digestif  du  chien, 

qui,  à  l'état  de  scolex,  est  pourvu  d'une  les  Cœnures  perdent  leur  vésicule,  et 

grosse  vésicule  hydatique  sur   divers  chaque  individu  se  développe  en  un 

points  de  laquelle  des  phénomènes  de  Ténia  d'espèce    particulière    qui  est 

gemmiparité  se  manifestent  ;  en  sorte  pourvu    d'organes    reproducteurs  et 

que  peu  à  peu  toute  une  colonie  de  pond  des  œufs.  Enfin,  ces  œufs,  éva-- 

ces  parasites  naît  sur  une  poche  aqui-  eues  par  le  Chien  et  portés  dans  le 

fère  commune.  A  cette  période  de  son  canal  digestif  du  Mouton,   donnent 

existence,  ce  parasite  se  loge  dans  le  naissance  à  des  Cœnures ,  ainsi  que 

cerveau  de    divers  Ruminants,  mais  cela  a  été  constaté  expérimentalement 

plus  particulièrement  des  Moutons,  où  par  plusieurs  naturalistes  {à). 

(a)  Voyez  V Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  40,  ûg.  1. 

—  Numan,  Verhandeling  over  den  Veelkop-blaaswom  der  Hersenen,  pi.  Oetsuiv.  (Neder- 
landsche  Institut,  4850). 

(6)  Haubner,  Agronomische  Zeltung,    1851,    n°  10   (voyez  Kiichennieisler ,  Parasiten,  t.  I, 
p.  22  etsuiv.). 

—  Van  Beneden,  Sur  le  Cocnure  du  Mouton  {Bulletin  de  l'Acad.  de  Belgique,  1854,  l.  XXI, 
p.  300).  —  Développement  du  Cœnure  cérc'bral  du  Mouton  (loc.  cit.,  2»  partie,  t.  XXI,  p.  15). 

—  Baillet,  Expériences  sur  le  tournis  de  la  Chèvre  et  du  BœufiJournnl  des  vétérinaires  du 
Midi,  1859). 

—  Alphonse  Milne  Edwards  cl  Vaillant,  Infection  du  Mouton  par  le  Taenia  rœniirus  (rjnslilut, 
1863,  t,  XXX,  p.  189). 


HYPOTHÈSE   DE    l'hÉTÉROGI^NIE,  287 

AiliQial  propre  à  l'héberger.  Ainsi,  les  Cystieerques  du  Rai 
sont  les  jeunes  du  Ténia  du  Chat,  et  les  Cystieerques  du  Lapin, 
en  achevant  leur  développement,  constituent  les  Ténias  dont 
les  Chiens  sont  infestés.  M.  Kûehennneister  s'en  est  assuré, 
en  administrant  à  des  Chiens  des  aliments  chargés  de  Cysti- 
eerques de  Lapin,  et  en  constatant  que  les  Vers  vésiculaircs, 
semés  de  la  sorte  dans  l'intérieur  du  corps  du  Chien ,  dc- 
vieïinent  des  Ténias  (1).  Enfin,  celte  découverte  capitale  a  été 
complétée  par  d'autres  expériences,  dans  lesquelles  on  déter- 
mina le  développement  des  Cystieerques  dans  l'intérieur  du 
corps  des  Lapins,  en  faisant  avaler  à  ces  petits  quadrupèdes 
des  œufs  provenant  du  Ténia  du  Chien  (2). 


(1)  Comme  les  Ténias  sont  très- 
communs  chez  les  Chiens  adultes,  et 
particulièrement  chez  les  Chiens  er- 
rants dont  les  physiologistes  se  servent 
d'ordinaire  pour  leurs  vivisections,  il 
était  nécessaii'e,  pour  rendre  cette  ex- 
périence probante,  de  faire  usage  de 
très-jeunes  Animaux  qui  ne  s'étaient 
encore  nourris  que  de  lait  ;  car,  à  cet 
âge,  ils  sont  en  général  exempts  de 
parasites  de  ce  genre.  Pour  plus  de 
détails  au  sujet  de  la  transmigration 
et  des  métamorphoses  de  ces  Vers  in- 
testinaux, je  renverrai  aux  ouvrages 
que  j'ai  déjà  cités  (voyez  page  281, 
note). 

(2)  M.  Leuckart  a  vu  les  œufs  du 
Tœnia  serrata  du  Chien  donner  nais- 


sance, dans  le  tube  intestinal  du  Lapin, 
à  des  embryons  longs  d'environ  im 
douzième  de  millimètre,  qui  pénètrent 
dans  la  substance  du  foie  en  nombre 
très-considérable  et  s'y  développent.  11 
pense  que_ces  petits  Vers  transpercent 
la  membrane  muqueuse  de  l'intestin, 
et  arrivent  ainsi  dans  des  branches  de 
la  veine  porte  qui  les  conduiraient 
dans  le  foie  (a). 

Il  y  a  quelques  raisons  de  penstr 
que  l'introduction  des  œufs  du  Ténia 
du  Chien  dans  le  tube  digestif  de 
l'Homme  peut  y  déterminer  le  dév;?- 
loppementde  Cystieerques,  et  produire 
ainsi  une  maladie  vermineuse  du  fde 
qui  est  extrêmement  commune  «n 
Islande  {b). 


(a)  Leuckart,  Nouvelles  expériences  sur  le  développement  des  Vers  intestinaux  {Ann.  îes 
sciences  nat.,  i'  série,  1855,  t.  lll,  p.  351). 

(6)  Schleisner,  Island  undei'soqt.  Forsoçj  til  en  Nosographie  of  Island.  Copenliagiie,  1849. 

—  Eschriclit,   Om  de  Hijdatiders  Nahir  og  Oprindelse,  der  fremhalde  den  i  Island  endemis[-e 
Leversygge  [Danske  Vldensk.  selsk.  t'orhandl.,  1853), 

—  Kiichenmeister,  Parasiten,  t.  I,  p.  169  etsuiv. 

—  Siebold,  Mém.  sur  les  Yevs  rnbanés  et  vésiculaires  {Ann.  des  sciences  v.ot.,  4'  sére 
1855,  p.  204),  ' 


288  REPRODUCTION. 

Il  est  probable  que  le  Ver  solitaire,  on  Ténia  de  l'Homme, 
est  dû  pareillement  à  un  Cyslicerque  qui  vit  en  parasite  dans 
le  corps  du  Cochon  ,  et  que  des  causes  analogues  déter- 
minent le  développement  de  beaucoup  d'autres  Vers  intesti- 
naux (1). 
Migrations  Quclqucfois  Ics  voyagcs  imposés  aux  parasites  sont  plus 
Douves'  eic.  Hombrcux  ct  plus  compliqués.  L'espèce  de  Douve,  du  genre 
Monoslome,  qui  se  trouve  dans  le  foie  du  Canard  ctdo  quelques 
autres  Animaux  aquatiques,  nous  en  fournit  un  exemple  des 
plus  curieux.  Ce  parasite  est  pourvu  d'organes  reproducteurs, 
et  pond  un  grand  nombre  d'œufs  qui,  expulsés  au  dehors, 
donnent  naissance  à  autant  de  petits  Animaux  aquatiques.  IMais 


(1)  On  comprend  qu'il  soit  difficile 
d'établir  oxpérimentalement  ce  fait; 
quelques  essais  ont  cependant  été  ten- 
tés dans  ce  but,  et  le  résultat  en  a  été 
fivorable  à  l'opinion  émise  ci-dessus, 
y^insi  quelque  temps  avant  l'exécu- 
lion  d'un  criminel  condamné  à  la 
décapitation,  M.  Kiichenmeister  mêla 
aux  aliments  de  cette  personne  de  la 
\iande  de  Porc  contenant  des  Cjsli- 
cerques,  et  à  l'autopsie ,  il  trouva 
(^ans  l'intestin  quatre  petits  Ténias 
céjà  fixés  à  la  membrane  muqueuse 
et  en  voie  de  développement  (a\ 
N.  Leuckart  administra  aussi  des  Cys- 
t  cerques  du  Cochon  à  un  malade  dont 
h  mort  éiait  imminente  et  à  deux  au- 
fcs  personnes  qui  s'étaient  prêtées 
Aolontairementà  ces  expériences.  Dans 
k  premier  cas,  le  résultat  fut  négatif; 
nais,  dans  le  second,  il  en  fut  autre- 


ment :  en  examinant  les  évacuations 
alvines  provoquées  par  des  vermi- 
fuges ,  il  trouva  dans  les  matières 
rendues  par  l'un  de  ces  individus 
plusieurs  Cysticerques  en  voie  de 
développement,  et  deux  Ténias  qiti 
avaient  tous  les  caractères  du  Ver 
solitaire  (6).  Enfin,  des  expériences 
analogues  ont  été  faites  par  M.  Ilum- 
bert  (de  Genève)  :  ce  naturaliste  avala 
quatorze  Cysticerques,  et  quelques 
mois  après,  il  rendit  par  les  selles,  à 
plusieurs  reprises,  des  fragments  de 
Ténias  (c). 

nés  arguments  en  faveur  del'opinion 
que  le  Ténia  de  l'Homme  provient  des 
Cysticerques  contenus  dans  la  chair 
des  animaux  dont  celui-ci  se  nourrit, 
avaient  été  fournis  précédemment 
par  les  observations  de  beaucoup  de 
médecins  et  de  voyageurs.  Ainsi  on 


{a)  Kiichcnnieister,  Expériences  relatives  à  la  transmission  des  Vers  inUstinatix  chez  l'espèce 
kiDiaiiie  (Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  -1855,  t.  111,  p.  377). 

(b)  Leuckart,  flic  lilasenwiirmcr  iind  ilire  Enliuickclung,  1856. 

(c)  Vojez  Bei'lholus,  Dissertation  sur  les  métamorphoses  des  Cesto'ides.  Ilièsi^.  Monipellier,  1856, 
iP  106. 


HYPOTHÈSE  DE  l'hétérogénie.  289 

ces  jeunes,  que  quelques  auteurs  appellent  des  proscolex, 
n'ont  pas  le  mode  d'organisation  propre  à  leur  mère:  ils  res- 
semblent à  des  Infusoircs  ;  toute  la  surface  de  leur  corps 
est  garnie  de  cils  vibratiles,  qui  l'ont  fonction  de  rames  nata- 
toires, et  dans  leur  intérieur  on  n'aperçoit  aucune  trace  d'or- 
ganes génitaux.  Mais  bientôt  on  y  voit  apparaître  une  espèce 
de  sac  contractile,  appelé  scolex,  qui  ne  tarde  pas  a  être  mis 
en  liberté;  après  quoi,  le  petit  être  qui  provient  directement 
du  Monostone  meurt  et  se  détruit.  Or,  le  scolex,  ou  sporo- 
cyste,  dont  je  viens  de  parler,  est  un  Ver  qui  va  se  loger 
dans  la   chambre   respiratoire  d'un    Mollusque  gastéropode 


sait  qu'en  Abyssinie,  ce  parasite  est 
d'une  fréquence  extrême  (a),  et  que, 
dans  cette  partie  de  l'Afrique,  on  fait 
grand  usage  de  viande  crue  ou  à  peine 
cuite.  11  paraît  aussi  que  ,  dans  ce 
pays,  les  musulmans,  à  qui  l'usage 
de  la  viande  de  Porc  est  interdit,  ne 
sont  pas  sujets  à  cette  affection  vermi- 
neuse  (6) ,  et  qne  les  religieux  de 
l'ordre  des  Chartreux,  qui  ne  vivent 
que  de  substances  végétales,  en  sont 
également  exempts  (c).  Plusieurs  mé- 
decins ont  remarqué  que  le  Ver  soli- 
taire cstparliculièrement  fréquent  chez 
les  charcutiers  et  les  cuisiniers.  A 
Saint-Pétersbourg,  où  le  Ténia  est  très- 
rare  et  où  les  médecins  ont  employé 
avec  avantage  l'usage  de  la  viande 
crue  pour  le  traitement  de  certaines 
affections  du  canal   intestinal,   on   a 


constaté  que  les  malades  soumis  à  ce 
régime  avaient  souvent  le  Ténia  (d) . 

Il  me  paraît  probable  que  le  Co- 
chon n'est  pas  le  seul  Animal  dont  la 
chair  soit  susceptible  de  contenir  des 
Cysticerques  aptes  à  se  développer 
en  Ténias  dans  le  tube  digestif  de 
rilomme,  et  que ,  par  conséquent, 
l'introduction  de  ces  Vers  dans  notre 
organisme  n'est  pas  nécessairement 
subordonnée  à  l'emploi  alimentaire 
du  Porc  cru  ou  imparfaitement  cuit  ; 
mais  il  y  a  lieu  de  penser  que,  dans 
la  plupart  des  cas,  la  présence  du  Ver 
solitaire  dans  notre  intestin  est  due  à 
l'usage  de  cette  viande  infestée  de 
Cysticerques  cellulaires  à  l'état  vivant. 
La  cuisson  doit  avoir  pour  effet  de 
tuer  ces  Vers  vésiculaires,  et  de  rendre 
le  Porc  ladre  inapte  à  donner  le  Ténia. 


(a)  Cnicc,  Vouage  en  Nuhie,  etc.,  trad.  de  Tanglais,  1797,  i.  IX,  p.  d67), 
■ —  Roclict  d'Héricom-l,  Second  voyage  sur  les  deux  rives  de  la  mer  Rouge. 
• —  Feirol  et  Galmier,  Voyage  en  Abyssinie,-i8il,  t.  II,  p.  4  00. 

—  Bilharz,  Ein  Beitrclg  ssztr  Helminthographia  humajia  {Zeitschrift  fur  ivissemch.  Zoologie, 
1853,  l.  IV,p.  53). 

(6)  Bnice,  Op.  cit. 

—  Aiibcrt,  Méin.  sur  les  substances  anlhelminthiques  usUées  eu  Abyssinie  (Mdni.  de  l'Acad. 
de  médecine,  1841,  i.  IX,  p.  689). 

(c)  Reiiileiii,  Dewerkungen  ûber  deii  Urspnmg  des  breiten  Bandwurms  in  dcn  Gedarmcn  dcr 
Menschen.  Wien,  1855,  p.  25. 

[d)  Voyez  Davaine,  Traité  des  Entoxoaires,  p.  89  et  suiv, 


290  REPRODUCTION. 

aquatique,  la  Limnce  des  étangs,  cly  passeriiiver.  Là  ce  parasite 
donne  naissance  à  des  jeunes,  qui  n'ont  pas  sa  forme  et  qui  ne 
djiïèrcnt  pas  de  certains  Animaux  décrits  jadis  par  les  zoolo- 
gistes sous  le  nom  de  Cercaires.  Leur  corps,  aplati  et  ovoïde, 
est  armé  antérieurement  d'une  espèce  de  dard,  et  se  termine 
en  arrière  par  une  queue  flexible  au  moyen  de  laquelle  ils 
nagent  avec  agilité.  Bientôt  ces  Cercaires,  devenus  libres, 
s'attaquent  aux  téguments  de  la  Limnée,  les  perforent  au 
moyen  de  leur  pointe  frontale,  et  pénètrent  dans  l'intérieur  du 
corps  de  ce  Mollusque  ,  où  ils  s'entourent  d'une  vésicule 
appelée  kyste.  Ainsi  enkystés,  ils  perdent  leur  armure  fron- 
tale, ainsi  que  leur  longue  queue,  et  deviennent  semblables  à 
de  petits  Monostomes,  si  ce  n'est  qu'ils  manquent  complètement 
d'organes  reproducteurs.  Mais  lorsque  la  Limnée  qui  les  loge 
a  été  mangée  par  un  Canard  ou  par  quelque  autre  Animal 
analogue,  et  que,  par  suite  de  la  digestion  du  corps  où  il 
était  renfermé,  le  Cercaire,  privé  de  queue,  devient  libre  dans 
l'intérieur  du  canal  intestinal  de  son  nouvel  hôte,  il  achève 
son  développement  et  acquiert  un  appareil  reproducteur  (1). 


(1)  Ces  faits  curieux  ne  furent  ac-  sans  en  souilçonner  la  véritable  na- 
quis à  la  science  que  peu  à  peu^  et  ture  ;  et  vers  la  même  époque,  Bory 
pendant  longtemps  on  n'en  connut  ni  Saint-Vincent  crut  avoir  perfeclionné 
l'enchaînement,  ni  la  portée.  Vers  la  la  classification  méthodique  du  Règne 
fin  du  siècle  dernier,  Othon  Frédéric  animal  en  rangeant  ces  petits  êtres 
Millier  donna  le  nom  de  Cercaria  à  dans  une  division  générique  particu- 
divers  Animalcules  microscopiques ,  lière,  sous  le  nom  d" Histrionella  (o). 
parmi  lesquels  se  trouvaient  les  Cer-  En  1818,  Bojanus  constata  que  l'un 
caires  dont  je  viens  de  parler,  ou  du  de  ces  Cercaires  vit  en  parasite  sur 
moins  des  espèces  qui  en  sont  très-  la  Limnée  des  étangs,  et  il  fit  con- 
voisines.  En  1817 ,  Kitsch  observa  naître  l'existence  des  sporocyslcs 
mieux  ces  prétendus  Infusoires,  mais  qui  se  trouvent  aitssi  chez  ce  Mol- 

(a)  0.  1^  Millier,  Vmnium  terrestrium  et /luviatilium  hisloria,  1773,  t.  I,  p.  07. 

—  ISilsch,  lieitragc  %ur  Iiifusorienkunde,  oder  Naturbeschreibimg  der  Zerkarien  und  Bacil- 
larien,  1817  (iVeîie  Schrift.  der  nat.  Gesellsch.  zu  Halle,  t.  III). 

—  Bory  Saiiit-Vincenl,  Histoire  naturelle  des  Zoophytes ,  etc.   (Encyclopédie  indlhodiqve , 
p.  l'Ji). 


HYPOTHÈSE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  291 

Le  cycle  de  phénomènes  singuliers  dont  je  viens  d'indiquer 
brièvement  les  principaux  traits  recommence  alors  :  le  nou- 
veau Monostome  vivant  dans  l'intestin  du  Canard  pond  des 
œufs  dont  naissent  des  larves  ciliées  qui  mènent  une  vie 
errante,  puis  donnent  naissance  à  un  Animal  destiné  à  vivre 
en  parasite  dans  le  poumon  d'une  Limnée,  et  à  produire  une 


lusque  (a).  En  1826,  M.  Baer  dé- 
couvrit les  relations  qui  existent  entre 
les  Gercaires  et  les  sporocystes,  dans 
l'intérieur  desquels  ces  Animalcules  se 
développent  (6).  Quelques  années 
après,  M.  Wagner  signale  à  l'atten- 
tion des  physiologistes  d'autres  faits 
de  même  ordre  (c),  et  M.  Nitsch  avait 
déjà  constaté  l'enkystement  de  ces 
Gercaires  et  la  disposition  de  leur 
appendice  caudal  {d).  D'autre  part, 
les  lielmintologistes  avaient  fait  con- 
naître les  caractères  zoologiqucs  et 
le  mode  d'existence  de  ces  espèces  de 
Douves  qui  sont  parasites  des  Oiseaux 
d'eau,  et  qui  sont  désignées  sous  le 
nom  de  Monostomum  mutabile  {e) .  En 
1835,  M.  Siebold  découvrit  le  mode 
de  reproduction  de  ces  Helminthes, 
et  constata  le  développement  d'un  être 
vivant  dans  l'intérieur  du  corps  des 


embryons  ciliés  qui  en  naissent;  mais 
il  pensa  d'abord  que  cet  animal  inclus 
n'était  autre  chose  qu'un  parasite  (f). 
En  18/|2,  M.  Steenstrup  appela  l'atten- 
tion des  naturalistes  sur  la  signification 
de  ces  singuliers  phénomènes  (g).  En- 
fin, dans  un  mémoire  qui  fera  époque 
dans  l'histoire  de  l'helminthologie , 
M.  Siebold  fit  connaître  les  relations 
qui  existent  entre  les  embryons  et  les 
Vers  monostomes ,  les  tubes  cercari- 
génères,  les  Gercaires  et  les  Mono- 
stomes parfaits  (h). 

Beaucoup  d'autres  faits  analogues, 
relatifs  aux  transmigrations  et  aux 
métamorphoses  des  Vers  de  l'ordre 
des  Trématodes,  ont  été  constatés  plus 
récemment  par  plusieurs  naturalistes, 
et  plus  particulièrement  par  M.  de 
Filippi  («')•  J'ajouterai  que  l'on  trouve, 
dans  l'ouvrage  récent  de  M.  Leuckart 


(a)  Bojanus,  Kur%e  Nachricht  ûher'die  Zerkarien  und  ihren  Fundort  (tsis,  1818,  U  l,  p.  729). 
(6)  Baer,  BeUrâge  %ur  Kenntniss  der  niedern  Thiere  (Nova  Acta  Acad.  iiat.  curios.,  t.  XIII, 
p.  627,  pi.  31,  fig.  G). 

(c)  Wagner,  Beobachtungen  ûber  den  Bau  und  die  Entwickelung  der  Infusorien,  etc.  {Isis, 
1832,  p.  394).  — Bemerkungen  ûhev  Cercaria  (Isis,  1834,  p.  131). 

(d)  Ni(sch,  Op.  cit. 

(e)  Zeder,  Nachtrag  ■x.ur  Naturgeschichte  der  Eingeiueidewilrmer,  1806,  p.  154. 

—  Creplin,  Novœ  observ.  de  Entoaois,  d829,  p.  49. 

—  Mehlis,  Observationes  de  Trematodibiis  (Isis,  1831,  p.  171). 

(f'i  C.  T.  Yon  Siebold,  Helmintologisclie  Beitrdge  (Wiegraann's  Archiv  fur  Naturgeseldchte, 
1835,  t.  I,  p.  45). 

(g)  Steenstrup,  Ueber  den  Generationswechsel,  1842.  —  On  the  AUernation  of  Génération 
translated  by  Bush  (Ray's  Society,  18-45). 

(h)  Siebold,  Ueber  die  Band  und  Blasenwûrmer.  Leipzig,  1854,  p.  17  et  siiiv.  —  Mcm,  sur 
les  Vers  rubanés  et  vésiciUaires  (Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1855,  t.  IV,  p.  61  et  suiv.). 

(i)  Vh.  de  F\\ippi,  Mém.  pour  servira  l'histoire  génétique  des  Trématodes  Mém.  de  V  Acad.  de 
Turin,  2=  série,  t.  XV,et  Anw.  des  sciences  nat. ,  4'  série,  1854,  t.  II,  p.  255. —  [Deu.xièmeméin., 
1865  (Mém,  de  l'Acad,  d&  Turin,  2'  série,  t.  XVI),  —  Troisième  mémoire,  1867  (Acad,  Ae 


292  REPRODUCTION. 

foule  de  CercDires  qui,  dcvcnaut  parasiles  d'un  de  ces  Mol- 
lusques dont  les  Canards  et  d'autres  Animaux  aquatiques  se 
nourrissent,  arrivent  enfin  dans  la  cavité  digestive  de  l'un 
de  ceux-ci,  et  ainsi  de  suite. 

Ces  métamorplioses,  ces  migrations,  cette  aptitude  de  cer- 
tains jeunes  Helminthes  à  perforer  les  tissus  vivants  de  leurs 
hôtes  (1),  et  celte  dissemblance  entre  beaucoup  de  ces  para- 
sites et  leurs  descendants  directs,  nous  donnent  la  clef  d'une 
foule  de  faits  qui,  pendant  longtemps,  étaient  inexplicables  par 
les  lois  générales  de  la  physiologie,  et  qui  étaient  invoqués 
comme  des  arguments  sans  réplique  en  faveur  des  vieilles 
idées  d'hétérogénie.  Il  est  vrai  que  nous  n'avons  pas  encore 
les  lumières  nécessaires  pour  préciser  le  mode  d'origine  de 
tous  les  parasites  qui  se  rencontrent  dans  l'intérieur  de  l'orga- 
nisme des  divers  Animaux;  mais,  chaque  jour,  le  nombre  de 
ces  difficultés  diminue,  et  nous  voyons  rentrer  dans  la  règle 
commune  la  naissance  de  quelques-uns  de  ces  êtres  singu- 
liers (2).    Ainsi ,   dernièrement  encore ,    les   hétérogénistes 


sur   les  parasites  de   l'IIomme,    un  ration  des  Ussus  par  les  jeunes  Hel- 

exposé  très-complet   de   Tétaf  actuel  minthes,  les  observations  de  M.  Van 

de   la  science  relativement  au  mode  Beneden  sur  le   Tœnia  dispar  de  la 

de    propagation   des  Helminthes,    et  Grenouille,  et  celles  de  M.  Baillet  sur 

beaucoup  de  faits  nouveaux  d'un  in-  les  Cysticerques  (6). 

térèt  considérable  (a).  (2)  Les  partisans  de  l'hypothèse  des 

(1)  Voyez,  au  sujet  de  cette  perfo-  généraUons  dites  spontanées  ont  beau- 


Tiiriii,  I.  XVIII). —  Quelques  nouvelles  observations  sur  les  larves  des  Trémalodes  {Ann.  des 
sciences  nat.,  4»  série,  1850,  t.  VI,  p.  83). 

—  De  la  Valellc  de  Saint-Georges,  Symbolœ  ad  Trematodum  evolutionis  historiam.  Berolini, 
1853. 

—  UouWme,  De  la  reproduction   des   Trématodes   endo-parasites,   1856   {Mém.  de  l'Institut 
(jénevois,  t.  111). 

—  Giiirlo  Wagpiicr,  Bcitrâ(ie  zur  Enlwickel.  der  Eingeweideivurmer  (Naturkundige  Vcrhand- 
lungen,  1857,  t.  XHI). 

—  Pa^'ciisleclicr,  Treinatodcnlarven  und  Trematoden.  Helmintologischer  Beitrag,  1857. 
(a)  Riid.  Lcuckail,  Ute  mcnschlichen  l'arasiten.  Leipzig,  1862  et  18G3. 

(6)  Van  Beneden,  Nouvelles  observations  sur  le  développement  des  Vers  cesto'ides  {Ann,  des 
sciences  mt,,  3°  série,  1853,  t,  XX,  p,  318). 


HYPOTHÈSE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  ^'d?> 

citaient,  comme  ime  preuve  de  la  formation  agcncsi([iie  des 
Helminthes,  le  développement  du  Trichina  spiralis  dans  la 
profondeur  des  muscles  du  corps  humain  ;  mais,  à  [)cine  c(ît 
argument  avait-il  été  employé ,  que  des  expériences  faites  en 
Allemagne  sont  venues  montrer  que  ce^Ver  agamc  est  en 
réalité  le  produit  génésique  d'un  Helminthe  très-voisin  des 


coup  insisté  sur  ce  que  parfois  la  pré- 
sence cl'Helmintlies  a  été  constatée 
dans  l'intérieur  du  corps  d'un  fœtus  ou 
de  très-jeunes  animaux  qui  n'avaient 
encore  pris  d'autre  nourriture  que  le 
lait  de  leur  mère,  et  qui,  par  consé- 
quent, ne  pouvaient  être  considérés 
comme  ayant  reçu  ces  parasites  du 
dehors  mêlés  à  leurs  aliments.  Des 
faits  de  ce  genre  ont  été  signalés  par 
les  médecins  de  l'antiquité  aussi  bien 
que  par  plusieurs  observateurs  mo- 
dernes (a) .  Mais  l'origine  de  ces  Vers 
par  homogénésie  s'explique  facilement 
depuis  que  l'on  a  constaté  que  beau- 
coup de  ces  Animaux,  à  l'état  de  larve, 
peuvent  perforer  la  substance  des  tissus 
organiques,  et  voyager  dans  l'intérieur 
du  corps  d'un  être  vivant  à  peu  près 
comme  le  Ver  de  terre  voyage  dans  le  sol 
humide  (6).  En  effet,  puisque  ces  para- 


sites traversent  les  parois  de  l'intestin, 
ainsi  que  le  péritoine,  et  se  répandent 
parfois  jusque  dans  la  profondeur  des 
muscles  des  membres  (c),  ou  se  logent 
dans  l'intérieur  des  vaisseaux  san- 
guins (d),  on  comprend  facilement  la 
possibilité  de  leur  arrivée  dans  l'uté- 
rus et  leur  passage  jusque  dans  l'inté- 
rieur du  corps  du  fœtus  contenu  dans 
cet  organe. 

La  présence  de  parasites  animaux 
et  végétaux  dans  l'intérieur  des  œufs 
a  été  constatée  également  dans  quel- 
ques cas,  et,  en  général,  elle  peut 
être  expliquée  de  la  même  manière  (e). 
Dans  quelques  cas,  les  parasites  se 
rendent  directement  dans  l'œuf  à  tra- 
vers la  coquille,  sans  laisser  de  traces 
visibles  de  leur  passage,  ainsi  que 
IM.  Panceri  l'a  constaté  réceniment 
pour  plusieurs  Cryptogames  (/). 


(«)  Baillet,  Expériences  sur  le  Cyslicercus  tereticoUis,  etc. 

(b)  Hippocrate,  Des  maladies,  liv.  IV  {Œuvres,  trad.  par  Littré,  t.  VII,  p.  597). 

(c)  Par  exemple,  chez  le  fœtus  humain,  par  Kerckliiig,  Dolce  et  Brendel  (voy.  Davaine,  Traité  des 
Eiilozoaires,  1860,  p.  8). 

—  Chez  le  fœtus  du  Mouton.  Voy.  Froramann,  Observ.  de  verminoso  in  Ovibus  et  Juvencis 
reperto  hepate  [Ephemcrid.  Acad.,  1675,  déc.  1,  an».  6  et  7,  obs.  188,  p.  145). 

—  Valcntin,  Distomeneier  in  der  Riikenmarksliohle  eines  Fôtus  (MiiUer's  Archiv  fur  Anat. 
imd  PhysioL,  1840,  p.  317). 

(d)  M.  Davaine  vient  de  constater  expérimentalement  des  faits  de  ce  genre  en  inoculant  sur  divers 
Animaux  les  parasites  filiformes  qui  pullulent  dans  le  torrent  de  la  circulation  chez  les  Moutons 
aflectés  de  la  maladie  que  les  vétérinaires  désignent  sous  le  nom  de  sang  de  rate.  (Davaine,  Recherches 
surlesinfusoires  du  sang,  etc.,  dans  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1863,  t.  LVII, 
p.  220.) 

(e)  Barthélémy,  Etudes  sur  le  développement  et  les  migrations  d'un  Nématoïde  parasite  de 
l'œuf  de  la  Limace  grise  (.inn.  des  sciences  nat.,  4'  série,  1858,  t.  X,  p.  41). 

(f)  Panceri,  Del  coloramento  deU'albumine  d'uovo  di  Gallina  e  dci  criptogami  che  crescheno 
nelle  uove  {Atti  délia  Soc.  italiana  di  scieme  nalurali,  1800,  t.  II,  p.  271). 

viu.  21 


29 /j.  REPRODUCTION. 

Trichocéphales,  et  qu'on  pouvait  en  infester  le  tissu  musculaire 
de  divers  Animaux  ,  en  ingérant  dans  le  tube  digestif  de 
ceux-ci  des  aliments  qui  renfermaient  des  parasites  de  cette 
espèce  (1). 

Tout  dernièrement  encore,  l'origine  du  Bothriocéphale,  qui 
infeste  souvent  le  corps  humain,  particulièrement  en  Suisse,  en 
Pologne  et  en  Russie,  était  entourée  de  beaucoup  d'obscurité. 
Mais  des  recherches  expérimentales,  faites  simultanément  à 
Saint-Pétersbourg  par  M.  Knoch,  et  à  Genève  par  M.  Ber- 
tholus,  ont  prouvé  que  c'est  sous  la  forme  de  larves  ciliées 


(1)  Les  migrations  du  Trîchina  spi- 
ralis  paraissent  avoir  beaucoup  d'ana- 
logie avec  celles  des  Filaires  dont  il  a 
été  déjà  question  ci-dessus  (page  283). 
C'est  à  l'état  de  scolex  ou  de  larves 
dépourvues  d'organes  génitaux  qu'on 
les  rencontre  dans  le  tissu  musculaire 
où  ils  s'enkystent.  On  les  a  trouvés  sous 
cette  forme  chez  l'Homme  (a),  ainsi  que 
chez  quelques  autres  Mammifères  (5). 
M.  Herbst,  ayant  administré  à  de  jeunes 
Chiens  de  la  chair  d'un  Blaireau  in- 
festée de  Trichines ,  trouva  ,  trois 
mois  après,  les  muscles  de  ces  ani- 
maux envahis  par  un  nombre  immense 
de  ces  petits  Vei'sfiUformes  (c).  M.  Vir- 
chow  (de  Berlin)  a  fait  des  expériences 
analogues,  et  il  a  constaté  que  le 
Trichiiia  spiralis  de  l'Homme,  ingéré 
dans  l'estomac    d'un   Chien,    se  dé- 


pouille de  son  kyste,  et,  devenu  libre, 
achève  son  évolution  dans  l'intestin 
de  cet  Animal.  Là  les  organes  géné- 
rateurs de  ces  parasites  se  développent 
et  produisent  des  spermatozoïdes  ainsi 
que  des  œufs.  En  faisant  manger  à  un 
Lapin  de  la  viande  contenant  des  Tri- 
chines, ce  physiologiste  a  observé  les 
mêmes  faits,  et  il  a  constaté,  en  outre, 
que  ces  parasites,  rendus  libres  dans 
l'intestin  de  ce  Rongeur,  deviennent 
sexués,  et  donnent  naissance  à  de  pe- 
tits Vers  iiliformes  qui  perforent  en- 
suite les  parois  du  canal  digestif  pour 
se  répandre  dans  toutes  les  parties  de 
l'organisme.  M.  VirchoAv  a  obtenu  de 
la  sorte  cinq  générations  de  Trichines, 
en  faisant  manger  simplement  à  des 
Lapins  la  chair  musculaire  des  Ani- 
maux chez  lesquels  il  avait  déterminé 


{a)  Hilton,  Notes  of  a  peculiar  appearence  observed  in  Human  Muscle,  probably  depeiiding 
upon  the  Formation  of  very  small  Cysticerci  {Londoii  Médical  Gaxettc,  1853,  t.  XI,  p.  005). 

—  Owen,  Description  of  a  Microscopical  Entozoar  infesting  the  Muscles  ofthe  Human  Body 
(Trans.  of  the  Zool.  Soc,  1835,  t.  I,  p.  315,  pi.  il,  Cig.  1-8). 

—  Luschka,  Zur  Naturgeschichte  der  Trichiiia  spiralis  {Zeitschrift  filr  wisseiisch,  Zool.,  1851, 
t.  m,  p.  69,  pi.  3). 

(6)  Siebold,  Helmintholorjischc  Beitrdge  (Wiegmann's  Archiv  filr  Naturgeschichte,  1888,  t.  I, 
p.  312). 

—  Leidy,  Existence  of  Trichina  in  the  Hog  {Ann.  of  Nat.  Hist.,  1847,  t.  XIX,  p.  358). 

(c)  Herbst,  Expériences  sur  la  transmission  des  Vers  intestinaux  {Ann,  des  sciences  nat., 
3'  série,  1852,  t.  XVII,  p.  65). 


HYPOTHÈSE  DE  L  HÉTÉROGÉNIE.  295 

que  ces  Vers  sortent  de  l'œuf;  qu'ils  vivent  alors  dans  les  eaux 
douces,  puis  s'enkystent  et  ne  subissent  leur  développement 
complet  qu'après  être  arrivés  dans  l'intestin  propre  à  leur 
servir  d'habitation  (1). 

Beaucoup  d'autres  faits  analogues  ont  été  constatés  depuis 
quelques  années  ;  mais  je  ne  pourrais,  sans  m'éloigner  de  l'ob- 
jet de  nos  études  actuelles,  entrer  dans  plus  de  détails  relatifs 
à  l'origine  des  Vers  intestinaux.  Du  reste,  le  peu  de  mots  que 
je  viens  d'en  dire  me  semble  devoir  suffire  pour  montrer 
l'erreur  de  ceux  qui,  faute  de  connaître  le  mode  d'introduction 


expéninentalenieiitla  reproduclion  de 
ces  Vers  (a).  Des  faits  analogues  ont  été 
constatés  par  M.  R.  Leuckart.  Ce  natu- 
raliste a  trouvé  que  la  transformation 
des  Trichines  agames  en  Vers  sexués 
n'a  jamais  lieu  dans  le  tissu  muscu- 
laire, mais  s'effectue  très-rapidement 
dans  le  canal  intestinal  des  divers 
Mammifères  qui  ont  mangé  de  la  chair 
infestée  de  la  sorte,  et  que  les  parasites 
liliformes  qui  naissent  de  ces  individus 
prolifiques  dans  le  tube  digestif  d'un 
Animal  nourri  de  cette  façon  pénètrent 
dans  le  tissu  conjonctif  interorganique 
de  celui-ci,  pour  aller  se  loger  dans 
l'épaisseur  des  muscles,  où  ils  s'en- 
kystent (6).  Il  est  donc  présumaiile 
que  la  présence  des  Trichines  dans  les 
muscles  du  corps  humain  dépend  de 


l'emploi  alimentaire  de  la  chair  du 
Lapin  ou  de  quelque  autre  Animal 
infesté  de  la  sorte,  et  dont  la  cuisson 
n'aura  pas  été  assez  complète  pour 
tuer  ces  parasites. 

(1)  La  fécondité  de  ce  Bothriocé- 
phale  est  immense.  Ainsi,  dans  un  de 
ces  Vers  examiné  par  Eschricht  (de 
Copenhague),  le  nombre  des  œufs  s'est 
élevé  à  plus  de  dix  millions  (c).  La 
forme  larvaire  de  ces  Helminthes  pa- 
raît avojr  été  constatée  d'abord  par 
Schubart  {d),  mais  l'histoire  de  leur 
développement  n'a  été  étudiée  d'une 
manière  approfondie  que  par  les  deux 
naturalistes  cités  ci-dessus  (e),  et  c'est 
principalement  au  mémoire  publié  sur 
ce  sujet  par  M.  Knocli  que  je  renverrai 
pour  plus  de  détails. 


(a)  Virchow,  Recherches  sur  le  développement  du  Trichiiia  spiralis  (  Comptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences,  1859,  t.  XLIX,  p.  660).  —  Note  sur  ie  Trichina  spiralis  [Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  sciences,  "1860,  t.  LT,  p.  13). 

(6)  R.  Leucliart,  Untersuchungen  «6gr  Trichina  spiralis.  In-i,  Leipzig-,  1860. 

(c)  Eschriclit,  Anat.  phijs.  Untersuch.  ûber  die  Botlinocephalus,  p.  144  {NovaAcla  Acad.  nat. 
curios.,  1840,  t.  IX,  supplémenl). 

(d)  Voyez  Van  Beneden  et  Gervais,  Zoologie  médicale,  t.  11,  p.  230,  noie. 

(e)  Knoch,  Die  Naturgeschichte  des  breiten  Bandwurms  (Bolluioceplialus  latus)  mit  beson- 
derer  Berûchsichligung  seiner  Entwickelungsgeschichte  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Saint- 
Pétersbourg,  7°  séné,  t.  V). 

—  Beriholus,  Sur  le  développement  du  Bothriocéphalc  de  l'Homme  {Comptes  rendus  de  l'Acad.- 
des  sciences,  18G3,  t.  LVII,  p.  569). 


296  REPRODUCTION. 

de  ces  parnsites  dans  le  corps  de  leurs  hôtes,  se  croyaient 
autorisés  à  les  considérer  comme  des  produits  de  l'organisation 
.spontanée  de  la  matière  inerte,  ou,  en  d'autres  mois,  de  la 
génération  dite  spontanée.  Là,  de  même  que  pour  les  larves 
de  Mouches   observées  par  Redi,  et  pour  les  Abeilles,  dont 
l'histoire  physiologique  a  été  étudiée  par  Swammerdam,    la 
multiplication  des  individus  est  régie  par  les  lois  générales 
qui  président  à  l'origine  des  Animaux  supérieurs.  Le  caractère 
essentiel  des  phénomènes  zoologiques  est  partout  le  même, 
et  la  Nature  n'a  pas,  comme  le  supposent  les  hétérogénistes, 
deux  poids  et  deux  mesures*  suivant  qu'elle  veut  produire  un 
Animal  microscopique  ou  un  Animal  gigantesque,  un  Animal 
obscur   et  parcimonieusement   doté  ou  un  Animal   doué  des 
facultés  les  plus  merveilleuses.  Toujours  l'être  vivant  descend 
d'un  être  qui  vit. 
Résumé.         §  8.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  que,  non-seulement 
la  vie  se  transmet,  et  que  les  corps  organisés  sont  toujours  des 
produits  de  corps  doués  de  ce  mode  d'activité,  mais  aussi  que 
dans  tous  les  cas  où  cette  fihation  a  pu  être  observée,  les 
individus  qui  naissent  sont  de  même  espèce  que  les  individus 
dont  ils  descendent.  Tout  ce  qui  vit  aujourd'hui  à  la  surface  du 
globe  a  été  engendré,  et  chaque  être  qui  engendre  imprime  à 
ses  produits  le  cachet  organique  propre  à  certains  termes  de 
la  série  d'individus  dont  il  est  lui-même  descendu.  Le  jeune 
Animal  peut  ne  pas  ressembler  en  tout  à  ses  parents,  mais  en 
général  les  différences  sont  légères  et  ne  portent  que  sur  les 
détails  secondaires  de  l'organisme.  Nous  examinerons  dans  une 
autre  occasion  quelles  peuvent  être  les  limites  de  ces  variations 
individuelles  chez  divers  membres  d'une  même  lignée,  et  quelles 
sont  les  circonslancesqui  déterminent  ces  particularités  indivi- 
duelles. Ici  il  me  suffira  de  constater  que  chez  les  Auimaux, 
aussi  bien  que  dans  les  Plantes,  on  ne  connaît  aucun  individu  qui 
ne  soit  fait  à  l'image  de  l'un  de  ses  ancêtres,  et  qui  ne  ressemble 


HYPOTHESE    DE    l'hÉTÉROGÉNIE.  297 

à  l'être  dont  il  sort  de  In  même  fneon  que  celiii-ei  ressemblait  ù 
certains  de  ses  procréateurs.  On  appelle  espèce^  le  groupe  d'indi- 
vidus qui  se  ressemblent  entre  eux  au  même  degré  que  l'on  sait 
devoir  se  ressembler  ceux  qui  naissent  d'une  même  soucbe; 
groupe  que  l'on  peut  considérer  par  conséquent  comme  ayant 
une  origine  commune.  La  loi  générale  qui  régit  aujom^d'bui  la 
multiplication  des  Animaux  et  le  renouvellement  des  êlres  ani- 
més dont  la  terre  est  peuplée,  est  donc  V homogénésie,  ou  la 
production  du  jeune  par  des  parents  qui  sont,  dans  certaines 
limites,  ses  semblables.  Nous  verrons  ailleurs  que  dans  quel- 
ques cas  la  conformation  du  jeune  peut  s'éloigner  considérable- 
ment de  celle  de  son  ascendant  immédiat,  et  ne  répéter  l'image 
que  d'un  ancêtre  plus  ou  moins  reculé;  mais  alors  la  progé- 
niture de  ce  jeune  ne   diffère  en  rien   d'essentiel   de  son 
aïeul,  et  par  l'effet  de   ces  retours  périodiques  à  un  môme 
type ,  ce  type  se  perpétue  tout  aussi  bien  que  dans  les  cas 
où  il  se   retrouve  cliez  tous   les  individus  qui  proviennent 
les  uns   des  autres   (1),  Une  espèce  peut  s'éteindre  ou  se 
diviser,  pour  ainsi  dire,  en  un  certain  nombre  de  races  qui 
ont  chacune  leur  cachet  particulier,  mais  jamais  on  ne  voit 
un  Animal  naître  d'un  Animal    d'une  espèce    aulre  que  la 
sienne,  et,  sous  Tinfluenee  des  conditions  dans  lesquelles  notre 
globe  se  trouve  aujourd'hui,  aucune  transmutation  zoologique 
ne  semble  être  possible.  En  était-il  toujours  de  même,  et,  à  cer- 
taines périodes  géologiques,  les  modifications  introduites  dans 
l'organisation  des  êtres  qui  se  succédaient  par  voie  de  généra- 
tion ont-elles  été  plus  considérables,  et  ont- elles  amené  l'ap- 
parition de  types  assez  dissemblables  pour  que  l'analogie  nous 
conduise  à  les  considérer  comme  des  représentants  d'autant 


(1)  Cette  rotation  de  deux  ou  de  tiennent  à  une  même  lignée,  constitue 
plusieurs  types  chez  les  difl'érents  ter-  ce  que  les  zoologistes  modernes  ont 
mes  d'une  série  d'individus  qui  appar-      appelé  des  yénérations  alternantes. 


298  REPRODUCTION. 

d'espèces  particulières?  C'esL  ce  que  l'on  ne  saurait  dire  dans 
l'état  actuel  de  nos  connaissances,  mais  j'incline  à  croire  qu'il  a 
dû  y  avoir  des  transmutations  de  cet  ordre,  et  que  beaucoup 
de, fossiles  qui  ont  été  considérés  comme  appartenant  à  des 
espèces  différentes  de  celles  de  J^époque  actuelle ,  ne  sont 
en  réalité  que  des  races  particulières.  Peut-être  môme  les 
différences  entre  certaines  séries  de  termes  d'une  même 
lignée  d'individus  ont-elles  été  plus  grandes  encore.  Ici  ces 
questions  ne  sauraient  être  assez  approfondies  pour  que  la  dis- 
cussion en  soit  utile,  et  tout  en  me  proposant  d'y  revenir  un 
jour,  je  ne  m'y  arrêterai  pas  en  ce  moment,  car  il  nous  faut 
maintenant  étudier  les  divers  modes  suivant  lesquels  la  î'epro- 
duclion  des  Animaux  peut  avoir  lieu. 

Cette  étude  sera  le  sujet  de  la  prochaine  Leçon. 


SOIXANTE -DOUZIEME  LEÇON. 


Des  divers  modes  de  reproduction  des  Animaux.  —  Scissiparité.  —  Gemmiparité. 
—  Multiplication  par  des  bulbilles.  —  Oviparilô  ;  g-énéralioii  scxucllo.  — ; 
Composition  et  structure  des  œufs. 


§  I.  —  Dans  l'un  et  l'autre  Règne  organique,  la  multiplica-  Trois  nmjes 

,.,..,  ^  .  11.  "N  mi.'^i.       principaux 

tion  des  individus  peut  se  faire  de  plusieurs  manières,  lantot  de 
elle  résulte  du  fractionnement  du  corps  de  l'individu  souche,  '"''"'  """"'* 
phénomène  que  les  physiologistes  désignent  sous  le  nom  de 
scissiparité.  D'autres  fois  elle  est  une  conséquence  de  l'accrois- 
sement d'une  portion  de  ce  corps  qui,  en  se  développant, 
devient  semblable  à  l'individu  dont  elle  dépend  ;  c'est  ce  que 
l'on  appelle  gemmiparité ,  ou  reproduction  par  bourgeonne- 
ment. Enfin,  dans  d'autres  cas,  elle  a  lieu  au  moyen  d'œufs  ou 
de  graines,  c'est-à-dire  de  corps  qui  se  séparent  de  l'organisme 
producteur  avant  d'avoir  donné  naissance  à  une  première 
ébauche  de  l'organisme  nouveau,  mais  f|ui  sont  aptes  à  se 
constituer  de  la  sorte  quand  ils  sont  placés  dans  des  conditions 
déterminées.  Du  reste,  ces  divers  modes  de  reproduction  ont  un 
caractère  commun,  et,  pour  bien  saisir  celui-ci,  il  me  semble 
utile  de  prendre  d'abord  en  considération  certains  phénomènes 
dénutrition  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  dire  quelques  mots 
dans  une  des  précédentes  Leçons. 

§  2. — Tous  les  êtres  vivants,  avons-nous  vu,  ont  la  faculté  de  considérations 

,  ,  11-  •       prélinninaires. 

s  assimiler  des  matières  étrangères  qu'ils  emploient  en  partie 
à  constituer  de  la  matière  vivante,  laquelle  est  disposée  d'une 
manière  déterminée,  mais  variable,  suivant  les  espèces,  et  con- 
court à  la  réalisation  d'un  certain  type  ou  plan  d'organisation. 


300  REPRODUCTION. 

C'est  ainsi  que  (ont  êlre  vivant  augmente  de  volume  pendant  la 
première  période  de  son  existence,  que  diverses  parties  de  son 
corps  s'accroissent  sans  cesse,  et  que  d'autres  restent  en  appa- 
rence les  mêmes,  bien  qu'une  portion  de  leur  substance  puisse 
se  détruire  continuellement.  Qnelquelbis  ce  travail  plastique  a 
pour  effet  d'opérer  périodiquement  le  développement  d'or- 
ganes d'un  volume  considérable  et  d'une  forme  constante,  tels 
que  les  bois  dont  la  tête  du  Cerf  est  ornée.  Dans  d'autres 
circonstances,  par  suite  d'un  phénomène  analogue,  l'organisme 
répare  des  mutilations  accidenlelles,  et  se  rétablit  dans  son 
intégrité  après  avoir  subi  des  perles  plus  ou  moins  considé- 
rables. L'action  nutritive  s'exerce  donc  normalement  suivant 
un  certain  mode,  et  tend  à  réaliser,  chez  tous  les  Animaux, 
une  forme  virtuelle  propre  à  l'espèce  dont  l'individu  est  un 
des  représentants.  Chez  l'Homme  et  les  autres  Animaux 
supérieurs,  celle  puissance  réparatrice  est  fort  limitée  et  ne 
détermine  jamais  la  régénération  d'une  portion  considérable  du 
corps;  elle  peut  faire  disparaître  des  solutions  de  continuité  et 
opérer  la  cicatrisalion  des  plaies  par  le  développement  d'un 
tissu  nouveau  qui  se  soude  intimement  aux  surfaces  mises 
à  nu  accidentellement  ;  elle  se  manifeste  aussi  par  la  produc- 
tion de  la  substance  osseuse  dans  les  cas  de  fracture  et  de 
résection  de  certaines  parties  du  squelette  ;  elle  peut  même, 
dans  quelques  cas,  amener  le  rétabHssement  d'un  conducteur 
nerveux,  d'un  vaisseau  sanguin  ou  d'une  portion  du  canal 
intestinal ,  mais  elle  ne  donne  jamais  des  résultats  considé- 
rables, et  ses  produits  plastiques  sont  toujours  fort  simples  (1). 
Cljez  des  Animaux  moins  élevés,  il  en  est  autrement,  et  les 


(1)  Il  paraît  y  avoir  lien  dépenser  des  observations  de  M.  Simpson,  cfne 
que  pendant  la  vie  embryonnaire,  la  dans  l'espèce  hnraaine  la  reproduction 
tendance  à  la  reconstitution  des  parties  d'cni  membre  tout  entier  est  alors  pos- 
manquantes  est  plus  marquée  que  chez  sible.  Ce  médecin  a  fait  connaître  plu- 
ies Animaux  adultes,  et  il  résulterait  sieurs  cas  dans  lesquels  l'amputation 


SCISSIPARITÉ.  301 

parties  reproduites  de  la  sorte  peuvent  être  à  la  fois  très- 
volumineuses  et  d'une  structure  fort  com[»lexe. 

Ainsi,  chacun  sait  que  la  queue  des  Lézards  se  casse  faci- 
lement, mais  que  la  mutilation  déterminée  de  la  sorte  n'est 
que  temporaire,  et  que  bientôt  un  nouvel  appendice  caudal  se 
développe  à  la  place  de  celui  qui  a  été  détaché  (1). 

Chez  quelques  autres  Vertébrés  inférieurs  (2),  et  notam- 
ment chez  les  Tritons  ou  Salamandres  aquatiques,  la  puissance 
réparatrice  de  l'organisme  est  même  plus  grande  encore  ;  et 
les  pattes,  avec  leurs  os,  leurs  muscles,  leurs  vaisseaux  san- 
guins et  leurs  nerfs,  peuvent  être  reproduites  de  la  sorte. 
On  a  vu  aussi  la  mâchoire  inférieure  et  le  globe  de  l'œil  se 
régénérer  complètement  chez  ces  singuliers  Batraciens  (3). 

spontanée  d'un  membre  chez  de  très-  est  représentée  que  par  un  stylet  car- 
jeunes  embryons  semble  avoir  eu  lieu,  tilagineux.  M.  li.  Millier  a  publié  sur 
et  aurait  été  suivie  du  développement  ce    sujet    des    observations    intéres- 
d'un  membre  nouveau  à  l'extrémité  santés  {d). 
du  moignon  (o).  (2)  Broussonnet  dit  avoir  vu  la  na- 

(1)  Ce  singulier  phénomène  a  été  geoire  d'un  Poisson  se  reproduire  (e) , • 
constatéchez  les  Scinqueset  les  Orvets,  mais  Dugès  a  répété  cette  expérience 
aussi  bien  que  chez  les  Lézards,  par  sans  succès  (/").  Une  reprodiiction  par- 
les naturalistes  de  l'antiquité  (6).  Il  a  tielle  de  ce  genre  a  été  observée  chez 
lieu  aussi  chez  les  Geckos  (c).  un  Syngnathe  (g). 

La  queue  advenlive  a  en  général  (3)  Vers  le  milieu  du  siècle  dernier, 
la  même  forme  que  la  queue  primor-  le  phénomène  de  la  reproduction  de 
dialc  ;  mais  sa  structure  est  moins  la  queue  et  des  membres  des  Tritons 
perfectionnée.  Ainsi  la  colonne  rachi-  et  des  Salamandres  a  été  étudié  par 
dienne,  au  lieu  d'être  constituée  par  plusieurs  naturalistes,  mais  plus  par- 
une  série  de  vertèbres  osseuses,  n'y  liculièrement  par  Waterelti,  Spallan- 

(a)  Voyez  Carponter,  Principlcs  of  Comparative  Physiology,  1854,  p.  480. 

(6)  Pline,  Historia  muncll,  lib.  xxix,  cap.  38. 

(c)  Dugès,  Physiolorjie  comparée,  t.  111,  p.  188. 

((/)  H.  Millier,  Eine  Eidechse,  Lacerta  viridis,  mit  z-ivei  iiber  einandfr  gelagerteii  Schwân%en 
tvelche  beide  als  das  Product  einer  ûberrcichten  und  durch  feinern  Bau  des  wiedererzeugteii 
bemerkenswerther  Reproductionskraft  erscheinen  (Verhandlungeii  der  Phijs.  -Med.  Gesellschaft 
in  Wûvzburg,  1852,  t.  II,  p.  6l3). 

{e)  Broussonnet,  Mémoire  sur  la  régénération  de  quelques  parties  du  corps  des  Poissons  {Mém. 
de  l'Acad.  des  sciences,  178G,  p.  084). 

(()  Dugès,  Physiologie  comparée,  1839,  t.  III,  p.  190. 

Iff)  Malm,  Note  sur  la  reproduction  des  parties  de  l'organisme  et  sur  leur  multiplication  chez 
certains  Animaux.,  et  plus  particulièrement  chez-  un  Syngnathe  à  deux  queues  {Ann.  des  sciences 
nat.,  4°  série,  t.  .WIII,  p.  35C). 


Batrarion^ 


S02  REPRODUCTION. 

Chez  les  Crabes,  les  Écrevisses  et  beaucoup  d'autres  Crus- 
tacés, la  reproduction  des  membres  se  fait  avec  une  facilité 
encore  plus  grande  (i).  Les  Araignées  peuvent  aussi  réparer 


zani,  ]\IuiTay  et  Bonnet  (a).  Ce  der- 
nier auteur  a  fait  reproduire  la  même 
patte  jusqu'à  quatre  fois  sur  un  de 
ces  Batraciens,  et  il  a  constaté  la  régé- 
nération du  globe  de  l'œil  après  l'ex- 
tirpation de  cet  organe.  Le  même 
résultat  a  été  obtenu  par  Blumen- 
bacli  (6).  Plus  récemment,  la  régé- 
nération de  quelques  parties  a  été 
observée  chez  les  mêmes  Animaux 
par  plusieurs  physiologistes  (c). 

J'ajouterai  que  Bluraenbach,  ayant 
détruit  avec  im  instrument  pointu 
les  yeux  d'un  Lézard  vert ,  assure 
avoir  vu  ces  organes  se  reproduire 
très-promptement  (d), 

(1)  La  production  d'une  patte  nou- 
velle n'a  pas  lieu  indifféremment  sur 
tous  les  points  de  la  longueur  du 
membre  et  ne  se  fait  qu'à  l'extrémité 
de  l'article  qui  suit  la  hanche,  et  qui 


a  été  désigné  sous  le  nom  de  basi^ 
podite  (e).  Cette  pièce  du  squelette 
légumentairc  est  unie  à  l'article  sui- 
vant par  soudure  circulaire  ,  mais  il 
s'en  sépare  avec  une  grande  facilité  : 
ainsi  il  suffit  à  l'Animal  de  se  roidir 
brusquement  pour  en  opérer  la  rup- 
ture ,  et,  lorsqu'il  se  trouve  retenu 
par  le  pied  ou  que  le  membre  a 
été  cassé  sur  quelque  autre  point , 
il  ne  manque  pas  de  pratiquer  de  la 
sorte  l'amputation  de  la  partie  qui 
le  gêne.  L'hémorrhagie  s'arrête  pres- 
que immédiatement ,  et  le  moignon 
se  cicatrise  ;  puis  un  tubercule  se 
forme  sur  la  snrface  terminale  de 
celui-ci,  et  cet  appendice ,  en  gran- 
dissant, devient  une  nouvelle  patte. 
Les  pieds-mâchoires  et  les  antennes 
se  reproduisent  de  la  même  ma- 
nière (/'). 


(a)  Plateretii ,  Sulla  riproduzione  délie   ganibe  e  délia  coda  délie  Salamandre  aquajicole 
[Scella  di  opiiscoli  interess.,  t.  XXVII,  p.  18). 

—  Spallanzani,  Prodromo  di  un'opera  da  imprimersi  sopra  le  riprodu&ioni  animali,  d768. 

—  Miirray,    Comment,    de  redlntegratione  partium  nexu  suo   solectarum  vel  amissarum. 
Gcitlingue,  4  787. 

—  Ch.  Bonnet,  Sur  la  reproduction  des  membres  de  la  Salamandre  aquatique  (Œuvres  d'his- 
toire naturelle  et  de  philosophie,  1"  parlie,  t.  V,  p.  177). 

(b)  Blumenbach,  Kleine  Schriften  zur  verglelchenden  Physiologie,  1800,  p.  129. 

(c)  Siebokl,  Observationes  quœdam  de  Salamandris  et  Tritonibus,  cap.  iv.  Berol. 

—  Todd,  On  the  Process  of  P,eproduction  of  theMembers  ofthe  Aquatic  Salamander  {Quarlerhj 
Journal  of  Ihe  fimjal  Institution,  1824,  t.  XVI,  p.  84). 

(d)  Blumenbacl),  Spécimen  physiologiœ  comparativœ ,  1787,  p.  31. 

(e)  Milne  Edwards,  Observations  sur  le  squelette  tégumentaire  des  Crustacés  [Ann.  des  sciences 
nat.yS'série,  1851 ,  t.  XVI,  p.  289,  pi.  H ,  fig.  9). 

(/■)  Réaiimur,  Sur  les  diverses  reproductions  qui  se  font  dans  les  Ecrevisses,  etc.  {Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences,  1712,  p.  223,  pi.  12). 

—  Collinson,  Some  Observ.  on  the  Cancer  major  (Philos.  Trans.,  1745,  t.  XLIV,  p.  70). 

—  Parsons,  Philosoph.  Obsei'v.  on  the  analogy  between  the  Propagation  of  Animais  and  that  of 
Yegetables,  1752,  p.  193. 

—  Boilier,  Sur  la  reproduction  des  pattes  des  Ci'abes  (Observ.  sur  la  physique,  etc.,  deRozior, 
1778,  I.  XI,  p.  33). 

—  Mac  CiiUocli,  On  the  Means  by  which  Crabs  throw  off  their  Claïus  (The  Quarterly  Jonrn. 
of  Se.  lin.  and  Arts  of  the  Royal  Institution,  1826.  t.  XX,  p.  1). 

—  Heinekcn,  Experiinents  and  Observations  on  the  casting  off  and  Heproduction  of  the  Legs 
in  Crabs  and  Spiders  (The  Zoological  Journal,  1829,  t.  IV,  p.  284). 

—  Gûodsir,  On  the  Pteproduction  oflost  parts  in  the  Cruslacea  (British  Assoc.  for  theAdvanc. 
of  science,  1S44,  Procced.,  p.  08). 


SCISSIPARITÉ.  305 

la  perte  d'une  patte  tout  entière  (1).  Il  en  est  de  môme 
pour  les  Myriopodes  (2),  et  chez  certains  Insectes  on  a  con- 
staté des  phénomènes  de  même  ordre  (3).  On  a  vu  un  travail 
réparateur  analogue  s'établir  chez  les  Limaçons  et  chez 
.d'autres  Mollusques  dont  une  grande  partie  de  la  tôte  [Ix)  avait 


La  reproduciion  des  pattes  a  été  ken(c).J.  Millier  a  fait  voir  que  chez  les 

constatée  aussi  cliez  les  Cloportes.  jeunes  Pliasmiens  la  régénération  dos 

(1)  Ce  phénomène  a  été  constaté  pattes  peut  avoir  lieu  (d),  et  des  faits 
par  Lepelletier   de    Saint-Fargeau  et  du  même  ordre  ont  été  ohservés  par 
par  quelques  autres  naturalistes.  La  Fortnum  et  par  Newport  (e). 
reproduction  du  membre  a  lieu  lors  Gœze  a  constaté  la  réparation  de 
de  la  mue  («).  mutilations  analogues  chez  une  larve 

(2)  G.  Newport  a  constaté  expéri-  de  Perle  (/). 

mentalement,  chez  des  Iules  et  des  On  doit  aussi  à  Newport  des  expé- 

Lithobies,  la  reproduction  des  pattes  riences  intéressantes  sur  le  dévelop- 

et  des  antennes,  et,  d'après  les  indices  pement  des    pattes  chez  la  nymphe 

de  régénération  que  cet  entomologiste  des  Vanesses,  après  l'amputation  de 

a  observés  sur  un  grand  nombre  de  ces  appendices  chez  la  chenille  (g). 

Myriopodes  de  la  collection  du  Musée  [h)  Le  fait  de  la  reproduction  de  la 

britannique ,  ce  phénomène  paraît  ne  tête  des  Colimaçons   fut  annoncé  en 

pas  être  rare  dans  la  nature  (6).  176Zi  par  Spallanzani  [h),  et  provoqua 

(3)  La  reproduction  des  antennes  aussitôt  un  grand  nombre  de  recher- 
a  été  constatée  chez  des  larves  de  ches  dont  les  résultats  furent  d'abord 
Blattes  et  des  Forficules,  ainsi  que  chez  défavorables  à  l'opinion  du  savant 
quelques  autres  Insectes,  par  Heine-  naturaliste  de  Modène  (i)  ;  mais  les 

(a)  Lepelletier,  Extrait  d'un  mémoire  sur  les  Araignées  (Nouveau  Bulletin  de  la  Société  philo- 
matique,  iSlS,  t.  IIÎ,  p.  <i5i). 

—  Heincken,  Op.  cit.  {Zool.  Journal,  d829,  t.  IV,  p.  284). 

(6)  Newporl,  On  tlie  Reproduciion  of;  lost  parts  in  Myriopoda  and  Insects  (Philos.  Trans., 
1844-,  p.  283,  pi.  14,  Rg.  1-3). 

(c)  Heincken,  On  the  Reproduction  of  the  Members  in  Spiders  and  Insects  (Zool.  Journal, 
4  029,  t.  IV,  p.  294). 

(d)  Millier,  Manuel  de  physiologie,  t.  I,  p.  310. 

(e)  Forinum,  I.-etter  on  the  Reproduction  of  the  Limbs  in  a  Species  of  Phasmidœ,  the  Diiira 
violescens  (Proceed.  of  the  Entomol.  Soc.  of  London,  1844.  p.  98). 

—  Newport,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1844.  p.  288,  pi.  14,  ûg.  4). 

(f)  Gœze,  Reproductionskraft  bei  den  Insekten  (Nalurforscher ,  1778,  n°  12,  p.  221). 

(g)  Newport,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1844,  p.  389,  pi.  14,  Hg.  6-lti). 

(h)  Spallanzani,  Prodrome  di  un'  opéra  sopra  le  reproduiioni  animali,  p.  60. 
(i)  Wartel,  Mémoire  sur  les  Limaçons  terrestres  de  l'Artois,  pour  servir  à  Vhistoire  naturelle 
de  cette  province,  17 08. 

—  Valraont  de  Bomare,  Dictionnaire  d'histoire  naturelle,  1776,  t.  V,  p.  133. 

—  Adanson,  Lettre  à  Bonnet  (Journal  de  physique,  ïlll,  t.  X,  p.  173). 

—  Cotte,  E.epériences  sur  les  Limaçons  (Journal  des  savants,  1770,  t.  I,  p.  357).  —  Suite 
des  expériences  et  des  observations  sur  les  Limaçons  (Journal  de  physique,  1774,  t  III 
p.  370). 

r—  Voltaire,  Questions  siir  l'Encyclopédie,  4'  parlie,  1774,  art.  Colimaçon, 


304  UEPRODUCTION. 

été  enlevée,  et  rien  n'est  plus  commun  que  de  trouver,  sur  les 
bords  de  la  mer,  des  Astéries  dont  plusieurs  branches  sont  en 
train  de  se  reconstituer  (i). 

Nous  voyons  donc  que  chez  tous  ces  Animaux  l'organisme 
tend  toujours  à  se  compléter,  et  que  dans  les  espèces  inférieures 
cette  tendance  peut  amener  la  reconstitution  d'une  partie  con- 
sidérable du  corps. 
scissipariié  Kg,  —  j)q  ^^  ^u  phénouiènc  de  la  scissiparité,  il  n'y  a  qu'un 
pas  à  faire.  Effectivement,  nous  avons  vu,  dans  la  dernière 
Leçon,  que  les  diverses  parties  de  l'organisme  possèdent  une 
vitalité  propre,  et  que  plusieurs  d'entre  elles,  séparées  du 
reste  de  l'individu,  peuvent,  dans  certains  cas,  continuer  à 
vivre  pendant  très-longtemps  (2).   Supposons  que   cliez  un 


expériences  communiquées    à   l'Aca-  Pour  plus  de  détails  sur  ce  sujet, 

demie  des  sciences  par  Roos,  et  répé-  je  renverrai  à  Tarlicle  Hélice  publié 

tées  par  Pillustre  Lavoisier,  ainsi  que  par  Blainville  dans  le  Dictionnaire 

par  Schœirer,  Bonnet,  0.  F.   Millier  des  sciences  naturelles,  tome  XX, 

et   Tarenne,    ne  laissèrent   subsister  page  lii'S. 

aucun  doute  sur  la  possibilité  de  la  (1)  En  17/il  ,  à  l'instigation  de 
régénération  des  tentacules,  des  ma-  Réaumur ,  des  expériences  sur  la 
choires  et  d'une  grande  partie  de  la  reproduction  des  parties  chez  les 
tête  (a).  Suivant  Tarenne,  le  cerveau  Astéries  et  les  Actinies  furent  faites 
se  reconstituerait  aussi  bien  que  la  par  Bernard  de  Jussieu  et  par  Guel- 
masse  buccale  ;  mais  il  paraîtrait  que  tard  (c).  Dicquemare  fit,  tpielques  an- 
l'intégrité  du  collier  nerveux  circum-  nées  après,  des  rcclierches  plus  nom- 
œsophagien  est  une  condition  indis-  breuses  et  plus  variées  sur  le  même 
pensable  à  h  conservation  de  la  vie  de  sujet  (c?). 
ces  Mollusques  (6).  (2)  Voyez  ci-dessus,  page  27/i. 

(a)  Voyez  Colle,  Op.  cit.  (Journal  des  savants,  1770,  l.  I,  p.  357). 

—  SchaîlTor,  Versuche  iïber  die  Repvoduklion  der  Schnecken,  1768-1770. 

—  Bonnet,  Expériences  sur  la  n'géndration  de  la  tête  du  Limaçon  terrestre  {Journal  de 
physique,  Mil,  t.  X,  p.  169). 

—  0.  F.  Millier,  Observations  sur  la  reproduclion  des  parties,  et  notamment  de  la  tête  des 
Limar.ons  à  coquille  {Journal  de  physique,  1778,  t.  \1I,  p.  111). 

—  Tarenne,  Cochliopérie,  recueil  d'expériences  sur  les  Hélices  terrestres,  1808, 
(6)  Ougès,  Trailà  de  physiologie  comparée,  t.  III,  p.  190. 

—  Moquin-Tandon  ,  Histoire  naturelle  des  Molhisques   terrestres  et  fluviatiles   de  France, 
p.  274. 

(c)  Kéaunnir,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  VI,  p.  ix. 

Id)  Dicquemare,  .4«  Essay  towards  clucidaling  the  History  of  sea  Anemonies  (Philos.  Trans., 
1773,  p.  371). 


SCISSIPARITÉ.  305 

Animal  où  celte  aptitude  à  vivre  isolément  serait  très-grande 
dans  certaines  parties  de  l'économie,  la  puissance  réparatrice 
soit  développée  à  un  plus  haut  degré  que  chez  le  Lézard  ou 
la  Salamandre,  mais  s'exerce  d'une  manière  analogue,  et 
nous  concevrons  que  la  portion  amputée,  en  continuant  à 
vivre,  pourra  se  compléter  de  façon  à  réaliser  le  type  propre 
à  l'espèce  dont  elle  provient,  et  à  constituer  ainsi  un  individu 
nouveau  (1). 

Effectivement,  c'est  de  la  sorte  que  les  choses  se  passent 
chez  les  Lombrics  ou  Vers  de  terre,  les  Naïs  et  quelques  autres 
Animaux  annelés.  Bonnet,  à  qui  l'on  doit  une  longue  série 
d'expériences  intéressantes  sur  ce  sujet,  constata  que  si  l'on 
coupe  en  deux  le  corps  d'un  de  ces  Vers,  chaque  fragment 
peut  continuer  à  vivre  et  peut  se  compléter  :  la  portion  anté- 
rieure en  reproduisant  une  portion  caudale  dont  elle  avait  été 
privée,  et  la  portion  postérieure  en  reproduisant  une  tête.  Les 
deux  Animaux  formés  ainsi  aux  dépens  d'un  individu  unique 
furent  divisés  à  leur  tour,  et  il  en  résulta  quatre  individus 
dont  la  multiphcation  par  scissiparité  fut  effectuée  avec  non 


(1)    On   doit    à    M.    Vulpian    des  trise  et  des  parties  nouvelles  s'y  déve- 

o!iservations  intéressantes  sur  la  per-  loppent   par    bourgeonnement..   Dans 

sistance    de    la    vie  dans   la  queue  une  des  expériences  faites  par  ce  phy- 

des  très-jeunes  têtards  de  Grenouille,  siologiste,  la  queue  séparée  du  corps 

après  l'ablation  de  celte  partie.  Non-  a  vécu  pendant  neuf  jours  ;  dans  un 

seulement    la    queue    ainsi    séparée  autre  cas  elle  n'a  péri  qu'au  bout  de 

peut    continuer    à    vivre  .  et    à    se  dix  jours,   et  pendant  ce  temps  elle 

mouvoir  spontanément  pendant  plu-  avait  considérablement  grandi  {a).  Il 

sieurs  jours,  mais  dans  certains  cas  y  a  évidemment  là  un  degré  inlermé- 

elle  continue  à  être  le  siège  de  phé-  diaire  entre  ce   qui  se  voit  chez   le 

nomènes   bistogéniques    fort   reniar-  Lézard  et  chez   les  Animaux   scissi- 

quables.  Quelquefois  la  plaie  se  cica-  pares. 


(a)  Vulpian,  Notice  sur  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  la  queue  des  très-jeunes  embryons 
de  Grenouille  lorsqu'on  la  détache  du  corps  {Comptes  rendus  de  la  Société  de  biolotjie  pour  1858, 
]î°  série,  t.  V,  p.  81).  — ■  Nouvelle  expérience  sur  la  survie  des  queties  d'embryons  de  Grenouille- 
après  leur  séparation  du  corps  {Comptes  rendus  de  la  Société  di  biologie  pour  1859,  2'  sérig 
t.  VI,  p.  7,  pi.  9,  fi-.  1  et  2j, 


506  REPRODUCTION. 

moins  de  facilité.  Entin,  une  seule  Nais,  ayant  été  divisée  en 
vingt-quatre  portions,  donna  encore  des  résultats  analogues. 
Presque  tous  ces  fragments  vécurent,  se  complétèrent,  et  devin- 
rent autant  d'individus  semblables  à  l'individu  souche  (1). 

Les  Planaires  peuvent  également  se  multiplier  par  le  fait  de 
la  division  de  leur  corps  (2)  ;  mais  ce  sont  les  Hydres  on 
Polypes  d'eau  douce  qui  possèdent  au  plus  haut  degré  cette 

(1)  Les  expériences  de  Bonnet  sur  La  reproduction  d'une  tête  à  l'ex- 
la  multiplication  des  Nais  furent  entre-  trémité  antérieure  du  tronçon  posté- 
prises à  l'occasion  de  la  découverte  de  rieur  du  corps  d'un  Lombric  terrestre 
Trembley  sur  les  Hydres  ou  Polypes  a  été  observée  par  Réaumur,  ainsi  que 
d'eau  douce,  qui  avaient  excité  forte-  par  des  naturalistes  plus  récents  {d). 
ment  l'intérêt  de  ce  philosophe  (a).  (2)  Ce  fait,  incomplètement  aperçu 
Des  faits  de  même  ordre  ont  été  con-  par  Pallas ,  a  été  bien  établi  par  les 
statés  plus  récemment  par  plusieurs  expériences  de  Draparnaud,  Moquin- 
autres  naturalistes ,  tels  que  Gœze ,  Tandon  et  Dugès.  Ce  dernier,  ayant 
Rœsel,  Spallanzani,  Dugès  (6).  partagé,  soit  en  travers,  soit  longitu- 

Chez  le  Tubifex  des  ruisseaux ,  le  dinalement,  le  corps  de  plusieurs  Pla- 

ll'onçon  antérieur  du  corps  se  com-  naires,  vit  chaque  fragment  se  déve- 

plète  par  la  reproduction  d'une  queue,  lopper  de  façon  à  former  bientôt  un 

mais  le  tronçon  postérieur  n'est  pas  individu  complet  (e). 
doué  d'une  puissance  réparatrice  ana-  Il  est  probable  que  les  phénomènes 

logue  (c).  de  régénération  et  de  scissiparité  dé- 


(a)  Bonnet,  fraité  d'hliectologie,  ou  observations  stif  q^ielques  espèces  de  Vers  d'ëail  douce 
qui,  coupés  en  morceaux,  deviennent  autant  d'Animaux  complets,  1745,  t.  II. 

(b)  Gœze,  Von  xerschnittenen  Wasserwilrmern,  deren  Stûcke  nach  einigen  Tageti  iL'iederwach- 
sen  und  volkommene  Thiere  iverden  (Der  Naturforscher,  1774,  n"  3,  p.  28). 

—  Spallanzani,  Prodroma  di  un' opéra,  p.  13. 

—  Rœsel,  Inseclenbelustigungen,  t.  III,  p.  433. 

—  Dugès,  Becherchcs  szw  la  circulation,  la  respiration  et  la  reproduction  des  Annélides 
abranches  {Ann.  des  sciences  nat.,  1828,  t.  XV,  p.  316). 

(c)  i.  à'ÙàXkem,  Histoire  naturelle  des  Tubifex  des  ruisseaux,   p.    32  {Mém.  couronnés  de 
l'Acad.  de  Belgique,  t.  XXVI). 

(d)  Réaumur,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  1742,  t.  VI,  préface,  p.  LXtv. 

—  Ginanni,  Lettera  intorno  alla  scoperta  degli  Insetti  che  si  molliplicano  mediante  la  sexionc 
de'loi'o  corpi,  Raccolta  d'opuscoli  scienlificidiCalogierà,llil,  t.  XXXVII,  p.  255. 

—  Vandelli,  De  Vermium  terrœ  reproduclione,  1758. 

—  Vallisnieri,  Sopra  alcune  reprodu%ioni  de  Lombrichi  terrestri. 

—  Spallanzani,  Prodromo,  p.  12. 

—  Murray,  Observ.  de  Lumbricorum  setis  {Opuscula,  1786,  t.  II,  p.  401). 

—  Sanç;iovanni,  Uebcr  die  Reproduction  des  Regenwurms  (Froriep's  Notizen,  1824,  p.  230). 

—  Diigôs,  Recherclies  sur  la  circulation,   la  respiration  et  la  reproduction  des  Annélides 
abranches  (Ann.  des  sciences  nat.,  1828,  t.  XV,  p.  316). 

—  Newport,  On  the  Reproduction  of  lost  parts  in  Earthworms  (Proceed,  of  tlie  Linn.  Soc, 
1856,  t.  Il,  p.  25G). 

(e)  Dugès,  Recherches  sur  l'organisation  et  les  mœurs  des  Planaires  {Ann.  des  sciences  nal., 
1828,  l.  XV,  p.  167). 


SCISSIPARITÉ.  307 

propriété  singulière.  Au  début  de  ce  cours,  j'ai  pu  l'occasion 
de  parler  des  expériences  intéressantes  laites  sur  ces  Animaux 
'par  ïrembley  et  par  d'autres  naturalistes  (1).  Nous  avons  vu 
alors  que,  chez  ces  petits  êtres,  tout  fragment  de  l'organisme 
qui  est  susceptible  de  vivre  sans  le  concours  d'autres  parties, 
tend  à  se  développer  de  façon  à  réaliser  la  forme  propre  aux 
Animaux  dont  il  provient,  et  si  les  circonstances  dans  les- 
quelles il  est  placé  sont  favorables  à  son  existence,  il  devient 
bientôt  un  individu  complet. 

s  A.  —  Dans  tous  les  cas  dont  ie  viens  de  parler,  la  multi-    scissiparité 

'J  "  ,    ,  normale. 

plicationdes  Animaux  par  la  division  de  leur  corps  n  a  ete  qu  un 
accident  et  ne  s'est  produite  qu'à  la  suite  de  mutilations  dues  à 
des  causes  étrangères  à  la  marche  des  phénomènes  biologiques. 
Mais  dans  d'autres  cas  cette  division  en  deux  ou  en  plusieurs 
fragments  est  le  résultat  d'un  travail  physiologique  normal,  et 
ce  fractionnement ,  suivi  du  développement  des  parties  ainsi 
séparées,  est  un  des  procédés  dont  la  Nature  fait  usage  pour 
constituer  de  nouveaux  représentants  de  certains  types  zoolo- 
giques. 

En  étudiant  les  Polypes  d'eau  douce,  Trembley  constata 
des  faits  de  ce  genre  :  il  vit  le  corps  d'un  de  ces  Animaux 
se  contracter  circulairement  vers  le  miheu,  puis  se  rompre 

crits  par  Sliaw  comme  ayant  été  ob-  n'ont  jamais  donné  des  résultats  de 
serves  chez  des  Hirudinées  (o)  lui  ce  genre.  Les  tronçons  du  corps  d'un 
avaient  été  offerts  par  des  Plaaariés,  de  ces  Annélides  peuvent  vivre  très- 
car  dans  d'autres  circonstances  il  longtemps,  mais  ils  ne  se  cicatrisent 
avait  évidemment  confondu  ces  Ani-  pas  (6). 

maux ,  et  les  expériences  faites  sur  (1)  Voyez  la  première  Leçon  de  ce 

les  Sangsues  par  d'autres  naturalistes  cours  (tome  1",  page  18). 

(a)  Shavv,  Description  of  the  Hirudo  viridis  {Trans.  of  thc  Linn.  Soc,  1791,  t.  I,  p.  94J, 

(b)  Dillenius,  De  Hirudine  {Ephem.  Acad.  nat.  curios.,  1719,  cent,  vu  et  viii,  p.  338]. 

—  Thomas,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Sangsues,  1806,  p.  127. 

—  Vitel,  Traité  de  la  Sangsue  médicinale,  1809,  t.  XXVIII,  p.  331. 

—  Caréna,  Monographie  du  genre  Hirudo  {Memorie  délia  R.  Accad.  délie  scicnze  di  Torino, 
1820,  t.  XXV,  p.  313). 

—  Rossi,  Osservazioni  inlorno  a  due  por^loni  di  Sanguisuga  (Mem.  delV Accad.  délie  science 
di  Torino,  1822,  t.  XXVU,  p.  137), 

—  Moquin-Tandon,ilfo7iofl'rapftie  di  la  famille  des  Hirudinées,  1846,  p.  193. 


308  REPRODUCTION. 

dans  le  point  étranglé  de  la  sorte,  et  chaque  fragment  se  déve- 
lopper de  façon  à  devenir  bientôt  un  individu  complet  (1). 
Certains  Acalèplies,  lorsqu'ils  sont  à  l'état  de  strobile,  sedivi-' 
sent  spontanément  en  un  grand  nombre  de  tronçons  discoïdes 
qui  deviennent  autant  de  Méduses  (2),  et  un  phénomène 
analogue  paraît  môme  être  très-commun  chez  beaucoup  de 


(1)  Trembley  a  vu  la  scissiparité  se 
produire  à  différentes  liauteurs  dans 
le  corps  du  Polype  souche  ;  mais  ce 
mode  de  multiplication  n'a  lieu  que 
rarement  chez  ces  Animaux  (a).  Lau- 
rent a  vérifié  les  observations  de  Trem- 
bley, cl  a  trouvé  qu'on  pouvait  déter- 
miner artificiellement  la  formation 
de  ces  boutures  en  plaçant  autour  du 
corps  des  Hydres  une  ligature  médio- 
crement serrée  {h). 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  1\1.  G.  Jbg- 
ger  a  vu  que,  dans  certaines  circon- 
stances, le  corps  de  ces  l'olypes  se  dés- 
agrégeait ;  que  lessphérules  ou  cellules 
élémentaires  de  leur  substance,  ainsi 
mises  en  liberté,  vivent  pendant  des 
mois  entiers  en  présentant  des  mou- 
vements analogues  à  ceux  des  Ami- 
bes, puis  s'enkystent  parfois.  Suivant 
cet  auteur  ,  les  corpuscules  de  tissu 
vivant  ainsi  désagrégés  deviendraient, 
l'année  suivante,  autant  de  nouvelles 
Hydres.  11  désigne  ce  mode  de  multi- 
plication  sous  le  nom  de  diaspora- 


genèse,  ou  propagation  par  dissémina» 
tion,  et  il  pense  que  les  propagules 
ainsi  formés  sont  les  corps  décrits  par 
les  zoologistes  sous  le  nom  d'Ami- 
bes (c);  mais  ainsi  que  l'a  fait  remar- 
quer j\l.  Claparède,  ils  en  diffèrent 
considérablement  ,  et  la  production 
d'Hydres  nouvelles  au  moyen  de  cel- 
lules élémentaires  désassociées  d'un 
individu  souche  est  loin  d'être  prouvée 
par  les  observations  de  M.  Jaeger. 

(2)  Les  strobiles  ou  individus  polypi- 
formes  de  la  Médusa  aurita  se  mul- 
tiplient de  la  sorte  (d).  Nous  aurons 
à  revenir  sur  ce  sujet,  lorsque  nous 
étudierons  les  phénomènes  de  géné- 
ration alternante  chez  les  Acalèphes, 
et  ici  je  me  bornerai  à  ajouter  que 
la  division  spontanée  des  strobiles  a 
été  attribuée  à  un  bourgeonnement 
par  quelques  auteurs  (e) ,  mais  offre 
bien  les  caractères  de  la  scissiparité, 
comme  on  peut  le  voir  par  les  obser- 
vations de  M.  Van  Beneden  et  de 
M.  Agassiz  {[). 


{a)  Trembley,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  d'un  genre  de  Polypes,  t.  II,  p.  54  el  147. 
(6)  Lnnrent,  Nouvelles  recherches  sur  i Hydre  {Voyage  de  la  Bonite,  Zoophytologie,  p.  25). 
(tj  G.  Jœger,  Ueber  das  spontané  Zerfatlen  der  Siisswasserpolypennebst  einigen  Bemerkungen 
iXber  Generationswechsel  (Sit^ungsbericht  der  'Wiener  Akad.,  1800,  t.  XXXIX,  p.  3il). 

(d)  Sars,  Beskrivelser  og  iagattagelser,  1835,  p.  16,  pi.  I ,  fig;.  6.  —  Mém.  sur  le  développe- 
ment de  la  Médusa  aiirita  {Ami.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1841,  t.  XVI,  p.  321,  pi.  15, 
Rg.  43-4G). 

(e)  Desor,  Lettre  sur  la  génération  médusijmre  des  Polypes  hydraires  (Ann.  des  sciences  nat., 
3»  série,  1849,  t.  XII,  p.  211). 

{f)  Van  Pcncden,  La  strobilisalion  des  Scyphistomes  (Bulleiin  de  l'Acad.  de  Belgique,  2'  série, 
1859,  I.  VII,  p.  451). 

—  Agassiz,  Contributions  lo  th6  Naliiral  Uistory  of  thç  Unitii-States  of  America,  t.  IV,  p.  32, 
pi.  H,  lia. 


SCISSIPARITÉ.  309 

Madréporaires  dont  le  corps  se  bifurque  antorieureirient,  et 
donne  ainsi  naissance  à  deux  individus  portés  sur  un  tronc 
commun  (1).  Ce  dernier  genre  de  scissiparité  se  voit  épjale- 
merit  chez  les  Vorticelles,  et  y  détermine  la  formation  d'indi- 
vidus qui  peuvent  devenir  complètement  libres  (2).  Les  Infu- 


(1)  Dans  la  grande  majorité  des  cas, 
la  scissiparité  des  Zoantliaires  com- 
mence dans  la  région  péristomienne^ 
qui,  cessant  d'être  circulaire,  devient 
un  peu  ovalaire  ;  un  second  orifice 
buccal  se  forme  ensuite  à  côté  du 
premier,  dans  l'intérieur  du  cercle  des 
tentacules  ;  puis  ce  cercle  s'infléchit 
dans  les  points  correspondant  à  l'es- 
pace compris  entre  les  deux  bouches, 
et  les  points  rentrants  s'approchent 
peu  à  peu,  de  façon  à  constituer  bien- 
tôt deux  anneaux  conjugués,  comme 
le  chiffre  oo  ,  au  centre  de  chacun  des  - 
quels  se  trouve  un  orifice  buccal. 
Chez  quelques  Goralliaires,  tels  que  les 
Méandrines,  la  division  ne  va  pas  plus 
loin,  et  il  en  résulte  des  séries  d'indi- 
vidus qui  restent  entièrement  unis  en- 
tre eux  dans  toute  leur  hauteur  ;  mais 
en  général  les  disques  péi'istomiens 
s'écartent  l'un  de  l'autre,  et,  par  l'ef- 
fet de  la  croissance,  acquièrent  chacun 
un  corps  particulier  qui  est  une  bi- 
furcation de  celui  de  l'individu  souche. 
Chez  les  Madréporaires ,  ce  mode 
de  multiplication  détermine  des  dis- 
positions particulières  du  polypier, 
qui  peut  être  massif,  corymbiforme 
ou  rameux  (o).  M.  Dana  a  attribué  à 


tort  ce  phénomène  à  un  bourgeonne- 
ment calycinal,  mais  il  a  donné  de 
très-bonnes  figures  des  états  succes- 
sifs ou  définitifs  de  divers  Zoanthaires 
qui  se  fissiparèrent  (6).     ' 

Dalyell  a  constaté  la  reproduction 
scissipareau  moyen  de  petits  fragments 
détachés  du  bord  du  pied  chez  VAc- 
tinia  lacer ata  (c). 

Je  ne  connais  aucun  exemple  de 
scissiparité  chez  les  Goralliaires  de  l'or- 
dre des  Alcyonaires. 

(2)  Vers  le  milieu  du  siècle  dernier, 
Trembley  observa  ce  mode  de  multi- 
plication chez  le  Vorticella  arbus- 
cula  (d),  et  plus  récemment  le  même 
phénomène  a  été  étudié  par  M.  Ehren. 
berg(e)etpar  plusieurs  autres  natura- 
listes. L'individu  qui  va  se  comporter 
de  la  sorte  se  contracte  en  forme  de 
boucle,  puis  se  divise  longitudinale- 
ment  d'avant  en  arrière;  la  section 
commence  dans  la  région  péristo- 
mienne,  de  façon  que  l'un  des  nou- 
veaux individus  conserve  le  vestibule, 
la  bouche,  l'œsophage  et  le  bulbe  ou 
estomac,  où  se  forment  les  bols  ali- 
mentaires de  l'individu  souche,  et  que 
l'autre  jeune  conserve  la  plus  grande 
partie    de  la  spire   des  cirres    buc- 


(fl)  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Coralliaires,  1. 1,  p.  27  et  76. 
(ft)  Dana,  Zoophytes,  p.  77,  fig.  35-39,  pi.  7,  fig.  1,  etc.  (Uiiiled  States  exploring  Expédition 
Mider  the  command  of  Captain.  Wilkes,  18i6). 

(c)  Dalyell,  Rare  and  remarkable  Animais  ofScotland,  1848,  t.  II,  p.  230,  pi.  il,  fig.  15. 

(d)  Trembley,    Observations  upon  several  Species  of  uiater   Insects  of  the   Polypous  kind 
{Philos.  Trans.,  1744,  t.  XLIV,  p.  627,  pi.  1,  Rg.  9). 

(e)  Ehrenberg,  Infusionsthierchen,  1838,  pi.  25,  fig.  3,  etc. 

VIII.  22 


310  REPRODUCTION. 

soires  proprement  dits  peuvent  se  multiplier  par  le  même 
procédé  (1),  et  quelquefois  l'individu  souche  se  partage  en 
(juatre  ou  même  en  huit  portions  qui  deviennent  chacune  un 


eaux  à  rextrémité  de  lacfuellc  se 
développe  une  nouvelle  cavilé  di- 
gestive.  M.  Stein  pensait  que  toute 
la  portion  péristomienne  de  Tindi- 
vidu  souche  était  résorbée  avant  le 
commencement  de  la  division  du 
corps  en  deux  portions,  et  se  déve- 
loppait de  houveau  sur  chacune  de 
celle-ci;  mais  MM.  Claparède  et 
Lachmann  ont  constaté  que  cette  ré- 
sorption n'a  pas  lieu,  et  que  tous 
les  organes  de  l'individu  souche  en- 
ti'ent  dans  la  constitution  de  l'un  ou  de 
l'autre  des  deux  jeunes  individus  (a). 
Tantôt  chaque  indi-vidu  ainsi  formé 
prolonge,  pour  son  compte,  le  pédon- 
cule par  lequel  il  adhère  au  reste  de 
la  colonie;  d'aulres  fois  ils  acquièrent 
une  couronne  ciliaire  postérieure  et 
se  détachent  ensuite  pour  demeurer 
libres  et  nager  ;  ou  bien  encore  l'un 
se  détache  et  l'aulre  reste  adhérent 
au  pédoncule. 

(1)  Tous  les  Infusoires  proprement 
dits  paraissent  pouvoir  se  multiplier 
par  scissiparité  ;  mais  il  résulte  des 
observations  récentes  de  M.  Balbiani, 
que  les  apparences  attribuvies  à  ce 
mode  de  reproduction  dépendent  sou- 
vent d'un  simple  rapprochement  sexuel 
de  deux  individus  qui  s'accolent  côte 
à  côte  par  la  partie  antérieure  de  leur 


corps  (h).  En  1765,  Beccaria  aurait 
vu  quelque  chose  de  semblable  (c), 
mais  en  1769,  Saussure  constata  le 
phénomène  de  la  scissiparité  chez  ces 
Animalcules  (d),  et  plus  récemment 
M.  Ehrenberg,  à  qui  l'on  doit  une 
foule  d'observations  sur  ce  sujet,  mon- 
tra que,  suivant  les  espèces,  la  divi- 
sion du  corps  peut  avoir  lieu  trans- 
versalement ,  longitudinalement  ou 
dans  les  deux  sens  (e).  Ainsi,  dans 
certaines  circonstances,  le  Colpoda 
cucuUus  s'enkysta,  puis  se  divise  en 
deux  portions  qui,  à  leur  tour,  se  par- 
tagent de  la  même  manière  ;  et  par- 
fois cette  scissiparité  est  portée  en- 
core plus  loin,  de  façon  qu'il  se  forme 
huit  jeunes  qui  se  revêtent  chacun 
d'un  kyste  particulier  et  sortent  ensuite 
du  kyste  primordial  par  suite  de  la 
rupture  de  celui-ci  (/").  Dans  d'autres 
cas,  ces  Kolpodes  paraissent  se  diviser 
eiî  deux  ou  en  quatre  individus  sans 
s'^être  enkystés  ;  mais,  ainsi  que  je  l'ai 
déjà  dit,  les  micrographes  sont  au- 
jourd'hui partagés  d'opinion  touchant 
la  signification  de  ces  phénomènes, 
et,  dans  beaucoup  de  cas,  ce  que  l'on 
a  pris  pour  de  la  scissiparité  pourrait 
bien  être  une  sorte  d'accouplement  ou 
le  résultat  d'un  travail  génésique  in- 
terne {g). 


(a)  Cl;iparède  et  Lachmann,  Etudes  sur  les  Infusoires  el  les  Rhizopodes ,  3°  partie,  p.  247. 

(6)  Biilbisni,  liecherches  sur  les  phénomènes  sexuels  des  Infusoires  (extrait  du  Journal  de 
physiologie,  1861  ). 

(c)  Voyez  Spallanzani,  Opuscules  de  physique,  t.  I,  p.  168. 

{d)  Voypz  Spallanzani,  Op.  cit.,  t.  I,  p.  i68. 

(g)  Elircnbcri;,  Die  Infusionsthierchen,   etc. 

(/■)  Sicin,  Die  Infusionsthierchen,  p.  21. 

(g)  Baibiiii,  Eludes  sur  ta  propagation  des  Protozoaires  (Journal  de  physiologie,  1860,  t.  III, 
p.  71).  —  Recherches  sur  les  phénomènes  sexuels  des  Infusoires  [l'ov.  cit.,  1861j. 


SCISSIPARITE. 


Mi 


Animalcule  particulier  (i).  Des  exemples  de  scissiparité  ont 
été  constatés  également  chez  les  Rhizopodcs  (2j.  Enfin,  ces 
Animaux  inférieurs  ne  sont  pas  les  seuls  qui  soient  susceptibles 
dte  se  multiplier  ainsi  par  la  division  spontanée  de  leur  corps; 
beaucoup  d'Annélides  sont  dans  le  même  cas,  et  nous  oiïrent 
normalement  des  phénomènes  semblables  à  ceux  dont  j'ai  déjà 
rendu  compte  en  parlant  des  expériences  de  Bonnet  et  d'autres 
physiologistes  sur  les  Nais  ou  sur  les  Lombrics  terrestres. 
Comme  exemples  d'Annélides  qui  se  reproduisent  de  la  sorte 
au  moyen  d'une  partie  plus  ou  moins  considérable  de  la  por- 
tion postérieure  de  leur  corps,  je  citerai  les  Naïs,  les  Syllis,  les 
Myrianes  et  quelques  Serpuliens  (3). 


(1)  La  mulliplication  par  scissipa- 
rité n'a  été  observée  que  dans  un  petit 
nombre  de  cas.  Dujardin  a  vu  des 
fragments  du  corps  des  Amibes  ou  Frô- 
lées vivre  pendant  très- longtemps  (a), 
>I.  Schneider  a  vu,  chez  la  Difflugia 
enchœlis,  deux  individus  résulter  de 
la  division  spontanée  d''an  seul  (6)  ; 
MM.  Glaparède  et  Lachmann  ont  dé- 
crit un  phénomène  analogue  chez 
l-¥rnwla  epishjlidis-  (c). 

(2)  La  reproduction  des  Spongillespar 
scissiparité  a  été  étudiée  par  Laurent. 
Le  fragment  détaclié  artificiellement 
ou  naturellement  du  Zoophyte  souche 
se  creuse  d'une  cavité  qui  bientôt 
s'ouvre  au  dehors,  et  constitue  la  partie 
centrale  d'un  système  de  canaux 
aquifères  (d).  Il  est  aussi  à  noter  que 
les  Spongiaires  jouissent  à  un  très- 


haut  degré  de  la  faculté  de  réparer 
les  solutions  de  continuité,  et  que  les 
parties  complètement  séparées  ou 
même  étrangères  l'une  à  l'autre  se 
soudent  rapidement  entre  elles  dès 
qu'elles  sont  en  contact  (e). 

(3)  Il  paraît  y  avoir  des  différences 
assez  considérables  dans  la  manière 
dont  la  multiplication  par  scissiparité 
s'effectue  chez  les  divers  Annélides,  et 
quelquefois  le  résultat  semble  être 
compliqué  par  des  phénomènes  de 
gemmation. 

Chez  la  Naïs  prohoscidea ,  dont 
la  scissiparité  a  été  constatée  par 
O.  F.  MuUer,  Gruithuisen  et  quel- 
ques autres  naturalistes,  le  corps  de 
l'individu  souche  se  partage  en  deux 
portions  à  peu  près  égales,  et  à 
l'extrémité  antérieure  de  la   portion 


(a)  Dnjarditi,  Histoire  naturelle  des  Infusoires,  p.  230. 

(6)  Selinei.ter,  Beitrâge  mr  Naturgeschictite  der  Infusorien  (Archiv  fur  Amt.  und  Phvsin' 
1<8^4«,  p.  204).  ■  j   u.., 

(c)  Glaparède  et  Lachmann,  Op.  cit.,  3"  partie,  p.  209,  pi.  10,  fig'.  2,  etc. 

{d}  Laurent,  Nouvelles  recherches  sur   la  Spongille,  o!t  Éponge  d'eau  douce  iVouAnf  d,-  in 
Bonite,  Zoophytolocie,  p.  1  33).  \'"yugc  at  m 

(e)  Bowerbanli,   On  the  vital  Poivers  of  tke  Spongiadce{Briîish  Association  for  the  Advnne 
of  Sciences,  d856,  Proceed.  of  the  Sect.,  p.  438).  '  ^'ivanc. 


312  REPRODUCTION. 

Gcmaiipanié.  §  5.  —  La  gemmipanté  est  un  phénomène  fort  analogue  à 
la  scissiparité  ;  la  production  de  l'individu  nouveau  est  aussi 
une  conséquence  directe  du  mode  de  croissance  du  corps  de 
l'individu  souche  (1);  mais  les  parties  préexistantes  de  celui-ci 
n'entrent  pas  dans  l'organisation  du  jeune  ou  n'y  occupent 


postérieure  une  lête  se  développe 
avant  que  la  séparation  ait  com- 
mencé (a).  L'Annélide  errant ,  dé- 
crit par  0.  F.  Millier  sous  le  nom 
de  Nereis  proliféra  (b),  et  appelé 
Autolytus  par  les  auteurs  les  plus 
récents  (c) ,  présente  un  mode  de 
division  spontanée  analogue,  et  M.  de 
Quatrefages  a  observé  les  mêmes 
phénomènes  chez  une  Srjllis  de  nos 
côtes  (d). 

Chez  les  Serpulins,  que  l'on  a  dési- 
gnés sous  les  noms  de  Prolula  dys- 
teri  (e)  et  Filoyrana  implexa  {f), 
une  portion  notable  du  corps  de  l'in- 
dividu souche  entre  aussi  dans  la 
composition  de  l'organisme  du  second 
individu  nouveau  ;  mais  chez  la  My- 
riana,  que  j'ai  observée  sur  les  côtes 
de  la  Sicile,  un  ou  deux  des  derniers 
anneaux  du  corps  semblent  être  les 
seuls   qui  concourent  directement  à 


la  formation  du  jeune,  et  la  presque 
totalité  de  l'organisme  de  celui-ci  ré- 
sulte d'une  sorte  de  bourgeonnement; 
enfin,  ce  n'est  pas  un  individu  seule- 
ment qui  naît  à  l'arrière  du  corps  de 
l'individu  souche,  mais  une  série  nom- 
breuse de  petits,  qui  sont  d'autant  plus 
jeunes  qu'ils  sont  placés  plus  en 
avant  (g). 

(1)  Dans  le  langage  employé  par 
Burdacb,  ces  deux  modes  de  multi- 
plication sont  désignés  sous  le  nom 
commun  de  génération  accrémenti- 
tielle,  et  la  gemmiparité  a  été  appe- 
lée aussi  génération  surculaire  (h). 
M.  Huxley  a  représenté  les  mêmes 
idées  d'une  manière  un  peu  différente 
en  appelant  développement  continu  la 
propagation  par  division  ou  par  bour- 
geonnement, et  propagation  discon- 
tinue la  multiplication  que  Burdach 
appelait  sécrémentitielle  (i). 


(fl)  0.  F.  Millier,  Zoologia  Danica,  1788,  t.  II,  p.  15,  pi.  52,  fig.  6. 

(b)  Idem,  Naturgeschichte  einiger  Wurmarten,  pi.  1 ,  fig.  2 . 

—  Rœsel,  Insectenbelustigungen,  t.  III,  p.  bH,  pi.  92,  fig.  3,  etc. 

—  Gruithuisen,  Anatomie  der  gezûgelten  Naïs  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXF, 
2"  partie,  p.  244,  pi.  35,  fig.  1  et  3). 

(c)  Grube,  Die  Familien  der  Anneliden  (Wiegmann's  Archiv  fur  Naturgeschichte,  1850,  t.  I, 
p.  310). 

Agassiz,  on  Alternate  Génération  in  Annelids  and  the  Embryology  »/■  Autolytus  coronatus 

(Boston  Journal  of  Nat.  Hist.,  1862,  t.  VII,  p.  384.) 

(d)  Voyez  Milne  Edwards,  Rapport  sur  une  série  de  mémoires  de  M.  de  Quatrefages,  relatifs  à 
l'organisation  des  Animaux  sans  vertèbres  des  côtes  de  la  Manche  (Ann.  des  sciences  nat., 
S-  série,  1844,  t.  I,  p.  22). 

{e)  Huxley,  On  a  Hermaphrodite  and  Fissiparous  species  of  Tubicolar Annelid  (Edinburgh  New 
PhilosophicalJournal,  1855). 

—  Krohn,  Uebcr  die  Erscheinungen  bei  der  Fortpflanzung  von  Syllis  proliféra  und  Autolytus 
prolifer  (Archiv  fur  Naturgeschichte  von  "Wiegmann,  1852,  t.  I,  p.  66). 

(/■)  Sors,  Fauna  littoralis  Norwegiœ,  1"  parlie,  p.  87,  pi.  10,  tlg.  18  et  19. 

(g)  Milne  Edwards,  Observations  sur  le  développement  des  Annélides  (Ann.  des  sciences  nat., 
3'  série,  1845,  t  III.  p.  170,  pi.  11,  fig.  05). 

(h)  Burdach,  Traité  de  physiologie,  t.  I,  p.  48. 

(i)  Huxley,  On  Agamic  Reproduction  (Trans.  of  the  Linn.  Soc,  1857,  t.  XXII,  p.  219), 


GEMMlPARITÉo  313 

qu'une  place  très-minime,  et  celui-ci  est  constitue  par  des 
tissus  de  nouvelle  formation  qui  se  développent  sur  un  ou 
plusieurs  points  du  corps  de  l'individu  producteur  et  qui 
sont  en  continuité  de  substance  avec  ces  mêmes  parties.  La 
tendance  à  coordonner  la  matière  assimilée  de  façon  à  réaliser 
la  forme  zoologique  propre  à  l'espèce,  au  lieu  de  se  manifester 
dans  des  fraguients  plus  ou  moins  volumineux  de  l'organisme 
souche,  se  concentre  ici  dans  un  tissu  nouveau  produit  par  cet 
organisme,  mais  ne  pouvant  vivre  encore  d'une  vie  indépen- 
dante, et  devant,  pendant  un  certain  temps,  rester  en  connexion 
intime  avec  l'individu  qui  l'engendre  et  le  nourrit. 

Les  Hydres  ou  Polypes  à  bras  des  eaux  douces  se  prêtent       Mod 
très-bien  à  l'étude  du  mode  de  formation  des  bourgeons  ou    "^  Ts'""" 
excroissances  reproductrices.  Ces  petits  Animaux,  comme  j'ai  repSturs 
déjà  eu  l'occasion  de  le  dire,  ont  le  corps  à  peu  près  cylin-  *^  "''    '  '''• 
drique  et  creusé  dans  presque  toute  sa  longueur  d'une  grande 
cavité  digestive  qui  inférieurement  se  termine  en  cul-de-sac,  et, 
par  l'extrémité  opposée,  communique  avec  le  dehors  au  moyen 
d'une  bouche  située  au  sommet  d'un  renflement  dont  la  base 
est  entourée  d'un  cercle  de  bras  ou  tentacules  filiformes.  Le 
bourgeon  ne  consiste  d'abord  que  dans  un  léger  renflement 
d'un  point  bien  circonscrit  de  la  paroi  latérale  de  la  cavité 
stomacale  qui  fait  alors  saiflie  à  la  surface  du  corps  et  prend 
bientôt  la  forme  d'un  tubercule  ou  mamelon  (1).  Celui-ci  s'al- 

(1)  La  multiplicaiion  des  Hydres  par  volume  exercent  sur  les  parois  de  la 

gemmation  a  été  très-bien  étudiée  par  cavité  digestive.  En  général,  les  bour- 

Trembley  et  par  plusieurs  autres  natu-  geons  reproducteui-s  se  développent 

ralistes.  Elle  a  lieu  fréquemment  pen-  près  du  pied   de  l'Animal,  et  il  est 

dant  la  saison  chaude ,    quelquefois  rare  d'en  voir  plus  de  ti'ois  ou  quatre 

aussi  en  hiver,  et  paraît  être  provo-  sur  le  même  individu  ;  mais  en  nour- 

quée  par  l'excitation  mécanique  que  rissant  ces  Polypes  abondamment  avec 

les  matières  alimentaires  d'un  certain  des  larves  dont  le  corps  est  anguleux 

(a)  Trembley,  Mémoires  'pour  servir  à  l'histoire  d'tm  genre  de  Polypes  d'eau  doute,  l.  II,  p.  3 
et  suiv. 


31  â-  REPRODUCTION. 

longe  et  se  creuse  d'une  cavité  qui  en  occupe  l'axe,  et  qui  est  un 
prolongement  de  l'estomac  de  l'individu  souche,  mais  qui  ne 
communique  pas  directement  avec  l'extérieur  et  se  termine  en 
cul-de-sac  extérieurement.  Les  tentacules  commencent  alors 
à  naître  autour  de  l'extrémité  libre  du  bourgeon,  dont  la  base 
se  rétrécit  et  se  transforme  en  un  cylindre  plein,  de  manière 
à  interrompre  la  communication  entre  la  cavité  centrale  de 
l'individu  en  voie  de  formation  et  l'estomac  de  l'individu 
souche.  Puis  l'extrémité  opposée  du  bourgeon  se  renfle  et  se 
perfore  pour  donner  naissance  à  la  bouche.  Enfin  le  pied 
s'étrangle,  et  le  nouveau  Polype  ainsi  constitué  se  détache 
de  rindividu  producteur  pour  devenir  libre  et  jouir  d'une 
vie  complètement  indépendante  de  la  sienne, 
siuitiiiiicaiion  ^a  plupart  des  Coralliaires,  les  Sertulariens,  quelques  Médu- 
.;oraUiaires,  saircs,  Ics  Bryozoaircs  et  certaines  Ascidies,  sont  susceptibles 
ar  blur'geon-  ^6  sc  multiplicr  d'unc  façon  analogue  ;  il  en  est  de  même  pour 
nemcnt.  (.eptains  Vers.  Mais  en  général  les  nouveaux  individus  provenant 
de  bourgeons  restent  fixés  sur  l'individu  souche  et  se  repro- 
duisent à  leur  tour  par  gemmafion  ;  il  en  résulte  des  colonies 
ou  agrégats  de  Polypes  qui  sont  unis  par  continuité  de  sub- 
stance, et  constituent  en  quelque  sorte  un  Animal  complexe. 
Tantôt  l'estomac  du  jeune  reste  en  communication  directe  avec 
celui  de  l'individu  dont  il  naît  (1),  d'autres  fois  il  s'en  trouve 
séparé  par  une  portion  du  tissu  commun  ;  mais  en  général 

et   distend   sur  certains   points   leur  liaires    de   l'ordre   des  Alcyonaires, 

estomac,  on  a  vu  des  bourgeons  se  dont   j'ai   formé  le    genre   Alcyoni- 

forraer  sur  les   parties  moyenne    et  dia  (6)  ou  ParalGxjonium  (c). 
antérieure  du  corps  (a).  La  gemmation  C'est  à  raison  d'un  mode  de  geni- 

n'a  jamais  lieu  sur  les  tentacules.  mation  analogue  que  les  colonies  de 

(1)   Par   exemple,  chez  les   Coral-  Sertulariens  présentent  une  cavité  di- 

(o)  Laurent,  Nouvelles  recherches  sur  la  Spongille,  ou  Éponge  d'eau  douce,  p.  4  {Voyage  de 
la  Bonite,  Zoophytologie). 

(b)  Milne  Edwards,  Mémoire  sur  un  nouveau  genre  de  la  famille  des  Alcyonaires  {Ann,  des 
sciences  nat.,  2»  série,  1835,  t.  IV,  p.  328,  pi.  1-2,  fig.  1,  et  pi.  •13,  fig.  6). 

(ft)  Idem,  Histoire  des  Coralliaires,  t.  I,  p.  429. 


GEMMIPARITÉ.  3i5 

(les  voies  restent  ouvertes  pour  le  passage  des  liquides  nour- 
riciers d'un  estomac  à  l'autre,  de  façon  que  l'alimentation  de 
chaque  membre  de  la  communauté  profite  à  ses  voisins.  11  est 
aussi  à  noter  que  chez  certains  Coralliaires  les  tourgeons  se 
forment  dans  l'épaisseur  de  la  couche  extérieure  du  corps  du 
Polype  ou  du  tissu  commun  qui  unit  entre  eux  les  divers 
individus  (1),  et  que  chez  les  Bryozoaires,  ainsi  que  chez  les 


gestivc  et  irrigatoh'e  rameuse  et  com- 
mune (a).  Lorsque  le  bourgeon  repro- 
ducteur commence  à  se  former,  il  ne 
consiste  qu'en  un  épaississement  du 
tissu  mou  qui  tapisse  intérieurement 
la  tige  cornée  de  ces  Zaophytes,  et  qui 
circonscrit  leur  cavité  digestive  ;  à 
mesure  que  cette  excroissance  grossit, 
la  portion  adjacente  du  polypier  se 
dilate ,  et  il  en  résulte  bientôt  un 
tubercule  qui  s'allonge  en  forme  de 
branche,  puis  se  renfle  à  son  extré- 
mité. Un  canal  central  s'y  creuse  en- 
suite, et  la  partie  terminale  qui  va 
constituer  la  portion  protractile  du 
Polype  se  sépare  latéralement  de  la 
partie  correspondante  du  polypier  qui 
affecte  la  forme  d'mie  cupule  ;  elle  de- 
vient ainsi  cla  viforme,  et  la  couronne  de 
tentacules  circumbuccaux  commence 
à  se  dessiner  sur  son  bord  antérieur  ; 
enfin,  la  bouche  se  constitue,  et  ces 
derniers  appendices  s'allongent  et  de- 
viennent protractiles.  Divers  degrés  de 


l'évolution  de  ces  bourgeons  ont  été 
décrits  et  figurés  par  plusieurs  natura- 
listes chez  les  Campanulaires  ou  Ser- 
tulaires  (6).  La  multiplication  par 
bourgeons  a  été  observée  aussi  chez 
quelques  Médusaires  du  groupe  des 
Gy  mnophthalmes,  notamment  chez  des 
Thaumantias  et  des  Lizzies  (c). 

(1)  Ainsi,  chez  les  Alcyons  propre- 
ment dits,  ou  Lobulaires,  où  le  cœ- 
ncnchyme  est  Irès-épais  et  parcouru 
par  une  multitude  de  canaux  rameux 
qui  naissent  du  fond  de  la  cavité 
digestive  de  chaque  individu,  le  bour- 
geonnement consiste  d'abord  en  une 
sorte  d'hypertrophie  de  ce  tissu  com- 
mun. 11  se  forme  ainsi  une  protubé- 
rance plus  ou  moins  volumineuse  dans 
l'épaisseur  de  laquelle  se  développent 
ensuite  plusieurs  individus  nouveaux. 
Pendant  la  première  période  de  cette 
gemmation,  la  partie  en  voie  de  déve- 
loppement ressemble  extrêmement  à 
im  Spongiaire  [d). 


(a)  Voyez  tome  III,  pac^e  52. 

(6)  Ca\o\in\,  Memorie  per  servir e  alla  si oria  de'  PoUpi  mariiii,  1T85,  p.  151,  pi.  5,  fig.  3. 

—  F.  Meyen,  Obsei'valiones znologicce  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  1834,  t.  XVII,  Supplé- 
ment, pi.  30.  iig.  1  et  2;  pi.  S'a,  33,  34). 

—  Lister,  Soine  Obseruatiois  on  Ihe  Structure  and  Fiuictions  of  Tubular  and  Cellular  Polypi 
and  AscidicB  (Philos.  Trans.,  1834,  p.  373,  pi.  9,  etc.). 

—  Van  Beneden,  Mémoire  sur  les  Campanu' aires  delà  côte  d'Ostende  considérées  sous  les 
rapports  physiologique,  embryologique  et  zoologique  [Mém.  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  1844,  t.  XVII, 
p.  21,  pi.  1,  fig   5-11). 

—  Idem.  Recherches  sur  V embryogénie  des  Tubulaires  {loc.  cit.,  pi.  5,  &g.  10-14). 

—  Agassiz,  Contributi  ins  to  the  Natural  History  of  the  United  States  of  America,  t.  IX. 

(c)  Sars,  Fauna  Norwegiœ. 

—  K.  Foi'bes,.A  Monograph  of  the  Britlsh  naked-eyed  Medusx,  p.  -16  {Ray  Society,  1858). 

(d)  Miliie  Edwards,  Observations  sur  les  Alcyons  proprement  dits  (Ann.  des  sciences  nat., 
S°  série,  1835,  t.  IV,  p.  339,  pi.  16,  fig.  1  et  6). 


316  REPRODUCTION. 

Ascidies,  ils  sont  fournis  par  les  parois  de  la  cavité  viscérale, 
de  façon  à  n'avoir  aucune  connexion  avec  le  tube  digestif  de 
l'individu  souche  (1)  ;  mais,  dans  tous  les  cas,  la  cavité  dont  le 
bourgeon  se  creuse,  est  d'abord  un  prolongement  ou  diverti- 


(l)  Chez  certaines  Ascidies  agré- 
gées, telles  que  la  Claveline  lépadi- 
forme,  des  prolongements  semblables 
à  des  stolons  naissent  du  pied  de  l'Ani- 
mal, et  contiennent  chacun  un  appen- 
dice tabulaire  de  la  tunique  mem- 
braneuse qui  tapisse  la  cavité  viscérale 
dans  lequel  le  sang  dont  ce  réservoir 
est  rempli  circule  librement.  Ces  sto- 
lons rampent  sur  le  sol,  et  à  leur  extré- 
mité naît  un  tubercule  qui,  en  se 
développant,  devient  un  nouvel  indi- 
vidu (a).  Chez  les  Ascidies  composées, 
le  bourgeonnement  se  fait  à  peu  près 
de  la  même  manière,  si  ce  n'est  que 
le  prolongement  digitiforme  de  la  tu- 
nique de  la  cavité  abdominale,  au  lieu 
d'être  contenu  dans  un  appendice  ra- 
diciforme  du  système  tégumentaire , 
reste  empâté  dans  la  profondeur  de  ce 
dernier  tissu  (6). 


Chez  les  Bryozoaires,  les  bourgeons 
reproducteurs  se  développent  tantôt 
sur  des  prolongements  stoloniformes 
de  l'individu  souche  (c),  tantôt  sur  la 
côte  (d)  ou  à  l'extrémité  antérieure 
du  corps  de  celui-ci  (e). 

Le  mode  de  reproduction  des  Bi- 
phores,qui  n'ont  pas  d'appareil  génital, 
paraît  devoir  être  considéré  aussi 
comme  un  phénomène  de  gemmi- 
parité  ;  seulement  le  bourgeonnement 
a  lieu  dans  un  point  déterminé  à  l'in- 
térieur du  corps  et  se  continue  de 
façon  à  produire  une  série  d'individus 
qui  restent  unis  entre  eux  en  forme 
de  chaîne  double  ou  de  ruban,  et 
qui  se  reproduisent  seulement  au 
moyen  d'œufs  Isolés  (f).  Nous  re- 
viendrons sur  ce  sujet  en  traitant 
des  phénomènes  des  générations  alter- 
nantes. 


(a)MiliicEihvards,  Observations  sur  les  Ascidies  composées,  p.  4i,  pi.  2,  lig.  1,  1  S,  etc. 

(6)  Idem,  Op.  cit.,  pi.  T,  fig.  i,  lb,i  c,3b,  5  a,  etc. 

(c)  Exemples  :  Vesir.ularia  :  voy.  Thompson,  Zoological  Researches,  5"  mcm  ,  pi.  2,  fig.  i. 

—  Botverbankia  :  voy.  Fare,  Observ.  on  the  minute  Struct.  ofsome  of  the  higher  Forms  of 
Polypi  {Philos.  Trans.,  1837,  p.  400,  pi.  9,  fi^.  2). 

Laguncula  rcpens  :  voy.  Van  Beneden,  Recherches  sur  l'orga^iisation  des  Lagiincula  (Mém. 

de  l'Acad.  des  sciences  de  Bruxelles,  1845,  t.  XVIII,  pi.  2  et  3). 

Pedicellina  belgica:  voy.  Van  Beneden,  Recherches  sur  les  Bryozoaires,  histoire  naturelle  du 

genre  Pedicellina  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Bruxelles,  1845,  t.  XVIII,  pi.  9  et  10). 

{d)  Exemple  :  Alcyonelle,  ou  Lophopus  cristallinus  :  voy.  Trembley,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire 
des  Polypes,  t.  II,  p.  140,  pi.  10,  fig.  8  —  Raspail,  Histoire  naturelle  de  l'Alcyonelle  fluviatile 
(Mémoires  de  la  Société  d'histoire  naturelle,  1828,  t.  IV,  p.  114,  pi.  13,  fig.  3,  1,  5,  etc.). 
—  Allman  A  Monographof  the  fresh  water  Polyzoa ,  p.  35,  pi.  H  ,  dg.  10-16  {Ray.  Soc, 
1856). 

(e)  Exemple  :  Paludicella :\oy.  Dumorlier  et  Van  Beneden,  Histoire  naturelle  des  Polypes  com- 
posés d'eau,  douce,  2'  partie,  p.  52,  pi.  2  et  3  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Bruxelles, 
1.  XV). 

{/■)  Chamisso,  De  animalibus  quibusdam  in  circumnavigatione  terrœ  observalis,  1819. 

—  -  Escliricht,  Anatomisk-physiologiske  underOsgelser  over  Salperne  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences 
de  Copenhague,  1839,  t.  VIM,  p.  297,  pi.  4). 

—  Krolm,  Observations  sur  la  génération  et  te  développement  des  Biphores  {Ann.  des  sciences 
naU,  3"  série,  1846,  t.  VI,  p.  110). 

—  Huxley,  Observ.  upon  the  Anat.  and  Physiol.  of  Salpa  and  Pyrosoma  {Philos.  Trans., 
1851,  p.  573). 


GEMMIPARITÉ.  317 

culum,  soit  de  l'estomac,  soit  des  branches  radiculaires  qui 
partent  de  cette  cavité,  ou  bien  de  la  grande  chambre  viscé- 
rale qui  contient  le  fluide  nourricier,  de  sorte  qu'il  y  a  toujours 
une  solidarité  nutritive  plus  ou  moins  complète  entre  les  divers 
individus.  Entin,  le  siège  des  phénomènes  d'accroissement 
reproducteur  varie,  et  il  en  résulte  des  différences  considé- 
rables dans  le  mode  de  groupement  des  individus  et  dans  la 
forme  générale  de  l'agrégat  constitué  par  ces  colonies  zoolo- 
giques. Ainsi,  chez  les  uns,  les  bourgeons  peuvent  naître  sur 
tous  les  points  de  la  surface  latérale  du  corps  des  individus 
reproducteurs,  et,  en  se  développant,  ils  constituent  alors  des 
branches  disposées  irrégulièrement,  ou  en  gerbe  ;  tandis  que 
chez  d'autres,  la  gemmation  est  limitée  au  pourtour  du  pied  ou 
à  certains  points  déterminés  de  l'un  des  côtés  du  corps  (i). 


(1)  Comme  exemple  de  cette  disse-  de  ces  Polypes  est  au  contraire  fort 

mination  de  la  faculté  gemmipare  sur  court,  le-  cœnenchyme  s'étale  en  lame 

tous  les  points  de  la  surface  latérale  plus  ou  moins  mince  à  Tune  des  sur- 

du  corps  du  Polype,  je  citerai  d'abord  faces  de  laquelle  tous  les  Polypes  font 

les  Hydres  d'eau  douce.  Chez  la  plu-  saillie  ,  tandis  que  la  surface  opposée 

part   des  Alcyonaires,  celte  propriété  adhère  à    quelque    corps    étranger , 

est  répandue  dans  toutes  les  parties  comme  chez  les  Anthélies  (6)  ,  ou 

du  cœnenchyme  épais  qui  revêt  exté-  donne  naissance  à  un  Polype  épider- 

rieureraent  ces  Animaux  et  qui  con-  mique  basilaire,  comme  chez  le  Corail 

stitue  leur  polypiéroïde.  Lorsque  leur  et  les  Gorgones  (c).  D'autres  fois  la 

corps  a  une  forme  allongée  et  que  portion  du  cœnenchyme  qui  va  être 

le  cœnenchymû  se  développe  de  fa-  le  siège  du  travail  reproducteur  s'al- 

çon  à  empâter  toute  la  colonie,  il  en  longe  d'abord,  etconstitue  une  branche 

résulte  des  masses  plus  ou  moins  ar-  rampante  en  forme  de  stolon  à  l'extré- 

l'ondies,  dans  l'intérieur  desquelles  les  mité  de  laquelle  le  jeune  individu  se 

individus  sont  disposés  en  gerbe,  ainsi  développe,   ainsi  que  cela  se  voit  chez 

que  cela  se   voit   chez   les    Alcyons  les  Cornulaires  {d). 
proprement  dits  (o).  Lorsque  le  corps  Dans  l'ordre  des  Zoanthaires ,  on 

(a)  Milne  Edwards,   Observations  sur  les  Alcyojis  {Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1835, 
t.  IV,  p.  339,  pi.  15  et  16). 

(6)  Savigny,  Egypte  (Histoire  naturelle.  Polypes,  pi.  1,  fig.  5). 

—  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Coralliaii'es ,  t.  [,  pi.  B,  i ,  fig.  3. 

(c)  Cavolini,  Mem.  per  servire  alla  storia  dei  Polipl  marini,  pi.  1. 

—  Milne  Edwards,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes,  pi.  79  et  80. 

(d)  Idem,  ibid.,  pi.  65,  fig.  3. 


318  REPRODUCTION. 

innuencL'  L'étude  de  ces  parlicularités  est  d'un  grand  intérêt  pour 
ce  phénomène  Thistoirc  morpliologiquc  des  Coralliaires  et  de  leurs  polypiers, 
la  conforniHiion  uiais  ne  saurait  trouver  place  ici,  et  je  me  bornerai  a  ajouter 

lies  Animaux  ,  ''i,  ,.,..,  ,.,         .. 

a?ré?cs.  qu  en  gênerai  tous  les  individus  produits  ainsi  par  gemmation 
se  ressemblent  entre  eux  ;  mais  qu'il  n'en  est  pas  toujours 
ainsi,  et  .que  chez  certains  Zoophytes,  ainsi  que  chez  plusieurs 
Bryozoaires,  les  différences  sont  parfois  si  considérables,  que 
l'association  physiologique  se  trouve  composée  de  membres 
dont  les  fonctions,  de  même  que  la  structure,  sont  dissem- 
blables (1).  La  division  du  travail  s'introduit  alors  dans  l'as- 
sociation ,  et  les    divers  individus  peuvent  être  considérés 


rencontre    des  diflTérences   analogues  tence  de  deux  sortes  d'individus  chez 

dans  la  position  des  bourgeons  el  dans  le  Tendra  zostericola  {g),  et  M.  de 

les  rapports  des  divers  individus  entre  Oiiatrefages  a  observé  des  faits  ana- 

eux.  Il  en  résulte  que  le  polypier  est  logues  chez  les  Synbydres.  Celles-ci  se 

tantôt   arborescent   (a),    tantôt   mas-  développent  par  bourgeonnement  siu 

slf  (b),  et  d'autres  fois  étalé  en  forme  une  expansion  basilaire  commune,  et 

de  lame    (c).    Quelquefois    aussi  les  s'élèvent  parallèlement  entre  elles  en 

jeunes    naissent    sur   une  expansion  restant  libres,  excepté  par  le  pied:  les 

basilaire  de  l'individu  souche,   et  ne  unes  sont  pourvues  d'une  couronne  de 

communiquent  avec  lui  que  par  l'in-  tentacules    grêles ,    d'une   bouche  et 

termédiaire  de  celte   expansion  (fZ)  ;  d'une  cavité  digestive  qui  communique 

d'autres  fois  l'expansion  proligère  est  inférieurement  avec  celle  de  ses  con- 
stoloniforme  (e).  Pour  plus  de  détails  '  génères  au  moyen  de  canalicules  ;  les 

à  ce  sujet,  je  renverrai  aux  traités  autres  n'ont  pas  d'appareil  digestif  et 

spéciaux  sur  les  Coralliaires  [f).  donnent  naissance  à  des  bulbilles  ou 

(1)  M.  Nordmann  a  constaté  Texis-  bourgeons  reproducteurs  caducs  (/;). 


{a)  Exemple  :    le  Dendroplujllea  ramea  (voy.  V Atlas  du  Règne  animal,  Zoophytes,  pi.  83, 
fig.  i). 

(b)  Exemple  :  V Astéroïdes  calycularis  (voy.  VAIlas  du  Règne  animal,  Zooph.,  pi.  83,  fig.  2). 

(c)  Exemple  :  la  Turbinaire  grise,  ou  Explanaire  mésentérme  (voy.  ï' Atlas  du  Règne  animal. 
Zoopii.,  pi.  83  ter,  fitî.  2), 

((/)  Exemples  :  le  Polythoa  mamellosa  (voyez  Lamouroux,  Op.  cit.,  pi.  1,  fior.  i). 

(e)  Exemple  :   le  Zoanlhus  sociatiis  (voyez   Lamouroux,  Exiwsition   méthodique  des    genres 
de  l'ordre  des  Pohjpiers,  pi.  1 ,  fig-,  4  et  6). 

(f)  Dana,  Zoophytes,  p.  57  et  suiv.  (United  States  exploring  expédition  under  the  command  of 
Caplain  ^Yllkcs). 

—  Milne  Edwards,  Histoire  naturelle  des  Coralliaires,  t.  I,  p.  28  el  suiv. 
■{g)  Nordmann,  Recherches  sur  l'anatomie  et  le  développement  du  Tendra  zostericola  (Voyage 
dans  la  Russie  méridionale  et  la  Crimée,  par  Demidoff,  ^840,  t.  111,  p.  631,  Polypes,  pi.  2). 

(h)  A.  de  Quatrefages,  Méni.  sur  la  Synhydre  parasite  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1844, 
t.  XX,  p.  230,  pi.  8  et  9). 


QETVIMIiPAJRrrÉ.  Wi^ 

comme  des  organes  particuliers  d'un  être  complexe.  Parfois 
même  la  ligne  de  démarcation  entre  les  Animatix  agrégés  et 
les  Animaux  simples,  mais  à  parties  homologues  multiples, 
devient  ainsi  assez  difficile  à  établir,  et  les  zoologistes  ne  sont 
pas  tous  d'accord  au  sujet  de  la  manière  d'envisager  la  consti- 
tution de  certains  corps  animés ,  tels  que  les  Stéphanomies  et 
autres  Hydrostatiques,  qui,  pour  les  uns,  sont  descolonies  d'in- 
dividus polymorphes  unis  organiquement  par  une  partie  com- 
mune, tandis  que  pour  d'autres,  ce  sont  des  individus  pourvus 
d'une  multitude  d'organes  de  deux  ou  de  trois  sortes  qui  se 
répètent  indéfiniment  (1).  Des  incertitudes  du  même  ordre  * 
existent  au  sujet  du  mode  de  constitution  de  certains  Vers,  tels 
que  le  Ténia,  qui  se  compose  d'une  série  d'articles  dont  la  pro- 
duction est  due  à  un  phénomène  de  bourgeonnement,  et  dont 
la  structure  offre  la  plus  grande  analogie  avec  celle  de  quel- 
ques Animaux  de  la  même  classe  dont  le  corps  est  simple  : 


(1)  Lesiieur  fut  le  premier  à  émeUrc  d'hiii  la  plupart  des  naluralistes  s'ac- 

l'opinion  que  les  Sléplianoraies  étaient  cordent  à  regarder  ces  singuliers  êtres 

des  Animaux  agre'gés  vivant  en  so-  comme  des  colonies  de  Zoophytes  lié- 

ciété  (a)  ;   mais  jusqu'à  ces  derniers  téromorphes.    (6)   Mais,  ainsi   que  je' 

temps,  la  plupart  des  zoologistes  peu-  viens  de  le  dire,  la  ligne  de  démarcation 

saient  que  les  dilïérentes  parties  de  entre    les    individus   agrégés    de    la 

ces  chaînes  animées  étaient  plutôt  des  sorte,  et  les  zooniles  ou  segments  de 

organes  d'un  seul  et  même  individu.  certains  Animaux  annelés  qui  se  mul- 

M.Vogt,  puis  MM.  Leuckart,  Huxley,  tiplient  par  une  sorte  de  bourgeon- 

Kôlliker  et  quelques  autres  zoologistes,  nement,  est  difficile  à  fixer  avec  pré- 

ont  donné  des  bases  plus  solides  à  cision  (c). 
rhypothèse  de  Lesueur,   et  aujour- 


(à)  Voyez  Lamarck,  Histoire  des  Animaux  sans  vertèbres,  481  G.  t.  fi,  p.  4G2. 

[b)  Vogt,  Recherches  sur  les  Animaux  inférieurs  de  la  Méditerranée,  1854. 

—  Leuckarl,  Ueber  den  Bau  der  Physatie  <Zeilschnft  fur  ivissensch.  Zoologie,  1851,  t.  III, 
p.  ISO).  —  Mém,  sur  la  structure  des  Phijsalies  et  des  Siphonophores  [Ann.  des  sciences  nat., 
3'  série,  1852,  t.  XVIll,  p.  201). 

—  Agassiz,  Contributions  to  the  Natural  Mistory  of  the  United  States,  1860,  t.  III,  p.  50  et 
suiv. 

(c)  Quatrefages,  Mém.  sur  l'organisation  des  Physalies  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  1854, 
t.  II,  p.  137). 

—  R.  Leuckart,  Ueber  den  Polymorphismm  der  Individuen,  oder  die  'Erscheimmgen  der 
Ardeitstheilung  in  der  Natur,  iSbi. 


320  REPRODUCTION. 

jadis  la  plupart  des  zoologistes  considéraient  un  Ténia  à  seg- 
ments multiples  comme  étant  un  seul  individu,  tandis  qu'au- 
jourd'hui la  plupart  des  auteurs  regardent  ces  espèces  de 
rubans  articulés  comme  des  colonies  composées  d'autant  d'in- 
dividus que  l'on  y  compte  de  segments  (1). 
r.eprojuciion       §  6.  —  Dans  quclqucs  cas,  la  multiplication  des  Animaux, 

par 

i.uihiics.     tout  en  étant  encore  un  phénomène  de  nutrition,  s'effectue 
d'une  manière  un  peu  différente.  La  portion  de  l'organisme  de 

-  l'individu  souche  qui  correspond  au  bourgeon  reproducteur  se 
détache  avant  d'avoir  constitué  un  nouvel  individu  semblable 

*  au  premier,  mais  n'en  continue  pas  moins  à  vivre  et  à  s'ac- 
croître, et,  en  se  développant,  elle  acquiert  le  mode  de  structure 
propre  aux  représentants  parfaits  de  son  espèce.  On  désigne 
sous  le  nom  de  bulbilles  ces  espèces  de  bourgeons  caducs  qui, 
de  même  que  chacun  des  fragments  du  corps  d'un  Animal  fissi- 
pare,  jouissent  de  la  propriété  de  se  compléter  de  façon  à  réa- 
liser la  forme  typique  propre  de  leur  race.  On  en  a  observé 
chez  quelques  Zoophytes  :  chez  les  Synhydres,  par  exemple  (2). 
Mais  ce  mode  de  reproduction  est  très-rare  dans  le  Règne 
animal,  et,  du  reste,  les  êtres  chez  lesquels  il  existe,  de  même 
que  les  espèces  scissipares  ou  gemmipares,  sont  susceptibles  de 
se  multiplier  aussi  par  oviparité. 
HepiodMetion  §  7.  —  Chcz  la  plupart  des  Animaux,  et  notamment  chez 
mojcn'  ,iœufs.  tous  ccux  qui  sont  élevés  en  organisation,  ce  dernier  mode  de 

(1)  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  lorsque  l'individu  souche.  Celte  excroissance 
je  traiterai  des  générations  alternantes.       s'allonge,  puis  s'étrangle  à  sa  base,  et 

(2)  M.  de  Quatrefages  a  fait  con-  enfin  devient  libre  ;  elle  constitue  alors 
naître  ce  mode  de  reproduction  chez  un  corps  ovoïde  isolé  et  indépendant, 
la  Synhydre  parasite.  Les  bulbilles  ou  qui  bientôt  se  fixe,  s'allonge,  se  garnit 
bourgeons  caducs  se  montrent  d'à-  d'une  couronne  de  tentacules  à  son 
bord  sous  la  forme  d'un  tubercule  sommet,  et  se  perfore  de  façon  à  con- 
creux  dont  l'intérieur  communique  stituer  un  nouvel  individu  polypi- 
librement  avec  la  cavité  digestive  de  forme  (o). 

(a)  Quatrefages,  Mémoire  sur  la  Synhydre  parasite  (Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  1843, 
t.  XIX.  p.  243,  pi.  8,  fig.  9  à  IG). 


OVIPARITÉ.  321 

reproduction  est  le  seul  qui  existe,  et,  comme  je  viens  de  le 
dire,  on  l'observe  aussi  chez  presque  toutes  les  espèces  qui 
sont  scissiparesou  gemmipares.  Quelques  êtres  microscopiques, 
qui,  à  raison  de  leur  petitesse  extrême,  n'ont  pu  être  étudiés 
d'une  manière  complète,  ne  nous  ont  pas  encore  rendus  témoins 
de  ce  phénomène  ;  mais  il  me  semble  probable  qu'ils  doivent 
être  susceptibles  de  se  multiplier  de  la  sorte,  et  par  consé- 
quent la  génération  ovipare  me  paraît  devoir  être  considérée 
comme  une  faculté  commune  à  tous  les  Animaux. 

Dans  ce  travail  reproducteur,  la  formation  de  l'individu 
nouveau  n'est  pas  une  conséquence  de  l'extension  du  tissu 
constitutif  de  l'individu  souche;  la  matière  plastique  qui  y 
donne  naissance  est  produite  par  celui-ci  sans  être  mise  en 
continuité  de  substance  avec  lui  ;  elle  en  est  indépendante  avant 
d'être  le  siège  d'aucun  phénomène  embryogénique  appréciable, 
et  elle  possède  seulement  l'aptitude  à  un  développement  de  ce 
genre.  Tout  en  étant  logé  plus  ou  moins  profondément  dans  la 
substance  du  tissu  vivant  de  l'individu  souche ,  le  corps 
reproducteur  n'y  adhère  pas,  et  dès  l'origine  il  est  isolé  de 
façon  à  avoir  une  individuahté  propre.  11  consiste  en  une  cel- 
lule ou  vésicule  membraneuse  contenant  de  la  matière  orga- 
nisable,  et  quel  que  soit  le  degré  de  simplicité  ou  de  compli- 
cation de  sa  structure,  il  peut  être  désigné  d'une  manière 
générale  sous  le  nom  d'œuf. 

La  partie  essentielle  de  ce  corps  reproducteur  est  toujours   consiiiution 

,■,     /  1   >         T  •      71'  -1  »     •  .  de  l'œuf. 

constituée  par  une  sphère  dite  miellme,  qui  loge  primitivement 
dans  sa  partie  centrale  une  cellule  arrondie  à  parois  membra- 
neuses, appelée  vésicule  g erminative^  onvésicule  de  Purkinje, 
en  l'honneur  d'un  habile  physiologiste  de  Breslau  à  qui  on  en 
doit  la  découverte  (1).  Cette  utricule  renferme  un  liquide  albu- 


(1)  Cette  observation  capitale,  faite      bliée  pour  la  première  fois  en  1825,  à 
d'abord  sur  l'œuf  des  Oiseaux,  fut  pu-      l'occasion  du  jubilé  semi-séculaire  de 


322  REPRODUCTION. 

wu'Wn^.  iiiineux  qui  est  lantôi  d'une  transparence  parfaite,  d'autres  fois 
eiiargé  de  corpuscules  qui  ont  été  désignés  sous  le  nom  de 
lâches  germinatives  (i).  Elle  est  entourée  d'une  couche  plus 
ou  .moins  épaisse  de  matière  semi-fluide,  visqueuse  et  gra- 
nuleuse, qui  est  en  général  fortement  colorée  soit  en  jaune, 
soit  en  brun,  en  vert,  ou  de  quelque  autre  manière,  et  qui  est 
appelée  le  vitellus.  C'est  elle  qui  forme  le  jaune  de  l'œuf  de 
la  Poule.  A  l'aide  du  microscope,  on  y  distingue  d'ordinaire 
trois  sortes  de  corpuscules:  des  granules  blanchâtres,  qui 
paraissent  devoir  être  considérés  comme  destinés  à  entrer 
directement  dans  la  constitution  de  l'embryon,  à  en  être  les 
premiers  matériaux,  et  qui  peuvent  être  désignés  sous  le  nom 
de  corpuscules  plastiques  ;  des  sphérules  ou  cellules  d'un 
volume  plus  considérable ,  appelées  plus  spécialement  les 
globules  vitellins,  qui  ne  paraissent  jouer  qu'un  rôle  indirect 


Bluinenbach  (a),  et  fut  exposée  d'une  (1)  Le  contenu  de  la  vésicule  ger- 
maniève  plus  complète  par  M.  Pur-  minative  fut  étudié  vers  la  même 
klnje  dans  d'autres  écrits  (6).  En  époque  avec  beaucoup  de  soin  par 
1833,  M.  Cosle  découvrit  la  vésicule  M.  Wagner  (/"),  et  l'on  donne  parfois 
gerrainative  de  l'œuf  des  Mammi-  le  nom  de  ce  physiologiste  aux  taches 
fères  (c),  et  bientôt  après  plusieurs  dites  germinatives  qu'y  s'y  font  re- 
autres publications  eurent  lieu  sur  le  marquer.  D'après  M.  Van  Beneden, 
même  sujet  (d).  M.  Baer  avait  de  son  cette  tache  serait  parfois  due  à- la  pré- 
côté constaté  l'existence  de  cette  vési-  sence  d'une  cellule  logée  dans  l'inté- 
cule  dans  l'œuf  d'un  grand  nombre  rieur  de  la  vésicule  germinativc  (g). 
d'Animaux  inférieurs  (e). 


(a)  J.  E.  Purkinje,  Symbolœ  ad  ovi  historiam  ante  iiicubationem.  Leipsig,  1825. 
(6)  Seconde  ddiiioii  de  l'opuscule    précédent,  1830    —   Arllcle  El,  àms  le  BeHiiier  Encyclope- 
dischcs  Worterbuch,  1834-,  t.  X. 

(c)  Cosle,  Recherches  sur  la  génération  des  Mammifères,  1834,  p.  29. 

(d)  Wliarlon  Jones,  On  the  Ova  of  Mari  and  Mammiferous  Brutes  asthey  exist  in  the  Ovaries 
before  impreijnation,  and  on  the  discovery  in  them  of  a  vestcle  {London  Médical  Gazette,  1838, 
p.  680). 

Bernliardt  et  Valenlin,  Symbolae  ad  ovi  Mammalium  historiam  ante  prœgiiatwnem,  1834. 

(c)  Baer,  Lettre  sur  la  formation  de  l'œuf. 

(/■)  y^?iix\av,EinigeBemerkungenund  Fragen  ûberdas  Keimblâschen  (Miiller's^rc'iiy  fiir  Anat. 
und  PliysioL.,  18:}5,  p.  373,  pi.  8,  fi^.  1-7). —  Prodromias  historix  geaerationis  llominis  alque 
Animalium,  1836. 

(g)  Van  Benedon,  Recherches  sur  la  structure  de  l'ce,uf  dans  un  nouveau  genre  de  Polype 
(Bulletin  de  l'Acad.  de  Bruxelles,  1847,  t.  VIII,  p.  89). 


CONSTITUTION    DE    l'01':UF.  o'i.) 

dans  la  formation  du  futur  Animal,  et  qui  consistent  essen- 
tiellement en  matière  nutritive;  enfin  des  sphérules  trans- 
parentes, qui  réfractent  fortement  la  lumière,  et  <]ui  ne  pa- 
raissent être  que  des  gouttelettes  d'huile  (4).  L'analyse  composition 
chimique  nous  apprend  que  le  vitellus  se  compose  princi-  du  viteiius. 
paiement  de  matières  albuminoïées  associées  à  des  sels  orga- 
niques et  presque  toujours  aussi  à  des  corps  gras  (2)  ;  mais 


(1)  Les  matériaux  organiques  du  masse  vitelline  ou  do  l'albumino,  sans 
vitelhis  ont  été  étudiés  au  microscope  clierclier  à  déterminer  le  mode  de 
par  plusieurs  observateurs,  parmi  les-  distribution  des  matières  entre  les  di- 
qucls  je  citerai  MM.  Baer,  Wagner,  vers  éléments  organiques  de  ces 
Schwann,   Goste,   Prévost  et  Lebert,  corps  (6). 

Gourty,  Thompson,  etc.  (a).  On   sait  depuis  longtemps  que  le 

(2)  La  composition  chimique  des  jaune  de  l'œuf  de  la  Poule  contient 
œufs,  mais  plus  particulièrement  de  une  huile  particulière  (c),  et,  d'après 
Tœuf  de  la  Poule,  a  été  étudiée  par  l'analyse  de  Prout,  les  matières  grasses 
plusieurs  expérimentateurs  ;  mais  nos  s'y  trouveraient  dans  la  proportion  de 
connaissances  à  ce  sujet  laissent  en-  29  parties  sur  100,  associées  à  17  cen- 
core  beaucoup  à  désirer:  car,  d'une  lièmes  d'albumine  et  à  oli  centièmes 
part,  la  distinction  des  principes  im-  d'eau  (d)  ;  mais  des  recherches  plus 
médiats  dont  le  vitellus  est  formé  récentes  ont  fait  voir  que  la  compo- 
présente  de  grandes  difficultés  ,  et,  sition  de  ce  vitellus  est  beaucoup  plus 
d'autre  part,  les  chimistes  n'ont  exa-  complexe.  Ainsi ,  M.  Chevreul  en  a 
miné  en  général  que  l'ensemble  de  la  extrait  deux  principes  colorants,  l'un 


(a)  Baer,  Etvjkkelangsgeschichte  der  Thiere,  t.  II,  p.  19. 

—  Waajner,  Histoire  de  la  génération  et  du  développement,  trad.  par  Habots,  4  841,  p^  41'.. 

—  Sclnvann,  Mikroscopische  Untersuchungen  i'tber  die  Natureinstimmungen  in  der  Structiir 
und  dent  Wachsthum  der  Thiere  und  Pflanzen,  1839,  p.  55. 

—  Geste.  Histoire  générale  et  particulière  du  développement  des  êtres  organisés,  18-17,  t.  I, 
p.  86  et  siiiv. 

—  Prévost  et  Lebert,  Méin.  sur  la  formation  des  organes  de  Va  circulation,  etc.  (Ann.  des 
sciences  nat.,  3"  série,  1844,  1. 1,  p.  266  et  suiv.,  pi.  1,  ùg.  2-10). 

—  Gourty,  Mém.  sur  la  structure  et  les  fonctions  des  appendices  vitellins  de  la  vésicule  ombi- 
licale du  Poulet  {Ann.  des  sciencei  nat.,  3'  série,  1848,  t.  IX,  p.  11). 

—  Allen  Tliompson,art.  OvuM  (Todd's  Cyclopœdia  of  Anat .  and  Physiol.,  t.  V,  p.  71,  fig.  52,  etc. 

—  Remak,  Untersach.  iiber  die  Entwickelunq  der  Wirbelthiere,  1855,  p.  3. 

—  KôUiker,  Entwickelungsgeschichtë  des   Menschen  und  der  hôheren   Thiere,  1861,  t.  I, 
p.  41. 

(b)  Quelques  observations  à  ce  sujet  ont  été  faites  par  Lehmann  (Lehrbuch  der  phgsiologisclien 
Chemie,  1853,  t.  II,  p.  306  et  suiv.). 

(c)  Macquer,  Dict.  de  chimie,  1781 ,  t.  II,  p.  145. 

—  Hatcheti,  voy.  Homo,  On  the  Formation  of  fat  in  the  intestine  of  the  TMpole  and  the  use 
of  the  yelk  in  the  Formation  of  the  Embrgo  in  the  Egg  (Philos.  Trans.,  1816,  t.  GVI,  p.  308). 

(d)'9ro\i\.,  Some: Experimenls  on  the  Changes  which  take  place  in  the  fixtd  principïes  of  the 
Egg  during  incubation  (Philos.  Trans.,  182:2,  p.  388). 


o2/i  REPRODUCTION. 

que  la  nature  des  substances  azotées  dont  je  viens  de  parler 
varie  suivant  les  Animaux.  Tantôt  elles  ne  diffèrent  pas  sensi- 
blement de  l'albumine  proprement  dite,  tandis  que  d'autre- 
fois elles  s'en  éloignent  assez  pour  être  considérées  par  les  chi- 
mistes comme  constituant  toute  une  série  de  principes  immé- 
diats particuliers,  auxquels  on  a  donné  les  noms  de  vileUine^ 


jaune,  l'autre  rouge  (a).  MM.  Dumas 
et  Cahours  y  ont  reconnu  une  matière 
albuminoïde  particulière  qui  a  reçu  le 
nom  devitelline  (b),  et  qui  ressemble 
beaucoup  à  la  fibrine  (c) ,  mais  que 
quelques  chimistes  considèrent  comme 
un  mélange  de  caséine  et  d'albu- 
mine (d),  hypothèse  qui  ne  semble 
cependant  pas  en  accord  avec  la  com- 
position élémentaire  de  ces  différentes 
substances.  Le  jaune  de  l'œuf  de  la 
Poule  contient  aussi  de  l'albumine,  et 
M.  Lehmann  paraît  en  avoir  extrait  de 
la  caséiae  (e).  Les  matières  grasses 
que  l'on  en  tire  sont  de  l'oléine,  de  la 
margarine,  de  la  cholestérine,  ou  un 
corps  qui  y  ressemble  beaucoup,  une 
matière  grasse  contenantdu  phosphore, 
et  qui  a  été  décrite  sous  le  nom  de 
cérébrine  ;  enfin  des  acides  marga- 
rique  et  oléique.  Mais,  suivant  M.  Go- 
bley,  ces  acides,  ainsi  que  la  matière 


phosphorée,  résulteraient  de  la  dé- 
composition d'une  substance  visqueuse 
à  laquelle  ce  chimiste  a  donné  le  nom 
de  lécithine  (/").  Enfin  M.  Lehmann  a 
toujours  trouvé  dans  le  vitellus  du 
glucose  (y). 

Le  jaune  de  l'œuf  de  Poule  est  légè- 
rement alcalin  et  contient  divers  sels, 
principalement  à  base  de  potasse  (/(). 
L'acide  phosphorique  paraît  être  aussi 
un  des  principaux  principes  constitu- 
tifs de  ces  composés,  et  l'on  y  a  trouvé 
aussi  de  l'acide  lactique  (z).  D'après 
les  recherches  de  M.  Poleck,  les  chlo- 
rures paraîtraient  y  manquer  complè- 
tement ;  mais  il  résulte  des  analyses 
des  cendres  du  vitellus  dues  à  M.  Go- 
bley  et  à  MM.  Rose  et  Weber,  que  le 
chlorure  de  sodium  n'y  fait  pas  com- 
plètement défaut  (j).  Enfin,  on  y  a 
signalé  aussi  la  présence  du  fer  et  de 
la  silice. 


(a)  Chevreul,  art.  Œuf  du  Diclioiinaire  des  sciences  naturelles,  -1825,  t.  XXXV,  p.  444. 
(6)  Dumas  ei  Caliours,   Mém.  sur  les  matières  azotées  neutres  de  l'organisation  (Aim.  de 
chimie  et  deplvjsique,  2'  série,  t.  VI,  p.  423). 

(c)  Fremy  et  Pelouze,  Traité  de  chimie,  tSST,  t.  VI,  p.  79. 

(d)  Lehmann,  Lehrbuch  der  p)ujsiologischen  Chemie,  t.  II. 

—  Day,  Chemislry  in  its  relations  ta  Physiology  and  Medicine,  1860,  p.  114. 

(e)  Lehmann,  Op.  cit. 

If)  Gobley,  Sur  l'existence  des  acides  oléique,  margarique  et  phosphoglycérique  dans  le  jaune 
de  V ceuf  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1845,  t.  XXI,  p.  766). 

{g)  Lehmann,  Op.  cit. 

(h)  Poleck,  Analyse  der  Asche  von  Eiweiss  (PoggendorfTs  Annalen  der  Physik  und  Chemie, 
1850,  t.  LXXIX,  p.  155). 

(i)  Gobley,  Recherches  chimiques  sur  le  jaune  de  V  œuf  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
1845,  t.  XXI,  p.  989  ;  —  Journal  de  pharmacie,  3*  série,  1846,  t.  IX,  p.  5). 

(j)  Pvose,  Ueber  die  anorganischen  Beslandtheile  in  den  organischen  Korpern  (Poggendorfif's 
Annalen,  1850,  t.  LXXIX,  p.  399). 


CONSTITUTION    DE    l'oEUF.  ^^25 

{['emydine,  d'ichtliine,  otc.  (1).  Enfin  la  masse  glulincuso  con- 
stituée de  la  sorte  est  d'ordinaire  limitée  extéiieurcincnt  par  une 
tunique  utriculiforme  qui  est  connue  sous  le  nom  de  membrane 
■vitelline. 

Souvent  la  cellule  ou  sphère  vitelline  est  entourée  d'une 
couche  albumineuse  plus  ou  moins  épaisse,  qui  constitue  le 
blanc  de  l'œuf  des  Oiseaux,  et  qui  à  son  tour  est  d'ordinaire  con- 
tenue dans  une  vésicule  membraneuse  ;  on  appelle  cette  partie 
accessoire  Valbumen  (2),  et  dans  la  plupart  des  cas  sa  tunique 
est  à  son  tour  revêtue  d'une  coque  plus  ou  moins  sohde  dont 
la  nature  varie  suivant  les  Animaux.  Chez  les  Oiseaux,  ainsi 


(i)   M.    Fremy  a   fait  en  comiBun 
avec  M.  Valenciennes  une  série  inté- 
ressante de  reclierchcs  sur  la  compo- 
sition cliiraique  de  l'œuf  dans  les  dif- 
férentes classes  d'Animaux  (a),  et  il 
résulte  des  expériences  de  ces  savants 
que  la   vitelline  ne  se  rencontre  que 
dans  le  vitellus   des   Oiseaux   et  de 
quelques  Reptiles  ;  que  chez  les  Tor- 
tues, l'œuf,  très-riche  en  albumine  et 
en  huile  phosphorée,  contient  un  prin- 
cipe immédiat  particulier   auquel  le 
nom  d'éiriydine   a    été    donné  ;   que 
chez  les  Batraciens  et   les  Poissons 
plagiostomes,    les   granules    vitellins 
sont  formés  par  une  autre  substance 
nommée  ichthine ,    et  que  chez  les 
Poissons  osseux  celte  dernière  matière 
est  remplacée  par  des  principes  qui 
s'en  distinguent  chimiquement,  et  qui 
ont    reçu  les    noms    (ïichthidine   et 
à'ichthuline  ;  que  la  matière  albumi- 
noïde  de  l'œuf  des  Mollusques  n'est 
pas  coagulable  par  la  chaleur  et  dif- 
fère de  celle  des  autres  œufs;  enfin, 


que  chez  les  In  sectes  et  les  Arach- 
nides, le  vitellus  contient,  associé  à 
des  corps  gras,  une  substance  orga- 
nique précipitable  par  l'eau  et  parais- 
sant être  d'une  nature  particulière. 
Du  reste,  toutes  ces  substances,  lors 
même  qu'elles  seraient  réellement 
autant  de  principes  immédiats  parti- 
culiers, appartiendraient  à  un  même 
groupe,  et  par  leur  composition  élé- 
mentaire elles  ressemblent  beaucoup 
à  de  l'albumine  qui  serait  associée  à 
quelque  matière  phosphorée. 

Il  est  aussi  à  noter  que  les  corps 
gras  paraissent  manquer  complètement 
dans  l'œuf  de  quelques  Animaux  : 
ainsi  M.  Fremy  n'en  a  trouvé  aucune 
trace  dans  les  œufs  du  Limaçon. 

(2)  La  plupart  des  chimistes  consi- 
dèrent le  blanc  de  l'œuf  de  la  Poule 
comme  étant  de  l'albumine  pure  : 
mais  cette  opinion  est  erronée  ;  il 
contient  aussi  des  matières  grasses, 
des  carbonates  alcalins  et  d'autres 
sels  ;  enfin,  M.  Lehmann  y  a  toujours 


(a)  Fremy  et  Valenciennes,  Recherches  sur  la  composition  des  œufs  dans  la  série  des  Animaux 
(Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1854,  t.  XXXVIII,  p.  -409,  525  et  57G). 

Viii.  23 


326  REPRODUCTION. 

que  chez  divers  Reptiles,  c'est  une  lame  calcaire  ou  coquille  ; 
chez  d'antres  Reptiles,  elle  est  formée  par  une  substance  coriace 
et  flexible  ;  chez  certains  Poissons,  elle  a  la  consistance  de  la 
corne,  et  chez  les  Insectes  elle  présente  souvent  l'aspect  d'un 
grillage.  Du  reste,  cette  coque,  de  même  que  la  membrane  de 
l'aJbumen  et  l'albumen  lui-même,  ne  joue  qu'un  rôle  acces- 
soire dans  la  constitution  de  l'œuf,  et  toutes  ces  parties  peuvent 
manquer  de  façon  à  réduire  celui-ci  à  la  sphère  vitellme  seu- 
lement. 

L'œuf  est  dès  son  origine  un  corps  doué  de  vie  ;  il  est  le 
siège  de  phénomènes  physiologiques  remarquables,  et  il  se 
développe  par  l'effet  d'un  travail  intérieur  qui  a  de  l'analogie 
avec  le  mouvement  nutritif  dont  les  tissus  de  l'organisme  sont  le 
siège  chez  tous  les  Animaux.  De  même  que  tous  les  êtres 
vivants,  il  est  d'abord  très-petit,  mais  il  grandit  en  s'assimi- 
lant  des  matières  étrangères,  et,  à  mesure  qu'il  s'accroît  de  la 
sorte,  sa  constitution  se  modifie.  En  ce  moment,  je  ne  puis  entrer 
dans  aucun  détail  à  ce  sujet;  mais  je  puis  dire  d'une  manière 
générale  que  l'œuf  est  constitué  d'abord  par  la  vésicule  germi- 
native,  autour  de  laquelle  se  développe  ensuite  le  vitellus  (i). 
Celui-ci  est  formé  primitivement  par  des  granules  qui  parais- 

trouvé  du  sucre  (a).  U  est  aussi  à  violacé,  tandis  que  celui  des  œufs  de 
noter  que  Ton  y  remarque  des  diffé-  certains  Poissons  ne  colore  pas  ce 
rences  assez  grandes  chez  diverses  réactifquandils'y  dissout.  La  tempéra- 
espèces  d'Oiseaux  ;  et  il  paraîtrait  ture  à  laquelle  cette  substance  se  coa- 
même  ,  d'après  les  expériences  de  gule  varie  aussi  ;  mais  il  me  paraît 
M.  Fremy,  que  les  substances  albu-  probable  que  cela  peut  dépendre  de 
minoïdes  qu'il  contient  ne  sont  pas  la  proportion  de  soude  qui  s'y  trouve 
de   même    nature    dans    toutes  les  associée. 

classes  du  Règne  animal  (6)  :  ainsi,  le  Nous  aurons  bientôt  à  revenir  sur 

blanc  de  l'œuf  dos  Oiseaux,  en  se  dis-  l'étude  de  la  structure  de  cette  partie 

solvant  dans  l'acide   chlorhydrique ,  de  l'œuf, 

donne  au   liquide   une  couleur  bleu  (1)  Quelques  Animaux  inférieurs  se 

(a)  Lelimann,  Lehrbuch  der  physiologischen  Chemie,  1853,  t.  II,  p.  312. 

[bj  Fremy  et  Valenciennes,  Op.  cit.  —  I''remy  ei  Pelouze,  Traité  de  chimie,  t.  YI,  p.  242,  etc. 


COiNSTlTUTlON    DE    l'oEL'F.  327 

seni;  être  pour  la  plupart  des  corpuscules  plastiques  seulement, 
et  chez  certains  Animaux  il  n'en  acquiert  pas  d'autres;  mais 
ailleurs  des  cellules  vitellines  se  constituent  en  grande  abondance 
autour  delà  couche  primitive  dont  je  viens  de  parler  et  élaborent 
dans  leur  intérieur  des  matières  nutritives  particulières.  Ainsi, 
chez  la  Poule,  l'œuf  naissant  est  incolore  dans  les  premiers 
temps  de  son  existence  et  ne  se  charge  de  principes  jaunes  qu'à 
une  période  plus  avancée  de  son  développement.  La  tunique 
vitelline  se  constitue  après  que  le  vitellus  lui-même  est  formié, 
et  souvent  elle  reste  imparfaite  pendant  très-longtemps,  de 
façon   à  ne  pas   interrompre  toute    communication  entre  les 
parties  fondamentales  de  l'œuf  et  l'extérieur,  et  à  présenter  un 
orifice  appelé  micropyle. 

Le  volume  des  œufs  arrivés  à  maturité  n'est  aucunement 
en  rapport  avec  la  grandeur  des  Animaux  qui  les  produisent,  et 
dépend  principalement  de  la  quantité  de  matières  nutritives 
qui  entrent  dans  la  composition  du  vitellus  ou  qui  se  dépo- 
sent plus  superficiellement.  Tantôt  les  éléments  plastiques 
existent  presque  seuls,  ou  du  moins  se  trouvent  disséminés  sur 
toute  l'étendue  de  la  sphère  vitelline,  et  alors  les  phénomènes 
embryogéniques  primordiaux  dont  ils  sont  le  siège  affectent  la 
constitution  de  la  totalité  de  cette  sphère,  ainsi  que  nous  le 
verrons  bientôt  lorsque  nous  étudierons  la  segmentation  qui 
précède  l'apparition  des  premiers  linéaments  de  l'Animal 
futur.  D'autres  fois  ces  mêmes  éléments  sont  associés  à  une 
quantité  si  considérable  de  cellules  viteUines,  qu'ils  ne  peuvent 

prêtent  particulièrement  bien  à  l'é-  diée  avec  soin  par  M.  Nelson,  et  le 

tucle  des  premières  périodes  du  déve-  Mermis  albicans,  sur  la  reproduction 

loppement  de   l'œuf.    Tels  sont  les  duquel  nous  devons  à  M.  Meisner  des 

Ascarides,  dont  l'ovologie  a  été  étu-  observations  intéressantes  (o). 

(a)  Nelson,  On  the  Reproduction  of  the  Ascaris  mystax  {Philos.  Trans,,  1852,  p.  563, 
pi.  -2S). 

—  Mclsner,  Beitrdge  zur  Anatomie  und  Physiologie  von  Mermis  albicans  [Zeitschrift  fur 
wissenschafUiche  Zoologie,  1854,  t.  V,  p.  207). 


328  REPRODUCTION. 

occuper  qu'une  pelile  portion  de  la  surface  du  globe  vitellin,et 
qu'ils  y  constituent  seulement,  à  l'entour  de  la  vésicule  germi- 
native,  une  tache  blanchâtre  qui  est  connue  sous  le  nom  de 
cicatricule^  et  qui,  en  se  fractionnant  au  début  du  travail  em- 
bryogénique,  ne  modifie  pas  l'aspect  général  du  vitellus. 

D'autres  différences  encore  plus  importantes  dépendent  des 
rapports  qui  existent  entre  la  quantité  de  matière  assimilable 
dont  l'œuf  est  pourvu,  et  la  quantité  de  matière  organisée 
dont  le  corps  de  l'Animal  futur  élaboré  dans  cet  œuf  doit 
être  composé  pour  que  ce  nouvel  être  soit  apte  à  vivre  dans  le 
monde  extérieur  et  à  s'y  développer.  Tantôt  l'œuf  arrivé  à  ma- 
turité, c'est-à-dire  dans  l'état  où  il  est  susceptible  de  devenir 
le  siège  d'un  travail  embryogénique,  renferme  toute  la  matière 
organisable  que  ce  travail  doit  mettre  en  œuvre  pour  constituer 
l'Animal  nouveau,  et  celui-ci  ne  reçoit  plus  rien  de  l'être  dont 
il  provient,  au  moins  jusqu'au  moment  de  la  naissance.  D'autres 
fois  la  provision  de  matière  organisable  renfermée  dans  l'œuf 
mur  serait  loin  de  suffire  aux  besoins  de  l'embryon  en  voie  de 
développement,  et  l'œuf  continue  à  se  nourrir  et  à  grandir  après 
que  celui-ci  a  commencé  à  se  développer  dans  son  intérieur  ; 
à  cet  effet,  il  tire  de  l'organisme  procréateur  de  nouvelles 
quantités  de  matière  assimilable,  à  mesure  que  le  travail 
embryogénique  avance,  et,  pour  s'approvisionner  de  la  sorte,  il 
contracte  de  nouvelles  relations  avec  le  corps  vivant,  dont  il  a 
tiré  son  origine. 

Il  existe  donc  trois  sortes  d'œufs.  Les  uns  que  j'appellerai 
des  œufs  incomplets,  parce  que  leur  contenu  ne  suffit  pas  à  la 
nourriture  de  l'embryon.  D'autres  qui  sont  au  contraire  des 
œufs  complets,  c'est-à-dire  pourvus  de  tous  les  matériaux  consti- 
tutifs de  l'embryon,  mais  qui  ne  possèdent  qu'une  faible  pro- 
vision de  corpuscules  vitellins,  en  sorte  que  la  croissance  du 
jeune  Animal  ne  peut  faire  que  peu  de  progrès  avant  la  nais- 
sance. Enfin  d'autres  encore  qui  sont,  non-seulement  des  œufs 


CONSTITUTION    DE  l'oeUF.  329 

complets  comme  les  précédents,  mais  des  œufs  encore  plus 
chargés  de  matières  nutritives,  et  dont  la  splière  vitelline  se  dé- 
veloppe au  point  que  sa  portion  plastique  prend  la  forme  d'une 
tache  locale  ou  cicatricule. 

Les  œufs  à  cicatricule  ou  à  grand  vitellus  sont  propres  aux 
Oiseaux  et  aux  Mollusques  de  la  classe  des  Céphalopodes.  Les 
œufs  complets  à  petit  vitellus  se  rencontrent  chez  les  Reptiles, 
les  Batraciens,  la  plupart  des  Poissons  et  presque  tous  les  Ani- 
maux invertébrés.  Enfin  les  œufs  que  j'ai  appelés  incomplets 
appartiennent  aux  Mammifères  et  à  quelques  Poissons. 

§  8.  —  Chez  quelques  Animaux  inférieurs,  tels  que  les     organes 

reproducteurs. 

Spongiaires  et  les  Hydres  d'eau  douce,  les  œufs  peuvent  se 
former  dans  toutes  les  parties  du  corps  de  l'individu  souche  (1); 
mais,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  la  production  de  ces 
vésicules  reproductrices  est  l'apanage  exclusif  d'un  organe 
particulier  appelé  ovaire^  et  presque  toujours  aussi  l'œuf  élaboré 
par  celui-ci  ne  possède  pas  en  lui-même  tout  ce  qui  est  néces- 
saire à  l'établissement  du  travail  embryogénique,  et,  pour  être 
apte  à  devenir  le  siège  de  ce  phénomène,  il  a  besoin  de 
subir  l'influence   d'un  autre   produit   physiologique   qui   le 


(1)  La  production  d'œiifs  dans  la  que  d'ordinaire  les  œufs  ne  se  forment 

substance  des   parois  du  corps  des  qu'autour  du  pied  de  l'Animal ,  mais 

Hydres  a  été  entrevue  par  Trembley  que  dans  des  conditions  favorables  ils 

et  par  Rœsel  (a).  Pallas  l'a  bien  con-  peuvent  naître  sur  tous  les  points  du 

statée  en  1766,  et  depuis  lors  ce  phé-  corps.    Us  naissent    également   dans 

nomène  a  été   étudié   par  plusieui's  l'épaisseur  de  la  substance  des  parois 

naturalistes  (6)  ;  mais  c'est  principa-  de  la  cavité  digestive,  et,  en  se  déve- 

lemeiit  aux  observations  de  L.  Laurent  loppant,  déterminent  à  la  surface  exté- 

que  l'on  est  redevable  de  la  connais-  rieure  la  production  de  tumeurs  pus- 

sance  du  fait  de  la   diffusion  de  la  tulif ormes   qui,  en    se  rompant,  les 

faculté  ovogénique.  Ce  zoologiste  a  vu  laissent  échapper  au  dehors  (c). 

(o)  Trembley,  Mém.  pour  servir  à  l'hisloire  du  Polype,  t.  II,  p.  97. 

—  Rœsel,  Insecten- Belustigungen,  t.  III,  suppl.,  pi.  83. 
(6)  Pallas,  Elenchus  Zoophytorum,  1766,  p.  28. 

—  Ehrenberg,  Ueber  Hydra  viridis  {Abhandl.  der  Berlin.  Akad.,  ISSC.) 

(c)  Laurent,  Recherches  sur  l'Hydre  et  l'Éponge  d'eau  douce.  1844,  p.  11  et  tuiv.,  pi.  2. 


330  REPRODUCTION. 

féconde  et  qui  semble  y  imprimer  le  mouvement  vital.  Cet 
agent  excitateur  est  nommé  sperme,  ou  liqueur  séminale, 
et  la  partie  de  l'économie  qui  le  produit  est  appelée  Vorgane 
mâle,  tandis  que  les  ovaires  et  leurs  annexes  constituent  ce 
que  l'on  nomme  appareil  femelle. 

Quelquefois  ces  deux  sortes  d'instruments  physiologiques 
existent  chez  le  même  individu ,  et  les  Animaux  qui  présentent 
ce  mode  d'organisation  sont  dits  androgynes  ou  hermaphro- 
dites. D'autres  fois  la  division  du  travail  est  portée  plus  loin 
et  les  sexes  sont  séparés  :  l'appareil  producteur  de  l'œuf  se 
trouve  chez  un  individu  qui  ne  possède  pas  d'organes  mâles  et 
qui  est  appelé  une  femelle,  tandis  que  l'appareil  sécréteur  de  la 
semence  est  porté  par  un  individu  dépourvu  d'ovaire  et  appelé 
mâle.  Chaque  espèce  zoologique,  pour  être  représentée  d'une 
manière  complète  et  pour  pouvoir  se  perpétuer,  doit  alors 
être  constituée  par  deux  individus  de  sexes  différents,  un  mâle 
et  une  femelle. 
Différences  Chcz  Ics  Animaux  inférieurs,  les  individus  de  sexes  différents 
ne  se  distinguent  entre  eux  que  par  les  caractères  de  l'appareil 
reproducteur,  et  pour  les  reconnaître  il  est  souvent  nécessaire 
d'examiner  attentivement  les  produits  de  leurs  organes  géni- 
taux. Ainsi,  chez  beaucoup  de  Mollusques  dont  les  sexes  sont 
séparés,  les  mâles  ne  peuvent  être  distingués  des  femelles  qu'à 
l'époque  où  ils  sont  prêts  à  se  reproduire  (1)  ;  mais,  chez  la 

(l)  Cette  similitude  de  conforma-  division  de  cette  classe  de  Mollusques 

tion  a  fait  méconnaître  pendant  long-  en  ti'ois  groupes  :  les  dioïques,  les 

temps    l'existence    d'organes    mâles  monoïques  et  les  hermaphrodites  ou 

chez  divers  Mollusques  et  Zoophytes.  unisexués  (a)  ;   mais    les   monoïques 

Ainsi ,   Blainvillc    pensait    que   chez  sont  les  seuls  qui  soient  androgynes , 

beaucoup   de  Gastéropodes,  tous  les  et  les  Gastéropodes,  que  l'on  supposait 

individus  étaient  femelles  seulement,  pourvus  d'organes  femelles  seulement, 

et  il  établit  sur  cette  considération  la  sont  en  réalité  dioïques  (6). 

(fl)  Blainville,  Mollusques  {Dictionnaire  des  sciences  naturelles,  t.  XXXII,  |i.  286). 
(&)  Milne  Edwards,  Observ.  sur  les  organes  sexuels  de  divers  Mollusques  (Ann.  des  sciences 
nat.,  2-  série,  1840,  t.  XIII,  p.  375). 


sexuelles. 


REPRODUCTION  SEXUELLE.  331 

plupart  des  Animaux  plus  élevés  en  organisation,  les  différences 
sexuelles  sont  accompagnées  de  particularités  qui  portent  sur 
d'autres  parties  de  Téconomie,  et   qui   souvent  n'ont  même 
aucune  relation  apparente  avec  les  fonctions  de  la  génération. 
€es  différences  sexuelles,  que  l'on  pourrait  appeler  secondaires, 
sont  très-prononcées  chez  beaucoup  d'Insectes,  ainsi  que  chez 
la  plupart  des  Mammifères  et  des  Oiseaux  ;  mais  elles  ne  se 
manifestent  que  rarement  dans  le  jeune  âge,  et  en  général  les 
femelles  adultes  ressemblent  aux  jeunes  beaucoup  plus  que  ne 
le  font  les  mâles.  Il  est  aussi  à  noter  que  d'ordinaire  les  diffé- 
rences spécifiques  qui  existent  chez  les  divers  membres  d'un 
même  genre  sont  moins  grandes  chez  les  femelles  que  chez  les 
mâles.  Les  premières  sont  des  représentants  plus  vrais  du 
type  moyen  de  l'espèce  ou  du  genre,  et  c'est  chez  le  mâle  que 
se  développent  au  plus  haut  degré  les  caractères  propres  de 
•chaque  espèce  en  particulier.  Ainsi,  tout  ce  luxe  de  plumage 
qui  rend  beaucoup  d'Oiseaux  si  remarquables  n'existe  ordinai- 
rement que  chez  le  mâle  adulte,  et  c'est  seulement  chez  les 
individus  du  même  sexe  que  l'on  rencontre  les  formes  extraor- 
dinaires qui  donnent  à  divers  Coléoptères  un  aspect  des  plus 
bizarres  :  par  exemple  les  énormes  pinces  mandibulaires  du 
Lucane  cerf-volant  et  les  cornes  du  Scarabée  Hercule. 

La  tendance  de  la  Nature  semble  être  de  porter  le  dévelop- 
pement organique  plus  loin  chez  le  mâle  que  chez  la  femelle 
et  de  ne  l'effectuer  que  plus  lentement.  Ainsi,  chez  plusieurs 
Insectes,  la  femelle  reste  aptère  comme  l'est  la  larve  (1),  et  il 
serait  superflu  de  rappeler  ici  que  dans  l'espèce  humaine  la 
précocité  de  la  Femme  est  plus  grande  que  celle  de  l'Homme. 

La  faculté  génératrice  n'existe  jamais  dans  le  jeune  âge  ;  elle 

(1)  Par  exemple,  chez  le  Lampyre  sous  le  nom  vulgaire  de  Ver  liiî^ 
commun,  dont  la  femelle  est  connue      sant  (a). 

(a)  Voyez  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Guvier,  Insectes,  pi.  39,  fig.  5  et  6. 


S3""2  REPRODUCTION. 

ne  se  développe  qu'à  une  période  plus  ou  moins  avancée  de  la 
vie,  lorsque  l'activité  physiologique  de  l'organisme  cesse  d'être 
appliquée  principalement  à  l'accroissement  du  corps,  et  que 
l'Animal  est  parvenu  à  une  taille  qu'il  ne  devra  dépasser  que 
peu,  ou,  en  d'autres  termes,  lorsqu'il  est  arrivé  à  l'état 
adulte.  Chez  beaucoup  d'Animaux,  la  plupart  des  Insectes,  par 
exemple,  elle  ne  s'exerce  que  pendant  un  temps  très-court, 
et  le  travail  de  propagation  est  bientôt  suivi  de  la  mort  des 
reproducteurs  ;  mais  chez  d'autres  l'activité  sexuelle  se  pro- 
longe, soit  d'une  manière  continue,  soit  périodiquement  pen- 
dant une  grande  partie  de  la  vie,  et  ne  cesse  que  dans  la 
vieillesse. 

L'ahmentation,  la  température  et  les  autres  conditions  bio- 
logiques exercent  beaucoup  d'influence  sur  l'époque  où  la 
fécondité  se  manifeste;  mais  celle-ci  varie  surtout  suivant  la 
nature  des  Animaux,  et  c'est  lorsque  nous  étudierons  l'histoire 
de  la  reproduction  dans  chacun  des  groupes  zoologiques  en 
particulier  que  nous  pourrons  nous  en  occuper  le  plus  utile- 
ment- C'est  aussi  en  faisant  cette  étude  que  nous  examinerons 
en  détail  le  mode  de  constitution  des  organes  de  la  généra- 
tion ;  mais  avant  que  d'aborder  ces  points,  il  nous  faut  examiner 
d'une  manière  générale  le  phénomène  fondamental  de  la  fécon- 
dation et  en  bien  préciser  le  caractère,  sujet  dont  je  traiterai 
dans  la  prochaine  Leçon. 


SOIXANTE -TREIZIÈME  LEÇON. 

De  la  génération  sexuelle.  —  Condition  de  la  fécondation  de  l'œuf;  contact  de  la 
sphère vitellineavecla liqueur  séminale. —  Étude  de  ce  liquide.  —  Spermatozoïdes; 
leur  conformation  et  leur  moile  de  développement;  leur  rôle  dans  la  fécondation 
de  l'œuf.  —  Organes  de  la  reproduction  chez  les  divers  Animaux;  pcrfeclionne- 
ment  progressif  de  ces  instruments  conformément  au  principe  de  la  division  du 
travail  physiologique. — Hermaphrodisme  complet;  hermaplirodisme  relatif;  séiia- 
ration  des  sexes  ;  fécondation  intérieure  ;  viviparisme  ;  lactation,  etc.  —  Parthéno- 
genèse. 

§  1.  —  Les  médecins  physiologistes  et  les  naturalisles  de  "jj;;;;°";^'' 
l'antiquité,  se  livrant  à  des  spéculations  de  l'esprit  plutôt  qu'à^^  fécondation. 
l'observation  des  faits,  ont  créé  beaucoup  d'hypothèses  pour 
expliquer  le  phénomène  de  la  fécondation,  mais  n'ont  eu  à  ce 
sujet  que  des  idées  fausses.  Ils  supposaient  que  dans  l'espèce 
humaine,  •  ainsi  que  chez  les  autres  Mammifères,  un  liquide 
séminal  était  élaboré  par  la  mère  aussi  bien  que  par  le  père,  et 
que  le  produit  de  la  conception  était  le  résultat  du  mélange  de 
ces  deux  fluides  ;  ils  étaient  partagés  d'opinion  quant  à  l'ori- 
gine de  ces  liquides  prolifiques,  mais  aucun  d'eux  ne  soup- 
çonna que  chez  les  Animaux  vivipares  la  femelle  produisît  des 
œufs,  comme  cela  était  si  facile  à  reconnaîlre  chez  les  Ovi- 
pares (1).  Cette  hypothèse  régna  sans  conteste  jusqu'au  milieu 

(1)  Hippocrate  supposait  que  la  fe-  respondantes  ;  enfin  que  l'embryon  ré- 

melle,  aussi  bien  que  le  mâle,  produi-  sultait  du  mélange  de  ces  deux  sortes 

sait  dans  toutes  les  parties  de  l'orga-  de  liquides  prolifiques  dans  l'utérus 

nisme  une  liqueur  sémiaale  qui  était  de   la    mère   (a).    Aristote    attribuait 

transportée  dans  la  moelle  épinière,  et  aussi  la   conception  à   l'union  de  la 

de   là  dans  l'appareil  génital  par  les  liqueur  séminale  du   père   avec  un 

reins,  et  que  les   éléments  de  cette  liquide  analogue  élaboré  par  la  mère  ; 

semence    représentaient    chacun   les  mais  il  combattit  les  opinions  d'Hip- 

parties  dont  ils  provenaient,  de  façon  pocrate  relativement  à  l'origine  de  ces 

à  donner  naissance  à  des  parties  cor-  matières,  et  il  pensa  que  la  liqueur 

(a)  Hippocrate,  De  la  génération,  etc.  {Œuvres,  trad.  par  Litlré,  t.  YII,  p.  741). 


S3/l  REPRODUCTION. 

du  xvii'  siècle,  époque  à  laquelle  Harvey  s'efforça  de  jeter  de 
nouvelles  lumières  sur  l'histoire  de  la  génération  à  l'aide  de 
recherches  expérimentales  faites  sur  les  Animaux.  La  marche 
suivie  par  ce  grand  physiologiste  était  excellente  ;  mais  les 
moyens  d'investigalion  lui  firent  défaut,  et,  induit  en  erreur 
par  quelques  observations  incomplètes,  il  fut  conduit  à  consi- 
dérer la  fécondation  comme  résultant  de  l'action  exercée  par 
le  sperme  du  mâle  sur  l'organisme  de  la  femelle,  sorte  de 
contagion  qui  aurait  rendu  celle-ci  apte  à  produire  des  œufs 
féconds  (1). 
Fécondation       Si  Ics  physiologistcs,  au  lieu  de  s'en  tenir  à  l'étude  des  phé- 

'l'œufs  ,  1         1  •  T  1  i        •  r     - 

déj;,  pondus,  noraenes  de  la  vie  chez  les  Anmiaux  supérieurs,  avaient  exa- 
miné attentivement  ce  qui  se  passe  chez  les  Poissons,  cette 
hypothèse  n'aurait  pas  été  accueillie  avec  faveur,  et  par  ana- 
logie, au  moins,  ils  auraient  été  conduits  à  considérer  la  fécon- 
dation comme  étant  toujours  la  conséquence  de  l'action  directe 
de  la  liqueur  séminale  du  mâle  sur  les  produits  de  l'appareil 
génital  de  la  femelle;  ils  auraient  pensé  aussi  que  ces  der- 
niers produits  consistent,  non  pas  en  un  hquide,  ainsi  que  le 
supposaient  les  anciens,  mais  en  ceufs  inaptes  à  devenir  le 
siège  d'un  travail  embryogénique,  sans  avoir  subi  cette  influence 
spéciale. 


séminale  de  la  femelle  élait  un  pro-  sur  deux  séries  d'observaUons,  l'une 

duit  du  sang  des  menstrues  [a).  Ga-  relative  à   la  faculté  que  possède  la 

lien  admettait  aussi  l'existence  d'une  Poule  de  produire  des  œufs  sans  le 

liqueur  séminale  chez  la  femme  ;  mais  concours  du   mâle ,  à  la  stérilité  de 

il  attribua  la  sécrétion  de  ce  produit  ces  œufs  et  à  la  durée  de  l'influence 

aux  ovaires,  organes  qu'il  considéra  fécondante  du  coït  chez  ces  Oiseaux  ; 

comme  les  analogues  des  testicules  du  l'autre  portant  siu'  la   non-existence 

mâle  et  qu'il  désigna  même  sous  le  de  hquides  reproducteurs  dans  la  ma- 

nom  de  testicules  femelles  (6).  trice  des  Biches  peu  de  temps  après 

(1)  llarvey  se  fonda  principalement  l'accouplement  (c). 

(a)  Arislole.  De  generalione  Animalium,  lib.  I  [Opei'a  omnia,  t.  I,  p.  1048). 

(6)  Galien,  De  semine,  lib.  II. 

(c)  Harvey,  Exercitationes  de  generatione  Animalium,  oxefcit.  xxxii,  lxvii,  etc. 


FÉCONDATION.  «^«^5 

En  effet,  les  zoologistes  n'ignorent  pas  que  souvent  les 
Poissons  remontent  les  rivières  pour  ehercher  au  loin  des  lieux 
propres  à  la  reproduction,  et  que  parfois  les  femelles  arrivent 
seules  dans  ces  frayères  et  y  déposent  leurs  œufs  avant  que 
les  mâles  les  aient  suivies  ;  que  les  œufs  ainsi  pondus  ne  se 
développent  qu'à  la  condition  d'être  fécondés  ultérieurement, 
et  que  cette  fécondation  est  produite  lorsque  le  mâle,  sans 
s'être  approché  de  la  femelle,  verse  sa  laitance  sur  les  œufs 
ainsi  pondus.  Divers  faits  de  cet  ordre  n'avaient  pas  échappé 
à  l'attention  des  pêcheurs,  et  vers  1763  on  avait  même  pro- 
posé d'en  faire  l'application  à  la  pisciculture,  en  opérant  arti- 
ficiellement la  fécondation  des  œufs  de  Poissons  dont  on  vou- 
lait se  servir  pour  le  repeuplement  des  étangs  ou  des  cours 
d'eau  (i). 

Il  était  donc  évident  que  chez  ces  Animaux  la  prétendue 
influence  du  sperme  sur  la  faculté  génératrice  de  la  femelle 
ne  pouvait  entrer  en  jeu,  et  que  la  condition  essentielle  de  la 
fécondation  des  œufs  produits  par  celle-ci  était  le  contact 
direct  de  ces  corps  avec  la  liqueur  séminale  du  mâle. 

On  savait  également  que,  chez  la  Grenouille  et  le  Crapaud, 
il  n'y  a  pas  de  véritable  coït,  et  que  le  mâle  féconde  les  œufs  de 


(1)  Cette  manière  d'obtenir  la  multi-  après  par  Goldstein  (b).  Vers  18Û6, 

plication  de  la  Truite  fut  décrite  avec  elle  fut   présentée  comme  une  inven- 

détail  en  1763,    par    un   naturaliste  tion  nouvelle  par  deux  pêcheurs  des 

hanovrien  nommé  Jacobi  (a),  etcom-  Vosges  (c),   et  elle    a  donné  lieu  à 

muniquée  à  Duhamel  peu  de  temps  beaucoup  de  publications  {d). 


(a)  Voyez  Yarrel,  A  History  of  British  Fishes,  1841,  t.  II,  p.  87  etsuiv. 
(6)  Duhamel  du  Monceau,  Traité  des  pêches,  1773,  2°  partie,  p.  334. 

(c)  Voyez  Milne  Edwards,  Rapport  sur  la  pisciculture,  adressé  au  ministre  de  l'agriculture  et 
du  commerce  {Aim.  des  sciences  nat.,  3°  série,  ISSO,  t.  XIV,  p.  53). 

(d)  Sliaw,  Expérimental  Observations  on  the  Development  and  Groivth  of  Salmon  Fray  (Trans. 
ofthe  Royal  Soc.  ofEdinburgh,  1841,  t.  XIV). 

—  Boccius,  A  Treatise  on  the  Production  and  Managment  of  Fish  in  fresh  waters  !/y  arti- 
ficial  Spawning ,  etc.,  1848. 

—  Costè,  Instructions  pratiques  sur  la  pisciculture,  1853. 


336  r.EPRODUCTION. 

la  femelle  après  leur  ponte  en  les  arrosant  de  sa  semence  à 
mesure  qu'ils  sont  expulses  au  dehors  (1). 

Tous  ces  faits  remarquables  restèrent  cependant  négligés  ou 
ignorés  des  physiologistes,  et,  pour  introduire  dans  la  science 
des  notions  saines  touchant  la  fécondation,  il  a  fallu  une  longue 
série  de  recherches  expérimentales  faites  vers  la  fin  du  siècle 
dernier  par  l'illustre  Spallanzani,  dont  le  nom  revient  souvent 
dans  le  cours  de  ces  Leçons.  Après  avoir  vérifié  les  observa- 
tions de  plusieurs  de  ses  prédécesseurs  sur  le  mode  de  fécon- 
dation des  œufs  de  la  Grenouille,  du  Crapaud  et  du  Triton,  ou 
Salamandre  aquatique,  Spallanzani  constata  que  si  l'on  empêche 
la  liqueur  séminale  du  mâle  de  baigner  les  œufs  pondus  par  la 
femelle  avec  laquelle  celui-ci  est  accouplé,  on  rend  ces  œufs 
stériles.  Puis  il  opéra  sur  des  œufs  de  Crapaud  retirés  de  l'ab- 
domen d'un  de  ces  Batraciens  qui  n'avait  pas  vu  le  mâle,  les 
arrosa  avec  de  la  hqueur  séminale  extraite  directement  des 
testicules  d'un  Crapaud  de  même  espèce,  et  bientôt  après 
il  vit  le  développement  de  l'embryon  commencer  dans  ces  œufs 
fécondés  ainsi  artificiellement  et  se  poursuivre  comme  dans 
des  u^ufs  dont  la  fécondation  aurait  été  obtenue  par  les  procédés 
ordinaires  de  la  Nature  (2). 

Spallanzani  obtint  le  même  résultat  en  opérant  d'une  manière 


(1)  Ces  faits  furent  bien  observés  riences  de  Spallanzani  furent  faites 
par  Swammerclam  et  par  Rœsel  (a).  en  1777  et  1780,  et  elles  portèrent 

(2)  Malpighi(6)futlepremieràtenter  d'abord  sur  des  Crapauds,  des  Gre- 
des  expériences  de  fécondation  arti-  nouilles  et  des  Tritons.  Il  réussit  éga- 
ficielle  ;  il  opéra  sur  des  œufs  de  Vers  lement  à  féconder  artificiellement  des 
à  soie ,  mais  il  ne  réussit  pas  (c).  œufs  de  Vers  à  soie,  et  il  obtint  un 
Bibiena  fit  des  essais  analogues,  mais  résultat  analogue  cbez  une  Chienne 
sans  plus  de  succès  [d).  Les  expé-  par  Finjection  d'une  certaine  quantité 


(a)  Swammcrdam,  Biblia  Naturœ,  t.  II,  p.  SdO,  pi.  48,  fig.  1. 

—  Rœsel,  Historia  naturalis  Rananim,  1758,  pi.  d,  fig.  2  ;  pi.  13,  ûg.  2,  elc. 

(b)  Voyez  tome  I,  page  41. 

(c)  Malpighi,  Dissertalio  de  Bombyce  (Opéra  omnia,  t.  II). 

(d)  bibiena,  Spicilegiiim  de  Bombyce  [CommencAcad.  Borioniensis,  t.  V,  pars  I,  p,  1767). 


FÉCONDATION.  337 

semblable  sur  des  œufs  de  Grenouille  et  de  Triton;  et,  depuis 
un  demi-sièele,  ses  expériences  ont  été  répétées  avec  succès 
par  beaucoup  de  physiologistes:  la  fécondation  artificielle  des 
œufs  par  l'effet  du  contact  de  ces  corps  avec  de  la  liqueur 
séminale  a  été  obtenue  chez  un  grand  nombre  Animaux  inver- 
tébrés, aussi  bien  que  chez  des  Batraciens  et  des  Poissons. 
Enfin,  on  a  pu  constater  que  chez  les  Mammifères  l'introduc- 
tion du  sperme  dans  l'utérus  de  la  femelle  ne  détermine  pas 
la  fécondation  de  celle-ci ,  à  moins  que  ce  liquide  ne  puisse 
arriver  en  contact  avec  les  œufs  détachés  de  ses  ovaires.  Ainsi, 
plusieurs  physiologistes  ont  vu  que  la  ligature  des  conduits 
qui  mènent  de  ces  organes  à  l'utérus  empêche  la  fécondation 
des  œufs  qui  sont  situés  en  amont  de  cet  obstacle,  mais  n'agit 
pas  de  même  sur  ceux  qui  sont  déjà  descendus  plus  bas  (1). 


de  sperme  dans  le  vagin  de  cet  Ani-  volatile  du  sperme  pour  opérer  des 

mal  [a).  fécondations  (c). 

Quelques      physiologistes     avaient  (1)  Des  expériences  de  ce  genre  ont 

pensé  que  la  propriété  fécondante  du  été  faites  sur  des  Lapines  par  Haigh- 

sperme  résidait  dans  la  vapeur  qui  ton,  Grasmeyer,  Blundell  et  plusieurs 

peut  se  dégager  de  ce  liquide,  et  qui  autres  physiologistes  {d).  La  ligature 

avait  été  désignée  sous  le  nom  (Vaura  de  Toviducte  d'un   côté  n'a  pas  em- 

seminalis.  Spallanzani  fit  des  expé-  péché  le  passage  de  l'ovule  de  To- 

riences  à  ce  sujet,  et  reconnut  que  des  vaire  dans  la  partie  supérieure  de  ce 

émanations  de  ce  genre  sont  sans  in-  conduit ,    ni    le    développement  des 

fluence   sur   les  œufs,  tandis  que  le  jeunes  dans  l'utérus  du  côté  opposé, 

contact  direct  de  ces  corps  et  de  la  mais  a  toujours  été  suivie  de  la  stéri- 

liqueur  séminale  détermine  leur  fé-  lité  de  la  moitié   correspondante  de 

condation  (6).  MM.  Prévost  et  Dumas  l'appareil  génital.    Nous   reviendrons 

ont  constaté  également,  et  avec  plus  sur  ces  faits  en  étudiant  l'histoire  de 

de  rigueur,  l'inaptitude  de  la  partie  la  reproduction  chez  les  Mammifères. 


ia]  Spallanzani,  Expériences  pour  servir  à  l'histoire  de  la  génération  des  Animaux  et  des 
Plantes.  Genève,  1780. 

(b)  Spallanzani,  Op.  cit.,  chap.  v. 

(c)  Prévost  et  Dumas,  Deuxième  mémoire  sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  nat.,  1824, 
t.  II,  p.  138). 

(d)  Haigliton,  An  Expérimental  Inquiry  concerning  .Animal  Imprégnation  {Philos.   Trans., 
1797,  p.  159). 

—  Grasmeyer,  Commentatio  de  conceptione  et  fecundatione  humana.  Gottingen,  1789. 

—  Blundell,  Rescarches  PInjsiological  and  Pathological,  1825,  p.  32  et  suiv. 


§38  REPRODUCTION. 

Condition  II  est  doiic  bicn  établi  aujourd'hui  que  l'aptitude  de  l'œuf 
la  fccondaiion.  à  développeF  UD  être  nouveau  ne  dépend  pas  de  l'influence 
exercée  par  le  mâle  sur  l'organisme  de  la  femelle,  mais  de 
l'aclion  directe  de  la  liqueur  séminale  sur  cet  œuf,  phénomène 
qui  n'a  lieu  que  par  l'effet  du  contact  mutuel  du  sperme  et  de  ce 
corps  reproducteur. 
Elude  §  2.  —  Ce  résultat  capital  étant  acquis ,  poussons  nos 

'^séminak."  invcsligations  plus  loin,  et  cherchons  si  nous  pouvons  décou- 
vrir dans  quelle  partie  du  sperme  réside  la  propriété  fécondante. 
La  composition  chimique  de  ce  liquide  n'offre  rien  de  bien 
particulier,  si  ce  n'est  l'existence  de  matières  grasses  phospho- 
rées  que  l'on  y  trouve  mêlées  à  des  substances  albumi- 
noïdes  (1).  Mais  ses  caractères  physiques  sont  des  plus  remar- 
quables. En  effet,  lorsqu'on  examine  au  microscope  le  sperme 
d'un  Chien,  d'un  Coq,  d'une  Grenouille,  ou  de  l'un  quelcon- 
que des  Animaux  dont  les  physiologistes  font  ordinairement 
usage  pour  leurs  recherches,  on  y  aperçoit  une  multitude  in- 
calculable de  corpuscules  vermiformes  qui  se  meuvent  avec 
agilité  et  nagent  en  battant  l'eau  avec  leur  queue. 

(1)  La  composition  chimique  de  la  constitution  des  tissus  épitliéliques  (c), 
liqueur  séminale  de  THomme  a  été  Plus  récemment,  l'analyse  de  la  lai- 
étudiée  par  Vauquelin  et  quelques  au-  tance  de  Carpe  a  été  faite  par  M.  Prê- 
tres expérimentateurs  du  commen-  richs  et  par  M.  Goblcy,  qui  ont  re- 
cement  du  siècle  actuel  ;  cependant  connu  dans  ce  liquide  l'existence  d'une 
elle  n'est  encore  que  très-imparfai-  matière  grasse  phosphorée,  de  sub- 
tement  connue  (a).  Ils  y  trouvèrent  stances  albuminoïdes  et  de  divers 
ime  matière  albuminoïdequi,  suivant  sels.  Ce  dernier  chimiste  y  distingua 
Berzelius,  serait  un  principe  immédiat  plusieurs  corps  gras,  notamment  de 
particulier,  et  qui  a  été  désignée  sous  la  cholestérine,  de  l'oléine,  de  la  mar- 
ie nom  de  spermatine  [b) ,  mais  qui  garine,  de  la  cérébrine  et  de  la  léci- 
n'est  probablement  qu'un  albuminate  t^ine,  matière  qui  se  trouve  aussi 
de  soude,  ou  cette  substance  protéique  dans  les  œufs,  et  qui,  de  même  que  la 
qui  joue   le   principal   rôle    dans   la  cérébrine,  contient  du  phosphore  (d). 

(a)  Vauquelin,  Expériences  sur  le  sperme  humain  {Ann.  de  chimie^  1791,  t.  IX,  p.  64). 
(6)  Berzelius,  Traité  de  chimie,  trad.  par  Valerius,  1849,  t.  111,  p.  758. 

(c)  Voyez  Wagner  and  Leuckart,   art.   Semen  (Todd's  Cyclop.   of  Anat.  and  PhysioL,  t.  IV). 

(d)  Gobley,  Recherches  chimiques  sur  la  laitance  de  Carpe  (Bulletin  de  l'Acad.  de  médecine, 
t.  XVI,  p.  721). 


FÉCONDATION.  339 

La  découverte  de  ces  corpuscules  animés,  que  l'on  a  dési-  spermaio^ïdes 
gnés  d'abord  sous  le  nom  d'Animalcules  spermatiqties^  mais 
que  l'on  appelle  communément  aujourd'hui  des  Spermato- 
zoïdes^ dwte  de  1677,  et  on  la  doit  à  un  étudiant  en  médecine 
nomuié  Ham.  Comme  on  le  pense  bien,  elle  excita  vivement 
l'intérêt  des  physiologistes,  et  Leeuwenhoek,  le  plus  habile 
micrographe  du  xvu'  siècle,  en  augmenta  promptement  l'im- 
portance en  l'étendant  à  beaucoup  d'Animaux  (1).  On  se  con- 
tenta d'abord  de  répéter  les  observations  de  ce  naturaliste,  ou 
de  bâtir  des  théories  relatives  au  rôle  des  Spermatozoïdes 
dans  l'acte  de  la  reproduction  (2);  mais  quelques  savants  en 


(1)  Louis  Ham,  que  quelques  au- 
teurs appellent  Hammen  ou  Hammius, 
vit  pour  la  première  fois  les  Sperma- 
tozoïdes en  août  1677  en  examinant 
au  microscope  la  liqueur  séminale 
d'im  Homme  atteint  de  gonorrhée,  et 
il  communiqua  aussitôt  ce  fait  à  Leeu- 
wenhoek, qui,  après  l'avoir  vérifié, 
en  donna  connaissance  à  la  Société 
royale  de  Londres  par  une  lettre  datée 
du  mois  de  novembre  de  la  même 
année  (a).  Bientôt  après,  ce  dernier 
micrographe  monti'a  à  plusieurs  natu- 
ralistes des  Spermatozoïdes  vivants, 
entre  autres  à  Huyghens,  le  père  du 
célèbre  physicien  (6),  et  il  constata 
aussi  l'existence  de  ces  filaments  mo- 
biles dans  le  sperme  du  Chien,  du 
Lapin,  du  Bouc,  du  Coq  et  de  plu- 
sieurs autres  Animaux.  Vers  le  milieu 
de  l'année  1678,  un  autre  savant  hol- 


landais, Hartsœker,  en  parla  (c),  et  plus 
tard  ce  dernier  revendiqua  le  mérite  de 
cette  découverte ,  qu'il  assura  avoir 
faite  en  107Zi  sans  oser  la  publier  (d)  ; 
mais,  quoi  qu'il  en  soit  à  cet  égard, 
c'est  incontestablement  à  Ham  et  à 
Leeuwenhoek  que  la  science  est  re- 
devable de  la  connaissance  des  Sper- 
matozoïdes. Ce  dernier  les  a  observés, 
non-seulement  chez  divers  Mammi- 
fères, mais  aussi  chez  des  Oiseaux, 
des  Poissons,  des  Mollusques  et  des 
Insectes. 

(2)  Pour  l'énuméraiion  des  auteurs 
qui  se  sont  empressés  de  répéter  les 
observations  de  Leeuwenhoek  sur 
l'existence  de  Spermatozoïdes  (ou 
Animalcules  spermatiques,  ainsi  qu'on 
les  appelait  alors),  je  renverrai  à  un 
ouvrage  de  Schurig  sur  l'histoire  de 
liqueur  séminale  (e). 


(a)  Leeuwenhoek,  Observ.  de  natis  e  sernine  genitali  AnimaleuUs  {Philosophical  Transactions, 
n°  442,  1677,  t.  XII,  p.  1040). 

(6)  Birch,  The  Histortj  of  the  Royal  Society,  1757,  t.  III,  p.  415. 

(c)  Hartsœker,  Extrait  d'une  lettre  sur  la  manière  de  faire  les  nouveaux  microscopes,  etc. 
{Journal  des  savants,  1678,  p.  b55). 

(d)  Ideui,  Essai  de  dioptriqite,  1694,  g  88,  suite  des  Conjectures  physiques,  liv.  I,  dissert,  vu, 
art.  1,  1712. 

(e)  Schurig',  Spermatologia,  1720. 


3^0  REPRODUCTION. 

lirenl  l'objet  d'études  plus  approfondies  (1),  et  de  nos  jours 
des  recherches  du  même  ordre  ont  été  poursuivies  dans  toutes  ^ 
les  parties  du  Règne  animal  (2).  La  présence  des  Sperma- 
tozoïdes a  été  constatée  dans  la  liqueur  séminale  d'une  multi- 
tude de  Zoophytes,  de  Mollusques  et  d'Animaux  annelés, 
aussi  bien  que  dans  celle  des  Vertébrés  de  toutes  les  classes, 
et,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  ces  corpuscules  ani- 
més présentent  les  mêmes  caractères  généraux ,  bien  que 
leurs  formes  et  leurs  dimensions  puissent  varier  considéra- 
blement suivant  les  espèces.  En  général,  ils  ressemblent  à 
des  fils  flexibles  dont  l'extrémité  antérieure  est  plus  ou  moins 


(1)   Spallanzani  el  Gleiclien  furent  (2)  MM.  Prévost  et  Dumas  furent 

les  seuls  naturalistes  qui  pendant  le  les  premiers  à  reprendre  de  nos  jours 

xviii^  siècle  contribuèrent  à  avancer  Téfude  des  Spermatozoïdes,  dont  les 

notablement  nos  connaissances  rcla-  physiologistes  du  cornmencement  du 

tives  aux  Spermatozoïdes  [a).  D'autres  siècle  actuel  avaient  cessé  de  s'occu- 

écrivains    de    cette    époque    nièrent  per  (e).  Plus  récemment,  des  reclier- 

l'cxistence  de  ces  corpuscules  (6),  ou  ches  très-étendues  et  très-approfondies 

les  confondirent,  soi,t  avec  des  parti-  ont  été  faites  sur  le   même  sujet  par 

cules  huileuses  (c),  soit  avec  les  glo-  un    grand    nombre    d'observateurs  , 

bules  ou  les  détritus  dont  les  diverses  parmi  lesquels  j'aurai  à  citer  princi- 

sécrétions  sont   d'ordinaire   plus    ou  paiement  I\1M.  R.  Wagner,  Siebold  , 

moins  chargées  [d).  Mandl,  et  KoUiker  (/"). 


(a)  Spallanzani,  Opuscules  de  physique,  1777,  t.  II,  p.  90  el  suiv. 

—  Gleiclien,  AbhandL  uoer  die  Sameii-und  Injusions-Thicrchen,  1778.  —  Dissert,  sur  la 
pdnération,  les  Animalcules  spermatiqucs,  et  ceux  des  liifusoires,  avec  des  observations  micros 
topiques  sur  le  sperme,  etc.,  trad.  de  l'allemand,  an  VII. 

(b)  lleisier,  Analomie,  1735,  p.  235. 

• —  Serinci,  De  piincipio  aut  causa  corpus  animale  formante.  Allilorf,  175G. 

—  Ulainville,   Cours  de  pliysiologie  générale  et  comparée,   1833,  t.  III,  p.  214. 

(c)  Linné,  Sponsalia  plantarum  {Amœnilates  academicœ,  174G,  1. 1,  p.  79j. 
{dj  Nceillnmi,  Nouvelles  observations  microscopiques, 

—  BulTon,  Histoire  des  animaux,  chap.  vu. 

—  Ascii,  De  natura  spermatis.  Gôilingen,  1756. 

(e)  Prévost  et  Uiimas,  Essai  sur  les  Animalcules  spcrmaliques  de  divers  animaux  (Mém.  de  la 
S'ic  de  physique  de  Genève,  1821,  t.  I,  p.  180j.  —  Nouvelle  théorie  de  la  génération  (Ann. 
des  sciences  nat.,  1824,  t.  I,  p.  10  et  puiv.,  pi.). 

(/"i  Iludolpli  Wagner,  Fragmente  sur  Pliysiologii  der  Zeugung,  vorzûglich  ztiv  mikrosko- 
],ischen  Analyse  des  Samen's  (extrait  des  Mémoires  de  l'Acad.  de  Bavière,  1837). 

—  NVa-nei-  and  R.  Lciickart,  art.  Semen  (Todd's  Cyclopœdia  of  Anut.  and  Physiol.,  t.  IV, 
p.  4"2  cl  suiv.). 

—  Kullikor,  Ileitràge  zûr  Kenntniss  der  Geschlechtsverhâltniss  und  der  Samenflùssigkeil 
luirbelloser  Th'iere.  Berlin,  1841.  —  Die  Dildung  der  Simenjaden  in  Blœscheii  {Denkschriften 
der  Schweilzerischen  Gcsellschaft  (ûr  die  gesammten  Naltirwissenschaften,  184G,  t.  VIIIJ. 


FÉCONDATION,  S/jl 

renflée,  de  façon  à  simuler  une  tête,  et  dont  la  portion  suivante  sperm.i(o/oï,jr, 
est  amincie  graduellement  en  manière  de  queue.  Chez  l'Homme,  Mammifères. 
par  exemple,  leur  partie  céphaloïde,  très-grosse,  aplatie,  un 
peu  élargie  en  arrière  et  subpiriforme,  est  suivie  d'un  fila- 
ment caudal  de  longueur  médiocre,  qui  devient  excessivement 
grêle  et  difficile  à  apercevoir  vers  le  bout  (1)  ;  le  tout  mesure 
à  peu  près  6  centièmes  de  millimètre  (2).  Les  Spermatozoïdes 
des  autres  Mammifères  ont  en  général  une  forme  analogue  ; 
quelquefois  cependant  leur  tête  est  élargie  en  avant  en  manière 
de  raquette ,  par  exemple  chez  l'Écureuil  ;  et  d'autres  fois  elle 
est  comprimée  latéralement,  élevée  en  crête  et  recourbée  en 
avant,  de  façon  à  ressembler  au  crochet  d'un  hameçon,  disposi- 
tion qui  est  très-marquée  chez  le  Rat  (3).  Il  est  aussi  à  noter 


(1)  Les  Spermatozoïdes  de  l'Homme  je  renverrai  à  l'ouvrage  de  M,  Mandl 
ont  été  figurés  par  plusieurs  microgra-  sur  VAnatomie  microscopique. 

phes  (a).  (3)  Dans  la  famille  des  Singes,  les 

(2)  M.  KôUiker  évalue  les  dimen-  Spermatozoïdes  ressemblent  beaucoup 
sions  de  la  portion  céphaloïde  de  ces  à  ceux  de  l'Homme  (c).  ils  ont  une 
corpusculesentre0""n,0035et0"'"%005  forme  analogue  chez  le  Cheval  {d), 
de  long,  sur  0°*°',018  à  0™'", 008  de  l'Ane  (e)  etc.,  Chez  d'autres  Mammifè- 
large  et  O^^jOOl  à  G"™, 0018  d'épais-  res,  la  portion  céphaloïde  est  ovalaire, 
seur  ;  la  longueur  de  la  queue  est  par  exemple  chez  le  Hérisson  (/),  la 
d'environ  0'"°',005  (6).  Pour  plus  de  Taupe  [g],  le  Cochon  d'Inde  (A),  l'É- 
détails  relatifs  aux  dimensions  des  cureuil  d'Hudson(*),  elle  Chevreuil  (j), 
Spermatozoïdes  chez  divers  Animaux,  ou    même    élargie    antérieui'eraent , 


(«)  Voyez  Gleichen,  Dissert,  sur  la  génération,  pi.  1. 

—  Bory  Saint-Vincent,  Dictionnaire  classique  d'histoire  naturelle,  pi.  57,  fig.  1. 

—  Dujardin,  Sur  les  Zoospermes  des  Mammifères  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  Vlll, 
pl.  9,  fîg.  6). 

—  Wagner,  Fragmente  zitr  Physiol.  der  Zeugung,  pl.  1,  fier.  1.  —  Icônes physiologiœ,  -ISSO, 
pl.  1,  fig,  t. 

—  Mandl,  Anatomie  microscopique,  t.  I,  2'"  partie,  pl.  10,  fig.  17. 

(b)  Kôliiker,  Eléments  d'histologie  humaine,  p.  557. 

(c)  Exemple  :  les  Spermatozoïdes  du  Cercopithecus  ruber  (voy.  Wagner,  Fragmente,  p],  -1, 
tlg.  2,  et  Icônes  physiol.,  pl.  1,  fig.  'S,  n°  i). 

(d)  Voyez  Prévost  et  Dumas,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  t.  I,  pi.  12,  fig.  c). 

(e)  Voyez  Dnjardin,  Op.  cit.  (Ann.  des  Sciences  nat.,  2'  série,  1.  VITT,  pl.  0,  fig.  7). 
(0  Voyez  Wagner,  Op.  cit.,  pl.  1,  fig.  5. 

((/)  Wagner,  Icônes  physiol.,  pl.  1,  fig.  3,  n°  3. 

(h)  Voyez  Dujardin,  Op.  cit.,  pl.  9,  fig.  8. 

(i)  Burnett,  On  Spermatic  Particules  (Mem.  of  the  American  Academy,  new  .séries. 

ij)  Wagner,  Icônes  physiol,  pl.  i,  fig.  3,  n"  9,  fig.  40,  vol.  V. 

Vlll.  24 


342  REPRODUCTION. 

spermatozoùics  quc  (lans  Cette  classe  il  n'existe  aucun  rapport  entre  la  taille  des 

des  Oiseaux,  ^  i  i      i  ~i  i  •       •        i 

Reptiles,  Ole.  Aniffiaux  et  la  grandeur  de  leurs  Spermatozoïdes  :  anisi,  chez 
le  Chien  et  le  Chat,  ces  corpuscules  ont  à  peu  près  la  même 
longueur  que  chez  l'Homme,  et  chez  la  Souris  ils  sont  trois 
ou  quatre  fois  plus  longs. 

Chez  les  Oiseaux,  les  Spermatozoïdes  sont  en  général  beau- 
coup plus  longs,  et  leur  portion  céphaloïde  est  grêle,  cylin- 
drique ou  atténuée  aux  deux  bouts,  plus  ou  moins  flexueuse 
et  souvent  peu  distincte  delà  base  de  la  queue  (1).  Leur  forme 
est  à  peu  près  la  même  chez  les  Reptiles,  les  Batraciens  et  les 
Poissons  de  fedre  des  Sélaciens  (2)  ;  mais,  chez  les  Poissons 
osseux,  leur  portion  antérieure  est  d'ordinaire  globuleuse,  et 

ainsi  que  cela  se  voit  chez  le  Bouc  et  courbures  seulement,  tantôt  beaucoup 

le  Bélier  (o),  et  cette  disposition  est  plus  (/'). 

même  plus  marquée  chez  TÉcureuil  (2)  Les  Spermatozoïdes  des  Reptiles 

commun  (6).  n'ont  été  observés  que  dans,  un  petit 

La  forme  en  serpette  dont  il  a  été  nombre  d'espèces.  Chez  le  Lézard  com- 

question  ci-dessus  n'existe  pas  seule-  mun,  ils  ont  la  forme  d'un  cylindre 

ment  chez  le  Rat,  on  l'observe  aussi  arrondi  aux  deux  bouts  et  terminé 

chez  la  Souris  (c).  postérieurement  par  une  queue  très- 

(1)  En  général,  chez  les  Oiseaux  la  grêle,  mais  ils  ne  sont  pas  enroulés  en 

portion  antérieure  des  Spermatozoïdes  tire-bouchon  comme  chez  la  plupart 

est  allongée  et  s'atténue  graduelle-  des  Oiseaux  {g)  ;  chez  la  Tortue  grec- 

ment  en  arrière,  de  façon  à  ne  pas  que,  leur  portion  céphaloïde  est  lan- 

être  nettement  séparée  de  la  portion  céolée  (/i). 

caudale   (d).   Quelquefois   cependant  Chez  la  plupart  des  Batraciens  anou- 

elle  est  cyhndrique  jusqu'à  l'origine  res,  la  portion  antérieure  de  ces  corpus- 

de  la  queue,  qui  est  très-grêle  dès  sa  cules  séminaux  est  également  cylin- 

base  (e).  Leur  portion  antérieure  est  drique  et  la  portion  caudale  filiforme 

ordinairement  contournée  en  spirale,  dès  sa  base  (^')  ;  mais  cliez  les  Pélo- 

et   présente   tantôt   trois  ou  quatre  bâtes,  ils  sont  amincis  graduellement 

(a)  Prévost  et  Dumas.  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  1824.,  t.  I,  pi.  42,  fig.  B  et  0). 

(&)  Wagner  et  Leuckart,  Op.  cit.  (Todd's  Gyclop.,  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  IV,  p.  475,  fig.  32). 

(c)  Wagner,  Icônes  physiol.,  pi.  1,  fig.  3,  n""  G  et  7. 

(d)  Exemple  :  les  Spermatozoïdes  du  Pinson  et  de  beaucoup  d'autres  Passereaux  (voy.   Wagner, 

Icônes,  pi.  1 ,  fig.  4). 

(e)  Exemple  :  les  Spermatozoïdes  du  Coq:  voy.  Wagner,  Icônes,  pi.  i,  fig.  4  i. 

(f)  Par  exemple,  chez  le  Merle  {Turdus  menda):  voy.  Wagner,  Op.  cit.,   pi.  i,  fig.  4  f. 

(g)  Voyez  Wagner,  Fragmente  %ur  Physiol.  der  Zeugung,  pi.  2,  fig.  15. 

(h)  Kolliker,  Die  Bildung  der  Samenfdden  in  BUischen,  4840,  pi.  1 ,  fig.  44. 
(i)  Voyez  Wagner,  Op.  cit.,  pi.  2,  fîg.  70. 


lÉCONDATION.  ^^^ 

leur  queue  très-coiirle  et  excessivement  fttéJe  (1).  Chez  quel- 
ques Batraciens,  notamment  les  Tritons,  cette  dernière  por- 
tion du  Spermatozoïde  paraît  être  garnie  d'une  sorte  de  crête 
membraneuse  très-délicate  qui  ondule  avec  rapidité,  et  la  plu- 
part des  micrographes  pensent  que  cette  particularité  est  due 
aux  mouvements  d'une  crête  membraneuse  ou  de  la  partie 
terminale  delà  queue,  qui  serait  recourbée  en  avant  ou  enroulée 
en  spirale  autour  de  la  portion  précédente  (2). 

en  arrière  et  contournés  comme  chez  les  la  Loche  des  étangs  (g).  Chez  quel- 
Oiseaux  (a)  ;  enfin,  chez  les  Salaman-  ques  Poissons  osseux,  elle  est  cylindri- 
dres  etles  Tritons,  la  portion  céphaloïde  que  et  allongée j  par  exemple  chez  le 
se  rétrécit  graduellement  en  avant  (6).  Flet  ou  Platessa  flesus,  L.  (h) 

Chez  les  Squales,  les  Spermatozoïdes  ('2)  Le  mouvement  vibralile  qui  se 

ressemblent  tout  à  fait  à  ceux  des  Oi-  produit  le  long  de  la  queue  des  Sper- 

seaux  ;   leur   portion  céphaloïde    est  matozoïdes,    des  Tritons  n'avait  pas 

grêle  et   contournée  en  hélice  delà  échappé  à  Spallanzani,  qui  a  décrit  cet 

même  manière  (c)  ;  ils  ont  une  confor-  appendice  comme  étant  garni  lalérale- 

mation  analogue  chez  les  Raies  {d}  ei  ment  d'une  série  de  pointes  (i).  L'at- 

cliez  la  Torpille  (e)  ;  ceux  des  Lam-  lention  des  micrographes  fut  fixée  de 

proies    ressemblent    davantage    aux  nouveau  sur  ce  phénomène  il  y  a  une 

Spermatozoïdes   des  Grenouilles,  vingtaine  d'années  ;  mais  les  observa- 

(1)  En  général,  la  portion  cépha-  teurs  n'ont  pu  se  mettre  d'accord  sur 

loïde  de  ces  corpuscules  spermatiques  la  nature  de  la, disposition  organique 

est  splîérique  seulement  (/")  ;  mais  quel-  dont  il  dépend.  M.  Siebold  l'attribue  à 

quefois  on  l'emarque  à  sa  partie  posté-  im  enroulement  récurrent  de  la  queue, 

rieure   une    petite   boule    dont   naît  et  son  opinion  est  partagée  par  la  plu- 

l'appendice  caudal,  par  exemple  chez  part  des  naturahstes  allemands  {j}  ; 


{a)  Voyez  Wagner  et  Leuckart,  art.  Sêiïen  (Tod'd's  Cyclop.,  t.  IV,  p.  482,  fig-.  3'42). 
(6)  Par  exemple,  chez  \a. Salamandra  maculata  {\'oy.  Wagner,  Op.  cit.,  pi.  2,  fig.  17)  ;  le  Triton 
ifineus  (Wagner,  loc,  cit.). 

(c)  Voyez  Wagner,  Op.  cit.,  pi,  2,  flg.  2t. 

—  KôUiker,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig.  12. 

(d)  Voyez  Lallemand,  Observ.  sur  le  développement  des  zoospermes  de  là  Raié{Ann.  des  sciences 
nat.,  2»  série,  1841,  t.  XV,  pi.  10,  fig.  15). 

(e)  Voyez  Wagner,  Fragmente  zur  Physiol.  dei'  Zeugung,  pt.  2,  fig.  20. 

(/■)  Par  exemple,  chez  la  Carpe:  -voy.  Dujardin,  Op.  {cit.,  Ann.  des  sciences  nat.  2°  ■^érie 
t.  VIII,  pi.  9,  fig.  10.) 

—  La  Brème  :  voy.  Wagner,  Op.  cit.,  fig.  19. 

—  Le  Leuciscus  chrysoleuchas  (espèce  d'Able  de  l'Amériqiie),  voy',  Burnett,  Remarks  upon  the 
Origin,  elc,  nf  the  Spermatic  Particles,  fig.  11  (Mcm.  of  the  .\merica71  Academy  new 
séries,  t.  V). 

(g)  Voyez  Wagner  et  Leuckart,  Op.  cit.  (Todd's  Ojclop.,  t.  IV,  p.  183,  fig.  347), 

(h)  Voyez  Burnett,  Op.  cit.,  fig.  5. 

(i)  Spallanzani,  Opuscules  de  physique,  1777,  t.  II,  p.  119,  pi.  d,  fig.  7. 

U)  Wagner,  Fragmente  %ur  Physiol.  der  Zengung,  p.  13,  pi.  2,  fig.  18. 


3/1 /i 


REPKODL'CTION. 


Spermatozoïdes      Clicz  les  Aiiimaux  iiivertébrés ,  les  Spermatozoïdes  pré- 

des  ,     ,  '  ^  ^ 

Mollusques,  senlent  en  gênerai  des  formes  analogues  à  celles  qui  prédo- 
minent dans  l'embranchement  des  Vertébrés.  Ainsi,  chez  les 
Mollusques,  ils  n'offrent  sous  ce  rapport  rien  qui  soit  bien 
important  à  noter  (1)  ;  mais  je  dois  faire  remarquer  que  chez" 
quelques-uns  de  ces  Animaux,  les  Céphalopodes,  par  exemple, 
ils  ne  sont  pas  libres  dans  la  liqueur  séminale,  et  se  trouvent 


Dujardin  l'explique  par  l'enroulement 
d'un  fil  accessoire  (o)  ;  enfin,  Aniici 
or  M.  Ponchet  pensent  qu'il  est  du 
aux  ondulations  d'une  crête  membra- 
neuse (6),  et  je  suis  porté  à  croire  qu'ils 
ont  raison  (c). 

Les  Spermatozoïdes  du  Bombinator 
igneus  présentent  une  disposition  ana- 
logue, seulement  ils  sont  beaucoup 
plus  petits  {d). 

(1)  Les  Spermatozoïdes  des  Cépha- 
lopodes sont  filiformes  et  médiocre- 
ment élargis  antérieurement  ;  leur 
portion  céphaloïde  est  cylindrique  et 
arrondie  aux  deux  bouts  et  leur  queue 
est  très-grêle.  Leur  grandeur  varie 
beaucoup  suivant  les  espèces:  ainsi, 


chez  la  Sèche,  ils  n'ont  pas  le  quart  de 
la  longueur  de  ceux  del'Élédone  mus- 
quée (e). 

Dans  la  classe  des  Gastéropodes,  ils 
offrent  des  différences  plus  considéra- 
bles. Quelquefois  ils  sont  filiformes, 
graduellement  atténués  vers  l'extré- 
mité postérieure  et  ondulés  ou  con- 
tournés en  spirale  comme  ceux  de 
beaucoup  d'Oiseaux  (/")  ;  d'autres  fois 
ces  filaments  se  replient  en  boucle  et 
leurs  deux  extrémités  se  tordent  en- 
semble [g),  ou  bien,  tout  en  conservant 
la  même  forme  générale,  ils  restent 
étendus  (/()  ;  mais,  chez  la  plupart  de 
ces  Mollusques,  leur  portion  anté- 
rieure   est   brusquement   élargie    en 


—  Mayer,  Ucher  die  FlimmerbeiL'egimgen  (Froriep's  Nolix,en,  1830,  p.  245). 

►  —  Siebold  ,  Keine  Flimmerorgane  an  den  Spennatozoen  der  Salamander  (Froriep's  Netig 
Notixen,  1837,  l.  Il,  p.  281). 

(a)  Dujardin,  Nouveau  Manuel  de  V observateur  du  microscope,  1843,  p.  100. 

(6)  Pouchet,  Sur  la  structure  et  les  mouvements  des  Zoospermes  du  Triton  cristatus  {Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1845,  t.  XX,  p.  1341). 

(c)  Milne  Edwards,  Rapport,  etc.  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1846,  t.  XXIf, 
p.  636). 

{d)  Voyez  Wagner  et  Leuckart,  Op.  cil.  (Todd's  Cyclop.,  t.  IV,  p.  481,  fig.  341). 

(e)  Milne  Edwards,  Observations  sur  la  structure  elles  fonciions  de  quelQues  Zoophytes, 
Mollusques  et  Crustacés  des  côtes  de  la  France  (Anu.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1842, 
t.  XVIU,  pi.  17,  fig.  7,  et  pi.  14,  fig.  5). 

(f)  Par  exemple,  chez  les  Doris  :  voy.  Wagner  et  Leuckart,  art.  SëMEN  (Todd's  Cyclop.  of  Anal. 
andPhysiol.,  vol.  IV,  p.  4b5,  fig-.  356  A). 

—  La  Paludino  vivipare;  voy.  Wagner  et  Leuckart,  Op.  cit.,  p.  356  B. 

(g)  Par  exemple,  chez  l'Anibi  etie,  ou  Succinea  amphibia  :  voy.  Wagner,  Fragmente  %w  Physiol. 
der  Zeugung,  [il.  3,  fig.  24.  —  Siehold,  Ueber  die  Spermatoznen  der  Crustaceen,  Insecten,  Cas- 
teropoden,  etc.  (Mullci's  .ii'c/iiv  filr  Anut.  und  Physiol.,  1836,  pi.  2,  fig.  l-li. 

{h)  Par  exemple  ,  chez  la  Carinaire  :  voy.  Milne  Edwards,  Observations  sur  la  structure  de 
quelques  Znophiitcs  et  Mollusques  [Ann .  des  sciences  nat,,  2"  série,  1842,  t.  XVIII,  pi.  xi, 
fi?.  7). 


FÉCONDATION.  3^5 

renfermés  dans  des  réceptacles  appelés  spermatophores,  sur 
l'histoire  desquels  nous  aurons  bientôt  à  revenir  (1).  Les  par- 


manière    de  tête    ovalaire    ou    piri-  matozoïdcs  est  en  g(?néral  nettement 

forme    (a).    Les    Spermatozoïdes   des  caracttîrisée  {cl). 

Gastéropodes   pulmoncs    sont  en  gé-  Il  en  est  de  même  chez  bs  Mollus- 

néral  remarquablement  longs,  et  leur  coïdcs,  notamment  chez  les  Acidiesdu 

renflement  céphaloïde  est  épaissi  en  genre  P/wi/usm  (e)  et  les  Botrylles(/"). 

dessus  à    sa   partie  postérieure    (b)  ;  Les  SpermatozoMes  des  Bryozoaires 

tuais  il  est  à  noter  qne  ces  filaments  ont  été  observés  dans  plusieurs  cspè- 

ne  sont  pas  encore  arrivés  à  maturité  ces,    telles    que    le   Tendra  zosteri- 

lorsqu'ils  sont  évacués  par  le  mâle  et  cola   (g) ,    le    Flusira  carnosa  (h)  , 

qu'ils  subissent  des  changements  con-  le    Halodactylus    diaphanus  {i) ,  le 

sidérables  après  leur  dépôt  dans  l'or-  Palludicella  Ehrenbergi  (j),  les  Al- 

ganisme  de  la  femelle  (c).  cyonelles  {k),  etc. 

Dans  l'ordre  des   Mollusques  acé-  (1)    Ces   Spermatophores  sont  des 

phales,  la  portion  céphaloïde  des  Sper-  tubes  qui,  après  avoir  été  assez  bien 


(a)  Par  exemple,  chez  la  Pa(elle  :  voy.  Wagner  et  Leuckart,  loc.  cit.,  p.  185,  fig.  355  A. 

—  L'Oscabrion  :  voy.  Wagner  et  Leiickarl,  loc.  cit.,  ûg.  355  B. 

—  Le  Vermet:  voy.  Lacaze-Dulhiers,  Méin.  sur  l'anatomie  et  l'embi'yolo(iie  du  Vermet  (Ann. 
des  sciences  nal.,  4«  série,  1860,  1.  Mil,  p.  246,  pi.  5,  fig.  9). 

—  Du  Pleurobranche  orangé  :  voy.  Lacaze-Dulhiers,  Histoire  anatomique  et  physiologique  du 
Pleurobranche   {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,   1859,  t.  XI,  p.  365,  pi.  lOd,  fig.  0). 

(6)  Par  exemple,  chez  l'Hélix  pomatia  :  voy.  Kollikcr,  Die  Bildung  der  Samenfàden,  pi.  i ,  fig.  3. 
—  Wagner  et  Leuckart,  Op.  cit.  (Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  IV,  p.  486,  fig.  357).; — 
ilandl,  Anatomie  microscopique,  2'  série,  pi.  iù,  fig.  14. 

—  Le  Limnée  des  étangs  :  voy.  Wagner,  Fragmente  fiur  Physiol.  der  Zeugung,  pi.  3.  fig.  26. 

(c)  Gratiolei,  Observations  sur  les  Zoospermes  des  Hélices  {Journal  de  conchyliologie,  1850, 
t.  I,  p.  116,  pi.  9). 

(d)  Exemples  :  les  Spermatozoïdes  du  Cyclas  cornea,  observés  par  M.  W^agner  (Entdeckung 
mânniicher  Cischlcchlstheile  bei  den  Actinien,  in  Wiegmann's  Archiv  fur  Nalurgeschichie, 
1835,  pi.  3,  fig.  S  ;  —  Fragmente  zur  Physiol.  der  Zeuqiing,  pi.  3,  fig.  28). 

—  De  l'Anodonte  :  voy  Siebold,  Fernere  Beobachtung  ûber  die  SpermatOioen  der  u'irbellosen 
Thiere  (Mtiller's  Archiv  fiir  Anat.  und  Physiol.,  1837,  pi.  20,  fig.  14) 

—  Delà  Clavagelle  et  du  Taret  :   voy.  Kôllikor,  Die  Bildung,  etc.,  pi.  2,  fig.  29. 

—  Du  Taret:  voy.  Kolliker,  Op,  cit.,  pi.  2,  fig.  28  ;  —  Lacaze,  Mcm.  sur  le  genre  Taret 
(Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1849,  t.  XI,  pi.  9,  fig.  34). 

- —  De  l'Huître,  de  la  Moule  commu:;e,  de  VUnio,  de  la  ïrigonelle,  du  Pecten,  des  Bucardes,  du 
Spondyle,  de  l'Anomie,  du  Dentale,  etc.,  figurés  (lar  Lacaze- Dulbiers  (/!cc/iC7'ches  «ur  les  organes 
génitaux  des  Acéphales  lamellibranches,  dans  Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1854,  t.  H,  pi.  6 
à  9;  — •  Mcm.  sur  l'organisation  de  l'Anomie,  loc.  cit.,  pi.  2,  fig,  7  ;  —  Histoire  de  l'organisalion 
et  du  développement  du  Dentale,  dans  Ann.  des  science^:  nat.,  4*  série,  1856,  t.  VII,  pi.  7, 
lig.  8). 

(e)  KôHiker,  Die  Bildung,  pi.  3,  fig.  53. 
(/■)  Idem,  ibid.,  pi.  3,  fig.  54  et  suiv. 

(gi  Nordmann,  Becherches  microscopiques  sur  l'anatomie  et  le  developpemenl  du  Tendra  zosle- 
ricola  (Demidofî,  Voyage  en  Crimée,  1.  ill,  p.  668,  Polypes,  pi.  2,  fig.  6). 

{h)  Kolliker,  Beitrage,  pi.  2,  fig.  17. 

(i)  Van  Beneden,  Recherches  sur  les  Bryox^oaires,  pi.  8,  fig.  4  o  [Mém  de  l'Acad.  de  Bruxelles, 
t.  XVIII). 

(i)  Allman,  A  Monograph  of  tlie  frcsh  tvater  Poly^oa,  pi.  1 1 ,  fig.  25  (Bay  Society,  1856). 

{k)  Dumorljor  et  Van  Bencdcii ,  Uistoic-e  nalurelle  des  Polypes  composés  d'un  atome,  pi.  5, 
|i?.  i, 


3/|G  UEPIIOULCTION. 

spcrraaiozouics  ticLilarités  cjuc  nous  présente  le  sperme  de  qiiel([ues  Insectes 
'''ariïc~''  dépendent  du  mode  de  groupement  des  Spermatozoïdes  plutôt 
que  de  la  conformation  de  ces  corps  (1)  ;  mais  chez  la  plu- 
pqrt  des  Crustacés  et  des  Arachnides  ils  paraissent  être  rem- 
placés par  des  vésicules  qui  ont  souvent  une  structure  fort 
singulière,  et  qui  sont  probablement  des  spermatophores  ou  des 
organites  producteurs  des  Spermatozoïdes  plutôt  que  les  ana- 
logues de  ces  derniers  corpuscules.  Chez  les  Crabes  et  les 
Homards,  par  exemple,  la  liqueur  séminale  est  remplie  de 
vésicules  garnies  d'appendices  radiaires  qui  n'exécutent  aucun 
mouvement  spontané  (2)  ;  mais  chez  d'autres Podophthalmaires, 
les  Mysis,  par  exemple,  des  Spermatozoïdes  ordinaires  se 
développent  dans  l'intérieur  de  gaines  analogues  et  ne  tardent 

observés  par  Swammerdam  et  par  la  même  classe  les  Spermatozoïdes  soiU 
Necdham,  ont  été  pris  par  quelques  filiformes  et  repliés  en  boucle  avec 
naturalistes  modernes  pour  des  Vers  leurs  deux  extrémités  confondues  en- 
parasites.  Pour  plus  de  détails  sur  semble  [d]  et  il  est  à  noter  que  la  boucle 
leur  histoire,  je  renverrai  ù  lui  mé-  ainsi  formée  a  été  prise  quelquefois 
moire  que  j'ai  publié  sur  ce  sujet  il  pour  un  renflement  céphaloïde  (e). 
y  a  une  vingtaine  d'années  (a).  Il  est  aussi  a  remarquer  que  chez  quel- 

(1)  Ainsi,  chez  les  Sauterelles  et  les  ques  Insectes  les  Spermatozoïdes  sont 

Criquets,  les  Spermatozoïdes  sont  fixés  renfermés  dans  des  ampoules  qui  fon^ 

par     leur   extrémité  céphaloïde    sur  office  de  Spermatophores  :  par  exemple, 

une  sorte  de  ruban,  de  façon  à  consti-  ciiez  les  Grillons  (/"j. 

tuer  par  leur  assemblage  un  grand  fila-  (2)  Chez  le  Homard,  ces  corpuscules 

ment  barbu  latéralement  qui  ressemble  séminaux  se  composent  d'une  cellule 

il  une  plume  [h).  Il  en  est  de  même  ovalaire  ou  allongée,  renfermant  à  l'une 

chez  plusieurs  autres  Insectes  (c).  de  ses  extrémités  une  petite  vésicule 

Chez  beaucoup  d'autres  Animaux  de  ou  amas  de  matières  organiques  grisâ- 

(a)  Milno  Edwards,  Observations  sur  la  slruclure  et  les  fonctions  de  quelques  Zoophyles,  Mol- 
lusques et  Crustacés  des  cotes  de  la  France  {Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  d842,  t.  XVIII, 
p.331). 

(b)  Siebold,  Ueber  die  SpermatozoUcn  der  Locuslincn  {Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXI,  p.  251, 
|d.  14,  fig.  15). 

(c)  Par  exemple,  la  Cig'alc  (voy.  Diijardin,  Nouveau  Manuel  de  l'observateur  au  microscope, 
pi.  ll.fij.  18),  et  le  Sphodrus  terricota,  de  l'ordre  des  Coléoplères  (Op.  cit.,  fig-.  19). 

(d)  Hammerschmidt,  Ueber  die  Spermatozoen  der  Insecten  (Isis,  1838,  p.  358,  pi.  4). 

(e)  Siebold,  Ueber  die  Spermatox,oen  der  Crustaceen,  Insecten,  etc.  (Miiller's  Archiv  fiir  Anal, 
iind  Physiol.,  1830,  p.  3,  pi.  2). 

(/)  Lespés,  Mémoire  sur  les  Spermatophores  du  Grylius  campcsiris  {Ann.  des  sciences  nat., 
4»  série,  I.  lH,  p-  360  ;  t,  IV,  p.  241). 


FÉCONDATION.  î5/l7 

pas  à  devenir  libres  (1);  enfin,  chez  quelques  autres  Crustacés, 
la  liqueur  séminale  ne  diffère  en  rien  de  celle  des  Animaux 
des  autres  classes  (!2). 


très,  et  donnant  naissance,  par  cette 
même  extrémité,  à  trois  longs  appen- 
dices roides  etstyliformesqui  divergent- 
comme  des  rayons  (a).  Leur  confor- 
mation est  à  peu  près  la  même  chez  la 
Galatée  (6)  ;  mais  cliez  l'Écrevisse  (c) , 
ainsi  que  chez  la  plupart  des  Décapo- 
des brachyurcs,  leur  portion  centrale 
est  constituée  par  une  vésicule  sphé- 
rîque  ou  lenticulaire  dont  partent  en 
rayonnant  deux  ou  plusieurs  petits 
appendices  styliformes  (d).  Chez  d'au- 
tres Crustacés  du  même  groupe,  la 
forme  de  ces  corpuscules  est  intermé- 
diaire aux  deux  types  dont  je  viens 
déparier  (e). 

Chez  les  Pagures,  ils  ont  d'abord  une 
forme  analogue  à  celle  qui  se  rencontre 
chez  les  Crabes  (/")  ;  mais  ils  acquièrent 
en  se  développant  une  sorte  de  boyau 
très-allongé  qui  fait  saillie  entre  la  base 
de  la  couronne  radiaire  (g). 


(1)  On  sait,  par  les  observations  de 
MM.  Frey  et  Leuckart,  que  chez  les 
Mysis  le  sperme  renferme  d'abord  des 
capsules  qui  ne  paraissent  difiércr  des 
corpuscules  séminaux  dont  il  vient 
d'être  question  que  par  l'absence  de 
rayons;  qu'ensuite  des  Spermatozoïdes 
filiformes  se  développent  dans  l'inté- 
rieur de  ces  capsules,  et  qu'enfin  ces 
Spermatozoïdes  en  sortent  pour  deve- 
nir libres,  état  dans  lequel  leur  forme 
ne  présente  rien  d'anormal  (li).  Chez 
quelques  Crustacés  inférieurs ,  la  li- 
queur séminale  est  logée  dans  des 
tubes  qui  font  fonction  de  Sperma- 
tophores,  et  qui  ont  quelque  analogie 
avec  ceux  des  Céphalopodes,  sans 
avoir  une  structure  si  complexe.  Ces 
corps  ont  été  observés  chez  les  Cy- 
clopes  («■). 

(2)  Chez  les  Crustacés  édriophthal- 
mes,    la    liqueur   séminale  renferme 


(a)  Valenlin,  Repertorium  fur  ISSS,  p.  188. 

—  Kôlliker,  Beitrdge  %ur  Kenntnissder  Geschlechtsverliâltnisse,  pi.  3,  fig-.  23.  —  Observ. 
pour  servir  à  l'histoire  des  organes  sexuels  et  du  liquide  séminal  des  Crustacés,  etc.  {Ann.  des 
sciences  nat.,  2'  série,  t.  XIX,  p.  335,  pi.  9B,  ûg.  3). 

—  Goodsir,  Anatomical  and  Pathological  Observations,  pi.  5,  fiçf.  19. 
(6)  Kôlliker,  Op.  cit.  (Annales,  t.  XIX,  pi.  9  B,  fig.  2). 

(c)  Henle,  Ueber  die  Gattung  Branchiobdella  (Miiller's  Archiv  fur  Anal,  und  Physiol,  1835, 
pi.  14,  fig.  12). 

—  Siebold,  Ueber  die  Spermatozoen ,  etc.  (Miiller's  Archiv  fiir  Anat.  und  Physiol,  1836, 
pi.  3,  fig.  24;. 

—  Mandl,  Anatomie  microscopique,  2*  série,  pi.  10,  fig.  13. 

(d)  Par  exemple,  chez  le  Tourteau  {Cancer  pagurus):  voy.  Kôlliker,  Op.  cit.  (inn.  des  sciences 
naf.,  t.  XIX,  pi.  9B,  fig.  7). 

—  Le  Carcinus  mcenas  :  Voy.  Kôlliker,  loc.  cit.,  fig.  4; 

—  Le  Stenorhynchus phalangiwn  :  voy.  Kôlliker,  loc.  cit.,  fig.  0. 

—  VHyas  aranea  :  voy.  Kôlliker,  loc.  cit.,  fig.  5. 

—  Le  Maia  squinado  :  voy.  Kôlliker,  Die  Bildung  derSamenfdden,  pi.  3,  fig.  38, 

—  La  Dromia  Rumphii  :  voy.  Kôlliker,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  4.6. 

(e)  Kôlliker,  Beitrdge,  Ueber  die  Bildu7ig  der  Samenfdden,  pi.  3,  fig.  50. 
(/■)  KôUilier,  Beitrdge,  pi.  2,  fig.  21. 

(g)  Kôlliker,  Die  Bildung  der  Samenfdden.  pi.  3,  fig.  36  et  37. 

(h)  Frey  et  Leuckart,  Beitrdge  zur  Kenntniss  wirbelloser  Thiere,  1847,  pi.  10,  fig.  16. 
(i)  Siebold ,  Beitrdge  z-ur  Naturgeschichte  der  wirbellosen  Thiere,   1839,  p.   36,  pi.   2, 
fi?'.  41,  405. 


3/l5  RKPHODUCTION. 

Dans  la  classe  des  Arachnides,  la  liqueur  séminale  présente 
des  anomalies  analogues  à  celles  que  les  Crustacés  viennent 
de  nous  offrir.  Chez  les  Scorpions,  on  y  voit  des  Spermato- 
zoïdes ordinaires  (1);  mais,  chez  les  Aranéides,  ce  liquide  ne 
contient  que  des  capsules  comparables  à  celles  des  Crabes, 
quoique  dépourvues  de  rayons,  et  les  corpuscules  filiformes 
que  l'on  a  vus  se  développer  dans  l'intérieur  de  ces  cellules 
chez  quelques  Araignées  n'ont  présenté  ni  appendice  caudal, 
ni  mouvements  spontanés;  du  reste,  leur  histoire  réclame  de 
nouvelles  études  (2). 

L'existence  de  Spermatozoïdes  a  été  constatée  aussi  chez 

des  Spermatozoïdes  dont  la  conforma-  ayant  l'apparence  d'un  Spermatozoïde 
tlon  ne  présente  rien  d'important  à  qui  serait  dépourvu  d'un  appendice 
noter  (a) ,  mais  ils  ne  paraissent  pas  caudal  et  ne  serait  pas  mobile  {d).  Pour 
jouir  de  la  faculté  de  se  mouvoir  plus  de  détails  au  sujet  des  capsules 
spontanément.  spermatiques  des  Arachnides,  je  ren- 
diez les  Balanes,  on  a  trouvé  des  verrai  à  l'article  Semen  publié  par 
capsules  spermatiques  fusiformes  à  MM.  Wagner  et  Leuckart  dans  le 
deux  rayons,  qui  paraissent  être  assez  Cyclopœdia  of  Anatomy  and  Physio- 
semblables  à  celles  des  Crustacés  dé-  logy  de  M.  Todd. 
capodes  (6),  Chez  les  Myriapodes  chilopodes,  les 

(1)  Ces  Zoospermes  sont  filiformes  capsules  spermatiques  ont  aussi  la 
et  graduellement  atténués  d'avant  en  forme  de  petites  cellules  membra- 
arrière  (c).  neuses  dans  lesquelles  se   développe 

(2)  Chez  les  Épéires,  le  sperme  con-  tantôt  un  disque  conique  (e),  tantôt 
tient  des  cellules  sphériqiies  renfer-  deux  corpuscules  analogues  (/")  ;  chez 
mant  chacun  un  noyau  qui  se  trans-  les  Ghilognathes,  ils  consistent  en  fila- 
forme  en  un  corpuscule  cylindrique  ments  capillaires  enroulés  en  cercle  (g^). 


(a)  Par  exemple,  chez  la  Crevetle  des  ruisseaux,  ou  Gammarus  pulex  :  voy.  Wagner  et  Leuckarl, 
art.  Semen  (Toiid's  Cyclop.  ofAnat.  and  Physiol.,  t.  IV,  p.  495,  fig.  384). 

—  Chez  VHyperia  Medusarum  :  voy.  Kolliker,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1843,  t.  XIX, 
pl.  9  B,  lis-.  9). 

(b)  Kolliker,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1843,  t.  XIX,  pl.  9  B,  fig.  10). 

(c)  KôMiker,  Die  Bildimg  der  Samenfàdea,  pl.  2,  fig.  16. 

(dj  Voyez  Todd's  Cyclopœdia  of  Anatomy,  t.  IV,  p.  491,  fig.  374. 

(e)  Par  exemple,  chez  l'Iule  terrestre  :  voy.  Wagner  et  Leuckart,  art.   Semen  (Tode's  Cyclopœdia 
ol  Anat.  and  t'hysiol.,  t.  IV,  p   492,  fig.  376  et  377). 

(f)  l'ar  exemple,  chez  VIulus  fabulosus  :  voy.  Wagner  et  Leuckart,  loc.  cit.,  p.  493,  fig.  378. 
{g)  Par  exemple,  chez  la  Lilhobic  :  voy.  Slein,  Ueber  die  Geschlechtsverhaltnisse  der  Myriopo- 

deii,  etc.  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1842,  pl.  13,  fig.  19). 

—  Chez  les  Géophiles  :  voy.  Stein,  loc.  cit.,  pl.  14,  fig.  33. 


FÉCONDATION.  3^9 

beaucoup  de  Vers  (1),  ainsi  que  chez  un  grand  nombre  de  spermatozoïdes 
Zoophytes,(2),  et  dans  ces  groupes  inférieurs  du  Règne  animal  ils  <!««  zoophyics. 

(1)  Chez  les  Annélides,  lesSperma-  (2)  Les  Spermatozoïdes  des  Coral- 

lozoïdes  ont  en  général  un  renflement  llaires  et  des  Échinodermes  sont  pour- 

Céphaloïdebien  distinct,  quoique  cylin-  vus  d'un  renflement  céplialoïde  assez 

drique  et  peu  élargi  (a);  quelquefois  gros,  bien  distinct  du  filament  caudal, 

ils  se  contournent  en  hélice  d'une  ma-  et  en  général  ovalaire  (g) ,  mais  quel- 

nière  très-remarquable  (b).    Chez  les  quefois  globuleux  (h). 

Glepsines  et  les  Néphélis,  ils  sont  cou-  La    conformation  des    corpuscules 

tenus  dans  des  spermaiophorcs  (c).  séminaux  est  à  peu  près  la  même  chez 

Chez  les  Nemertiens  surtout,  leur  les  Médusaires  (î)  ;  il  est  cependant  à 
portion  céphaloïde  est  subovalaire,  noter  que  quelquefois  leur  portion 
mais  peu  élargie  et  allongée  (d),  d'au-  céphaloïde  est  cylindrique  et  très- 
très  fois  piriforrae  (e).  élargie,  par  exemple  chez  la  Cassiopée 

Chez  la   Planaire   verruqueuse,  les  bourbonienne  (j). 

Spermatozoïdes    sont  filiformes,  très-  Enfin  on  en  a   constaté  l'existence 

allongés  et   sans    renflement  cépha-  chez  les Spongilles(A;),  les  Téthyes(/)- 
loïde  distinct  (/"). 

(a)  Parexemple,  chez  le  Lombric  terrestre  :  voy.  Kôlliker,  Die Bildung  der  Samenfâden,  pi.  2,|fit,'.17. 

—  Les  Polyophlhalmiens  :  voy.  Qualrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Polyophthalmiens  (Ann, 
des  sciences  nat.,  3*  série,  i850,  t.  XIII,  pi.  2,  tvg.  13). 

—  Les  Hermelies  :  -voy.  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Hermelliens  (Ann.  des  sciences 
nat.,  3-  série,  i848,  t.  X,  p).  3,  fig.  2). 

— •  LcsSyllis:  voy.  Keferstein,  Untersucliungen  Hier  niedere  Seethiere  [Zeitschr.  fur  wissensch. 
Zool.,  t.  xil,  pi.  9,  fig.  ii). 

{b)  Kôlliker,  Beitrâge  %ur  Kenntniss  der  Geschlechtsverhàllnisse  und  der  Samenflilssigkeit 
wirbelloserThiere,  i8il,i>\.  2,  fig'.  16. 

(c)  Fr.  Millier,  Ueber  die  Geschlechtstheile  von  Clepsine  und  Nephelis  (Miiller's  Archiv  fur  Anat. 
und  PhysioL,  1846,  p.  138,  pi.  8,  ûg.  11-13]. 

—  Robin,  Mémoire  sur  les  Spermatophorss  de  quelques  Hirudinées  [Ann.  des  sciences  nat., 
4*  série,  1861 ,  t.  XVII,  p.  5,  pi.  2). 

(d)  Par  exemple,  chez  le  Nemertes  Khronii  et  le  N.  Epponbergii  :  voy.  Kôlliker,  Die  Bildung  der 
Samenfâden,  pi.  3,fi^.  51  et  52. 

—  Le  Borlasia  balmea  :  voy.  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  des  Nemertiens  {Ann.  des 
sciences  nat.,  3*  série,  1846,  t.  VI,  pi.  9,  fig.  6). 

(e)  Par  exemple,  chez  la  Polia  humilisel]aP.baculus:\oy.Quatre{agesloc.  cit.,  pi.  11,  fig.  5  et  6. 
if)  Kôlliker,  Op    cit.,  pi.  3,  fig.  59. 

(g)  Exemples  :  les  Spermatozoïdes  de  diverses  espèces  d'Actinies  :  voy.  Kôlliker,  Beitrâge,  pi.  1 , 
fig.  1,  2  et  3. 

—  Ceux  de  VEchinus  saxatilis  :  voy.  Kôlliker,  Op.  cit.,  pi.  1 ,  fig.  i. 

(h)  Par  exemple,  chez  les  Synaptes  :  voy.  Qiialrefages,  Mém.  sur  la  Synapte  de  Duvernoy  (Ann. 
des  sciences  nat.,  2*  série,  1842,  t.  XVII,  pi.  5,  fig.  2). 

—  La  Comalule  de  la  Méditerranée  :  voy.  KôUiker,  Die  Bildutig  der  Samenfâden  in  Blâschen, 
pi.  2,  fig.  19. 

(i)  Par  exemple,  chez  les  Equorées  :  voy.  Milne  Edwards,  Observations  sur  la  structure,  etc., 
de  quelques  Zoophytes  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1841,  t.  XVI,  pi.  1,  fig.  1  d). 

—  Les  Chrysaores  :  voy.  Kôlliker,  Beitrâge,  pi.  1,  fig.  9. 

—  Les  Rhizostomes  :  voy.  Kôlliker,  Op.  cit.,  pi.  1 ,  fig.  8. 

—  Le  Polyclonia  frondosa  :  Agassiz,  Contributions  to  the  Natural  History  of  the  Uniled- 
States,  t.  m,  pi.  13  a,  fig.  23. 

(j)  Kôlliker,  Die  Bildung  der  Samenfâden,  pi.  2,  fig.  18. 

(fc)  Leberkiihn,  Zur  Entwickelungsgeschichte  der  Spongilen  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  unii 
Physiol,  1856,  p.  560,  pi.  15,  fig.  3i  ;  pi.  18,  fig.  17). 

(0  Huxley,  Zoological  Notes  and  Observations,  on  the  Anat.  ofihc  gênas  Tethva  (Ann.  ofNai. 
Hist.,  2*  série,  1851,  t.  VII,  j>,  370. 


350  REPRODUCTION. 

ne  présentent  aucune  particularilé  notable  dans  leur  mode  de 
conformation  ou  dans  leur  manière  d'être,  mais  ils  ressem- 
blent beaucoup  aux  corpuscules  urticants  qui  se  déve- 
loppent dans  certaines  parties  du  système  tégumentaire,  ou 
même  dans  des  organes  intérieurs,  chez  un  grand  nombre 
Mode      d'Acalèphes  et  de  Coralliaires,  et  au  premier  abord  il  est  facile 

de 

développement  dc  les  confoudrc  avec  ces  organiles  (l). 

des 

spermatozoaires     Dans  CCS  dcmiers  temps,  le  mode  de  développement  des 
Spermatozoïdes  a  été  étudié  avec  beaucoup  de  soin  par  plu- 
sieurs physiologistes,  mais  principalement  par  M.  Kolliker(2). 
Ces  corpuscules  se  constituent   dans  l'intérieur  de  petites 

(1)  Les  corpuscules  qui  constituent  cellules  ou  vésicules  membraneuses 
les  cordons  filiformes  éjaculés  par  di-  paraît  avoir  été  annoncé  à  la  Société 
verses  Actinies,  et  qui  ont  été  décrits  des  sciences  naturelles  en  1835  ,  par 
d'abord  par  M.  Wagner  comme  étant  Pelletier  (d)  ;  mais  celte  communica- 
des  Spermatozoïdes  (a),  ne  sont  autre  tion  ne  donna  alors  lieu  à  aucune  pu- 
chose  que  des  nématocystes  ou  cap-  blication(e),  et  M.  Wagner  fut  le  pre- 
sules  sétifères  urticantes.  Les  vérita-  mier  à  consigner  dans  les  annales 
blés  Spermatozoïdes  des  Actinies  ont  de  la  science  des  observations  à  ce 
été  observés  plus  tard  par  M.  Kôl-  sujet  (f).  L'étude  du  mode  de  forma- 
liker  (6).  On  connaît  également  ceux  tion  de  ces  corpuscules  spermatiques 
de  plusieurs  autres  Coralliaires  (c).  fut  ensuite  portée  beaucoup  plus  loin 

(2)  Le  fait  du  développement  des  par  M.  Kôlliker,  et  elle  a  donné  lieu  à 
Spermatozoïdes  dans   l'intérieur   des  plusieurs  autres  publications  (g). 

(a)  R.  Wagner,    Entdeckung    mânnlichei'  Geschlechlslhdle  bel  den   Aclinien  (Wicgraann's 
Archiv  fur  Naturgeschichte,  1835,  t.  II,  p.  215,  pi.  3,  fig-.  7). 
(6)  Ktilliker,  Beitrage,  pi.  1,  fig.  13. 

(c)  Par  exemple,  du  Cériantlie:  voy.  J.  Haime,  Mémoire  sur  le  Cérianthe  (Ann.  des  sciences 
nat.,  -i'  série,  1854,  t.  I,  p.  377,  pi.  8,  fig.  5). 

—  Du  Corail:  voy.  Lacaze-Duthiers,  Histoire  naturelle  du  Corail,  pi.  9,  fig.  4!2. 

(d)  Voyez  Pelletier,  Sur  l'origine  et  le  développement  des  ^oospermes  de  la  Grenouille  (l'Insti- 
tut, 1838,  p.  132).  —  Observations  sur  le  mode  de  formation  et  le  développement  des  Zoo- 
spermes chez  les  Batraciens  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1840,  t.  XI,  p.  816). 

(«)  Voyez  le  Bulletin  de  la  Société  des  sciences  naturelles  de  France,  in-4,  n"  1  à  3. 

(/■)  Rud.  Wagner,  Die  Gcnesis  der  Samenttiierchen  (Mùller's  Archiv  fur  Anut.  und  PhysioL, 
1836,  p.  225,  pi.  9).  —  Fragmente  x,ur  Physiologie  der  Zeugung.  —  Ueber  die  Spermatozoen 
(Wiegmann's  Archiv  fur  Naturgeschichte,  1839,  p,  40,  pi.  2). 

(g)  Kôlliker,  Die  Bildung  der  Samenfdden  in  Bldschen,  1846  (Neve  Denkschriften  der 
Allgem.  Schweitzerischen  Gesellschaft  fur  gesammte  Naturivissenschaften,  t.  VIII). 

—  W.  Bin-nett,  Researches  xipon  the  Ongin,  Mode  of  Development  and  Nature  of  the Spermalic 
Particles  among  the  four  classes  of  Yerlebrated  Animais  {Mem.  of  the  American  Acad.,  new 
séries,  vol.  V). 

—  D.  Martine,  Obnervations  sur  le  développement  des  Spermatozoïdes  des  Raies  et  des  Tor- 
pilles (Ann.  des  sciences  nat.,  1846,  3'  série  t.  V,  p.  171. 

—  Lallemand,  Observations  sur  le  développement  des  Zoospermes  de  la  Raie  {Ann.  des  sciences 
nat.,  2-  série,  1841,  t.  XV,  p.  247). 


FÉCONDATION.  354 

cellules  ou  utricules  membraneuses  spliérif(ues,  et  ces  cel- 
lules naissent  en  nombre  plus  ou  moins  considérable  dans 
l'intérieur  d'une  cellule  commune.  Les  parois  de  ces  cellules  se 
détruisent  spontanément  lorsque  leur  rôle  physiologique  est 
accompli,  et  suivant  que  la  disparition  desntricules  secondaires 
ou  internes  a  lieu  avant  ou  après  celle  des  parois  de  la  cellule 
mère,  ou  cellule  enveloppante  commune,  la  disposition  des 
Spermatozoïdes  varie.  Lorsque  la  cellule  mère  cesse  d'exister 
avant  que  les  cellules  secondaires  soient  mûres,  celles-ci  de- 
viennent libres,  et,  comme  chacune  d'elles  produit  dans  son 
intérieur  un  Spermatozoïde,  ces  corpuscules  séminaux  naissent 
isolément  dans  le  liquide  qui  les  renferme.  Mais  dans  le  cas 
contraire,  c'est-à-dire  quand  les  parois  des  utricules  secon- 
daires se  détruisent  avant  que  la  cellule  commune  ait  cessé 
de  la  tenir  emprisonnée,  les  Spermatozoïdes  se  trouvent  réunis 
en  nombre  considérable  dans  un  réceptacle  commun,  et  sou- 
vent ils  s'y  disposent  en  faisceau  ou  d'une  manière  radiaire 
autour  d'une  masse  albuminoïde  centrale.  Or,  quand  il  en  est 
ainsi,  il  arrive  fréquemment  (jue  la  cellule  mère  ou  cellule 
commune  se  détruit  à  son  tour  avant  la  désassociation  du 
groupe  ainsi  constitué,  et  que  par  conséquent  les  Spermato- 
zoïdes, quand  ils  viennent  à  être  mis  à  nu,  se  montrent  d'abord 
sous  la  forme  de  paquets  plus  ou  moins  gros;  mais  bientôt  ils 
se  séparent  entre  eux  et  deviennent  libres  tout  comme  ceux 
qui  sont  nés  isolément  (1).  Le  premier  de  ces  modes  de  forma- 
tion se  rencontre  chez  la  plupart  des  Mammifères  (2),  ainsi  que 

(1)  Chez  le  Pinson  (Fringilla  cœ-  rieure  ou  caudale  de  ces  corpuscules 
lebs),  par  exemple, les  Spermatozoïdes  est  déjà  dégagée  et  libre;  ils  forment 
sont  réunis  parallèlement  en  un  fais-  ainsi  une  sorte  de  pinceau  («). 
ceau  très-long  dont  la  portion  anlé-  (2)  Ce  mode  de  développement  des 
rieure  reste  engagée  dans  la  capsule  Spermatozoïdes  a  été  étudié  plus  parti- 
commune,  lorsque  la  portion  posté-  culièreraent  chez  le  Lapin  (&). 

(a)  Woynz  Wagner,  Icônes  physiologicœ,  ri\,  i,  Rg.  i-, 

(b)  Kôllikcr,  Die  Bijdunrj  der  Samenfdden,  pi,  l,  fig.  11, 


352  REPRODUCTION. 

chez  beaucoup  d'autres  Animaux  ;  le  second  a  été  observé  chez 
un  grand  nombre  d'Oiseaux,  de  Batraciens,  de  Poissons  carti- 
lagineux, de  Mollusques,  d'Insectes  et  de  Vers. 

Le  microscope  ne  nous  a  permis  jusqu'ici  de  rien  découvrir 
touchant  la  structure  intérieure  des  Spermatozoïdes;  leur  sub- 
stance constitutive  paraît  être  amorphe  (1);  mais,  comme  je 
l'ai  déjà  dit,  ces  singuliers  corpuscules  jouissent  de  propriétés 
physiologiques  très-remarquables.  Ainsi ,  ils  exécutent  des 
mouvements  qui  paraissent  être  volontaires ,  ils  nagent  avec 
une  grande  agilité  en  battant  l'eau  avec  leur  longue  queue,  et, 
pour  peu  que  l'on  observe  leurs  allures,  on  ne  saurait  douter 
de  leur  vitaHté.  Ils  ressemblent  beaucoup  à  des  Animaux  ver- 
miformes  qui  seraient  d'une  petitesse  extrême,  et  les  anciens 
micrographes  les  désignaient  sous  les  noms  à' Animalcules 
spermatiques  ou  de  Spermatozoaires .  Quelques  auteurs  les 
considèrent  comme  des  parasites  comparables  aux  Vers  intes- 
tinaux, et  leur  ont  assigné  une  place  dans  les  cadres  zoolo- 
giques (2);  mais  ils  ne  sont  en  réalité  que  des  produits  de 
l'organisme  assez  analogues  aux  cils  vibratiles  des  membranes 
muqueuses  dont  j'ai  déjà  eu  plus  d'une  fois  à  parler.  Ils  ne 
périssent  d'ordinaire  que  plus  ou  moins  longtemps  après  qu'ils 

(1)  Plusieurs  observateurs  ont  cru  (2)  Ilill  fut  le  premier  à   assigner 

avoir  découvert  dans  l'intérieur  de  cer-  aux  Spermatozoïdes  une  place  précise 

tains  Spermatozoïdes  des  organes  dis-  dans  la  classification  du  règne  animal  : 

tincts,  par  exemple  un  tube  intestinal  ;  il  les  rangea,  avec  les  Vorticelles,  dans 

mais  les  apparences  très-vagues  dont  son  genre  Macrocerum  (6)  ;  d'autres 

ils  arguent  ne  peuvent  être  interprétées  zoologistes  les  ont  considérés  comme 

delà  sorte  (a).  très-voisins  des  Cercariés  (c). 

(a)  Valentin,  Ueber  die  Spennatozoen  des  Bdren  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XIX,  p.  239, 
pi.  24). 

—  Ehrenberg,  Itifusionsthierclien ,  p.  465. 

—  Henle,  Ueber  die  Gattung  Branchiobdella  (Mùller's  Archiv  fiir  Anat.  und  PhysioL,  ISHTi, 
p.  574). 

Ib)  Hill,  Hislonj  of  Animais,  1752. 

(f)  Pallas,  Elenchus  Zoophytorum,  1766,  p.  416. 

—  0.  F.  Millier,  Vermiuin  terrestrium  et  lluvialiliiim  hisloria,  1773,  l.  1,  p.  65. 

—  Bory  Saint-Vincent,  art.  Zoospiïrmes  (Dictioun.  classique  d'hisl,  ml-,  t.  XVI,  p.  7o'2), 

—  Ciivicr,  ncgnc  animal,  3*  cdil.,  1838,  t.  lU,  p.  336, 


FÉCONDATION.  353 

ont  qiiiUé  l'ôtrc  qui  les  îi  formés,  et  les  conditions  les  plus 
favorables  à  la  prolongation  de  leur  existence  varient  suivant 
les  espèces  auxquelles  ils  appartiennent  et  les  circonstances 
dans  lesquelles  la  Nature  les  destine  à  vivre  (1).  Ainsi  ceux  de 
beaucoup  d'Animaux  marins  périssent  promptement  dans  l'eau 
douce,  tandis  qu'ils  paraissent  se  plaire  dans  l'eau  salée,  et 
pour  ceux  de  certains  Animaux  qui  fréquentent  les  eaux  douces, 
une  dissolution  de  chlorure  de  sodium  peu  concentrée  agit 
comme  un  poison  (2).  En  général,  ils  ne  vivent  que  quelques 
heures  quand  ils  sont  exposés  à  l'air  ou  répandus  dans  l'eau  ; 


(1)  La  mort  de  l'animal  qui  renferme 
dans  son  corps  les  Spermatozoïdes 
n'entraîne  pas  nécessairement  la  cessa- 
tion de  la  vie  de  ceux-ci ,  et  parfois  même 
ils  se  conservent  mieux  dans  le  cada- 
vre 011  dans  la  glande  séminale  extir- 
pée que  s'ils  avaient  été  mis  en  liberté  et 
abandonnés  à  eux-mêmes.  Ainsi, M.  de 
Quatrefages  a  trouvé  des  Spermatozoï- 
des vivants  dans  les  testicules  chez  des 
Brochets  morts  depuis  trois  jours  (a). 
Du  reste,  leur  force  de  résistance  varie 
beaucoup  suivant  les  Animaux  aux- 
quels ils  appartiennent.  Ainsi  les  Sper- 
matozoïdes des  Poissons  périssent  en 
général  très- promptement  après  leur 
sortie  de  l'organisme,  et  M.  de  Quatre- 
fages  ne  les  a  vus  vivre  que  quelques 
minutes ,  lors  même  qu'il  les  plaçait 
dans  les  conditions  les  plus  favora- 
bles :  environ  deux  minutes  pour 
ceux  de  la  Perche  et  du  Barbeau, 
trois  minutes  pour  ceux  de  la  Carpe, 
et  un  peu  plus  de  huit  minutes  pour 


ceux  du  Brochet  (6);  mais,  dans  une 
des  expériences  faites  par  M.  Wa- 
gner sur  la  laitance  d'une  Perche  con- 
servée dans  un  verre  sans  mélange 
d'eau  et  à  une  basse  température,  les 
Spermatozoïdes  étaient  encore  vivants 
au  bout  de  quatre  jours  (c).  Spallan- 
zani  a  trouvé  que  les  Spermatozoïdes 
du  Chien,  exposés  à  l'air,  ne  vivaient 
qu'environ  un  quart-d'heure,  tandis 
que  ceux  du  Cheval  ne  périssaient 
quelquefois  qu'au  bout  de  deux  heures, 
et  que  ceux  de  l'Homme  conservaient 
leurs  mouvements  pendant  sept  ou  huit 
heures  {d).  L'urine  normale,  le  mucus 
médiocrement  épais,  et  la  plupart  des 
autres  liquides  de  l'économie  animale 
qui  sont  faiblement  alcalins,  ne  leur 
sont  pas  nuisibles  (e). 

(2)  La  vitalité  des  Spermatozoïdes 
semble  ne  pouvoir  se  manifester  que 
lorsque  leur  substance  renferme  une 
certaine  quantité  d'eau,  quantité  qui 
serait  variable  suivant  les  espèces,  et 


(a)Quatrefages,  Recherches  sur  la  vitalité  des  Spermatozoïdes  de  quelques  Poissons  d'eau  douce 
[Ann.  des  sciences  nat.,  3*  série,  1853,  t.  XIX,  p.  350j. 

(b)  Qualrefages,  Op.  cit.,  p.  342. 

(c)  Wagner,  Traité  de  physiologie,  trad.  par  Haliels,  1841 ,  p.  26. 

(d)  Spallanzani,  Opuscules  de  physique,  t.  II,  p.  i87,  Hl,  "115,  e(c, 

(e)  Donné,  Cours  de  mirroscopie ,  p.  28f>. 


354 


REPRODUCTION.. 


mais,  ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt,  ils  conservent  parfois 
toute  leur  activité  pendant  plusieurs  mois,  lorsqu'ils  ont  été 
déposés  dans  les  organes  génitaux  de  la  femelle  (1).  L'étin- 
celle  électrique  les  tue  immédiatement  et  ils   ne   résistent 


rinfluence  de  Teau  plus  ou  moins 
chargée  de  sel  ou  d'autres  matières 
dont  Taction  chimique  n'est  pas  nota- 
ble sur  ces  corps,  paraît  dépendre 
principalement  des  phénomènes  osmo- 
tiques  que  ce  liquide  détermine.  Ainsi, 
la  dessiccation  rend  les  Spermatozoïdes 
immobiles,  mais  ne  les  tue  pas  tou- 
jours, et  dans  quelques  cas  il  suûit  de 
leur  donner  de  l'eau  pour  les  rendre  à 
toute  leur  activité.  L'action  de  l'eau, 
chargée  d'albumine ,  de  sucre ,  de 
gomme,  s'explique  de  la  même  ma- 
nière :  dans  une  dissolution  trop  con- 
centrée, les  Spermatozoïdes  abandon- 
nent une  portion  de  l'eau  qui  serait 
nécessaire  à  l'exercice  de  leurs  fonc- 
tions, et  lorsqu'ils  ont  été  rendus  im- 
mobiles de  la  sorte,  ils  peuvent  re- 
prendre leur  mobilité  par  l'addition 
d'une  certaine  quantité  d'eau  pure  [a). 
Pour  les  Spermatozoïdes  des  Animaux 
marins,  qui  sont  destinés  à  subir  le 
contact  de  l'eau  salée,  l'action  de  l'eaii 
douce  est  beaucoup  plus  nuisible  que 
pour  les  Spermatozoïdes  des  Animaux 
terrestres  ou  fluviatiles,  et  détermine 
souvent  leur  mort  instantanément. 
Aussi  les  Spermatozoïdes  des  Vers 
marins  du  genre  Hermelle  périssent 


instantanément  au  contact  de  l'eau 
douce  (6), 

(1)  Ainsi,  chez  les  Insectes,  les  Sper- 
matozoïdes déposés  dans  l'appareil 
sexuel  de  la  femelle  peuvent  y  rester 
vivants  des  semaines  et  même  des  mois 
entiers.  Il  en  est  de  même  pour  cer- 
tains Animaux  vertébrés,  la  Salaman- 
dre terrestre ,  par  exemple  (c).  Il  est 
aussi  à  noter  que  chez  quelques  Ani- 
maux le  développement  des  Sperma- 
tozoïdes ne  s'achève  qu'après  l'intro- 
duction de  ces  corpuscules  dans  l'ap- 
pareil génital  femelle  :  par  exemple, 
chez  les  Colimaçons  (d). 

La  température  exerce  beaucoup 
d'influence  sur  la  résistance  vitale  des 
Spermatozoïdes  qui  ont  été  expulsés 
au  dehors.  Ainsi  Spallanzani  a  vu  les 
Spermatozoïdes  de  l'Homme,  placés  du 
reste  dans  des  conditions  analogues, 
mourir  en  moins  d'un  quart  d'heure, 
à  la  température  de  2  à  3  degrés  au- 
dessus  de  zéro,  tandis  qu'ils  vécurent 
deux  heures  à  10  degrés,  trois  heures 
à  environ  14  degrés,  et  de  sept  à  huit 
heures  à  27  ou  28  degrés  (e).  M.  de 
Quatrefages  a  constaté  des  faits  du 
même  ordre  chez  les  Spermatozoïdes 
des  Poissons  (f). 


(a)  KôUiker,  Veber  die  VUalitât  und  die  Entivickclung  der  Samenfàdeii  (Verhandlungen  der 
Physiologischa  Math.  Gesetlschaft.,  1855,  t.  VI). 

(ft)  Quatrefages,  Reclierclies  expérimentales  sur  les  Spermatozoïdes  des  Ilermelles  et  des  Tarets 
[Ami.  des  sciences  nat.,  3'  série,  1850,  t.  XIII,  p.  112). 

(c)  Siebold,  Ueber  das  receptacxdum  seminis  der  weiblichen  Urudelcii  [Zeitschr.  fiir  wissensch. 
Zoologie,  1858,  t.  IX,  p.  463). 

(d)  Gratiolet,  JSote  sur  les  Zoospermes  des  Hélices  et  sur  les  métamorphoses  qu'ils  subissent 
dans  la  vésicule  copulatncc,  où  ils  ont  été  déposés  pendant  l'accouplement  {Journal  de  conchy  . 
Uologie,  1850,  t.  I,  p.  116  et  236). 

(ej  Spallanzani,  Op.  cil.,  l.  II,  p.  107. 

(/■)  Quatrefages,  Sur  la  vitalité  des  Spermato%oïdes  (Ann.  des  scien.  nat.,  3'  p.éne,  i.X\X, 
p.  347). 


FÉCONDATION.  355 

guère  mieux  à  l'action  de  beaucoup  de  matières  toxiques  (I).  Du 
reste,  la  faculté  d'exécuter  des  mouvements,  quoique  étant  en 
général  très-développée  chez  les  Spermatozoïdes  qui  sont 
parvenus  à  l'état  de  maturité,  n'existe  pas  chez  les  corpuscules 
séminaux  qui  paraissent  être  appelés  à  jouer  le  même  rôle  chez 
certains  Animaux  inférieurs. 

Considérés  par  quelques  naturalistes  comme  des  parasites       R^'c 

des 

comparables  aux  Yers  intcsiinaux,   et  comme  n'ayant  aucun  speimaiozoïHes 

^  dans 

rôle  à  remplir  dans  le  travail  de  la  reproduction  ('i),  les  Sper-  la  fécondation. 
matozoïdes  sont  regardés  par  la  plupart  des  physiologistes 
comme  des  agents  essentiels  de  la  fécondation,  et  quelques 
auteurs  ont   été  jusqu'à  supposer  qu'ils  étaient  des  ébauches 
d'embryons  destinés  à  se  développer  dans  l'intérieur  de  l'œuf 

(1)  MM.  Prévost  et  Dumas  ont  vu  rosif,  étendue  dans  20  millions  de  par- 
que l'étincelle  électrique  frappait  de  lies  d'eau  de  mer,  tue  les  Spermato- 
mort  tous  les  Spermatozoïdes  sur  zoïdes  du  Taret  en  moins  de  deux 
lesquels  portèrent  leurs  expériences  ;  heures  (c). 

mais  ils  n'ont  pas  obtenu  des  effets  (2)  Ainsi  Burdach,  dont  le  Traité      ^    ' 

analogues  en  employant  un  courant  de  Physiologie  a  joui  d'une  grande 

galvanique  (a).  vogue  en  France  aussi  bien  qu'en  Alle- 

Les   agents  chimiques  qui  coagu-  magne,  dit  formellement  que  les  Ani- 

lent  l'albumine,  ou  qui  modiflent  de  malcules  spermatiques  sont  des  Infu- 

quelque  autre  manière  la  substance  soires   qui  se    développent   dans  le 

constitutive   des    Spermatozoïdes,  les  sperme,  quand  ce  liquide  est  devenu 

tuent  plus  ou  moins  promptement.  En  très-décomposable  ;  qu'ils  n'ont  avec 

général,  les  dissolutions  alcalines  très-  l'organisme  souche  aucime  connexion 

faibles  ne  leur  nuisent  pas,  mais  ils  essentielle,   que  ce  n'est  pas  en  eux 

ne  résistent  que  peu  à  l'action   des  que  réside  la  faculté  procréatrice,  enfin 

acides,  et  certaines  matières  minérales  qu'ils  ne  sont  qu'un  effet  accessoire  et 

sont  pour   eux  des  poisons  violents,  un  phénomène  concomitant  de  cette 

même  à  très-faibles  doses (6).  Ainsi  une  faculté  (d).  Il  serait  difficile  d'accumu- 

partie  d'eau  saturée  de  sublimé  cor-  1er  plus  d'erreurs  en  si  peu  de  lignes. 

(a)  Prévost  et  Dumas,  Observations  relatives  à  l'appareil  générateur  des  Animaux  mâles  etc. 
[Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  1. 1,  p.  288). 

(6)  Kraemer,  Observ.  minos,  et  experim.  de  motu  Spermatozoonun  (Dissert,  inaug.}.  Galtin* 
gue,  1842. 

(c)  Quatrefages,  Sur  un  moyen  de  mettre  les  approvisionnements  de  bois  de  la  marine  à  Vabri 
de  la  piqiire  des  Tarets  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1848,  t.  XXVI,  p.  113j. 

—  Kdliiker,  Physiol.    studien  ûber  die  Samenflussigkeit  (Zeitschr.  fûv  wissensch.  Zool 
1836,  t.  VII,  p.  201).  '    '      "' 

(d)  Burdafh,  Traité  de  physiologie,  trad.  par  Jourdan,  1857,  t.  F,  p.  133  et  134. 


356  REPRODUCTION, 

et  à  devenir  ainsi  le  jeune  Anima],  dont  la  mère  serait  pour 
ainsi  dire  la  nourrice  seulement.  Il  me  paraîtrait  oiseux  de 
rappeler  ici  tout  ce  qui  a  été  imaginé  à  ce  sujet  dans  le  cours 
du  siècle  dernier,  lorsque  l'imperfection  des  microscopes  expo- 
sait les  observateurs  inhabiles  à  une  foule  d'erreurs  (1);  mais 
on  ne  s'est  pas  trompé  lorsqu'on  a  attribué  aux  Spermatozoïdes 
une  grande  importance,  et  les  expériences  rigoureuses  dont  la 
science  a  été  enrichie  plus  récemment  prouvent  que  c'est  en 
eux  que  réside  la  puissance  fécondante  de  la  liqueur  séminale. 
Notons  d'abord  que  chez  les  jeunes  Animaux  qui  ne  sont 
pas  encore  aptes  à  la  reproduction,  les  liquides  contenus  dans 
les  organes  génitaux  du  mâle  ne  renferment  pas  de  Sperma- 
tozoïdes, et  que  chez  les  Animaux  où  la  faculté  reproductrice 
ne  se  réveille  qu'à  une  certaine  saison  de  l'année,  ces  corpus- 
cules animés  n'existent,  ou  du  moins  ne  sont  complètement 
développés  qn'à  cette  même  époque,  et  manquent  ou  n'existent 
que  dans  un  état  d'imperfection  évident  pendant  le  reste  de 
l'année  (2).  On  sait  que  certains  Animaux  hybrides  sont  sté- 

(l)   On  cite  souvent,  à  ce  sujet,  qu'il  trouva  dans  les  ovaires  ainsi  que 

une  prétendue  observation  de  Dalem-  dans  d'autres  parties  (d)  et  il  considéra 

patins,  qui  aurait  vu  dans  la  liqueur  les  uns  et  les  autres  comme  étant  de 

séminale  un  Animalcule  se  dépouiller  ces   molécules    organiques   dont  j'ai 

de  son  enveloppe,  et  montrer  alors  très-  déjà  eu  à   parler  dans  la  précédente 

distinctement  la  forme  d'un  corps  hu-  Leçon  (e).  Needham   adopta  des  vues 

main  avec  tète,  bras,  jambes,  etc.  (a).  analogues,  et  considéra  les  Spermato- 

Mais  l'écrit  dans  lequel  cette  relation  zoïdes  comme  étant  le  résultat  de  la 

se  trouvait  (6)  paraît  n'avoir  été  qu'une  décomposition  du  sperme, 
plaisanterie  faite  par  François  de  Plan-  (2)  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  lorsque 

tade,  secrétaire  de  la  Société  royale  de  je  traiterai  de  la  reproduction  dans 

Montpellier  (c).   Bufïon  confondit  les  chacun  des    principaux   groupes  du 

Spermatozoïdes  avec  les  corpuscules  llègne  animal, 
agités  par  le  mouvement  brownien, 

(a)  Buffon,  Histoire  des  Animaux  {Œuvres,  édit.  de  Desmarest,  l.  XII,  p.  d63). 
(6)  Dalempatius,  Lettre  concernant  une  observation  microscopique  de  la  semence  qu'on  trouvé 
dans  la  Nouvelle  république  des  lettres,  i  699. 
le)  Portai,  Histoire  de  l'unatomie,  t.  IV,  p.  231. 
(d)  Buffon,  Histoire  des  Animaux,  p.  189  et  suiv. 
{e}  Voyez  ri-dessus,  page  247. 


FÉCONDATION.  357 

rilcs,  les  Mulets,  par  exemple,  et  le  microseope  a  souvent  permis 
de  constater  que  chez  ces  métis  inféconds  il  n'y  a  pas  de  Sper- 
matozoïdes (1).  Enfin,  dans  les  cas  où  la  vieillesse  amène 
l'impuissance,  ces  corpuscules  spermatiques  manquent  égale- 
ment (^2). 

Dans  diverses  expériences  sur  la  fécondation  artificielle,  on      pieuve» 

,  11-  '      •       1        I  1  tie  la  facullé 

a  constate  que  la  liqueur  semmale  dans  laquelle  les  Spermato-  fécondame 
zoïdes  avaient  été  tués,  soit  par  une  exposition  prolongée  à  spermatozoïdes. 
l'air,  soit  par  l'action  de  la  chaleur  ou  de  divers  agents  chimi- 
ques, était  sans  action  sur  les  œufs,  et  Spallanzani  a  trouvé  que 
la  filtration  de  ce  liquide  suffit  pour  produire  le  même  résultat. 
D'après  tous  ces  faits,  on  devait  être  très-porté  à  croire  que 
la  puissance  fécondante  du  sperme  était  liée  à  l'existence  et  à  la 
vitalité  des  Spermatozoïdes  dont  ce  hquide  est  chargé  ;  mais, 
pour  ohtenir  la  démonstration  de  ce  fait,  il  fallait  des  expé- 
riences comparatives,  et  celles-ci  n'ont  été  bien  instituées 
que  de  nos  jours.  On  les  doit  à  deux  savants  dont  j'ai  eu  sou- 
vent l'occasion  de  citer  les  travaux,  Prévost  (de  Genève),  et 
M.  Dumas,  qui,  avant  d'être  un  des  chimistes  les  plus  émi- 


(1)  L'absence    de   Spermatozoïdes  les  dimensions,  ni  la  forme  de  ceux 

dans  la  liqueur  séminale  des    Mulets  propres  à  l'une  ou  à  l'autre  des  espè- 

ordinaires  a  été  constatée  par  plusieurs  ces  citées  (6). 

naturalistes.  Dans  quelques  casexcep-  (2)  Dans  certains  cas  de  stérilité  du 

tionnels,    ces    métis   deviennent  fé-  mâle,  les  Spermatozoïdes  existent  en 

conds  (a).  petit  nombre  dans  la   liqueur  sémi- 

M.  Wagner  a  trouvé  quelques  Sper-  nale,  mais  n'atteignent  pas  leur  déve- 

matozoïdes  dans  la  liqueur  séminale  loppement  normal,  ainsi  que  j'ai  eu 

d'un  métis  de  Serin  et  de  Chardonne-  l'occasion  de  Pobser ver  chez  un  Coq  très- 

ret,  mais  ces  corpuscules  n'avaient  ni  vieux  et  inapte  à  la  reproduction  (c). 


(fl)  Hobenstreit,  Journal  encyclopédique,  17G3  (voy.  Bonnel.,  Cûnsidéralions  sur  les  corps 
oryanisés,  t.  H,  p.  211). 

—  Gleichen,  Dissertation  sur  la  génération,  p.  45. 

—  Prévost  et  Dumas,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  t.  F,  p.  184). 

—  Hausmann,  Ueber  den  Mangel  der  Samenthierclien  bei  Haustlueren,  lS4k 
(6)  Wagner,  Physiologie,  p.  38. 

(c)  Lallemand,  Observ.  sur  l'origine  et  le  mode  de  dévsloppanent  des  /^oosper.nes  {Ann.  des 
sciences  nat.,  3"  série,  1841,  t.  XV,  p.  43). 

viu.  25 


358  REPRODUCTION, 

nents  de  son  temps,  s'occupait  avec  un  succès  éclatant  d'études 
physiologiques. 

Dans  toutes  les  expériences  dont  je  viens  de  rendre  compte, 
de  même  que  dans  celles  où  les  Spermatozoïdes  avaient  été 
tués  par  un  choc  électrique,  on  ne  pouvait  pas  être  certain  que 
la  perte  de  la  puissance  fécondante  fût  occasionnée  par  la  mort 
de  ces  corps,  et  ne  tînt  pas  à  d'autres  modifications  déterminées 
dans  la  conshtulion  de  la  liqueur  séminale  par  les  agents  dont 
on  avait  fait  usage.  Dans  l'expérience  de  Spallanzani  sur  le 
sperme  étendu  d'eau  et  filtré,  on  pouvait  aussi  attribuer,  non 
à  l'absence  de  Spermatozoaires,  mais  à  l'altération  de  quelque 
autre  partie  de  la  liqueur  prolifique,  l'inaptitude  de  celle-ci  à 
féconder  les  œufs.  Pour  décider  la  question,  il  fallait  s'assurer 
qu'il  n'en  était  pas  ainsi,  et  cela  a  été  fait  par  MM.  Prévost 
et  Dumas  de  la  manière  suivante  : 

Une  certaine  quantité  de  sperme  de  Grenouille  convenable- 
ment étendu  d'eau  fut  jetée  sur  un  filtre  approprié  à  cet  usage  ; 
puis  le  liquide  qui  s'écoula  à  travers  le  papier,  et  qui  ne  ren- 
fermait pas  de  spermatozoïdes,  fut  mis  en  contact  avec  des  œufs 
non  fécondés;  d'autres  œufs  semblables  furent  alors  arrosés 
avec  le  résidu  resté  sur  le  filtre,  et  qui  consistait  essentielle- 
ment en  Spermatozoïdes.  Ces  derniers  œufs  donnèrent  bientôt 
des  indices  de  fécondation  et  se  développèrent  d'une  manière  nor- 
male, tandis  que  les  premiers  restèrent  stériles  et  ne  tardèrent 
pas  à  se  corrompre.  Ainsi  le  sperme  dépouillé  de  ses  Spermato- 
zoïdes avait  perdu  ses  propriétés  fécondantes,  et  les  Sperma- 
tozoïdes, séparés  mécaniquement  des  autres  parties  constitu- 
tives de  ce  liquide,  avaient  conservé  cette  faculté.  La  même 
expérience^  répétée  plusieurs  fois,  donna  toujours  les  mêmes 
résultats  (i).  Il  est  donc  évident  que  c'est  aux  Spermatozoaires 


(1)  MM.  Prévost  et  Dumas  varièrent      monstration,  et  toutes  leurs  expérîen- 
de  diverses  manières  ce  genre  de  dé-      ces,  dont  il  serait  trop  long  de  donner 


FÉCOMDATKIN.  359 

(jiic  le  inclange,  cY'sl-;i-(îiro  la  liqueur  spcrmaliquc,  doit  son 
pouvoir  fécondant. 

il  est  également  à  noler  que,  dans  tontes  ces  expériences  de 
fécondation  artificielle,  le  niicroscope  fit  découvrir  un  nombre 
plus  ou  moins  considérable  de  Spermatozoaires  fixés  sur  la 
surface  de  l'œuf  de  la  (grenouille  ou  pénétrant  dans  la  sub- 
stance albumineuse  dont  la  sphère  vitelline  est  entourée. 

§  3.  —  La  condition  de  toute  fécondation  paraît  être  en       lcs 
effet  le  contact  matériel  des  Spermatozoïdes  vivants  avec  l'œuf  ^''^pSeï * 
à  l'état  de  maturité.  Les  faits  nous  manquent  pour  décider  si  ce    '''"'^''®"^- 
sont  ces  singuliers  corps  eux-mêmes  qui  possèdent  la  propriété 
fécondante,  ou  s'ils  sont  seulement  les  agents  chargés  de  trans- 
porter jusque  sur  l'œuf  une  matière  fécondante  particulière  qui 
serait  distincte  de  leur  substance  constitutive.  Mais  pour  que  le 
mouvement  organisateur  qu'ils  impriment  à  l'œuf  soit  suffisant 
pour  déterminer  la  formation  d'un  Animal  nouveau,  une  quan- 
tité de  la  matière  fécondante  supérieure  à  celle  fournie  par  un 
de  ces  corps  paraîtrait  être  nécessaire.  Dans  les  expériences 
de  MM.  Prévost  et  Dumas,  on  trouva  toujours  plusieurs  Sper- 
matozoïdes sur  chaque  œuf  (i),  et,  dans  des  recherches  ana- 


ici  le  détail,  tendirent  à  prouver  que  et  plus  récemment  Newport  a  obtenu 

le  contact  direct  des  Spermatozoïdes  et  les  mêmes  résultats  en  se  servant  d'un 

de  Tœuf  est  la  condition  essentielle  de  filtre  (c). 

la  fécondation  de  celui-ci  (a).  En  18i0,  (1)  Ces  physiologistes  remarquèrent 

Prévost  répéta  avec  succès  cette  expé-  aussi  que  le  nombre  des  œufs  fécondés 

rience  en  séparant  les  parties  liquides  était  toujours  très-inférieur  à  celui  des 

et  solides  du  sperme  de  la  Grenouille  Spermatozoïdes  employés  {d).  M.  de 

au  moyen  d'une  action  osmotique  (6),  Quatrefages  a   obtenu   des    résultats 


(a)  Prévost  et  Dumas,  Second  Mémoire  sur  la  géiiéi'ation  {Aan.  des  sciences  nat.,  1821,  t.  II, 
p.  141- et  suiv.). 

(6)  Prévost,  Rechei'ches  sur  les  Aiiimalcules  spermatiques  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des 
sciences,  1840,  t.  XI,  p.  908). 

(c)  G.  Newport,  On  the  Imprégnation  of  the  Ovum  in  ihe  Amphibia  [Philos.  Trans.,  1850. 
p.  169). 

(d)  Prévost  et  Dumas,  deuxième  Mémoire  sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  nat.,  1824', 
t.  II,  p.  145  et  suiv  ). 


â60  .  REPRODUCTION. 

logiies  faites  plus  récemment  en  Angleterre  par  Newport,  on 
a  vu  que  le  travail  embryogcnique  avortait  toujours  dans  les 
œufs  qui  n'avaient  reçu  le  conctact  que  d'un  ou  de  deux  Sper- 
matozoïdes, tandis  qu'il  se  poursuivait  d'une  manière  normale 
là  où  la  dose  de  cette  matière  fécondante  avait  élé  notablement 
plus  forte. 

§  /i.  —  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  les  Spermatozoïdes  qui  se 
fixent  sur  la  surface  de  l'œuf  de  la  Grenouille  pénètrent  pro- 
fondément dans  la  couche  albumineuse  dont  la  sphère  vitellinc 
est  entourée,  et  on  les  a  vus  s'avancer  de  la  sorte  jusque  sur 
la  membrane  qui  limite  cette  sphère.  Cette  pénétration  des 
Spermatozoïdes  jusque  sur  le  globe  vitellin  paraît  être  même 
une  condition  de  fécondation  ;  car,  lorsque  les  œufs  des  Batra- 
ciens dont  il  est  ici  question  ont  été  préalablement  exposés 
à  l'action  de  l'eau,  de  façon  que  leur  albumen  se  trouve 
gontlé  par  l'absorption  de  ce  liquide,  les  Spermatozoïdes  ne 
peuvent  s'y  enfoncer,  et  alors  la  fécondation  ne  s'opère 
pas  (1). 

analogues  dans  les  expériences  sur  la  dant  que  cette  substance  gélatineuse 

fécondation  artificielle  des  œufs  de  di-  se  gonfle   est  l'agent  mécanique  qui 

vers  Annélides  (a).  détermine  la  pénétration  des  Sperma- 

Les  expériences  de  INewport  tendent  lozoïdes  jusque  sur   la  sphère  vitel- 

à  établir  que  les  premiers  phénomènes  line  (c).   Les   actions  osmotiques  qui 

dénotant  l'activité  embryogéniquc  se  s'établissent  entre  l'œuf  et  le  liquide 

manifestent  plus  proniptement  quand  ambiant  nous    expliquent    pourquoi, 

la  quantité  de  matière  fécondante  eni-  lorsque  ces  corps  sont  en  contact  avec 

ployée  a  été  considérable,  que  lorsque  du  sperme  très-concentré,  il  peut  arri- 

cette  quantité  est  très-faible  (6).  ver  qu'ils  ne  soient  pas  fécondés  ;  fait 

(1)  MM.  Prévost  et  Dumas  ont  con-  qui  a  été  remarqué  par  plusieurs 
staté  que  l'eau  absorbée  par  l'albu-  physiologistes  {cl).  En  effet,  si  le  cou- 
mine  de  l'œuf  de  la  Grenouille  pen-  rant   osmotique,    au   lieu  d'aller  de 

(a)  Quatrefages,  Expériences  sur  la  fécondation  artificielle  des  œufs  d'Hermelle  et  de  Taret 
(Ann.  des  sciences  nat.,  5°  série,  1850,  t.  XIII,  p.  128). 
(6)  Newport,  Op.  cit.  (Philos.  Trans.,  1850,  p.  210). 

(c)  Prévost  et  Dumas,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  f.  Il,  p.  129. 

(d)  Quatrefages,  Op.  cit.  (.\nn.  des  sciences  nat.,  3°  série,  185i ,  t.  XIII,  p.  131  et  suiv.). 

—  Newport,  On  Vie  Imprégnation  oftlxc  Ovuni  of  the  Amphibia,  second  séries  (Philos.  Trans., 
1853,  p.  253). 


FÉCONDATION.  301 

Des  phénomènes  analogues  ont  été  observés  chez  beaucoup 
d'autres  Aninfiaux.  Ainsi,  cliez  divers  Maninnifères,  on  a  vu  les 
Spermatozoïdes  logés  plus  ou  moins  profondément  dans  la 
couche  de  substance  albuminoïde  qui  entoure  la  sphère  vitel- 
line  (1),  et  plusieurs  observateurs  habiles  assurent  les  avoir 
suivis  plus  loin,  c'est-à-dire  au  delà  delà  membrane  vitelline 
et  jusque  dans  le  vitellus. 

Je  ne  parlerai  pas  ici  de  ce  qui  en  a  été  dit  par  quelques  Micropyie 
auteurs  du  siècle  dernier,  qui  se  lancèrent  dans  le  domaine  de 
la  fantaisie  (2)  ;  mais,  à  raison  de  l'importance  du  sujet,  je 
crois  devoir  entrer  dans  quelques  détails  relatifs  aux  faits 
annoncés  successivement  par  plusieurs  des  ovologistes  les  plus 
habiles  de  l'époque  actuelle.  M.  Martin  Barry  fut  le  pre- 
mier à  apercevoir  chez  le  Lapin,  dans  l'enveloppe  de  la  sphère 
vitelline,  une  petite  fente  qui  lui  parut  livrer  passage  aux  Sper- 
matozoïdes, et  il  annonça  également  avoir  constaté  la  présence 
de  ceux-ci  dans  l'intérieur  de  l'œuf  de  cet  Animal  (3).  Mais 
son  opinion  ne  rencontra  d'abord  que  des  incrédules,  et  elle 

dehors  en  dedans,  et  d'entraîner  ainsi  (3)  Les  premières  observations  de 
les  zoospermes  vers  l'intérieur  de  m.  Martin  Barry  sur  ce  sujet  datent 
l'œuf,  s'établit  de  celui-ci  dans  le  de  18^0.  A  cette  époque,  il  avait  re- 
liquide ambiant,  il  deviendra  un  ob-  marqué  seulement,  sur  la  surface  de 
stacle  pour  la  pénétration  des  Sper-  la  membrane  transparente  ou  zone 
matozoïdes.  pellucide  de  l'œuf  du  Lapin  non  encore 

(1)  Par  exemple  Andry,  qui ,  au  fécondé,  un  point  qui  lui  paraissait 
commencement  du  xviii«  siècle,  était  être:un  orifice,  et  dans  un  cas  il  avait 
doyen  de  la  Faculté  de  médecine  de  aperçu  dans  ce  même  point  un  objet 
Paris  (à).  qui  ressemblait  beaucoup  à  un  Sper- 

(2)  Pour  plus  de  détails  sur  l'his-  matozoïde^pénétrant'dans  l'intérieur 
torique  de  cette  question  ,  je  renverrai  ^le  l'œuf;  mais  il  ne'présenta  ces  ob- 
à  un  article  très-bien  fait  de  M,  Ed.  ser valions  qu'avec  beaucoup  de  ré- 
Claparède  (6).  serve.  En  18/j3,  le  même   physiolo- 

(a)  Andry,  De  la  génération  des  Vers  dans  le  corps  de  l'Homme,  4700.  —  Éclaircissements 
sur  le  livre  de  la  génération,  1709. 

(b)  Glaparède,  Sur  la  théorie  de  la  fécondation  de  l'œ^if  (Bibliothèque  universelle  de  Genève, 
Sciences  physiques,  t.  XXIX,  p.  284l 


362  REPRODUCTION. 

était  déjà  presque  oubliée  des  physiologistes,  lorsque,  en  1852, 
M.  Nelson  (de  Glasgow)  arriva  à  des  résultats  analogues  en 
étudiant  l'œuf  d'un  Ver  intestinal,  VAscaris  mystax  (1)  ;  et 
Newport,  qui,  pendant  longtemps,  avait  combattu  les  vues  de 
Barry,  reconnut  que  non-seulement  les  Spermatozoïdes  par- 
viennent en  grand  nombre  jusque  sur  la  membrane  vitelline  de 
l'œuf  delà  Grenouille,  mais  traversent  cette  tunique  et  se  rendent 
dans  l'intérieur  du  vitellus(2).  Peu  de  temps  après  la  publication 
de  ces  observations,  M.  Keber  (d'Insterberg)  annonça  que  chez 
les  œufs  de  certains  J^iollusques  (  les  Unio  et  les  Anodontes), 
il  existe  à  la  surface  de  la  sphère  vitelline  une  ouverture  en 
forme  de  goulot,  à  laquelle  il  apphqua  le  nom  de  micropijle^  et 
que  cet  orifice  livre  passage  aux  Spermatozoïdes  (3).  Enfin, 
l'un  des  embryologistes  les  plus  célèbres  de  TAllemagne, 
M.  Bischoff,  après  s'être  souvent  élevé  contre  les  opinions 

giste  se  prononça  d'une  manière  plus  masse  vitelline  se  ferait  par  tous  les 

positive  sur  ce  sujet,  et  aiïïrma  avoir  points  de  la  surface  de  celle-ci. 

vu  des  Spermatozoïdes   dans  i'inté-  (2)   Newport  n'a   conservé    aucun 

rieur  de  l'œuf  (a)  ;  mais  la  plupart  doute    relativement   au   passage   des 

des  embryologistes  pensèrent  qu'il  s'en  Spermatozoïdes  à  travers  la  membrane 

était  laissé  imposer  par  quelque  appa-  vitelline  de  ces  œufs  et  à  leur  entrée 

rence  illusoire  (6).  dans  la  substance  du  viiellus,  11  pense 

(1)  Cet  auteur,  en  étudiant  VAscaris  que  ce  passage  n'a  pas  lieu  par  un  ou 

mystax,  a  vu  les  particules  spermati-  plusieurs  orifices  particuliers  compa- 

ques  pénétrer   dans  les  œufs  qui  ne  râbles    au   micropyle  dont   il    a   été 

paraissent  pas  être   limités   par    une  question   ci-dessus,  mais  indifférem- 

membrane  vitelline  (c).  Là  il  n'y  au-  ment  par  des  points  quelconques  {d). 

rait  pas   d'orifice  particulier  compa-  (3)  L'ouvrage  publié  sur  ce  sujet 

rable  au  micropyle  dont  parleM.  Barry,  par  M.  Keber  est  loin  de  présenter  le 

et  l'introduction  du  sperme  dans  la  haut  degré  de  nouveauté  que  son  au- 

(a)  Barry,    lîesearches  on  Embryology ,  tlnrd   séries  [Philos.    Trans.,  1840,  p.  533,  pi.  22, 
fig.  165  et  167). 

Idem,    Spermatozoa  observed    within  the    Mammiferous    Ovum   (Pldlos.    Trans.,   1843, 
p.  33). 

(b)  Bischoff,    Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Mammifères,  Irad.   par  Joiirdan, 
1813,  p.  29. 

(c)  Nelson,   The  Pieproduclion  of  the  Ascaris  mystax  {Philos.   Trans.,  1852,  p.  563,  pi.  28, 
fig.  59,  etc.). 

(d)  G.  Newport,   Oh  Uie  htyvefinalion  nflhe  Ovvm  in  Amphibia,  secoiul  ^ev'ws  (Philos.  Trans., 
1853,  p.  271,  noif). 


.FÉCONDATION.  363 

dont  je  viens  de  parler,  reconnut  formellement  l'exaclitudc 
des  observations  de  Barry  et  de  Newport.  Il  assura  avoir  par- 
faitement bien  constaté  la  présence  des  Spermatozoïdes  dans 
l'intérieur  de  la  sphère  vitelline  chez  le  Lapin  et  la  Qrenouillc  (1  ) . 
Des  faits  du  même  ordre  furent  publiés  bientôt  après,  tou- 
chant la  pénétration  des  Spermatozoïdes  dans  l'intérieur  de 
l'œuf  chez  les  Ascarides,  chez  divers  Insectes,  chez  la  Crevette 
des  ruisseaux  et  chez  quelques  autres  Animaux  (2) . 

Plus  récemment,  ces  résultats  importants  ont  été  corroborés 
en  ce  qu'ils   ont  d'essentiel   par    d'autres  observations,  et 

leur  lui  attribua ,  et  paraît  contenir  doit  avoir  d'autant  plus  de  poids  aux 

beaucoup  d'erreurs  {a).  Il  a  été  l'ob-  yeux  des  physiologistes,  que  pendant 

jet  de  critiques  très-vives  (6),  mais  a  longtemps    il   s'était   très -nettement 

contribué  à  fixer  l'opinion  des  ovolo-  prononcé  contre  l'opinion  de  Barry 

gistes  sur  la   question  soulevée  par  touchant  l'existence  d'un   micropyle 

M.  Barry.  Les  observations  de  M.  Leuc-  et  la  pénétration  des  Spermatozoïdes 

kart  sur   le  micropyle  de  l'œuf  des  dans  l'intérieur  de  l'œuf  proprement 

Naïs  sont  plus  exactes  (c),  et  il  est  à  dit.  En  185i,  il  est  venu  déclarer  for- 

noter  que  l'existence  d'un  orifice  de  mellement    que    Barry    et    INewport 

ce  genre  avait  aussi  été  décrite  anté-  avaient  raison,  et  que,  comme  eux,  il 

rieurement  chez  l'œuf  des  Sijngnaihes,  avait  bien  constaté  le  passage  des  Sper- 

par  Doyère  (d),  ainsi  que  dans  les  œufs  matozoïdesdansFintéiieur  del'œufjtant 

de  VHolothuria  tubulosa,  de  la  Thijone  chez  le  Lapin  que  chez  la  Grenouille  {h). 

fusus  et  de  VOphiotrix,  par  J.  Miil-  (2)  En  185Zj,  M.   Meissner  publia 

1er  (e)  ;  des  Modiolaria  et  des  Car-  un  travail  très-estimé  sur  la  structure 

dùtms.parM.  Lôveu(/'),  et  de  la Sfer-  de  l'œuf   de  divers   Animaux  infé- 

napsis  thalassoides,  par  M.  Millier  (g).  rieurs,  et  se  prononça  nettement  sur  le 

(1)  Le  témoignage  de  M.  Bischoff  fait  de  la  pénétration  des  Spermato- 

(a)  F.  Keber,  Ueher  den  Eintritt  der  Samenx-ellen  in  dem  EL  Ein  Beitrâge  zur  Physiologie  der 
Zeugunij.  Konigsberg,  1853. 

(b)  Bischoff,  Widerlegung  des  von  D'  Keber  bei  den  Najaden  und  D'  Nelson  bei  den  Ascariden 
behaiiptelen  Eindringens  der  Spermatozoiden  in  dus  El.  Giessen,  d853. 

—  Hessling,  Einige  Bemerkungen  %u  des  D'  Keber's  Abhandlung  :  Ueber  den  Eintritt.,  elc. 
(Zeitschrift  fur  wissenschaftliche  Zoologie,  1854,  p.  392). 

—  Mayer,  Ueber  das  Eindringen  der  Spermatozoïden  in  das  El  (Verhandlung  des  Nalurhisto- 
risnhen  Vereines  der  preussischen  Reinlande  und  Westphalens,  1856,  p.  266). 

(c)  Leuckart,  art.  Zeugung  (Wag'iier's  Handîvorterbuch  der  Physiologie,  t.  IV,  p.  801).  — 
Beisaiz  zu  Bischoff' s  Widerlegung,  1853. 

{d}  Doyère,  Note  sur  l'œuf  du  Loligo  média  et  celui  du  Syngnathe  (V  Institut, 1850,  t.  XVIII,  p.  12). 

(e)  J.  MùUer,  Untersuchungen  ûber  die  Métamorphose  der  Ecldnodermen  ;  vierte  Abhandl., 
1852,  p.  4.1. 

{[)  Loven,  Bidrag  till  Konnedomen  om  utverklingen  of  MoUusca  acephala  lamellibranchiata 
{Vetensliaps-Akad.  Handlingar,  4848). 

((/)  Max.  Millier,  De  Vermibtis  quibusdam  maritimis,  dissert,  inaug.  Berolini,  1852. 

{h)  Bisclioff,  Bestdtigung  des  von  D'  Newport  bei  den  Batracheiren  und  D'  Barry  bei  den 
Kaninchen  behaupteten  Eindi'ingens  der  Spermatozoiden  in  das  Ei,  Giessen,  lS5i. 


rcrfeclionne- 

nieiits 
(le  l'appareil 
fécondateur. 


oQll  REPRODUCTION. 

il  paraît  bien  démontré  que  dans  l'acte  de  la  fécondation  les 
Spermatozoïdes  pénètrent  jusque  sur  ou  même  dans  la  masse 
vitelline  (1). 

§  5.  —  Connaissant  les  conditions  essentielles  qui  doivent 
être  remplies  pour  que  la  reproduction  sexuelle  puisse  s'effec- 
tuer, nous  chercherons  comment  la  Nature  les  réalise,  et, 
après  avoir  complété  de  la  sorte  le  coup  d'œil  général  que  je 
me  proposais  de  jeter  sur  cet  ordre  de  fonctions,  nous  revien- 
drons à  l'histoire  des  Spermatozoïdes  pour  en  étudier  la  con- 
formation, les  propriétés  physiologiques  et  le  mode  d'origine. 

§  6.  —  Dans  les  fonctions  de  reproduction,  de  même  que 
pour  les  fonctions  de  nutrition  dont  l'étude  nous  a  occupés  pré- 
cédemment, la  loi  de  perfectionnement  par  la  division  du  tra- 


zoïdes.  Ses  recherches  portèrent  prin- 
cipalement sur  des  Ascarides,  le  Mer- 
mis  albicans,  les  Lombrics  terrestres, 
divers  Insectes,  tels  que  des  Mouches, 
des  Tipules  et  des  Cousins,  des  Co- 
léoptères {Lampyres,  Elater,  Télé- 
phores) ,  des  Lépidoptères  (  Pieris  , 
Liparis ,  etc.)  ,  des  Hyménoptères 
{Tenthredo,  Sirex,  etc.),  et  des  !Né- 
vroptères  (Agrion  et  Panorpe).  Il  a 
examiné  plus  de  deux  cents  espèces, 
et  il  a  souvent  été  témoin  de  l'entrée 
des  Spermatozoïdes  dans  le  vitellus 
par  le  micropyle  (a).  Cet  orifice  a  été 
observé  aussi  dans  l'œuf  de  beaucoup 
de  Poissons  (6). 

(1)  M.  Lacaze-Duthiers  a  fait  à  ce 
sujet   des   observations  très -intéres- 


santes chez  les  Dentales.  11  pense  que 
le  micropyle  décrit  par  ses  prédéces- 
seurs est  souvent  un  orifice  de  la  coque 
de  l'œuf  plutôt  que  de  la  membrane 
vitelline  ;  mais  que  dans  les  premiers 
temps  la  sphère  vitelline  n'a  pas  de 
tunique  membraneuse  de  ce  genre; 
de  sorte  que  les  Spermatozoaires  qui 
pénètrent  par  l'ouverture  en  question 
peuvent  arriver  directement  sur  le 
vitellus. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Lacaze-Du- 
thiers a  souvent  vu  très-distinctement 
les  Spermatozoïdes  pénétrer  sous  l'en- 
veloppe de  l'œuf,  et  se  loger  entre  elle 
et  le  vitellus  vers  le  centre  duquel  ces 
corpuscules  vermiformes  paraissaient 
vouloir  pénétrer  (c). 


(a)  Meissiier,  Deobachtunfien  ûber  das  Eindrinfien  der  Samenelemente  in  den  Botter  (Zeitschrift 
fur  wissensch.  Zoologie,  1854,  t.  VI,  nM .  p.  208,  pi.  6  et  7;  n-  2,  loc.  cit.,  p.  272,  pi.  9). 

ih)BTuch,UeberdieMikrop\ileder  Fische  (Zeitschrift  fur  wissensch.  Zoologie, l^5i,l-yiï, p.  m). 

Raiison,  On  the  imprégnation  of  the  Ovam  of  the  SticJdeback  (Proceed  of  the  Hoy.  Soc.  1854, 
t.  VII,  p.  168). 

—  Rcicliert,  Ueber  die  Mikropyle  der  Fische,  etc.  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol., 
i&bC,  p.  83,  pi.  4  fiff.  1-4). 

—  R.  Leuckart,  Ueber  die  Mikropyle  und  den  feineren  Bau  der  Schalenhaut  bei  den  Imseckten- 
Eiecn  (Miiller's,  Archiv  fur  Anat.,  1855,  p.  90). 

(c)  Lacaze-Duthiers,  Histoire  de  l'organisation  et  du  développement  du  Bentale  {Ann.  des 
sciences  nat.,  ^'  série,  1857,  t.  VII,  p.  204). 


FÉCONDATION.  3G5 

vail  et  la  spécialité  des  instruments  règle  les  grandes  modifi- 
cations que  l'on  rencontre  lorsqu'on  passe  en  revue  les  divers 
groupes  du  Règne  animal,  depuis  les  Zoophyles  les  plus  simples 
jusqu'à  l'Homme. 

Ainsi,  nous  avons  déjà  vu  que  chez  quelques-uns  des  Ani- 
maux les  plus  inférieurs,  le  travail  de  la  reproduction  a  lieu 
indifféremment  dans  presque  toutes  les  parties  de  l'organisme, 
et  n'a  pour  s'accomplir  aucun  agent  spécial  (1).  Chez  les 
Hydres,  par  exemple,  les  ovules,  d'une  part,  et  les  Spermato- 
zoïdes, d'autre  part,  se  développent  dans  la  substance  du  tissu 
commun,  et  sont  mis  en  liberté  par  la  rupture  des  parois  de  la 
cavité  qui  les  renferme  ;  il  n'y  a  ni  organe  sécréteur  spécial , 
ni  voies  préétablies  pour  l'évacuation  des  produits,  ni  aucune 
disposition  particulière  qui  soit  propre  à  favoriser  le  rappro- 
chement des  ovules  et  des  Spermatozoïdes,  dont  dépend  la 
fécondation  des  produits  génésiques.  Ce  rapprochement  est 
abandonné  au  hasard,  et  c'est  par  diffusion  dans  le  milieu 
ambiant,  ou  par  l'action  des  courants  de  celui-ci,  que  l'élément 
mâle  est  mis  en  contact  avec  l'élément  femelle  (2). 

Un  premier  degré  de  perfectionnement  des  fonctions  de  la 
reproduction  est  obtenu  par  la  localisation  du  travail  reproduc- 
teur des  ovules,  et  des  phénomènes  dont  dépend  la  formation 
des  Spermatozoïdes,  dans  des  organes  spéciaux,  qui  sont,  d'une 
part,  un  ovaire,  d'autre  part,  un  testicule.  Ces  instruments 
physiologiques  appartiennent  à  la  classe  des  glandes,  et  con- 
sistent essentiellement  en  une  substance  qui  donné  naissance 
à  des  utricules  ou  cellules  membraneuses  d'une  nature  parti- 
culière. Ces  utricules  constituent  tantôt  des  ovules,  d'autres 
fois  les  capsules  spermatiques  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
parler  dans  cette  Leçon  ;  et  les  Spermatozoïdes,  de  même  que 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  329.  giaires  aussi  bien  que  cliez  les  Hydres 

(2)  Cette  difTusion  de  la  faculti!  re-      d'eau  douce.  Nous  y  reviendrons  dans 
productrice    existe    chez  les    Spon-      une  des  Leçons  suivantes. 


366  REPRODUCTION. 

les  ovules  ainsi  produits,  doivent  être  mis  en  liberté,  résultat 
qui  peut  être  réalisé  par  le  seul  fait  de  la  rupture  du  tissu 
circon voisin,  si  les  glandes  ovariennes  et  testiculaires  sont  pla- 
cées près  de  la  surface  extérieure  du  corps.  Ces  deux  sortes  de 
glandes  constituent  alors  à  elles  seules  tout  l'appareil  de  la 
génération.  Mais  lorsque  les  fonctions  de  celui-ci  se  perfec- 
tionnent, la  division  du  travail  s'y  introduit  :  le  même  instru- 
ment cesse  d'être  affecté  à  la  fois  à  la  production  et  à  l'éva- 
cuation des  éléments  génésiques,  et  des  voies  préétablies  sont 
disposées  pour  la  sortie  tant  du  sperme  que  des  ovules,  ce  qui 
permet  aux  organes  producteurs  de  se  loger  plus  profondé- 
ment dans  l'économie,  et  d'être  par  conséquent  mieux  proté- 
gés. Ici,  de  même  que  pour  les  fonctions  dont  l'étude  nous  a 
déjà  occupés,  ce  résultat  peut  être  obtenu  par  voie  d'emprunt, 
et  chez  les  Animaux  dont  l'appareil  reproducteur  est  très- 
simple,  nous  verrons  tantôt  la  cavité  digestive,  tantôt  la  chambre 
viscérale,  servir  de  canal  excréteur  pour  les  ovaires  et  pour  les 
produits  des  organes  mâles  (i).  Mais,  chez  tous  les  Animaux 
les  plus  parfaits  sous  ce  rapport,  la  Nature  crée  pour  cet  usage 
des  conduits  spéciaux,  et  il  existe,  en  communication  avec  la 
glande  génésique,  un  tube  particuher  qui  est  appelé  oviducte, 
lorsqu'il  appartient  à  l'ovaire,  eicanal  déférent,  lorsqu'il  dépend 
du  testicule. 

Chez  les  Animaux  inférieurs  dont  l'appareil  reproducteur  est 

(1)  Ainsi,  cliez  tous  les  Coralliaires,  lesquels  la  chambre  viscérale  ou  ca- 
les organes  de  la  reproduction  sont  vite  digestive  communique  directe- 
suspendus  dans  l'intérieur  de  la  grande  ment  à  l'extérieur,  et  sert  à  l'évacua- 
cavité  digestive,  et  c'est  par  la  bouche  tion  des  œufs  et  du  sperme,  je  citerai 
que  leurs  produits  sont  expulsés  au  les  Poissons  de  la  famille  des  Lam- 
dehors  (a).  proies.  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  dans 

Comme  exemple  des  Animaux  chez  la  75^  Leçon. 

(a)  Par  e>ïemple,  le  Corail  (voy.  Milne  Edwards,  l'Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Zoophytes, 
pi.  80,  fig.  ^  b). 

—  Les  Actinies  ou  Anémones  de  mer  (Milne  Edwards,  loc.  cit.,  pi.  fl2,  ùg.  2). 

—  Lacaze-Dtilhiers,  Histoire  natin'cUe  du  Corail,  p.  127  et  sniv. 


FÉCONDATION.  «^67 

constitué  de  la  sorte,  de  même  que  chez  ceux  où  le  travail 
génésique  n'est  pas  encore  devenu  l'apanage  d'organes  parti- 
culiers^ le  rôle  des  parents  ne  consiste  que  dans  l'élaboration  et 
l'excrétion  des  ovules  et  de  la  liqueur  séminale  ;  la  réalisation  du 
ptiénomène  de  la  fécondation  est  abandonné  au  hasard,  et  le  con- 
tact des  Spermatozoïdes  et  de  l'ovulen'estdéterminéquepar  les 
courants  dont  le  fluide  ambiant  est  le  siège,  ou  par  quelque  autre 
cause  accidentelle  et  indépendante  de  l'action  des  êtres  produc- 
teurs :  aussi  y  a-t-il  alors  souvent  beaucoup  d'œufs  qui  ne  sont  pas 
fécondés  et  beaucoup  de  semence  qui  ne  trouve  pas  d'emploi. 
Mais,  chez  les  Animaux  d'un  rang  plus  élevé,  la  Nature  tend  à 
économiser  davantage  les  produits  embryogéniques  en  assu- 
rant de  mieux  en  mieux  la  rencontre^es  deux  éléments  dont  la 
réunion  est  nécessaire  au  développement  de  l'être  futur  :  l'ovule 
et  les  Spermatozoïdes.  Cependant,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit, 
une  autre  condition  de  perfectionnement  physiologique  est  la 
division  du  travail,  qui  a  pour  effet  la  localisation  des  divers 
phénomènes  génésiques  dans  autant  d'organes  spéciaux.  Or,  ces 
deux  tendances  ne  sauraient  poursuivre  loin  leur  cours  sans 
devenir  opposées,  à  moins  que  les  résultats  qu'elles  déterminent 
ne  soient  accompagnés  de  complications  considérables  dans 
l'acte  de  la  reproduction.  En  effet,  pour  que  la  première  de 
ces  conditions  de  perfectionnement  soit  réalisée  chez  des  Ani- 
maux d'une  structure  peu  complexe,  il  suffit  que  l'organe  ovi- 
gène  et  l'organe  spermatogène  soient  réunis  chez  le  même 
individu  et  disposés  de  façon  que  leurs  produits  se  mêlent  pen- 
dant leur  passage  au  dehors.  Mais  la  division  croissante  du 
travail  génésique  amène  bientôt  la  séparation  des  organes  mâles 
et  des  organes  femelles,  d'abord  dans  deux  appareils  distincts 
chez  le  même  individu,  puis  chez  deux  individus  de  même 
espèce  dont  les  fonctions  sont  différentes.  Alors  la  mise  en 
rapport  des  ovules  et  des  Spermatozoïdes  nécessite  le  rappro- 
chement sexuel  de  ces  deux  individus,  et  ne  peut  être  bien 


368  REPRODUCTION. 

assurée  que  par  l'introduction  de  l'élément  fécondant  dans  l'in- 
térieur des  cavités  destinées  à  produire  les  ovules,  ou  à  les  con- 
duire de  l'ovaire  hors  de  l'organisme  de  l'individu  femelle  et  à 
lés  abandonner  au  milieu  ambiant.  La  fécondation,  au  lieu  de 
se  faire  à  l'extérieur  et  après  la  ponte,  s'opère  alors  dans  l'in- 
térieur du  corps  de  la  femelle,  et  quelquefois  même  très-long- 
temps avant  la  sortie  des  produits  fournis  par  l'ovaire. 
'^"''"Tes"*^'^"'  On  conçoit  donc  que  chez  les  Animaux  dont  l'appareil  repro- 
ducteur est  d'une  structure  très-simple  ,  l'hermaphrodisme 
puisse  être  à  certains  égards  une  condition  de  perfectionne- 
ment. Certains  Échinodermes,  dont  l'anatomie  a  été  étudiée 
avec  habileté  par  M.  de  Quatrefages,  nous  en  offrent  un  exemple 
remarquable.  En  effet,  ce  naturaliste  a  constaté  que,  chez  les 
Synaptes,  le  tissu  ovarien  et  le  tissu  sécréteur  de  la  liqueur 
séminale  sont  fixés  aux  parois  d'un  même  tube  membraneux 
qui  fait  office  tout  à  la  fois  d'oviducte  et  de  canal  déférent  :  or, 
les  choses  y  sont  disposées  de  telle  sorte  que  les  œufs,  en  se 
portant  au  dehors,  frottent  contre  le  tissu  spermatogène,  et 
déterminent  aussi  la  rupture  des  utricules  où  se  développent 
les  Spermatozoïdes.  Ceux-ci,  mis  en  liberté  par  cette  action 
toute  mécanique,  entourent  immédiatement  l'œuf  et  le  fécon- 
dent avant  son  évacuation  au  dehors  (1). 


(1)  Ces  observations  ont  été  faites  fin,  dans  les  espaces  que  les  bases  de 

chez  la  Synapte  de  Duvernoy,  qui  ha-  ces   tubérosités    testiculaires  laissent 

bite  nos  côtes.  L'appareil  générateur  de  entre  elles,  se  trouve  un  autre  tissu 

cet  Animal  consiste  en  trois  paires  de  qui  est  ovigène,  et  qui  constitue  par 

cordons  qui  flottent  dans  la  cavité  viscé-  conséquent  un  ovaire.    Les  œufs  qui 

raie  etquidébouchent  au  dehors  par  un  y  prennent  naissance  s'en  détachent 

orifice  commun  situé  près  de  l'extré-  bientôt,  et  tombent  dans  la  cavité  du 

mité  antérieure  du  corps.  Ces  cylin-  tube  générateur,  où   ils  compriment 

dres  sont  creux,  et,  à  l'époque  de  la  les  mamelons  spermatogènes,  enrom- 

reproduction ,   ils   sont   tapissés    par  peut  les  cellules,   et  déterminent   la 

des  mamelons  formés  d'un  tissu  utri-  sortie  du  liquide  séminal,  qui  est  ainsi 

culaire,  dans   les  cellules  duquel  se  mis  en   contact    avec    leur    surface, 

développent  des  Spermatozoïdes,  En-  L'hermaphrodisme  est  donc  ici  aussi 


FÉCONDATION.  360 

Mais,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  la  séparation  dos 
organes  mâles  et  femelles  semble  avoir  plus  d'importance  ([iie 
l'emploi  économique  de  leurs  produits,  et  les  sexes  étant  sépa- 
rés, le  concours  de  deux  individus  devient  nécessaire  pour  bien 
assurer  l'utilisation  des  matières  reproductrices. 

Chez  quelques  Animaux  inférieurs,  ce  résultat  est  obtenu  Hcimr.phro- 

,,,  I         T  •  '    1»       •  •      T    •  1       disino   relatif. 

sans  quel  hermaphrodisme  ait  cesse  d  exister.  Chaque  individu 
est  pourvu  d'un  appareil  mâle  aussi  bien  que  d'un  appareil 
femelle  ;  mais  ces  deux  appareds  ne  sont  pas  disposés  de  fanon 
quêteurs  produits  puissent  se  rencontrer,  et  les  ovules  donnés 
par  un  de  ces  Animaux  ne  peuvent  être  fécondés  que  par  la 
semence  provenant  d'un  autre  individu.  Quelquefois  la  fécon- 
dation est  alors  réciproque,  et  chaque  individu  remplit  vis-à-vis 
de  son  conjoint  le  rôle  de  mide  et  de  femelle.  C'est  ce  qui  a 
lieu  chez  le  Colimaçon,  par  exemple  (1).  Mais  chez  d'autres 
Animaux  hermaphrodites,  la  division  du  travail  physiologique 
a  fait  un  pas  de  plus  :  l'individu  qui  fonctionne  comme  femelle 
ne  peut  pas  féconder  son  mâle,  et  celui-ci,  pour  être  fécondé, 
a  besoin  du  concours  d'un  troisième  individu.  Les  Mollusques 
gastéropodes  du  genre  Limnée  présentent  ce  singulier  mode  de 
reproduction,  et,  pendant  l'acte  de  la  fécondation,  ils  forment 
une  sorte  de  chaîne  dont  chaque  aniaeau  joue  le  rôle  de  mâle 
avec  l'un  des  individus  adjacents,  et  est  une  femelle  pour  l'in- 
dividu situé  du  côté  opposé  (2).  Chez  quelques  Mollusques 

complet  que  possible,  et  c'est  par  un  ralistos  du  xvii"  siècle  (6)  ;  je  revien- 

mécanisme  très-simple  que  la  fécon-  drai  sur  ce  sujet  lorsque  je  traiterai 

dation   des  œufs   est  effectuée  dans  spécialement  de  la  génération  chez  les 

l'organe  même  qui  est  chargé  de  les  Mollusques. 

produire  {a).  ('2)  Le  chapelet  formé  de  la  sorte 
(1)  L'accouplement  réciproque  des  par  les  Limnées  est  quelquefois  très- 
Colimaçons  a  été  décrit  par  les  natu-  long. 

(a)  Qualrefages,  Mémoire  sw  la  SunapU  de  Duvenioy  [Aiiii.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1842, 
t.  XVII,  p.  66  et  suiv.,  pi.  5,  fig.  1). 

(b)  Hedi,  De  Ânimalcidis  vivis  quce  in  covporlbus  Animaliiim  vivorum  reperlunlur  obsevvationes 
(opusc.  t.  III,  p.  55). 

—  Swammerdam,  Biblia  Naturœ,  t.  II,  p.  807,  pi.  hS,  dg,  l. 


S70  REPRODUCTION. 

Animaux  dioï-  aiidrogynes,  la  division  du  travail  physiologique  est  portée  un 
''"^^"  peu  plus  loin,  car  le  même  individu  ne  remplit  pas  à  la  fois  le 
rôle  de  mâle  et  de  femelle  ;  celui  qui  a  fonctionné  comme  maie 
n'est  pas  fécondable  dans  ce  moment,  et  c'est  plus  tard  qu'il 
fait  office  de  femelle,  soit  avec  l'individu  auquel  il  s'est  déjà  uni 
d'une  autre  manière,  soit  avec  un  autre  qui  est  alors  pour  lui 
un  mâle  seulement  (1).  De  là  à  la  séparation  complète  des 
sexes,  il  n'y  a  qu'un  pas  à  faire,  et  chez  tous  les  représen- 
tants les  plus  élevés  des  types  inférieurs  du  Règne  animal, 
de  même  que  dans  le  groupe  des  Vertébrés  presque  entier  (2), 
ce  dernier  perfectionnement  se  trouve  réalisé  :  chaque  espèce 
est  représentée  par  deux  sortes  d'individus,  un  de  sexe  mâle, 
l'autre  femelle. 

Fécondaiion  Gc  caractèrc  de  supériorité  physiologique  n'implique,  du 
reste,  aucun  perfectionnement  dans  la  portion  du  phénomène 
de  la  génération  qui  est  relative  à  la  fécondation  des  produits 
de  la  femelle,  et,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  le  contact  des  œufs 
et  de  la  matière  fécondante  est  souvent  abandonné  au  hasard  ; 
mais,  chez  les  Animaux  où  l'utilisation  des  forces  génératrices 
est  plus  nécessaire,  la  rencontre  de  ces  éléments  génériques 
est  assurée  de  mieux  en  mieux  par  des  rapprochements  sexuels. 
Un  premier  indice  de  ce  genre  de  perfectionnement  dans  le 
travail  de  la  reproduction  nous  est  offert  par  beaucoup  de  Pois- 

(1)  C'est  ce  qui  a  lieu  chez  l'Ancyle  ment  admise  de  la  séparation  des 
flùviatile  (a),  ainsi  que  chez  divers  sexes  dans  tout  l'embranchement  des 
iMollusques  Acéphales ,  qui  sont  her-  Vertébrés.  Aristote  avait  signalé  les 
maphrodites,  mais  dont  les  glandes  Serrans  comme  étant  probablement 
ovigènes  et  spermatogènes  n'arrivent  hermaphrodites,  et  récemment  M.  Du- 
pas à  la  période  d'activité  en  même  fossé  a  constaté  chez  un  grand  nombr  e 
temps.  de  ces  Animaux  la  production  simul- 

(2)  Quelques  Poissons  paraissent  lanée  d'œufs  et  de  laite  riche  en  Sper- 
fairc  exception  à  la  règle  générale-      matozoïdes  (6). 

(a)  Moquin-Taiidon,  Recherches  anatomico-physiologiqîies  sur  VAncyle  fluviatile  {Journal  de 
conchyliologie,  1852,  t.  lll,  p.  34-i). 

(6)  Dufossé,  De  l'hermaphrodisme  chez  certains  Vertébrés  (Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série, 
1858,  t.  XV,  p.  204,  pi- 8). 


FÉCONDATION.  371 

sons  et  par  quelques  Batraciens,  dont  les  maies,  attirés  proba-   Fccomjation 

extérieure 

blement  par  l'odeur  des  femelles  ou  des  œuls  que  celles-ci  ont  directe/ 
déjà  pondus,  viennent  répandre  leur  semence  dans  l'eau  cir- 
convoisine.  Chez  les  Grenouilles  et  les  Crapauds,  la  fécondation 
des  œufs  a  lieu  également  après  la  ponte,  mais  elle  est  mieux 
assurée,  car  le  mâle  se  cramponne  sur  le  dos  de  la  femelle,  et, 
à  mesure  que  celle-ci  évacue  au  dehors  ses  nombreux  œufs,  il 
les  arrose  de  sa  semence. 

Chez  les  Mollusques  les  plus  élevés  en  organisation ,  les  spcrmaiophorcs 
Céphalopodes,  les  sexes  sont  également  séparés,  et  la  féconda- 
tion a  aussi  lieu  après  la  ponte,  mais  l'action  des  Spermatozoïdes 
sur  les  œufs  est  préparée  avec  plus  de  soin.  La  liqueur  sémi- 
nale, avant  d'être  expulsée  au  dehors  par  le  mâle,  se  loge  dans 
des  réceptacles  particuhers  appelés  spermaiophores  (1) ,  qui 
servent  à  la  transporter  dans  le  voisinage  de  l'orifice  destiné 
à  livrer  passage  aux  œufs,  et  qui  l'y  conservent  à  l'abri  de 
l'action  de  l'eau  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long.  La 
structure  de  ces  gaines  séminifères  est  très  -  remarquable , 
et  l'endosmose  y  détermine  des  mouvements  très -singu- 
liers qui  ont  pour  résultat  la  mise  en  liberté  des  Sperma- 
tozoïdes (2).  Nous  reviendrons  bientôt  sur  leur  étude,  et  ici 
je  me  bornerai  à  ajouter  que  des  réceptacles  analogues  se 
rencontrent  chez  quelques  Crustacés,  ainsi  que  chez  certains 
Insectes  (3)  et  quelques  Vers  (4). 

Lorsque  les  fonctions  de  la  génération  se  perfectionnent 
davantage,  la  fécondation  n'a  plus  lieu  après  la  ponte  des 
œufs ,  mais  dans  l'intérieur  du  corps  de  la  femelle.  Le  rap- 

(1)  Voyez  ci-desSus,  page  3Z|5.  (3)  Voyez  ci-dessus,  page  3ù6. 

(2)  La  fixation  des  Spermatozoaîres  (k)  Par  exemple,  les  Clepsines  et  lés 
dans  le  voisinage  de  l'orifice  terminal  Nephelis,  daiis  la  famille  des  Hirudi- 
de  Toviducte  a  été  constatée  chez  le  nées  (6). 

Calmar  (a). 

{a)  Robin  et  Lebert,  Note  sur  un  fait  relatif  au  inécanisnie  de  la  fécondation  du  Calmar 
commun  {Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  -1845,  t.  IV,  p.  95,  pi,  9,  ûg.  5  et  6). 

(b)  Robin,  Mém.  sur  les  spermatophoves  de  quelques  Hirudinées  [Ann.  des  sciences  nat 
4'  série,  1862,  t.  XVII,  p.  5,  pi.  2). 


a  ri  REPRODUCTION. 

FéconJation   prochemeiît  sexuel  est  alors  complet,  et  la  liqueur  séminale  du 

intérieure.  ^ 

maie  estmtroduite  dans  le  canal  que  les  œufs  doivent  traverser 
pour  aller  de  l'ovaire  à  l'extérieur. 

A  cet  effet,  la  portion  terminale  de  l'appareil  mâle  est  dis- 
posée de  façon  à  pouvoir  s'appliquer  exactement  contre  l'orifice 
de  l'appareil  femelle,  ou  même  à  y  pénétrer  plus  ou  moins 
profondément,  et  ce  mode  de  fécondation  nécessite  l'existence 
d'un  organe  d'intromission. 

Dans  sa  plus  grande  simplicité,  cet  instrument  ne  consiste 
que  dans  la  portion  terminale  du  canal  évacuateur  du  sperme, 
qui,  en  se  gonflant  ou  en  se  renversant  au  dehors,  devient 
saillant;  mais  lorsque  l'organe  copulateur  se  perfectionne,  sa 
structure  se  complique  davantage,  et  il  est  constitué  par  un 
appendice  érectile  dont  la  conformation  varie  suivant  les  Ani- 
maux. 

L'appareil  maie  peut  être  perfectionné  aussi  par  l'adjonction 
de  réservoirs  destinés  à  emmagasiner  la  liqueur  séminale  jus- 
qu'au moment  où  l'Animal  pourra  l'utiliser,  ou  de  glandes 
dont  les  produits,  en  se  mêlant  au  speruie,  facilitent  le  bon 
emploi  de  cette  matière  ;  et,  lorsque  nous  passerons  en  revue 
ces  parties  accessoires,  nous  verrons  qu'ils  sont  obtenus  tantôt 
par  voie  d'emprunt,  tantôt  au  moyen  de  créations  organiques 
spéciales  (1). 

Ainsi  qu'il  serait  facile  de  le  prévoir,  nous  trouverons  tou- 
jours chez  les  femelles  dont  les  mâles  sont  pourvus  d'un  appa- 
reil copulateur,  un  organe  correspondant.  Lorsque  la  portion 
terminale  des  voies  génitales  est  spécialement  affectée  à  la 
réception  de  l'organe  mâle,  elle  constitue  un  canal  vestibulaire 
appelé  xiagin^  et  chez  les  Animaux  où  le  rapprochement  sexuel 
ne  doit  pas  se  renouveler  fréquemment,  et  où  cependant  la 

(1)  Les  Araignées  présentent  sous  ce  garnie  présentent,  chez  le  mâle,  une 
rapport  des  particularités  très-remar-  structure  particulière,  et  deviennent 
finables  :  les  palpes  dont  la  bouche  est      des  organes  de  copulation. 


FÉCONDATION.  S73 

production  des  œufs  peut  se  continuer  longtemps,  on  trouve 
souvent  en  connexion  avec  cette  cavité  copulatrice  un  réser- 
voir destiné  à  loger  et  à  conserver  le  sperme  (1). 

Ces  perfectionnements  ne  sont  pas  les  seuls  que  la  Nature  pcrfcdionne- 
introduit  dans  la  structure  de  l'appareil  femelle  chez  les  Ani-  de  lappareii 

^^  ,.^  femelle. 

maux  supérieurs.  L'œuf,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  se 
compose  essentiellement  d'une  cellule  naembraneuse  renfer- 
mant une  substance  plastique  et  un  dépôt  de  matière  nutritive 
qui  constituent  la  sphère  appelée  vitellus.  L'ovaire  ne  produit 
rien  de  plus  ;  mais  chez  beaucoup  d'Animaux,  l'œuf,  en  des- 
cendant dans  l'oviducte,  acquiert  des  parties  nouvelles  qui  sont 
sécrétées  par  les  parois  de  ce  canal,  et  qui  servent  à  augmenter 
la  puissance  nutritive  du  vitellus  ou  à  en  protéger  la  surface. 
Tels  sont  l'albumen  du  blanc  de  l'œuf  et  sa  coque. 

Il  est  aussi  à  noter  que  l'œuf  ainsi  constitué  devient  le  siège 
d'un  travail  embryogénique  plus  ou  moins  long  à  s'effectuer  ; 
qu'en  général ,  cette  incubation  se  fait  après  la  ponte  ,  et 
que  parfois  elle  nécessite  encore  l'intervention  de  la  mère 
pour  maintenir  l'œuf  à  une  température  convenable  au  déve- 
loppement du  jeune.  C'est  ainsi  que  la  Poule  est  douée  d'un 
instinct  particulier  qui  la  porte  à  couver  ses  œufs  jusqu'au 
moment  où  les  Poussins  en  sortent.  Mais,  chez  quelques  Ani- 
maux, l'éclosion  de  l'œuf  a  heu  avant  la  ponte,  dans  l'intérieur 
du  corps  de  la  mère,  et  alors  l'appareil  femelle  est  d'ordinaire 
pourvu  d'une  chambre  incubatrice  particulière,  que  l'on  dé- 
signe généralement  sous  les  noms  A'utérus  ou  de  matrice. 

La  division  du  travail  physiologique  effecîtué  par  la  mère  peut 
même  être  portée  plus  loin.  Ainsi,  chez  les  Animaux  ovipares 
proprement  dits,  c'est  le  contenu  de  l'œuf  qui  répond  à  tous 
les  besoins  nutritifs  de  l'embryon  ;  mais,  chez  certains  Verté- 

(1)  Nous  verrons  que,  clies  les  voir  séminal  joue  un  rôle  très-impor- 
Insecies  ,   par  exemple  ,    ce   réser-      tant. 

VIII.  26 


374  '  HEPRODUCTION. 

brés,  il  existe  un  organe  spécial  qui  est  chargé  de  fournir  au 
jeune  un  supplément  de  nourriture  par  le  moyen  de  relations 
vasculaires  qui  s'établissent  entre  ses  parois  et  le  système  san- 
guin de  l'embryon.  Quelques  Poissons  présentent  cette  parti- 
cularité physiologi(|ue,  mais  c'est  chez  les  Mammifères  qu'elle 
acquiert  le  plus  d'importance.  Chez  ces  derniers  Animaux, 
l'œuf  ovarien  ne  contient  que  fort  peu  de  matière  nutritive,  et 
c'est  la  chambre  incubatrice,  ou  utérus,  qui  administre  la  plus 
grande  partie  de  la  substance  assimilable  qui  est  nécessaire  au 
jeune  Animal  en  voie  de  formation. 

J'ajouterai  que  chez  quelques  Animaux  qui  ne  sont  pas 
pourvus  de  glandes  spéciales  pour  la  production  du  lait,  la  mère 
n'en  nourrit  pas  moins  ses  petits  à  l'aide  de  matières  sécrétées 
ou  élaborées  dans  son  tube  digestif.  Les  Pigeons  sont  dans  ce 
cas,  et  chez  certains  Insectes  où  l'on  a  observé  des  faits  ana- 
logues, la  division  du  travail  physiologique  est  portée  parfois 
à  un  plus  haut  degré  que  chez  les  Animaux  les  plus  élevés  du 
Règne  animal.  En  effet,  chez  quelques  Hyménoptères,  il  existe, 
deux  sortes  d'individus  femelles  chargés,  les  uns  de  pondre  les 
œufs,  et  par  conséquent  de  donner  naissance  aux  petits,  les 
autres  frappés  de  stérilité,  mais  remplissant  les  fonctions  de 
nourrices  et  donnant  aux  jeunes  tous  les  soins  nécessaires  à 
leur  bien-être.  Les  Abeilles  et  les  Fourmis  nous  offriront  des 
exemples  de  cette  particularité  remarquable. 

Enfin,  chez  les  Mammifères,  le  rôle  de  la  mère  ne  se  termine 
pas  à  la  naissance  de  sa  progéniture,  et  pendant  un  temps  plus 
ou  moins  long  elle  continue  à  nourrir  ses  petits  à  l'aide  d'un 
aliment  spécial  qu'elle  élabore  dans  un  appareil  particulier  :  le 
lait  qu'elle  emploie  à  cet  usage  est  un  liquide  riche  en  matières 
albuminoïdes,  grasses  et  sucrées,  qui  est  sécrété  par  les  glandes 
mammaires,  et  par  conséquent  ces  derniers  organes  doivent 
être  considérés  comme  des  annexes  de  l'appareil  de  la  repro- 
duction. 


PARTHÉNOGENÈSE.  375 

§  7.  —  Nous  voyons  donc  que  la  Nature,  tout  en  restant  Pariiidnogcncse. 
fidèle  à  la  loi  fondamentale  de  la  filiation  dos  êtres  vivants, 
varie  les  procédés  physiologiques  à  l'aide  desquels  la  repro- 
duction s'effectue,  mais  que  dans  l'immense  majorité  des  cas 
le  jeune  Animal  provient  d'un  œuf,  et  que  cet  œuf,  pour 
donner  naissance  à  l'individu  nouveau,  doit  avoir  subi  l'in- 
fluence de  la  liqueur  fécondante  du  mâle.  Jusque  dans  ces 
derniers  temps,  on  était  même  fondé  à  croire  que  le  dévelop- 
pement de  l'embryon  dans  l'intérieur  d'un  œuf  était  toujours 
nécessairement  subordonné  à  l'accomplissement  de  cet  acte. 
Mais  divers  faits  dont  nous  devons  tenir  compte  ici  tendent  à 
établir  que  cette  règle  n'est  pas  sans  exception,  et  que  chez 
quelques  Animaux  la  multiplication  des  individus  au  moyen 
d'œufs,  ou  de  produits  génésiques  très-analogues  à  ceux-ci,  peut 
avoir  lieu  sans  l'intervention  d'aucun  agent  fécondant. 

On  sait  depuis  longtemps  que  certains  Insectes,  par  exemple 
les  Pucerons,  dont  nos  Rosiers  sont  souvent  infestés,  se  repro- 
duisent de  deux  manières.  A  l'approche  de  la  saison  froide,  les 
femelles  pondent  des  œufs  d'où  sortent  au  printemps  suivant 
de  nouveaux  individus  ;  mais  ceux-ci  ne  pondent  pas  comme 
leurs  mères  et  mettent  bas  des  petits  vivants.  La  production  des 
œufs  n'offre  rien  d'anormal;  car  la  femelle  qui  les  engendre, 
et  qui  se  distingue  facilement  du  mâle  par  l'absence  d'ailes  et 
> par  plusieurs  autres  caractères,  s'accouple  préalablement  avec 
un  individu  de  ce  dernier  sexe,  et  se  trouve  fécondée  de  la 
manière  ordinaire.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  les 
Pucerons  vivipares.  Avant  l'hiver,  tous  les  mâles,  ainsi  que 
les  femelles  déjà  nées,  périssent,  et  les  œufs  qui  servent  à 
perpétuer  l'espèce  d'une  année  à  l'autre  ne  fournissent  au  prin- 
temps suivant  que  des  individus  femelles.  Celles-ci  ne  ren- 
contrent donc  aucun  mâle  pour  les  féconder,  et  cependant 
elles  ne  restent  pas  stériles  ;  bientôt  elles  se  reproduisent  ; 
seulement,  au  lieu  d'être  ovipares,  elles  sont  vivipares.  On 


376  REPRODUCTION. 

voit  ainsi  se  succéder  pendant  l'été  plusieurs  générations  de 
Pucerons  femelles,  et  c'est  seulement  en  automne  qu'il  naît  des 
mâles.  En  plaçant  ces  Insectes  dans  des  conditions  favorables 
à  ce  mode  singulier  de  reproduction,  on  a  pu  obtenir  plus  de 
dix  générations  de  femelles  aptes  à  se  multiplier  sans  le  con- 
cours du  mâle  (1).  On  a  pensé  d'abord  que  ces  Pucerons  vivi- 
pares qui  se  reproduisent,  tout  en  restant  solitaires,  pouvaient 
bien  être  des  Animaux  androgynes,  et,  à  une  époque  où  les 
conditions  de  la  fécondation  n'étaient  pas  connues,  on  a  sup- 
posé aussi  que  l'action  de  la  semence  du  mâle  sur  l'organisme 
d'une  femelle  pouvait  suftire  pour  rendre  fertile  pendant  un 
temps  plus  ou  moins  long  toute  la  lignée  d'individus  du  même 
sexe  qui  en  descendrait.  Mais  la  première  de  ces  hypothèses 
est  tombée  devant  l'investigation  anatomique  de  l'appareil 
génital  des  Pucerons    vivipares   (2),   et  la  seconde   est  en 

(i)  Le  viviparisme  des  Pucerons  fut  vaut  les  Pucerons  en  serre   chaude, 

constaté  pour   la   première   fois  par  Kyber  a  vu  les  femelles  se  succéder, 

Leuwenlioeck  (a)  ;  mais  la  découverte  en  l'absence   du  mâle,  pendant  une 

de  la  faculté  que  possèdent  ces  In-  période  de  quatre  années  (/"). 

sectes  de  se  reproduire  sans  le  con-  (2)  M.  Léon  Dufour  constata  que 

cours  du  mâle    appartient  à  Bonnet.  chez  les  Pucerons  vivipares  l'appareil 

Ce  naturaliste  obtint  de  la  sorte,  avec  de  la  génération  ne  se  compose  que 

le  Puceron  du  Plantain,  une  série  de  des  ovaires  (ou  gaines  ovigères)  et  de 

dix  générations  (6),  et  bientôt  après  ses  l'oviducte,  sans  que  ce  dernier  tube 

observations  furent  confirmées  par  les  soit    pourvu   des  parties   accessoires 

expériences  de  Bazin,  de  Trembley,  que  cet  anatomiste  appelle  des  glandes 

de  Lyonnet  (c)  et  du  célèbre  entomo-  sébiftques ,  et  que   d'autres  auteurs 

logiste  suédois  Charles  de  Geer  (d).  considèrent  comme  une  vésicule  co- 

Plus  récemment,  Duveau  constata  le  pulatrice  ou  un  réservoir  séminal  (j/). 

même  phénomène  pendant  une  suite  Ces  résultats  ont  été   confirmés   en 

de  onze  générations  (e),  et,  en  éle-  tout  ce  qu'ils  ont  d'essentiel,  et  com- 

(a)  Leuwenhoeck,  Areana  Naturœ,  p.  539. 

(b)  Bonnet,  Traité  d'insectologie,  1745,  t.  I. 

(c.)  Voyez  Rcaumur,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t,  VI,  p.  537  et  siiiv. 

(d)  De  Geer,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  t.  III,  p.  28  et  suiv. 

(e)  Duveau,  Nouvelles  recherches  sur  l'histoire  naturelle  des  Pucerons  (Mém.  du  Muséum 
d'histoire  naturelle,  t.  XIII,  p.  126). 

(f)  i.  F.  Kyber,  Einige  Erfahrungen  und  Bemerkungen  ûber  Blatllduse  (Gerraar's  Mag.  der 
Entomologie,  1815,  t.  1,  2»  partie,  p.  14  et  suiv.). 

(g)  L.  Dufour,  Recherches  analomiques  et  physiologiques  sur  les  Hémiptères,  p.  232. 


PARTHÉNOGENÈSE.  377 

désaccord  avec  tout  ce  que  l'on  sait  touchant  le  mécanisme  de 
la  fécondation  (1).  Plus  récemment,  M.  Owen  a  cherché  à 
expliquer  ce  mode  de  multiplication  en  supposant  qu'une  por- 
tion de  la  substance  germinative  rendue  viable  par  la  féconda- 
tion n'est  pas  employée  pour  la  constitution  de  l'embryon 
développé  dans  l'œuf,  et  reste  simplement  incluse  dans  le  corps 
de  celui-ci,  où  elle  donnerait  naissance  à  un  nouvel  individu 
qui  recèlerait  à  son  tour  une  partie  de  cette  espèce  de  provi- 
sion de  matière  génésique,  et  ainsi  de  suite,  jusqu'à  épuise- 
ment de  la  matière  plastique  ainsi  emmagasinée  dans  une  série 
d'individus  descendant  les  uns  des  autres.  Mais  cette  nouvelle 
hypothèse  ne  satisfait  pas  mieux  que  les  précédentes,  et  la 
marche  bien  connue  des  phénomènes  embryogéniques  ne  nous 
permet  pas  de  l'adopter.  Dans  l'état  actuel  de  nos  connais- 
sances, nous  ne  pouvons  qu'enregistrer  les  faits  physiolo- 
giques dont  il  vient  d'être  question,  et  les  comparer  à  ceux  qui 
nous  sont  offerts  par  les  autres  Animaux.  Du  reste,  cette  com- 


plétéspar  les  recherches  entreprises  plus  qu'on  l'avait  d'abord  supposé  (6),  et  ni 
récemment  en  France,  en  Allemagne  et  la  constitution  de  ces  derniers  corps 
en  Angleterre,  par  plusieurs  auteurs  (a).  embryogènes,  ni  la  structure  des  ovai- 
11  existe  quelques  différences  dans  le  res,  ne  paraissent  offrir  aucune  parti- 
mode  de  développement  de  l'œuf  pro-  cularité  importante  (c). 
prement  dit  des  Pucerons  fécondables  (1)  Voyez  ce  qui  a  été  dit  ci-des- 
et du  pseudomi/n  ou  œuf  agamogénique  sus  touchant  le  mode  d'action  de  la 
des  Pucerons  vivipares  ;  mais  ces  dif-  liqueur  séminale,  pages  33Zi  et  sui- 
férences  ne  sont   pas  aussi  grandes  vantes. 

(a)  Dutrochet,  Observations  sur  les  organes  de  la,  génération  des  Pucerons  (Ann.  des  seiencet 
nat.,  1833,  t.  XXX,  p.  204,  pi.  17,C). 

Ch.  Morren,  Mém.  sur  l'émigration  du  Puceron  du  Pêcher  et  sur  les  caractères  et  Vana- 

tomie  de  cette  espèce  {Ann.  des  sciences  nat.,  2»  série,  t.  VI,  p.  84  et  suiv.,  pi.  6  et  7,  A). 

(b)  Siebold ,  Ueber  die  innern  Geschlechtswerkzeuge  der  viviparen  und  oviparen  Blattl&use 
(Froriep's  Neue  Notizen,  1839,  t.  XII,  p.  308). 

V.  Carus,  Zur  naehern  kenntniss  des  Generationstvechsels,  1849,  p.  20. 

Waldo-Burnett,  Researches  on  ihe  Development  oj' Viviparous  Aphides  (Silliman's  American 

Journal,  1854,  t.  XVII;  —  Ann.  of  Nat.  Hist.,  2»  série,  1854,  t.  XIV,  p.  81). 

(c)  Leydig,   Einige  Bemerkungen   iiber  die  Entwickleung  der  Blattlâiise  (  Zeitschrift  fur 
wissensch.  Zoologie,  1850,  t.  II,  p.  G2,  pl.  5,  B). 

Huxley,  On  the  Agamic  Reproduction  and  Morphology  of  Aphis  {Philos.  Trans.,  1857, 

p.  193,  pl.  36). 

—  J.  Lubbock,  On  the  Ova  and  Pseudova  of  Insects  {Philos.  Trans.,  1858,  p,  341,  pl.  18). 


878  REPRODUCTION. 

paraison  suffit  pour  faire  disparaître  en  partie  les  difficultés  dont 
on  est  tout  d'abord  frappé.  En  effet,  du  moment  que  nous  avons 
constaté  que,  chez  les  Animaux  scissipares,  l'activité  vitale 
d'une  petite  portion  de  l'organisme  peut  suffire  à  la  production 
d'un  individu  nouveau,  nous  pouvons  voir  sans  étonnement 
la  substance  plastique  qui  est  élaborée  dans  l'appareil  géné- 
rateur des  Pucerons  devenir  un  centre  d'activité  analogue. 
L'œuf  fécond  qui  est  formé  de  la  sorte  est  assez  semblable  à 
ces  espèces  de  bourgeons  caducs,  ou  bulbilles,  que  nous  avons 
déjà  vus  se  détacher  du  corps  de  divers  Animaux  inférieurs,  et 
devenir  ensuite  le  siège  d'un  travail  organisateur  dont  résulte 
un  individu  nouveau. 

Ces  phénomènes  de  parthénogénésie,  ou  reproduction  par 
des  femelles  vierges,  ne  se  rencontrent  pas  seulement  chez  les 
Pucerons  et  d'autres  Insectes  de  la  famille  des  Aphides.  11 
est  au  moins  très-probable  que  divers  Lépidoptères,  particu- 
lièrement les  Psychés,  sont  susceptibles  de  se  multiplier  de  la 
même  manière  (1),  et  les  observations  faites  depuis  quelques 


(1)  Réaiiniur  fut  le  premier  à  en-  caractère  de  précision  nécessaire  pour 

trevoir  le  phénomène  de  la  partliéno-  inspirer  grande  confiance,  car  l'exis- 

génésie  chez  les  petits  Lépidoptères  lence  d'individus  des  deux  sexes  avait 

connus  aujourd'hui  sous  le  nom  de  été  constatée  plus  d'une  fois  (c),  et 

Psychés,  mais  il  hésita  à  y  croire  (a).  elles  hirent  révoquées  en  doute  par  la 

Des    observations    analogues   furent  plupart   des    entomologistes   de  l'é- 

publiées  ensuite   par  Schiffermiiller,  poque  actuelle  (d),  jusqu'au  moment 

Pallas    et   plusieurs   autres    natura-  où  M.   Siebold  eut  fait  à  ce  sujet  des 

listes  (6) ,  mais  elles  n'avaient  pas  le  expériences  concluantes.  S'étaut  pro- 

(a)  Réaumur,  Ném.  pour  servir  à  l'histoire  des  Insectes,  037,  t.  III,  p.  -153. 

(6)  Scliiffermiiller,  Sjjstematisches  Verzeichniss  der  Schmetterlinge  der  Wienergegend,  i77G. 

—  Pallas ,  Observatio  Phalœnarwn  biga  quarum  alterius  femina  artubus  prorsus  destituta, 
nudaque,  vermiformis,  alterius  glabra  quidem  et  impiennis,  altamen  pédala  est,  utriusque  vero, 
sine  habita  cum  maseulis  commercio,  fœcunda  ova  parit  (Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  1767, 
t.  m,  p.  iSO). 

(c)  De  Geer,  Mém.pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Insectes,  i.  II,  p.  379. 

(d)  Siebold,  Ueber  die  Fortpjlanz^mg  von  Psyché  {Zeitschrift  fur  îvissensch.  Zoologie,  1849, 
t.  I,  p.  93). 

—  Lacordaire,  Introduction  à  l'entomologie,  t.  II,  p.  384. 

—  Bruand,  Essai  monographique  sur  la  tribal  des  Psychides  (Société  d'émulation  du  Doubs, 
1852). 


PARTHÉNOGENÈSE.  379 

années  sur  les  Abeilles  tendent  à  faire  penser  que  si  le  con- 
cours du  mule  est  toujours  nécessaire  pour  que  l'Abeille  reine 
produise  d'autres  femelles  ou  des  Abeilles  ouvrières,  la  fécon- 
dation ne  serait  pas  également  indispensable  pour  la  ponte 


curé  un  grand  nombre  de  cocons  du  chez  le  Bombyx  (  ou  Gastropacha  ) 

Talœporia  (ou  Solenobia  lichenclla)  potatorîa    et     VEpisema    cœruleo- 

et  du  T.  triquetrella,  il  vit  qu'il  n'en  cephala    (c)  ;   par   Suckow,   chez  le 

sortit  que  des  femelles,  et  que  celles-  Gastrophaga  Fini   (d)  ;   par  Trevi- 

ci,  renfermées  sous  une  cloche,   ne  ranus,  chez  le  Sphinx  Liguslri  (c-)  ; 

tardèrent  pas  à  pondre  des  œufs  dont  par  M.  Nordmann  (/"),  par  M.  Brown, 

sortit    une   nouvelle   génération    de  par    M.     Tardy     et    par    plusieurs 

ces  petits  Lépidoptères.   M.   Siehold  autres   entomologistes  {y)  ,   chez   le 

obtint  ensuite  des  résultats  analogues  Smerinthus  Populi  ;  par  M.  Lecoq, 

en  expérimentant  sur  le  Ps?/c/ie /ie^icc,  chez  VArctia  ciaja  [h]  ;  par  M.  Car- 

dont  on  ne  connaît  encore  que  des  lier,  chez  le  Liparis  dispar  (i)  ;  par 

individus  femelles  {a).  M.  Curtis,  chez  le  Bombyx  Polyphe- 

Les  Psychés  ne  sont  pas  les  seuls  mus  (j)  ;  par  M.  Lacordaire,  chez  le 

Lépidoptères  chez  lesquels  des  phéno-  Bombyx  Quercus  {k);  et  par  M.  Thom, 

mènes    de   lucinia    sine    concubitu  chez  le  Nematus  Ribesii  (/).  Plusieurs 

aient  été  signalés  ;    des  faits   de   cet  naturahstes  assurent  avoir  observé  des 

ordre  ont  été  mentionnés  par  Albrecht  faits   analogues  chez    le  Bombyx  du 

chez  un  Papillon  (6)  ;  par  Bernoulli,  Mûrier  [m)  ;  mais  si  la  parthénogénésie 


(a)  Siebold  ,  Wahre  Parthenogenesis  bei  Schmetterlingen  und  Bienen.  Leipsig,  1856.  — 
Recherches  sur  la  parthénogenèse  chez  les  Lépidoptères  et  les  Abeilles  (Ann.  des  sciences  nat., 
i'  série,  1856,  t.  VI,  p.  195). 

(6)  Albreclit ,  De  Insectorwn  ovis  sine  prœvia  maris  cum  femella  conjunctione  fœcundis 
(Ephem.  nat.  curios.,  1790,  dec.  3,  ann.  ix.  p.  26,). 

(c)  Bernoulli ,  Observatio  de  quorumdam  Lepidopterum  facuUaie  ova  sine  progressa  coitu 
fcECunda  excludendi  {Mém.  de  Berlin,  1772,  p.  44  ;  —  Jliscell.  Acad.  nat.  curios.,  an  ix  et  x, 
dec.  3,  obs.  H,  p.  26). 

^    (d)  Suckow,  Geschlechtsorgane  der  Insecten  (Heussinger's  Zeitschrift  fur  die  org.  Plujs.,  1828, 
t.  II,  p.  263). 

(e)  Treviranus,  Vermisch.  te  Schriften.,  t.  IV,  p.  106). 

(/■)  Voyez  Burnieister,  Handbuch  der  Entomologie,  t.  I,  p,  337. 

[g]  Brown,  A  List  of  crepuscular  Lepidopterous  Insects,  1835  {Mag.  of  Nat.  Hist.,  t.  VIII, 
p.  557). 

—  Kipp,  Bienenzeitung,  1853,  p.  752. 

—  Newmann,  SlawoU  etRobinson  :  voy.  Lubbock,  On  Reproduction  in  Daphnia  {Philos.  Trans., 
1857,  p.  96). 

(h)  Lecoq,  De  la  génération  alternante,  etc.  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1856 
t.  XLIII,  p.  1069). 

(i)  Voyez  Lacordaire,  Introduction^à  l'entomologie,' t.' lï,  p.  383. 

{j)  Voyez  De  Filippi,  Sur  la  génération  d'un  Hyménoptère  {Ann.'  des  sciences  nat.,  S'  série, 
185J,  t.  XV,  p.  297). 

{k)  Lacordaire,  Introduction  à  Vcntomologie,  t.  Il,  p.  383. 

(ij  Tliom,  On  Ihe  Gooseherry  CalerpiUars  and  the  Application  of  heat  for  their  Destruclion 
(Gardener's  Magazine,  t.  VII,  p.  196. 

(m)  Siebold,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  1856,  t.  Vf,  p.  200). 


380  REPRODUCTION. 

d'œufs  dont  naîtraient  des  maies  (l).  Enfin,  on  connaît  aussi 
plusieurs  Crustacés  qui  semblent  faire  exception  à  la  règle 
ordinaire,  touchant  l'union  nécessaire  des  produits  du  mâle  et 
de  la  femelle  comme  prélude  du  travail  embryogénique  dans 


existe  parfois  cliez  ces  Insectes ,  c'est 
certainement  un  cas  exceptionnel. 

11  est  probable  que  les  Cynips  fe- 
melles sont  susceptibles  de  se  repro- 
duire de  la  même  manière,  car  les 
entomologistes  ont  cherché  en  vain  à 
découvrir  des  individus  mâles  de  plu- 
sieurs espèces  de  ce  groupe  (a),  et 
M.  Léon  Dufour  a  vu  que  les  femelles, 
au  moment  de  leur  sortie  de  la  galle 
oîi  elles  sont  nées  ,  ont  déjà  dans 
leur  intérieur  des  œufs  bien  dévelop- 
pés (6). 

(1)  Des  observations  qui  tendaient 
à  prouver  que  l'Abeille  peut  se  repro- 
duire sans  le  concours  du  mfde  avaient 
été  faites  depuis  longtemps  par  plu- 
sieurs observateurs  (c)  ;  mais,  à  la 
suite  des  belles  recherches  de  Huber 
sur  la  fécondation  de  cet  Insecte  {cl), 
on  n'y  attacha  que  peu  d'importance 
jusqu'au  moment  où  un  agriculteur 
allemand,  M.  Dzierzon,  curé  à  Carls- 
mark,  en  Silésie,  vint  donner  à  des 
faits  du  même  ordre  un  grand  intérêt. 

On  savait  par  les  observations  de 


Huber  que  l'accouplement  des  Abeilles 
ne  peut  s'effectuer  que  pendant  le  vol, 
et  que  si  le  rapprochement  sexuel  n'a 
pas  lieu  avant  le  vingt  et  unième  jour 
après  que  la  jeune  Reine  est  sortie  de 
sa  cellule,  celle-ci  ne  devient  pas  apte  à 
produire  des  œufs  d'ouvrières  ou  des 
œufs  royaux,  et  ne  pond  que  des  œufs 
dont  naissent  des  mâles.  Or,  M.  Dzier- 
zon annonça  que  les  Reines  retenues 
captives  et  placées  ainsi  dans  l'impos- 
sibilité de  recevoir  le  mâle,  pondent 
des  œufs  de  ce  dernier  genre,  et  que 
dans  les  circonstances  ordinaires  les 
œufs  donnant  des  femelles  ou  des  ou- 
vrières sont  les  seuls  qui  subissent 
l'action  de  la  liqueur  séminale  déposée 
dans  la  vésicule  copulatrice  au  mo- 
ment du  coït  (e).  Cette  opinion  a  été 
confirmée  par  les  observations  de  plu- 
sieurs des  naturalistes  les  plus  émi- 
nents  de  l'Allemagne,  tels  que  M.  Sie- 
bold  et  M.  Leuckart  (/").  Elle  s'appuie 
principalement  sur  les  faits  suivants. 

Lorsque  la  Reine,  par  suite  d'un 
vice  de   conformation  des  ailes ,  ne 


(a)  Hartig ,  Zweiter  Nachtr,  %ur  Naturgesch.  der  Gallenvespen  (Germai-'s  Zdtschr.  fur 
Entom.,  1813,  t.  IV,  p.  597). 

(b)  Léon  Dufour,  Recherches  sur  les  Orthoptères,  etc.,  p.  263  {extrait  des  Mémoires  des  Savants 
étrangers,  l.  VII,  1841). 

(c)  Voyez  Westwood,  Iniroduclion  to  the  modem  Classification  ofinser.ts,  1840,  t.  If,  p.  384. 
Hallorf,    Recherches  sur  cette  question  :  La  Reine  Abeille  doit-elle  aire  fécondée  par  les 

faux  Bourdons  ?  (Voy.  Schirack,  Histoire  nat.  des  Abeilles  (Trad.  par  Blassière,  1771). 

(d)  F.  Huber,  Nouvelles  observations  sur  les  Abeilles,  1814,  t.  I,  p.  91  et  suiv. 

(e)  Dzierzon,  Théorie  und  Praxis  des  Neuen  Bieneiifrew^des,  1849.  —  Nachlrages  sîi?" 
Théorie  und  Praxis,  1852. 

{/■)  Siebold,  Wahre  Parlhenogenesis  bel  Schmetterlingen  und  Dienen  ,  1850.  —  Recher'ches 
sur  la  Parthénogénésie  {Ann.  des  sciences  nat.,  ¥  série,  185û,  t.  VI,  p.  170  el  suiv  ). 

—  Leuckart,  Zur  Kenntniss  des  Generationswechsels  und  der  Parlhenogenesis  bel  den 
Insekten,  1858. 


PARTHÉNOGEINÈSE.  381 

l'intérieur  d'un  œuf.  Les  Daplinies  qui  habitent  nos  eaux  douces 
sont  dans  ce  cas  (i). 

Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  il  serait  difficile  de 
bien  apprécier  la  valeur  de  tous  ces  faits  exceptionnels.  Faut-il 
penser  que  les  œufs  produits  par  parthénogenèse  sont  assimi- 
lables à  ces  bulbilles  reproducteurs  dont  il  a  été  question  dans 


peut  pas  quitter  la  ruche,  et  par  con- 
séquent ne  peut  pas  s'accoupler  avec 
le  mâle,  elle  pond  des  œufs  dont  nais- 
sent des  mâles  seulement.  Dans  une 
expérience  faite  par  M.  Berlepscli,  une 
jeune  Reine  retenue  captive  dans  sa 
ruche  depuis  le  moment  de  sa  nais- 
sance ,  donna,  au  l)Out  de  quelques 
mois,  une  couvée  abondante  de  mâles, 
mais  ne  produisit  ni  des  ouvrières 
ni  des  femelles.  Une  autre  Abeille 
reine  qui  avait  donné  jusqu'alors  des 
œufs  de  diverses  sortes  dans  la  pro- 
portion ordinaire,  ayant  été  blessée  à 
la  partie  postérieure  de  l'abdomen,  là 
où  se  trouve  le  réservoir  séminal , 
continua  à  pondre ,  mais  ne  donna 
plus  que  des  mâles.  M.  Leuckart  exa- 
mina avec  beaucoup  de  soin  les  œufs 
pondus  par  les  Abeilles  reines  dans 
les  circonstances  ordinaires,  afin  de 
voir  s'ils  offriraient  quelques  diffé- 
rences en  rapport  avec  le  phénomène 
de  la  fécondation  :  dans  quelques  cas, 
il  parvint  à  découvrir  des  Spermato- 
zoïdes près  du  micropyle  sur  des  œufs 


destinés  à  donner  naissance  à  des  ou- 
vrières, mais  jamais  il  n'en  trouva 
aucune  trace  sur  les  œufs  mâles.  Enfin, 
M.  Siebold  examina  au  microscope  le 
contenu  de  ces  deux  sortes  d'œufs  : 
sur  52  œufs  femelles,  30  lui  montrè- 
rent des  Spermatozoïdes,  et  les  20  au- 
tres furent  abîmés  par  les  mouvements 
nécessaires  pour  des  investigations  de 
ce  genre  ;  d'autre  part,  27  œufs  re- 
tirés des  alvéoles  préparés  pour  les 
mâles  furent  examinés  avec  les  mêmes 
soins,  et  dans  aucun  on  ne  trouva 
des  traces  de  l'existence  de  Sperma- 
tozoïdes. 

(1)  Les  Daphnies  femelles  sont  beau- 
coup plus  nombreuses  que  les  mâles, 
et,  dans  la  plupart  des  cas,  se  repro- 
duisent sans  s'être  accouplées  avec 
ceux-ci.  Ce  fait,  observé  par  Schaeffer 
vers  le  milieu  du  siècle  dernier  (a), 
a  été  constaté  expérimentalement  par 
plusieurs  naturalistes  (6).  En  opérant 
sur  des  femelles  séquestrées  dès  leur 
naissance,  on  a  pu  obtenir  jusqu'à  six 
générations  parthénogénésiques. 


(a)  ScIiiEfrcr,  DiegHïnen  Armpohjpen,  die  geschivânzten und  ungescliwân%ten  zackigenWasser- 
flOhe,  etc.,  1775. 

(h)  Jurine,  Histoire  des  Monades,  1820,  p.  IGG. 

—  Straiis,  Mém.  sur  les  Daphnies,  p.  44  (extrait  des  Mémoires  du  Muséum  dliisloire  natu- 
relle, t.  V). 

—  Baird,  Nat.  Hist.  of  British  Entoniostraca  (Mag.  of  Zool.  and  Botany,  t.  II,  p.  40G). 

—  Lubboek,  Account  of  the  two  Modes  of  Reproduction  in  Daphnia  (Philos.  Trans.,  iS51, 
p.  79). 

—  SmitI),  Sur  les  Ephippies  des  Daphnies,  p.  13  (exirait  des  Nova  Acta  Soc,  scient.,  Upsal, 
1859,  3'  série,  t.  III). 


382  REPRODUCTION. 

une  Leçon  précédente?  ou  faut-il  supposer  que  dans  les  cas  de 
cet  ordre,  la  matière  fécondante,  qui  d'ordinaire  semble  être 
portée  dans  l'œuf  par  les  Spermatozoïdes,  y  est  introduite  par 
l'organisme  de  la  femelle  sans  avoir  revêtu  la  forme  de  ces 
corpuscules  fertilisateurs  ?  On  pourrait  faire  encore  d'autres 
hypothèses  à  ce  sujet  ;  mais,  en  se  livrant  à  de  pareilles  spé- 
culations de  l'esprit,  on  n'avancerait  pas  la  question,  et  il  me 
paraît  préférable  d'avouer  franchement  notre  ignorance,  ne 
fût-ce  que  pour  provoquer  des  investigations  nouvelles. 
Résumé.         §  8.  —  En  résumé,  nous  voyons  donc  : 

V  Que  tout  être  animé  est  produit  par  un  être  vivant  de  son 
espèce. 

2°  Que  tantôt  il  y  a  continuité  de  substance  entre  l'individu 
souche  et  l'individu  nouveau,  tandis  que  d'autres  fois  le  germe 
de  ce  dernier  naît  en  contiguïté  avec  le  tissu  vivant  de  l'orga- 
nisme dont  il  dérive,  sans  être  jamais  en  continuité  avec  lui. 

3°  Que  la  génération  par  continuité  s'effectue  de  trois  ma- 
nières :  par  scissiparité  ou  par  gemmiparité,  ou  par  la  pro- 
duction de  bulbilles. 

Il"  Que  la  génération  par  contiguïté  a  lieu  au  moyen 
d'œufs  qui  tantôt  sont  aptes  à  produire  un  individu  nouveau 
sans  rien  recevoir  du  dehors,  mais  qui  d'ordinaire  restent  sté- 
riles jusqu'à  ce  qu'ils  aient  subi  l'action  d'une  matière  fécon- 
dante particulière  contenant  des  corpuscules  organisés  dils  sper- 
matiques;  ou,  en  d'autres  mois,  que  ce  mode  de  reproduction 
a  lieu  de  deux  manières  :  tantôt  par  l'activité  propre  d'indi- 
vidus agames  ou  par  parthénogenèse  ;  d'autres  fois  par  le 
concours  fonctionnel  de  deux  agents  sexuels  différents. 

5°  Que  la  procréation  sexuelle  peut  s'effectuer  de  trois  ma- 
nières :  au  moyen  d'un  seul  individu  androgyne,  c'est-cà-dire 
pourvu  des  deux  sortes  d'organes  sexuels,  les  uns  mfdes,  les 
autres  femelles;  au  moyen  de  l'action  combinée  de  deux  indi- 
vidus homœomorphes,  qui  sont  hermaphrodites  comme  le  pré- 


RÉSUMÉ.  383 

cèdent,  mais  dont  l'hermaplirodisme  est  relatif  et  non  absolu; 
enfin  au  moyen  de  deux  individus  dioïques,  c'est-à-dire  chez 
lesquels  les  organes  mâles  et  femelles  ne  coexistent  pas  dans 
le  corps  du  même  Animal  et  appartiennent  à  deux  individus  de 
sexes  différents. 

6°  Que  la  production  des  œufs  et  des  corpuscules  sperma- 
tiques  peut  être  diffuse,  mais  que  dans  l'immense  majorité  des 
cas  elle  est  localisée  dans  des  glandes  particulières  dont 
l'une,  appelée  ovaire,  est  l'organe  femelle  essentiel,  et  l'autre, 
nommée  testicule^  est  l'organe  mâle. 

7°  Que  dans  l'un  et  l'autre  de  ces  organes  il  se  forme  des 
cellules  ou  utricules  libres  et  vivantes,  dans  l'intérieur  desquelles 
se  développent  les  substances  embryogéniques,  savoir,  d'une 
part,  les  corpuscules  spermatiques,  d'autre  part  la  matière  ger- 
mi  native. 

8°  Que  d'ordinaire  les  corpuscules  spermatiques  affectent  la 
forme  d'Animalcules  et  sont  doués  de  la  faculté  d'exécuter  des 
mouvements  spontanés. 

9°  Que  ces  Spermatozoïdes,  pour  féconder  le  germe  contenu 
dans  l'œuf,  doivent  arriver  en  contact  avec  celui-ci  à  l'état  vivant, 
et  pénétrer  plus  ou  moins  profondément  dans  son  intérieur. 

10°  Que  l'œuf  ainsi  fécondé  peut  être  un  appareil  embryo- 
génique  complet,  c'est-à-dire  contenant  tout  ce  qui  est  néces- 
saire au  développement  de  l'individu  nouveau  jusqu'au  moment 
où  celui-ci  est  devenu  apte  à  vivre  dans  le  monde  extérieur  ; 
ou  bien  un  appareil  embryogénique  incomplet,  qui  doit  rece- 
voir de  l'organisme  souche  de  nouvelles  provisions  de  matières 
assimilables  à  mesure  que  le  développement  du  jeune  s'effectue 
dans  sa  cavité. 

Pour  terminer  cette  esquisse  rapide  du  mode  de  multiplica- 
tion des  êtres  vivants  dans  l'ensemble  du  Règne  animal,  il 
me  paraît  nécessaire  d'étudier  maintenant  les  caractères  géné- 
raux du  travail  embryogénique  qui  s'effectue  dans  l'intérieur 


38/l  REPRODUCTION. 

de  l'œuf.  Ce  sera  le  sujet  de  la  prochaine  Leçon  ;  mais  les 
notions  sommaires  que  je  présente  ici  ne  sauraient  nous  suffire, 
et  il  nous  faudra  examiner  d'une  manière  plus  approfondie 
l'histoire  anatomique  et  physiologique  de  l'appareil  reproduc- 
teur dans  chacun  des  principaux  groupes  zoologiques.  Nous 
nous  occuperons  de  ces  études  particulières  dès  que  nous 
aurons  passé  en  revue  les  faits  dont  la  connaissance  pourra 
compléter  les  idées  générales  que  nous  devons  avoir  du  grand 
phénomène  de  la  génération. 


SOIXANTE -QUATORZIEME  LEÇON. 

Suite  des  notions  préliminaires  sur  la  reproduction  des  Animaux.  —  Caractère 
général  du  travail  embryogénique.  —  Fractionnement  du  germe.  —  Développe- 
ment du  Métozoaire  et  du  Typozoaire;  phénomènes  des  générations  alternantes, 
—  Analogie  de  ces  phénomènes  avec  ceux  que  l'on  observe  au  début  du  travail 
embryogénique  chez  les  Animaux  supérieurs.  —  Distinction  à  établir  entre  les 
divers  termes  de  la  série  des  êtres  qui  naissent  successivement  les  uns  des 
autres;  Protoblastes,  Métozoaires  et  Typozoaires.  — Diversification  des  matériaux 
organiques;  mode  de  formation  et  classification  des  tissus. 


§  1.  —  Jadis  beaucoup  de  physiologistes  pensaient  que  dès      M^^e 
son  origine  le  jeune  Animal  en  voie  de  développement  dans  le        de 

l'organisme 

sein  de  sa  mère,  ou  dans  l'intérieur  d'un  œuf  déjà  expulsé  au  des  Animaux. 
dehors  de  l'organisme  de  celle-ci,  présente  en  miniature,  et 
avec  des  teintes  plus  ou  moins  faibles,  l'image  exacte  de  ce 
qu'il  sera  par  la  suite;  qu'il  possède  déjà  toutes  les  parties  qu'il 
aura  plus  tard,  et  que  par  les  progrès  du  travail  embryogénique, 
ces  parties  ne  font  que  grandir  et  se  dessiner  plus  nette- 
ment. Cette  opinion,  que  dans  l'ancien  langage  des  Écoles  on 
appelait  le  système  de  révolution,  devait  être  adoptée  par  les 
naturalistes  spéculatifs  qui  admettaient  l'hypothèse  de  la  pré- 
existence et  de  l'emboitement  des  germes  (1);  mais  elle  ne 

(1)  Les  observations  incomplètes  de  aperçu  sous  la  peau  delà  nymphe  tous 

Swammerdam  sur  les  métamorphoses  les  organes  dont  l'Insecte  parfait  de- 

des  Insectes  furent  considérées    par  vait  être  pourvu,  et  il  pensa  que  chez 

quelques  physiologistes  du  siècle  der-  la  larve,  dès  l'origine  de  celle-ci,  il 

nier  comme  probantes,  en  faveur  de  devait  en  être  de  même  (a);  mais  il 

l'hypothèse  de  l'évolution.   Effective-  n'en  est  pas  ainsi.   Haller  fut  un  des 

ment,   cet  anatomistc,  en  disséquant  partisans  les  plus  célèbres  du  système 

quelques-uns  de  ces  animaux,  avait  de  l'évolution  (6). 

(a)  Swaramerdani,  Biblia  Naiurœ,  t.  I,  cap.  n,  ete. 

(&)  Haller,  Elemenla  physiologix,  t.  VIII,  p.  1  50  et  suiv. 


386  REPRODUCTION. 

pouvait  satisfaire  les  observateurs  qui  étudiaient  d'une  manière 
approfondie  les  phénomènes  embryogéniques  ;  et  dès  que  les 
physiologistes  eurent  commencé  à  s'occuper  sérieusement 
d'observations  de  ce  genre,  ils  furent  conduils  à  considérer  la 
formation  du  jeune  Animal  comme  le  résultat  d'une  sorte  de 
construction  progressive  au  moyen  de  laquelle  son  organisme 
s'enrichissait  successivement  de  parties  nouvelles  ajoutées  à 
celles  précédemment  constituées.  On  a  appelé  épigénèse  ce 
mode  de  développement  de  l'embryon.  Harvey,  dont  le  nom 
est  célèbre  à  plus  d'un  titre  (1),  fut  un  des  premiers  à  nous 
montrer  que  le  travail  embryogénique  présente  ce  caractère  (2) . 
Wolff,  dont  les  recherches  ont  une  grande  valeur,  mit  ce  fait 
encore  mieux  en  lumière  (3),  et  tous  les  travaux  de  même  ordre 
dont  la  science  a  été  enrichie  depuis  un  demi-siècle  sont  venus 
en  fournir  de  nouvelles  preuves.  L'hypothèse  de  l'évolution  est 
donc  irrévocablement  abandonnée  aujourd'hui,  et  le  système 
de  l 'épigénèse  est  considéré  par  tous  les  physiologistes  comme 
étant  l'expression  de  la  vérité. 

En  effet,  au  début  du  travail  embryogénique,  il  n'existe  dans 
l'intérieur  de  l'œuf  rien  qui  ait  la  moindre  ressemblance  avec 
le  jeune  Animal  qui  va  se  former,  et  bien  que  l'introduction  des 
Spermatozoïdes  dans  la  sphère  vitelline  ait  pu  être  constatée, 
toute  trace  de  l'existence  de  ces  corpuscules  dans  l'intérieur  de 


(1)  Voyez  lome  III,  page  22.  en  1735,  et  soutint  en  1759,   à  Hiill, 

(2)  Le  traité  sur  la  génération  pu-  une  thèse  très-remarquable  sur  la 
blié  par  Harvey  en  1631  contient  un  génération  (6).  Quelques  années  après, 
grand  nombre  d'observations  impor-  il  alla  se  fixer  à  Saint-Pétersbourg,  et 
tantes  (a),  mais  est  loin  de  valoir  ce  fut  dans  les  mémoires  de  l'Acadé- 
l'opuscule  de  ce  grand  physiologiste  mie  de  cette  ville  qu'il  publia  la  phi- 
sur  la  circulation  du  sang.  part  de  ses  travaux  sur  le  développc- 

(3)  Gaspard  Wolff  naquit  à  Berlin  ment  de  l'embryon. 

{a)  Harvey,  De  generalione  Animalium,  p.  652. 

(6)  Woliï,  Dissert,  inaug.  sistens  theoriam  generalionls,  1759.  —  Edilio  nova  aueta  et 
emendata,  1774. 


EMBRYOGÉNIE.  387 

l'œuf  ne  tarde  pas  à  disparaîlrc.  Quelques  physiologistes  avaient 
supposé  que  le  Spermatozoïde  n'élait  autre  ehose  que  le  rudi- 
ment du  nouvel  individu,  ou  tout  au  moins  une  partie  essentielle 
de  l'organisme  de  eelui-ei,  par  exemple  son  axe  eérébro-spinal  ; 
mais  ces  opinions  ne  sont  pas  fondées,  et  e'est  en  majeure  par- 
tie, sinon  uniquement,  aux  dépens  de  la  matière  plastique  du 
vitellus  que  l'embryon  se  constitue  (1). 

§  2.  —  Pour  bien  saisir  l'enchaînement  des  faits  dont 
l'étude  nous  occupe  en  ce  moment,  et  pour  ne  pas  nous  laisser 
distraire  de  la  recherche  du  caractère  général  des  phénomènes 
zoogéniques  par  la  diversité  des  formes  que  ces  phénomènes 
peuvent  affecter,  il  me  paraît  utile  de  présenter  ici  quelques 
considérations  qui,  au  premier  abord,  pourraient  sembler  un 
peu  abstraites,  mais  qui  trouveront  bientôt  leur  application  et 


État  primitif 

de  l'Animal 

naissant. 


(1)  Il  me  semblerait  iniUile  d'expo- 
ser ici  les  idées  des  anciens  natm'alistes 
relatives  au  rôle  de  la  liquem*  séminale 
dans  la  reproduction  ;  le  nom  donné 
à  cette  matière  indique  assez  qu'on  la 
considérait  comme  agissant  à  la  ma- 
nière des  semences  végétales  qui,  dé- 
posées dans  un  terrain  convenable, 
germent  et  se  développent.  Hippocraie 
avait  supposé  que  la  procréation  était 
due  à  l'union  de  ce  fluide  avec  un  pré- 
tendu liquide  séminal  qui  aurait  été 
fourni  par  la  femelle,  et  qui,  de  même 
que  la  première  serait  venu  de  toutes  les 
parties  du  corps  (a).  Aristote  combattit 
cette  hypothèse,  et  regarda  la  semence 
du  mâle  comme  étant  le  seul  agent 
prolifique,  et  comme  devant  être  nourri 
en  quelque  sorte  par  la  matière  des 
menstrues  de  la  femelle  ou  par  quel- 


que chose  d'analogue  (6).  Après  la 
découverte  des  spermatozoïdes,  beau- 
coup de  physiologistes  supposèrent  que 
ces  corpuscules  étaient  des  germes,  et 
que  l'embryon  n'était  autre  chose  que 
l'un  d'eux,  développé  par  l'effet  de 
son  séjour  dans  l'œuf  (c).  Quelques 
autres  publièrent  même  à  ce  sujet 
de  singuliers  romans.  Enfin,  de  nos 
jours,  quelques  auteurs  ont  pensé  que 
les  spermatozoïdes  pouvaient  bien  être 
le  rudiment  du  système  nerveux  céré- 
bro-spinal du  futur  animal  {d).  Mais 
aujourd'hui  toutes  ces  idées  sont  aban- 
données, et  l'on  est  d'accord  pour  regar- 
der ces  corpuscules  comme  des  agents 
fécondateurs  dont  l'existence  ne  se 
prolonge  pas  après  que  la  fécondation 
a  été  opérée. 


(a)  Hlppocrate,  De  la  génération  {Œuvres,  trad.  par  Lillrc,  t.  VII,  p.  471  et  siiiv.). 

(b)  Aristote,  De  generatione  Animalium,    lij).  I,  cap.  4  7  et  suiv. 

(c)  Voyez  Haller,  Elemeiita  physiologiœ,  t.  VIII,  lib.  xxix,  sect.  2. 

(d)  Dumas,  article  GÉNÉRATION  du  Dictionnaire  classique  d'histoire  7iaturelle,  1825,  t.  VII, 
p.  221,  etc. 


388  REPRODUCTION. 

qui  nous  serviront  de  guide  dans  l'examen  de  plus  d'une  ques- 
tion parliculière. 

D'après  tout  ce  que  nous  avons  vu  déjà,  toucliant  la  forma- 
lion  et  le  développement  de  l'œuf,  il  me  parait  évident  que  ce 
corps,  dès  le  premier  moment  de  son  existence,  c'est-à-dire 
lorsqu'il  ne  consiste  encore  qu'en  une  siuiple  vésicule  dite  ger- 
minative.  doit  être  considéré  comme  un  être  vivant,  comme  un 
nouvel  Animal  dont  le  corps  est  doué  de  la  faculté  de  se  déve- 
lopper suivant  certaines  règles  et  de  se  perfectionner  plus  ou 
moins,  en  s'enrichissant  de  parties  nouvelles  et  en  donnant 
naissance  à  des  produits  vivants,  qui  à  leur  tour  s'organiseront 
de  façon  à  constituer  un  nouvel  individu.  L'être  primordial  que, 
pour  la  faculté  de  l'exposition,  j'appellerai  le  Protoblaste^  termine 
là  son  rôle  biologique,  puis  il  meurt  et  disparaît;  mais  l'être 
qu'il  a  créé  continue  à  vivre  et  à  se  développer,  soit  en  vertu 
des  seules  forces  dont  il  est  animé,  soit  avec  l'aide  d'un  agent 
compléuientaire  fourni  par  la  liqueur  fécondante  du  mâle.  En  se 
développant,  il  subit  des  changements  considérables,  et  arrivé  à 
une  certaine  période  de  son  existence,  il  produit  par  une  sorte 
de  bourgeonnement  local  un  nouveau  corps  organisé  et  vivant, 
qui,  en  se  développant  à  son  tour,  deviendra  un  embryon,  puis 
un  Animal  semblable  à  celui  dont  provenait' le  blaslogène  dont 
il  descend. 
Produits  En  m'cxcusant  de  ces  néologismes,  j'appellerai  Métazoaire 
zoo"scnTque.  l'iudividu  intermédiaire  qui  est  né  du  Protoblaste,  et  qui  sera 
la  souche  dont  naîtra  l'individu  que  je  désignerai  sous  le  nom 
de  Typozoaire,  parce  qu'il  est  desliné  à  réaliser  la  forme  défi- 
nitive de  sa  race,  celle  sous  laquelle  une  nouvelle  génération  de 
Protoblastes  pourra  être  produite. 

Les  pliysiologistes  qui  s'occupent  seulement  de  l'étude  des 
Animaux  supérieurs,  négligent  trop  les  anneaux  intermédiaires 
entre  la  mère  et  l'embryon,  et  ne  considèrent  en  général  le  Méta- 
iioaire  que  comme  une  partie  de  ce  dernier  en  voie  de  formation. 


EMBRYOGÉNIE.  389 

Mais  lorsqu'on  tient  compte  de  ce  qui  se  passe  dans  d'aiilrcs 
groupes  zoologiques,  etlorsqii'on  veut  embrasser  d'un  seul  coup 
d'œil  l'ensemble  des  phénomènes  génésiques  dans  le  Règne 
animal  tout  entier,  les  distinctions  que  je  viens  d'établir  ne 
doivent  pas  être  perdues  de  vue,  parce  que  dans  beaucoup  de 
cas  le  rôle  physiologique  du  Métazoaire,  ou  même  celui  du 
Protoblaste,  s'agrandit  beaucoup  et  offre  un  grand  intérêt. 
Je  dirai  même  que  c'est  faule  d'avoir  bien  saisi  les  analogies  qui 
existent  entre  ces  différentes  périodes  de  l'hisloire  génésique 
des  Animaux  supérieurs  et  les  singuliers  phénomènes  désignés 
communément  sous  le  nom  de  générations  alternantes^  ou  de 
généagenèse  (1),  que  ceux-ci  ont  semblé  être  des  anomalies. 
En  effet,  chacun  des  trois  individus  qui  représentent,  comme 
nous  venons  de  le  voir,  une  seule  et  même  espèce  zoologique, 
le  Protoblaste ,  le  Métazoaire  et  le  Typozoaire  ,  est  un  être 
qui  vit  et  qui  procrée.  Mais  la  faculté  procréatrice  dont  ils 
sont  doués  n'a  pas  toujours  le  même  caractère.  Tantôt  le 
Protoblaste  ne  peut  donner  naissance  qu'à  un  Métazoaire,  et 
celui-ci  ne  peut  produire  qu'un  Typozoaire,  qui  à  son  tour  ne 
peut  engendrer  que  des  Protoblastes  ;  mais,  dans  d'autres  cas, 
les  produits  de  l'activité  générique  du  Métazoaire  et  même  du 
Protoblaste  peuvent  être  homœomorphes  aussi  bien  qu'hétéro- 
morphes,  c'est-à-dire  ressembler  à  l'être  dont  ils  proviennent 
ou  en  différer  :  le  Protoblaste  peut  alors  se  multiplier  et  fournir 
une  génération  nouvelle  de  jeunes  Protoblastes,  qui  à  leur  tour 
donneront  des  Métazoaires.  Quelquefois  aussi  le  Métazoaire  se 
développe  davantage,  et  devient  apte  non-seulement  à  vivre  dans 
le  monde  extérieur,  comme  le  font  les  Animaux  ordinaires,  mais 

(1)  M.  de  Quatrefages  a  proposé  festent  dans  les  divers  termes  d'une 
remploi  de  cette  expression  pour  dé-  série  d'êtres  descendus  les  uns  des 
signer  les  changements  qui  se  mani-      autres  (a). 

(a)  Qualrefages,  ilélamorphoses  de  l'Hoiume,  ei  des  Animaux,  -1862,  p.  16. 

vm.  27 


390  REPRODUCTION, 

aussi  à  reproduire  de  nouveaux  individus  faits  à  son  image,  les- 
'  quels  à  leur  tour,  donnent  naissance  à  des  Typozoaires,  ou  indivi- 
dus semblables  à  ceux  dont  sont  sortis  les  premiers  Protoblastes. 
Génération  Commc  cxemplc  de  cette  génération  homœomorphique  effec- 
'"pwqur"  tuée  par  les  Protoblastes,  je  citerai  ce  qui  a  lieu  chez  certains 
1. protobiastej  Vers  dc  la  famille  des  Pilaires  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
mentionner  les  migrations  :  le  Mermis  albicans,  dont  le  mode 
de  reproduction  a  été  étudié  avec  beaucoup  de  soin  par 
M.  Meissner.  L'appareil  femelle  de  ces  Animaux  se  compose 
d'un  long  tube,  dans  la  partie  la  plus  reculée  duquel  naissent  des 
Protoblastes  qui  consistent  chacun  en  une  cellule  renfermant 
un  nucléus  et  un  nucléole.  Par  les  progrès  du  développement 
de  cette  vésicule,  son  noyau  se  dédouble;  puis  chacune  des 
moitiés  de  ce  corps  se  partage  de  la  iiiême  manière,  et  par  les 
progrès  ultérieurs  de  cette  scissiparité ,  le  nombre  des  noyaux 
s'élèvera  ensuite  à  huit  ou  à  seize.  Les  noyaux  ainsi  produits 
sont  des  vésicules  germinatives  ou  protoblastes  destinés  à  deve- 
nir le  centre  d'autant  d'œufs;  ils  s'accolent  à  la  face  interne  des 
parois  de  la  cellule  primitive,  et  les  poussent  en  dehors  de  façon  à 
s'en  revêtir  et  à  déterminer  la  formation  d'autant  d'ampoules,  qui 
deviennent  bientôt  des  sacs  ou  des  cellules  secondaires  pédon- 
culées  dont  la  base  s'étrangle  de  plus  en  plus.  La  vésicule  primi- 
tive, ainsi  entourée  de  toute  une  progéniture  de  nouvelles  vési- 
cules réunies  en  grappe,  descend  ensuiie  dans  une  seconde  por- 
tion du  tube  génital,  etlà  élabore  dans  son  intérieur  la  substance 
vitelline,qui,  passant  par  les  pédoncules  creux  dont  je  viens  de 
parler,  pénètre  dans  les  celluîes  secondaires,  s'agglomère 
autour  des  noyaux  de  chacune  d'elles,  et  constitue  le  vitellus 
de  ces  œufs  dont  la  tunique  vitelline  semble  n'être  autre  chose 
que  la  portion  de  la  membrane  pariétale  de  la  cellule  primitive 
devenue  piriforme.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  ces  œufs  sont  d'a- 
bord réujiis  en  grappe  autour  de  la  portion  persistante  de  la 
vésicule  primitive,  qui  s'allonge  ensuite  de  façon  à  former 


EMBRYOGÉNIE.  391 

une  sorte  de  tige  ou  d'axe  ovigère.  Enfin,  les  œufs  qui  sont 
appendus  autour  de  ce  rachis,  comme  l'appelle  M.  Meissner, 
s'en  détachent:  leur  pédoncule  reste  encore  ouvert  pendant  quel- 
que temps,  et  constitue  le  micropyle  dont  il  a  déjà  été  question  ; 
enfin  la  sphère  vitelline  s'entoure  d'albumine,  et  après  que  la 
fécondation  a  eu  lieu,  le  travail  embryogénique  commence  (1). 

Yoilà  donc  un  corps  vivant  qui  se  multipHe  lorsqu'il  n'est 
encore  qu'à  l'état  d'utricule,  et  qui  produit  toute  une  génération 
de  Protoblastes  dont  la  forme  ne  diffère  pas  de  celle  des  œufs 
ordinaires.  C'est  en  quelque  sorte  un  œ.uf  qui  engendre  d'autres 
œufs  dont  les  produits  seront  des  êtres  d'une  tout  autre  forme; 
et,  s'il  était  permis  d'appliquer  à  ces  phénomènes  les  noms 
employés  pour  désigner  la  succession  des  Animaux  supérieurs 
qui  sont  procréés  les  uns  par  les  autres,  on  pourrait  dire  que 
le  Protoblaste  né  du  Mermis  est  la  mère  des  Protoblastes 
qui  sortent  du  corps  de  cesVers  à  l'état  d'œufs,  et  que  ces  der- 
niers sont  les  arrière-enfants  de  l'Animal  souche. 

^3.  —  Du  reste,  que  le  Protoblaste  soit  le  produit  d'un    Génération 
corps  reproducteur  semblable  à  lui ,  c'est-à-dire  d'une  cellule      p^'i"^ 
vivante,  d'une  vésicule  germinative,  ou  qu'il  naisse  directement  i«  Protowaste. 
de  l'Animal  propagateur,  son  rôle  physiologique  est  de  courte 
durée  ;  car  lorsque  l'œuf  dont  il  constitue  la  partie  fondamen- 
tale est  arrivé  à  maturité,  il  se  détruit,  et  disparaît  après  avoir 
transmis  la  puissance  vitale  aux  rudiments  d'un  nouvel  être  : 
leMétazoaire  dont  il  détermine  la  formation.  Celui-ci,  pour  se 
développera  devenir  apte  à  produire  un  Typozoaire,  a  d'or- 
dinaire besoin  de  subir  l'influence  excitante  des   Sperma- 

(1)  Le  travail  de  M.  Meissner  sur  le  fort  intéressantes  sur  la  formation  des 

développement  des  iier?nis  a  une  très-  cellules  spermatiques  ou  œufs  mâles, 

grande  importance  pour  la  physiologie  aussi  bien  que  sur  la  production  des 

générale,  et  contient  des  observations  œufs  de  la  femelle  (a). 

(a)  G.  Meissner,  Beitràge  zur  Anatomie  und  Phijsiologie  von  Mermis  albicans  {Zeitschrift  fur 
wissenschaftliche  Zoologie,  1853,  t.V,  p.  207). 


392  REPRODUCTION. 

tozoïdes.  Mais,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu  dans  la  dernière 
Leçon  (1),  la  fécondation  n'est  pas  toujours  nécessaire,  et,  en 
général,  même,  le  germe  immédiat  de  ce  nouvel  être  est 
reconnaissable  avant  que  cet  acte  ait  eu  lieu.  Ainsi  la  cicatri- 
cule,  ou  tache  blanchâtre  qui  se  voit  à  la  surface  du  vitellus 
de  l'œuf  de  la  Poule,  est  le  Métazoaire  naissant,  et  ce  germe 
est  parfaitement  distinct  avant  l'imprégnation;  on  l'aperçoit 
aussi  dans  les  œufs  qui  restent  stériles,  aussi  bien  que  dans 
ceux  qui  ont  été  fertilisés  par  le  contact  du  sperme. 

Nous  ne  savons  rien  de  positif  relativement  à  la  manière 
dont  la  vésicule  germinative,  ou  Protoblaste,  détermine  la  for- 
mation du  germe  et  de  ses  dépendances,  c'est-à-dire  des  maté- 
riaux primitifs  du  Métazoaire;  mais  nous  devons  supposer  que 
ceux-ci  sont  des  produits  directs  ou  indirects  de  son  action  phy- 
siologique, puisque  dans  les  premiers  temps  de  son  existence 
ce  corps  constitue  à  lui  seul  la  totalité  du  nouvel  être  en  voie 
de  développement.  11  est  aussi  à  noter  que  c'est  toujours  autour 
de  la  vésicule  germinative  que  la  substance  blastogénique 
semble  s'organiser  et  s'accumuler.  Ainsi,  dans  l'œuf  des 
Oiseaux,  cette  vésicule  occupe  d'abord  le  centre  du  globe 
vitellin  et  se  retrouve  plus  tard  au  milieu  de  la  cicatricule  (2). 
Nous  sommes  dans  une  ignorance  non  moins  grande  au 
sujet  de  la  cause  qui  détermine  la  disparition  de  la  vésicule 
germinative.  Quelques  physiologistes  avaient  pensé  que  ce 
phénomène  était  dû  à  l'influence  de  la  liqueur  fécondante;  mais 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  375.  par  la  destruction  des  parois  de  cette 

(i2)  J'ajouterai  que,  d'après  les  ob-  cellule  primitive  (a).  Or,  les  matières 

servations  de  M.  Lereboullet  sur  l'œuf  grasses  semblent  jouer  un  rôle  consi- 

de  l'Écrevisse,  la  vésicule  germinative  dérable  dans  les  phénomènes  du  frac- 

paraît  être  le  [siège  d'une  production  tionnement  du  vitellus  etdanslafor- 

ou  sécrétion  remarquable  des  matières  mation  des  cellules  histogéniques. 
grasses,  qui  sont  ensuite  mises  en  liberté 

(a)  Leieboullel,  Becherches  d'embryologie  comparée  sur  le  développement  du  Brochet,  de  la 
Perche  et  de  l'Écrevisse,  p.  217. 


EMBRYOGÉME.  39.^ 

cela  n'est  pas  admissible,  car  il  a  été  souvent  facile  de  constater 
que  longtemps  avant  l'imprégnalion  de  l'oiuf,  la  vésicule  en 
question  avait  cessé  d'exister  (i). 

La  disparition  de  cette  cellule  primordiale  ne  peut  être  con- 
sidérée que  comme  une  conséquence  de  sa  mort  naturelle  ; 
c'est  le  terme  normal  de  l'existence  d'un  être  vivant  dont  le 
rôle  biologique  est  terminé,  et  en  général  ce  pbénomène  semble 
caractériser  la  période  de  maturité  de  l'œuf  (2). 

§  4.  —  La  matière  d'apparence  grumeleuse  et  gluante  qui  Formation 
constitue  le  germe,  et  qui,  en  se  développant,  va  former  le  m^?lhe. 
Métazoaire,  ne  reste  pas  inactive,  et  subit  des  changemenis  qui 
trahissent  bientôt  le  travail  organisateur  dont  elle  est  le  siège. 
Ces  phénomènes  se  passent  d'abord  dans  l'intérieur  de  chacun 
des  nucléoles  de  la  substance  vitelline,  qui  semblent  être  autant 
d'organites  doués  d'une  vitalité  propre.  Puis,  le  globe  vitellin, 

(1)  La  disparition  de  la  vésicule  ger-  de  MM.  Baer,  Coste,   Jones,  Bischoff, 

minative  dans  les  œufs  non  fécondés  de  Quatrefages,  Ch.  Robin  et  Lereboul- 

a  été  constatée,  non-seulement  chez  let   (a).  La  disparition  de  la   vésicule 

les  Animaux  où  l'action  du   mâle  ne  germinative  avant  la  fécondation  de 

s'exerce  que  postérieurement  à  la  ponte,  l'œuf  a  été  constatée  aussi  dans  l'es- 

les  Batraciens,  la  plupart  des  Poissons  pèce  humaine  (6). 
osseux  et  divers  Annélides,  parexem-  (2)  Chez  les  Poissons,  la  disparition 

pie;  mais  aussi  chez  des  femelles  d'Oi-  de  la  vésicule  germinative  peut  avoir 

seaux  que  l'on  avait  retenues  séparées  lieu  très-longtemps  avant  que  l'œuf 

des  mâles.   Pour  plus  de  détails  à  ce  ait  atteint  sa  maturité  et  ses  dimen- 

sujet,  je  renverrai  aux  observations  sions  ordinaires  (c). 

(a)  Baer,  De  ovi  Mammalium  et  Hominis  genesi  epistola,  1827,  p.  28. 

—  Coste,  Histoire  du  développement  des  corps  organisés,  1. 1,  p.  147. 

—  Wharton  Jones,  On  the  first  changes  in  the  Ova  ofMammiferain  conséquences  of  imprégna- 
tion {Philos.  Trans.,  1837,  p.  339). 

—  Bischoff,  Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Mammifères,  p.  49. 

—  Quatrefages,  Etudes  embryogéniques  {Ann.  des  sciences  nat.,  3*  série,  1848,  t.  X,  p.  173). 

—  Ch.  Robin,  Mémoire  sur  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  l'ovule  avant  la  segmentation 
du  vitellus  {Journal  de  physiologie,  1862,  t.  V,  p.  67). 

—  Lereboullet,  Recherches  d'embryologie  comparée  sur  le  Brochet,  etc.,  p.  9. 

(6)  Lebert  et  Ch.  Robin,  Note  sin-  l'empêchement  de  la  chute  de  Vœufpardes  fausses  membranes 
qui  recouvrent  l'ovaire,  et  sur  la  disparition  de  la  vésicule  germinative  (Gazette  médicale,  1852, 
p.  776). 

(c)  Lereboullet,  Recherches  d'embryologie  comparée  sur  le  développement  du  Brochet,  de  la 
Perche  et  de  l'Écrevisse,  1862,  p.  9  (extrait  des  Mémoires  de  l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang  , 
t.  XVII). 


394  REPRODUCTION, 

considéré  dans  son  ensemble,  donne  d'aiilres  signes  d'activité(l). 
Il  se  resserre  (2),  et  souvent  on  le  voit  se  déformer  lentement, 
à  la  manière  des  substances  sarcodiques  (3).  Parfois  aussi  on  y 
aperçoit  un  mouvement  de  rotation  fort  analogue  à  celui  qui  se 


(1  )  La  plupart  des  physiologistes  qui 
avaient  observé  ces  changements  clans 
la  sphère  vitelline  des  œufs  non  fécon- 
dés les  avaient  considérés  comme  le  ré- 
sultat d'un  commencement  de  désorga- 
nisation. Mais  M.  deQuatrefages,  en  étu- 
diant le  développement  desHermelles, 
a  constaté  qu'ils  se  produisent  quand 
l'œuf  est  encore  vivant  et  susceptible 
d'être  fécondé.  Ce  naturaliste  assimile 
tout  à  fait  ces  mouvements  de  la  ma- 
tière plastique  de  la  sphère  vitelline  à 
ceux  qui  déterminent  le  fractionnement, 
et  qui  d'ordinaire  ne  se  manifestent 
que  consécutivement  à  la  féconda- 
tion ;  mais,  chez  les  Hermelles ,  ce 
phénomène  s'ai'rête  bientôt  quand  la 
fécondation  n'est  pas  opérée  (a). 

(2)  Ce  phénomène  de  rétraction  a  été 
observé  chez  les  Mammifères  (b)  aussi 
bien  que  chez  divers  Animaux  infé- 
rieurs (c).  Ainsi,  dans  l'œuf  du  Lapin, 
la  surface  du  globe  vitellin  s'éloigne 
de  sa  tunique  membraneuse  de  façon 
à  laisser  entre  elle  et  celle-ci  un  espace 
oii  s'accumule  un  liquide  diaphane; 


espace  qui  a  été  décrit  sous  les  noms 
de  zona  pellucida,  de  couche  albumi- 
neuse,  etc.  M.  Ch.  Robin  a  étudié  ré- 
cemment ce  mouvement  de  concentra- 
tion du  vitellus  chez  les  Nephelis  {d). 

(3)  La  forme  du  globe  vitellin  subit 
souvent  des  changements  considéra- 
bles et  répétés,  par  l'effet  de  ces  mou- 
vements qui  ressemblent  beaucoup  à 
ceux  des  Amibes.  Au  premier  abord, 
on  avait  pu  croire  qu'ils  étaient  une 
conséquence  de  la  désorganisation  des 
œufs  non  fécondés  ;  mais,  ainsi  que 
je  l'ai  déjà  dit,  M.  de  Quatrefages  a 
constaté  qu'ils  se  manifestent  lorsque 
ces  corps  sont  encore  fécondables  (e). 
On  ne  doit  pas  les  confondre  avec  le 
phénomène  de  la  segmentation  qui  est 
consécutive  à  la  fécondation  {f).  We- 
ber  paraît  être  le  premier  qui  ait 
signalé  les  contractions  du  vitellus  à 
cette  période  initiale  du  travail  em- 
bryogénique  (g). 

Récemment,  M.  Stricker  a  observé 
dans  l'œuf  de  la  Grenouille  des  phé- 
nomènes de  même  ordre  ;  les  cellules 


(«)  Quatrefages,  Etudes  embryogéniques  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  dSiS,  t.  X,  p.  171 
et  suiv.). 

(b)  Krause,  Vermischte  Beobachtungenund  Hemerimngen.  ^Ei  der  Sâugethiere  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.  und  PhysioL,  1837,  p.  20,  pi.  1,  fig.  4,  5,  6). 

—  Bischoff,  Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Mammifères,  p.  59  et  611. 

(c)  Par  exemple,  chez  les  Hermelles  :  voy.  Quatrefages,  Mém.  sur  V embryologie  des  Annélides 
(Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  t.  X,  p.  173). 

—  Le  Strongle  :  voy.  Bagge,  De  evolutione  Strongyli  auricnlaris  et  Ascaridis  acuminatce  vivi- 
■parorum.  Erlange,  1841,  p.  9. 

(d)  Ch.  Robin,  ilféTO.  sur  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  l'œuf  avant  la  segmentation 
(Journal  de  physiologie,  1862,  t.  V,  p.  82). 

(ei  Quairefages,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  3' série,  1848,  t.  X,  p.  172). 

(f)  Ch.  Robin,  Sur  les  mouvements  du  vitellus  qui  précèdent  ceux  de  l'embryon  dans  l'œuf 
(Compte  rendu  de  la  Société  de  biologie,  3*  série,  1861,  t.  111,  p.  101). 

(y)  E.  H.  Weber,  Ueber  die  EntwicUelung  des  medicinischen  Blutegels  (Meckel's  Archiv  fur 
Anat.  und  PhysioU,  1828,  p.  366). 


EMBRYOGÉNIE. 


395 


montre  plus  tard  chez  l'embryon  de  beaucoup  d'Animaux  infé- 
rieurs (1).  Ensuite  le  globe  vitellin  laisse  échapper  une  ou 
plusieurs  sphérulesd'une  matière  hyaline  qui  désormais  ne  joue- 
ront aucun  rôle  appréciable  dans  les  phénomènes  du  déve- 
loppement (2),  mais  dont  la  sortie  semble  être  liée  au  débutd'un 
mouvement  moléculaire  important  qui  caractérise  une  nouvelle 
période  du  travail  embryogénique.  Dernièrement,  M.  Robin  a 
étudié  avec  beaucoup  de  soin  le  mode  d'évolution  de  ces  corpus- 
cules hyalins,  auxquels  il  donne  le  nom  de  globules  polaires,] 
et  il  pense  que  le  point  dont  ils  se  détachent  est  le  lieu  où  com- 
mence nécessairement  le  phénomène  du  fractionnement  ou  de  la 
segmentation  du  vitellus,  dont  nous  aurons  bientôt  à  nous  occu- 
per. Mais,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  cette  généraMsation 
ne  me  semble  pas  suffisamment  motivée  (3). 


Sortie 

dfts  globule»; 

polaires. 


OU  sphérules  embryonnaires  émettent 
des  expansions  tubiformes  et  rétrac- 
tiles  qui  ressemblent  beaucoup  à  ceux 
des  Sarcodaires  (a). 

(1)  M.  Bischoff  a  observé  des  mou- 
vements de  rotation  du  globe  vitellin 
dans  l'intérieur  de  l'œuf  chez  le  Lapin, 
et  il  pense  qu'ils  sont  dus  à  des  cils 
vibratiles  qui  se  seraient  développés  à 
la  surface  de  Cette  sphère  (b). 

MM.  Lebert  et  Prévost  ont  constaté 
que  de  très-bonne  heure  toute  la  sur- 
face du  globe  vitellin  des  Grenouilles 
présente  des  mouvements  vibratiles,  et 
ils  attribuent  ce  phénomène  à  la  pré- 


sence de  cils  (c).  Cependant  M.  Lere- 
boullet,  qui  a  pu  étudier  avec  beaucoup 
d'attention  la  rotation  du  vitellus  dans 
l'œuf  des  Poissons,  où  elle  est  très-per- 
sistante, n'a  pu  apercevoir  aucune 
trace  de  ces  cils  (d). 

(2)  Les  corpuscules  qui  ont  été  assi- 
milés à  ces  globules  chez  les  Insectes 
concourent  à  la  formation  des  blasto- 
dermes (e);  mais  ils  diffèrent  beaucoup 
de  ceux  dont  il  est  ici  question. 

(3)  L'apparence  produite  par  la  sor- 
tie de  ces  globules,  appelés  vésicules 
directrices  par  M.  Fréd.  Millier  (/"), 
a  été  d'abord  considérée  comme  due  à 


[a)  Stricker,  Ueber  die  Selbststandigen  Bewegungen  embryoneler  Zellen  {Bericht  der  K.  Akad. 
der  Wissensch.  in  Wien,  18l)4,  n*  12,  p.  72). 

[b)  Bischoff,  Ueber  das  Drehen  des  Dotters  iin  Sâugethierens  wdhrenddessen  Diirchgang  durch 
den  Eileiter  (MiiUer's  Archiv  fur  Anat.  und  PhysioL,  1841 ,  p.  14).  —  Sur  le  mouvement  rota- 
toire  qu'exécute  le  vitellus  de  l'œuf  des  Mammifères  dans  son  passage  à  travers  l'oviduete 
(Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1841  ,  t.  XVI,  p.  298).  ■ —  Traité  du  développement  de 
l'Homme  et  des  Mammifères,  p.  39. 

(c)  Prévost  et  Lebert,  Mém.  sur  la.  formation  des  organes  de  la  circtilation  et  du  sang  dans 
les  Batraciens  (Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1844,  t.  I,  p.  199). 

(d)  LerebouUet,  Op.  cit.,  p.  36. 

(c)  Ch.  Robin,  Mém.  stir  la  production  du  blastoderme  chez  les  Animaux  articulés  (Journal 
de  physiologie,  1862,  t.  V,  p.  352). 

if)  Fréd.  Millier,  Zur  Kenntniss  des  Furchungsprocesses  im  Schneckeneie  {Archiv  fur  Natur- 
geschichte,  1848,  1. 1,  p.  1). 


396  REPRODUCTION. 

Noyai,  viteiiin.      D'ordinaire  la  fécondation  de  l'œuf  est  promptement  suivie 


la  présence  d'un  hile,  et  leur  expul- 
sion de  la  sphère  vitelline  fut  aperçue 
pour  la  première  fois  par  Dumortier 
(de  Bruxelles)  [a).  D'ordinaire,  ce  phé- 
nomène est  précédé  par  l'appari- 
tion d'un  espace  clair  que  M.  Grube 
a  appelé  le  pôle  actif  de  l'œuf  (6), 
et  que  la  plupart  des  physiologistes  dé- 
crivent comme  correspondant  au  point 
occupé  quelque  temps  auparavant  par 
la  vésicule  germinative.  Le  centre  de 
cette  tache  devient  ensuite  saillant  en 
manière  d'ampoule,  puis  s'allonge,  de- 
vient pédoncule, et  se  détache  de  façon 
à  constituer  un  globule  plus  ou  moins 
piriforme,  qui  reste  libre  dans  le  li- 
quide adjacent.  Trompés  par  l'appa- 
rence de  cette  ampoule,  beaucoup 
d'auteurs  l'ont  prise  pour  la  vésicule 
germinative,  mais  elle  ne  se  forme 
qu'après  la  destruction  de  celle-ci  ; 
elle  en  est  complètement  distincte,  et, 


ainsi  que  le  pense  M.  Ch.  Robin,  son 
évolution  semble  être  due  à  im  phéno- 
mène de  bourgeonnement  (c).  En  gé- 
néral, deux,  trois  ou  même  quatre  de 
ces  globules  polaires  s'échappent  suc- 
cessivement du  même  point,  et  par- 
fois se  confondent  ensuite  en  une  seule 
masse  qui  reste  pendant  plus  ou  moins 
longtemps  flottante  entre  la  surface 
du  vitellus  et  la  tunique  vitelline.  On 
n'est  pas  encore  bien  fixé  sur  la  na- 
ture chimique  de  la  matière  constitu- 
tive de  ces  globules  hyalins;  à  raison 
de  leurs  propriétés  optiques,  on  les 
considère  communément  comme  étant 
des  corps  gras,  et  quelques  auteurs  en 
parlent  sous  le  nom  de  gouttelettes 
d'huile.  Leur  existence  a  été  constatée 
chez  un  grand  nombre  d'animaux, 
parmi  les  Invertébrés  ((i),  aussi  bien 
que  parmi  les  Vertébrés  (e). 


(a)  Dumorlier,  Embryologie  des  Mollusques  (Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  4837,  t.  VIII, 
p.  d36.  pi.  3,Rg.  2  et  3). 

(6)  Grube,  Untersuchungen ûber  die  Entwickehmg  der  Clepsinen.  Kœnigsberg,  1844. 

(c)  Ch.  Robin,  Mémoire  sur  les  globules  polairesde  l'ovule  [Journalde  physiologie,  1862,  t.  V, 
p.  149,  pi.  3,  4  et  5). 

(d)  Par  exemple,  dans  l'embranchement  des  Mollusques,  chez  : 

—  Les  Limnées  voy.  Dumortier,  Op.  cit.  ;  ■ —  Pouchet,  Note  sur  le  développement  des  Lim.nées 
{Ann.  des  sciences  nat.,  2"  série,  1838,  t.  X,  p.  63);  ■ —  Ch.  Robin,  Op.  cit.  (Journal  de  physio- 
logie t.  V,  p.  169). 

—  L'Aplysie  :  voy.  Van  Beneden,  Recherches  sur  le  développement  des  Aplysies  [Ann.  des 
sciences  nat.,  2^  série,  1841,  t.  XV,  p.  126). 

—  Les  Dentales  :  voy.  Lacaze-Duthiers,  Développement  du  Dentale  {A7in.  des  sciences  nat., 
4«  série,  1857,  t.  VII,  p.  207,  pi.  6,  dg.  4). 

—  Le  Tergipes  Edwardsii  :  voy.  Nordmann  ,  Monographie,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat., 
3«  série,  1846,  t.  V,  p.  145). 

—  Le  Tarât  :  voy.  Q.uatrefages,  Note  sur  le  développement  de  l'œuf  chez  les  Tarets  (Ann.  des 
sciences  nat.,  3*  série,  1848,  t.  IX,  p.  34,  et  1849,  t.  XI,  p.  207). 

—  Les  Modioles  et  les  Bucardes  :  voy.  Lôven,  Ueber  die  Entwickelung  der  kopflosen  Mollusken 
(Miiller's  Archiv  fur  Anat.  undPhysiol.,  1848,  p.  539). 

(e)  Par  exemple,  chez  : 

—  Le  Lapin  :  voy.  Barry,  Researches  on  Embryology  (Philos.  Trans.,  1840  pi.  24,  fig-.  135- 
137). 

—  Le  Chien  :  voy.  Bischoff,  Entwickelungsgeschichte  des  Hunde-Eies,  1845,  pi.  1,  fig.  H-14. 

—  La  Brebis  :  voy.  Bischoff,  Mém.  sur  la  matiiration  et  la  chute  périodique  de  l'œuf  de 
l'Homme  et  des  Mammifères  (Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1844,  t.  II,  pi.  8,  fig.  10). 

—  La  Truite  :  voy.  Vogt,  Embryologie  des  Poissons. 

—  Les  Epinoches  :  voy.  Coste,  Développement  des  êtres  organisés  (Allas,  Poissons,  pi.  1  c) 


EMBRYOGÉNIE.  397 

d'autres  changements  dans  la  constitution  intérieure  du  vitellus, 
dont  la  partie  centrale  s'éclaircit,  de  façon  à  former  bientôt  une 
sphérule  plus  ou  moins  distincte  des  parties  adjacentes,  et 
appelée  noyau  vitellin.  Il  reste  encore  beaucoup  d'incertitude 
sur  la  nature  de  ce  noyau.  La  plupart  des  physiologistes  la  con- 
sidèrent comme  une  cellule  ou  vésicule,  mais  d'autres  pensent 
que  c'est  un  corps  solide,  ou  bien  un  amas  de  matières  grasses. 
Les  faits  probants  nous  manquent  pour  décider  cette  question  ; 
mais,  quoi  qu'il  en  soit,  cette  portion  du  globe  vitellin  paraît 
jouer  un  rôle  considérable  dans  les  mouvements  moléculaires 
dont  l'œuf  va  être  bientôt  le  siège  (1). 

Nous  avons  vu  précédemment  que  le  vitellus  contient  deux 
sortes  de  corpuscules  vivants  formés,  les  uns  par  une  sub- 
stance plastique,  les  autres  par  des  substances  nutritives.  Dans 
l'œuf  arrivé  à  maturité,  ces  matières  sont  plus  ou  moins  mêlées 
entre  elles  ;  mais  lorsque  la  fécondation  a  été  opérée,  elles 
tendent  à  se  séparer  et  à  constituer  deux  couches  distinctes,  que 


(1)  Cette  tache  claire  centrale  a  été  blement   de    nature    grasse    (6) ,   et 

souvent  confondue   avec   la   vésicule  M.  Coste    adopta   une   opinion   ana- 

germinative,  et  c'est  ainsi  que  beau-  logae   (c).  M.  Kôlliker,  au  contraire, 

coup  de  physiologistes  ont  été  con-  le  décrit  comme  étant  une  vésicule, 

duits    à     penser    que    cette    cellule  et  l'appelle  cellule    embryonale  (d). 

primordiale  peut   persister  après    la  M.  Vogt  en  parle  aussi  comme  d'une 

fécondation.     M.    Bagge  fut  le    pre-  vésicule  à  parois  très-fines,  remplie  de 

mier  à  les  distinguer  (a),  M.  Reichert  liquide  (e)  ;  mais  M.  Ch.  Robin  assure 

considéra   le   noyau    vitellin  comme  avoir    constaté  que     c'est   un   corps 

dépourvu  d'une  membrane  envelop-  solide,  d'égale  densité  dans  tout  son 

pante  et  formé  par  un  liquide  proba-  diamètre  (/"). 


(a)  Bac^tfe,  Dissert,  de  evolutione  Strongyli,  etc.,  1841,  p.  10. 

(b)  Reichert,  Ueber  den  Furchungs-Process  des  Batrachier-Eies  (Miiller's  Arehiv  fur  Anat. 
und  Physiol,  1841,  p.  521). 

(c)  Coste,  Recherches  sur  les  premières  modifications  de  la  matière  organique  et  sur  la  for- 
mation des  cellules  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1845,  t.  XXI,  p.  1 372). 

(d)  Kôlliker,  Entiuickelungsgeschichte  der  Cephalopoden,  1844.. 

(«)  VogI,  Embryologie  des  Mollusques  Gastéropodes  [Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1846, 
t.  VI,  p. '^23). 

(/■)  Cil.  Rubin,  Note  sur  ta  production  d^lnoyau  vitellin  {Jouiiial  de  physiologie,  18G2,t.  V, 
p.  309). 


898  .  REPRODUCTION. 

M.  Reichert,  et  quelques  physiologistes  désignent  sous  les  noms 
de  vitellus  formateur  et  de  mtellus  nutritif.  .La  disposition 
de  la  première  de  ces  couches  à  la  surface  du  globe  vitellin 
peut  varier  dans  les  différents  groupes  zoologiques:  tantôt  elle 
entoure  complètement  ce  globe  ;  d'autres  fois  elle  n'en  occupe 
qu'un  segment  plus  ou  moins  petit ,  mais  son  rôle  est  toujours 
très-important,  et  c'est  dans  sa  substance  que  s'opère  le  travail 
appelé  fractionnement  ou  seg:^.entation  du  vitellus. 
Segmentation.  Cc  phénomènc  fut  étudié  pour  la  première  fois  en  1824  par 
MM.  Prévost  et  Dumas.  En  observant  attentivement  les  œ-'^^s 
de  Grenouille  nouvellement  fécondés,  ces  physiologistes  virent 
se  former  à  la  surface  du  vitellus  un  sillon  qui,  en  se  prolon- 
geant, divisa  bientôt  ce  globe  en  deux  parties  ;  puis  chaque 
hémisphère  ainsi  formé  se  partagea  de  la  même  manière,  et  les 
quatre  segments  obtenus  de  la  sorte  se  subdivisèrent  à  leur 
tour.  Le  fractionnement  du  vitellus  ne  s'arrêta  pas  là  ;  il  se 
continua  avec  une  rapidité  croissante,  et  bientôt  toute  la  sur- 
face de  ce  globe  prit  un  aspect  framboise,  par  l'effet  de  l'entre- 
croisement des  lignes  dont  sa  surface  se  sillonnait.  Il  n'existait 
encore  dans  l'œuf  aucune  trace  de  l'embryon  futur,  et  ce  fut 
seulement  après  que  ce  fractionnement  fut  poussé  très-loin,  que 
les  premiers  indices  du  développement  de  celui-ci  devinrent 
saisissables  (1). 


(1)  Le  fait  de  la  segmentation  du  vitei-  les  résultats  sur  Tœuf  du  Crapaud  (6)  ; 

lus  n'avait  pas  complètement  échappé  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'en  saisirent  le 

aux  investigations  de    Swammerdam  caractère,  et  la  découverte  de  ce  phé- 

et  de  Spallanzani.   Le  premier  de  ces  nomène  appartient   principalement  à 

naturalistes  l'entrevit  en  partie  cliez  la  MM.  Prévost  et  Dumas,  dont  les  ob- 

Grenouille  (a),  et  le  second  en  aperçut  servations  devinrent  le  point  de  dé- 

(o)  Swammerdam  a  aperçu  et  figuré  le  commencement  du  sillonnement  du  vitellus  dans  l'oeuf  de 
la  Grenouille;  mais  il  ne  s'est  pas  bien  rendu  compte  de  ce  qu'il  avait  vu  {Biblia  Naturœ,  t.  II, 
p.  812,  tab.  48,  fig.  5,  8.) 

(b)  Spallanzani  mentionna  l'existence  de  sillons  entrecroisés  à  la  surface  du  vitellus  du  Crapaud  ; 
mais  il  semble  penser  que  c'est  l'état  primordial  de  l'œuf.  [Expériences  pour  servir  à  l'histoire  de  la 
génération  des  Animaux  et  des  Plantes,  1786,  p.  36.) 


EMBRYOGÉNIE.  î^99 

Bientôt  après,  des  changements  analogues  furent  observés 
clans  les  œufs  des  Poissons,  des  Mollusques,  des  Zoopliytes 
et  d'une  foule  d'autres  Animaux  (1).  On  crut  d'abord  que, 
dans  la  classe  des  Oiseaux,  ces  phénomènes  ne  se  produi- 
saient pas  ;  mais  les  recherches  de  M.  Bergmann  et  de  M.  Costa 
sont  venues  montrer  que  ces  Animaux  ne  sont  pas  soustraits  à 


part  de  tous  les  travaux  modernes  re-  sur    ce     sujet    est    dû    à    M.    Max 

lalifs  au  travail  organisateur  dont  l'œuf  Schultze   (d). 

est  le  siège  avant  l'apparition  de  l'em-  (1)  Le  fractionnement  du  vitellus 

bryon  (o).  Rusconi  fut  un  des  pre-  de  l'œuf  des  Poissons  osseux  a  été  ob- 

miers  à  confirmer  les  observations  de  serve  par  Paisconi  chez  la  Tanche  (e), 

ces  deux  savants  (6),  et  depuis   lors  par  M.  Vogt  chez   les    Truites,   par 

le  phénomène  du   fractionnement  du  M.  Agassiz  sur  l'œuf  de  la  Perche  (/"), 

vitellus  a  été  étudié,  soit  chez  les  mê-  par    M.    Coste  sur  l'œuf  de  l'Epi- 

mes  Batraciens,  soit  chez  d'autres  Ani-  noche  {g). 

maux  de  la  même  classe,  par  plusieurs  Ce  phénomène  a  été  constaté  chez 

naturahstes,  parmi  lesquels  je  citerai  un  grand  nombre  de  Mollusques,  tels 

MM.    Baer  ,    Reichert  ,    Bergmann  ,  que  la  Limnée  des  étangs  (/i),rAply- 

Vogt   (c).   Le   travail  le  plus  récent  sie  (i),  les  Éolides(y),  les  Actéons  (A;), 


(a)  Prévost  et  Dumas,  Deuxième  mémoire  sur  la  génération  (Ann.  des  sciences  nat.,  1824, 
t.  II,  p.  110  etsuiv.,  pi.  6). 

(6)  Rusconi,  Développement  de  la  Grenouille  commune,  182G,  p.  10,  pi.  2,  fig.  3. 

(c)  Baer,  Die  Métamorphose  des  Etes  der  Batrachie  ver  der  Erscheinung  des  Embryo  (MùUer's 
Arehiv  fiir  Anatomie  and  Physiologie,  1834,  p.  481,  pi.  H). 

—  Reichert,  Ueber  den  Furchungs-Process  des  Batrachier-Eies  (MûUer's  ArcUv  fur  Anat.  und 
Physiol,  1841,  p.  523). 

—  Bergmann,  Die  Zerklûftung  tmd  Zellenbildung  im  Froschdotter  (Miiller's  Arehiv,  1841, 
p.  89). 

—  VoEft ,  Untersuchungen  ûber  die  EnUvickelungsgesehiclite  der  Geburtshelferkrôte  (Alytes 
obstetricans),  in-4,  1842. 

—  Newport,  On  the  Imprégnation  of  the  Ovum  in  llie  Amphibia  {Philos.  Trans.,  1851, 
p.  183). 

{d)  Max.  ScliuUze,  Observationes  nonnullœ  de  ovorum  Ranarum  segmentatione,  1863. 

(e)  Rusconi,  Lettre  sur  les  changements  que  les  œufs  des  Poissons  éprouvent  avant  qu'ils 
aient  pris  la  forme  d'embryon  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  1836,  t.  V,  p.  304);  — 
Biblia  italiana,  t.  LXXIX  ;  —  (Miiller's  Arehiv,  1836,  p.  205,  pi.  13,  %.  3-9). 

(/■)  Vogt,  Embryologie  des  Salmones,  p.  39  et  suiv.  (Agassiz,  Histoire  naturelle  des  Poissons 
d'eau  douce  de  l'Europe  centrale,  1842). 

(3)  Coste,  Histoire  d%L  développement  des  corps  organisés  (Poissons,  pi.  1). 

(h)  Herghi,  Ueber  die  Eîer  von  Limnœus  (Isls,  1S28,  p.  213). 

■ — LerebouUel,  Recherches  sur  le  développement  du  Limnée,  etc.  [Ann,  des  sciences  nat., 
4»  série,  1862,  t.  XVIH,  p.  92  et  suiv.). 

(i)  Van  Beneden,  Etudes  embryologiques,  1841. 

(j)  Nordinann,  Versuch  einer  Monographie  des  Tergipes  Edwardsii,  pi  4,  fig.  16  à  24  [Acad. 
de  Saint-Pétersbourg ,  Savants  étrangers,  t.  IV). 

(ft)  Vogt,  Recherches  sur  V embryologie  des  Mollusques  Gastéropodes  {Ann.  des  sciences  nat., 
3'  série,  1846,  t.  VI,  pi,  1,  fig.  4-12). 


/|00  REPRODUCTION. 

la  règle  commune  (1).  L'œuf  des  Reptiles  et  des  Poissons  pla- 
giostomes  présente  des  phénomènes  analogues.  Enfin,  le  frac- 
tionnement progressif  du  vitellus  est  encore  plus  marqué  chez 
les  Mammifères  (2).  Mais,  chez  les  Crustacés,  ce  phénomène  ne 

les  Pourpres  (a),  les  Vermets  (b),  les  les  Reptiles    proprement  dits  et  les 

Anodontes  (c),  les  Dentales  (d),  et  les  Poissons  cartilagineux,  les  phénomènes 

Botrylles  (e).  de  fractionnement  se  manifestent  dans 

Parmi  les  Vers  et  les  Zoophytes  chez  la  portion  de  la  sphère  vitelline  qui 

lesquels  le  fractionnement  du  vitellus  constitue  la  cicatricule.  et  n'afTectent  que 

a  été  ohservé;  je  citerai  les  Hermel-  peu  ou  point  le  reste  de  sa  surface  (o). 

les  (/■),  les   Prolules  (g),  les   Loni-  Un  mode  analogue  de  segmentation 

bries  (h) ,  la  Sangsue  {i}',  les  Clep-  paraît  avoir  lieu  dans  l'œuf  des  Mol- 

sines  (j) ,  les  Strongies  et  les  Asca-  lusques  céphalopodes  (p). 

rides    {Je)  ,    les    Distomes    (/)  ,    les  (2)  Ce  fractionnement  du  vitellus. 

Oursins  {m),  la  Médusa  aurita  (n).  chez  les  Mammifères,  a  été  étudié  avec 

(1)  M.  Coste  a  constaté  que,  dans  beaucoup  d'attention  par  ^L  BischofT 

cette  classe  d'Animaux,  ainsi  que  chez  et  M.  Barry  (q). 

(a)  Korenet  Danielssen,  Recherches  sur  le  développement  des  Pectinibranches(Ann.  des  sciences 
nat.,  3-  série,  1853,  i.  XIX,  pi.  i,  fig.  1-10). 

{b)  Lacaze-Dulhiers,  Mém.  sur  l'anatomie  et  l'embryologie  des  Vermets  (Ann,  des  sciences  nat,, 
4' série,  1860,  t.  XIII,  pi.  7,  fig-.  1-8). 

(c)  Carus,  Ne^ie  Untersuch.  ûber  die  Enbvickelungsgesch.  unserer  Flussm,uscheln,  183'2. 

(d)  Lacaze-Dulliiers  ,  Histoire  de  l'organisation  et  du  développement  du  Dentale  {Ann.  des 
sciences  nat.,  4e  série,  1857,  t.  VII,  pi.  6,  fig.  5-12). 

(e)  Lœwig;  et  KoUiker,  De  la  composition  et  de  la  structure  des  enveloppes  des  Tuniciers 
{Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  18-16,  t.  V,  pi.  8,  fig;.  35  et  36). 

(/■)  Quatrefages,  Mém.  sur  la  famille  das  Hermelliens  {Ann.  des  sciences  nat.,  3^  série,  1848, 
t.  X,  pi.  3,  fig-.  17-22;  pi.  4). 

{g)  Milne  Edwards,  Observations  su"  le  développement  des  Annélides  (Ann.  des  sciences  nat., 
3e  série,  1845,  t.  III,  pi.  9,  fig-.  46). 

{h)  Udekera,  Développement  du  Lombric  terrestre  {Mém.  de  l'Acad.  de  Belgique,  Sav.  élrang., 
t.  XXVII,  pi.  1,  fig.  9  et  10). 

(i)  Weber,  Ueber  die  Entwickelung  des  medicinischen  Blutegels  (Meckel's  Archiv  fur  Anat. 
undPhysiol,  1828,  p.  368). 

{j)  De  Filippi,  Lettera  sopra  l'anatomie  e  la  sviluppo  délie  Clepsine  [Giornale  délie  se.  med. 
chir.  de  Pavia.  1839,  t.  II,  pi.  2). 

—  Grube,  Untersuch.  ûber  die  Entwickel.  der  Clepsinen,  1844,  pi.  1,  fig.  5-13. 

(fc)  Bagge,  Dissert,  de  evolutione  Strongyli  auriculati  et  Ascaris  acuminatœ.  Erlaiigen,  1841. 

{1}  Mayer,  Beitrâge  zur  Anatomie  der  Entozoon.  Berlin,  1841,  p.  27. 

(m)  Derbcs,  Observ.  sur  la  formation  de  l'embryon  chez,  V Oursin  comestible  {Ann.  des  sciences 
nat.,  3e  série,  1847,  t.  VIII,  pi.  3,  fig.  6-10). 

(n)  Siebold,  Neueste  Schriftm  der  Naturforsch.  Gesellschaft  in  Da7izig,  1839,  t.  III,  pi.  1. 

(o)  Coste,  Recherches  s^ir  la  segmentation  de  la  cicatricule  chez  les  Oiseaux,  les  Reptiles 
écailleitx  et  les  Poissons  cartilagineux  (Comptes  rendais  de  l'Acad.  des  sciences,  1848,  t.  XXX, 
p.  638).  —  Histoire  générale  et  particulière  du  développement  des  corps  organisés,  pi.  2. 

—  Agassiz,  Embryology  of  the  Turtle.  Contrib.  to  the  Nat.  Hist.  of  the  Vnited-States,  t.  II, 
pi.  10. 

—  Lereboullet,  Recherches  sur  le  développement  du  Lézard,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat., 
4»  série,  1862,  t.  XVII,  pi.  3,  fig.  9). 

(p)  Kiilliker,  Entivickelungsgeschichle  der  Cephalopoden ,  1844,  pi.  1. 

(q)  Barry,  Besearches  on  Embryology  {Philos.  Trans.,  1839,  p.  307  et  suiv.  ;  1840,  p.  529 
et  suiv.). 

—  Bisclioff,  Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Mammifères ,  suivi  d'une  histoire  du 


EMBRYOGÉNIE.  A 01 

revêt  pas  toujours  le  mêuie  caractère  (]uc  chez  la  plupart  des 
Animaux  (1),  et  chez  les  Insectes  il  paraît  être  remplacé  par 
un  travail  de  gemmation  sur  lequel  je  reviendrai,  lorsque  je 
traiterai  spécialement  du  mode  de  développement  de  ces 
Animaux  (2). 

Les  apparences  résultait  de  ce  fractionnement  de  la  ma- 
tière plastique  ou  germinative  varient  suivant  le  mode  de 
constitution  de  l'œuf.  Lorsque  la  proportion  de  matière  vitclline 
secondaire  ou  nutritive  est  très-faible  par  rapport  à  celle  de  la 
substance  blastogénique,  la  sphère  vitelhne  tout  entière  y  obéit 
et  se  divise  en  sphérules  de  plus  en  plus  petites  et  de  plus  en 
plus  nombreuses,  ainsi  que  cela  se  voit  dans  l'œuf  des  Mam- 
mifères ordinaires  et  de  beaucoup  d'Animaux  invertébrés. 


(1)  Chez  l'Écrevisse,  le  fractionne-  (2)  Chez  les  Insectes,  le  phénomène 
ment  de  la  matière  plastique  de  l'œuf  de  fractionnement  n'a  pas  été  ob- 
s'opère  d'une  manière  diffuse  autour  serve  (c),  et  suivant  M.  Ch.  Robin,  ce 
d'une  multitude  de  petits  centres  épars  mouvement  moléculaire  serait  rem- 
sur  la  surface  du  globe  vitellin  (a).  placé  par  un  travail  de  bourgeonne- 
Mais  chez  la  Nicothoé,  M.  Van  Bene-  ment  cystigène  {cl).  Sous  ce  rapport, 
den  a  observé  le  mode  ordinaire  de  les  Arachnides  paraissent  ressembler 
fractionnement  (6).  aux  Insectes  (e). 


développement  de  l'œuf  du  Lapin,  trad.  par  Jourdan,  1843,  pi.  3  et  4.  —  Mém.  sur  la  matura- 
tion et  la  chute  périodique  de  l'œuf,  etc.  (Ann.  des  sciences  nat.,  3°  série,  1844,  t.  I(,  p.  104, 
pi.  H).  —  Entivickelungsgeschichtedes  Meerschweinchens,  1852,  pi.  1.  —  Entwickelungsgesch. 
des  Relies,  1854,  pi.  1. 

—  Tieichert,  Beltràge  zur  Entwick.  des  Ueerschivenchens,  1862,  pi.  3. 

(a)  Ralhke,  Untersuch.  ûber  die  Bildung  und  Entwickelung  des  Flusskrebses,  1829.  —  Rech. 
sur  la  formation  et  le  développement  de  l'Ecrevisse  {Ami.  des  sciences  nat.,  1"  série,  1830, 
t.  XX,  pi.  5,  fig.  1). 

—  LerebouUet,  Recherches  sur  le  développement  du  Brochet,  de  la  Perche  et  de  l'Écrevisse, 
1862,  p.  234  et  suiv. 

(6)  Van  Beneden,  Mém.  sur  le  développement  et  l'organisation  des  Nicothoés,  p.  16  {Mém.  de 
l'Acad.  de  Bruxelles,  t.  XXIV,  ei  Ann.  des  sciences  nat.,  3^  série,  t.  XIII,  pi.  1,  fii,'.  13-n). 

(c)  Kolliker,  Observaliones  déprima  Insectoriim  genesl,  1 842  (A?ire.  des  sciences  nat.,  2"  série, 
1843,  t.  XX,  pi.  5,  fig.  1). 

—  Zaddach,  Untersuchungen  ûber  die  Entwickelung  und  den  Bau  der  Gliederthiere,  1854 
(Phryganidos). 

—  Leuckart,  Die  Fortpflanzung  und  Entwickelung  der  Pupiparen  nach  Beobachtungen  von 
Uchphagiii  o\iivis  {Abhandl.  der  Naturforchcnden  Gesellschaft  in  Halle,  1858,  t.  IV,  p.  145). 

(d)  Cil.  Robin,  Mém.  sur  la  production  du  blastoderme  cha  les  Articulés  [Journal  de  physio- 
logie, 1862,  t.  V,  p.  348). 

(e)  E.  Claparède,  Recherches  sur  l'évolution  des  .\raignées,  p.  7  (e.\trait  des  Mémoires  de  la 
Société  des  arts  et  sciences  d'Utrecht,  1862). 


/j.02  REPRODUCTION. 

Si  la  matière  nutritive  et  non  germinale  est  beaucoup  plus 
abondante,  sans  être  en  quantité  énorme  relativement  à  la 
substance  plastique  dont  se  compose  le  germe,  le  fraction- 
nement de  celle-ci  peut  encore  affecter  la  totalité  ou  la  majeure 
partie  de  la  surface  de  la  sphère  vitelline,  mais  y  détermine 
seulement  des  sillons  plus  ou  moins  profonds,  tels  que  les 
lignes  qui  apparaissent  dans  l'œuf  de  la  Grenouille.  Enfin, 
lorsque  la  proportion  de  matière  vitelline  devient  encore  plus 
grande  relativement  à  la  matière  vivante  qui  est  susceptible 
de  s'organiser,  et  que  celle-ci  constitue  seulement  le  petit  amas 
dont  j'ai  souvent  parlé  sous  le  nom  de  cicatricule,  les  phéno- 
mènes de  fractionnement  sont  limités  à  cette  partie  germinale 
et  ne  modifient  pas  l'état  du  reste  de  la  sphère  vitelline,  ainsi 
qu'il  est  facile  de  s'en  assurer  en  observant  l'œuf  de  la  Poule 
peu  de  temps  après  sa  fécondation  (1).  Nous  voyons  donc  que 
les  distinctions  que  j'ai  indiquées  précédemment  au  sujet  de  la 
constitution  des  œufs  (2)  correspondent  à  des  différences  dans 
les  caractères  du  travail  embryogénique  préliminaire  ;  mais  je 
me  hâte  d'ajouter  que  ces  différences  ne  paraissent  avoir  que 
peu  d'importance  physiologique. 

Le  point  dans  lequel  le  travail  de  fractionnement  commence 
paraît  être  en  général  celui  où  les  globules  hyalins  ont  fait  pré- 
cédemment irruption  au  dehors;  de  là  les  noms  de  vésicules 
directrices  ou  de  globules  polaires  donnés  à  ces  corpuscules  (â). 

(1)  La  segmentation  de  la  cicatri-  core  formée,  et  elle  marche  avec  une 
cille  de  l'œuf  de  la  Poule ,  observée  très-grande  rapidité  (6). 
pour  la  première  fois,  eu  1845,  par  (2)  Voyez  ci-dessus,  page  328. 
M.  Bergmann  (a),  a  lieu  avant  la  ponte;  (3)  Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet, 
elle  commence  dans  l'oviducte,  lorsque  je  renverrai  aux  observations  déjà  ci- 
la  membrane  de  la  coque  n'est  pas  en-  tées  (voyez  page  395). 


(a)  Bergmann,  Beobachtungen  ûber  die  DoUevfurcUung  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  uni 
Physiol.,  1847,  p.  38). 

(6)  Costc,  Op.  cit.  [Comples  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1848,  t«  XXX,  p.  630).  —  Hisl. 
du  développement  des  êtres  organisés,  1. 1,  p.  104  (Poissons,  pi.  2). 


EMBRYOGÉNIE.  Zl03 

§  5.  —  Il  existe  encore  beaucoup  d'obscurité  relativement  aux    sphéruios 

ou 

caractères  histologiques  des  sphérules  vivantes  dont  nous  venons      «eiiuics 

1  ■    T        •  !)•       '    •  1      15        /»  blaslcmiques, 

ae  constater  la  multiplication  dans  1  intérieur  de  1  œuf.  La  plu- 
part des  embryologistes  considèrent  ces  corpuscules  comme 
étant  des  cellules,  c'est-à-dire  des  utricules  à  parois  membrani- 
formes,  dont  la  cavité  contient  un  liquide,  ainsi  que  des  matières 
solides  qui  y  constituent  une  sorte  de  noyau.  On  pense  aussi, 
assez  généralement,  que  ces  cellules  naissent  dans  l'intérieur 
l'une  de  l'autre,  et  deviennent  ensuite  libres  par  la  dissolution 
des  parois  de  l'utricule  procréateur,  en  sorte  que  le  fractionne- 
ment du  germe  en  voie  de  développement  serait  la  conséquence 
de  la  production  endogène  d'une  longue  lignée  de  cellules 
blastémiques  (1).  Dans  certains  cas,  les  sphérules  affectent,  en 
effet,  la  forme  utriculaire,  et  nous  verrons  bientôt  que  le  déve- 
loppement de  cellules  vivantes  joue  un  grand  rôle  dans  le  tra- 
vail constitutif  des  tissus  organiques,  chez  les  Animaux  aussi 
bien  que  chez  les  plantes.  Mais  ce  mode  de  structure,  lorsqu'il 
existe,  me  paraît  être  consécutif  plutôt  qu'originaire,  et  ne  pas 
être  aussi  général  qu'on  l'admet  communément  aujourd'hui. 
Ainsi,  je  partage  tout  à  fait  l'opinion  des  embryologistes  qui 

(1)  Les  vues  de  M.  Schleiden  et  de  dèrent  ce  phénomène  comme  résul- 

M.  Schwann,  relatives  à  l'évolution  des  tant  du  développement  d'une  lignée 

cellules  lîistogéniques  (a),  ont  exercé  d'utricules   endogènes  (6).  Parmi  les 

depuis  vingt-cinq  ans  une  très-grande  physiologistes    qui    soutinrent    cette 

influence  sur  la  manière  d'interpréter  opinion,  je  citerai  en  première  ligne 

les  apparences  offertes  par  le  vitellus  MM.    Reichert    (de    Berlin)  ,    Martin 

en  voie  de  fractionnement ,   et  vers  Barry  (c).  Les  pathologistes  en  ont  fait 

18/i0  la  plupart  des  observateurs  regar-  aussi  grand  usage  (d). 

(a)  Schleiden,   Beitrâge  zur  Phytogenesis  {MûWer' s  Ai'chiv  fur  Anat.  und  Physiol,  1838 
p.  137.  ' 

—  Schwann,  Mickroscopische  Untei'such.  ûber  die  Uebereinstimmung  in  der  Structur  und 
dem  Wachsthum  der  Thiereund  Pflanz-en,  1838. —  Recherches  microscopiques  sur  la  conformité 
de  structure  et  d'accroissement  des  Animaux  et  des  Plantes  {Ann.  des  sciences  nat  2*  série 
1842,  t.  XVII,  p.  5).  '  ' 

(b)  Voyez  Mandl,  Anatomie  microscopique,  t.  II,  p.  33  et  suiv. 

(c)  Reichert,  Das  Entwickelungsleben  im  Wirbelthierreich,  1840.  Ueber  den  Furchungsproeesi 
des  Batrachier-Eies  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1841,  p.  523). 

—  M.  Barry,  Researches  on  Embryology  (Philos,  Trans.,  1838,  1839  et  1840). 
{a)  Virchow,  Pathologie  cellulaire,  1861. 


kOli  KEPFIODUCTION. 

considèreiil  les  spbérules  du  germe  comme  n'offrant  pas 
d'abord  le  carnctère  cellulaire  et  étant  des  globes  d'une  sub- 
stance glutineuse  qui  empale  des  corpuscules  bétérogènes  dont 
certains,  de  nature  graisseuse,  représentent  un  noyau  central, 
mais  n'étant  pas  limités  par  une  tunique  membraneuse,  et  par 
conséquent  n'ayant  pas  une  structure  utriculaire  (1).  Depuis 
un  quart  de  siècle,  les  vues  théoriques  de  M.  Schleiden  et  de 
M.  Schwann,  relatives  au  rôle  des  cellules  dans  le  développe- 
ment des  Animaux  aussi  bien  que  des  plantes,  ont  exercé  une 
grande  influence  sur  l'interprétation  des  faits  observés  par  les 
micrograpbes,  et  ont  beaucoup  contribué  aux  progrès  de  l'his- 
tologie ;  mais  la  portée  en  a  été  singulièrement  exagérée  par 
plusieurs  auteurs  dont  l'autorité  est  très-grande  dans  la  science, 
et,  dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe  ici,  l'hypothèse  de 


(1)    Cette   manière   d'envisager  la  sont  dépourvues  d'une  enveloppe  mem- 

formation  des  sphérules  du  vitellus  en  branense  (c).En  I8Z16,  M. Vogt  publia  de 

voie  de  fractionnement  lut  présentée  nouvelles  observations  sur  ce  sujet  (d), 

avec  réserve,  dès  I8/1I,  par  M.Berg-  et  bientôt  après  M.  Kôlliker  admit  for- 

mann  (a),  et,  vers  la  même  époque,  mellement  que  les  agglomérations  de  la 

M.  Vogt  reconnut  que,  chez  le  Cra-  matière  vitelline  ne  se  recouvrent  d'une 

paud  accoucheur,  les  premières  divi-  membrane  utriculiforme  que  vers  la  fin 

sions  du  vitellus  n'ont  rien  de  com-  du  travail defractionnement(e).Lesob- 

mun  avec  la  formation  des  cellules  qui  servations  faites  par  M.  de  Quatrefages 

a  lieu  plus  tard  (6) .  sur  l'œuf  des  Ilermelles  s'accordent 

M.  BischofI  considère  également  les  avec  cette  opinion  (/"),  qui  est  adoptée 

sphères  vitellines  comme  n'étant  pas  aujourd'hui  par  la  plupart  des  phy- 

de  véritables  cellules,  et  assure  qu'elles  Biologistes  (g). 

(a)  Bergmann,   Ueber  der  Zerklûflung  und  Zellenbilduno  m  Froschdotter  (MûUer's  Arcliiv  fur 
Anat.  und  PhijsioL,  1841,  p.  89). 

(b)  Vogt,  Unlersuch.  ûber  die  Entwickelungsgeschichte  der  Gebiirtshelferkrôte,  1842. 

(c)  Bischoff,  Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Animaux,  p.  72. 

(d)  Vogt,  Recherches  sur  l'embryologie  des  Mollusques  Gastéropodes  {Ann.  des  sciences  nat,, 
3»  série,  1846,  t.  VI,  p.  24). 

(e)  Kôlliker,  Sur  le  développement  des   tissus  chez  les  Batraciens  (Ann.  des  sciences  nat., 
3«  série,  t.  VI,  p.  91). 

(/■)  Quatrefages,  Op.  cit.  (Ann.   des  sciences  nat.,  3'  série,  1848,  t.  X,  p.  184). 

(3)  Eckcr  :  voyez  la  9,' éàiiion  des  Icônes  physiologicœ  do  Wagner,  1851,  pi.  23,fig.  15). 

—  Leydig,  Rochen  und  Haie,  1852. 

—  Agassiz,  Contrib.  to  the  Nat.  Hist.  of  New-York,  1857,  t.  II,  p.  526. 

—  Lereboiillot,  Recherches  sur  le  développement  de  la  Truite  [Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série, 
t.  XVI,  p.  137). 


EMBRYOGÉNIE.  /j.05 

remboîteiiient  des  cellules  ne  me  paraît  pas  être  l'expression 
de  la  vérité. 

Nous  devons  être  également  très-sobre  d'hypothèses  au  sujet 
des  causes  déterminantes  de  la  segmentation  du  germe,  car  les 
observations,  en  très-petit  nombre,  sur  lesquelles  les  embryo- 
logistes  s'appuient  pour  soutenir  leurs  opinions,  ne  s'accordent 
pas  entre  elles.  Ainsi,  beaucoup  d'auteurs,  parmi  lesquels  je 
citerai  mon  savant  collègue  M.  Coste,  attribuent  ce  phénomène 
à  une  sorte  de  scissiparité  du  noyau  graisseux  ou  muqueux 
qui  se  trouve  dans  l'intérieur  du  vitellus,  et  qui,  en  se  divisant, 
déterminerait  l'agglomération  de  la  matière  vitelline  autour  de 
chacun  de  ses  fragments  (1).  Je  partage  son  opinion;  cepen- 
dant je  dois  ajouter  que  les  recherches  d'un  autre  naturaliste, 
très-habile  dans  l'emploi  du  microscope,  tendent  à  établir  que 
la  division  de  ce  noyau  est  un  phénomène  postérieur  au  frac- 
tionnement, et  que  la  division  de  la  sphère  vitelline  en  deux 
sphérules  peut  commencer  avant  qu'il  y  ait  deux  noyaux  : 
l'effet  précéderait  donc  la  cause  présumée  (2). 


(1)  En  18Z|1,  M.  Bergmann  appela  qui  représente  la  sphère  primitive, 
l'attention  sur  la  tache  claire  {a),  contient  un  noyau  transparent  qui  n'a 
qui  a  été  ensuite  considérée  comme  subi  aucune  modification,  tandis  qu'à 
une  cellule  ou  un  noyau  par  plu-  l'autre  portion  (correspondante  à  la 
sieurs  physiologistes  (6).  sphère  secondaire),  il  n'a  pu  aperce- 

(2)  En  étudiant  le  développement  voir  aucun  noyau  de  ce  genre;  le 
de  l'œuf  chez  un  petit  Mollusque  gas-  noyau  ne  s'y  est  montré  qu'à  une  pé- 
téropode  de  nos  côtes  (l'^cieonwïVzdïi),  riode  plus  avancée  du  travail  génési- 
M.  Vogt  a  trouvé  qu'à  l'époque  où  la  que.  Ainsi,  chez  l'Actéon,  le  fraction- 
sphère  vitelline  commence  à  se  diviser  nement  du  vitellus  précéderait  la  mul- 
endeux  sphères  secondaires, et  présente  tiplication  du  noyau  transparent,  et  par 
la  forme  d'un  sablier  ou  d'une  man-  conséquent  ne  pourrait  être  considéré 
doline,  la  portion  la  plus  grande,  celle  comme  dû  à  ce  phénomène  (c) 


(a)  Bergmann,  Op.  cit.  (MùUer's  Archiv,  1841,  p.  89). 

(6)  Bagge,  Dissert,  de  evolutione  Slrongyli  auricularis  et  Ascavidis  acum.^  natœ,  IS^I. 
—  KôUikei-,  Entwickeluiigsgeschichle  dev  Cephalopodeii,  1844. 

(c)  C.  Vogt,  Recherches  surVembrijologie  des  Mollusques  Gastéropodes  {Ann.  des  sciences  nat 
3'  série,  1846,  t.  VI,  p.  24,  pi.  1,  iiy.  4). 

viu.  2S 


Zl06  REPRODUCTION. 

Lorsque  le  fractionnement  du  germe  a  été  porté  très-loin, 
les  sphérules,  ou  globules  organoplastiques,  ne  conservent  pas 
leur  caractère  primitif,  et  souvent  il  devient  facile  de  constater 
que  leur  partie  périphérique  se  condense  de  façon  à  constituer 
une  tunique  membraniforme  distincte  de  la  substance  sous- 
jacente.  Ces  sphérules  deviennent  alors  de  véritables  utricules 
ou  cellules  dans  l'intérieur  de  chacune  desquelles  on  aperçoit 
un  liquide  granuleux  et  un  noyau  dont  l'aspect  varie  (i) .  Leur 
nombre  augmente  rapidement,  et  en  général  ils  se  diversifient 
entre  eux  par  la  nature  de  leur  contenu  ou  par  les  transforma- 
tions ultérieures  qu'ils  subissent,  et  ils  constituent,  par  leur 
réunion,  le  corps  organisé  que  j'ai  désigné  précédemment  sous 
le  nom  de  Métazoaire. 

Celui-ci  ne  consiste  d'abord  qu'en  un  petit  agrégat  de  ma- 
tière vivante  qui  affecte,  en  général,  la  forme  d'une  tache 
blanchâtre  et  circulaire  à  la  surface  du  globe  vitellin,  et 
qui  est  désignée  d'ordinaire  sous  les  noms  de  cumulus  ou 
de  blastoderme.  Il  s'accroît  rapidement  par  sa  circonférence,  et 
en  s'étalant  de  plus  en  plus  sur  le  vitellus,  il  tend  à  constituer 
une  lame  membraneuse  qui  entoure  la  partie  centrale  de  Toeuf 
à  la  manière  d'une  tunique  et  devient  une  sorte  de  cellule  ou 
sphère  creuse  dont  Tintérieiir  est  occupé  par  l'amas  de  matière 
vitelline  destinée  à  le  nourrir. 

Parfois  le  Métazoaire  ainsi  produit  se  transforme  ultérieure- 
ment en  un  Typozoaire  ;  mais,  dans  d'autres  cas,  il  conserve 
toujours  son  individualité,  et  il  devient  seulement  un  intermé- 

(1)  M.  Lereboullet,   qui  vient  de  organo-plastlque  du  vitellus,  et  qu'elles 

publier  de  nouvelles  recherches  sur  sont  toutes  des  produits  de  nouvelle 

le  mode  de   production  de  ces  cel-  formation(a).Dans  la  prochaine  Leçon, 

Iules   embryonnaires,  pense  qu'elles  j'aurais  à  revenir  sur  ce  sujet,  lorsque 

ne  proviennent  jamais  des  globes  vi-  je  parlerai  des  observations  récentes  de 

tellins   ou  générateurs   qui  résultent  M.  Agassiz  sur  Tovologie  des  Tortues 

du   fractionnement   de  la   substance  de  l'Amérique. 

(a)  Lereboullet,  Nouvelles  recherches  sur  la  formation  des  premières  cellules  embrijonnaires 
(Ann.  des  sciences  nat.,  5°  série,  1864,  l.  II,  p.  5). 


EMBRYOGÉNIE.  40/ 

diaire  entre  celui-ci  et  le  Protoblaste  dont  il  descend  ;  à  peu 
près  comme  nous  l'avons  vu  pour  le  Protoblaste  lui-môme  par 
rapport  au  Typozoaire  souche  et  au  Métazoaire. 

Effectivement,  dans  ce  cas,  l'être  vivant  qui  naît  du  Proto- 
blaste est  à  son  tour  un  individu  reproducteur  ;  par  suite  de 
l'activité  physiologique  dont  il  est  doué,  il  devient  le  siège  d'un 
phénomène  de  bourgeonnement,  ou  de  quelque  chose  d'ana- 
logue, et  il  donne  ainsi  naissance  à  l'embryon,  qui,  en  se  déve- 
loppant, deviendra  un  Typozoaire,  ou  représentant  parfait  de 
son  espèce.  Mais,  avant  de  produire  ainsi,   par  génération 
continue,  un  nouvel  individu,  le  Métazoaire  devra  lui-même 
se  développer,  et,  dans  certains  cas,  il  arrivera  de  la  sorte 
à  un  haut  degré  de  perfectionnement  organique,  tandis  que 
d'autres  fois  il  ne  présentera  rien  de  semblable.  Dans  ce  der- 
nier cas,  il  restera  dans  l'intérieur  de  l'œuf  où  il  a  pris  nais- 
sance et  n'y  vivra  que  d'une  vie  végétative  ;  mais,  dans   le 
premier  cas ,  il  pourra  quitter  cette  demeure,  entrer  dans  le 
monde  extérieur,  y  chercher  de  nouveaux  aliments,  et  avoir' 
tous  les  caractères  ainsi  que  les  facultés  d'un  animal  ordi- 
naire, qui,  restant  agame,  perpétuera  son  espèce,  non  pas  au 
moyen  d'œufs,  comme  l'individu  sexué  dont  il  descend,  mais 
par  gemmiparité. 

Le  premier  exemple  connu  de  cette  succession  d'individus    Générations 
dissemblables,  mais  appartenant  à  une  môme  espèce  et  réalisant   ^''^''"^°*^^- 
alternativement  deux  formes  différentes,  nous  a  été  fourni  par 
des  Animaux  pélagiens  qui  appartiennent  à  la  division  des  Mol- 
luscoïdes,  et  qui  ont  reçu  les  noms  de  Biphores  ou  de  Saîpas. 
Depuis  longtemps  on  avait  remarqué  que  quelques-uns  de  ces 
Animaux  vivent  solitaires,  tandis  que  d'autres,  dont  la  confor- 
mation est  un  peu  différente,  sont  réunis  entre  eux  en  nombre 
considérable,  de  façon  à  constituer  de  longues  chaînes.  On  avait 
cru  d'abord  que  les  Biphores  solitaires  et  les  Biphores  agrégés     Biphores. 

appartenaient  à  des  espèces  différentes  ;  mais  Chamisso,  natu- 


408  REPRODUCTION. 

raliste  attaché  à  une  expédition  de  circumnavigation  russe, 
reconnut  que  cela  n'était  pas,  que  les  individus  isolés  don- 
naient naissance  à  des  cliaînes  d'individus  agrégés.  Les  pre- 
miers n'ont  pas  d'organes  sexuels,  et  se  multiplient  par  une 
sorte  de  bourgeonnement  continu;  mais  les  individus  qui  nais- 
sent de  la  sorte  soudés  entre  eux,  et  qui  restent  toujours 
unis,  possèdent  des  organes  sexuels,  et  produisent  des 
œufs  de  chacun  desquels  naît'un  Biphore  agame  solitaire.  Pen- 
dant longtemps  les  assertions  de  ce  voyageur  ne  furent  accueil- 
lies qu'avec  doute,  mais  elles  furent  confirmées,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années,  par  plusieurs  zoologisles  (1),  et  vers  la 
même  époque ,  d'autres  faits  du  même  ordre  furent  intro- 
duits dans  la  science.  Bientôt  après,  M.  Steenstrup ,  habile 
naturaliste  danois,  coordonna  toutes  ces  observations  éparses, 
et  en  lit  ressortir  la  portée  physiologique.  Il  désigna,  sous 
le  nom  de  générations  alternantes ,   ces  successions  d'indi- 

(1)  Les  observations  de  Chamisso  d'une  cavité  particulière  du  système 
furent  faites  pendant  le  voyage  deKot-  tégumentaire,  au-dessous  de  la  masse 
zebue,  et  parurent  en  1819.  Pendant  viscérale,  et  qui,  en  général,  porte 
longtemps  elles  ne  fixèrent  que  peu  deux  séries  d'individus  disposés  Ion-" 
l'attention  des  naturalistes  ;  mais,  en  gitudinalement  et  alternant  entre 
18/iG,  elles  furent  pleinement  confir-  eux.  Ceux-ci  sont  androgynes,  et 
mées  par  M.  Krobn(a),et  plusrécem-  produisent  cliacun  un  œuf  unique 
ment  leur  exactitude  a  été  constatée  dans  lequel  se  forme  un  embryon  qui 
aussi  par  AIM.  Huxley,Vogt,  H.  aiuller  se  greffe  d'abord  sur  l'organisme  de  la 
et  Leuckart  (6).  Les  Biphores  sexués  mère  au  moyen  d'une  sorte  de  pla- 
na issent  sur  un  stolon  tubulairetrès-  centa  pédonculaire,  et  devient  libre 
grêle,    qui    se    développe    au    fond  ultérieurement. 

(a)  Chamisso,  De  Animalibus  quibusdam  e  classe  Vermium  Linnœana  in  civcumiiavigatione 
terrœ  observalis.  Fasc.  1.  de  Sulpa.  Berolini,  i8i9. 

(b)  Krohn,  Observations  sur  la  génération  et  le  développement  des  Biphores  {Ann.  des  sciences 
nat.,  3'  série,  ISiG,  t.  VI,  p.  llOi. 

—  Huxley,  Observations  upon  the  Anatomy  and  Pliysiology  of  Sulpa  and  Pyrosoma  (Philos. 
Trans.,  1851,  p.  507,  pi.  15  et  16). 

—  Vogl,  Bilder  ans  dem  Thierleben,  1852,  p.  26.  —  Recherches  sur  les  Animaux  inférieurs 
de  la  Mcdilerranée,  t.  II. 

—  H.  Millier,  Utber  die  analomische  Vei schiedenheitder  zweiFormenbei den  Salpen{Verhandl. 
d.  phys.-med.  Gesellsch.  in  Wilrzbui'g,  1852,  t.  III,  p.  57).  —  Ueber  Salpen  (Zeitschrift  fur 
ivisscnrch.  Zonl.,  -1853,  t.  IV,  p.  320). 

—  K.  Lciickart,  Zoologischc  Untersiicliungen,  1854,  t.  II. 


GÉNÉRATIONS    ALTERNANTES.  /l09 

vidus  issus  d'une  même  souche,  mais  dissenablables  entre  eux 
et  ne  réalisant  la  même  forme  organique  que  de  deux  géné- 
rations en  deux  générations,  II  appela  Ammen,  ou  nourrices, 
les  individus  agames  qui  naissent  de  l'œuf  pondu  par  un 
individu  sexué,  et  qui  produisent,  par  voie  de  gemmi- 
parité,  des  individus  semblables  à  la  mère  dont  ils  sont  les 
fruits.  Enfin,  M.  Steenstrup  montra  aussi  que  cette  périodicité 
dans  le  retour  des  mêmes  formes  organiques  est  moins  rare 
qu'on  n'aurait  pu  le  supposer  d'abord  ;  mais  il  ne  rattacha  pas 
ces  phénomènes  curieux  aux  lois  générales  de  ia  propagation 
des  Animaux,  comme  j'essaye  de  le  faire  en  ce  moment  (1). 

Cependant,  pour  saisir  ces  analogies,  il  suffit,  ce  me  semble, 
de  comparer  ce  qui  a  lieu  chez  les  Biphores  dont  il  vient  d'être 
question,  et  ce  qui  se  passe  dans  l'intérieur  de  l'œuf  d'un  Ani- 
mal ordinaire.  En  effet,  l'œuf  du  Biphore,  de  même  que  l'œuf 
d'un  Mammifère  ou  d'un  Oiseau,  renferme  un  Protoblaste 
qui,  en  se  développant,  donne  naissance  à  un  Métazoaire,  et 
celui-ci,  chez  le  Biphore,  se  développe  de  façon  à  constituer 
une  nourrice,  c'est-à-dire  un  être  possédant  la  plupart  des 
caractères  de  sa  mère,  mais  agame,  et  ce  Métazoaire  donne 
naissance,  par  gemmation,  à  des  Typozoaires  qui,  dans  ce  cas, 
sont  des  animaux  très-semblables  à  la  nourrice  dont  ils  des- 
cendent, mais  aptes  à  se  reproduire  par  oviparité.  La  diffé- 
rence principale  qui  existe  entre  les  résultats  de  ce  travail 
génésique  et  ceux  dont  les  Animaux  ordinaires  nous  offrent 
le  spectacle,  c'est  que  chez  ceux-ci  le  Métazoaire  reste  dans 
un  état  d'imperfection  organique  très-grand ,  ne  quitte  pas 


(1)  Ce  travail  très-remarquable  de  les  idées  des  naturalistes  touchant  le 
M.  Steenstrup  parut  en  18/i2,  et  exerça  mode  de  génération  des  Animaux  infé- 
à  juste  litre  une  grande  influence  sur      rieurs  (a). 

(a)  Steenstrup,  Ueher  die  Generationswechsel  in  den  niederen  Thierklassen,  1842.  —  On  the 
Alternation  of  Générations,  tran?l.  by  Busk  (Ray  Society,  1815). 


Ips  Trématodes. 


!liO  REPRODUCTION. 

l'œuf  où  il  a  pris  naissance,  et,  ne  produit  qu'un  seul  Typo- 
zoaire,  au  lieu  d'en  donner  une  série  nombreuse,  et  de  vivre 
.  dans  le  monde  extérieur  à  la  manière  des  Typozoaires  dont 
il  descend. 

Générations  La  séric  dc  faits  dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  dans 
chez  '  une  précédente  leçon,  lorsque  je  décrivais  le  mode  de  multi- 
plication des  Vers  intestinaux  du  genre  Monostome,  est  un 
autre  exemple  de  ces  générations  alternantes  (1).  L'œuf  pondu 
par  un  de  ces  parasites  donne  un  Protoblaste  qui  affecte  la 
forme  d'un  Animalcule  couvert  de  cils  vibratiles^  et  qui  produit 
un  Métazoaire,  ou  nourrice  agame  dans  l'intérieur  duquel 
naissent  des  Typozoaires  dont  la  forme  est  d'abord  celle  d'un 
Cercaire,  et  dont  le  développement  ultérieur  amène  la  réalisa- 
tion du  mode  d'organisation  caractéristique  du  Monostome 
sexué  et  ovigère. 

Générations       Chcz  Ics  ÉcMnodermcs,  la  multiplication  des  individus  typi- 

alternantes  i,\  i-  un  />■<  d- 

chez  les  ques  et  aptes  a  se  reproduu^e  au  moyen  a  œuls  se  tait  par  1  in- 
termédiaire de  Métazoaires  dont  la  structure  est  encore  plus  re- 
marquable que  celle  des  Biphores  nourrices.  Ainsi,  les  Animaux 
bizarres  que  J.  Millier  découvrit  en  1846,  et  que  ce  naturaliste 
éminent  désigna  d'abord  sous  le  nom  de  Pluteus  paradoœus^ 
n'offrent,  dans  leur  conformation,  rien  qui  puisse  faire  soup- 
çonner leur  parenté  avec  les  Étoiles  de  mer  à  longs  bras,  appe- 
lées Ophiures.  Ils  ressemblent  à  une  sorte  de  cloche  irrégulière 
abord  branchu,  qui  nage  au  moyen  de  cils  vibratiles,  et  qui 
renferme  dans  sa  substance  hyaline  une  charpente  solide  com- 
posée de  plusieurs  baguettes  calcaires.  On  y  distingue  une 
bouche,  un  estomac,  des  glandes,  des  rudiments  d'un  système 
nerveux.  Plus  tard  se  développe  à  la  face  concave  de  cette 
cloche  mobile  un  groupe  de  csecums  qui  deviennent  saillants, 
comme  des  tubercules,  et  se  disposent  par  paires  d'une  manière 


Echinodermes. 


(1)  Voyez  ci-dessous,  page  285  et  suivantes. 


GÉNÉRATIONS    ALTERNANTES.  /|11 

radiaire,  de  façon  à  constituer  un  petit  corps  étoile.  Enfin 
ce  corps,  après  s'être  séparé  du  Pluteus  qui  l'a  produit,  se 
développe  de  façon  à  réaliser  la  forme  et  la  structure  des 
Échinodermes  du  genre  Ophiure  (1).  Des  phénomènes  du  même 
ordre  ont  été  observés  chez  les  Oursins  et  chez  les  Astéries  (2), 

(1)  J.  Muller,  dont  la  longue  série  et  celui-ci  en  naît  par  un  phénomène 
d'observations  sur  le  développement  de  bourgeonnement  (6). 
des  Echinodermes  ne  saurait  être  citée  (2)  Au  sujet  du  développement  des 
avec  trop  d'éloges,  et  dont  la  mort  ré-  Echinides,  je  citerai  non-seulement  les 
cente  est  im  malheur  pour  la  science  (a)  recherches  déjà  mentionnées  de  Miil- 
considéra  le  Pluteus  comme  étant  la  1er,  mais  aussi  celles  de  MM.  Derbès, 
larve  de  l'Ophiure  ;  mais  ainsi  que  l'a  Krohn,  BuschetAlex.  Agassiz  (c).  Les 
fait  remarquer  M.  Dareste,  ce  singulier  principaux  travaux  sur  le  développe- 
Animal  semble  avoir  plutôt  les  carac-  ment  des  Astériens,  dont  les  Méta- 
tères  d'un  Métazoaire  ou  nourrice,  car  zoaires  furent  d'abord  décrits  sous 
ce  n'est  pas  son  organisme  qui  se  trans-  le  nom  de  Bipinnaria,  sont  dus  à 
forme  pour  devenir  un  Echinoderme,  MM.  Sars,  Krhon  et  Danielssen  (cl). 

(a)  Johaniies  Miiller,  BericUt  ûber  einige  neue  Thierformen  der  Nordsee  (Archiv  fur  Anat.  und 
Physiol.,  iUQ,  p.  108,  pi.  6). 

—  Ueber  die  Larven  und  die  Metamoriihose  ''der  Ophiuren  und  Seeigel  (Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences  de  Berlin  pour  1846). 

—  Ueber  die  Larven  und  die  Métamorphose  der  Echinodermen,  1849  (Mém,  de  l'Acad.  des 
sciences  de  Berlin  pour  i  848). 

—  Ueber  die  Larven  und  die  Métamorphose  der  Holothurien  und  Asterien  {Op.  cit.,  1850). 

—  Ueber  die  Larven  und  die  Métamorphose  der  Echinodermen.  Yierte  Abhandlung,  1852 
(Op.  cit.,  1851). 

—  Ueber  die  Ophiurenlarven  des  Adriatischen  Meeres,  1852  (même  recueil  pour  1851). 

—  Ueber  den  allgemeinen  Plan  in  der  Entwickelimg  der  Echinodermen,  1853  (même .  recueil 
pour  1852). 

—  Ueber  die  Gattung  der  Seeigellarven  ;  siebente  Abhand.  ûber  die  Metamorph,  der  Echinod., 
1855  (même  recueil  pour  1854). 

(b)  Daresle,  Analyse  des  observations  de  Millier  sur  le  développement  des  Echinodermes  {Ann. 
des  sciences  nat.,  3^  série,  1852,  t.  XVII,  p.  352). 

(c)  Derbès,  Observations  sur  les  phénomènes  qui  accompagnent  la  formation.de  l'embryon  de  ■ 
l'Oursin  comestible  (Ann.  des  sciences  nat.,  3e  série,  1847,  t.  VIII,  p.  80,  pi.  5). 

—  Krohn,  Beitrâge  %ur  Entwickelungsgeschichte  der  Seeigellarven.  Heidelberg,  1849.  — 
Ueber  die  Enlivickehmg  einer  lebendig  gebârenden  Ophiuren  { Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und 
Physiol.,  1851,  p.  338,  pi.  14,  fig.  2-5).  —  Ueber  die  Larven  der  Echinus  brevispinosus 
(Mùller's  Archiv,  1853,  p.  361).  —  Beobachtungen  iïber  Echinodermenlarven  {Op.  cit.,  1854, 
p.  208,  pi.  10,  fig.  1.2). 

—  Busch,  Beobachtungen  ûber  Anatomie  und  Entwickelung  einiger  wirbellosen  Seethiere, 
1851. 

—  Alexander  Agassiz,  On  the  Embryology  ofEchinoderms,  1864(il/e/)ioi?'s  ofthe  American  Aca- 
demy,  t.  IX). 

{d}  Sars,  Beskrivelser  og  lagttagelser.  Bergen,  1835,  p.  37,  pi.  15,  fig.  40. 

—  Krohn  et  Danielssen,  Zoologeske  Bidrag.  Bergen,  1847.  —  Observ.  sur  le  Bipennaria  asteri- 
gera  [Ann.  des  sciences  nat.,  3e  série,  1847,  t.  VÎl,  p.  347,  pi.  7,  fig.  7-9). 

—  Max.  Schulfze,  Ueber  die  Entwickelung  von  Ophiolepis  squaraata  (Miiller's  Archiv  fur 
Anat.  und  Physiol.,  1852,  p.  37,  pi.  1). 

—  Krohn,  Ueber  einen  neuen  Entwickelungsmodus  der  Oplmiren  {Archiv  fur  Anat.  und 
Physiol.,  1857,  p.  369,  pi.  14  B). 


/rl2  REPRODUCTION. 

mais  la  forme  du  Métazoaire  varie  chez  ces  différents  Zoo- 
pbytes.  Du  reste,  je  me  hâte  d'ajouter  que  ces  générations 
alternanles  ne  se  rencontrent  pas  ctiez  tous  les  Échinodermes, 
et  que  chez  plusieurs  de  ceux-ci,  le  développement  se  fait  d'une 
manière  continue,  de  sorte  que  le  Mélazoaire  tout  entier  devient 
un  Typozoaire,  au  lieu  de  produire  celui-ci  par  voie  de  bour- 
geonnement (I). 
Gcnéraiion^       Daus  d'autrcs  cas  le  Métazoaire,  tout  en  étant  apte  à  sortir 

allernanlos        i       .,  »  ^  i 

chez  de  1  œut  et  a  mener  pendant  quelque  temps  une  vie  errante, 
'  ne  présente  qu'une  structure  très-simple.  Ainsi,  l'œuf  de  la 
Médusa  aurita  donne  naissance  à  un  Animalcule  cilié  et  de 
forme  ovoïde,  appelé  Planula,  qui  ressemble  beaucoup  à  un 
Infusoire  et  ne  montre  dans  son  intérieur  aucun  organe  parti- 
culier. Ce  Métazoaire  nage  librement  dans  la  mer  à  l'aide  de 
ses  cils,  qui  font  office  de  rames;  puis  il  se  fixe  sur  la  surface 
d'un  rocher  ou  de  quelque  autre  corps  étranger,  et  se  déve- 
loppe de  façon  à  devenir  cratériforme  et  à  ressembler  à  un 
Polype.  Alors  son  corps  s'étrangle  de  dislance  en  distance  et 


(1)    Chez  tous  ces   Zoophytes,  le  sible  de  donner   une   idée   nette  de 

Métazoaire  a  une  forme  bilatérale,  et  le  la  conformation  de  ces  Echinodermes 

caractère  radiaire  ne  se  manifeste  que  en  voie  de  développement,  et  des  mé- 

cliez  le  Typozoaire.  Chez  les  Fxhi-  -tamorphoses  qu'ils  subissent.  Je   me 

nides,  les  Astériens  et  les  Ophiures,  bornerai  donc  à  ajouter  que  les  Méta- 

cc  dernier  se  sépare  du  Métazoaire,  zoaircs  des  Echinides  ont  une  char- 

dont  il  naît  par  une  sorte  de  bour-  pcnle  calcaire  comme  ceux  des  Ophiu- 

geonnement  interne  ;  mais  chez    les  res,  tandis  que  chez  le  Mélazoaire  des 

Holothuries,  le  Métazoaire  est  persis-  Asiériens  et  des   Holothuriens,  cette 

tant  presque  en  totalité,  et  reste  uni  charpente  n'existe  pas.    Ces  derniers 

au  produit  qui  en  naît  par  bourgeon-  sont  plus  ou  moins  vermiformes. 

nement  et  qui  constitue  la  portion  ce-  Des  exposés  des  recherches  de  Miil- 

phalique  de  l'Animal  parlait.  Sans  le  1er  sur  ce  sujet  ont  été  publiés  par 

secours  de  figures,  il  me  serait  impos-  MM.  Dareste,  Huxley  et  Agassiz  (a). 


(a)  Daresle,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  2'  série,  t.  XVI,  p.  154;  l.  XIX,  p.  2ii  ;  t.  XX, 
p.  1-21   rit  147  ;  'à'  série,  t.  1,  p.  153). 

—  Huxley,  Report  on  the  Researches  of  Miiller  into  the  Anatomy  and  Development  ofEchino- 
derms  (Ann.   of  Nat.  Hist.,  2»  série,  1851,  t.  VIII,  p.  1). 

• —  Afassiz;  Lectures  on  Comparative  Embriiology.  Boston,  1849. 


GÉNÉRATIONS    ALTERNANTES.  413 

se  divise  en  une  série  de  tronçons  qui  ne  tardent  pas  à  devenir 
libres,  et  qui,  en  se  développant,  acquièrent  peu  à  peu  le  mode 
d'organisation  typique  de  leur  race,  ou,  en  d'autres  mots,  de- 
viennent autant  de  Méduses  sexuées  (1). 

Des  phénomènes  analogues  nous  sont  offerts  par  d'autres 
Acalèphes  dont  les  Planules  ou  larves  ciliées  constituent,  en  se 


(1)  Les  premières  observations  re- 
latives à  cette  partie  intéressante  de 
l'histoire  des  Acalèphes  datent  de  1829 
et  sont  dues  à  un  naturaliste  norwé- 
gien,  M.  Sars,  de  Bergen.  Cet  auteur 
lit  connaître  alors  quelques-unes  des 
formes  transitoires  de  la  Médusa  au- 
rita,  mais  il  les  considéra  comme 
constituant  des  types  zoologiques  par- 
ticuliers, et  il  leur  donna  les  noms  gé- 
nériques de  Scyphosloma  et  de  Stro- 
hila  (a).  En  1835,  Sars  reconnut  que 
le  Scyphostome  n'était  qu'un  premier 
état  de  l'Animal  qu'il  avait  appelé 
Sirubila,  et  que  celui-ci  avait  beau- 
coup d'analogie  avec  certains  Aca- 
lèphes, notamment  avec  VEphira 
d'Eschsclîollz  (6).  Enfin,  deux  ans 
après,  le  même  naturaliste  annonça 
que  les  Strobiles  sont  de  jeunes  Mé- 
duses (c),  et,  en  18/il,  il  exposa,  avec 
tous  les  détails  désirables,  la  série 
de  ses  observations  sur  ce  sujet  :  il 


montra,  d'une  part,  la  transformation 
des  Scyphostomes  en  Strobiles,  la  nais- 
sance de  Méduses  éphiroïdes  aux 
dépens  des  tronçons  du  Strobile,  et  le 
développement  de  ces  Méduses  en 
Aurélies  et  en  Gyanées  sexuées  ;  d'autre 
part,  la  production  des  Scyphostomes 
par  les  œufs  de  ces  derniers  Acalè- 
phes (rf). Vers  la  même  époque,  M.  Sie- 
bold  fit  des  recherches  importantes  sur 
le  même  sujet,  et  déjà  un  naturaliste 
écossais,  John  Dalyell,  avait  constaté 
beaucoup  de  faits  du  même  ordre  (e). 
Divei'ses  observations  relatives  à  la 
filiation  des  Sertulariens  et  des  Médu- 
saires  furent  publiées  peu  de  temps 
après  par  plusieurs  autres  zoologistes, 
et  plus  récemment  M.  Desor  s'est 
occupé  aussi  du  développement  de  la 
Médusa  aurita  (f)  ;  enfin,  je  citerai 
également  ici  à  ce  sujet  les  observa- 
tions nouvelles  dont  M.  Agassiz  vient 
d'enrichir  la  science  {g). 


(a)  Sars,  Bidrag  til  Sôedyrenes  Nalurhistorie.  Bergen,  1829  (Isis,  4833,  p.  221). 
(6)  Idem,  Beskrivelser  og  Jagltagelser.  Berg:en,  18>i5,  p.  46  et  suiv. 

(c)  Idem,  Wieg-mann's  Archiv  fur  Naturgeschichte,  1837,  t.  I,  p.  486. 

(d)  Idem,  Ueber  die  Entwickelimg  der  Médusa  aurita  und  der  Cyanea  capillata  (Wiegmann's 
Archiv,  i^il,  t.  ï,  p.  9). 

(g)  Siebold,  BeilrdQe  %ur  Naturgeschichte  der  luirbellosen  Thiere  (Neuste  Schriften  der  Natur- 
forschenden  Gesellschaft  in  Danzig,  1839,  t.  III). 

—  Dalyell,  On  the  Propagation  of  Scotish  Zoophytes  {Edinburgh  Neiu  PhilosophicalJournal, 
1834,  t.  XVII,  p.  ni). -- Furiher  Itlustrations  of  the  Propagation  of  Scottish  Zoophytes  (Op. 
cit.,  1836,  t.  XXI,  p.  88).  — Rare  and  Remarkable  Animais  ofScotland,  1847,  t.  I,  p.  99  et 
suiv. 

(f)  Desor,  Lettre  sur  la  génération  médusaire  des  Polypes  hydraires  {Ann.  des  sciences  nat., 
3«  série,  1849,  t.  XII,  p.  311,  pl.  2,  fig.  1-6). 

(9)  Agassiz,  Lectures  on  Comparative  Embryology,  1849,  p.  42. —  Contributions  to  the  Nat. 
Hist.  of  the  United  States  of  America,  1862,  t.  IV,  p.  105,  pl.  10,  10  a,  11,  11,  a. 


liik  REPRODUCTION. 

développant,  non  pas  des  Strobiles  scissipares,  mais  des  Sertu- 
lariens  ou  autres  Polypes  hydroïdes,  qui  se  multiplient  par 
gemmation,  et  produisent  ainsi  tantôt  une  nouvelle  génération 
de  Métazoaires  (i),  d'autres  fois  des  Typozoaires  dont  la 
structure  ne  diffère  pas  de  celle  des  Méduses  ordinaires,  et 
dont  les  œufs  donnent  naissance  à  d'autres  Planules  (2).  Il 
est  aussi  à  noter  que,  chez  certains  Acalèphes,  l'individu  Typo- 
zoaire  peut  se  multiplier  par  bourgeonnement  aussi  bien  que 


(1)  Ce  bourgeonnement  peut  avoir 
lieu  aussi  sur  les  Strobiles,  qui  sont 
susceptibles  de  se  multiplier  par  scissi- 
parité ;  et  les  bourgeons  peuvent  riaî- 
tre,  soit  directement  sur  les  parois  du 
corps  de  l'individu  souche,  soit  sur 
des  stolons  qui  partent  de  la  base  de 
celui-ci  (a). 

(2)  Les  Sertulariens,  dont  j'ai  déjà, 
eu  l'occasion  de  parler  comme  ayant 
la  faculté  de  se  multiplier  par  bour- 
geonnement (6) ,  sortent  de  l'œuf  à 
l'état  d'Animalcules  ciliés,  analogues 
aux  Planules  dont  il  a  été  question 
ci-dessus  ;  puis  ils  se  fixent,  et  en  se 
développant,  deviennent  des  Polypes 
hydroïdes  qui  sont  susceptibles  de 
se  reproduire  sous  des  formes  dif- 
férentes. Parmi  les  bourgeons  qui  en 
naissent,  iji  en  est  qui  deviennent  des 
individus  polypiformes  et  pourvus  de 
tentacules,  ainsi  que  d'une  ouverture 


buccale.  Mais  d'autres  sont  clos,  et, 
en  se  développant,  chacun  de  ceux-ci 
forme,  par  la  dilatation  de  sa  gaîne 
tégumentaire ,  une  sorte  de  capsule 
dans  l'intérieur  de  laquelle  ils  pro- 
duisent de  nouveaux  bourgeons  en 
nombre  plus  ou  moins  considérable, 
lesquels  bourgeons  secondaires  consti- 
tuent, en  se  développant,  tantôt  autant 
de  Planules  ciliées,  ou  Sertulariens 
à  l'état  de  larves  mobiles,  ainsi  que 
cela  été  observé  par  M.  Lôven  ; 
d'autres  fois,  de  jeunes  Médusaires, 
qui  plus  tard  deviendront  sexués,  et 
produiront,  soit  des  vésicules  sperma- 
tiques,  soit  des  œufs,  et  procréeront 
ainsi  de  nouveaux  Sertulariens  :  par 
exemple,  chez  le  Campanularia  gela- 
tinosa  (c).  Ces  jeunes  Méduses  se 
détachent  souvent  à  l'état  de  larves 
ciliées  (d)  ;  mais  d'autres  fois  elles  ac- 
quièrent leur  forme  typique  lorsqu'elles 


t.,   2«  série,  1841,  t.  XVI,  p.  342,  pi.   15,  f.g.  37, 


(a)  Sars,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences 
42,  etc. 

(b)  Voyez  ci-dessus,  page  314.  . 
(c)Loven,  Observations  sur  le  développement  ei  les  métamorphoses  des  genres  Campanulaire 

Synchoryne  (Ann.  des  sciences  nat.,  2°  série,  1841,  t.  XV,  p.  157,  pi.  8). 

(d)  Ellis,  His(.?mî.  des  ComHines,  175G,  p.  116,  pi.  38.  ,    „.     j 

—  VanBeneden,  Mém.  sur  les  Campanulaires  de  la  côte  d'Ostende,  pi.  i  et  2  [Mém.  de  l  Acad. 
de  Bruxelles,  ma,  t.  X\n).  . 

—  Desor,  heltre  sur  la  génération  médusipare  des  Polypes  hydraires  [Ann.  des  sciences  nat., 
3- série,  1849,  t.  XII,  p.  207,  pi.  2,  fi-.  8-12). 

(e)  Dujardin,  Mém.  siir  le  développement  des  Méduses  et  des  Polypes  hydraires  (Ann.  des 
sciences  nat..,  3'  série,  1845,  t.  IV,  p.  257,  pi.  14  et  15). 

—  Desor,  Op.  cit.,  p.  205,  pi.  2,  fig.  13-16. 


GÉNÉRATIONS    ALTERNANTES.  415 

par  oviparité,  et  que  les  jeunes  produits  de  la  sorte  sont  des 
Typozoaires,  au  lieu  d'être  des  Métazoaires,  comme  ceux  déve- 
loppés dans  l'intérieur  des  œufs  (1  ). 

Pour  nous  familiariser  avec  les  faits  de  cet  ordre,  il  me 
semble  utile  de  citer  encore  ici  le  mode  de  multiplication  des  Multiplication 
Coralliaires,  de  la  division  des  Alcyonaires:  celle  des  Gorgones  Aicyonnaires. 
et  du  Corail,  par  exemple.  CesZoophytes  se  reproduisent  à  l'aide 
d'œufsde  chacun  desquels  naît  un  Métazoaire  assez  semblable 
à  celui  des  Méduses  dont  je  viens  de  parler^  et  cet  Animalcule 
cilié,  après  avoir  mené  pendant  quelque  temps  une  vie  errante, 
se  fixe  sur  quelque  corps  sous-marin  (2).  Puis  il  devient  le 
siège  d'un  travail  de  gemmation,  par  suite  duquel  des  Polypes 
sexués  naissent  dans  son  épaisseur  et  surgissent  à  sa  surface. 


sont  encore  adhérentes  au  corps  de  rata  (c).  Plus  récemment,  E,  Forbes 

l'individu   souche ,  ainsi  que  cela  a  observa  les  mêmes  phénomènes  chez 

été  observé  chez  les  Syncorynes  (a).  le   Thaumantias    lucida,  le   Lizzia 

Il  arrive  aussi  parfois  que  la  por-  hlondina  et  le  Sarsia  proliféra.  Les 
tion  terminale  d'un  de  ces  Polypes  hy-  bourgeons  peuvent  naître  sur  divers 
droïdes  se  sépare  de  sa  base,  et  con-  points  :  de  la  surface  des  ovaires,  du 
stitue  un  Animal  libre  et  campanuli-  côté  de  la  trompe  stomacale,  ou  à  la 
forme,qui  semble  être  destiné  à  devenir  base  des  tentacules  marginaux  du  dis- 
une  Méduse  sexuée  (6).  que  natatoire  {d). 

(1)  C'est  aussi  à  Sars  que  l'on  doit  (2)  Les  premiers  naturalistes  qui 
la  découverte  de  celte  multiplication  ont  observé  les  larves  ciliées  des  Cor- 
des JMédusaires  au  moyen  de  bour-  gones  et  des  autres  Zoophytes  les  ont 
geons.  Il  constata  ce  fait  chez  deux  considérées  comme  étant  des  œufs 
espèces  de  Gymnophthalmes,  le  Cyiœw  doués  de  facultés  locomotrices  (e). 
octopunctata  (ou  Lizzia  octopunctata,  M.  Lacaze-Duthiers  vient  d'en  faire 
Forbes) ,  et  le  Thaumantias  multicir-  une  étude  très-attentive  (/') . 


(a)  Ce  sont  ces  larves  qui  ont  été  décrites  par  quelques  auteurs  comme  des  œufs  ciliés.  Voy.  Grant 
Observ.  sii,r  les  mouvements  spontanés  des  œufs  de  plusieurs  Zoophytes  (Ann.  des  sciences  7iat., 
1"  série,  t.  XIII,  p.  52). 

(6)  Nordmann,  Sur  les  changements  de  forme  que  l'âge  apporte  dans  la  manière  d'être  des 
Campanulaires  (Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1839,  t.  IX,  p.  704). 

(c)  Sars ,  Fauna  Norvegica. 

{d}  E.  Forbes,  A  Monograph  of  Ihe  British  naked-eyed  Medusœ,  p.  16  [Ray  Society,  1858). 

(e)  Cavohni,  Memorie  per  servira  alla  storia  dei  Polipi  marini,  1785,  p.  106. 
—  Grant,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  i"  série,  t.  XIII,  p.  52). 

(f)  Lacaze-Duthiers,  Histoire  naturelle  du  Corail,  1864. 


Ili6  REPRODUCTION. 

Ici  les  produits  de  ce  bourgeonnement  ne  se  séparent  pas  de  la 
nourrice  qui  les  produit,  et  celle-ci  constitue  la  base  organique 
commune  ou  sclérosome  qui  réunit  entre  eux  tous  les  individus 
dont  l'assemblage  forme  ces  singulières  colonies.  Chez  ces 
Coralliaires,  le  Métazoaire  n'est  donc  représenté  que  par  une 
couche  de  tissu  vivant  qui  a  la  faculté  de  bourgeonner  et  de 
produire  ainsi  des  Typozoaires. 
Caractères        Maintenant  supposons  par  la  pensée  que  ce  Métazoaire  se 

du  Métazoaire 

chez       développe  un  peu  moins,  reste  dans  l'intérieur  de  l'œuf,  et  en 

les  Animaux 

supérieurs,  hourgeounaut  ne  donne  naissance  qu'à  un  seul  Typozoaire,  puis 
cesse  d'exister  avant  que  son  produit  ait  acquis  sa  forme  défi- 
nitive, nous  aurons  une  idée  assez  juste  de  ce  qui  se  passe 
d'ordinaire  dans  les  premiers  temps  du  travail  génésique  chez 
les  Animaux  supérieurs.  En  effet,  le  corps  celluleux  ou  granu- 
leux que  nous  avons  vu  se  développer  à  la  surface  du  globe 
viteilin  de  l'Oiseau  ou  du  Mammifère,  et  que  j'ai  désigné  sous 
le  nom  de  blastoderme,  représente  une  nourrice  de  ce  genre, 
et  nous  allons  voir  maintenant  que,  par  une  sorte  de  gemma- 
tion, il  va  donner  naissance  à  un  Typozoaire,  (jui  sera  d'abord 
un  embryon  presque  informe,  mais  qui,  en  grandissant,  réaU- 
sera  peu  à  peu  le  mode  d'organisation  propre  aux  représentants 
parfaits  de  son  espèce. 

Chez  tous  ces  Animaux,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  le  nouvel 
être  en  voie  de  formation  se  montre  d'abord  sous  la  forme 
d'une  tache  blanchâtre  ou  disque,  appelé  blastoderme,  ou 
membrane  proligère,  qui  repose  sur  la  surface  du  globe  vitei- 
lin. Sa  croissance  est  rapide,  et  en  s'agrandissant,  cette  couche 
de  matière  plastique  ne  tarde  pas  à  envahir  la  totalité  de  cette  . 
surface  et  à  constituer  une  cellule  ou  sphère  creuse  dont  l'in- 
térieur est  occupé  par  la  substance  vitelline.  Or,  cette  cellule 
blastodermique  est  en  réalité  un  être  vivant  dont  l'activité  phy- 
siologique va  se  manifester  d'une  manière  remarquable,  et  elle 
me  semble  pouvoir  être  considérée  comme  l'analogue  de  ces 


EMBRYOGÉNIE.  417 

Métazoaires  dont  je  viens  de  signaler  l'existence  chez  beaucoup 
d'Animaux  inférieurs  :  seulement  sa  structure  est  beaucoup 
plus  simple  que  celle  de  la  plupart  de  ces  êtres;  elle  n'est 
pas  conformée  pour  vivre  dans  le  monde  extérieur,  et  elle  est 
destinée  à  fournir  toute  sa  carrière  dans  l'intérieur  de  l'œuf 
où  elle  a  pris  naissance. 

Bientôt  une  autre  couclie  de  matière  plastique  apparaît  au- 
dessous  de  la  première,  et  adhère  à  sa  face  interne  dans  le  point 
central  où  celle-ci  a  commencé  à  se  former,  mais  s'en  sépare 
dans  sa  partie  périphérique,  et  en  grandissant,  elle  constitue 
une  seconde  cellule  incluse  dans  la  première  et  renfermant  le 
globe  viteliin.  Les  embryologistes  la  désignent  généralement 
sous  le  nom  de  feuillel  muqueux  du  blastoderme^  et  ils  appellent 
feuillet  séreux  la  coucbe  externe  que  je  viens  de  comparer  à 
un  Métazoaire. 

Pendant  que  le  feuillet  interne  du  blastoderme  se  développe 
de  la  sorte,  la  cellule  métazoïque,  ou  feuillet  séreux,  présente 
dans  le  point  où  ce  travail  embryogénique  a  commencé,  c'est- 
à-dire  au  centre  de  l'espace  appelé  Vaire  germinative,  un 
phénomène  fort  analogue  au  bourgeonnement,  par  lequel  les 
Métazoaires  produisent  des  Typozoaires.  En  effet,  ce  feuillet 
blastodermique  s'épaissit  dans  ce  point,  et  le  cumulus  ainsi 
formé  s'avance,  non  pas  vers  l'extérieur,  comme  le  font  les 
bourgeons  dont  il  a  été  question  jusqu'ici,  mais  vers  le  centre 
du  globe  viteliin.  Or  ce  cumulus,  qui  s'enfonce  de  la  sorte  dans 
l'intérieur  de  la  cellule  formée  par  le  feuillet  blastodermique 
dont  il  naît,  constitue,  avec  le  feuillet  muqueux  du  blastoderme 
auquel  il  adhère  par  sa  face  interne  ou  ventrale,  le  premier 
vestige  du  corps  de  l'embryon  futur,  ou,  en  d'autres  mots,  du 
Typozoaire. 

Pendant  que  cette  espèce  de  bourgeon  s'avance  ainsi,  la 
partie  adjacente  de  la  cellule  métazoïque,  c'est-à-dire  du  feuillet 
séreux  du  blastoderme,  s'accroît  rapidement  de  façon  à  che- 


418  REPRODUCTION. 

vaucher  au-dessus  de  la  lace  dorsale  de  l'embryon  naissant, 
et  à  transformer  en  une  sorte  de  bourse  la  dépression  dans 
laquelle  celui-ci  s'enfonce.  Les  bords  du  repli  circulaire  ainsi 
constitués  (1),  se  resserrent  de  plus  en  plus,  jusqu'à  ce  que 
la  fossette  contenant  la  partie  principale  du  corps  du  jeune 
embryon  se  ferme  complètement,  et  représente  une  sorle  de 
kyste  membraneux  inclus  dans  le  Métazoaire,  ou  cellule  biasto- 
dermique  primitive,  et  suspendu  à  la  paroi  interne  de  celui-ci 
par  un  pédoncule,  dernier  vestige  de  l'entrée  de  la  fosse 
résultant  de  l'espèce  de  bourgeonnement  que  je  viens  de 
décrire  (2).  Enfin,  ce  pédoncule  se  rompt,  et  alors  toute  con- 
tinuité organique  cesse  entre  la  cellule  externe  qui  représente 
le  Métazoaire,  et  le  jeune  Typozoaire,  qui  porte  à  sa  face  ven- 
trale le  globe  vitellin  et  se  trouve  renfermé  dans  un  sac 
membraneux  auquel  on  a  donné  le  nom  à'amnios  {?i). 
Chez  les  Reptiles  et  les  Oiseaux,  le  rôle  de  la  cellule  méla- 

(1)  Ce  repli  se  forme  tout  autour  j'ai  formé  le  groupe  naturel  des  Ai- 
de Taire  germiiiative,  mais  il  com-  lantoïdiens,  c'est-à-dire  chez  les  Mam- 
mence  aux  deux  extrémités  de  l'em-  mifères,  les  Oiseaux  et  les  Reptiles, 
bryon,  et  il  donne  ainsi  naissance  à  Les  Batraciens  et  les  Poissons,  de  même 
deux  espèces  de  voiles  appelés  capic-  que  tous  les  InvertéJsrés,  n'ont  pas 
chon  céphalique  et  capuchon  caudal,  d'amnios.  Cette  cellule  légumentaire 
qui  s'avancent  l'un  vers  l'autre  en  est  remplie  d'un  liquide  aqueux  dans 
recouvrant  de  plus  en  plus  le  corps  lequel  l'embryon  flotte  plus  ou  moins 
du  jeune  Animal.  Voyez  à  ce  sujet  les  librement,  mais  il  adhère  toujours  aux 
figures  théoriques  données  par  M.  Baer  parois  de  cette  tunique  membraneuse 
et  reproduites  par  beaucoup  d'au-  par  un  prolongement  de  la  peau  dont 
teurs  (a).  son  corps  est  revêtu.  Il  y  a  de  la  sorte 

(2)  Quelques  auteurs  appellent  ce  continuité  de  substance  entre  ces  deux 
détroit  Vombilic  amniotique,  mais  parties,  et  la  membrane  amniotique 
cette  expression  ne  me  paraît  pas  heu-  n'est  en  réalité  qu'une  sorte  de  pro- 
reuse.  longement  de  la  couche  cutanée  de 

(3)  L'embryon  ne    se  développe,  l'embryon. 

dans  l'intérieur  d'an  sac  de  ce  genre.  C'est  chez  la  Poule  que  le  mode  de 

que  chez  les  Animaux  vertébrés  dont      formation  de  l'amnios  a  été,  pour  la 

(a)  Burdach,  Traité  de  physiologie,  t.  111,  pi.  3. 


EMBRYOGÉNIE.  /i.19 

zoïque  est  alors  terminé,  et  elle  ne  tarde  pas  à  se  désorganiser, 
puis  à  disparaître;  mais  chez  les  Mammifères,  elle  continue  à 
vivre,  et,  après  s'être  dépouillée  de  la  membrane  vitclline  qui  la 
recouvrait  ou  s'être  unie  à  cette  tunique,  elle  se  développe  pour 
constituer  l'espèce  de  poche  incubatrice  appelée  chorion^  dans 
l'intérieur  de  laquelle  le  jeune  Animal  en  voie  de  formation  se 
trouve  renfermé.  Une  sorte  de  soudure  s'établit  ensuite  entre 
des  appendices  vasculaires  de  l'embryon  et  la  face  interne  de 
cette  enveloppe  externe,  de  façon  que  le  Mélazoaire  et  le  Typo- 
zoaire,  après  s'être  séparés  un  instant,  se  réunissent  de  nou- 
veau; mais  cette  union  ne  dure  que  pendant  la  vie  intra- 
utérine,  et  lorsque  le  jeune  Mammifère  arrive  dans  le  monde 
extérieur,  il  se  débarrasse  de  la  cellule  métazoïque,  et  celle-ci 
cesse  d'exister  (i). 
Un  phénomène  analogue  a  été  observé  chez  les  Molluscoïdes  particularités 

dans  le 

de  la  famille  des  Ascidies.  Le  jeune  Animal  qui  naît  dans  l'œuf  développement 

des  Ascidies,- 

première  fois ,  bien  constatée  et  cette  laisser  passer  les  appendices  ombili- 

découverte  est  due  à  M.  Baer  (a).  eaux  (c).  Mais  cette  opinion  est  non 

Plusieurs    autres   embryologistes   du  moins  insoutenable  que  la  précédente, 

commencement  de  ce  siècle  avaient  et  depuis  les  recherches  de  MM..  Baer, 

supposé  que,  chez  les  Mammifères,  Thompson,  Coste,  Bischoff,  etc.,  etc., 

celte  poche  était  primitiA'ement  une  on  est  généralement  d'accord   pour 

vésicule  close  dans  l'intérieur  de  la-  adopter  les  vues  présentées  ci-des- 

quelle  l'embryon  s'enfoncerait,  et  cette  sus  [d). 

opinion  a  été  soutenue  par  quelques  (1)  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  lors- 
auteurs  plus  récents  (6).  M.  Velpeau  que  je  traiterai  du  développement  des 
a  cru  que  l'embryon  se  constituait  Mammifères  et  des  Oiseaux  en  parti- 
dans  l'intérieur  de  la  vésicule  amnio-  cuher.  Ici  je  ne  puis  présenter  que 
tique,  et  que  celle-ci  se  trouait  pour  des  notions  très-sommaires. 

(a)  Baer,  Entwickelungsgeschichte,  t.  II. — •  Traitéde  Phijsiol.,  de  Burdach,  t.  III,  p.  21l3  et  suiv. 
(6)  Dœllinger,  Versuch  einer  Geschichte  der  menschlichen  Zeugung  (Meckel's  Deutsches  Archiv 
furdiePhijsioL,  1816,  t.  II,  p.  388). 

—  Pœkels,  Neue  Beitrage  zur  Entwickelungsgeschichte  des  menschlichen  Embrgo  (Isis,  1825, 
p.  1342J. 

—  Serres,  Observations  sur  le  développement  de  Vamnios  chez  l'Homme   (Ann.  des  sciences 
nai.,  2°  série,  1809,  t.  XI,  p.  234). 

(c)  Velpeau,  Ovologie,  p.  25. 

(d)  Thompson,  Contributions  to  the  Hist.  of  the  Structure  of  the  Human  Ovum  {Edinburgh 
Med.  and  Surg.  Journal,  1839,  t.  LU,  p.  19). 

—  Bisclioir,  Traité  du  développement  de  l'Homme  et  des  Mammifères,  iS^S,  p.  123,  etc. 


420  REPRODUCTION. 

ressemble,  par  sa  forme,  à  ces  Cercaires  dont  j'ai  déjà  parlé  en 
traitant  des  générations  alternantes  des  Douves  (1)  ;  mais  bientôt 
ce  pelit  être  se  fixe  sur  quelque  corps  sous-marin,  perd  sa 
queue,  et  subit  dans  sa  structure  intérieure  des  changements 
considérables.  Son  corps,  de  forme  ovoïde,  se  sépare  en  deux 
portions  parfaitement  distinctes,  l'une  superficielle  et  constituant 
une  cellule  tégumentaire  comparable  à  un  sac  métazoïque, 
l'autre  intérieure,  également  utriculaire,  et  contenant  la  masse 
vitelline.  Ces  deux  cellules  vivantes  n'ont  alors  entre  elles  aucun 
lien  organique,  mais,  par  suite  du  travail  de  développement 
dont  elles  sont  le  siège,  elles  se  soudent  ensemble  à  l'extrémité 
antérieure  du  corps,  et  forment  de  nouveau  un  seul  être,  ainsi 
que  nous  venons  de  le  voir  pour  le  chorion  et  l'embryon  des 
Mammifères.  Chez  ceux-ci,  cette  union  n'est  que  temporaire,  la 
portion  métazoïque  du  jeune  Animal  n'a  qu'une  existence  très- 
courte  ,  et  c'est  la  portion  typozoïque  qui  bientôt  constitue  à 
elle  seule  la  totalité  de  l'organisme.  Chez  les  Ascidies,  au  con- 
traire, la  portion  métazoïque  ne  se  détruit  pas,  et  continue  à 
être  une  partie  constitutive  du  nouvel  individu  dont  elle  forme 
la  tunique  tégumentaire  (2). 
Déveiopperaeni      Eufin,  chcz  bcaucoup  d'autrcs  Auluiaux,  la  séparation  entre 

direct 

d'un  la  portion  métazoïque  et  la  typozoïque  du  produit  engendre  ne 
s'effeclue  jamais,  et  la  totalité  du  nouvel  être  en  voie  de  déve- 
loppement concourt  à  la  formation  de  l'organisme  parfait.  Cela 
se  voit  chez  les  Batraciens,  les  Poissons  et  la  plupart  des  Ani- 
maux invertébrés. 


(1)  Voyez  ci-dessus,  page  /ilO.  dance  temporaire  de  la  spiière  interne 

(2)  J'ai  étudié  avec  beaucoup  d'at-  par  rapport  à  l'enveloppe  externe 
tention  ces  phénomènes  chez  quelques  était  facile  à  constater  par  les  change- 
Ascidies  de  nos  côtes,  où  l'indépen-  ments  de  position  de  la  première  {a). 


[a)  Milne  Edwards,  Observations  sur  les  Ascidies  composées  des  côtes  de  la  Manche,  p.  36, 
pi.  5  (Mém.  de  V Acad.  des  sciences,  t.  XVIII). 


Typozoairc. 


ËMBRYOGÉNIK.  /j'il 

Nous  voyons  donc  qu'il  existe,  dans  le  Règne  animal,  une  nésumo. 
multitude  de  nuances  dans  le  degré  d'indépendance  des  pro- 
duits du  travail  zoogénique  dont  l'œuf  est  le  siège,  ainsi  que 
dans  le  mode  d'apparition  de  ces  produits,  qui  se  montrent 
tantôt  successivement,  tantôt  d'une  manière  simultanée,  et  qui 
peuvent  avoir  une  même  durée,  ou  bien  être  séparés  par  suite 
de  la  mort  de  l'un  d'eux  à  une  époque  où  l'autre  est  encore 
apte  à  vivre  pendant  longtemps.  Ce  sont  donc  des  difCérences 
en  plus  ou  en  moins  qui  n'impliquent  aucune  dissemblance 
fondamentale  quant  au  mode  de  transmission  de  la  vie  dans  la 
série  des  individus  appartenant  à  une  même  espèce.  11  en  est 
de  même  pour  ce  qui  concerne  le  degré  de  complication  orga- 
nique des  divers  termes  de  cette  série,  et  de  l'aptitude  des 
êtres,  qui  représentent  ces  termes,  à  vivre  d'une  manière 
plus  ou  moins  indépendante. 

Le  phénomène  des  générations  alternantes,  quelque  singulier 
qu'il  puisse  nous  paraître  au  premier  abord,  se  rattache  donc 
étroitement  aux  phénomènes  généraux  du  développement  des 
Animaux  par  voie  de  génération  ordinaire;  seulement,  dans  un 
cas,  le  second  produit  principal  du  travail  zoogénique,  celui  que 
j'ai  appelé  le  Métazoaire,  ne  se  perfectionne  que  peu,  ne  remplit 
qu'un  rôle  très-court  dans  l'intérieur  de  l'œuf,  et  ne  fournit 
qu'un  seul  Typozoaire  ;  tandis  que  dans  l'autre  cas  il  se  perfec- 
tionne beaucoup,  il  devient  apte  à  mener  pendant  longtemps 
une  vie  errante  avant  que  de  donner  naissance  à  l'individu 
typique  qui  réalise  la  forme  la  plus  complète  de  la  lignée  d'êtres 
dont  il  descend,  et  il  est  apte  à  produire  plusieurs  individus 
de  cette  dermère  catégorie,  ou  même  un  certain  nombre  de 
jeunes  Métazoaires  dont  sortira  plus  tard  la  nouvelle  génération 
de  ïypozoaires. 

Chez  les  trois  sortes  d'êtres,  le  Protoblaste,  le  Métazoaire  et 
le  Typozoaire,  qui  naissent  les  uns  des  autres  par  voie  de  géné- 
ration continue,  et  qui  forment  une  série  de  termes  en  connexion 


VllI. 


/|22  REPRODUCTION. 

avec  les  termes  précédents  et  suivants  au  moyen  de  la  généra- 
tion discontinue  seulement, la  faculté  reproductrice  se  manifeste 
avec  des  degrés  de  puissance  variables,  et  le  travail  zoogéniqne 
qui  en  dépend,  est  tantôt  monosomique,  d'autres  fois  polyso- 
mique.  Ainsi  le  Protoblaste,  ou  l'œuf  qui  constitue  le  premier 
terme  de  cette  série,  peut  se  multiplier  de  façon  à  produire 
d'autres  œufs,  comme  nous  l'avons  vu  chez  les  Mermis,  ou 
bien  ne  donner  naissance  qu'à  un  Métazoaire  unique,  ainsi  que 
cela  a  lieu  chez  la  plupart  des  Animaux  ;  et  ce  Métazoaire  peut 
à  son  tour  produire  un  nombre  plus  ou  moins  considérable 
d'autres  Métazoaires  qui  seront  la  souche  d'autant  d'individus 
typozoïques,  ou  ne  fournir  qu'un  seul  représentant  typique  de 
son  espèce.  Enfin,  ces  deux  termes  de  la  série  spécifique,  le 
Métazoaire  et  le  Typozoaire,  au  lieu  d'être  parfaitement  dis- 
tincts entre  eux  et  de  se  succéder,  de  façon  que  le  premier 
périt  lorsque  le  second  n'est  pas  encore  parvenu  à  un  dévelop- 
pement complet,  peuvent  se  confondre  plus  ou  moins  intime- 
ment entre  eux,  et  ne  constituer  qu'un  individu  zoologique 
unique. 

Je  suis  porté  à  croire  que  beaucoup  de  phénomènes  térato- 
logiques  dépendent  de  ce  que,  dans  certains  cas,  le  travail  géné- 
sique  effectué  par  le  Métazoaire,  au  lieu  d'être  monosomique, 
comme  d'ordinaire,  devient  polysémique  ;  de  sorte  qu'un  même 
blastoderme,  au  lieu  de  produire  un  embryon  unique,  comme 
cela  a  lieu  normalement  chez  tous  les  Animaux  supérieurs, 
donne  naissance  à  deux  ou  à  plusieurs  de  ces  corps,  qui,  en 
grandissant,  se  soudent  entre  eux,  et  constituent  ainsi  des 
monstres  doubles  ou  triples  dans  la  portion  de  l'organisme  où 
cette  fusion  n'a  pas  eu  lieu,  mais  simples  là  où  elle  s'est  opérée 
de  bonne  heure.  Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet,  je  renverrai 
aux  recherches  que  M.  Lereboullet  vient  de  publier  sur  la  pro- 
duction des  monstruosités  chez  les  Poissons,  et  je  ferai  remar- 
quer seulement  combien  il  est  intéressant  de  voir  que  les  êtres 


HISTOGENESE. 


lire 


anormaux  de  celte  classe,  dont  la  formation  dépend  de  causes 
que  nous  ignorons,  ont  un  mode  d'origine  analogue  à  celui  qui 
est  normal  dans  d'autres  groupes  du  Règne  animal  (1). 

§  6.  —  Lorsque  l'individu  typozoïque  commence  à  se  con- 
stituer, sa  structure  est  toujours  très-simple  ;  mais  à  mesure 
qu'il  se  développe,  son  organisme  se  complique  plus  ou  moins, 
et  cette  complication  croissante,  qui  est  une  condition  de  per- 
fectionnement, résulte  de  trois  choses  :  1°  des  transformations 
qui  s'opèrent  dans  la  substance  vivante,  et  qui  amènent  le  déve- 
loppement d'un  plus  ou  moins  grand  nombre  de  tissus  distincts 
par  leurs  caractères  anatomiques,  ainsi  que  par  leurs  propriétés 
physiologiques;  2"  de  la  manière  dont  ces  tissus  sont  mis  en 
œuvre  pour  la  constitution  des  instruments  physiologiques  ap- 
pelés organes,  et  de  la  conformation  de  ceux-ci;  â°  du  mode  de 
groupement  de  ces  organes  en  un  seul  tout,  qui  est  l'individu 
zoologique. 


Phénomènes 
liislogéniqucs. 


(1)  Il  résulte  des  observations  de 
M.  Lereboiillet,  que,  chez  les  Poissons, 
la  monstruosité  par  duplicité  est  tou- 
jours primordiale.  Le  blastoderme 
unique,  après  avoir  constitué  autour 
du  vitellus  une  sorte  de  bourse  repré- 
sentant ce  que  j'appelle  un  Métazoaire, 
produit  sur  son  bord  un  bourrelet 
embryogène,  qui  d'ordinaire  ne  donne 
naissance  qu'à  un  seul  tubercule,  ou 
bourgeon  typozoïque,  destiné  à  deve- 
nir l'embryon  du  jeune  Poisson;  mais 
dans  les  cas  tératologiques  dont  il  est 
ici  question ,  deux  ou  quelquefois 
même  trois  de  ces  bourgeons  y  sur- 
gissent, et,  par  suite  de  leur  dévelop- 
pement, ces  tubercules  embryogènes 
venant  à  se  rencontrer  par  leur  base, 
s'y  confondent  entre  eux,  tandis  que 


leur  sommet  reste  libre  dans  une 
étendue  plus  ou  moins  considérable. 
Là  où  les  bourgeons  ainsi  groupés 
conservent  leur  individualité  ,  ils 
produisent  les  parties  correspondantes 
d'autant  d'embryons  distincts  ;  mais  là 
où  ils  sont  unis,  ils  ne  donnent  chacun 
naissance  qu'à  une  portion  de  la  ré- 
gion correspondante  de  l'organisme, 
et  ces  portions  d'origine  différente 
coalescent  de  façon  à  donner,  en  der- 
nier résultat,  un  corps  unique  en  con- 
tinuité physiologique  avec  deux  ou 
trois  têtes  distinctes.  Les  différences 
qui  se  présentent  chez  les  divers 
monstres  par  excès  paraissent  dé- 
pendre principalement  de  l'étendue 
de  la  soudure  primitive  des  bourgeons 
embryogènes  (à). 


[a)  LereBoullet,  Recherches  sur  les  monslruosllés  du  Brochet  observées  dans  l'œuf,  et  sur  leur 
mode  de  production  {Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  1861,  t.  XVI,  p.  359;  1803,  t.  XX, 
p.  129,  pi.  2  et  3). 


/r2/|  REPRODUCTION. 

L'étude  comparative  des  tissus ,  qui  sont  pour  ainsi  dire  les 
matériaux  primaires  de  l'organisme,  n'a  que  peu  occupé  l'at- 
tention des  naturalistes  avant  le  commencement  du  siècle  actuel. 
A  cette  époque,  un  des  hommes  dont  l'école  française  se  glo- 
rifie à  juste  titre, Bichat,  l'envisagea  d'une  manière  large  et  philo- 
sophique, mais  les  moyens  d'observation  dont  il  disposait  étaient 
trop  imparfaits  pour  lui  permettre  de  l'approfondir  beaucoup, 
et  jusqu'en  ces  derniers  temps  cette  branche  des  sciences  na- 
turelles, appelée  tantôt  anatomie  générale^  d'autres  fois  histo- 
logie^ était  restée  presque  stationnaire  (I).   Les  perfection- 

(1)  Les  anatomistes  de  l'antiquité,  time  de  ces  matériaux  constitutifs  de 

Aristote   et    Galien,   par    exemple,  l'économie  animale  (cf).  Ils  furent  sui- 

avaient  reconnu  que,  parmi  les  maté-  vis  dans  cette  voie  par  quelques  autres 

riaux  dont   les    diverses   parties   du  anatomistes,  tels   que    Muys  et  Fon- 

corps   humain  sont  composées ,    les  tana  (e).   Haller,  par  ses    recherches 

uns  sont  semblables  entre  eux,  tandis  expérimentales,    contribua     aussi  à 

que  d'autres  diffèrent  ;  mais  ils  n'a-  mettre  en  évidence  la  similitude  des 

valent  à  ce  sujet  que  des  idées  très-  propriétés  physiologiques  de  certaines 

vagues.  Au  xv!"^  siècle,  Fallope  insista  parties  et  les  différences  qui  les  distin- 

davantage  sur  ces  analogies,  et  il  cher-  guent  de  quelques  autres  tissus  (/"), 

cha  même  à  établir  un  système  de  Mais  l'étude  comparative  de  ces  divers 

classification  pour  les  divers  tissus  qui  matériaux  constitutifs  de  l'organisme 

concourent  à  la  formation  de  l'orga-  et  de  leur  classification  naturelle  ne 

nisme  [a).  Vers  le  milieu  du  siècle  prit  corps  qu'entre  les  mains  de  Bichat, 

suivant,   Malpighi  [h)    et   Leeuwen-  dont  les  recherches  sur  l'anatomie  gé- 

hoeek  (c),  en  s' aidant  du  microscope,  nérale  font  époque  en  histologie  {g). 

abordèrent  l'étude  de  la  structure  in-  En   1823,  Béclard  publia  un    autre 

(ft)  Fallope,  Lecliones  departibus  similaribus  humani  corporis  liber  singularis,  1575. 

(6)  Voyez  lome  1,  page  41. 

{c)  Voyez  tome  1,  pnge  42.  ^    _    ^ 

(d)  Les  observaiions  niicroscopiques  de  Leeiuvenhoeck  sur  divers  tissus  sont  disséminées  dans  uti 
praiid  nombre  d'articles  insérés  tant  dans  les  Transactions  philosophiques  de  la  Société  royale  de 
Londres  que  dans  les  recueils  inlilulds:  Arcana  naturœ  délecta. 

—  Les  recherches  hislologiques  de  Malpighi  sont  consignées  dans  son  traité  sur  la  structure  des 
viscères  {Opéra  omnia,  t.  H),  et  dans  son  tra\ail  sur  les  glandes  (Opéra  posthuma}. 

le)  Muys,  Invesiiijatio  fabricœ  qiiœ  in  partibus  musciilos  componenlibiis  exstat,  in-4°.  Lugduni 

Batavoruni,  1741 . 

Montana,  Observations  sur  la  structure  primitive  du  corps  animal  [Traité  du  venin  de  la 

Vipère,  1781,' I.  Il,  p.  187). 

if]  Haller,  Mémoires  sur  la  nature  sensible  et  irritable  des  parties  du  corps  animal,  4  vol, 

in-12,  1756. 

Iflj  K\cha{,  Dissertation  sur  les  membranes  et  si»'  leurs  rapports  (jénéraux  d' organisation 
IMém.  de  la  Société  inédicale  d'émulation,  t.  II).  —  Traité  des  membranes,  1800.  —  Traité 
d' anatomie  générale,  4  vol.  in-8,  1802. 


HISTOGENÈSE.  /l25 

iiements  apportés  au  microscope,  il  y  a  une  trentaine  d'années, 
rendirent  les  recherches  de  ce  genre  plus  fructueuses,  et  vers 
1838  deux  savants  allemands,  M.  Schleiden  et  M.  Schwann,  y 
imprimèrent  une  forte  impulsion.  Elle  a  été  l'objet  d'une  mul- 
titude d'observations  et  d'un  nombre  presque  aussi  grand  de 
publications;  mais  ses  progrès  n'ont  pas  été  aussi  considérables 
qu'on  pourrait  le  croire  au  premier  abord,  car  l'interprétation 
des  faits  a  été  trop  souvent  subordonnée  à  des  vues  théoriques, 
et  des  généralisations  prématurées  ont  mis  en  circulation  plus 
d'une  hypothèse  dénuée  de  base  solide  et  même  beaucoup  d'idées 
fausses.  La  plupart  des  questions  les  plus  importantes  touchant 
la  genèse  des  différents  tissus  sont  encore  entourées  d'une 
obscurité  profonde,  et,  dans  l'état  actuel  de  la  science,  on  ne 
peut  s'en  occuper  utilement  qu'à  la  condition  de  discuter  à  fond 
tous  les  éléments  de  conviction  pour  chaque  cas  particuher  (1). 
Je  ne  m^y  arrêterai  donc  que  peu  ici,  me  réservant  de  revenir 

traité  d'anatomie  générale,  et  précé-  pas  heureux  (6):  aussi  ne  fais-je  men- 
demment  Meckel  avait  également  écrit  tion  ici  de  ce  travail  que  pour  ex- 
sur  le  même  sujet  ;  mais  ni  l'un  ni  pliquer  pourquoi  je  ne  l'emploierai 
l'autre  de  ces  auteurs  n'ajoutèrent  pas  dans  le  cours  de  ces  Leçons.  Les 
beaucoup  à  nos  connaissances  (a).  mêmes  remarques  s'appliquent  aux 
Vers  1823,  lorsque  l'on  commençai  autres  publications  de  cette  époque  (c), 
employer  de  nouveau  le  microscope,  (1)  Malgré  ces  réserves,  je  n'en 
je  cherchai  à  me  rendre  compte  de  la  reconnais  pas  moins  que  les  travaux 
conformation  des  éléments  anatomi-  de  Schwann  [d]  et  des  micrographes 
ques  des  difTérents  tissus  ;  mais  les  de  son  école  font  époque  dans  l'his- 
instruments  dont  je  disposais  étaient  toire  de  l'histologie,  et  ont  cbangé 
si  imparfaits,  que  je  ne  pouvais  me  complètement  la  face  de  cette  branche 
préserver  de  beaucoup  d'illusions  des  sciences  naturelles.  C'est  principa- 
d'optique,   et   mes   essais   ne  furent  lement  en  Allemagne  que  l'on  s'en  est 

(a)  J.  Meckel,  Handbuch  Jer  mensehlkheii  Anatomie,  1816,  t.  L— Manuel  d'anatûmle,  traduit 
par  Jourdan  et  Breschet,  1825,  I.  I,  p.  1  à  563. 

—  P.  Béclard,  Éléments  d'analomie  générale,  1823. 

(6)  Milne  Edwards,  Mém.  sur  la  structure  élémentaire  des  principaux  tissus  organiques  des 
Animaux  (Archives  générales  de  médecine,  1823,  t.  lit,  p.  165). 

(c)  Treviranus,  Ueber  die  organischen  Elementa  des  thierischen  liôrpers  {Yermischie  Schriften, 
,  1816,  t.  I,  p.  117). 

—  Heiissinger,  Histologie.  Eisenacli,  1824. 

((/)  Schwann,  Mikroscopischen  Untersuchungen  ûber  die  Uebereinstimmung  in  der  Strucktur 
und  dem  Wachsthum  der  Thiere  und  Pflanzen.  Berlin,  1838,  1839. —  Rech.surla  conformilé 
déstructure  et  d'accroissement  des  Animauxet  des  Plantes.  {Ann.  se.  nat.,  18  12,  t.  .Wll,  p.  5). 


/l26  REPRODUCTION. 

sur  plusieurs  de  ces  points  à  mesure  que  nous  aurons  besoin 
de  les  élucider. 

Suivant  M.  Schwann,  dont  les  idées  sont  assez  généralement 
Théorie  adoptées  en  Allemagne,  les  éléments  primordiaux  de  l'organisme 
"  de""^  seraient  pour  les  Animaux,  aussi  bien  que  pour  les  Plantes, 
des  cellules  ou  utricules,  et  ces  cellules  se  formeraient  toujours 
de  la  manière  suivante.  Au  sein  d'une  substance  organisable, 
mais  homogène  et  sans  structure,  que  l'on  a  appelé  cyto- 
blastème^  une  certaine  quantité  de  matière  vivante  se  concen- 
trerait de  façon  à  constituer  un  nucléole  autour  duquel  un  nou- 
veau dépôt  de  matières  organiques  aurait  lieu  et  donnerait 
naissance  à  un  corpuscule  enveloppant,  nommé  noyau.  Celui-ci 
serait  ensuite  entouré  d'une  nouvelle  couche  de  matière  orga- 
nique distincte  du  cytoblastème  circonvoisin  ;  des  liquides  et 
d'autres  matières  introduites  sous  cette  enveloppe  extérieure 
s'interposeraient  entre  elle  et  la  majeure  partie  de  la  surface  du 
noyau,  de  façon  à  les  éloigner  entre  elles  partout,  excepté  sur 
un  point  où  leur  adhérence  ne  serait  pas  détruite.  La  partie 
superficielle  de  ce  système  de  couches  concentriques  se  solidi- 
fierait alors  de  façon  à  constituer  une  membrane  utriculaire 
ou  cellule  qui  renfermerait  le  noyau  fixé  à  sa  surface  interne, 

occupé,  et,  parmi  les  auteurs  qui  ont  dans  le  grand  ouvrage  de  M.  Mandl, 

publié   sur  ce  sujet  les  travaux   les  et  nous  conduit  jusqu'en    18Zi7  (6); 

plus  importants,  je  dois  citer  en  pre-  pour  l'indication  des  recherches  plus 

mière  ligne  MM.  Valentin,  Henle  et  récentes,  je  renverrai  au  traité  d'his- 

KôUiker  (a).  tologie  de  M.  KoUiker,  dont  nous  pos- 

Un  tableau  historique  de  ces  re-  sédons  en  France  une  bonne  traduc- 

cherches  et  des  opinions  très-diverses  tion,  et  aux  citations  que  Ton  trou- 

qui   ont  été  soutenues,  tant  sur  la  yera  dans  les  pages  suivantes  de  ce 

structure  que  sur  la  genèse  des  parties  Hyre. 
élémentaires    des   tissus,    se  trouve 

(a)  Valentin ,  Entwickelungsgesclncht  gmébe  des  meiischlichen  und  thierischen   Kôrpers 
(  Wagner's  Handwôrterbuch  der  Physiol.,  1842,  t.  I,  p.  617). 

—  Henle,  Allgemeine  Anatomie,  1841  ;  Traité  d'anatomie  générale,  Irad.  par  Jourdan,  1843, 
2  vol. 

—  Kôlliker,  Microscopisclie  Anatomie,  1850-1854  ;  —  Eléments  d'histologie  humaine,  1855. 
(6)  Mandl,  Anatomie  microscopiq^(,e,  2  vol.  in-fol.,  1838-1847. 


HISTOGENÈSE.  427 

et  les  liquides  ou  autres  matières  déjà  mentionnées,  ainsi  que 
des  produits  nouveaux  qui  pourraient  résulter  du  travail  phy- 
siologique dont  elle  serait  le  siège.  Les  utricules  produites  de  la 
sorte  seraient  les  seuls  matériaux  constitutifs  de  l'organisme, 
mais  ne  se  comporteraient  pas  toujours  de  la  même  manière  : 
tantôt  elles  resteraient  libres  et  mobiles,  comme  le  sont  les  glo- 
bules du  sang  ;  d'autres  fois  elles  se  souderaient  entre  elles  sans 
perdre  leur  individualité  ni  leur  forme  vésiculaire,  et  donne- 
raient ainsi  naissance  à  un  tissu  aréolaire  semblable  au  tissu 
cellulaire  des  plantes  ;  d'autres  fois  encore,  l'union  entre  les 
cellules  serait  portée  plus  loin,  et,  tout  en  conservant  leurs 
cavités  respectives,  elles  seraient  confondues  dans  leurs  parties 
pariétales,  ainsi  que  cela  se  voit  dans  le  tissu  cartilagineux; 
ailleurs  les  cellules,  en  s'allongeant  suivant  un  ou  plusieurs 
sens,  se  transformeraient  en  fibres  de  la  nature  de  celles  que 
nous  offrent  le  tissu  connectif,  les  tendons,  etc.;  enfin,  dans 
d'autres  cas,  les  cellules  primordiales,  après  s'être  soudées 
entre  elles  par  séries,  perdraient  leurs  parois  dans  les  points 
de  jonction,  de  façon  à  former  des  cylindres  à  cavité  contenue, 
dans  l'intérieur  desquels  des  produits  particuliers,  tels  que  la 
substance  musculaire  ou  la  matière  nerveuse,  se  développe- 
raient et  donneraient  naissance  aux  fibres  correspondantes. 

Dans  divers  cas,  quelques-uns  des  tissus  organiques  dont  il 
vient  d'être  question  peuvent  se  développer  de  la  sorte;  mais 
ces  phénomènes  histogéniques  sont  loin  d'avoir  la  généralité 
qui  leur  a  été  attribuée,  et  il  me  semble  bien  démontré  que 
souvent  le  mode  de  formation  des  éléments  anatomiques  de 
l'économie  animale  est  très-différent.  En  se  plaçant  à  un  certain 
point  de  vue,  on  peut  dire  avec  vérité  que  tout,  dans  l'organisme 
vivant,  est  cellule  ou  provenant  de  cellules,  puisque  l'œuf  est 
une  cellule,  et  que  la  substance  du  germe,  à  une  certaine 
période  de  son  existence,  paraît  être  composée  uniquement 
d'ulric'.des  de  cet  ordre;  mais  il  est  beaucoup  de  tissus  qui  ne 


Dlasième. 


/|28  REPRODUCTION. 

naissent  pas  directement  de  cellules,  et  beaucoup  de  cellules 
qui  ne  se  constituent  pas  autour  d'un  noyau;  enlin,  c'est  par 
un  singulier  abus  de  mots  qu'on  appelle  cytoblastes,  ou  noyaux 
de  cellules,  beaucoup  de  corpuscules  qui  n'ont  point  et  qui 
n'auront  jamais  d'enveloppe  utriculaire  (1). 

La  substance  organique  primordiale  que  l'on  désigne  sou- 
vent sous  le  nom  de  blaslème  (2),  est  une  matière  albuminoïde, 
semi-fluide  et  hyaline,  ou  faiblement  granuleuse,  qui  n'offre  au 
microscope  aucune  trace  de  lamelles,  de  fibres  ou  d'autres 
formes  histologiques  déterminées,  mais  qui  est  douée  d'une 
certaine  activité  physiologique,  et  qui,  en  se  développant,  est 


(1)  Pour  qu'un  corpuscule,  ou  sphé- 
rule,  de  matière  organique  soit  sus- 
ceptible de  recevoir  k'gitimemenl  le 
nom  de  cellule,  il  faut  qu'il  soit  creusé 
d'une  cavité  occupée ,  ou  par  un 
fluide ,  ou  par  une  substance  dis- 
tincte de  celle  dont  ses  parois  sont 
formées  ;  or,  dans  beaucoup  de  cas, 
les  corpuscules  appelés  cellules  par  les 
histologistes  n'offrent  rien  de  sembla- 
ble et  paraissent  être  de  petites  masses 
homogènes  ;  on  ne  peut  apercevoir  ni 
cavité  dans  leur  intérieur,  ni  tunique 
à  leur  surface.  Pour  généraliser  les 
conclusions  relatives  à  l'origine  cellu- 
laire de  tous  les  tissus  organiques,  on 
a  donc  été  obligé  d'appliquer  le  nom 
de  cellule,  non-seulement  à  des  utri- 
cules ,  mais  à  des  globules  qui  n'ont 
rien  de  cellulaire  dans  leur  structure. 
Ainsi,  l'auteur  d'un  des  meilleurs 
ouvrages  d'histologie  que  nous  ayons, 
M.  Leydig,  déclare  que  rien  ne  lui  pa- 
raît plus  difficile  que   de  définir  la 


cellule,  car  les  corpuscules  en  ques- 
tion ne  sont  pas  toujours  des  ulricules, 
et  pour  les  caractériser,  il  se  borne  à 
signaler  leur  petitesse  extrême  et  la 
puissance  physiologique  dont  ils  sont 
doués,  puissance  en  vertu  de  laquelle 
ils  s'approprient  les  matières  qui  leur 
sont  nécessaires  et  sont  autant  de  cen- 
tres d'action  (a).  M.  E.  Briicke  insiste 
davantage  sur  le  peu  de  justesse  de 
cette  dénomination,  et  pense  qu'au- 
jourd'hui le  mot  cellule  devrait  être 
abandonné  en  histologie,  ou  ne  rece- 
voir qu'une  application  restreinte  (6). 
(2)  De  pXâGTr,u.a,  germe.  Beaucoup 
d'auteurs  appelent  cette  substance  pri- 
mitive cytoblastème,  parce  qu'elle 
est  le  germe  des  cellules.  M.  Mandl  a 
proposé  de  l'appeler  plutôt  blastèine, 
parce  que,  suivant  ce  micrographe, 
les  éléments  qui  s'y  développent  ne 
méritent  pas  en  général  cette  dénomi- 
nation (c),  opinion  que  je  partage 
pleinement. 


(a)  I.eydig,  Lehrbuch  der  Histologie,  1857,  p.  9. 

((/)  E.  Biiicke,  Die  Elementarorganismen  [SiUimgsbevicht  der  Wiener  Akad.,i.8^i,  l.  XLW, 
r.  381). 

'^'1  Miiiiill,  Miunrl  d'analomic  générale,  18i3,  p.  549. 


HISTOGENÈSE.  /|29 

susceptible  de  constituer  des  tissus  très-variés.  Je  me  garde 
bien  de  dire  qu'elle  soit  réellement  amorphe,  mais  les  moyens 
d'observatitin  dont  nous  disposons  ne  nous  permettent  pas  d'y 
reconnaître  urt  mode  d'organisation  quelconque,  et  la  vie  ne  s'y 
manifeste  que  par  les  Iransformations  qu'elle  subit. 

§  7.  —  Une  des  formes  secondaires  que  revêt  cette  sub-     ^'"''°''®- 
stance  primordiale  est  caractérisée  par  le  développement  de 
certaines  propriétés  vitales  plutôt  que  par  des  particularités  de 
structure  appréciables.  Elle  constitue  alors  une  matière  d'aspect 
gélatineux,  qui  reste  hyaline  et  homogène  en  apparence,  mais 
qui  devient  susceptible  d'exécuter  des  mou vements  spontanés  ;  on 
la  voit  se  contracter  dans  tous  les  sens  et  s'étendre  lentement, 
tantôt  en  longues  expansions  lobiformes,  tantôt  en  appendices 
filiformes,  soit  simples,  soit  rameux,  qui  se  soudent  et  se 
confondent  entre  eux  dans  leurs  points  de  contact  ;  souvent 
elle  se  creuse  intérieurement  de  vacuoles  dont  l'existence  est 
temporaire,  et  ni  ces  cavités  adventives  ni  sa  surface  exté- 
rieure ne  sont  limitées  par  des  membranes  ou  lames  distinctes 
de  la  matière  sous-jacente.   Un  des  micrographes   les  plus 
habiles  de  notre  époque,  Félix  Dujardin,  fut  le  premier  à  faire 
de  cette  substance  vivante,  mais  en  apparence  amorphe,  une 
étude  approfondie,  et  il  la  désigna  sous  le  nom  de  sarcode  (1). 
Chez  quelques  Animaux  inférieurs,  tels  que  les  Amibes  et  les 
Rhizopodes,  une  grande  partie  du  corps,  ou  même  le  corps 

(1)  Dujardin  s'est  laissé  entraîner  à  priétés  de  cette  matière  vivante  cliez 

de  grandes  exagérations  relatives  au  les  Rliizopodes  et  les  Amibes  (a)  me 

rôle  du  sarcode  dans  la  constitution  paraissent   très-bonnes,   et  méritent 

des  Infusoires  et  de  beaucoup  d'autres  plus    d'attention   qu'on    ne    leur  en 

Animaux  inférieurs;  mais  ses  obser-  accorde  aujourd'hui, 
vations  sur  les  caractères  et  les  pro- 

(a)  Dujardin,  Mémoire  sur  la  substance  charnue,  glutineuse  des  Animaux  inférieurs,  pour 
laquelle  a  été  proposé  le  nom  de  sarcode  (Ann.  françaises  et  étrangères  d'anatomie,  t.  III, 
p.  05).  —  Recherches  sur  les  organismes  inférieurs  {Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1835, 
t.  IV,  p.  343J.  —  Observations  sur  les  Éponges,  et  en  particulier  sur  la  Spongille  {Ann.  des 
sciences  nat.,  2*  svric,  1838,  t.  X,  p.  5), 


koO  REPRODUCTION. 

tout  entier  est  composé  de  cette  matière  contractile  et  hyaline. 
On  la  retrouve  aussi  chez  les  Hydres  (1).  Enfin,  elle  paraît 
se  rencontrer  dans  quelques  parties  de  l'organisme  des  Ani- 
maux, même  les  plus  élevés  (2).  Ainsi,  nous  avons  déjà  vu 
que  les  corpuscules  plasmiques  du  sang  semblent  être  for- 
més de  sarcode  ou  de  quelque  chose  qui  s'en  rapproche 
beaucoup  (3). 

§  8.  —  D'autres  fois  le  blastème,  ou  substance  organique 
primordiale,  ne  devient  pas  contractile  comme  le  sarcode,  mais 
se  condense  inégalement  par  points,  de  façon  à  prendre  une 
apparence  plus  granuleuse,  et  à  constituer  un  tissu  amorphe 
que  j'appellerai  blastoïde,  afin  de  rappeler  sa  ressemblance  avec 
la  matière  histogénique  dont  elle  provient. 

Dans  certains  cas,  cette  substance  blastoïde  se  condense  en 
une  lame  mince  et  continue  qui  devient  distincte  des  parties 
adjacentes,  et  qui  constitue  ces  membranes  anhistes  que  nous 
avons  déjà  vues  tapisser  la  surface  interne  des  vaisseaux  san- 
guins (II),  et  s'étendre  sous  le  tissu  utriculaire  des  membranes 
muqueuses,  où  elle  forme  ce  que  M.  Bowman  a  appelé  la  mem- 
brane basilaire,  ou  membrane  fondamentale  (5). 
Tissus  §  9.  ■ —  D'ordinaire,  cependant,  le  développement  des  tissus 

■Jtriculaires.         .  •ii-'- 

Vivants  ne  se  lait  pas  de  la  sorte ,  et  le  travail  histogénique 
semble  se  localiser  sur  une  multitude  de  points  plus  ou  moins 
éloignés  entre  eux,  qui  deviennent  autant  de  centres  d'activité 


(1)  Voyez  à  ce  sujet  les  observa-  compose  la  couche  tégumentaire  de 
lions  de  M.  Ecker  sur  l'Hydre  d'eau  l'embryon  chez  les  Ascidies  compo- 
douce  (a).  sées  (6). 

(2)  J'ai  souvent  constaté  des  mou-  (3)  Voyez  tome  I,  p.  72  et  102. 
vements  analogues  à  ceux  du  sarcode  (û)  Voyez  tome  III,  page  568. 
dans  la  substance  amorphe  dont  se  (5)  Voyez  tome  VI,  page  9. 


(a)  A.  Ecker,  Zur  Lelire  vom  Bau  und  Leben  der  contraclilen  Suistanz  der  niedersten  Thiere 
Basles,  1848. 

(t)  Milne  Edwards,  Observations  sur  les  Ascidies  composées  des  côtes  de  la  Manche,  184d, 
p.  37,  pi.  4  et  5  (extrait  des  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  t.  XVIH). 


HISTOGENÈSK.  ^31 

vitale,  et  qui  donnent  naissance  à  ces  corpuscules  que  j'ai  appelés 
organites  élémentaires,  parce  qu'ils  sont  les  matériaux  organi- 
sés simples  de  la  machine  animée,  et  qu'ils  ont  chacun  leur 
individualité  anatomique  et  physiologique. 

En  général,  ces  organites  élémentaires  se  montrent  d'abord 
sous  la  forme  de  globules  ou  de  granules  composés  en  majeure 
partie  de  matière  albuminoïde  (1);  ils  constituent  alors  ce  que 
la  plupart  des  histologistes  du  moment  actuel  appellent  des 
noyaux,  de  cellules  ou  des  cyloblastes,  c'est-à-dire  des  germes 
de  cellules. 

Souvent  ils  méritent  pleinement  ce  nom,  caria  matière  blas- 
toïde  adjacente,  en  se  développant  ou  se  condensant  à  leur 
surface,  les  entoure  d'une  sphère  membraniforme,  et  constitue 
ainsi  une  utricule  ou  cellule  proprement  dite,  dont  la  cavité, 
en  grandissant,  se  remplit  de  matières  particulières,  suivant  la 
nature  de  l'organite.  Le  corpuscule  primordial  au  noyau  reste 
pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  adhérent  à  la  face  interne 
de  cette  capsule  ou  vésicule;  il  semble  aussi  jouer  un  rôle  im- 
portant dans  les  phénomènes  chimiques  et  histogéniques  dont 
cette  utricule  est  le  siège;  mais  quelquefois  il  disparaît  com- 


(1)   Plusieurs  hypothèses   ont  été  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  (6). 

émises  relativement  au  mode  de  for-  D'autres  ont  pensé  que  la  forme  glo- 

matlon  de  ces  corpuscules  primordiaux  bulaire  des  matières  organisées  '  élé- 

que  l'on  désigne  souvent  sous  le  nom  mentaires  était  une  conséquence  de  la 

de  granulations  élémentaires.  Quel-  solidification  des  substances  albumi- 

ques    histologistes    les    considèrent  noïdes ,  qui  serait    comparable    aux 

comme  des  vésicules  produites   par  phénomènes  de  la  cristallisation  des 

une  gouttelette  de  graisse  enveloppée  matières  inorganiques  et  indépendante 

dans  une  membrane  (o),  opinion  dont  de  toute  action  vitale  (c). 

{a)  Acherson,  UeberdiephysiologischenNutun  der  FeUstoffe  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.,  und 
Physiol,  1840,  p.  44). 

—  Henle,  Traité  d'anatomie  générale,  1843, 1. 1,  p,  162. 
(6)  Voyez  tome  I,  page  351. 

(c)  Milne  Edwards,  Recherches  microscopiques  sur  la  structure  intime  des  tissus  organiques  des 
Animaux  {Ann.  des  sciences  nat.,  1826,  t.  IX,  p.  392). 

—  Hartig,  É tildes  microscopiques  sur  les  précipités  et  leurs  métamorphoses  {Bulletin  des 
sciences  7iat.  en  Néerlandc,  1840,  p.  287). 


432  REPRODUCTION. 

plétemenl  après  un  certain  temps.  Enfin,  il  est  aussi  à  noter 
que  sa  substance,  au  lieu  d'être  homogène  en  apparence,  est 
souvent  diversifiée  de  façon  à  constituer  un  ou  même  plusieurs 
granules  intérieurs  nommés  nucléoles. 

Ces  organites,  à  l'état  de  globules  élémentaires  ou  de  cel- 
lules, peuvent  rester  libres  et  flotter  au  milieu  d'un  liquide 
interorganique,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en  étudiant  les  diffé- 
rentes sortes  de  corpuscules  dont  le  sang  est  chargé  (1).  Ce 
sont  aussi  des  organites  analogues  qui,  isolés  dans  les  inter- 
stices du  tissu  connectif,  y  constituent  les  vésicules  adipeuses 
dont  il  a  été  question  dans  une  des  précédentes  leçons  (2),  et 
lorsque  nous  nous  occuperons  spécialement  du  système  tégu- 
mentaire,  nous  en  verrons  d'autres  qui  sont  spécialement  char- 
gés de  sécréter  certaines  matières  pigmentaires.  Enfin  ce  sont 
également  des  cellules  libres  qui  constituent  les  ovules  nais- 
sants, ainsi  que  les  vésicules  spermatogènes,  dont  nous  avons 
déjà  passé  en  revue  les  fonctions  (3).  Mais  dans  une  foule 
d'autres  circonstances,  les  organites  utriculaires ,  soit  seuls, 
soit  associés  à  d'autres  produits  du  développement  de  la 
matière  blastoïde,  sont  réunis  entre  eux  de  façon  à  former 
des  agrégats  massifs  ou  des  expansions  lamelleuses,  et  à  donner 
naissance  à  divers  matériaux  secondaires  ou  complexes  de 
l'économie  animale.  C'est  dans  cette  catégorie  de  tissus  que 
rentrent  l'épiderme  qui  constitue  la  partie  superficielle  de  la 
peau  (4),  et  la  couche  épithéliale  qui  occupe  la  surface  des 
membranes  muqueuses  et  tapisse  toutes  les  cavités  glandulaires 

(1)  Voyez  lome  I,  page  Zil  cl  siii-  {'S)  La  structure  utriciilaire  de  l'é- 
vanles.  piderme  se  distingue  de  la  manière  la 

(2)  Voyez  tome  Vil,  page  203  et  plus  nette  chez  VAmphioxus  (a).  Je 
suivantes.  reviendrai  sur    ce    sujet,  lorsque  je 

(3)  Voyez  ci-dessus,  page  350.  traiterai  du  système  tégumentaire. 

(a)  Voyez  Qualrtfag'cs,  Mém.  sur  l'Ampioxus  [Ann.  des  sciences  nat.,  3'  série,  t.  IV,  pi.  H 
el  19) 


HISTOGENÈSt:.  /|33 

dont  l'étude  nous  îi  occupés  précédemment  (1).  Nous  aurons 
bientôt  l'occasion  de  voir  que  des  utricules  analogues,  sou- 
dées entre  elles,  jouent  un  rôle  important  dans  la  constitution 
de  la  charpente  solide  de  divers  Animaux,  et  constituent,  par 
exemple,  la  substance  subcarliiagineuse  que  j'appellerai 
Protochondre  (2). 

D'autres  fois,  des  organites  utriculaires  simples  se  trouvent      Tissus 
disséminés  et  comme  empâtés  dans  une  masse  de  substance 
blastoïde  amorphe,  disposition  dont  le  tissu  cartilagineux  nous 
offrira  bientôt  un  exemple  remarquable  (3). 

Des  organites  analogues,  mais  qui  n'ont  pas  d'une  manière 
aussi  nette  le  caractère  vésiculaire,  et  qui  présentent  un  grand 
nombre  de  prolongements  rameux,  sont  disposés  à  peu  près  de 
la  même  manière  au  sein  de  la  substance  osseuse.  En  ce  mo- 
ment il  serait  prématuré  de  nous  occuper  de  la  structure  in- 
terne du  tissu  solide  qui  est  constitué  de  la  sorte,  et  dans 


(1)  Voyez  tome  7,  page  199.  (3)  Lorsque  nous  étudierons  le  sque- 

('2)  Par  exemple,  dans  la  corde  dor-  letle,  je  reviendrai  sur  les  caractères 

sale  de  Tembryon  d'un  Poisson  («),  histologiques  des  cartilages,  et  ici  je 

d'un  Batracien  (6)  et  tout  antre  Ver-  me  bornerai  à  indiquer  quelques  figu- 

tébré  (c),  et  dans  la  colonne  rachi-  res  qui  sont  propres  à  en  donner  une 

dienne  de  VÂmphioxus  [d).  idée  exacte  (e). 


(o)  Voyez  Vogt,  Embryologie  des  Salmones,  p.  tôO,  pi.  6,  llg.  138. 
(b)  Voyez  Schwann,  Mikroscopische  Untersuchungen,  4  839. 

—  Prévost  et  Ltbert,  Mcin.  sur  la  formation  des  organes  de  la  circulation,  etc.,  dans  lei 
Batraciens  {Ann.  des  sciences  nat.,  3"  série,  1844, 1. 1,  pi.  10,  fi^.  17  et  18). 

(«)  Voyez  Kôlliker,  Mikroscopische  Analomie,  p.  346. 

{d)  Voyez  Quatrefages,  Mémoire  sur  V Amphioxus  {Ann.  des  sciences  natJirelles,  3°  scrio,  1845, 
t.  IV,  pi.  12,  Rg.  1,4,  5). 

(e)  Meckauer,  De  penitiori  cartilaginum  structura  sgmbolœ.  Breslaw,  1836,  pi.  1,  fig.  1,  2. 

—  Schwann,  Op.  cil. 

—  Gerber,  Handbuch  dcr  allgemeinen  Analomie,  1840. 

—  Henle,  Traité  d'anatomie  générale,  t.  II,  p.  361,  pi.  5,  fig.  6. 
■ —  Mandl,  Anatomie  microscopique,  1. 1,  pi.  14,  fig.  H  et  12. 

—  Valenciennes,  Recherches  sur  la  structure  du  tissu  élémentaire  des  cartilages  des  Polssotis 
et  des  Mollusques  {Archives  du  Muséum,  t.  V,  pi.  21-25). 

—  Loidy,  On  the  intimate  Structure  and  History  of  Articular  Cartilage  {American  Journal  of 
Médical  Science.  1849,  fig.  1  et  2). 

—  Quckett,  Descriptive  and  illustrated  Catalogue  of  the  Hislological  Séries  contained  in  the 
Muséum  of  the  Ro\j.  Collège  of  Surgeons  prepared  fur  the. Microscope,  1855,  t.  II,  pi.  i ,  2,  etc. 

—  Kdlliker,  Éléments  d'histologie,  p.  69,  Cig.  22  et  23. 


/|3/|.  REPRODUCTION. 

une  procliaine  Leçon  nous  nous  y  arrêterons,  lorsque  nous 
examinerons  la  constitution  du  squclct(e. 

§  10. — D'autres  organites  formés  également  par  un  glo- 
bule primordial,  ou  noyau  entouré  de  matière  blastoïde  amor- 
phe, organites  que  la  plupart  des  histologistes  appellent  aussi 
des  cellules,  ne  me  paraissent  pas  être  limités  par  une  tunique 
membraneuse,  et  ne  me  semblent  pas  devoir  être  confondus 
avec  les  utricules  élémentaires.  Déjà,  dans  cette  Leçon,  un 
exemple  de  corpuscules  de  ce  genre  nous  a  été  fourni  par  les 
spbérules  développées  pendant  les  premiers  temps  du  fraction- 
nement du  germe  dans  l'œuf  fécondé  (i),  et  les  matériaux 
constitutifs  du  tissu  connectif  me  paraissent  offrir  des  caractères 
analogues,  si  ce  n'est  que  la  substance  blastoïde  amorphe,  au 
lieu  d'entourer  d'une  couche  uniforme  la  substance  nucléo- 
laire,  et  de  former  ainsi  une  sphère,  se  prolonge  dans  divers 
sens-de  façon  à  constituer  des  filaments  centrifuges.  Il  en  ré- 
sulte que  ces  corpuscules  deviennent  fusiformes  ou  étoiles,  et 
lorsque  leurs  appendices,  venant  à  se  rencontrer,  se  soudent 
entre  eux,  ils  donnent  naissance  à  une  trame  aréolaire  dont  les 
lacunes  irrégulières  communiquent  ensemblCj  et  logent,  soit  des 
liquides  ou  de  la  matière  blastoïde  hyaline,  soit  d'autres  orga- 
nites, tels  que  des  vésicules  graisseuses  (2).  Parfois  les  fila- 
ments réticulaires  ainsi  constitués  se  consolident  par  la  fixation  de 
la  fibrine  ou  de  quelque  principe  albuminoïde  analogue,  et  elles 
constituent  alors  un  tissu  particulier  appelé  tissu  élastique.  Telle 
est  la  substance  dont  se  compose  la  membrane  fenêtrée  que  nous 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  403.  phe  qui  s'étend  en  trabécules  filiformes 

(2)  Coinme  exemple  d'un  tissu  con-  au  milieu  d'une  substance  granuleuse 
jonctif  aréolaire  constitué  de  la  sorte  et  semi-fluide,  je  citerai  le  tissu  sous- 
par  des  corpuscules  nucléiformes  en-  cutané  des  Méduses  (a),  le  tissu  con- 
tourés  d'une  matière  blastoïde  amor-  jonctif  rétiforme  de  l'allantoïde  (6). 


(n)  Voyez  Lcyciig,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  24,  fig.  9. 
(b)  Voyez  KôUiker,  Éléments  d'histologie,  p.  77,  fig.  32. 


HISTOGENÈSE.  /j35 

avons  déjà  rencontrée  dans  les  parois  des  artères  (1).  D'aulrcs 
fois  la  portion  périphérique  de  ces  organites  à  noyau  distinct, 
ou  la  substance  blastoïde  adjacente,  se  résout  en  filaments  plus 
fins  qui  sont  disposés  en  faisceaux,  et  elle  donne  ainsi  nais- 
sance au  tissu  conjonctif,  dont  nOus  avons  déjà  vu  la  disposition 
générale  (2).  Ces  faisceaux  de  fibrilles,  d'une  consistance 
molle,  affectent  d'ordinaire  la  forme  de  brides  ou  de  lamelles 
qui  s'entrecroisent  irrégulièrement  de  façon  à  (circonscrire  des 
espaces  ou  lacunes  occupées  par  des  liquides,  et  à  réunir  entre 
eux  les  organes  adjacents  (3).  Le  tissu  aréolaire  ainsi  produit 
peut  se  condenser  en  forme  de  lame  membraneuse,  sans  cesser 
d'offrir  la  structure  feutrée  dont  je  viens  de  parler  ;  mais 
d'autres  fois  ses  fibrilles  élémentaires  se  disposent  en  faisceaux 
parallèles,  et,  en  se  consolidant,  deviennent  les  matériaux  con- 
stitutifs des  tissus  tendineux  et  aponévrotiques  dont  l'étude  nous 
occupera  plus  tard. 

La  totalité,  ou  tout  au  moins  la  majeure  partie  de  la  substance 
constitutive  de  ces  tissus  fibrillaires  ne  paraît  pas  affecter  la 
forme  d'utricules  avant  d'acquérir  sa  structure  caractéristique, 
et,  dans  beaucoup  de  cas,  son  mode  d'organisation  définitif 
ne  me  semble  pas  pouvoir  être  considéré  comme  dépendant  de 
l'influence  histogénique  des  corpuscules  épars  que  l'on  appelle 
communément  les  noyaux.  Je  pense  aussi  que  le  développe- 
ment des  cellules  proprement  dites  n'est  pas  nécessairement 
lié  à  la  préexistence  de  ces  noyaux,  et  peut  se  faire  par  un 
autre  procédé.  En  effet,  chez  les  Animaux  inférieurs,  on  voit 
souvent  des  vacuoles  se  creuser  dans  la  substance  sarcodique 
amorphe  là  où  rien  n'indique  la  présence  d'un  noyau  de  ce 
genre,  et  parfois  les  cavités  pratiquées  de  la  sorte  se  tapissent 
d'une  couche  membraniforme  qui  devient  bien  distincte  du 

(1)  Voyez  tome  III,  page  513.  je  renverrai  aux  traités  spéciaux  d'his- 

(2)  Voyez  tome  IV,  page  399.  tologie  les  plus  récents,  notammeiit  à 

(3)  Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet,      celui  de  M.  Kôlliker. 


Tissu 
musculaire. 


/i36  15EPR0DUCTI0N. 

tissu  circonvoisin.  C'est  ainsi,  et  non  par  la  lormation  d'utri- 
ciiles  qui  deviendraient  ensuite  confluentes,  que  chez  les  Spon- 
giaires le  système  des  canaux  aquifèrcs  se  constitue,  et  il  me 
paraît  bien  probable  que,  dans  certains  cas,  des  utricules  peu- 
vent naître  de  la  même  manière  au  milieu  de  la  substance 
blastoïde. 

Dans  toute  la  famille  naturelle  de  tissus  dont  nous  nous  occu- 
pons ici,  c'est-à-dire  dans  les  tissus  cartilagineux,  osseux  et 
fibreux  que  l'on  peut  réunir  sous  le  nom  commun  de  tissus 
scléreux  (1),  ainsi  que  dans  le  tissu  connectif  et  ses  dérivés, 
les  organites  priuiordiaux,  soit  qu'ils  affectent  la  forme  d'utri- 
cules,  soit  qu'ils  consistent  en  sphérules  ou  autres  agrégats 
dépourvus  d'une  enveloppe  membraneuse  ou  paroi  distincte, 
n'occupent  en  général  que  peu  de  place,  et  la  majeure  partie 
de  la  substance  organisée  appartient  à  la  matière  intermédiaire 
ou  intercellulaire.  C'est  cette  matière  qui  donne  à  ces  tissus 
leurs  caractères  les  plus  importants,  tant  au  point  de  vue  ana- 
tomique  et  physiologique  que  sous  le  rapport  de  leur  composi- 
tion chimique  ;  et  à  ce  sujet,  je  ne  dois  pas  omettre  de  dire  que 
les  principaux  tissus  scléreux,  de  même  que  le  tissu  conjonctif 
et  ses  dérivés  membraniformes,ont  cela  de  particulier  que,  sou- 
mis à  l'action  de  l'eau  bouillante,  ils  fournissent  de  la  gélatine, 
matière  que  les  autres  tissus  organiques  ne  sont  pas  susceptibles 
de  produire.  11  est  aussi  à  noter  que  tous  ces  tissus  sont  plus 
ou  moins  aptes  cà  se  suppléer  mutuellement  dans  la  constitu- 
tion des  êtres  organisés,  et  que  des  phénomènes  d'ossification 
peuvent  se  développer  dans  chacun  d'eux. 

§  11 .  —  Des  organites  d'un  autre  ordre  sont  les  fibres  mus- 
culaires, parties  dont  la  substance  est  formée  essentiellement  du 

(1)  Cette  dénomination  a  été  employée  à  peu  près  dans  la  même  acception 
par  quelques  anatomistes  (a). 

la)  Laurent,  Mëm.  sur  les  tissus  animaux  en  général,  et  sur  les  tissus  élastiques  et  coiitrac- 
'Ales  eu  particulier  (Ann,  françaises  et  étrcuigcres  d'analomie,  1837,  1. 1,  p.  57). 


HlSTOGliNÈSL!.  AS? 

principe  immédiat  albuminoïde  appelé  fibrine^  que  nous  avons 
déjà  rencontré  dans  le  plasma  du  sang  (1).  lis  sont  caractérisés 
aussi  par  leurs  propriétés  contractiles,  et  ils  affectent  toujours 
la  forme  de  cylindres  ou  de  corpuscules  allongés  et  atténués 
aux  deux  bouts  en  manière  de  fuseau.  On  distingue  souvent 
dans  ces  fds  en  voie  de  développement,  ou  môme  chez  ceux  qui 
sont  arrivés  à  l'état  parfait,  un  ou  plusieurs  corpuscules  inté- 
rieurs analogues  à  ceux  dont  il  a  été  déjà  si  souvent  question 
sous  le  nom  de  noyaux,  et  la  plupart  des  histologistes  les  con- 
sidèrent comme  étant  des  cellules  ;  mais  ils  ne  me  paraissent 
avoir  jamais  une  structure  nettement  utriculaire,  et  la  substance 
qui  entoure  leur  noyau  me  semble  d'abord  homogène,  puis 
disposée  à  se  fractionner,  soit  longitudinalemenl,  en  fibrilles, 
soit  transversalement,  en  disques  superposés.  Dans  une  pro- 
chaine leçon,  nous  reviendrons  sur  l'histoire  de  ce  tissu,  et 
nous  en  étudierons  la  structure. 

§  12.  —  Enfin,  le  tissu  nerveux  est  également  distinct  de 
tous  les  précédents;  il  est  toujours  riche  en  principes  albumi- 
noïdes  et  en  matières  grasses  d'une  nature  particulière,  et  il 
affecte  tantôt  la  forme  d'utricules,  tantôt  celle  de  fibres  ou 
cylindres,  comme  nous  le  verrons  par  la  suite. 

§  13.  —  Les  divers  organites  que  nous  venons  de  passer  msiogcnèse 
en  revue  sont  susceptibles  de  naître  de  différentes  manières. 
Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  les  cellules  ou  les  sphérules 
pleines  qui  les  constituent  peuvent  apparaître  isolément  et  libres 
au  milieu  de  la  matière  blastémique  (2)  ;  mais  en  général  ils  se 


Tissu 
nerveux. 


(1)  Voyez  tome  I",  page  157. 

(2)  Dans  certains  cas,  les  granules 
élémenlaircs  qui  sont  les  points  de  clé- 
part  de  ce  phénomène  histogénique  pa- 
raissent avoir  pris  naissance  dans  l'iii'é- 
rieur  d'un  organile  dont  la  destruction 
a  précédé  leur  métamorphose.  Ainsi, 

\in. 


d'après  MM.  Lebert  et  Prévost,  les 
cellules  constitutives  du  tissu  pseudo- 
chondrique  de  la  corde  dorsale  ne 
seraient  autre  chose  que  les  corpus- 
cules contenus  dans  les  globules  or- 
gaiioplastiques  de  l'œuf,  qui,  mis  en 
liberté  par  la  destruction  des  parois 

30 


/l38  REPRODUCTION. 

multiplient  par  suite  de  la  scission  d'un  organite  préexistant  (1), 
ou  d'une  portion  de  cet  organite  contenue  dans  l'inlérieur  de 
la  vésicule  mère,  lorsque  ce  corpuscule  a  une  siruclure  utricu- 
laire  (:2).  Ce  phénomène  a  la  plus  grande  analogie  avec  celui 
du  fractionnement  de  la  substance  germinale  de  l'œuf,  ou  de 
la  production  des  cellules  vitellines,  et  probablement  il  n'en 
diffère  pas.  Dans  le  tissu  cartilagineux,  il  est  souvent  assez 
facile  à  observer  (3).  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  plus  d'une  fois, 
c'est  dans  l'intérieur  de  ces  divers  organites  que  les  princi- 
paux phénomènes  du  travail  nutritif  paraissent  avoir  leur  siège; 
mais  il  y  a  lieu  de  penser  que  dans  certains  cas  ils  peuvent 
agir  d'une  manière  analogue  sur  les  substances  adjacentes  et 
en  modifier  les  propriétés  (h). 

de  ces  vésicules,  se  développeraient  de  (3)    Pour    plus   de    détails  à   ce 

façon  à  devenir  eux-mêmes  des  utri-  sujet,  je  me  bornerai  ici  à  renvoyer 

cules  (a).  aux    ouvrages   spéciaux   sur  l'histo- 

(1)  Par  exemple,  pour  la  multiplica-  logie  qui  ont  paru  récemment  (d).  La 
tion  des  globules  du  sang  chez  l'em-  multiplication  endogène  des  cellules 
bryon  (6).  a  été  observée  aussi  d'une   manière 

(2)  M.  Kanstein  a  cherché  à  établir  bien  nette  dans  les  corpuscules  splé- 
que  la  multiplication  des  cellules  est  niques,  dont  l'étude  nous  a  occupés 
toujours  endogène  ;  que  l'utricule  se  dans  une  précédente  Leçon  (e). 
formerait  d'abord,  puis  produirait  le  (h)  M.  Remak  pense  que  toutes  les 
noyau,  qui  serait  aussi  une  cellule,  et  cellules  ont  deux  membranes  tégu- 
qui  donnerait  naissance  à  une  autre  mentaires  (f),  et  M.  Kôlliker,  sans  ad- 
cellule  incluse,  ou  nucléole  (c).  Dans  mettre  cette  généralisation,  admet  que 
certains  cas,  des  emboîtements  de  ce  dans  certains  cas  les  utricules  peuvent 
genre  ont  lieu,  mais  aujourd'hui  per-  se  revêtir  d'une  enveloppe  secondaire 
sonne  ne  pourrait  admettre  que  le  par  l'effet  d'une  sorte  de  sécrétion  ex- 
travail cytogénique  s'effectue  toujours  térieure  (g). 

de  la  sorte. 

(a)  Prévost  et  Lebërt,  Mém.  sur  le  développement  des  organes  de  la  circulation  (Ann.  des 
sciences  nat.,Z°  série,  1844,  t.  I,  p.  204). 
(&)  Voyez  tome  I,  page  342. 

(c)  H.  kanstein,  De  cella  vitali.  Berlin,  1843. 

(d)  Mandl,  Anatomie  microscopique,  t.  II,  p.  33  et  suiv. 
—  Kôlliker,  Traité  d'histologie,  p.  23  et  suiv. 

(e)  Voyez  tome  VII,  page  249. 

(V)  Remal<,  Ueber  runde  Blutgerinnsel  uni  ûber  pigmentkugelhaltige  Zelleû  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.  und  PhysioL,  1852,  p.  H5). 
(g)  Kôlliker,  Op.  cit.,  p.  41 


HISTOGENÈSE.  l!(39 

§  i(\.  —  Les  matériaux  [primaires  de  l'organisme  ne  se  pré-  Tissus 
sentent  que  rarement  seuls  ;  presque  toujours  deux  ou  plusieurs  '^'=<^°"^"'"* 
s'associent  plus  ou  moins  intimement  pour  constituer  ce  que 
l'on  pourrait  appeler  des  tissus  secondaires.  Ainsi,  le  tissu  con- 
nectif  et  ses  dérivés  se  trouvent  mêlés  au  tissu  musculaire 
ainsi  qu'au  tissu  nerveux,  dans  presque  tous  les  instruments 
physiologiques  constitués  par  l'une  ou  l'autre  de  ces  substances, 
et,  dans  beaucoup  de  membranes  telles  que  plusieurs  de  celles 
dont  l'étude  nous  a  déjà  occupés  CI),  le  tissu  connectif,  le  tissu 
blastoïde  et  le  tissu  utriculaire  sont  réunis.  îl  en  résulte  que  la 
classification  des  tissus  n'est  pas  aussi  rigoureuse  qu'on  pour- 
rait le  croire  au  premier  abord.  Mais,  en  général,  on  peut 
rapporter  chacun  de  ces  tissus  plus  ou  moins  complexes  à  celui 
des  éléments  anatomiques  qui  domine  dans  sa  composition. 

§  15.  —  En  résumé,  nous  voyons  que  les  matériaux  anato-  ciassincaiion 
miques,  soit  primaires,  soit  secondaires,  employés  par  la  Nature     pHniS! 
dans  la  constitution  du  corps  des  Animaux,  et  devant  par  con- 
séquent être  produits  par  l'organisme  en  voie  de  développe- 
ment, peuvent  être  rangés  en  cinq  classes  principales,  savoir: 

1°  Les  tissus  sarcodiques,  qui  sont  amorphes,  au  moins  en 
apparence. 

2°  Les  tissus  utriculaires,  caractérisés  par  la  forme  vésicu- 
laire  de  leurs  organites,  et  doués  ordinairement  de  la  faculté  de 
sécréter  dans  l'intérieur  de  ces  cellules  des  matières  spéciales. 

3"  Les  tissus  conjonctifs  et  scîéreux,  qui  consistent  en  tra- 
bécules,  en  filaments  ou  en  une  substajîce  aréolaire,  qui  sont 
d'ordinaire  susceptibles  de  se  transformer  en  gélatine,  et  qui 

(1)  Par  exemple,  les  membranes  péricarde  (6)  ou  la  plèvre  (c),  et  les 
séreuses,  telles  que  le  péritoine  (a),  le      mcmbrancsmuqueuscs(rf),Iapcau,etc.i 

(a)  Voyez  lome  VI,  page  4. 
[bi  Voyez  lome  II,  page  409. 

(c)  Voyez  toiiio  III,  page  3U. 

(d)  Voyez  tome  Vi,  page  7. 


440  REPRODliCTIOiN. 

servent  principalement  comme  moyen  d'union  ou  de  consoli- 
dation. 

4°  Le  tissu  musculaire,  qui  se  compose  de  libres  contractiles, 
et  qui  est  formé  principalement  de  librine. 

5°  Le  tissu  nerveux,  qui  se  compose  de  lils  cylindriques  en 
connexion  avec  des  cellules  particulières. 

Du  reste,  en  étudiant  ces  parties  constitutives  du  corps  des 
Animaux,  il  ne  faut  jamais  oublier  que  ceux-ci  sont  des  associa- 
tions d'une  multitude  d'individus  qui  sont  autant  de  foyers  de 
puissance  physiologique.  Lesorganites  élémentaires  de  l'écono- 
mie animale,  cellules,  sphérules,  globules  ou  fibres,  quel  que 
soit  le  nom  sous  lequel  on  les  désigne  et  la  forme  qu'ils  affec- 
tent, ont  chacun  une  vie  qui  leur  est  propre;  chacun  s'accroît, 
se  nourrit,  agit  conformément  à  sa  nature  particulière,  puis 
meurt  d'une  manière  plus  ou  moins  indépendante  de  ses  coas- 
sociés ou  de  l'espèce  de  compagnie  formée  par  l'union  de  tous. 
La  comparaison  que  j'ai  souvent  employée  au  commencement 
de  ces  Leçons,  pour  donner  une  idée  du  mode  de  constitution 
des  êtres  animés,  est  apphcable  à  ces  parties  élémentaires  aussi 
bien  qu'aux  instruments  plus  complexes  que  nous  avons  appelés 
organes  ou  appareils.  Ce  sont  tous  des  ouvriers  qui  travaillent 
ensemble,  soit  d'une  façon  identique,  soit  de  mille  manières 
différentes,  et  dont  l'association  représente  une  sorte  d'usine 
qui  a  son  individualité,  son  existence  propre  et  son  rôle  dans 
la  société;  qui  renouvelle  peu  à  peu  son  personnel  sans  changer 
de  caractère  ;  qui  grandit  ou  dépérit  suivant  les  circonstances  ; 
qui  se  transforme  parfois;  qui  peut  perdre  plusieurs  bras  sans 
interrompre  ses  travaux,  mais  qui  s'arrête  et  meurt  quand  un 
trop  grand  nombre  de  ses  membres,  ou  même  certains  d'entre 
eux  seulement  cessejit  de  remplir  leurs  fonctions.  Tout  Animal 
est  une  association  d'organes  vivants  qui  réagissent  les  uns 
sur  les  autres,  et  tout  organe  est  à  son  tour  une  association 
d'individualités  ou  organiles  qui    foncfioinient  en  commun , 


mais  qui  ont  cljacnn  une  vie  qui  leur  est  propre.  Ces  orga- 
nites  ne  paraissent  différer  que  peu  d'un  Animal  à  un  autre, 
mais  leur  mode  d'association  varie,  et  c'est  surfout  à  raison 
des  différences  dans  les  combinaisons  de  ces  associations  à 
divers  degrés  que  chaque  espèce  zoologique  possède  des  pro- 
priétés et  des  caractères  anatomiques  qui  lui  sont  propres. 
Ces  particularités  ne  sont  que  faiblement  indiquées  au  début  de 
l'existence  de  l'être  vivant,  mais  elles  se  prononcent  de  plus 
en  plus  à  mesure  que  celui-ci  se  développe  et  se  perfectionne, 
ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt  lorsque  nous  étudierons  l'évo- 
lution de  l'embryon. 

§  16.  —  Ces  notions  générales  étant  acquises,  nous  aborde- 
rons l'histoire  particulière  de  la  reproduction  dans  chacun  des 
principaux  groupes  zoologiques.  Mais  ici  il  me  paraît  utile  de 
ne  pas  suivre  la  marche  adoptée  dans  la  première  partie  de 
ce  cours  pour  l'étude  des  fonctions  de  nutrition,  et  au  lieu 
de  commencer  par  les  rangs  inférieurs  du  Règne  animal , 
je  prendrai  d'abord  en  considération  l'embranchement  des 
Vertébrés,  car  c'est  là  seulement  que  nos  connaissances  sont 
arrivées  à  un  degré  de  perfection  suffisant  pour  nous  per- 
mettre d'être  à  la  fois  bref  et  positif. 


SOIXANTE-QUINZIÈME  LEÇON. 

De  l'appareil  de  la  reproduction  et  de  ses  produits  chez  les  Animaux  vertébrés 

ovipares. 

Caractères        S  ^^  —  Dans  l'embraiichement  des  Vertébrés,  lareproduc- 


jeneraux 


de  l'appareil  tioii  est  toujours  sexucile  ;  la  multiplication  des  individus  n'a 

reprodiicleur 

<^es  iamais  lieu  ni  par  gemmation,  ni  par  scissiparité,  et  le  travail 
génésique  fondamental  est  toujours  localisé  dans  deux  organes 
glandulaires  dont  les  produits  sont  réciproquement  complé- 
mentaires :  un  ovaire  et  un  testicule.  Toujours,  ou  tout  au 
moins  presque  toujours,  ces  organes  essentiels  ne  coexistent 
pas  chez  le  même  Animal  (1)  ;  les  sexes  sont  séparés ,  mais  il 
y  a  une  analogie  remarquable  entre  l'appareil  mâle  et  l'appareil 
femelle.  Ils  se  composent  de  parties  correspondantes  dont  la 
similitude  est  d'autant  plus  grande,  que  leur  structure  est  plus 
simple  ;  et  dans  les  rangs  inférieurs  de  ce  groupe  zoologique, 
de  même  que  chez  divers  Animaux  invertébrés,  la  ressem- 
blance est  si  parfaite  entre  le  mâle  et  la  femelle,  que  pour 
reconnaître  les  sexes,  il  faut  avoir  recours  à  l'examen  des  pro- 
duits génésiques  lorsque  ceux-ci  sont  déjà  arrivés  à  un  certain 
degré  de  maturité.  Ainsi,  chez  les  Poissons  de  la  famille  des 
Lamproies,  les  organes  mâles  ne  peuvent  être  distingués  des 
organes  femelles,  ni  chez  les  jeunes  individus,  ni  chez  les 
adultes,  lorsque  ces  organes  ne  sont  pas  dans  une  période 
d'activité  fonctionnelle,  et  à  l'époque  du  frai  ils  ne  sont  diffé- 
renciés que  par  les  œufs,  qui  se  développent  dans  les  uns,  et  la 
laitance  ou  liqueur  séminale,  qui  se  forme  dans  les  autres  (2). 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  370.  plusieurs  anatomistes  ont  méconnu  le 

{'!)  C'est  à  cause  de  cette  similitude      caractère  dioïque  des  Lamproies,  et  ont 

entre  les  ovaires  et  les  testicules  que      considéré  ces  Poissons  comme  étant 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    VERTÉliRÉS.  /lf|5 

Du  reste,  chez  tous  les  Vertébrés,  même  chez  ceux  des  rangs 
les  plus  élevés,  il  paraît  en  être  de  même  jusqu'à  une  certaine 
période  de  la  vie  de  l'embryon.  Lorsque  les  organes  de  la 
reproduction  commencent  à  se  constituer  chez  celui-ci,  les 
caractères  sexuels  ne  s'y  montrent  pas  encore,  et  c'est  en 
employant  un  fonds  commun  que  la  Nature  produit  tantôt  un 
mâle,  d'autres  fois  une  femelle.  Ainsi,  dans  l'espèce  humaine 
aussi  bien  que  chez  le  Poulet,  les  organes  génitaux  tant  exté- 
rieurs qu'internes  sont  d'abord  identiques  en  apparence  chez 
tous  les  embryons,  et  c'est  seulement  à  une  certaine  période 
de  leur  développement  qu'ils  deviennent  plus  ou  moins  dis- 
semblables chez  le  mâle  et  la  femelle  (1).  - 

Chez  tous  les  Animaux  de  cet  embranchement,  les  organes 
essentiels  de  la  reproduction,  c'est-à-dire  les  ovaires  chez  la 


hermaphrodites  (a),  ophiion    qui   fut  tendent  même  à  établir  que,  dans  la 

combattueparMagendie  et  Desmoulins,  première  période  du   développement 

et    qui    est     aujourd'hui    reconnue  de  l'appareil  génital,  il  y  a  uniformité 

fausse  (6).  A  l'époque  du  frai  (avril  et  de  composition  chez  tous  les  individus, 

mai),  les  ovaires  sont  remplis  d'œufs  et  que  les  différences  s'introduisent 

dont  le  vitellus  est  jaunâtre  et  les  tes-  plus  tard  par  suite  de  l'atrophie  de 

ticules  regorgent  d'un  liquide  sperma-  certaines  parties  et  du  développement 

tique  blanchâtre  renfermé   dans  des  considérable  de  quelques  autres,  sui- 

vésicules  ;  mais  après  l'évacuation  de  vant   que    l'embryon    se    caractérise 

ces  produits  génésiques,  les  organes  comme  rnâle  ou  comme  femelle  (c). 

reproducteurs  perdent  leurs  caractères  Je  reviendrai  sur  ce  sujet  lorsque  je 

distinctifs,  et  les  sexes  deviennent  de  traiterai  des  organes  de  la  génération 

nouveau  très-difficiles  à  reconnaître  (6).  chez  les  Batraciens,  les  Oiseaux  et  les 

(1)  Les  observations  de  M.  Kobelt  Mammifères. 


(a)  Home,  On  the  Mode  of  Génération  of  the  Lamprey  and  Myxine  (Philos.  Trans.,  1815, 
p.  266).  —  Lectures  on  Compar.  Anat.,  t.  IV,  pi.  143,  fig-,  1.) 

(6)  Magendie  et  Desmoulins,  Note  sur  l'anatomie  de  la  Lamproie  [Journal  de  "physiologie  expéri- 
mentale, isn, t.  II,  p.  224). 

—  Mayer,  Anateklen  zur  vergleichenden  Anatomie,  1835,  p.  8. 

—  Panizza,  Sulla  Lampreda  marina  (Mem.  deU'Instiluto  Lombardo.  Milano,  1845,  t  ïï 
p.  25). 

—  Sclileusscr,  De  Peiromyzontum  et  Anguillarum  sexu.  Dorpat,  1848. 

—  Vogt  et  Pappenheim,  Recherches  sur  l'anatomie  comparée  des  organes  de  la  génération 
{Ann.  des  sciences  nat.,  4*  série,  1859,  t.  XI,  p.  368). 

(c)  Kobelt,  Der  Neben-Eierstock  des  Weibes,  Heidelberg,  1847. 


444  REPRODUCTION. 

femelle,  et  les  testicules  chez  le  maie,  sont  logés  dans  la  cavité 
abdominale  ou  dans  des  dépendances  de  celte  chambre  viscé- 
!  raie  (1),  et  sont  recouverts  en  totalité  ou  en  partie  par  le  péri- 
toine (2).  Toujours  aussi  les  produits  de  ces  glandes  sont  évacués 
par  des  orifices  qui  sont  situés  dans  le  voisinage  de  l'anus  et 
des  ouverlures  par  lesquelles  l'urine  s'échappe  au  dehors,  ou  qui 
se  confondent  même  avec  ces  émonctoires.  D'ordinaire  toute 
la  portion  profonde  de  l'appareil  est  double  et  symétrique  chez 
la  femelle  aussi  bien  que  chez  le  mâle,  et  lorsque  cette  dis- 
position n'existe  pas,  la  symétrie  résulte  de  l'atrophie  de 
l'une  des  moitiés  plus  fréquemment  que  d'un  phénomène  de 
coalescence  ;  mais  pour  les  parties  extérieures  et  celles  qui  les 
avoisinent,  il  en  est  souvent  autrement,  et  ces  organes  sexuels, 
tout  en  restant  symétriques,  deviennent  impairs  et  médians. 

Les  différences  qu'on  y  remarque  sont  nombreuses  et 
importantes,  mais  elles  résultent  principalement  des  divers 
degrés  de  complication  amenés  par  le  perfectionnement  crois- 
sant de  cet  ensemble  d'instruments  physiologiques.  Elles  n'af- 
fectent que  peu  les  parties  fondamentales  de  ce  double  appareil, 
c'est-à-dire  les  ovaires  et  les  testicules  ;  elles  portent  pour  la 
plupart  sur  des  parties  dont  le  rôle  est  secondaire,  notamment 
sur  les  organes  qui  concourent  à  assurer  l'utilisation  des  pro- 
duits génésiques,  soit  en  les  conduisant  au  dehors  ou  en  leur 


(1)  Ainsi  que  nous  le  verrons  bien-  testicules,  se  prolongent  très-loin  pos- 

tôt,  les  bourses  qui  logent  les  testi-  térieurement,  dans  l'épaisseur   de  la 

cules  chez  la  plupart  des  Mammifères  queue  (a),  sous  la  colonne  vertébrale, 

sont  des  appendices  de  la  cavité  abdo-  mais  l'espace  qui  les  y  loge  est  aussi 

minale.  une  dépendance  de  la  caviié  abdomi- 

Chez  les  Poissons  de  la  famille  des  naie. 

Pleuronectes,  les  ovaires,  ainsi  que  les  (2)  Voyez  tome  VI,  page  It. 


(a)  Exemples  :  Pleuronectes  flesus  ;  voy.  Carus  et  OUo,  Tabula:  Analomiam  comparativam 
illustrantes,  pars  v,  pi.  i,  Rg.  1. 

—  Solea  vulgaris  ;  voy.  Hyrll,  Beitrdge  zur  Morphologie  der  Urogenital-Organe  der  Fische 
{Denkschrift  der  Wiener  wissensch.  Acad.,  1850,  t.  I,  pi.  53,  tig.  i). 


Appareil 

reproducteur 

des 

Poissons. 


APPAREIL    DR    LA    CÉNÉUATION    DES    POISSONS.  /l/|5 

fournissant  des  matières  complémentaires,  soit  en  facilitant  le 
phénomène  de  la  fécondation,  ou  bien  encore  en  contribuant 
à  la  réalisation  des  conditions  nécessaires  au  développement 
des  jeunes. 

§  2.  —  Dans  la  classe  des  Poissons,  l'appareil  génital  femelle 
est  parfois  d'une  simplicité  extrême,  et  il  ne  présente  jamais 
une  complication  bien  grande  (1).  Il  affecte  d'ailleurs  trois 
formes  différentes  :  tantôt  il  n'est  constitué  que  par  les  ovaires, 
et  l'évacuation  des  œufs  n'est  confiée  à  aucun  organe  spécial, 
mais  s'effectue  par  l'intermédiaire  de  la  chambre  viscérale 
commune;  d'autres  fois  il  existe  un  oviducte,  mais  ce  conduit 
n'est  formé  que  par  une  portion  de  l'ovaire  qui  est  disposée  en 
manière  de  sac  et  s'ouvre  au  dehors  ;  enfin,  dans  d'autres  cas, 
la  division  du  travail  physiologique  est  poussée  plus  loin,  et  il 
existe  un  oviducte  spécial  qui  est  indépendant  de  l'ovaire. 

VJmphioxus  est  de  tous  les  Animaux  vertébrés  celui  dont  Amphicxus. 
l'appareil  reproducteur  est  le  moins  perfectionné.  Les  ovaires 
de  la  femelle,  de  même  que  les  testicules  du  mâle,  sont  atta- 
chés à  la  voûte  de  la  grande  cavité  viscérale,  de  chaque  côté 
du  plan  médian  du  corps.  Ils  sont  fermés  de  tous  côtés  et 
recouverts  par  le  péritoine;  aucun  tube  n'en  part  pour  con- 
duire les  œufs  au  dehors,  et  ces  corps,  lorsqu'ils  sont  arrivés 


(1)  L'appareil  de  la  reproduction 
des  Poissons  a  été  l'objet  de  plusieurs 
travaux  analomiques  très-importants, 
parmi  lesquels  je  citerai  en  première 


ligne  ceux  de  Cavolini,  de  Rathke  de 
M.  Hyrti,  de  MM.  Vogt  et  Pappen- 
heim,  de  M,  Lereboullet  et  de  M.  Mar- 
tin   Saint-Ange  (a). 


{a]  Cavolini,  Memoria  siilla  generazione  dei  Pesci  e  dei  Granchî.  Napoli,  1787. 

—  Ralhke,  Ueber  die  Geschlechtslheile  der  Fische  {Beitrdge  zit,r  Gesehichte  der  Thierwelt, 
1824, t.  IT,  p. 117  à210,pl.  5.) —  Ueber  da  s  Ei  einiger  Lachsarten  iMeckeVs  Archiv  fiir  Ana- 
lomie,  1832,  p.  392).  —  Ziir  Anatomie  der  Fische  (Mùller's  Archiv,  183G,  p.  170). 

—  Hyrtl,  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Vienne,  1850,  t.  I,  p.  391,  pi.  52  et  53). 

—  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4'  série,  t.  XI,  p.  331). 

—  Lereboullet,  Recherches  sur  les  organes  génitaux  des  Animanx  vertébrés  {Nova  Acta  Acad. 
nat,  curios.,  t.  XXIII). 

-—  Martin  Saint-Ange,  Elude  de  l'appareil  reproducteur  dans  les  cinq  classes  d'Animaux 
vertébrés  [Méni.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  XIV). 


Lamproies,  etc 


llh^  REPRODUCTION. 

à  maturité,  s'en  détachent  et  tombent  dans  la  cavité  de  l'abdo- 
men, où  ils  restent  en  liberté  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  entraînés 
au  dehors  par  le  courant  expiratoire  qui  vient  des  branchies 
et  se  dirige  vers  le  pore  abdominal  situé  dans  le  voisinage 
de  l'anus  (1).  La  chambre  viscérale,  qui  est  destinée  essentiel- 
lement à  loger  l'appareil  digestif,  remplit  donc  ici  trois  fonc- 
tions différentes  ;  tout  en  servant  à  protéger  les  viscères,  elle 
fait  office  de  conduit  expirateur  et  d'oviducte  {"2).  Chez  le  mâle, 
la  hqueur  séminale  suit  la  même  route  et  s'échappe  aussi 
par  le  pore  abdominal  (3), 

Un  degré  de  plus  dans  la  division  du  travail  physiologique 
se  fait  remarquer  chez  les  Lamproies  et  les  autres  Cyclostomes. 
Chez  ces  Poissons,  c'est  aussi  la  cavité  péritonéale  qui  tient 
lieu  d'oviducte  et  de  conduit  excréteur  delà  semence,  mais  cetio 
cavité  n'est  plus  mise  à  contribution  pour  le  service  delà  respi- 
ration ;  le  courant  formé  par  l'eau  expirée  s'échappe  au  dehors 
sans  pénétrer  dans  Tabdomen,  et  les  orifices  qui  font  com- 
muniquer le  sac  péritonéal   avec  l'extérieur   sont   spéciale- 


(1)  Voyez  tome  lï,  page  201.  expirateur  a  été    souvent  constatée. 

(2)  Les  ovaires  de  VAmphioxus  oc-  Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet,  je  ren- 
cupent  toute  la  longueur  de  la  cavité  verrai  aux  publications  dont  VAm- 
abdominale,  en  arrière  de  l'appareil  phioxus  a  été  l'objet  il  y  a  une 
respiratoire  ;  ils  sont  pourvus  d'une  vingtaine  d'années  {a). 

tunique  propre,  et  la  portion  du  péri-  (3)  Les  premières  observations  sur 

toine  qui  les  recouvre  est  d'une  cou-  la  liqueur  séminale  de  VAmphioxus 

leur  brunâtre.  Les  œufs  sont  faciles  à  sont  dues  à  M.  Kiilliker,  qui  a  donné 

voir  à  l'état  de  liberté  dans  la  cavité  des  figures  des  spermatozoïdes  de  cet 

abdominale,  et  leur  sortie  par  l'orifice  animal  (6). 


(a)  Costa,  Cenni  zooloiticœ,  p.  49. 

—  Yarrel,  Hist.  of  British  Fishes,  t.  Il,  p.  6-20. 

—  Retzius,  voyez  Bericht  der  Akad.  der  Wissensch.  zu  Berlin,  tSSQ. 

—  Ralhke,  Bemerkungen  iiber  den  Dau  des  Aniphioxus  lanceolatus,  1841,  p.  25. 

—  J.  MùUer,   Ueber  den  Bau  und  die  Lebenserscheinung  des  Brancliiosloma  lubricuni  (Costa)  ; 
Ampliioxus],lanceolatus  (Yarr)  {Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour ASi'i ,  p.  79). 

—  Qualrefages,  Mém.  sur  le  système  nerveux,  etc.,  de  t'Ampliioxus  {Ann.  des  sciences  nat., 
8'série,';i845,  t.  IV,  p.  207). 

(b)  Kolliker,<t/e6ej'  das  Gerhchsorgan  von  Ampliinxiis  (Miiller's  Archiv  fi'ir  Anat.  vnd  PhysioL, 
1843,  p.  32,  pi.  2,  fie.  3). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  647 

ment  affectés  à  l'excrétion  des  produits  de  la  génération  (1). 
L'ovaire,  logé  dans  un  repli  du  péritoine  et  suspendu  ainsi  à  la 
voûte  de  la  chambre  viscérale,  au-dessous  des  reins,  affecte  la 
forme  d'un  ruban  froncé  et  replié  sur  lui-même  transversa- 
lement d'une  manière  très-irrégulièrc.  Il  s'étend  depuis  le  voi- 
sinage de  la  tête  jusqu'auprès  de  l'anus,  et,  à  l'époque  de  la 
reproduction,  les  œufs,  en  nombre  très-considérable,  se  déve- 


(1)  Ce  mode  d'évacuation  des  œufs 
chez  la  Lamproie  a  été  très -bleu 
indiqué  par  Duméril,  Il  avait  été 
observé  aussi  par  Hunter  et  par 
Home  (a).  Plus  récemment,  la  dispo- 
sition de  l'appareil  de  la  reproduction 
de  ces  Poissons  et  des  autres  Cyclo- 
stomes  a  été  étudiée  d'une  manière  plus 
approfondie  par  Rathke,  J.  Millier  et 
quelques  autres  anatomistes  (6). 

Chez  les  Myxines  (c)  et  les  Bdello- 
stomes  {d),  l'appareil  de  la  génération 
est  constitué  de  la  même  manière  que 
chez  les  Lamproies.  L'ovaire  est  ren- 
fermé dans  une  longue  bande  du  péri- 
toine qui  est  située  du  côté  droit  de  l'in- 
testin, et  qui  présente  un  grand  nombre 
de  replis  transversaux .  Les  œufs  tom- 
bent dans  la  cavité  péritonéale,  et 
sont  évacués  par  les  pores  abdomi- 


naux, qui,  situés  sur  les  côtés  du  rec- 
tum, vont  déboucher  au  devant  des 
orifices  des  uretères ,  dans  le  méat 
génito-urinaire  placé  derrière  l'anus^ 

Chez  le  Lamproyon,  les  pores  abdo- 
minaux sont  si  petits,  que  pendant 
longtemps  ils  ont  échappé  aux  recher- 
ches des  anatomistes  (e).  Ils  se  trou- 
vent de  chaque  côté  de  l'anus  entre 
cette  ouverture  et  le  repU  de  la  peau 
qui  l'entoure  (f). 

Chez  les  Myxines,  les  canaux  péri- 
lonéaux  qui  servent  i  l'évacuation  des 
œufs  sont  également  rudiraentaires  ; 
mais,  au  lieu  de  déboucher  isolément 
sur  les  côtés  de  Tanus,  ils  se  réunis- 
sent à  un  orifice  commun  situé  sur  la 
ligne  médiane  entre  l'anus  et  les  ori- 
fices urinaires,  dans  la  fente  cloa- 
cale  {g). 


{a)  C.  Duméril,  Dissert,  sur  la  famille  des  Poissons  cyclostomes,  suivie  d'un  Mémoire  sur  Vana- 
tomie  des  Lamproies,  u\-8,  dSlS,  p.  85. 

—  Hunier;  voy.  TlieDescript.  and  Illustr.  Catalogue  of  the  Physiol.  Séries  of  Comp.  Anat. 
contained  in  the  Muséum  of  the  R.  Collège  of  Surgeons  of  London,  t.  IV,  pi.  59. 

—  Home,  Lectures  on  Comparative  Anatomy,  t.  IV,  pi.  143,  fig.  3. 

(b)  Rafclike,  Bemerkungen  ûber  den  innerii  Bau  des  Querders  (Ammoceies  branchialis)  imd  des 
kleinen  Neunauges  (Pelromyzou  Tlaneri)  (Beitrâge  %ur  Geschietite  der  Thierwelt,  1827,  t.  IV, 
p.  94,  pi.  2,  %.  7  et  8). 

(c)  Millier,  Untersuchungen  ûber  die  Eingeweide  der  Fische,  1845  (Mém.  de  l'Acad.  des 
sciences  de  Berlin  pour  1843). 

—  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  155,  pi.  15,  fig.  2  et  3. 

(d)  Millier,  Op.  cit. 

(e)Kathke,  Beitrage  %ur  Geschichte  der  Thierwelt,  1827,  t.  IV,  p.  94. 

(/■)  Vogt  et  Pappenhoim,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4=  série,  t.  XI,  p,  368). 

—  Martin  Saint-Ange,  Étude  de  l'appareil  reproducteur  (Mém.  de  l'.icad.  des  sàences,  Sav. 
étrang.,  1856,  t.  XIV,  p.  157,  pi.  15,  fig-.  3). 

(g)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  164,  pi.  16, 


Salmones,  etc. 


khS  REPRODUCTION. 

loppent  dans  son  épaisseur,  puis  font  saillie  à  sa  surface,  et 
enfin  s'en  détachent  pour  tomber  dans  le  sac  péritonéal,  et 
sortir  de  celui-ci  par  les  pores  abdominaux  déjà  mentionnés. 
La  disposition  du  testicule  est  la  même  ;  cette  glande  sperma- 
tique  est  aussi  formée  par  un  ruban  longitudinal  de  tissu  sécré- 
teur suspendu  dans  un  repli  du  péritoine  (1). 
Anguilles,  Lcs  Cyclostomcs  ne  sont  pas  les  seuls  Poissons  proprement 
dits  dont  l'appareil  reproducteur  soit  constitué  de  la  sorte.  Le 
même  mode  d'organisation  se  retrouve  chez  quelques  Poissons 
osseux  ;  mais  chez  ceux-ci  cet  état  d'imperfection  est  plus  rare 
chez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Dans  la  famille  des  Anguilles, 
les  tubes  évacuateurs  manquent  dans  les  deux  sexes  (2).  Chez 
les  Salmones  et  les  Notoptères,  de  même  que  chez  les  Lam- 
proies, les  œufs  tombent  dans  la  chambre  viscérale,  et  tra- 
versent cette  cavité  pour  sortir  par  les  pores  péritonéaux  (3)  : 
mais,  ainsi  que  nous  le  verrons  bientôt,  les  produits  des 
organes  mâles  ne  suivent  pas  la  même  route,  et  sont  transportés 
au  dehors  par  des  canaux  particuliers.  Les  orifices  qui  mettent 

(1)  Chez  la  Lamproie  marine,  les  (3)  La  découverte  de  ce  mode  d'éva- 
replis  transversaux  qui  renferment  les  cuation  des  œufs  chez  les  Salmones  est 
œufs  se  disposent  de  chaque  côté  de  due  à  Carus,  Cet  anatomiste  le  constata 
l'intestin,  ainsi  que  cela  a  été  très-bien  chez  la  Truite  et  le  [Saumon  (c)  ;  plus 
représenté  par  M.  Panizza  (a).  récemment  M.  Vogt  l'a  observé  chez 

(2)  Chez  les  Anguilles,  les  ovaires  une  autre  espèce  de  la  même  famille  : 
ressemblent   beaucoup  à  ceux   de  la  la  Palée  (d). 

Lamproie,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  se-  M.  Valenciennes  atrouvé  que  l'éva- 

parés  sur  la  ligne  médiane  de  façon  à  cuation  des  œufs  se  fait  de  la  même 

être  pairs.  Les  pores  péritonéaux  qui  manière  chez  les  Notoptères,  poissons 

livrent  passage  aux  œufs  sont,  situés  de  la  famille  des  Harengs  qui  habitent 

sur  les  côtés  de  l'anus  (b).  les  eaux  douces  dans  l'Inde  (e). 

(a)  Panizza,  Sulla  Lampreda  marina  {Mem.  deW Institut o  Lombardo.  Milano,  1845,  t.  II,  pt.  2, 
fig.  1  et  2). 

{b)  Voyez  les  figures  faites  par  Hunier  et  publiées  dans  The  Descriptive  and  Illustrated  Catalogue 
of  the  Physiological  Séries  of  Comparative  Anatomy  contained  in  the  Muséum  of  the  R.  Collège 
of  Surgeons  of  London,  1838,  t.  IV,  pi.  60. 

(c)  Carus,  Traité  d'anatomie  comparée,  Irad.  par  Jourdan,  1835,  t.  II,  p.  396. 

((/)  Vogt  et  Agassiz,  Anatomie  des  Salmones  p.  76  (cxirait  des  Mém.  de  la  Société  des  se.  nat. 
de  Neuchdtel,  t.  III). 

(e)  Cuvier  et  Valenciennes,  Histoire  naturelle  des  Passons,  t.  XXI,  p.  128. 


AI'PAUEIL    l)E    L\    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  4/j9 

la  cavité  abdominale  en  comniunicalion  avec  l'extérieur,  et  qni 
livrent  passage  aux  œufs,  affectent  la  forme  de  deux  canaux 
très-courts  qui  se  réunissent  enire  eux  pour  déboucher  au 
dehors  par  un  pore  unique  et  médian  situé  derrière  l'anus  (1  j. 
Il  est  aussi  à  noter  que  chez  ces  Poissons  la  portion  du  sac 
péritonéal  qui  reçoit  les  œufs  pour  les  transporter  au  dehors 
est  revêtue  d'un  épithélium  vibratile  (2),  disposition  qui  n'existe 
pas  chez  les  espèces  où  l'appareil  de  la  génération  est  pourvu 
de  conduits  excréteurs  propres. 

Chez  les  Éperlans,  un  repli  du  péritoine,  qui  ressemble  à  un 
ligament,  se  détache  de  l'ovaire  de  façon  à  circonscrire  entre  la 
face  externe  de  cet  organe  et  la  portion  adjacente  de  la  paroi 
abdominale  un  espace  destiné  spécialement  à  recevoir  les  œufs 
et  à  les  conduire  vers  le  pore  abdominal  (3),  disposition  qui 

(1)  Cet  orifice  est  pratiqué  dans  une  la  portion  de  la  cavité  abdominale  où 
grosse  papille  conique  qui  se  trouve  lesœufs  peuvent  arriver,  a  été  constatée 
derrière  l'anus,  et  qui  contient  aussi  chez  les  Salraonespar  M.  Vogt  (c). 
l'ouverture  des  voies  urinaircs  (a).  (3)  La  constatation  de  cette  particu- 

Les  ovaires  ,   comme  d'ordinaire ,  larité  anatomique   chez  les  Salraones 

sont  au  nombre  de  deux  et  s'étendent  du  genre  Osmerus,  ou  Éperlan,  est  due 

depuis  la  tête  jusqu'à  l'anus.  Ilsconsis-  à  llathke  {Op.  cit.,  t.  11,  p.  259). 

tent  en  une  multitude  de  feuillets  ovi-  Chez   la  Loche  {Cobilis  fossilis),  il 

fères    disposés    transversalement    et  existe  une  disposition  analogue.  L'o- 

fixés,  par  leur  base  seulement,  siunm  vaire  est  creusé  de  façon  à  constituer 

repli  du  péritoine  qui  les  laisse  libres  luie  gouttière  dont  les  bords  se  réu- 

dans  le  reste  de  leur  étendue  (6),  au  nissentàla  paroi  de  l'abdomen,  etcir- 

Heu  de  lesrecouvrir  entièrement  comme  conscrivent  ainsi  un  espace  qui  rem- 

chez  les  Poissons  où  cette  membrane  plit  les  fonctions  d'un  oviducte  {d). 

constitue,  pour  chaque  ovaire,  une  tu-  Chez  VAcanlhopsis  tœnia,  l'oviducte 

nique  complète  en  forme  de  sac.  est  également  incomplet,  et  n'est  re- 

(2)  L'existence  de  ces  cils  vibratiles  présenté  que  par  un  repli  du  péri- 
à  la  surface  du  péritoine,  dans  toute  toine  (e). 

(a)  Carus  et  Otto,  Tabiûce  Analomiain  compavalivam  illustrantes,  pars  v,  pi.  4,  fig,  3,  i,  5. 
(/))  Exemples  :  Sahno  fario  ;  voy.  Carus  et  Oito,  Op.  cit.,  pi.  4,  Rg.  2  et  3. 

—  Coregonus  palea  ;  voy.  Vogt  et  Pappenheini,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  1859, 
t.  XI,  p.  350,  pi.  9,  fig.  6j. 

(c)  Açrassiz  et  Vogt,  Anatêmie  des  Salmones,  p.  8G. 

—  Vogt  et  Pappenheini,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,   1859,  série  4,  1.  M,  p.  3G0). 

(d)  Hyril,  Beitràge  zur  Morphologie  der  Urogenital-Organe  der  Fische[Deitkschri(t.  der  Wiener 
.ikad,,  1850,  t.  I,  p.  404). 

(e)  HyrlI,  toc.  cit.,  [\  404. 


ÛSO  REPRODUCTION. 

semble  être  un  aeheminement  vers  le  mode  d'organisation  qui 
est  dominant  dans  la  classe  des  Poissons. 

En  effet,  ehez  la  plupart  des  Poissons  osseux,  le  prolongc- 
ovaiics     ment  péritoncal  qui  donne  attache  aux  appendices  foliacés  dont 


dos 


Poissons  osseux  l'ovaire  est  composé  se  prolonge  en  dessous,  puis  en  dehors 

ordinaires.  ,  •       i      ,  \ ,  ^  i  ^   , 

et  en  haut,  de  taçon  a  recouvrn^  de  tous  cotes  ces  lames  et  a  les 
renfermer  dans  une  poche  membraneuse.  Chaque  ovaire,  con- 
sidéré dans  son  ensemble,  représente  alors  un  sac  dont  les 
parois  sont  garnies  intérieurement  par  les  appendices  ovifères 
qui  sont  à  nu  chez  les  Gyclostomes  et  les  Salmones,  et  dont  la 
cavité,  subdivisée  latéralement  en  petites  loges  par  ces  replis 
fohacés,  reste  libre  au  centre  et  y  constitue  un  réservoir  où  les 
œufs  tombent  lorsqu'ils  se  détachent  du  tissu  ovigénique. 
Le  sac  ainsi  formé  est  clos  dans  presque  toute  son  étendue; 
mais  en  arrière  il  se  prolonge  jusqu'aux  bords  de  l'orifice  excré- 
teur, et  communique  avec  le  dehors  par  l'intermédiaire  de  cette 
ouverture.  Par  suite  de  cette  disposition,  qui  est  comparable 
aux  effets  résultant  d'un  reploiement  de  la  bande  ovarique  sur 
elle-même  et  de  la  jonction  du  bord  inférieur  et  libre  de  celle- 
ci  avec  son  bord  rachidien  et  fixe,  l'ovaire,  au  lieu  d'être  une 
glande  pleine,  devient  un  organe  creux,  et  sa  cavité,  en  débou- 
chant au  dehors,  devient  un  oviducte,  c'est-à-dire  un  conduit 
évacuateur  servant  à  la  sortie  des  œufs.  Ce  conduit  est  donc 
formé  par  la  portion  terminale  de  l'ovaire  lui-même,  et  il  ne 
devient  distinct  de  la  portion  ovigénique  de  cet  organe  que 
lorsqu'il  se  prolonge  plus  ou  moins  loin  au  delà  du  point  où  le 
stroma  ovigénique  cesse  de  tapisser  les  parois  du  sac  membra- 
neux commun  à  la  partie  productrice  et  à  la  partie  évacuatrice 
de  l'appareil. 

Ce  mode  d'organisation  est  facile  à  reconnaître  lorsque  les 
feuillets  ovigènes  sont  peu  nombreux  et  le  sac  ovarien  grand, 
ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Blennies,  où  aucune  ligne  de 
démarcation  ne  sépare  entre  elles  la  portion  élargie  et  réceptacu- 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  ftSI 

lairc  de  ce  sac  et  sa  partie  vestibiilaire.  L'organe  entier  res- 
semble alors  à  une  vessie  dont  le  col  constituerait  l'oviducte,  et 
dont  le  fond  serait  garni  latéralement  de  replis  ovifèrcs  (1). 

Chez  d'autres  espèces,  la  séparation  est  plus  tranchée,  et  le 
col  du  sac  ovarien,  venant  à  s'allonger,  prend  la  forme  d'un 
tube  évacuateur;  l'oviducte  est  alors  bien  caractérisé,  et  parfois 
sa  structure  se  compHque  d'une  manière  remarquable  (2). 

Les  principales  différences  que  l'on  rencontre  dans  le  mode 
d'organisation  de  l'appareil  femelle  des  Poissons  osseux  dépen- 
dent du  degré  de  coalescence  des  deux  moitiés  de  cet  appareil 
sur  le  plan  médian,  du  point  où  l'oviducte  se  sépare  de  l'ovaire 
et  des  divers  degrés  de  perfectionnement  que  ce  conduit  excré- 
teur peut  offrir. 

Chez  quelques-uns  de  ces  Animaux,  l'ovaire  et  ses  dépen- 
dances avortent  d'un  côté  du  corps,  en  sorte  que  l'appareil 
femelle,  devenu  impair  et  asymétrique,  se  trouve  rejeté  d'un 
seul  côté  de  l'abdomen  :  par  exemple,  chez  la  Perche  fîu- 
viatile  (3),  la  Blennie  vivipare  et  le  Gunnel,  ou  Centronotus 
gunnellus  (4).  Dans  d'autres  espèces,  les  ovaires,  sans  man- 
quer complètement  d'un  côté,  sont  très-inégaux,  et  l'un  d'eux 


(Ij  Chez  le  Blennius  gattorugine,  gueiir  de  l'abdomen,  à  côté  de  l'intes- 
es  sacs  ovariens  sont  grands,  mais  ne  tin  à  gauche  ;  mais  il  ne  renferme 
renferment  qii'mi  peiit  nombre  de  plis  qu'mie  vingtaine  de  feuillets  ovigères, 
et  de  rugosités  ovigères  qui  sont  dis-  lesquels  sont  disposés  transversale- 
posés  longitudinale^ient  (a),  ment.  Le  col  de  ce  sac,  qui  constitue 

(2)  Chez  quelques  Poissons,  les  re-  l'oviducte,  est  très-court  et  va  débou- 
plis  ovifères  sont  multilobés  et  très-  cher  directement  au  dehors  par  un 
nombreux  (6).  orifice  particulier  situé  entre  l'anus  et 

(3)  L'ovaire  de  la  Perche  fluviatile  l'ouverture  urinaire  (c). 

constitue  mi  énorme  sac  membraneux  (/i)  Chez  YOphidium  barbatum  {d], 

qui  s'étend  dans  presque  toute  la  Ion  -  et  chez  les  Zoarces,  ou  Blennius  vivi- 


{a)  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,i'  série,  l.  XI,  p.  358,  pi.  1  B,  flg.  5). 

(b)  Par  exemple,  chez  V Orthagoriscus  mola  ;  voyez  Home,  Lectures  on  Goinp.  Anat.,  t.  V!, 
pi.  51,fig.  1. 

(c)  Ciivier,  Histoire  naturelle  des  Poissons,  1. 1,  pi.  8,  lig.  1  et  2. 

{d)  Hyrtl,  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne,  1850,  1. 1,  p.  407,  pi.  53,  fig.  lO. 


/i5'2  RliPKODUCTiON. 

est  réduit  à  l'état  rudimentiiire,  ainsi  que  cela  se  voit  chez 
l'Auxide  commune,  dans  la  famille  des  Scombéroïdes,  et  chez 
le  Mormyre  (1). 

En  général,  les  deux  moitiés  de  l'appareil  se  développent  à 
peu  près  également  et  ne  se  réunissent  que  dans  leur  portion 
terminale;  quelquefois  même  elles  restent  séparées  dans  toule 
leur  longueur,  et  des  différences  de  cet  ordre  se  rencontrent 
parfois  chez  des  Poissons  qui  appartiennent  à  une  même  fa- 
mille (2).  Il  est  aussi  à  noter  que  souvent  les  oviductes,  au  lieu  de 
s'ouvrir  directement  au  dehors  par  un  pore  génital  particulier, 


parus  (a),  l'ovaire  est  unique,  mais 
symétrique. 

L'ovaire  de  la  Pœcilie  de  Surinam, 
qui  consiste  en  un  grand  sac  memljra- 
neux  garni  intérieurement  d'appendi- 
ces ovigères  foliacés,  et  communiquant 
au  dehors  par  un  col  (ou  oviducte) 
court  et  large,  a  été  décrit  par  Duver- 
noy  comme  présentant  aussi  ce  carac- 
tère anormal  [b].  Mais  M.  Hyrll  a 
trouvé  que  cet  organe  est  divisé  en- 
tièrement en  deux  loges  par  une  cloi- 
son horizontale  (c). 

On  connaît  phisiears  autres  Poissons 
chez  lesquels  les  ovaires  constituent  une 
seule  masse  impaire,  mais  en  général 
on  y  aperçoit  alors  des  traces  plus 
ou  moins  évidentes  de  la  réunion  de 
deux  organes:  ainsi,  chez  le  BaUstes 
tomentosus,  l'ovaire,  quoique  simple, 


est  échancré  à  son  extrémité  anté- 
rieure, et  chez  la  Loche  franche  {Cobi- 
tis  barbatula),  où  cet  organe  n'existe 
que  du  côté  droit ,  on  remarque,  à  sa 
partie  antérieure,  une  fissure  (d). 

(1)  M.  Hyrtl  a  trouvé  l'ovaire  gau- 
che bien  développé,  et  celui  du  côté 
droit  presque  rudimentaire  chez 
VAuxis  vulgaris  (e).  Il  a  constaté 
aussi  un  mode  d'organisation  sembla- 
ble chez  le  Mormyriis  oxyrhyn- 
ckus  (/'). 

(2)  Ainsi,  chez  les  Syngnathes,  les 
oviductes  restent  isolés  jusqu'à  leur 
terminaison  dans  le  cloaque  (g)  ;  mais 
chez  les  Hippocampes,  qui  en  sont 
très-voisins,  ces  deux  conduits  s'ana- 
stomosent de  la  manière  ordinaire, 
pour  déboucher  dans  l'orifice  situé 
derrière  l'anus  (h). 


(a)  Rallikc,  Bildungs  uiid  Enlwickelungsgeschichte  der  Blennitis  viviparus  {Abhandl.  der  Bild. 
und  Entwick.-Gesch.  des  Menschen  u7id  der  Tliiere,  1833,  t.  II,  p.  4). 

(6)  Duvernoy,  Observations  pour  servir  à  la  connaissance  du  développement  de  la  Pœcilie  de 
Sui'inam  (Ann.  des  sciences  nat.,  3*  série,  ■1844,  t.  I,  p.  313,  pi.  17,  tig.  i). 

(c)  Hyrtl,  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Ar.ad.  de  Vienne,  1850,  I.  I,  p.  406). 

(d)  Idem,  loc.  cit.,  p.  403. 

(e)  Idem,  loc.  cil.,  p.  402,  pi.  53,  lig.  T. 
(/■)  Idem,  loc.  cit.,  pi.  53,  lig.  6. 

—  Forclianimer,  De  Btennil  viviparl  formatione  et  evjlulioiie^  Dorpal,  1810. 
(g)  Owcn,   Lectures  on  the  Comparative  Anatomy  and  Physiol.  of  ihe  Vcriebrate  .Uiimnls 
1840,  p.  289. 

{h)  Vogt  et  Pappciihoim,  Op.  cil.  {Ann.  des  sciences  nat.,  5'  série,  I.  XI,  p.  30(5). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /l53 

débouchent  dans  la  portion  voisine  des  voies  urinaires,  et  qu'il 
n'existe  derrière  l'anus  qu'un  seul  orifice  commun  à  l'appareil 
de  la  reproduction  et  à  l'appareil  rénal  (1). 

Gomme  exemple  de  ce  dernier  mode  de  conformation,  je 
citerai  d'abord  le  Brochet,  chez  lequel  les  deux  ovaires,  situés 
sur  les  côtés  du  tube  digestif,  se  terminent  chacun  par  un  col 
très-court,  et  les  deux  oviductes  ainsi  constitués  se  réunissent 
promptement  pour  former  un  canal  impair  qui  débouche  dans 
un  pore  génito-urinaire  au  devant  de  l'orifice  particulier  des 
voies  urinaires  (2). 

D'autres  fois  les  deux  ovaires  se  réunissent  à  leur  partie 
postérieure  de  façon  à  y  offrir  une  cavité  commune,  disposi- 


(1)  Pour  plus  de  détails  au  sujet  des 
variations  que  Ton  observe  dans  le 
mode  de  terminaison  de  Toviducte, 
je  renverrai  à  un  travail  spécial  de 
M.  Hyrtl  sur  les  organes  génito-uri- 
naires  des  l'oissons,  publié  dans  les 
Mémoires  de  l'Académie  de  Vienne 
(tome  I). 

(2)  Les  oviductes  du  Brochet  sont 
très-courts,  larges  et  plissés.  Le  con- 
duit unique  formé  par  leur  réunion 
n'a  que  quelques  millimètres  de  long, 
et  se  trouve  entre  la  portion  ter- 
minale du  rectum  et  l'uretère  com- 
mun (a). 

Comme  exemple  des  Poissons  chez 
lesquels  Toviducte  débouche  directe- 
ment au  dehors,  en  avant  du  méat  uri- 
naire,  je  citerai  aussi  VAlosa  finta  (6). 

Lorsque  les  oviductes,  au  lieu  d'être 
la  continuation  de  Textrémité  posté- 


rieure de  l'ovaire,  naissent  plus  en 
avant,  leur  caractère  spécial  se  pro- 
nonce davantage.  Ainsi  chez  le  Hareng, 
où  ils  se  séparent  des  ovaires  à  quel- 
que distance  de  l'extrémité  de  ces 
organes,  ils  sont  grêles  et  cylindriques 
dès  leur  origine,  et  constituent,  par 
leur  anastomose  sur  la  ligne  médiane, 
un  oviducte  impair  dont  la  longueur 
est  assez  considérable  (c).  L'oviducte 
terminal  est  très-long  chez  le  Gym- 
note (d). 

Chez  le  Trachinus  draco,  les  ovi- 
ductes naissent  encore  plus  en  avant; 
ils  sedétachent  du  milieude  rovaire(e). 

Il  est  aussi  à  noter  que  chez  quel- 
ques Poissons  la  portion  terminale  de 
l'oviducte  se  prolonge  davantage,  et 
longe  le  bord  antérieur  de  la  nageoire 
anale,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  quel- 
ques Cyprinodontes  {f). 


(a)  LerebouUet,  Recherches  sur  V anatomie  des  organes  génitaux,  pi.  19,  fig.  200,  201  •  pi.  20^ 
fig.  205,  206,  208  (extrait  des  Nouveaux  Actes  de  l'Acad.  des  curieux  de  la  nature,  t.  XXIII). 
(6)  Voyez  Hyrtl,  lac.  cif.,  pi.  5-2,  (\g.  \. 
(c)  Dello  Chiaje,  Miscell.  anat.  pathol.,  t.  I,  pi.  46. 
{d)  Raihke,  Zur  Anat.  der  Fische  (Miiller's  Archiv,  1836,  p.  170). 
(e)  Brandt  et  Raizcburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  8,  fig.  1. 
(/"jSlannius  et  Siebold,  Handbuch  der  Zootoinie,  1854,  t.  I,  p.  272, 


vni. 


34 


[l6!i  REPRODUCTION. 

tion  qui  se  voit  chez  la  Carpe  (1)  et  qui  est  portée  beaucoup 
plus  loin  chez  le  Chabot  (2).  Enfin,  chez  le  Lançon,  ou  Ammo- 
dytes  tobianiis,  la  fusion  des  deux  ovaires  est  si  complète,  que 
le  caractère  binaire  de  l'appareil  peut  être  facilement  mé- 
connu (3).  On  remarque  aussi  des  variations  considérables 
dans  la  forme  générale  des  ovaires;  mais  ces  particularités 
n'offrent  que  peu  d'importance  {li). 


(1)  Les  ovaires  de  la  Carpe  sont 
très-volumineux  quand  les  œufs  sont 
mûrs.  Les  feuillets  ovigères  y  sont 
disposés  transversalement,  et  fixés  à 
la  paroi  du  sac  ovarien  qui  est  en 
rapport  avec  les  intestins  (a).  Posté- 
rieurement, les  deux  sacs  se  confondent 
sur  la  ligne  médiane  pour  former  un 
réservoir  unique  où  les  œufs,  devenus 
libres,  s'accumulent  pour  s'échapper 
ensuite  au  dehors  par  un  col  très-court 
(ou  oviducte)  dont  Forifice  se  trouve 
au  sommet  d'une  papille,  entre  l'anus 
et  le  méat  urinaire  (6). 

(2)  L'appareil  femelle  du  Chabot  ou 
Séchot  {Cottus  gobio,L.)  se  compose 
d'un  ovaire  en  forme  de  sac  profon- 
dément bilobé,  dont  les  deux  divisions 
communiquent  largement  entre  elles, 
et  s'ouvrent  dans  un  oviducte  très- 
court  qui  débouche  derrière  l'anus  par 
un  orifice  uréthro-génital  (c). 


(3)  L'ovaire  unique  du  Lançon  est 
situé  du  côté  droit.  Quelques  anato- 
mistes  le  considèrent  comme  un  or- 
gane impair  (d)  ;  mais  M.  Hyrtl  a 
constaté  que  cet  ovaire  est  eu  réalité 
double,  quoique  ses  deux  moitiés  soient 
confondues  entre  elles  dans  presque 
toute  leur  longueur  (e). 

Chez  la  Fistulaire,  l'ovaire  paraît 
simple  extérieurement,  mais  à  l'inté- 
rieur il  est  divisé  en  deux  parties  par 
une  cloison  verticale  (/"). 

Chez  le  Trachypterus  iris,  l'ovaire 
est  simple  en  avant,  mais  dans  la  por- 
tion moyenne  il  est  divisé  extérieure- 
ment par  une  cloison,  et  en  arrière  ses 
deux  parties  constitutives  deviennent 
tout  à  fait  séparées  et  ont  la  forme  de 
deux  cornes  [g). 

[Il)  Chez  le  Gadus  callarias,  par 
exemple,  les  ovaires  sont  froncés  d'une 
manière  très-remarquable  (/i). 


(a)  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  [Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  t.  XI,  p.  ^54,  pi.  13, 
fig.  2). 

(6)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.  (Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  XIV,  p.  130, 
pi.  13,  fig.  1). 

(c)  Prévost,  De  la  génération  chez  le  Séchot  {Ann.  des  sciences  nat.,  1830,  t.  XIX,  p.  167, 
pi.  1,  fig.  5). 

{d)  Rathke,  Uebei'  die  Geschlechtstheile  der  Fische  (Beitr.  %ur  Geschichte  der  Thierwelt,  t.  II, 
p.  132). 

(e)  Hyrtl,  Beitrdge  zur  Morphologie  der  Urogenital- Organe  der  Fische  { Denkschriften  der 
Wiener  Akad.,  1850,  1. 1,  p.  403). 

(f)  Hyrtl,  Op.  cit.,  p.  406. 

{g)  Hyrtl,  loc.  cit.,  pi.  53,  fig.  9. 

(h)  Rathke,  Op.  cit.  {Beitr.  %ur  Geschichte  der  Thierwelt,  t.  Il,  pi.  5,  fig.  2). 


APPAREIL    DE   LA    GÉNÉHATION    CES   POISSONS.  /l55 

Chez  les  Poissons  les  plus  élevés  en  organisation,  c'est-à- Appareil femciic 

des 

dire  chez  les  Plagiostomes,  il  y  a  aussi  un  canal  particuher  pour  riapiosion.es, 
le  transport  des  œufs  développés  dans  l'ovaire  ;  nnais  la  division 
du  travail  physiologique  est  portée  plus  loin   que  chez  les 
Poissons  osseux,  car  l'oviducte,  au  lieu  d'être  une  portion  de 
la  glande  ovigénique,  est  constitué  par  un  conduit  qui  en  est 
indépendant  et  qui  est  un  organe  surajouté  à  ceux  que  nous 
venons  de  passer  en  revue.  Ici  les  œufs  se  détachent  de  la 
surface  externe  des  ovaires  comme  chez  les  Cyclostomes  ;  ils 
arrivent  par  conséquent  dans  la  cavité  abdominale,  et,  au  pre- 
mier abord,  on  pourrait  supposer  que  les  oviductes  destinés  à 
les  recueillir  pour  les  transporter  au  dehors  ne  sont  autre  chose 
que  les  pores  abdominaux  prolongés  et  perfectionnés  ;  mais  la    - 
disposition  des  parties  prouve  qu'il  n'en  est  pas  ainsi,  et  que  les 
canaux  ovifères  ne  sont  pas  les  analogues  des  orifices  en  ques- 
tion. Effectivement,  ces  parties  coexistent  souvent  chez  le  même 
individu  (1).  Ainsi,  chez  les  Esturgeons,  qui,  à  beaucoup  d'é-   Esiurgcons. 
gards,  établissent  le  passage  entre  les  Plagiostomes  et  les  Pois- 
sons osseux,  la  cavité  péritonéale  communique  avec  l'extérieur 
par  un  pore  situé  de  chaque  côté  de  l'anus;  mais  les  œufs  ne  sui- 
vent pas  cette  route,  et  pénètrent  dans  un  tube  évasé  antérieure- 
ment en  forme  d'entonnoir,  qui  naît  de  chaque  côté  du  corps, 
vers  le  tiers  postérieur  de  la  cavité  abdominale,  et  va  se  terminer 
dans  le  canal  urinaire,  à  peu  de  distance  de  l'anus.  Ce  canal  est 
ainsi  mis  à  contribution  pour  le  service  de  la  reproduction  (2)  ; 


(1)  Chez  les  Raies,  par  exemple,  où  qui  a  signalé  aussi,  à  remboucliure  de 
les  oviductes  sont  parfaitement  consti-  ces  tubes  dans  l'urèthre,  la  pi'ésence 
tués,  les  orifices  péritonéaux  sont  très-  d'une  valvule  qui  s'oppose  au  passage 
développés  dans  les  deux  sexes  (a).  des  liquides  de  ce  dernier  canal  dans 

(2)  L'existence  de  ces  oviductes  chez  leur  intérieur.  La  coexistence  des  ovi- 
l'Esturgeon  a  été  constatée  par  Rathke,  ductes  et  des  pores  abdominaux  a  été 

(a)  Voyez  Vogt  et  Pappenlieira,  Op,  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4'  série,  t.  XII,  pi,  3,  fig.  1 
et  2). 


456  REPRODUCTION. 

mais  l'oviducte  n'y  débouche  pas  toujours;  quelquefois  on 
trouve  ce  dernier  tube  terminé  en  cul-de-sac,  et  la  communica- 
.  tion  ne  s'établit  probablement  que  vers  l'époque  de  la  ponte  (1). 
Il  est  aussi  à  noter  que  les  parties  de  la  cavité  péritonéale  qui 
avoisinent  les  ovaires,  ainsi  que  les  parois  des  oviducles,  sont 
garnies  d'un  épithélium  vibratile,  et  que  le  mouvement  ciliaire 
qui  s'y  manifeste  sert  à  transporter  les  œufs  jusque  dans  le 
canal  génito-urinaire. 
polyptêre.  Chcz  Ic  Polyptèrc,  les  pores  abdominaux  n'existent  plus,  et 
les  oviductes,  au  lieu  de  se  rendre  dans  l'uretère,  longent  ce 
canal  jusque  dans  le  voisinage  du  méat  génito-urinaire,  qui  est 
situé  comme  d'ordinaire  derrière  l'anus  (2). 
piagiosiomes.  Dans  l'ordrc  des  Plagiostomes,  les  ovaires  sont  beaucoup 
moins  volumineux  que  chez  les  Cyclostomes  et  les  Poissons 
osseux.  Ils  ne  consistent  qu'en  une  petite  masse  de  stroma 
aréolaire  recouverte  d'une  tunique  fibreuse,  et  fixée  à  la  voûte 
de  la  cavité  abdominale,  sur  les  côtés  de  l'œsophage,  au  moyen 
d'un  repli  du  péritoine.  Lorsque  les  œufs  n'y  sont  que  peu 
développés,  ces  organes  ont  la  forme  d'une  plaque  épaisse  et 
ovalaire  ;  mais  à  une  époque  plus  avancée  du  travail  génésique, 

bien  indiquée  par  M.  Mayer,  et  l'on  avec  Tiirèthre  a  été  souvent  constaté 

trouve  une  bonne  figure  de  ces  ca-  par  J.  Millier  (c). 
naux  dans  l'ouvrage  de  MM.   Brandt  (2)  Les  ovaires  du    Polyptêre   ont 

et  Ratzeburg  {a).  chacun  la  forme  d'une  longue  bande 

Chez   la    Spatulaire   ou  Polyodon  fixée  à  un  repli  du  péritoine,  en  avant 

feuille,  les  pores  abdominaux  et  l'ori-  des  reins.  Les  oviductes  s'ouvrent  dans 

fice    uréthro  -  génital    sont    disposés  la  cavité  abdominale  par  une   large 

comme  chez  l'Esturgeon  (6).  fente  transversale  située  à  quelques 

(1)  Le  fait  de  l'occlusion  des  ovi-  pouces  de  l'anus,  près  de  l'extrémité 

ductes  dans  leur  point  de   jonction  postérieure  du  mésentère  ovarien  {d). 

{a)  Ratlilie,  Beitrage  zur  Gesehichte  der  Thierwelt,  1824,  t.  II,  p.  124. 

—  Mayer,  Analecten  fur  vergleichende  Anatomie,  1835,  p.  18. 

—  Brand  iind  Ralzeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  4,  fig-.  5. 

(6)  Ail).  Wagner,  De  Spatulariarum  anatome  (dissert,  inaug.).  Berolini,  p.  13,  Gg.  5. 

(c)  Millier,  Ueber  den  Bau  und  die  Grenxen  der  Ganoïden  (Erichson's  Archiv  fur  Nalur- 
geschichte,  1845,  p.  108). 

(d)  J.  Millier,  lac.  cit. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /j57 

ils  deviennent  inégalement  bossues  par  la  présence  de  ces 
corps  dans  leur  épaisseur,  cl  chez  plusieurs  des  Animaux  de  ce 
groupe,  ces  modifications  ne  se  manifestent  que  d'un  seul  côté, 
de  sorte  qu'il  ne  paraît  y  avoir  alors  qu'une  seule  glande  ovigère 
impair  et  asymétrique  :  par  exemple,  chez  divers  Squales  des 
genres  Scyllium^  Carcharias,  Saphyrna,  Galeus  et  Muslelus  (1  ) . 

Chez  les  Chimères  (2),  aussi  bien  que  chez  les  Plagiostomes,  ciiimères,  etc. 
les  oviducles  sont  toujours  pairs  et  très-développés  (3);  en 
avant  ils  sont  fort  rapprochés,  et  ils  ont  une  entrée  commune 
qui  se  trouve  à  la  partie  antérieure  de  l'abdomen,  sur  la  ligne 
médiane,  au-dessus  du  foie  et  en  avant  des  ovaires.  Cette 
embouchure,  qui  est  évasée  et  qui  a  reçu  le  nom  éo  pavillon, 
est  rendue  béante  par  des  brides  péritonéales  (k).  Les  oviductes 
se  portent  ensuite  en  dehors,  puis  en  arrière,  en  suivant  les 
parois  de  la  cavité  abdominale ,  et  ils  vont  s'ouvrir  derrière 
l'anus,  sur  les  côtés  du  cloaque. 

Ces  conduits  sont  formés  par  une  membrane  muqueuse,  et     ovidccte 

des 

dans  leur  portion  antérieure  cette  tunique  est  revêtue  d  un  piagiostomes. 
épithélium  vibratile  ;  mais  dans  leur  portion  moyenne  et  ter- 

(1)  Comme  exemple  de  Squales  à  (3)  Diivernoy  pensait  que  les  espèces 
ovaires  symétriques,  je  citerai  l'Aiguil-  vivipares  n'étaient  pourvues  que  d'un 
lat,  ou  Spinax  acanthias  (a).                   seul  oviducte  (c),  mais  il  n'en  est  pas 

Chez  les  Sélaciens  à   ovaires  asy-  ainsi, 
métriques,  c'est  en  général  du  côté  ih)  Cette  disposition  a  été  très-bien 

droit  que  le  développement  des  ovules  représentée  chez  la  Raie,  par  Monro  ; 

a  lieu.  chez  les  Myliobates,  les  Mustèles,  les 

(2)  MM.  Carus  et  Otto  ont  donné  Ptéroplatées  et  la  Squatine  ,  par 
une  très-bonne  figure  de  l'appareil  M.  Bruch  ;  chez  l'Acanthias ,  par 
femelle  de  la  Chimère  antique  (6).  Hunter,  Home,  etc.  (d). 

(a)  Voyez  Treviranus,  Beitrâge  %ur  nâhren  Kenntniss  der  Zeugungstheile  und  der  Forlpflan' 
zung  der  Fische  {Zeitschrift  fur  PhijKiologie,  1826,  t.  II,  p.  3,  pi.  3,  fig'.  3). 

(6)  Carus  et  Otto,  Tabtdœ  Anatomiam  comparativam  illuslranles ,  pars  v,  pi.  4,  fig.  2. 

(c)  Cuvier,  Anatomie  comparée,  i°  édit.,  t.  VIII,  p.  89. 

{d)  Monro,  The  Structure  and  Physiology  of  Fishes,  1785,  pi.  2. 

—  Bruch,  Etudes  stir  l'appareil  de  la  génération  chez  les  Sélaciens,  thèse.  Strasbourg,  1860, 
pi.  4,  5  et  6. 

—  Hunter,  voyez  Descript.  Catalogue  of  the  Plujsiol.  Séries  in  the  Muséum  of  the  Collège  of 
Surgeons,  t.  IV,  pi.  62. 

—  Home,  Lectures  on  Comparative  Anatomy,  t.  IV,  pi.  139. 

—  Rymer  Jones,  art.  PiscES  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and.  Phijsiol,  U  III,  p.  1009,  ûg.  538. 


/l58  REPRODUCTION. 

minale  on  n'y  trouve  plus  de  cils,  et  la  structure  de  leurs  parois  ' 
se  complique  davantage,  car,  indépendamment  de  leurs  fonc- 
tions principales,  ces  organes  ont  un  nouveau  rôle  à  remplir. 
En  effet,  ces  oviducles  sont  destinés  à  fournir  aux  œufs  qui  les 
traversent  des  parties  complémentaires,  et  dans  ce  but  ils  sont 
pourvus  d'instruments  sécréteurs.  Enfin,  chez  plusieurs  Pla- 
giostomes,  ils  deviennent  des  réservoirs  incubateurs,  et  alors 
leur  portion  terminale  se  dilate  en  une  poche  qui  a  reçu  le 
nom  d'utérus  (i). 

La  portion  glandulaire  del'oviducte  est  épaisse,  et  renferme 
dans  la  substance  de  ses  parois  une  multitude  de  petits  tubes 
sécréteurs  terminés  en  cul-de-sac  à  leur  extrémité  périphérique 
et  débouchant  dans  sa  cavité  par  leur  extrémité  opposée.  Elle 
est  très-développée  chez  les  Raies.  Sa  forme  varie  suivant  les 
espèces  :  chez  les  Acanthias,  elle  est  annulaire  ;  chez  les 
Squales  à  membrane  nictitante,  elle  se  développe  en  deux 
appendices  coniques  et  contournés  en  hélice  ;  chez  les  Rhino- 
bates,  elle  est  cordiforme  ;  chez  les  Raies,  elle  est  bilobée.  Un 
repli  membraneux,  disposé  en  manière  de  valvule,  la  sépare 
de  l'utérus  (2). 

(1)  La  portion  réceptacnlaire  de  de  VoviducU,  est  déjà  apparente  avant 
l'oviducte  se  développe  beaucoup  chez  l'éclosion  du  jeune  animal,  mais  elle 
les  espèces  vivipares,  telles  que  le  variebeaucoup,quantàsesdimensions, 
Spinax  acanthias  (a)  et  le  Pteropla-  suivant  les  saisons.  Elle  se  renfle  bras- 
tea  altavela  (6),  tandis  que  la  portion  quement,  mais  cet  élargissement  n'est 
glandulaire  est  très-réduite.  On  remar-  dû  qu'à  l'épaisseur  de  ses  parois,  car 
que  à  sa  paroi  interne  une  multitude  sa  cavité  est  plus  étroite  que  celle  des 
de  plis  froncés  ou  de  villosités  (c).  parties  adjacentes  du  même  conduit, 

(2)  Cette  portion  glandulaire  du  tube  Sa  surface  interne  présente  des  zones 
ovifère  que  les  anatomistes  désignent  dont  l'aspect  diffère,  et  ces  variations 
généralement  sous  le  nom  de  glande      sont  dues  principalement  à  la  disposi- 

(a)  Voyez  Treviranus,  Op.  cit.  {Zeitsclirift  fur  Physiol.,  t.  II,  pi.  3,  fig.  3). 

—  Hunter,  dans  le  Catalogue  descriptif  du  musée  des  chirurgiens  de  Londres  {Physiological 
Séries,  t.  IV,  pi.  62). 

—  Owen,  Lectures  on  the  Comp.  Anat.  and  Physiol.  ofthe  Vertébrale  Animais,  1846,  p.  290, 
fig.  (d'après  Hunter). 

(b)  Bruch,  Etudes  sur  l'appareil  de  la  génération  chex.  les  Sélaciens ,  p.  59,  pi.  10,  fig.  i 

(c)  Leydig,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  518,  fig.  253. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /Ï59 

S  3.  —  Les  ovaires  des  Poissons  sont  revêtus  d'une  tunique     structure 

^  ^  de  l'ovaire. 

propre  formée  par  une  membrane  tres-minee,  de  texture 
fibreuse  (1),  et,  de  môme  que  chez  les  autres  Vertébrés,  leur 
substance  est  constituée  par  un  tissu  particulier  nommé 
stroma.  Celui-ci  se  compose  de  fibrilles  analogues  à  celles  du 
tissu  conjonctif  ordinaire,  entre  les  mailles  duquel  se  trouve 
une  matière  granuleuse,  et  il  constitue  une  sorte  de  gangue 
au  sein  de  laquelle  les  œufs  prennent  naissance.  Ces  corps  Développement 

'  '■  et  structure 

repi^oducteurs  sont  toujours  de  deux  sortes  :  les  uns,  plus  ou       des 

'^  "  „,  ovules. 

moins  avancés  vers  l'état  de  maturité,  constitueront  la  ponte 
prochaine  ;  les  autres,  plus  petits  et  dans  un  état  d'inactivité 
temporaire,  se  développeront  après  la  chute  des  premiers  et 
formeront  une  ponte  ultérieure.  Chez  les  Poissons  de  l'ordre 
des  Plagiostomes,  les  œufs  en  voie  de  maturation  sont  peu 
nombreux  et  font  saillie  à  la  surface  de  l'ovaire;  mais,  chez 
les  Poissons  osseux,  le  nombre  en  est  souvent  extrêmement 
élevé.  Ainsi  on  évalue  à  plus  de  300  000  le  nombre  des  œufs 
contenus  dans  les  ovaires  d'une  Carpe  de  forte  taille,  et, 
d'après  les  calculs  de  Leeuwenhoek ,  la  Morue  en  aurait  plus 
de  9  millions  (2). 


tion  des  canalicules  sécréteurs  (a).  (1)  Chez  les  Poissons  osseux,  on  a 
Ceux-ci  sont  très-tins  et  serrés  les  uns  constaté  l'existence  de  fibres  muscu- 
contre  les  autres  (6).  laires  lisses  dans  cette  tunique  ,  et 
Chez  la  Torpille,  la  portion  glaiidu-  même  dans  le  stroma,  chez  le  Salmo 
laire  de  Toviducte  est  très-peu  déve-  salvellinus  (d). 
loppée,  mais  la  portion  subterminale  (2)  Chez  une  Carpe  d'environ  50  cen- 
sé dilate  de  façon  à  constituer  une  timètres  de  long,  Petit  trouva  que  les 
grande  poche  incubatrice  dont  les  pa-  ovaires  pesaient  8  onces  2  gros,  c'est- 
rois  sont  très-villeuses  (c).  à-dire  près  [de  253  grammes,  et  que 


(a)  Vogt  et  Pappenheim,   Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4*  série,  1859,  t.  XII,  p.  118, 
pi.  3,  fig.  i). 

(b)  3.  Millier,  De  glandtilarum  secernentium  structura  peiiitiori,  1830,  pi.  2,  fig.  14  et  15. 

(c)  J.  Davy,  An  Account  of  sortie  Experiments  and  Observations  on  tlie  Torpédo  (Researches 
Physiological  and  Anatomical,  1829,  t.  I,  p.  55,  pi.  2,  fig.  1,  2  et  3). 

—  Délie  Chia]e,  MisccUanea  anatomico-pathologica,  1. 1,  pi.  43,  fig.  1. 

(d)  Par  exemple,   chez  le  Brochet,  la  Perche  de  rivière  ;  voy.  Leydig,  Lehrbuch  der  Histologie, 
p.  508. 


/i60  REPRODUCTION. 

Formaiion  Lgs  œul's,  Cil  SG  dévoloppant  dans  la  substance  de  l'ovaire, 
œufs.  ne  sont  formés  d'abord  que  par  la  sphère  vitelline  et  la  vcsi- 
-  culc  germinative.  Celle-ci  est  très-grosse  relativement  au 
volume  total  de  l'ovule,  et  dans  les  premiers  temps  elle  ne 
renferme  qu'un  liquide  incolore  tenant  en  suspension  une 
matière  granuleuse  très-fine;  mais,  par  les  progrès  de  son 
développement,  elle  se  charge  de  corpuscules  globuleux  et 
brillants  qui  constituent  les  taches  dites  germinatives,  et  qui 
augmentent  en  volume  aussi  bien  qu'en  nombre  jusqu'à  ce 
qu'ils  remplissent  complètement  la  cavité  de  cette  utricule.  Ces 
corpuscules  offrent  plus  tard  l'aspect  de  cellules ,  et  des 
nucléoles  se  montrent  dans  leur  intérieur  (1).  Le  vitellus  se 
compose  d'abord  d'un  liquide  diaphane  tenant  en  suspension 
quelques  corpuscules  albuminoïdes  qui  ne  deviennent  visibles 
que  par  l'effet  de  la  coagulation  ;  puis  des  vésicules  graisseuses  s'y 
forment  autour  de  la  vésicule  germinahve,  grossissent,  se  multi- 
plient et  se  transforment  en  cellules  granuleuses.  Chez  quelques 
Poissons,  la  Truite,  par  exemple,  la  sphère  vitelline  se  rempht  de 
ces  globules  huileux  seulement;  mais  dans  d'autres  espèces, 
telles  que  le  Brochet  et  la  Perche,  il  s'y  développe  aussi  des 

pour  faire  équilibre  au  poids  de  1  grain  167  200  chez  une  Carpe  ;  1G5  /lOO  chez 
(ou  53minigrammes),il  fallait 71  ou  72  un  Brochet,  et  1 167  856  chez  un  Es- 
œufs  ;  il  en  conclut  que  le  nombre  des  turgeon  (c). 

œufs  devait  être  d'environ  3/i2  l/i/i  (o).  (1)  Il  est  aussi  à  noter  que  pendant 
Leeuwenhoeck  estima  à  211629  le  la  période  dont  il  est  ici  question,  la 
nombre  des  œufs  chez  un  Poisson  de  vésicule  germinative  augmente  de  di- 
la  même  espèce,  et  à  9  3/i/i000  le  mension  à  mesure  que  l'ovule  grossit, 
nombre  des  œufs  qui  pouvaient  être  et  qu'elle  se  trouve  d'abord  rappro- 
contenus  dans  les  ovaires  d'une  seule  chée  de  la  surface  du  globe  vi tel- 
Morue  (6).  Cuvier  trouva  environ  lin,  dont  elle  occupe  plus  tard  le 
69  000  œufs  chez  une  Perche  fluviatile;  centre  {d). 

(a)  Petit,  Histoire  de  la  Carpe  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1733,  p.  209). 
(6)  Leeuwenhoeck ,  Epistola:  p]njsiologir.œ  super  compluribus  Naturœ  arcanis,  p.  188  {Op., 
t.  IV,  1719). 

(c)  Cuvier,  Leçons  d'analomie  comparée,  2*  édit.,  t.  VIII,  p.  86. 

(d)  Lcreboullet,  Recherches  sur  le  développement  du,  Brochet,  de  la  Perche,  etc.,  p.  20  {Mém. 
de  l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  XVH). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /l61 

globules  d'une  nature  particulière,  qui  se  chargent  de  matières 
colorantes  (1),  et  qui  sont  désignés  sous  le  nom  de  corpuscules 
viteUins.  La  vésicule  germinative  disparaît  bien  avant  que 
l'œuf  soit  arrivé  à  maturité,  et  à  la  suite  de  ce  changement  on 
voit  se  former,  d'un  des  côlés|  du  globe  vitelhn,  un  amas  gra- 
nuleux et  jaunâtre  qui  résulte  de  la  réunion  des  éléments  plas- 
tiques et  nutritifs.  Il  semble  s'opérer  alors  une  sorte  de  départ 
entre  les  divers  éléments  organiques  de  l'œuf,  qui  étaient  pri- 
mitivement mêlés,  et  qui  se  séparent  en  deux  groupes ,  l'un 
composé  des  parties  simplement  nutritives,  l'autre  formé  prin- 
cipalement des  matériaux  plastiques  destinés  à  jouer  un  rôle 
direct  dans  la  constitution  de  l'embryon,  et  affectant  l'apparence 
d'une  tache  discoïde  analogue  à  celle  dont  j'ai  parlé  dans  une 
précédente  Leçon  sous  le  nom  de  cicatricule  (2). 

L'ovule  naissant  est  libre  au  milieu  du  stroma,  mais  bientôt    Formation 

de 

ce  tissu  se  consolide  de  façon  à  constituer  autour  de  chacun  de     la  coque. 
ces  corps  une  sorte  de  kyste  ou  capsule.  Les  parois  de  cette 
loge,  ou  follicule,  deviennent  très-vasculaires,  et  leur  surface 

(1)   La  couleur  de  ces  œufs  varie  seux  dont  le  nombre  varie  suivant  les 

suivant  les  espèces,   mais  est  en  gé-  espèces,  mais  diminue  à  mesure  que 

néral  peu  intense.  Chez  la  Perche,  ils  la  maturité  de  l'œuf  avance,  et  dont 

sont  verdâtres  ;  chez  le  Brochet,  ils  la  position  dépend  de  celle  de  l'œuf, 

sont  jaunâtres.  leur  faible   pesanteur    spécifique   les 

(^)    Lorsque  ces  œufs  sont  à  peu  faisant  toujours  monter  vers  la  sur- 

près  mûrs,  on  distingue  d'ordinaire  face  (6)  ;  3°  une  couche  superficielle 

dans  le  vitellus  trois  parties,  savoir  :  de  granules    très-fins  et  de  corpus- 

1"  un  liquide  diaphane  visqueux  qui  cules  vésiculaires,  qui,  au  lieu  d'être 

en  occupe  le  centre,  qui  se  trouble  au  libres  comme  les  globules    huileux, 

contact  de  l'eau ,    circonstance   dont  adhèrent  entre  eux  et  constituent  la 

dépend  l'opacité  des  œufs  de  la  Truite  cicatricule.   Pour  plus  de  détails  au 

et  du  Saumon  non  fécondés,  lorsque  sujet    des    éléments    organiques    du 

leur  coque  a  été  déchirée  [a]  ;  2°  de  vitellus  et  des  changements   qui  s'y 

gouttelettes  d'huile  ou  globules  grais-  opèrent  antérieurement  à  la  féconda- 

(a)  Vogt,  Embrijologie  des  Salmones,  p.  12. 

—  Reizius,  Ueber  tien  gvossen  Felltropfen  in  den  Eiern  der  Fische  (Mûller's  Archiv  fur  Anal, 
und  PhijsioL,  iS55,  p.  34). 

(b)  J.  Davy,  Soine  Obscvvalions  on  the  Ova  of  Salmidœ  {Abstracis  of  ■papers  comimmicated  to 
IheR.  Soc.  ofLondon,  1852,  p.  140). 


il62  REPRODUCTION. 

intérieure  se  tapisse  d'une  couche  plus  ou  moins  épaisse  de 
tissu  utriculaire  que  les  ovologistes  désignent  communément 
sous  le  nom  de  membrane  granuleuse.  La  partie  périphérique 
de  cette  enveloppe  disparaît  ensuite,  et,  chez  les  Poissons 
osseux,  la  portion  interne,  après  avoir  subi  dans  sa  texture 
intime  des  modifications  plus  ou  moins  profondes,  devient 
une  des  parties  constitutives  de  l'œuf  (1).  Effectivement,  elle 
en  forme  la  tunique  externe  ou  la  coque. 

La  structure  de  cette  coque,  ou  chorion,  est  plus  complexe 
qu'on  ne  croirait  au  premier  abord.  Souvent  sa  substance  est 
traversée  par  une  multitude  de  canalicules d'une  linesse  extrême 
qui  lui  donnent  un  aspect  ponctué  (2).  D'autres  fois,  elle  est 

tion ,  je  renverrai   aux   travaux   de  (2)    Par    exemple,    chez    la  Palée 

M.  Goste,  de  M.  Lereboullet,  etc.  (a).  {Coregoniis  palea,  Cuv.),  la  coque  de 

Quant  à  la  composition  chimique  des  l'œuf  est  formée  par  une  membrane 

œufs  de  Poissons,  il  en  a  déjà   été  épaisse  et  élastique  qui  présente  un 

question     dans     une    Leçon    précé-  aspect  granuleux  résultant  de  l'exis- 

dente  (b).  tence  d'une  multitude  de  figures  an- 

(1)  D'après  M.  Hâckel,  il  y  aurait  nulaires  d'une  délicatesse  extrême.  On 

parfois  entre  le  vitellus  et  la  membrane  y  aperçoit  aussi  des  points  opaques 

vitelline    une    couche   fibreuse  très-  qui  deviennent  transparents  par  l'ac- 

singulière  ;  il  a  décrit  cette  disposition  tion  de  l'acide  chlorhydrique,  et  qui, 

chez  des  Scom6eresoces(c).  11  est  aussi  paraissant  être  des  tubes  capillaires, 

h  noler  quechezlelYygonpastinaca,  renferment  une  matière  calcaire  (a). 

la  surface  du  globe  vitellin  est  sillonnée  Chez  le  Saumon,  les  canalicules  ver- 

de  façon  à  Offrir  des  circonvolutions  ticaux  de  la  membrane  ponctuée  sont 

nombreuses  (d).  très-bien  caractérisés  (/"). 

(a)  Coste,  Oi'igine  de  la  monstruosité  double  chez  les  Poissons  osseux  IComptes  rendus  de 
l'Acad.  des  sciences,  4  855,  t.  XL,  p.  931). 

—  Lereboullet,  Recherches  sur  le  développement  du  Brochet,  de  la  Perche,  etc.  (Mém.  de 
l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  XVII,  p.  4  0  etsuiv.).  —  Recherches  d'embryologie  com^ 
parée  sur  le  développement  de  la  Truite,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1861,  t.  XVI, 
p.  118  et  suiv.). 

(6)  Voyez  ci-dessus,  p.  325. 

—  Consultez  aussi  :  Radikofer,  Ueber  die  luahre  Natur  der  Dotterplâttchen  {Zeitschr.  fur 
wissensch.  Zool.,  1858,  t.  IX,  p.  529). 

—  F.  de  Filippi,  Zur  nâheren  Kenntniss  der  Dotterkorperchen  der  Fische  (Zeitschr.  fur 
wissensch.  Zool.,  1859,  t.  X,  p.  15). 

(c)  Hackel,  Ueber  die  Eier  der  Scomberesoees  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1855, 
p.  23,  pi.  4  et  5). 

(d)  Hjrtl,  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  508,  fig.  248. 

(e)  Vogt,  Embryologie  des  Salmones,  p.  10,  pi.  1 ,  fig.  1  et  8. 

(f)  Allen  Thompson,  art.  Ovum  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  und  Physiol.,  t.  V,  p.  100,  lig.  67) 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /|63 

comme  veloutée,  disposition  qui  est  due  à  la  présence  d'une 
foule  de  petits  bâtonnets  semblables  à  des  aiguilles  qui  la  lié- 
rissent  (l).  Enfin,  chez  certains  Poissons  osseux,  elle  présente 
des  facettes  très-petites,  et  parfois  on  voit  au  milieu  de  chacune 
de  ces  réticulations  une  ouverture  infundibuliforme  (2).  Sou- 
vent on  trouve  encore,  au-dessous  de  la  coque,  une  seconde 
enveloppe  accessoire,  qui  est  analogue  à  la  membrane  de  la 
coquille  dans  l'œuf  de  la  Poule,  et  qui  peut  avoir,  comme  la 
première,  une  structure  canaliculaire.  Chez  quelques  espèces, 
il  reste  aussi  entre  la  coque  et  la  sphère  vitelline  une  couche 
hyaline  plus  ou  moins  épaisse,  qui  paraît  avoir  une  structure 
homogène  et  qui  constitue  un  albumen  (3). 

Ainsi,  chez  les  Poissons  osseux,  c'est  dans  la  substance  du 
stroma  de  l'ovaire  que  les  œufs  acquièrent  leur  coque  aussi 
bien  que  leur  partie  fondamentale,  c'est-à-dire  la  sphère  vitel- 

(1)  M.  Reicliert  a  décrit  ce  mode  1er  y  a  trouvé  des  canalicules  infundi- 
d'organisation  de  la  coque  de  l'œuf  buliformes  {d).  Les  réticulations  de 
chez  le ,  Leuciscus  erythrophthalmus  cette  membrane  se  voient  à  la  face 
et  le  Chondrosoma  narces  (a).  Chez  interne  de  la  coque  ponctuée  chez  le 
le   Gobius  fluviatilis  ,   les  ^bâtonnets  Brochet  (e). 

sont  disposés  par  groupes  de  formes  (3)  Lorsque  l'œuf  a  séjourné  quelque 
variées;  ils  réfractent  fortement  la  temps  dans  l'eau,  des  phénomènes 
lumière  et  se  détachent  facilement  (6).  d'endosmose  déterminent  souvent  l'ac- 
L'œuf  de  l'Épinoche  (Gasterosteus)  cumulation  d'une  certaine  quantité  de 
présente  d'espace  en  espace,  sur  la  ce  liquide  entre  la  sphère  vitelline  et 
membrane  ponctuée  ou  chorion,  un  la  coque,  de  façon  à  simuler  une  cou- 
nombre  considérable  de  petits  appen-  che  albumineuse  assez  épaisse  (/"),  et 
dices  piriformes  dans  la  partie  de  la  à  donner  naissance  artificiellement  à 
coque  qui  entoure  le  micropyle  (c).  ce  que  les  naturalistes  ont  parfois  dé- 

(2)  Chez  la  Perche  fluviatile,  J.  Miil-  crit  sous  le  nom  de  zone  transparente. 

(a)  Reichert,  Op.  cit.  (Miiller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1856,  p.  95,  pi.  A,  fig.  1). 
(6)  Leydig:,  Lehrbuch  der  Histologie,  1857,  p.  513. 

(c)  Rawson,  Op.  cit.  {Proceedings  of  the  R.  Soc.  of  London,  1854,  t.  VII,  p.  168]. 
—  Allen  Thompson,  loc.  cit.,  p.  101,  fig.  68. 

(d)  S.  Millier,  Veber  zahlreiche  Porencanàle  in  der  Eicapsel  der  Fische  {Archiv  fur  Anat.  und 
Physiol.,  1855,  p.  186,  pi.  8,  ûg.  4). 

(e)  H.  Aubert,  Beitrâge  zur  Entwickelungsgeschichle  der  Fische  (Zeitschr.  fur  wissensch. 
Zoologie,  1854,  t.  V,  p.  94,  pi.  6,  fig.  1). 

if)  LerebouUet,  Recherches  d'embryologie  comparée  sur  le  développement  du  Brochet,  etc. , 
p.  13, 


/l6/j.  REPRODUCTION. 

linc  el  son  contenu.  C'est  après  être  parvenus  à  ce  degré  de 
perfection,  que  ces  corps  rompent  leur  capsule,  et,  devenus 
libres,  tombent  dans  la  cavité  de  l'ovaire,  où  ils  sont  souvent 
enduits  d'un  liquide  glutineux,  mais  n'acquièrent  aucune  tu- 
nique nouvelle. 

Soit  que  la  fécondation  de  l'œuf  ait  lieu  après  la  ponte,  soit 
qu'elle  s'opère  dans  l'intérieur  de  l'organisme,  ainsi  que  cela  a 
lieu  chez  un  petit  nombre  de  Poissons  osseux  qui  sont  vivi- 
pares, ce  corps  reproducteur  est  déjà  entouré  de  sa  coque 
avant  que  d'être  sorti  de  sa  gangue,  et  par  conséquent  on  ne 
comprendrait  pas  comment  les  Spermatozoaires  pourraient  y 
pénétrer,  si  cette  coque  était  complète  dans  toute  son  étendue  ; 
mais  elle  reste  ouverte  sur  un  point,  et  l'orifice  appelé  micro- 
pyle,  qui  est  ainsi  ménagé,  sert  au  passage  de  l'agent  fécondant 
qui  se  rend  dans  la  sphère  vitelline.  L'existence  de  cet  orifice 
fut  constatée  pour  la  première  fois  en  1850,  par  Doyère,  chez  le 
Syngnathe;  mais  cette  découverte  intéressante  ne  fixa  que 
peu  l'attention  des  physiologistes,  et  ce  furent  surtout  les  ob- 
servations de  J.  Millier,  de  M.  Bruch  et  de  M.  Leuckart  qui 
les  éclairèrent  sur  ce  sujet  (1). 

Chez  les  Plagiostomes,  les  choses  ne  se  passent  pas  ainsi. 
Les  follicules  ovariens  ne  donnent  pas  naissance  à  la  mem-> 

'    (i)  Doyère  constata  qu'à  l'une  des  l'œuf  du  Gasterosteus  leiurus  et  du 

extrémités  de  l'œuf  des  Syngnathes,  G.  jmngitius  (6).  Peu  de  temps  après, 

il  existe  ime  dépression  au  milieu  de  M.  Brucli  constate  la  même  disposi- 

laquelle  se  trouve  une  petite  ouverture  tion  dans  l'œuf  du  Salmo  salar  [c), 

infundibuliforme,  et  il  désigna  cet  ori-  et  M.  Leuckart  observa  une  disposition 

fice  sous  le  nom   de  micropyle  (a).  analogue  dans  les  œufs  du  Silure  et 

En  185/1,  M.  Kanson  découvrit  l'exis-  du   Brochet  (d).   Enfin,  M.   Reichert 

tence  d'une  ouverture  semblable  dans  constata  la  présence  d'un  micropyle 

(a)  Doyère,  Op.  cit.  {l'Instihit,  1850,  t.  XVIII,  p.  12). 

(6)  Ranson,  On  the  Imprégnation  of  Ihe  Ovuni  of  the  Stickleback  (Proceedinrjs  of  the  Royal 
Society  of  London,  1854,  t.  VII,  p.  168). 

(c)  Bruch,   Ueber  die  Mikropyle  der  Fische  {Zeitschrift  fur  wissensch.  Zoologie,  4856,  t.  VII, 
p.  172,  pi.  9B). 

(d)  Leuckart,  Ueber  die  Micropyle,  etc.  (MiiUer's  Archiv  jur  Anat.  und  PhysioL,  1855,  p.  257). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  465 

brane  coquillière,  et  (3'est  après  la  mise  en  liberté  de  l'œuf, 
pendant  son  passage  dans  l'oviducle,  que  celui-ei  se  revêt  de 
cette  enveloppe  accessoire.  Elle  est  produite  par  le  dépôt  de 
substances  plastiques  sécrétées  dans  la  portion  glandulaire  de 
l'oviducte,  et  appliquées  sur  la  sphère  vitelline,  où  elles  s'or- 
ganisent en  forme  de  membrane  ou  acquièrent  même  une  con- 
sistance subcornée. 

Ainsi,  chez  les  Raies,  l'œuf,  en  traversant  la  portion  glandu- 
leuse de  l'oviducte,  se  recouvre  d'une  coque  très-résistante  et 
dont  la  forme  est  bizarre  :  elle  est  quadrilatère,  bombée  sur 
ses  deux  surfaces  et  terminée  à  chaque  angle  par  une  corne 
ou  un  long  appendice  contourné  sur  lui-même;  enfin,  à  l'un 
des  bouts  de  cette  espèce  d'étui  se  trouve  une  longue  fente  qui 
sert  d'abord  à  l'entrée  de  l'eau  nécessaire  à  la  respiration  du 
jeune  Animal,  puis  à  la  sortie  de  celui-ci,  lorsque  son  dévelop- 
pement fœtal  est  achevé  (1  ) . 

Chez  la  plupart  des  Poissons,  les  œufs  sont  expulsés  du  corps  Ponte. 
avant  que  l'embryon  ait  commencé  à  s'y  développer,  et  même 
avant  que  la  fécondation  en  ait  été  opérée  ;  quelquefois  ils 
creusent  dans  le  sol  une  petite  excavation  destinée  à  les  rece- 
voir, et  parfois  ils  ont  même  l'instinct  de  construire  un  ven- 
diez divers  Cyprinoïdes,  tels  que  la  orifices,  au  nombre  de  deux,  situés 
Carpe,  le  Carassin  ,  la  Tanche,  les  près  de  l'un  des  côtés,  à  la  base  de  ces 
Ables,  et  chez  quelques  Poissons  (a).       appendices  (c). 

(1)    Chez  les  Raies,  les  cornes  de  L'œuf  de  l'Acanthias  ne  présente,  h 

l'œuf  sont  médiocrement  allongées  (6).       chaque  bout,  qu'un  seul  prolongement 

L'œuf  du  Squale  grande  Roussette,       médian-conique  petit  et  court  {d). 
ou  Chien  de  mer,  présente  à  chaque  Les  œufs  de  la   Chimère  arctique 

extrémité  deux  cornes  très -allongées  ont  une  coque  ridée  et  velue,  dont  la 
et  contournées  sur  elles-mêmes  ;  des      forme  est  très-particulière  (e). 

(a)  Remak,  Op.  cit.  (MûUer's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1856,  p.  83,  pi.  i,  fig,  i-4). 

—  Bucholz,  Ueber  die  Mikropijle  von  Osmerus  eperlanus  [Arch.  fur  Anat.  und  Physiol.,  1863, 
p.  71  et  367). 

(6)  Pai- exemple,  cliez  \e  Raid  oxyrhynchus  ;  voy.  Tilesius,  Ueber  die  sogenannten  Seemâuse, 
Leipsig,  1802,  pi.  4,  fig.  1. 

(c)  Home,  Lectures  on  Compar.  Anat.,  t.  IV,  pi.  140,  fig.  3. 

{d)  Home,  Op.  cit..  pi.  140,  fig-.  1. 

(e)  Millier,  Ueber  den  glatten  Mai  des  Aristoteles,  pi,  6,  fig.  3. 


466  REPRODUCTION. 

table  nid  pour  les  loger,  particularité  curieuse  qui  n'avait  pas 
échappé  à  l'attention  d'Aristote,  et  qui  a  été  observée  de  nou- 
.  veau,  il  y  a  quelques  années  (1).  Mais  dans  la  plupart  des 
cas,  la  ponte  n'est  précédée  ni  suivie  d'aucun  travail  de  ce 
genre  (2). 
Poissons         Chez  d'autres  Poissons,  en  petit  nombre,  les  phénomènes 

■vivipares. 

génésiques  dont  l'organisme  de  la  mère  est  le  siège,  sont  plus 
complexes;  non-seulement  les  œufs  sont  fécondés  avant  leur 
expulsion  au  dehors,  mais  le  développement  de  l'embryon  a 
lieu  dans  l'intérieur  des  organes  de  la  reproduction ,  et  les 
petits  naissent  vivants.  On  connaît  des  exemples  de  ce  mode  de 
multiphcation  chez  les  Poissons  osseux,  aussi  bien  que  chez  les 
Plagiostomes,  mais  c'est  dans  ce  dernier  groupe  qu'il  est  le 
plus  fréquent. 

Comme  exemple  de  Poissons  osseux  vivipares,  je  citerai 

(!)  Le  Poisson  qu'Aristote  appelle  qui  est  sous  -presse  et  paraîtra  très- 

Phycis,  et  qu'il  signale  comme  ayant  prochainement.   Un  instinct  analogui; 

l'habitude  de  se  construire  un  nid,  existe  chez  les  Pomotis  {d)  et  chez  des 

paraît  être  un  Gobie.  Ohvi  a  observé  Poissons  qui  habitent  sur  le  banc  do 

cet  instinct  chez  le  Gobius  niger,  et  Terre-Neuve  (e). 

M.  Nordmann  a  constaté  de  nouveau  (2)  11  est  aussi  à  noter  que  les  œuls 

cetteindastrie  chez  le  Goôrnsconsiriic-  des     Poissons    osseux    sont    parfois 

^or  des  torrents  de  l'Abasie  [a],  libres  (par  exemple,   chez  la  Truite 

Les  Épinoches  et  les  Épinochettes  et  le  Brochet),  tandis  que  d'autres  fois 
construisent  aussi  des  nids  (6),  mais  ils  restent  réunis  en  paquets  ou  en 
c'est  le  mâle  qui  se  livre  à  ce  travail,  séries.  Ainsi  ceux  de  la  Perche  sont 
et  la  femelle  vient  pondre  dans  la  agglutinés  les  uns  aux  autres,  et  for- 
retraite  ainsi,  préparée  (c).  Pour  plus  ment  de  la  sorte  des  réseaux  que  cet 
de  détails  sur  ce  sujet,  je  renverrai  Animal  enroule  autour  des  plantes 
à  l'ouvrage  de  M.  Blanchard  sur  les  aquatiques  au  milieu  desquelles  il  va 
Poissons  d'eau  douce  de  la  France,  pondre. 

(a)  Nordmana,  Ueber  eine  neue  Fischgattung  aus  der  Familie  der  Goboiden  {Bulletin  de 
l'Acad.  de  Saint  Péter sbour y,  1837,  p.  328). 

((/)  R.  Bradley,  A  Philosopliical  Account  of  the  Works  of  Nature,  1721,  p.  62,  pi.  8,  Rg.  2. 

(c)  Coste,  Nidification  des  Epinoches  et  des  Epinochettes  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences ,  Sav, 
étrang.,  1848,  t.  X,  p.  575. 

(d)  Agassiz,  On  the  Glanis  ofAristotle,  etc.  {Proceed.  of  the  American  Academy,  185G,  t.  III, 
p.  329). 

•         (ê)  Valenciennes,  Sur  des  nids  sous-marins  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1859, 
t.  XLIX,  p.  878). 


APPAREIL   DE   LA    GÉNÉRATION    DES   POISSONS.  467 

une  Blennie  de  nos  côtes  (1),  les  Anableps  de  la  Guyane,  les 
Pœcilies,  qui  habitent  également  les  eaux  douces  de  l'Amérique 
méridionale  (2),  et  quelques  Silures. 

En  général,  soit  que  cette  incubation  ait  lieu  dans  la  cavité 
de  l'ovaire,  comme  chez  la  Toecilie  et  la  Blennie  vivipare,  ou 
dans  un  utérus  proprement  dit,  comme  chez  quelques  Raies  (3) 
et  divers  Squales,  les  œufs  restent  libres  dans  le  réservoir 
qui  les  renferme ,  et  il  ne  s'établit  aucune  connexion  directe 
entre  le  corps  de  l'embryon  et  les  parois  de  la  chambre  incu- 
batrice.  Mais  chez  quelques  Squales,  des  appendices  vasculaires 
dépendants  de  l'organisme  du  jeune  individu  en  voie  de  déve- 
loppement vont  s'enchevêtrer  au  milieu  des  rephs  de  la  mem- 
brane muqueuse  de  l'utérus,  et  constituent  un  instrument  de 
nutrition  analogue  à  celui  que  l'on  connaît  sous  le  nom  de 
placenta,  chez  les  Mammifères. 

Cette  particularité  a  été  constatée  par  J.  Millier  chez  les 

(1)  Le  Zoarces,  ou  Blennius vivi-  exemple  non-seuleraenl  la  Blennie, 
parus,  est  un  Poisson  de  la  famille  mais  aussi  l'Anableps  et  les  Pœcilies  (c). 
des  Gobioïdes,  long  d'environ  30  cen-  Il  en  est  effectivement  ainsi  chez  le 
timètres,  qui  habite  nos  mers.  Vers  le  premier  de  ces  Poissons,  mais  M.  Hyrtl 
solstice  d'hiver,  la  femelle  met  bas  ses  a  constaté  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
petits,  dont  le  nombre  s'élève  souvent  chez  les  Anableps.  Là  les  ovaires  sont 
à  plus  de  300.  Quelques  naturalistes  doubles  et  symétriques  ;  leur  conduit 
avaient  cru  que  les  fœtus  étaient  unis  excréteur  est  complètement  indépen- 
aux  parois  de  l'utérus  par  des  con-  dant  de  l'appareil  urinaire  (d).  Cepen- 
nexions  vasculaires  (a),  maiscela  n'est  dant  Home  a  figuré  un  grand  sac 
pas.  On  doit  à  Rathke  un  travail  très-  membraneux  impair  comme  étant  l'u- 
étendu  sur  le  développement  de  l'em-  térus  de  cet  Animal  [e).  Nous  avons 
bryon  de  ces  Poissons  (6).  déjà  vu  que  chez  les  Pœcilies  l'ovaire 

(2)  Duvernoy  avait  cru  pouvoir  con-  est  biloculaire. 

dure  de  ses  observations  que  chez  les  (3)  Les  Rhinobates ,  les  Myliobates, 

Poissons  osseux  vivipares,  l'ovaire  est      les  Ptéroplatées  (/),  les  Torpilles  {g), 
en  général  impair,  et  il  cita  comme      les  Anges,  etc. 

(a)  Schonevelde,  Ichthyia  et  nomencl.  Animal,  quœ  in  ductibus  Slesvici  et  Holsalix  oceurrunt, 
1624. 

(&)  Kathke,  Abhandl.  x.ur  Bild.  îi.  Enttuick.  Gesch.,  t.  II,  p.  1. 

(c)  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée,  2"  édit.,  t.  VIII,  p.  67. 

(d)  Hyrtl,  Op.  cit.  (Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne,  1. 1,  p.  398). 

(ê)  Home,  Lectures  on  Compar.  Anat.,  Sitppl.,  t.  VI,  pi.  53,  ûg.  2  et  3. 

(f)  J.  D&\y,  Exper.  and  Obs.  on  the  Torpédo  {Research.  Physiol.  and  Anat.,  pi.  2,  fig.  i,  2,  3). 

(g)  Bnich,  Sur  l'appareil  de  la  (léni'ratinn  rhe%  les  Siilaciens,  pi.  4,  7,  10. 


mâle. 


468  REPRODUCTION. 

Émissoles  ou  Mustèles,  et  dans  la  partie  correspondante  à  l'in- 
sertion du  placenta  fœtal,  ce  naturaliste  a  trouvé  sur  les  parois 
de  l'utérus  un  épaississement  vasculaire  fort  semblable  aux 
cotylédons  utérins  que  nous  verrons  se  développer  dans  la  ma- 
trice des  Mammifères  ordinaires  (1). 
Appareil  §  û.  —  L'apparcil  mâle  ne  diffère  que  peu  de  l'appareil 
femelle  chez  les  Cyclostomes,  et  même  chez  la  plupart  des 
Poissons  osseux.  Chez  les  premiers,  les  testicules,  ainsi  que 
les  ovaires,  n'ont  pas  de  canal  évacuateur,  et  la  laitance 
(nom  sous  lequel  on  désigne  communément  la  liqueur  sémi- 
nale des  Animaux  de  cette  classe)  tombe  dans  la  cavité  abdomi- 
nale pour  s'échapper  ensuite  parles  pores  péritonéaux  (2).  Mais 
chez  les  Poissons  osseux,  où  l'appareil  femelle  présente  aussi 
ce  genre  d'imperfection,  l'appareil  mâle  est  mieux  constitué,  et 
les  testicules  sont  mis  en  communication  avec  l'extérieur  au 
moyen  d'un  conduit  spécial  (o).  Enfin,  chez  les  Plagioslomes, 

(1)  On  doit  à  J.  MûUer,  non-seule-  de  leur  extrémité  inférieure  longe 
ment  des  observations  très-importantes  l'intestin,  et  va  se  réunir  à  son  congé- 
sur  ce  sujet,  mais  aussi  un  exposé  nère,  près  de  l'anus.  Le  canal  éjacu- 
très-complet  de  tous  les  faits  précé-  latoire  ainsi  formé  débouche  au  de- 
demment  introduits  dans  la  science  hors,  entre  l'anus  et  le  méat  urinaire. 
relative  à  la  reproduction  vivipare  des  Chez  le  mâle,  les  pores  abdominaux 
Squales.  Je  renverrai  donc  à  sou  n'existent  pas  et  le  péritoine  forme  un 
mémoire  pour  plus  de  détails  à  ce  sac  complètement  fermé  (6). 
sujet  (a).  La  plupart  des  naturalistes  men- 

(2)  Voyez  ci-dessus,  page  ZiZi6.  tiennent  les  Anguilles  comme    étant 

(3)  Ainsi,  chez  les  Salmones,  où  les  dépourvues  de  canaux  déférents,  mais 
oviductes  manquent,  les  testicules  sont  on  ne  connaît  encore  que  très-impar- 
pourvus  chacun  d'un  conduit  excré-  faitemenl  les  organes  mâles  de  ces 
teur.  Ces  glandes,  de  couleur  blanchà-  Poissons,  et  quelques  auteurs  pensent 
tre,  ont  à  peu  près  la  même  forme  que  les  individus  décrits  sous  le  nom 
que  les  ovaires,  et  varient  beaucoup  de  mâles  n'étaient  que  des  femelles 
quant  à  leur  volume,  suivant  les  sai-  dont  les  ovaires  n'avaient  pas  acquis 
sons.  Un  long  canal  tortueux  parlant  leur  développement  normal  (c). 

(a)  Millier,  Ueber  den  glatten  Hai  des  Aristoteles  und  ûber  die  Verschiedenheiten  unter  deti 
Haiftschen  und  Rochen  in  der  Entwickelung  des  Eies,  1842,  avec  6  planclies  (extrait  des  Màn. 
de  VAcad.  de  Berlin  pour  ■1840). 

(6)  Vogt,  Anatemie  des  Salmones,  p.  85,  pi.  G,  fig.  2  6. 

(c)  Schleusser,  De  Pelromywn  et  Anguillarum  sexu  (dissert.  inaiig.).  Dorpat,  1848. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  469 

OÙ  l'ovaire  est  distinct  de  l'oviducte,  l'appareil  mule  est  consti- 
tué d'après  le  même  plan  fondamental  que  chez  les  Poissons 
osseux,  c'est-à-dire  est  pourvu  d'un  canal  cvacuateur  en  conti- 
nuité directe  avec  les  cavités  pratiquées  dans  la  substance  du 
testicule.  Ainsi,  chez  tous  les  Poissons,  excepté  les  représen- 
tants les  plus  dégradés  de  ce  type,  il  existe  un  conduit  éjacula- 
teur  ou  un  canal  déférent,  et  ce  tube  n'est  jamais  séparé  du  tes- 
ticule (1).  Il  est  aussi  à  noter  que  la  disposition  générale  de  la  Testicules. 
portion  fondamentale  ou  glandulaire  de  l'appareil  reproducteur 
présente  plus  d'uniformité  chez  le  mâle  que  chez  la  femelle. 
Ainsi,  les  testicules  sont  presque  toujours  au  nombre  de  deux, 
même  dans  les  espèces  où  l'ovaire  est  unique  (2),  et  lorsque 
ces  organes  sont  réunis  en  une  seule  masse,  comme  chez  le 
Lançon,  leur  union  est  incomplète  (3). 

Leur  forme  varie  beaucoup.  Chez  les  Plagiostomes,  ils  sont 

(l)CuviersignalerEsturgeon comme  s'oiivraiit  au  dehors  par  un  canal  im- 
faisant  exception  à  cette  règle  {a)  ;  pair  très-court  (/").  Chez  les  Plagio- 
mais  il  pai-aît  que  chez  ces  Poissons  les  stomes,  où  l'un  des  ovaires  seulement 
canaux  séminifères  vont  déboucher  se  développe,  les  testicules  sont  dou- 
directement  dans  l'uretère  (6).  Du  blés  comme  d'ordinaire, 
reste,  des  canaux  péritonéaux  analo-  (3)  Jusque  dans  ces  dernières  an- 
gues  à  ceux  de  la  femelle  existent  chez  nées  les  anatoraistes  considéraient  le 
le  mâle  (c),  et  sont  tantôt  ouverts  dans  testicule  de  VAmmodijtes  tobianus 
l'uretère,  tantôt  fermés  (d)  :  suivant  comme  étant  impair;  mais  M.  Owen 
M.  Owen,  cetteclôture  serait  due  aune  fit  remarquer  que  cet  organe  pré- 
valvule (e).  sente  un  sillon  médian  [g),  et  M.  Hyrtl 

(2)   Ainsi,  chez  la  Perche,   où    il  a  constaté  qu'il  est  en  réalité  composé 

n'existe  qu'un  seul  ovaire,  l'appareil  d'une  paire  de  glandes  réunies  entre 

mâle  se  compose  de  deux   testicules  elles  (h). 

en  forme  de  sac,  réunis  parleur  col,  et  Chez  les  Fistulaires,  la  glande  sper- 

(a)  Cuvier  et  Valcnciennes,  Histoire  naturelle  des  Poissons,  t.  I,  p.  536. 

(6)  Rathke,  Beitr.  %ur  Geschichte  der  Tliierivelt,  t.  II,  p.  124, 

(c)  Baer,  Dericht  der  Anatom.  Anstalt  %u  Konigsberg,  p.  H. 

{d)  Miiller,  Mém.  sur  les  Ganoïdes  {Ann.  des  sciences  tmt.,  3*  série,  1844,  t.  II,  p.  22). 

(e)  Owen,  Lectures  on  the  Compar.  Anat.  of  Vertébrale  Animais,  p.  287. 

(f)  Cu-vier  et  Valenciennes,  Op.  cit.,  t.  I,  pi.  8,  ûg.  4  ;  t.  II,  p.  H. 

(g)  Owen,  Lectures  on  the  Compar.  Anat.  of  the  Vertébrale  Animais,  1846,  p.  286. 

{h)  Hyrtl,  Beitrâge  zur  Morphologie  der  Urogenital-Organe  der  Fische  {Mém.  de  Vicad    de 
Vienne,  1850,  1. 1,  pi.  53,  Cig.  8). 

VIII.  32 


470  REPRODUCTION. 

médiocrement  développés  et  plus  ou  moins  aplatis  (1)  ;  mais^ 
chez  les  Poissons  osseux,  ils  acquièrent  d'ordinaire  un  volume 
énorme.  Eu  général,  ils  sont  irrégulièrement  bosselés  ou  sub- 
lobés, et  quelquefois  ils  sont  subdivisés  en  lobules  contournés 
et  très-nombreux,  mais  ces  différences  ne  paraissent  avoir  que 
peu  d'importance  (2). 

Le  péritoine  recouvre  ces  glandes  comme  il  recouvre  les 
ovaires,  et  forme  pour  chacun  d'eux  un  repH  suspenseur,  appelé 
mesorchium,  qui  les  fixe  à  la  paroi  supérieure  de  la  chambre 
viscérale,  et  qui  loge  leurs  vaisseaux  sanguins.  Au-dessous  de 
cette  tunique  d'emprunt  se  trouve  une  membrane  qui  appar- 
tient en  propre  à  chaque  testicule,  et  qui  recouvre  le  tissu 
aréolaire  dans  l'épaisseur  duquel  se  forment  les  utricules  sper- 
matiques.  Chez  quelques  espèces,  ils  présentent  à  leur  partie 
postérieure  une  portion  appendiculaire  de  couleur  grisâtre,  qui 
est  très-vasculaire,  mais  qui  ne  joue  qu'un  rôle  très-secon- 
daire dans  leur  constitution,  et  qui  n'est  pas  le  siège  d'un  tra- 
vail spermagène  (3). 


magène,  de  même  que  l'ovaire,  paraît  (2)  Comme  exemple  des  testicules 

simple  extérieurement,  mais  M.  Hyrtl  multilobulés,  je  citerai  ceux  de  divers 

a    constaté   qu'à   l'intérieur   elle   est  Gadoïdes,  tels  que  la  petite  Morue  ou 

divisée  en  deux  par  une  cloison  ver-  Gadus  caUarias  (c). 

ticale  (a).  (3)   Ainsi,  chez   quelques  Squales, 

(1)  Chez  la  plupart  des  Plagiostomes,  l'Emissole  par  exemple,  la  partie  pos- 

les  testicules  sont  petits' comparât!-  térieure  de  chaque  testicule  est  comme 

vement  à  ceux  des  Poissons  osseux.  enchâssée  dans  une  substance  grisâtre 

Cependant  chez  le  Marteau  [Saphyrna  dont  la  structure  intime  n'a  été  étu- 

sijgœna),  ils  sont  énormément  déve-  diéeque  très-superficiellement,  et  dont 

loppés,  et  occupent  toute  la  longueur  les  fonctions  n'ont  été  l'objet  que  de 

de  la  cavité  viscérale  (6).  conjectures  très-vagues  (d). 


(a)  Hyril,  Op.  cit.  (Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne,  1. 1,  p.  406.) 

(b)  Bnich,  Études  sur  l'appareil  de  la  génération  chea  les  Sélaciens,  1860,  p.  68,  pi.  2, 
fig.  i. 

(c)  Voy.  Railike,  Op.  cit.,  t.  II,  pi.  5,  fig.  2. 

(dj  Mariin  Sainl-Ange,   Op.  cit.  {Mém.  de  VAcad.  des  sciences,  Sav.  élrang.,  t.  XIV,  p.  134, 
pi,  14). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES   POISSONS.  /|7i 

Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  les  testicules  des  Gyclostomes  res- 
semblent extrêmement  aux  ovaires.,  et  consistent,  comme  ceux-ci, 
en  une  longue  bande  suspendue  à  la  voûte  de  la  cavité  abdomi- 
nale par  son  bord  supérieur,  fortement,  mais  très-irrégulière- 
ment plissée  en  travers,  et  renfermant  dans  son  intérieur  une 
multitude  de  petites  vésicules  complètement  closes.  Les  Sper- 
matozoïdes se  forment  dans  l'intérieur  de  ces  capsules  comme 
les  œufs  dans  les  follicules  de  l'ovaire,  et  lorsqu'ils  sont  mis  en 
liberté  par  la  rupture  de  ces  petites  cavités,  ils  tombent  dans  la 
cavité  abdominale,  puis  s'échappent  au  dehors  par  les  pores 
péritonéaux  (1). 

11  paraît  en  être  de  même  chez  les  Anguilles  (2);  mais,  chez 
presque  tous  les  Poissons  osseux,  ainsi  que  chez  les  Plagio- 
stomes,  l'évacuation  des  produits  spermatiques,  au  lieu  de  se 
faire  par  la  surface  extérieure  de  la  glande,  s'effectue  dans 
l'intérieur  de  cet  organe,  qui,  à  cet  effet,  est  creusé  de  cavités 
en  communication  avec  le  dehors.  Ces  cavités  affectent  en 
général  la  forme  de  tubes  terminés  en  cul- de-sac  ou  élargis 
en  manière  de  vésicules  à  leur  extrémité  initiale,  et  s'anasto- 
mosant  entre  eux  à  leur  extrémité  opposée,  ou  débouchant  dans 
une  sorte  de  carrefour  ou  de  sinus,  qui,  à  son  tour,  se  joint  à 
ses  congénères,  et,  en  se  prolongeant  postérieurement,  prend 
peu  à  peu  les  caractères  d'un  canal  excréteur  (3). 


(1)  Ces  corpuscules  séminaux  ont  ranus  chez  la  Brème  (6),  mais  elle 
été  très-bien  représentés  par  M.  Pa-  est  en  général  irès-difBcile  à  étudier 
nizza  (a).  chez  les  Poissons  osseux,  à  cause  de 

(2)  Voyez  ci- dessus,  page  ZiZiS.  l'extrême  délicatesse  des  parois  des 

(3)  La  structure  tubulaire  du  tissu  tubes  sécréteurs,  et  delamanièredont 
spermagène  des  testicules  des  Poissons  ils  s'entremettent.  Chez  l'Alose,  ils  pa- 
a  été  constatée  d'abord  par  G.  Trevi-  raissent  se  réunir  entre  eux  noa-seu- 


{a)Panizza,  Op.  cit.  {Mem.  delV  InslUuto  Lombardo,  1845,  t.  II,  pi.  14). 
(b)  G.  R.  Treviranus,  Ueber  den  innern  Bau  der  Hoden  bei  den  Grâthenfischen  (Zeitschr,  fur 
Physiol.,  1826,  t.  I,  p.  10,  pi.  3,  fig.  5  et  G). 


ii72  REPRODUCTION. 

Canal  déferont.      Ce  coïKluit,  cjue  l'oD  désigfie  d'ordinaire  sous  le  nom  de  canal 

déférent,  se  porte  en  arrière,  en  bas  et  en  dedans,  se  réunit 

.  presque  toujours  à  son  congénère  (1),  et  va  déboucher  dans  les 

voies  urinaires,  ou  s'ouvrir  directement  au  dehors,  en  avant 

de  l'anus,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  la  Carpe  (2).  Chez  les 


lement  à  la  façon  des  radicules  des 
glandes  ordinaires,  qui,  par  confluence, 
forment  des  canaux  excréteurs  com- 
muns, de  plus  en  plus  gros,  mais  en 
constituant  des  réticulations  (a) .  Chez 
la  Carpe,  ces  anastomoses  sont  extrê- 
mement fréquentes,  et  il  en  résulte  une 
structure  spongieuse  qui  est  très-singu- 
lière, car  les  conduits  en  question  sont 
aussi  très-irréguliers  dans  leur  cali- 
bre, et  se  rendent  à  des  sinus  ou  cavi- 
tés communes,  situées  vers  le  centre 
des  masses  testiculaires,  et  communi- 
quant avec  le  canal  évacuateur  {b). 

Les  tubes  spermaliques  sont  tantôt 
cylindriques  et  terminés  en  cul-de-sac, 
comme  un  doigt  de  gant  (c),  d'autres 
fois  renflés  en  forme  d'ampoules,  de 
façon  à  nlTecter  une  disposition  analo- 
gue à  celle  d'une  grappe  de  raisin  (d). 
Ce  dernier  mode  d'organisation  est 
très-bien  caractérisé  chez  les  Raies, 
où  les  capsules  remplies  des  cellules 
ou  utricules  spermatiques  sont  globu- 
leuses et  donnent  naissance  à  un  canal 


excréteur  très-étroit  qui  ressemble  à 
un  pédoncule.  Les  Spermatozoïdes  se 
développent  dans  l'intérieur  des  cel- 
lules dont  il  vient  d'être  question,  et, 
après  en  être  sortis,  deviennent  libres 
dans  l'intérieur  de  l'ampoule,  d'où  ils 
passent  dans  les  conduits.  Pour  plus 
de  détails  à  ce  sujet,  je  renverrai  aux 
travaux  de  Hallmann,  de  Lallemand  et 
de  MAL  Vogt  et  Pappenheim  (e). 

(1)  Comme  exception  à  cette  règle, 
je  citerai  la  Blennie  gattorugine,  chez 
laquelle  chaque  canal  efférent  débouche 
au  dehors  isolément  (/").  Chez  les  Raies, 
les  orifices  mâles  sont  très-rapprochés, 
mais  parfaitement  distincts  {g). 

La  jonction  des  deux  canaux  défé- 
rents en  un  canal  éjaculateur  commun 
a  lieu  assez  loin  de  l'orifice  génital 
chez  beaucoup  de  Poissons  osseux  (h). 

(2)  Les  testicules  de  la  Carpe  sont 
constitués  par  deux  sacs  lobules  irré- 
gulièrement, sur  la  face  supérieure  de 
chacun  desquels  on  voit  un'conduit 
qui  se  porte  en  arrière  et  se  réunit  à 


(a)  Millier,  De  glamhdiinim  secernentiwn  structura penitiori,  pi.  15,  fig.  7. 

(b)  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4*  série,  I.  XI,  p.  349). 

(c)  Par  exemple,  chez  le  Cobitis  fossilis  :  voy.  Leydig,  Lehrb.  der  Histologie,  p.  491 ,  fig.  239  C. 

(d)  Par  exemple,  chez  la  Raie  :  voy.  Millier,  Op.  cit.,  pi.  15,  fig.  8. 

(e)  Hallmann,  Ueber  den  Bau  des  Hodens  und  die  Entwickelung  der  Samenlhierc  der  Rochen 
(Milller's  Archiv  fur  Anat.  und  Phtjsiol.,  1840,  p.  467,  pi.  15,  fig.  l-(î). 

—  Lallemand,  Observations  sîi''  le  développement  des  Zoospermes  de  la  Raie  [Aun.  des  sciences 
nat.,  2"  série,  1841,  t.  XV,  p.  237,  pi.  10). 

—  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  [Ann.  des  sciences  nat.,  4»  série,  t.  XII,  p.  100). 

(f)  Hyrll,  loc.  cit.,  p.  398,  pi.  52,  fig.  9. 

{g)  Par  exemple,  chez  la  Raie  commune  :  voy.  Vogt  et  Pappenheim,  loc.  cit. 

—  Chez  le  Squatiaa  angélus  :  voy.  Bruch,  On.  cit.,  p.  35,  pi.  1 ,  fig.  1    et  2. 

(/()  Par  exemple,  chez  les  Trigles  :  voy.  Carus,  Tabul,  Anat.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  5,  fig.  4. 

—  Le  Hareng;  voy.  Brandt  et  Ratzeburg,  Medicinische  Zoologie,  t.  II,  pi.  8,  fig.  1. 


APPAREIL    UE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  473 

Poissons  osseux,  sa  structure  est  en  général  très-simple,  bien 
que  l'on  y  remarque  souvent  un  élargissement  subterminal 
faisant  fonction  de  réservoir,  et  de  petites  glandules  acces- 
soires qui,  logées  dans  l'épaisseur  de  ses  parois,  versent  dans 
sa  cavité  des  liquides  destinés  à  aider  au  développement  ou  à 
l'emploi  du  sperme.  Mais,  chez  quelques-uns  de  ces  Animaux, 
ainsi  que  chez  les  Plagiostomes,  l'appareil  évaeuateur  de  la 
semence  se  complique  davantage,  et  peut  se  composer  de  plu- 
sieurs parties  bien  distinctes,  telles  qu'un  épididyme,  un 
réservoir  séminal,  des  glandes  accessoires  et  un  appendice 
copulateur. 

Il  est  d'abord  à  noter  que  parfois  le  canal  déférent  prend 
la  forme  d'un  tube  étroit  et  s'allonge  beaucoup  ;  au  lieu  de  se 
porter  en  ligne  droite  vers  la  région  anale,  il  décrit  des  ondu- 
lations ou  des  circonvolutions  plus  ou  moins  nombreuses,  et 
souvent  il  forme  ainsi  une  masse  d'apparence  glandulaire, 
appelée  épididyme. 

Dans  ce  corps,  le  système  évaeuateur  se  complique  ;  en  gé- 
néral, le  tronc  principal  du  canal  déférent  s'y  divise  et  s'entor- 
tille d'une  manière  inextricable,  et  souvent  il  s'y  anastomose 
avec  des  canaux  appendiculaires  qui  sont  semblables  à  lui  par, 
leur  forme  et  leur  contournement.  Peu  à  peu  le  tronc  déférent 
se  reconstitue  et  grossit  ;  ses  circonvolutions  deviennent  moins 
nombreuses,  et  il  reprend  le  caractère  d'un  tube  évaeuateur 
ordinaire,  en  continuant  sa  route  vers  l'anus.  La  Raie  est  un 


son  congénère  au-dessus  de  la  portion  va  déboucher  au  dehors  derrière  l'anus, 

terminale  de  l'intestin.  Le  canal  excré-  entre  cet  orifice  et  le  méat  urinaire, 

teur  impair  et  médian  ainsi  constitué  sur  les  côtés  desquels  se  trouvent  les 

est  très-large  et  court  ;  ses  parois  sont  lèvres  d'une  espèce  de  cloaque  rudi- 

garnies  de  follicules  muqueux(«),  et  il  mentaire  (6). 


(a)  Ce  sont  les  paquets  formés  par  ces  follicules  qui  ont  été  de'crils  par  Petit  comme  étant  des 
vésicules  séminales  {Histoire  de  la  Carpe,  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  1733,  p.  209,  pi.  7, 
lig.  2  et  3). 

(b)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  121,  pi.  12,  fig.  1,  2  et  3. 


Réservoir 
séminal. 


lilli  REPRODUCTION. 

des  Poissons  où  l'épididynie  est  le  plus  développé  et  où  sa 
structure  a  été  le  mieux  étudiée  (1). 

Les  réservoirs  séminaux  sont  pairs  ou  impairs,  suivant  qu'ils 
résultent  d'une  dilatation  des  canaux  déférents  avant  leur  jonc- 


(1)  Les  testicules  de  la  Raie  com- 
mune {a)  sont  suspendus  par  un  repli 
péritonéal  à  la  paroi  dorsale  de  la 
cavité  abdominale,  de  chaque  côté  de 
la  colonne  vertébrale,   au-dessus  du 
foie  et  des  intestins.  Ils  sont  très-aplatis 
et  réniformes.  Cliez  les  jeunes  indi- 
vidus, ils  sont  lisses,  et  en  apparence 
homogènes  ou  simplement  granuleux  : 
mais  à  l'époque  du  rut,  leur  aspect 
change  beaucoup  ;  ils  se  gonflent  et 
se  montrent  composés  d'une  multitude 
de  grosses  vésicules  arrondies,  séparées 
entre  elles  par  des  vaisseaux  sanguins, 
du  tissu  conjonctif  et  des  prolonge- 
ments de   la   tunique   membraneuse 
propre  de  la  glande.  Ces  ampoules  (6) 
sont  pédonculées  et  composées  d'une 
lunique  membraneuse  très-fiue,  dont  la 
surface  interne  est  revêtue  d'un  tissu 
épithélique  pavimenteux  ;    elles  sont 
remplies  de  cellules  ou  utricules  sper- 
magènes,    et   elles   ressemblent  aux 
caecums  sécréteurs  du   testicule  des 
Poissons  osseux,  qui  seraient  distendus 
en  forme  de  vessie  par  l'accumulation 
des  cellules  spermagènes  dans  le  fond 
de  leur  cavité,  et  qui  se  seraient  un  peu 
rétrécis    dans  le  reste  de  leur  lon- 
gueur.   Cette    portion    pédonculaire 


constitue  le  canal  évacuateur  de  cha- 
que ampoule  et  se  réunit  à  ses  con- 
génères pour  former  des  branches  de 
plus  en  plus  fortes,  mais  dont  le  trajet 
est  très-difficile  à  suivre  à  travers  la 
substance  du  testicule.  Le  conduit  ter- 
minal  auquel  ils  donnent   naissance 
résulte  de  la  réunion  de  deux  ou  trois 
branches  principales,  et  se  sépare  delà 
partie  antérieure  et  dorsale  de  la  glande 
pour  s'enfoncer  aussitôt  dans  l'épidi- 
dyme  correspondant  (c).   Ce  dernier 
corps  a  la  forme  d'une  bande  blanchâ- 
tre ;  il  est  arrondi  en  avant  et  s'atténue 
en  arrière.  Antérieurement,  il  dépasse 
notablement  le  testicule,  et  se  trouve 
fixé  sur  le  côté  de  la  colonne  verté- 
brale par  un  repli  du  péritoine  ;  en 
arrière,  il  s'applique  sur  le  rein  cor- 
respondant, et  se  continue  jusque  dans 
le  voisinage  du  rectum.  A  l'époque  du 
rut,  il  est  très-difficile  d'en  débrouiller 
la  structure^  et  quelques  anatomistes 
avaient  cru  qu'il  recevait  directement 
du  testicule  plusieurs  canaux  sémini- 
fères  ;  mais  il  résulte  des  observations 
faites  par  ]\1M.  Vogt  et  Pappenheim, 
sur  un  jeune  individu,  qu'il  naît  d'un 
canal  déférent  unique,  et  que  de  dis- 
tance en  distance  ce   conduit  reçoit 


(a)  Voyez  Monro,  The  Structure  and  Physiology  ofFishes,  pi.  11,  fig.  1. 

—  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4"  série,  t.  XH,  pi.  3,  fig.  1). 

—  E.  Bruch,  Éludes  sur  l'appareil  de  la  génération  chez  les  Sélaciens,  thèse,  Strasbourg, 
1800,  pi.  3,  fig.  1. 

(&)  Monro,  Op.  cit.,  pi.  11,  fip.  X. 

—  Millier,  De  glandularum  secernentium  structura  penitiori,  1830,  p.  106,  pi.  15,  fig.  8. 

—  Lailemand,  Op.  cit.  {Ann.  des  scienn.  nat.,  1841,  2e  série,  t.  XV,  pi.  10,  fig.  2-8). 

—  Bri*ch,  Op.  cit.,  pi.  3,  fig.  2-7. 

(c)  Vogt  et  Pappenheim,  loc.  cit.,  pi.  2,  fig.  6. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  /l^S 

tion,  pour  constituer  le  canal  éjaculateur  commun  (1),ou  qu'ils 
sont  formés  par  un  élargissement  de  ce  dernier  conduit  (2). 
Quelquefois  on  aperçoit  une  dilatation  analogue  dans  la  portion 
subterminale  du  canal  génito-urinaire  forme  par  le  prolonge- 
ment du  col  de  la  vessie  au  delà  de  l'embouchure  des  canaux 
déférents  dans  son  intérieur;  mais  cette  ampoule  ne  pourrait 
servir  comme  un  réservoir  pour  la  matière  fécondante,  et  elle 
ne  semble  devoir  agir  dans  l'éjaculation  que  comme  un  organe 
d'impulsion  (3). 
La  structure  de  ces  portions  élargies  des  voies  séminales  se 


latéralement  des  tubes  épididyrniques 
propres  qui  sont  contournés  en  pa- 
quets (a).  Ce  sont  les  circonvolutions 
multipliées  de  ces  appendices  et  du 
tronc  principal  qui  donnent  à  l'épidi- 
dyme  son  aspect  particulier.  Le  canal 
déférent  constitué  par  le  tronc  princi- 
pal dont  je  viens  de  parler,  grossit 
postérieurement,  et,  en  se  dilatant  en 
manière  de  sac  derrière  l'extrémité  de 
l'espèce  de  pelote  qui  forme  l'épidi- 
dyme,  il  devient  le  réservoir  séminal. 
Celui-ci  présente  des  replis  longitudi- 
naux de  sa  tunique  interne,  et  con- 
verge vers  son  congénère  pour  aller 
déboucher  à  côté  de  lui,  sur  la  paroi 
postérieure  du  cloaque,  au  sommet 
d'une  papille  conique. 

Chez  l'Ange  {Squatina  vulgaris), 
la  structure  de  l'épididyme  est  plus 
simple.  En  effet,  ce  corps  gland  uliforme 
ne  paraît  être  formé  que  par  les  circon- 
volutions d'un  seul  tube  déférent.  Mais 


les  réservoirs  séminaux  sont  beaucoup 
plus  développés  (6). 

Chez  le  Squale  émissole,  le  canal  dé- 
férent, en  pénétrant  dans  l'épididyme, 
se  subdivise  en  plusieurs  branches  qui 
ensuite  confluent  pour  reconstituer  un 
tube  unique  (c). 

(1)  Par  exemple,  chez  le  Mullus 
barbatus,  où  chaque  canal  déférent  se 
renfle  postérieurement  {cl},  et  chez  le 
Brochet,  où  ces  tubes  se  renflent  de 
manière  à  devenir  fusiformes  près 
de  leur  terminaison  (e). 

(2)  Ainsi,  chez  le  Cobitis  fossilis, 
les  canaux  déférents  se  terminent  iso- 
lément dans  une  vésicule  séminale 
piriforme  impaire  (/"). 

(3)  Ainsi,  chez  l'Aulopyge  hagelu, 
poisson  de  la  famille  des  Cyprins , 
le  canal  déférent  débouche  dans  le  col 
de  la  vessie,  et  le  canal  génito-uri- 
naire présente  près  de  son  extrémité 
une  petite  dilatation  ampuliforme  {g). 


(a)  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat.,  4°  série,  1859,  t.  XII,  pi.  2,  fig.  7). 
(fe)  Bruch,  Op.  cit.,'ç.  31,  pi.  1,  fig.  1;  pi.  2,  fig.  1. 

(c)  Martin  Saint-Ang-e,  Op.  cit.,  p.  136,  pi.  lA. 

(d)  Voyez  Hyrll,  Op.  cit.  (Mém.  de  l'Acad.  de  Vienne,  t.  I,  pi.  52,  fig.  11). 

(e)  Voyez  LerebouUet,  Rech.  sur  l'anat.  des  organes  génitaux  des  Animaux  vertébrés  {Nova 
Acta  Acad.  nat.  curies.,  t.  XXIII,  p.  83,  pi.  30,  fig.  202). 

if)  Hyrtl,  loc.  cit.,  pi.  52,  fig.  10. 

(g)  Hyrll,  loc.  cit.,  p.  395,  pi.  52,  fig.  6. 


accessoires 


476  REPRODUCTION. 

Glandes     coinpliquc,  cliGz  fiuelques  Poissons  osseux.  Des  cryptes  ou  des 

xessùires.  '  «^  ' 

giandulcs  se  développent  dans  l'épaisseur  de  leurs  parois,  ainsi 
que  cela  se  voit  chez  la  Carpe  (1)  ;  mais  c'est  chez  certains 
Plagiostomes  que  les  réservoirs  séminaux  atteignent  leur  plus 
haut  degré  de  développement.  Ainsi,  chez  les  Squales,  la 
partie  subterminale  de  chacun  des  canaux  déférents  s'élargit 
en  un  réservoir  piriforme,  dont  l'intérieur  est  divisé  en  une 
multitude  de  troncs  ou  loges  par  des  diaphragmes  transver- 
saux perforés  au  centre  (2). 

D'autres  l'ois,  la  portion  subterminale  de  l'appareil  évacua- 
teur  de  la  semence  se  complique  par  l'adjonction  d'appendices 
tubulaires  ou  de  sacs  membraneux,  qui  sont  tout  à  la  fois  des 
organes  sécréteurs  et  des  réservoirs  pour  la  semence.  Ainsi, 


(1)  Chez  le  Brocliet,  la  structure  ne  se  réunissent  pas  et  forment  cha- 
des  réceptacles  constitués  par  le  ren-  cun  un  grand  réservoir  séminal,  des 
flement  des  canaux  déférents  est  iden-  tubes  sécréteurs  assez  complexes 
tiquement  la  même  que  celle  des  pa-  viennent  déboucher  dans  le  col  de 
rois  de  ces  tubes,  dont  la  surface  ces  vésicules,  et  constituent  des  glan- 
intérieure  est  réticulée  (a).  Chez  la  des  accessoires  que  l'on  désigne  quel- 
Carpe,  leurs  parois  sont  plus  glandu-  quefois  sous  le  nom  d'appendices 
laires  ;  on  y  remarque  une  multitude  prostatiques  (c). 
de  petits  orifices  qui  conduisent  dans  Je  crois  devoir  considérer  comme 
des  follicules  ou  cryptes  de  la  tunique  des  glandes  accessoires,  plutôt  que 
muqueuse,  et  livrent  passage  aux  comme  de  simples  réservoirs  semi- 
liquides  sécrétés  dans  ces  cavités;  naux,  les  grandes  poches  qui  garnissent 
une  disposition  analogue  existe  dans  latéralement  la  portion  subterminale 
la  portion  précédente  du  canal  éva-  de  l'appareil  mâle  chez  le  Gobius 
cuateur  du  sperme ,  mais  elle  est  jozzo  (d). 
moins  prononcée  (b).  (2)  Ce   mode  d'organisation  a  été 

Chez  la  Baveuse  à  bande  {Blennius  très-bien  représenté  par  plusieurs  ana- 

gattorugine),  où  les  canaux  déférents  tomistes  (e). 


(a)  Lereboullet,  Op.  cit.,  p.  83,  pi.  8,  lig.  99  {Nova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXIII). 

(6)  Martin  Saint-Ange.  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  des  scienc.,Sav.  éti'.,t.  XIV,  p.  124,  pi.  2,  fig.  i], 

(c)  Hyrll-  Op.  cU.,  pi.  52.  fig.  9. 

(d)  Idem,  loc.  cit.,  pi.  52,  fig.  7. 

(e)  Par  exemple,  chez  la  Sélache  {Squalits  inaximus)  :  voy.  Carus  etOtlo,  Tabid.  Aiiat.  compar. 
illuslr.,  pars  y,  pi.  5,  fig.  8. 

—  Chez  rÉmisole  :  voy.  M.  Martin  Saiui-Aiige,  Up.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Sav. 
étrang.,l.Xl\). 


APPARKIL    DE    LA    (JÉNÉIUÏION    UKS    l'OISSONS.  477 

chez  les  Squales,  il  existe  à  l'origine  du  canal  génito-urinaire 
commun  une  paire  de  sacs  membraneux  très-grands  et  allongés, 
qui,  à  l'époque  du  rut,  contiennent  du  sperme  mclo  à  une  sub- 
stance jaunâtre  formée  par  leurs  parois  (1).  Un  mode  d'orga- 
nisation analogue  se  retrouve  chez  quelques  Poissons  osseux. 
Dans  certains  cas,  l'appareil  urinaire  semble  être  mis  à  con- 
tribution, non-seulement  pour  compléter  les  voies  affectées  à 
l'évacuation  de  la  semence,  mais  aussi  pour  fournir  à  ce  pro- 
duit les  liquides  nécessaires  à  sa  dilution.  En  effet,  chez  le 
Squale  émissole,  l'uretère  envoie  plusieurs  branches  dans  le 
canal  déférent,  et,  à  l'époque  du  rut,  on  trouve  les  Spermato- 
zoïdes mêlés  à  de  l'urine  dans  les  vésicules  séminales  où  le 
sperme  s'emmagasine  (2). 


(1)  Ces  réceptacles  cloisonnés  for- 
més par  le  canal  déférent,  et  ces  vési- 
cules accessoires,  ont  été  très-bien 
représentés  chez  le  Squale  aiguillât  ou 
Acanthias,  par  Treviranus  (a). 

(2)  Chez   le  Squale  émissole,  où 
es  testicules  de  forme  subcylindrique 

sont  placés  symétriquement  à  la  partie 
antérieure  et  supérieure  de  la  cavité 
abdominale ,  et  sont  encapuchonnés 
postérieurement  dans  une  gaîne  de 
substance  grise;  le  canal  évacuateur 
ésultant  de  l'anastomose  de  tous  les 
canaux  séminifères  longe  le  bord  in- 
terne de  la  glande,  et,  après  s'en  être 
séparé,  se  subdivise  en  trois  ou  quatre 
canaux  qui  bientôt  se  contournent  et 
s'enroulent  sur  eux-mêmes  d'une  ma- 
nière inextricable,  pour  former  un 
épididyme  allongé  et  claviforme.  Ces 
divisions  du  canal  déférent  ne  tardent 
pas  à  se  réunir  en  un  ti'onc  unique, 


qui  continue  à  se  pelotonner  sur  lui- 
même,  et  se  détache  enfin  de  l'extré- 
mité postérieure  et  amincie  de  l'épidi- 
dyme.  Il  s'élargit  ensuite  pour  consti- 
tuer le  réservoir  séminal,  et  celui-ci 
va  déboucher  dans  le  canal  génito- 
urinaire  médian,  au-dessus  des  orifices 
des  uretères.  Ainsi  que  j'ai  déjà  eu 
l'occasion  de  le  dire,  plusieurs  petits 
conduits  urinaires  pénètrent  dans 
l'épididyme  et  y  débouchent  dans  le 
canal  déférent  (6).  Le  réservoir  sémi- 
nal qui  termine  chaque  canal  déférent 
a  la  forme  d'un  grand  sac  cylindrique 
ou  plutôt  fusiforme  ;  il  est  divisé  in- 
térieurement en  un  grand  nombre  de 
loges  par  des  diaphragmes  membraneux 
transversaux  dont  le  centre  est  percé 
d'un  trou,  et  ses  parois  sont  garnies  de 
fibres  musculaires  aussi  bien  que  d'une 
membrane  élastique.  Une  des  grandes 
vésicules  accessoires  se  trouve  appli- 


(tt)  G.  R.  Treviranus,  BeUrdge  zur  nâhern  Keniilniss  der  Zeiujunçjstheile  und  dcv  Fortp/lan- 
zung  der  Fische  (Zeitschr.  fur  Physiologie,  1826,  t.  I,  p.  J,  pi.  2,  fig.  1  et  2). 
(6)  Voyez  tome  VII,  p.  333. 


478  REPRODUCTION. 

Mode  §  5.  —  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  la  fécondation  des 

fécondation,  Œufs  clicz  Ics  Poissous  s'opèfo  en  général  après  la  ponte,  et  il 
n'y  a  entre  ces  Animaux  aucun  rapprochement  sexuel  com- 
plétai). Mais,  chez  quelques  Poissons  osseux  et  chez  tous  les 
Plagiostomes,  la  liqueur  séminale  du  mâle  pénètre  dans  l'in- 
térieur de  l'appareil  femelle  pour  y  vivifier  les  œufs.  En 
général,  ce  phénomène  paraît  résulter  de  la  juxtaposition  des 
orifices  sexuels  plutôt  que  de  l'introduction  d'un  appendice 
copulateur  du  mâle  dans  les  voies  génitales  de  la  femelle  ("2). 
Cependant,  chez  les  Plagiostomes  ainsi  que  chez  les  Chimères, 
il  existe  à  la  partie  postérieure  du  cloaque  une  papille  conique 
qui  paraît  rempHr  les  fonctions  d'un  pénis  (3),  et  le  rappro- 
chement sexuel  est  facilité  par  l'action  d'organes  préhenseurs 
dont  la  structure  est  très-complexe. 

Ces  appendices  n'existent  que  chez  le  mâle,  mais  ils  n'ont 
aucune  connexion  directe  avec  les  voies  génitales;  ils  sont  situés 
de  chaque  côté  de  la  base  de  la  queue,  un  peu  en  arrière  du 


quée  contre  la  face  interne  de  chacun  vives  et  peu  profondes,  puis  le  mâle 
de  ses  réservoirs,  et  va  s'ouvrir  aussi  les  arrose  à  plusieurs  reprises.  Le 
dans  le  bout  antérieur  du  canal  mode  de  fécondation  des  œufs  est  à 
génito-urinaire.  Enfin,  ce  dernier  canal  peu  près  le  même  pour  le  Saumon  et 
va  déboucher  à  la  partie  postérieure  pour  beaucoup  d'autres  Poissons, 
du  cloaque  (a).  (2)  Il  paraît  que  les  Anguilles  se  rap- 
(1)  Ainsi,  chez  les  Épinoches,  la  prêchent  de  la  sorte,  et  que  le  mâle 
fécondation  des  œufs  a  lieu  après  la  arrose  de  sa  semence  les  œufs  à  me- 
ponte.  La  femelle  les  dépose  dans  sure  qu'ils  sont  pondus  par  la  fê- 
le nid  préparé  par  le  mâle,  puis  en  sort  melle  (c). 

pour  faire  place  à  celui-ci,  qui  vient  (3)  Chez  le  Squale  pèlerin,  ou  Seu- 
les aiToser  de  son  sperme  (6).  La  clie  maxima,  cet  appendice  conique 
Truite  dépose  ses  œufs  sur  le  gravier  présente  des  dimensions  considérables, 
ou  entre  des  pierres,  dans  les  eaux  et  constitue  une  véritable  verge  {d). 


(a)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.  [Mêm.  de  l'Acad.  des  sciences  ,  Sav.  étrang.,  t.  XIV,  p.  134, 
pi.  14). 

(6i  Goste,  Nidification  des  Epinoches  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  X, 
p.  580). 

(c)  Valenciennes,  art.  Anguille  du  Dictionnaire  universel  d'histoire  naturelle,  t.  I,  p.  504. 

{d}  Blain\ille,  Mém.  sur  le  Squale  pèlerin  (Ann.  du  Muséum,  1811,  t.  XVIII,  p.  184). 


,     APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    POISSONS.  479 

cloaque,  et  ressemblent  à  une  paire  de  grandes  tenailles.  Ils 
sont  pourvus  d'une  charpente  cartilagineuse  composée  de  plu- 
sieurs pièces  articulées  enire  elles,  de  muscles  particuliers  et 
d'une  glande  volumineuse.  Leur  structure  a  été  étudiée  avec 
beaucoup  de  soin  par  les  anatomisles,  mais  nous  ne  savons  que 
peu  de  chose  sur  leur  histoire  physiologique  (1). 

Quelques  Poissons  de  l'ordre  des  Lophobranches  présentent      Poche 
dans  leur  mode  de  reproduction  une  particularité  fort  remar-        <)<=« 

'  Lophobranclies 

quable.  Les  œufs  se  développent  dans  une  poche  incubatrice  mâies. 
spéciale,  et  ce  réservoir,  au  lieu  d'appartenir  à  la  femelle, 
comme  d'ordinaire  dans  des  circonstances  analogues,  fait  par- 
tie de  l'organisme  du  mâle.  Elle  est  située  derrière  l'anus,  sous 
la  queue,  et  l'on  n'en  trouve  aucune  trace  chez  la  femelle.  Chez 
les  Syngnathes,  une  longue  fente  médiane  conduit  dans  ce 
réceptacle,  dont  l'intérieur  est  divisé  en  un  grand  nombre  de 
loges  destinées  à  loger  chacune  un  œuf  qui  y  reste  pendant 
toute  la  durée  de  l'évolution  de  l'embryon.  Chez  les  Hippo- 
campes, cette  chambre  incubatrice  prend  la  forme  d'un  sac  à 
oritlce  étroit,  et,  chez  les  Scyphies,  elle  est  remplacée  par  un 
espace  ouvert  où  les  œufs  sont  simplement  accolés.  On  ne  sait 


(1)  La  charpente  solide  de  ces  ap-  particulière  qui  se  trouve  logée  dans 
pendices  copulateurs  est  en  relation  chacun  de  ces  appendices  se  compose 
avec  le  bassin  et  avec  la  nageoire  ven-  de  tubes  sécréteurs  qui  débouchent 
traie  ;  elle  présente  une  structure  très-  dans  un  sac  dont  les  parois  sont  mus- 
complexe,  et  se  compose  d'un  nombre  culaires,  et  dont  l'ouverture  commu- 
considérable  de  pièces,  à  plusieurs  nique  avec  une  gouttière  pratiquée 
desquelles  quelques  anatomistes  ont  dans  la  partie  adjacente  de  l'appendice, 
appliqué  les  noms  de  fémur,  de  et  dilatable  par  l'action  de  muscles 
iz'ôm,  etc.,  comme  si  elles  étaient  réel-  spéciaux.  Pour  plus  de  détails  à  ce 
lement  les  analogues  des  os  des  mem-  sujet ,  je  renverrai  aux  descriptions 
bres,  mais  ils  ne  paraissent  avoir  rien  données  par  Duvernoy  (a),  et  par 
de  commun  avec  ceux-ci.  La  glande  MM.  Vogt  et  Pappenheim  (6). 


(a)  Cuvier,  Anatomie  comparée,  2»  édit.,  t.  VIII,  p,  305  et  suiv. 

(b)  Vogt  et  Pappenheim,   Op.  cit.   (Ann.  des  sciences  nat.,  i'  série,  t.  XII,  p.  114,  pi,  3, 
fig.  6  et  7). 


480  REPRODUCTION. 

pas  comment  les  œufs  pondus  par  la  femelle  passent  dans  l'ap- 
pareil incubateur  du  mâle  (1). 
Époque  du  nai.  La  reproduction  des  Poissons  n'a  lieu  qu'une  fois  par  an,  à 
des  époques  qui  varient  beaucoup,  non-seulement  suivant  les 
espèces,  mais  aussi  suivant  l'âge  des  individus  et  la  tempéra- 
ture des  eaux  dans  lesquelles  ces  Animaux  habitent.  La  Carpe 
et  la  Tanche,  par  exemple,  fraient  vers  le  milieu  du  printemps, 
tandis  que  la  Truite  ne  dépose  ses  œufs  qu'au  commencement 
de  l'hiver  (2).  Pour  le  Brochet,  la  saison  de  la  ponte  dure 


(1)  Les  naturalistes  connaissent  de-  alvéoles  des  Abeilles,  qui  sont  disposés 

puis  fort  longtemps  le  fait  de  l'incu-  d'une  manière  alterne  sur  huit  rangées 

bation  des  œufs  de  l'Hippocampe  et  longitudinales'  de  30   à   kO  chacune, 

des  Syngnathes  dans  rme  poche  sous-  Quelques  auteurs  pensent  que  cet  ap- 

caudale ,  mais  jusqu'à   ces  derniers  pareil  ne  se  développe  que  dans  la 

temps  on  attribuait  ce  réceptacle  à  la  saison  du  frai  ;  mais  il  paraît  exister 

femelle.  En  1831,  M.   Eckstroem  an-  chez  tous  les  individus  mâles.  Les  pe- 

nonça  que  la  poche  en  question  appar-  tits    y   restent  jusqu'à   ce  que  leur 

tient  au  mâle  {a),  et  ses  observations,  vésicule  viteUine  ait  été  complètement 

après  avoir  été  l'objet  de  beaucoup  de  résorbée. 

discussions  (6),  ont  été  pleinement  con-  Chez   les  Hippocampes  (rf) ,    cette 

firmées  par  MM.  Vogt  et  Pappenheim.  chambre  incubatrice,  au  lieu  d'être  une 

Chez  les  Syngnathes  (c),  l'entrée  de  simple  fosse  fermée  en  dessous,  par  le 

la  chambre  incubatrice  consiste  en  une  rapprochement  de  deux  lèvres  ou  replis 

longue  fente  médiane  limitée  latéra-  cutanés,   est    un  grand  sac  dont  les 

lement  par  deux  lèvres  formées  cha-  parois  sont  creusées  de  locules  dispo- 

cune  par  un  repli  delà  peau.  La  voûte  sées  en  quinconce,  et  servent  à  loger 

et  les  côtés  du  réceptacle  sont  subdi-  les  œufs. 

visés  en  loges  assez  semblables  aux  (2)  Dans   les    régions   hautes   des 

(a)  Eclcstroem,  Fiskarne  i  Môrkô  Skârgard  (Veenskaps  Acad.  Handlinger,  1831,  p.  70,  pi.  2). 

(b)  Retzius,  Anat.  UiUerstich.  einiger  Theile  von  Syngnathus  acus  und  S.  Ophidion  (Isis   1835* 
p.  396).  >       .  . 

—  Rathke,  Fauna  der  Krym,  1836,  p.  23.  —  Zur  Anatomle  der  Fische  (Miiller's  Archiv 
fur  Anat.  und  Physiol.,  1836,  p.  181). 

—  Yarrell,  Remarks  on  some  species  of  the  geniis  Syngnathus  {Ann.  ofNat.  Ilist.,  1839  i   in 
p.  81).  '   ■      ' 

—  Krohn,  Ueber  das  Brûtorgan  der  Gattung  Hippocampus  (.4j'cftw  fur  Naturgeschichte,  1840 
t.  I,  p.  16).  ' 

—  Siebold,  Ueber  die  Geschlechtswerkzeuge  von  Syngnathus  und  Hippocampus  [Archiv  fur 
Naturgeschichte,  18i^,  p,  282). 

(c)  Carus  et  Otto,  Tabul.  Anat.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  5,  fig.  G. 

—  Vogt  et  Pappenheim,  Op.  cit.  {A7m.  des  sciences  nat.,  i'  série,  t.  XI,  p.  3G3.  et  t.   XII 
pi.  2,  fig.  1  et  2).  .Il,, 

(d)  Vogt  et  Pappenheim,  loc.  cit.,  i.  XII,  pi.  2,  fig.  3  et  4. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    BATRACIENS.  /j81 

depuis  la  fin  de  février  jusqu'en  avril,  et  ce  sont  les  jeunes 
femelles  qui  commencent;  les  vieilles  pondent  les  dernières. 

§  6.  —  Dans  la  classe  des  Batraciens,  les  organes  de  la  re- 
production ressemblent  beaucoup  à  ceux  des  Poissons  de  la 
division  des  Plagiostomes,  mais  n'atteignent  jamais  le  haut  de- 
gré de  complication  que  nous  venons  de  constater  chez  quelques- 
uns  de  ces  Animaux.  Les  caractères  généraux  de  leur  mode 
de  conformation  ont  été  bien  indiqués  par  Swammerdam  et 
Rœsel  (1);  plus  récemment  ils  ont  été  l'objet  de  recherches 
anatomiques  nombreuses  (2),  et  leur  histoire  physiologique 
présente  plusieurs  points  intéressants  à  étudier. 


Organes 

de 

la  génération 

des 
Batraciens, 


Pyrénées,  près  de  Luchon,  la  Truite 
commence  à  frayer  en  septembre  ; 
mais  aux  environs  de  Saint-Béat,  où 
l'été  se  prolonge  davantage,  elle  ne 
fraie  qu'en  octobre  on  au  commence- 
ment de  novembre,  et  à  Toulouse  la 
ponte  n'arrive  qu'environ  un  mois  plus 
tard  (a). 

(1)  Les  recherches  de  Swammerdam, 
qui  datent  du  xvii^  siècle,  eurent  pour 
objet  la  Grenouille;  celles  de  Rœsel 
portèrent  sur  les  Batraciens  urodèles, 
aussi  bien  que  sur  les  Anoures,  mais 
ftu'ent  plus  superficielles  (6). 

(2)  On  doit  consulter  à  ce  sujet  les 


observations  de  Cuvier,  de  Rathke, 
de  MM.  Prévost  et  Dumas,  et  de 
M.  Mayer,  qui  parurent  dans  le  pre- 
mier tiers  du  siècle  actuel  (c)  ;  mais 
pour  de  bonnes  figures  à  l'appui  des 
descriptions,  je  citerai  principalement 
les  recherches  plus  récentes  de  M.  Le- 
reboullet  sur  la  Grenouille,  de  M.  Mar- 
tin Saint- Ange  sur  le  Triton,  et  de 
M.  Leydig  sur  le  Protée,  la  Salaman- 
dre, le  Bombinator,  etc.  (d).  J'ai  mis 
également  à  contribution  un  travail 
inédit  de  MM.  Vogt  et  Pappenheim, 
qui  se  trouve  déposé  dans  les  archives 
de  l'Académie  des  sciences  (e). 


{a)  Baudrillart,  Traité  général  des  eaux,  forêts,  chasses  et  pêches,  t.  IV,  p.  553. 
(6)  Swammerdam,  Biblla  Natitrœ,  t.  II,  p,  Idi,  pi.  47. 

—  Rœsel,  Historia  7iatiu^alis  Ranarum,  1758. 
(c)  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée. 

—  Ralhke,  Beitrâge  zur  Geschichte  der  Thiere,  1820,  t.  I. 

—  Prévost  et  Dumas,  Sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  i.  I,  p.  278). 

—  Mayer,  Analekten  filr  vergl.  Anatomie,  1835  {Notes  sur  les  organes  génitaux  des  Meno- 
branchus  et  du  Mcnopoma). 

{d)  LercbouUcl,  Recherches  sur  V anatomie  des  organes  génitaux  des  Animaux  vertébrés  (Nova 
Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXIII). 

—  Bidde,  Vergleich.  anat.  und  histol.  Untersuch.  ûber  diemànnlich.  Geschlechts- und  Harn- 
werkzeuge  der  nacklen  Amphibien,  1848. 

—  Martin  Saint-Ange,  Etude  de  l'appareil  reproducteur  (Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants 
étrangers,  t.  XIV). 

—  Leydig,  Anatomisch-histologische  U7itersuchungen  ilber  Fische  und  Reptilien,  1853. 

(e)  Ce  travail  fait  partie  du  mémoire  dont  le  chapitre  sur  l'appareil  reproducteur  des  Poissons  a 
été  publié  dans  les  Annales  des  sciences  naturelles,  et  se  trouve  cité  ci-dessus. 


/l82  REPRODUCTION. 

Ovaires.  Lgs  ovalres  sont  toujours  pairs  et  suspendus  à  la  paroi  dor- 
sale de  la  cavité  abdominale,  de  chaque  côté  de  l'intestin,  par 
un  repli  du  péritoine.  Ils  ne  sont  jamais  en  communication 
directe  avec  l'extérieur,  comme  chez  la  plupart  des  Poissons 
osseux,  et  leurs  produits  sont  toujours  évacués  au  dehors  par 
des  oviductes  spéciaux  qui  sont  indépendants  de  ces  glandes. 
Mais  ces  ovaires  sont  creux ,  et  les  œufs ,  au  lieu  de  se 
détacher  de  leur  surface  extérieure,  comme  chez  les  Plagio- 
stomes,  tombent  d'abord  dans  leur  cavité,  pour  passer  ensuite 
dans  la  chambre  abdominale  ou  directement  dans  les  oviductes, 
par  suite  de  la  rupture  ou  la  résorption  d'une  portion  de  leurs 
parois  (1).  Leur  forme  générale  varie  avec  celle  du  corps  de 
l'Animal  :  ainsi,  ils  sont  tantôt  très-allongés  et  presque  cylin- 
driques, d'autres  fois  trapus  et  froncés.  La  cavité  de  ces  grands 
sacs  ovariens  est  simple  chez  les  Urodèles  (2),  mais  elle  est 
subdivisée  en  plusieurs  loges  par  des  cloisons  membraneuses 
chez  les  Anoures  (3). 


(1)  Quelques  auteurs  ont  décrit  ces  pariétale  de  stroma  (6).  Les  œufs  sont 
ovaires  comme  ayant,  à  leur  partie  an-  d'abord  incolores  ,  mais  deviennent 
térieure,  des  orifices  préexistants  (a)  ;  d'un  brun  jaune  clair,  par  suite  du 
mais  aujourd'hui  les  anatomistes  sont  développement  des  corpuscules  vitel- 
d'accord  pour  reconnaître  que  ces  or-  lins  dans  leur  intérieur. 

ganes  sont  d'abord  des  sacs  complète-  (3)    Les   ovaires  de  la   Grenouille 

ment  fermés  et  qu'ils  se  vident  à  l'é-  consistent  en   une  paire  de   grosses 

poque  du  frai,  par  suite  de  la  rupture  masses  lobées,  séparées  entre  elles  par 

de  leurs  parois.  le  canal  digestif,  et  suspendues  symé- 

(2)  Chez  le  Triton  à  crête,  les  ovaires  triquement  de.  chaque  côté  de  la  co- 
se  composent  chacun  d'un  grand  sac  lonne  vertébrale  à  l'aide  d'un  repli  du 
imparfaitement  divisé  en  trois  lobes,  péritoine,  qui  les  renferme  entre  ses 
dans  l'intérieur  desquels  les  œufs  mûrs  feuillets  et  qui  ressemble  à  un  mésen- 
sont  suspendus  en  grappes,  tandis  tère.  Chacun  de  ces  organes  (c)  porte 
que  les  autres  sont  plus  ou  moins  à  son  extrémité  antérieure  un  certain 
complètement  empâtés  dans  la  couche  nombre  d'appendices  de  tissu  grais- 


(a)  Siannius  et  Siebold,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  1849,  t.  II,  p.  235, 

(b)  Voyez  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  109,  pi.  11,  fig.  i. 
(C)  Picesel,  Historia  naturalis  Ranarum,  pi.  8. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    BATRACIENS.  483 

Les  œufs,  après  leur  sortie  de  l'ovaire,  ne  pénètrent  pas 
toujours  direetement  dans  les  trompes  ;  parfois  ils  errent  pen- 


seux  (a),  et  se  compose  de  plusieurs 
sacs  ovulaires  indépendants  les  uns 
des  autres,  disposés  transversalement, 
élargis  du  côté  externe,  où  ils  sont  li- 
bres, et  rétrécis  du  côté  interne,  où  ils 
convergent  vers  leur  point  d'attache 
commun.  Une  couche  mince  de  tissu 
proligère  contenant  xm  lacis  de  vais- 
seaux sanguins  est  appliquée  à  la  lace 
interne  de  cette  tunique  péritonéale,  et 
recèle  dans  sa  substance  un  nombre 
incalculable  d'œufs  à  divers  degrés  de 
développement.  L'aspect  de  l'ovaire 
varie  beaucoup,  suivant  l'état  de  dé- 
veloppement plus  ou  moins  avancé 
des  ovules.  Ceux-ci  sont  d'abord  com- 
plètement empâtés  dans  le  stroma 
commun  ;  mais,  à  mesure  qu'ils  gran- 
dissent, ils  font  saillie  à  la  surface  in- 
terne du  sac  ovarien,  en  poussant  de- 
vant eux  une  couche  mince  du  tissu 
adjacent,  ainsi  que  les  vaisseaux  san- 
guins circonvoisins  (6).  L'espèce  d'am- 
poule formée  de  la  sorte  constitue  pour 
chaque  œuf  une  capsule  particulière 
qui  adhère  d'abord  aux  parties  sous- 
jacentes  par  une  large  base;  mais  à  me- 
sure que  l'œuf  grossit  et  devient  de  plus 
en  plus  saillant,  cette  base  se  rétrécit 
et  ne  tarde  pas  à  devenir  un  pédon- 
cule étroit  (c).  L'œuf,  encore  renfermé 
dans  sa  capsule,  est  alors  suspendu 
comme  un  grain  de  raisin  dans  l'inté- 


rieur de  la  cavité  de  l'ovaire,  et  lors- 
que cette  capsule,  où  il  est  complète- 
ment libre,  vient  à  se  rompre,  comme 
cela  a  toujours  lieu  à  une  certaine 
période  du  travail  génésique,  il  tombe 
dans  l'intérieur  du  sac  ovarien  corres- 
pondant. Chacun  de  ces  grands  sacs 
se  remplit  ainsi  d'un  grand  nombre 
d'œufs  ovariens  mûrs,  tandis  qu'une 
autre  série  d'ovules  plus  jeunes  se  dé- 
veloppe dans  l'épaisseur  de  ses  parois. 
Enfin,  le  sac  ovarien  lui-même,  dis- 
tendu de  plus  en  plus  par  cette  accu- 
mulation d'œufs  libres  dans  sa  cavité, 
s'ouvre  par  suite  de  la  rupture  ou  de 
la  résorption  d'une  partie  de  ses  parois, 
et  laisse  échapper  tous  ces  corps  re- 
producteurs, qui  passent  dans  la  se- 
conde partie  de  l'appareil  de  la  géné- 
ration, c'est-à-dire  dans  les  oviductes. 
Lorsque  l'œuf  commence  à  se  déve- 
lopper dans  l'épaisseur  du  stroma,  il 
est  très-petit  et  complètement  trans- 
parent. On  y  distingue  une  membrane 
vitelline,  un  vitellus  incolore  et  homo- 
gène, une  vésicule  de  Purkinje  sphéri- 
que,  et  dans  l'intérieur  de  celle-ci,  des 
corpuscules  qui  représentent  la  tache 
de  Wagner  et  qui  paraissent  être  des 
cellules.  Le  tissu  ovarien  circonvoisin 
est  lâche  et  ne  constitue  pas  encore 
une  capsule,  mais  il  devient  plus  tard 
le  siège  d'une  sorte  d'hypertrophie  ; 


(a)  Chez  le  Pipa,  ees  appendices  graisseux  sont  développés  d'une  manière  très-remarquable  : 
wy.  Mayer,  Beitr.  zu  einer  anatomischen  Monographie  der  Rana  pipa  {Nova  Acta  Acad.  nat 
curios.,  1825,  t.  XIl,  pi.  49  A). 

(6)  Voyez  Lereboullei,  Recherches  sur  l'analomie  des  organes  génitaux,  pi.  i,  Rg.  54. 

(c)  Idem,  ibid.,  pi.  -4,  fig.  55. 

—  Idem,  ibid.,  pi.  4,  %.  52-55. 

—  Prévost  et  Dumas,  Deuxième  mémoire  sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  nat  1824 
1,11,  p.  100,  pi,  6,  tig.  I). 

—  Lerebuullet,  Op.  cit.,  pi.  i,  fig-.  52.  , 


llSd  BEPRODUCTION. 

dant  quelque  temps  dans  la  cavité  abdominale,  entre  les  vis- 
cères, avant  de  s'engager  dans  ces  conduits  (1). 
oviductes.  Les  oviductes  sont  des  tubes  très-longs  et  intestiniformes,  qui, 
suspendus  à  une  sorte  de  mésentère,  décrivent  une  multitude 
de  circonvolutions,  et  s'étendent  de  chaque  côté  de  l'abdomen, 
depuis  le  voisinage  du  cœur  jusqu'au  cloaque  (2).  A  leur  extré- 
mité antérieure,  ils  ne  sont  pas  réunis  entre  eux,  comme  chez 
les  Poissons  plagiostomes,  et  se  terminent  chacun  par  une  espèce 
d'entonnoir  membraneux  ;  mais  cet  orifice  est  peu  mobile  et 
n'est  pas  susceptible  de  s'appliquer  sur  l'ovaire.  Les  parois  de 
l'oviducte  sont  épaisses  et  garnies  de  fibres  musculaires,  ainsi 
que  d'une  multitude  de  follicules  ou  glandules  destinées  à  sécré- 
ter des  matières  albuminoïdes  dont  les  œufs  s'entourent  pen- 


des fibres  nouvelles  s'y  développent, 
ses  vaisseaux  sanguins  se  multiplient, 
et  il  constitue  une  sorte  de  kyste  dont 
la  face  interne  se  garnit  d'une  couche 
de  tissu  épithélique  analogue  à  celui 
que  nous  avons  vu  former  le  cliorion, 
ou  coque  de  l'œuf,  chez  les  Poissons 
osseux.  Mais  ici^  ce  revêtement  cel- 
lulaire n'a  qu'une  existence  transitoire, 
et  MM,  Vogt  et  Pappenheim  ont  con- 
staté qu'après  avoir  acquis  une  épais- 
seur assez  grande,  il  disparaît,  ou  se 
transforme  en  une  membrane  homo- 
gène et  transparente.  Le  vitellus  subit 
en  même  temps  des  changements  con- 
sidérables ;  il  grossit,  et  l'on  y  voit  ap- 
paraître un  grand  nombre  de  granules 
opaques  qui  semblent  animés  d'un 
mouvement  brownien,  et  qui,  d'abord 
arrondis,  se  transforment  plus  tcTi'd 


en  petites  plaquettes  irrégulières.  Un 
dépôt  de  pigment  noir  et  granuleux 
se  montre  aussi  à  la  surface  de  la 
sphère  vitelline,  mais  ne  l'envahit  pas 
en  entier,  de  sorte  que  l'œuf  reste  d'un 
gris  sale  d'un  côté,  tandis  que  du  côté 
opposé  il  devient  noirâtre. 

(1)  Ainsi,  chez  les  Tritons,  à  l'épo- 
que du  frai,  on  trouve  souvent  des 
œufs  libres  dans  la  cavité  viscérale, 
tantôt  entre  l'ovaire  et  les  intestins, 
tantôt  entre  les  circonvolutions  des 
oviductes,  ou  même  entre  les  poumons 
et  les  parois  abdominales  (a). 

(2)  Chez  les  Protées,  les  oviductes 
commencent  plus  en  arrière ,  vers  le 
niveau  du  milieu  de  l'estomac,  et  se 
portent  en  ligne  droite  vers  le  cloa- 
que (6).  Il  en  est  à  peu  près  de  même 
chez  la  Sirène  lacertine  (c). 


(a)  Marlin  Saint-Ange,  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  XIV, 
p.  113). 

(6)  Configliachi,  Del  Prolco  anguineo  de  Laurenti.  Pavia,  1819. 

(c)  Vaillant,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  anatomique  de  la  Sirène  lacertine  {Ann.  des  sciences 
nat.,  4«  i^éric,  18G3,  t.  XIX,  p.  343,  pi.  8,  fig.  1). 


APPAREIL    DE    LA    Gl^NÉRATlON    DES    BATRACIENS.  /|.85 

(lant  leur  passage  vers  l'extérieur.  Chez  la  plupart  des  Urodèles, 
ces  tubes  ont  à  peu  près  le  même  diamètre  dans  toute  leur 
longueur  (1);  mais  chez  les  Grenouilles  et  les  autres  Anoures, 
ils  se  dilatent  beaucoup  dans  leur  portion  subterminale,  et  y 
constituent,  de  chaque  côté  de  l'abdomen,  un  grand  réservoir  où 
les  œufs  s'amassent  et  séjournent  pendant  un  certain  temps  (2). 
Entin,  ces  conduits  pénètrent  dans  le  cloaque  et  y  débouchent 


(1)  Par  exemple,  chez  les  Sala- 
mandres (a)  et  le  Menobranchus  late- 
ralis  (6). 

(2)  Chez  la  Orenouille,  les  oviduc- 
les  (c)  se  composent  de  trois  portions 
bien  distinctes.  Chacun  d'eux  com- 
mence sur  les  côtés  du  cœur,  par  un 
orifice  circulaire  situé  à  une  assez 
grande  distance  de  son  congénère,  et 
rattaché  au  foie  par  une  bride  périto- 
néale;  il  se  porte  ensuite  directement 
en  arrière,  et  ses  parois,  très-minces 
et  gai'nies  d'un  épithélium  vibratile, 
présentent  intérieurement  des  replis 
longitudinaux.  La  portion  suivante  est 
très-longue  {d)  et  se  contourne  sur  elle- 
même.  Ses  parois  sont  épaisses,  élas- 
tiques et  d'un  blanc  de  lait  ;  au  contact 
de  l'eau,  elles  se  gonflent  beaucoup, 
se  brisent  et  laissent  échapper  une  ma- 
tière gélatineuse.  Sa  tunique  interne 
ou  muqueuse  présente  une  surface  ré- 
ticulée et  loge  ime  multitude  de  glan- 
dules  tubulaires  groupées  radiairement; 
un  bourrelet  composé  d'un  nombre 
considérable  de  papilles    forme    une 


sorte  de  valvule  à  l'embouchure  de 
cette  portion  intestiniforme  de  l'ovi- 
ducte  dans  le  réceptacle  constitué  par 
la  troisième  partie  de  ce  conduit.  Ce 
sac,  que  l'on  désigne  souvent  sous  le 
nom  d'utérus,  est  très-grand  et  ova- 
laire  ;  il  adhère  à  son  congénère,  à 
côté  duquel  il  est  situé  au-dessus  du 
rectum.  Ses  parois  sont  plissées,  très- 
extensibles  et  fort  minces,  mais  elles 
renferment  cependant  des  glandules, 
ainsi  que  des  fibres  musculaires  situées 
entre  la  tunique  muqueuse  et  la  tuni- 
que péritonéale.  Postérieurement,  ce 
réservoir  incubateur  se  rétrécit  et  va 
déboucher  dans  le  cloaque  ou  portion 
terminale  de  l'intestin,  où  s'ouvrent 
aussi  les  uretères  et  la  vessie  urinaire. 

Chez  les  Crapauds  calamités,  la 
portion  inférieure  de  l'oviducte  est 
cylindrique,  grosse  et  très-allongée  (e). 

MM.  Vogt  et  Pappenheim  ont  con- 
staté que  chez  le  Crapaud  accoucheur, 
les  deux  sacs  incubateurs  communi- 
quent entre  eux  par  une  ouverture 
pratiquée  dans  la  partie,  postérieure  de 


(a)  Voyez  Carus  et  Oito,  Tabul.  Anat.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi,  6,  flg-.  d . 
(6)  Voyez  Rathke,  Op.  cit.,  t.  I,  pi.  2,  fig.  i. 

—  Dellu  Chiaje,  Disserta%ioni  sulVanatomia  umana,  comparata  e  pathologica,  t.  I,  pi.  H, 
flg.  1 . 

(c)  Voyez  Rœsel,  Hist.  nalur.  Ranarum,  pi.  8. 

—  Lereboullet,  Heclierches  sur  Vanatomie  des  organes  génilaux  des  Animaux  vertébrés 
(Nova  Acta  Acad.  nat,  curios.,  t.  XXIII,  pi.  l-i,  fig-,  13G,  etc.). 

(d)  Swammcrdam,  liiblia  Nalurœ,  t.  II,  pi.  47,  lig-,  5. 

(e)  Rœsel,  Hisl.  natur.  Ranarum,  pi.  21,  fig.  24. 


vni. 


33 


/l86 


REPRODUCTION. 


Œufs. 


au  sommet  d'une  paire  de  papilles  saillantes  situées  sur  la  paroi 
dorsale  de  ce  vestibule  commun. 

Les  œufs  sont  très-nombreux  (!),  et  en  général  ils  sont 
agglutinés  au  moyen  d'une  matière  glaireuse.  Ainsi,  chez  les 
Grenouilles  ils  sont  réunis  en  masses  informes  (2),  et  chez  les 
Crapauds  ils  sont  disposés  en  chapelet  ou  forment  de  longs 
cordons  cyhndriques  (3).  Chez  les  Tritons,  ils  sont  pondus 
isolément  et  fixés  aux  feuilles  des  plantes  aquatiques,  telles  que 
]e  Polygonum  persicaria,  à  l'aide  du  mucus  qui  les  entoure  (û^). 
Presque  toujours  le  vitellus  est  noirâtre  (5). 


la  cloison  médiane  formée  par  la  sou- 
dure de  lem's  parois  internes. 

Chez  le  Ménopome,  la  portion  sub- 
terminale de  Toviducte  s'élargit  aussi 
en  manière  de  réservoir,  mais  beau- 
coup moins  que  chez  les  Anoures  (a). 

Il  existe  également  un  utérus  de  ce 
genre  chez  les  Salamandres  terres- 
tres (6),  tandis  que  chez  les  Tritons, 
l'oviducte  est  cyUndrique  dans  toute 
sa  longueur  et  ne  se  dilate  pas  de  la 
sorte  vers  le  bout  (c). 

L'appareil  génital  femelle  du  Lepi- 
dosiren  [d)  ressemble  à  celui  des  Ba- 
traciens pérennibranches  plus  qu'à 
celui  des  Poissons  plagiostomes.  Les 
ovaires  sont  très-allongés;  chaque 
oviducte  se  termine  antérieurement 
par  une  ouverture  particulière  en 
forme  de  fente.  Postérieurement,  ces 
deux  conduits  se  réunissent  en  un 
canal  médian  assez  large,  mais  très- 


court,  qui  débouche  à  la  partie  posté- 
rieure du  cloaque.  A  leur  surface 
interne,  ces  tubes  présentent  des  plis 
lamelleux,  mais  on  n'y  voit  pas  d'or- 
gane sécréteur  particulier. 

(1)  Swaramerdam  a  compté  plus  de 
llUO  œufs  dans  les  ovaires  d'une  Gre- 
nouille, et  Spallanzani  en  a  trouvé 
plus  encore  chez  un  Crapaud  :  une 
seule  ponte  lui  en  donna  jusqu'à  1200. 

(2)  Chez  les  Rainettes,  les  œufs  sont 
groupés  de  la  même  manière. 

(3)  Chez  le  Crapaud  brun,  les  œufs 
sont  réunis  en  un  seul  conduit  cylin- 
drique très-gros  (e)  ;  mais  chez  le  Cra- 
paud commun,  ils  forment  deux  cylin- 
dres grêles  (/■). 

(li)  Ce  pigment  noir  manque  dans  les 
œufs  de  l'Aly  te,  ou  Crapaud  accoucheur, 
et  du  breviceps,  ou  Crapaud  bossu. 

(5)  La  femelle  plie  ces  feuilles  en 
deux  pour  y  loger  ses  œufs  (g). 


{a)  Mayer,  Analeklen  fur  ver gl.  Anatomie,  t.  I,  p.  72. 

(6)  Sa  longueur  est  d'environ  dix  fois  celle  du  corps  de  l'Animal. 

(c)  Voyez  Ralhke,  Op.  cit.,  t.  I,  pi.  i,  fig.  1. 

—  Funk,  De  Salamandrœ  terrestris  tractatus,  1827,  pi.  3,  fig-.  10. 

—  Martin  Sainl-Ange,  Op.  cil.,  pi.  tO,  fig.  \. 

(d)  Owen,  Description  of  the    Lepidosiren  annectens   (Trans.   of  the  Linn.  Soc,  t.  XVIII, 
tp.  349,  pi.  17,  fig.  7). 

(e)  Rœscl,  Historia  naturalis  Ranarum,  pi.  17,  fig.  1  et  2. 
f)  idem,  ibid.,  pi.  20,  fig.  2. 

Ig)  Rusconi,  ,4 ?noît,  s  des  Salamandres,  p.  19  etsuiv.,  pi.  2,  fig.  2,  et  pi.  3. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    BATIIACIENS.  /l87 

§  7.  —  L'appareil  mâle  des  Batraciens  présente  plusieurs 
particularités.  En  général,  les  testicules  sont  simples,  c'est- 
à-dire  ne  forment  chacun  qu'une  seule  masse  (1);  mais  chez 
les  Tritons  et  les  Salamandres,  chacun  de  ces  organes  est  en 
général  divisé  en  deux  ou  plusieurs  portions  situées  à  la  file 
l'une  derrière  l'autre  (2),  et  offrant  des  apparences  assez  va- 
riées, suivant  le  degré  de  développement  des  produits  séminaux 
contenus  dans  leur  intérieur  (o). 


Apriari;il 
iiiàle. 


(1)  Ainsi,  chez  la  Grenouille,  les 
testicules  ont  la  forme  de  deux  corps 
ovoïdes  un  peu  comprimés  latérale- 
ment, d'apparence  lactée  on  grisâ- 
tre (a),  qui  portent  à  leur  extrémité 
antérieure  un  groupe  d'appendices 
graisseux,  digités  et  de  couleur  jaune- 
orange  (6),  dont  le  volume  est  con- 
sidérable en  automne  ainsi  qu'au 
printemps,  et  paraît  être  en  rapport 
avec  l'alimentation  de  l'Animal  plutôt 
qu'avec  l'activité  reproductrice  (c).  Le 
volume  des  testicules  varie  suivant  les 
saisons,  et,  à  l'époque  du  rut^  est  sou- 
vent trois  fois  plus  grand  après  l'ac- 
couplement. La  tunique  albuginée  qui 
les  enveloppe  est  mince  et  donne  nais- 
sance à  des  prolongements  cloison- 
naires  qui  s'enfoncent  plus  ou  moins 
profondément  dans  la  substance  de  la 
glande.  Les  vaisseaux  sanguins  qui 
pénèti'ent  dans  ces  organes  par  leur 
côté  dorsal  et  interne  forment  à  leur 
surface  un  réseau  à  mailles  pentago- 


nales  qui  logent  les   extrémités  des 
tubes  séminifères. 

(2)  On  a  depuis  longtemps  remar- 
qué les  différences  qui  existent  sou- 
vent entre  les  divers  lobes  du  testicule 
chez  le  même  Animal,  tant  sous  le 
rapport  de  la  couleur  que  du  volume 
et  de  la  forme  (d).  La  cause  de  ces 
différences,  constatée  par  Duvernoy, 
indique  uneindépendance  assez  grande 
dans  les  fonctions  des  différents  lobes 
de  l'organe  spermatogène  (e). 

(3)  Chez  le  Triton  tœniatus,  le 
testicule  n'est  pas  subdivisé  (/)  ;  mais 
chez  le  Triton  igneus,  il  se  com- 
pose de  deux  portions  bien  distinctes, 
et  chez  le  T.  niger,  ainsi  que  chez 
le  T.  cristatus,  on  y  compte  d'or- 
dinaire trois  et  quelquefois  même 
quatre  parties.  Chez  la  Salamandre 
commune,  cette  glande  est  toujours 
divisée  en  deux  portions  séparées  par 
un  étranglement  et  subdivisées  cha- 
cune en  lobules. 


(a)  Quelquefois  le  péritoine  qui  les  recouvre  leur  donne  une  teinto  noirâtre, 

(b)  Voyez  Prévost  et  Dumas,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  nat.,  1824,  t.  I,  pi.  20,  fig.  i  et  2). 
—  Lereboullet,  Op.  cit.,  pi.  7,  ûg.  85. 

(c)  Rallike,  De  Salamandrarum  corporiius  adiposis.  Berolini,  1818,  p.  A. 

(d)  Faj',  Observations  physiques  et  aiialomiques  s^tr  plusieurs  espèces  de  Salamandres  (Mém. 
de  l'Acad.  des  sciences,  1729,  p.  148,  pi.  11,  fig.  7). 

(e)  Duvernoy,  Fragments  sur  les  organes  génito  -urinalres  des  Reptiles,  p.  21  (extrait  des  Mém. 
de  l'Académie  des  sciences,  Savants  étrangers,  t.  XI). 

(f)  Ralhke,  Ueber  die  Entstelning  iind  Entwickelung  der  Geschlechtstheile  bei  der  Urodelen 
(Beitr.  zur  Geschichte  der  Thierwelt,  1820,  1. 1,  pi.  2,  fig.  6-12). 

—  Duvernoy,  loc.  cit.,  p.  20,  pi.  1  et  2, 


évacuateurs. 


^|88  REPRODUCTION. 

Les  tubes  spermatiques  qui  constituent  le  testicule  sont 
terminés  en  cul-de-sac,  et  leur  fond  occupe  la  périphérie  de  cet 
organe,  de  sorte  qu'au  premier  abord,  celui-ci  paraît  composé 
d'un  amas  de  vésicules  arrondies,  logées  dans  les  mailles  d'un 
réseau  vasculaire.  Ces  tubes,  semblables  à  des  doigts  de  gant, 
convergent  vers  le  bord  dorsal  de  la  glande,  et  y  donnent  nais- 
sance à  plusieurs  vaisseaux  excréteurs  très-grêles  qui  s'en  dé- 
tachent (1). 
Conduits  Les  voies  par  lesquelles  les  produits  du  testicule  sont  évacués 
au  dehors  présentent,  dans  cette  classe  d'Animaux,  des  varia- 
tions très-considérables,  et  ces  différences  dépendent  principa- 
lement des  relations  qui  s'établissent  entre  le  conduit  excréteur 
des  corps  de  Wolf,  ou  reins  temporaires,  les  canaux  urinaires 
et  les  tubes  séminifères.  Pour  en  bien  saisir  le  caractère,  il  est 
nécessaire  de  prendre  en  considération  le  mode  de  développe- 
ment de  ces  organes  et  les  transformations  qu'ils  subissent  chez 
l'embryon  (2). 

Dans  une  des  précédentes  Leçons,  nous  avons  vu  que  chez 


(1)  A  raison  de  la  délicatesse  ex-  des  Vertébrés  inférieurs,  on  ne  savait 
trême  de  leurs  parois,  ces  tubes  sper-  que  peu  de  chose  sur  ce  sujet.  Les 
magènes  sont  très-difficiles  à  étudier.  travaux  subséquents  de  J.  Millier  sur 
Suivant  MM.  Vogt  et  Pappenheim,  ils  cette  partie  de  l'embryologie  sont  d'une 
se  rendraient  dans  une  cavité  centrale  importance  encore  plus  grande ,  et 
commune,  d'où  naîtraient  les  conduits  dans  ces  derniers  temps,  les  observa- 
efférents  {Op.  cit.  ) .  tions  de  M.  Leydig  et  de  M .  Wittich  ont 

(2)  Avant  la  publication  des  re-  jeté  de  nouvelles  lumières  sur  plu- 
cherches  de  Rathke  sur  le  développe-  sieurs  questions  encore  obscures  ou 
ment  des  organes  génitaux  internes  mal  expliquéespar  leurs  devanciers  (a). 


(a)  Raltike,  Vebei'  die  Entstehung  und  Enlwickl.  der  Geschlechstheile  bei  den  Urodelen 
{Beilr.  »tir  Geschichte  der  Thierwelt,  1. 1,  1820).  —  Untersuch.  ûber  die  Geschlechts-Werkzeuge 
der  Schlangen,  Eidechsen  und  Schildkroten  (Abhandlungen  %ur  Bildimgs-und  Entuiickelungs- 
geschichte  des  Menschen  und  Thiere,  i  852,  t.  1,  p.  21 ,  pi.  3). 

—  J.  MûUer,  Bildungsgeschichte  der  Genitalien  aus  anatomischen  Untevsuchungen  an 
Embryonen  des  Menschen  und  der  Thiere,  1830. 

—  Willich,  Beitràge  zur  morphologischen  und  histologischen  Entwickelung  der  Harn-und 
Geschlechts-Werkseuge  der  nacklen  Amphibien  (Zeitschrift  fiir  wissensch.  Zool.,  4853,  t.  IV, 
p.  i25,  pi.  9). 

—  Leydig,  Anal.-Histol.  Untei'suchungen  ûber  Fische  tmd  Heptilien,  1853. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    BATRACIENS.  489 

tous  les  Vertébrés  il  se  forme  de  bonne  heure,  dans  la  région 
dorsale  de  la  cavilé  abdominale,  un  organe  de  structure  glan- 
dulaire appelé  corps  de  Wolf,  qui  est  destiné  à  constituer  l'ap- 
pareil urinaire  chez  les  Poissons,  mais  qui ,  clicz  les  autres 
Animaux  du  même  embranchement,  ne  joue  qu'un  rôle  tran- 
sitoire dans  l'économie,  et  disparaît  plus  ou  moins  complètement 
à  mesure  que  l'appareil  rénal  se  développe  (1).  Le  conduit 
excréteur  de  cet  organe  transitoire,  que  l'on  peut  désigner  sous 
le  nom  de  tube  wolfien,  se  rend  au  cloaque,  et  sa  portion  pos- 
térieure est  mise  à  contribution,  soit  par  l'appareil  génital  seu- 
lement, soit  par  cet  appareil  et  l'appareil  urinaire  pour  l'évacua- 
tion de  leurs  produits.  Il  en  résulte  que  tantôt  cette  portion  du 
tube  wolfien  devient  un  canal  commun  faisant  fonction  d'uretère, 
aussi  bien  que  de  conduit  déférent,  tandis  que  d'autres  fois 
l'uretère  se  constituant  d'une  manière  indépendante,  il  en  reste 
plus  ou  moins  complètement  séparé  et  sert  uniquement  à  la 
sortie  du  sperme.  Les  différences  anatomiques  dont  il  est  ici 
question  dépendent  donc  principalement  du  point  où  la  coales- 
cence  de  ces  trois  sortes  de  tubes  s'effectue,  et  du  développe- 
ment plus  ou  moins  grand  de  la  portion  du  système  excréteur 
qui  appartient  en  propre,  d'une  part  aux  testicules,  d'autre  part 
aux  reins.  Tantôt  les  conduits  spermatiques  et  urinaires  s'ana- 
stomosent et  se  confondent  avant  que  de  s'unir  au  tube  wolfien. 
D'autres  fois,  celui-ci  reçoit  d'abord  les  conduits  spermatiques, 
et  constitue  de  la  sorte  un  canal  déférent  particulier,  puis  s'unit 
à  l'uretère  pour  former  un  conduit  génito-urinaire  commun  qui 
se  rend  au  cloaque.  Enfin,  dans  d'autres  cas,  la  séparation  entre 
l'appareil  urinaire  et  l'appareil  génital  associé  au  tube  wolfien 
se  continue  plus  loin,  et  ils  débouchent  isolément  dans  le 
cloaque  commun. 

Le  premier  de  ces  modes  d'organisation  nous  est  offert  par 

(1)  Voyez  tome  VI,  page  306  et  suivantes. 


Il90  REPRODUCTION. 

Grenouiiies.eic.  les  Grenoiiilles  et  le  Crapaud.  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  en 
décrivant  l'appareil  urinaire  de  ces  Animaux  (1),  les  canaux 
efterents  des  testicules  pénètrent  directement  dans  la  siibslance 
des  reins,  les  traversent,  et  vont  déboucher  dans  l'uretère  ou 
canal  excréteur  de  cette  glande  (2),  conduit  qui,  a  son  tour, 
s'unit  au  tube  wolfien  pour  aller  ensuite  se  terminer  dans  le 
cloaque  (3). 

Ménobranches.  Chcz  Ics  Ménobrauclies  ou  Necturus,  les  canaux  excréteurs 
du  testicule  s'enfoncent  également  dans  la  substance  du  rein,  et 
débouchent,  ainsi  que  les  canaux  urinifères,  dans  un  conduit 
qui  longe  le  bord  opposé  de  cette  dernière  glande  ;  mais  ce 
conduit  se  continue  supérieurement  avec  la  portion  hbre  du 
tube  wolfien,  et  paraît  être  constitué  tout  entier  par  ce  même 
canal  (/i). 
Protée.  Le  Prêtée  nous  offre  un  exemple  de  la  seconde  combinaison 

organique  dont  il  vient  d'être  question.  Le  canal  efférent  du  tes- 
ticule, après  s'être  divisé  et  pelotonné  de  façon  à  constituer  un 
épididyme,  débouche  par  plusieurs  branches  dans  le  tube  wol- 
fien, dont  la  portion  antérieure  reste  libre  et  dont  la  portion 
postérieure  reçoit  plus  loin  en  arrière  les  canaux  efférents  des 
reins,  puis  continue  sa  route  vers  le  cloaque  pour  y  verser,  soit 

(1)  Voyez  tome  VlI,  p.  337  et  suiv.  (3)   Le  mode  d'union  des  canaux 

(2)  Le  mode  de  terminaison  des  efférents  des  testicules  avec  l'uretère, 
canaux  efft'rents  dans  les  canaux  et  de  celui-ci  avec  le  tube  wolfien,  est 
urinaires  n'a  pu  être  constaté  d'une  à  peu  près  le  même  chez  le  Crapaud 
manière  satisfaisante,  mais  il  est  bien  agua,  ou  Bufo  maculiventris,  si  ce 
certain  qu'ils  y  débouchent  et  que  ces  n'est  que  ce  dernier  tube  est  plus  dé- 
derniers versent  le  sperme  dans  l'ure-  veloppé  («). 

tère.  Le  réseau  formé  par  les  canaux  Les  canaux  efférents  traversent  éga- 

efîérents  dans  la  profondeur  de  la  sub-  lement  la  substance  des  reins  chez  la 

stance  des  reins  a   été  observé  avec  Salamandre  terrestre  [b). 

soin  chez  la  Grenouille  par  MM.  Vogt  (/i)    Voyez    ci- dessus,   tome   VIF, 

et  Pappenheim.  p.  339,  note  1. 

(a)  Lcydig,  Handb.  der  Histologie,  p.  528,  fig.  258. 
(6)  Leydig,  Op.  cit.,  p.  527,  fig.  257, 


Triions, 


APPAUEIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DKS    RATP.ACIENS.  /l9l 

l'urine,  soit  la  semence.  Ici,  c'est  par  conséquent  le  canal 
déférent  qui  fait  fonction  de  l'uretère,  tandis  que  chez  la  Gre- 
nouille, c'est  l'uretère  qui  tient  lieu  de  canal  déférent  (1). 

Chez  les  Tritons  ou  Salannandres  aquatiques,  la  structure  de 
l'appareil  génito-urinaire  se  complique  davantage,  et,  ainsi  que 
je  l'ai  déjà  dit,  les  anatomistes  sont  partagés  d'opinion  au  sujet 
des  connexions  établies  entre  les  voies  urinaires  et  séminifères. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  mode  de  groupement  des  conduits  génitaux 
et  urinaires  paraît  participer  des  deux  types  que  nous  venons  de 
passer  en  revue  :  car  une  partie  des  canaux  efférents  du  testicule 
se  rendent  directement  dans  le  canal  déférent  constitué  par  le 
tube  wolfien,  tandis  que  d'autres,  avant  de  déboucher  dans  ce 
dernier  conduit,  vont  constituer  un  canal  accessoire  qui  reçoit 
aussi  une  partie  des  tubes  urinaires;  mais  la  plupart  des  canaux 
excréteurs  des  reins,  disposés  en  faisceaux ,  se  rendent  au 
cloaque  sans  s'anastomoser  avec  les  conduits  génitaux. 

Enfin,  chezl'Alyte,  ou  Crapaud  accoucheur,  le  canal  évacua-      Aiyie 
teur  du  testicule,  complété  suivant  toute  apparence  par  le  tube 
wolfien,  se  rend  au  cloaque  sans  avoir  aucune  communication 
avec  l'appareil  urinaire  (2). 

(1)  Voyez  tome  VII,  page  338,  et  un  canal  commun,  ou  réservoir  de 
pour  plus  de  détails,  les  observations  Highmore  (a).  Les  canaux  efférents  sor- 
de  M.  Leydig  {Unters.  ilber  Fische  tent  isolément  au  nombre  de  quatre  à 
und  Reptilien,  p.  78,  pi.  h,  fig,  30.  six,  et  se  pelotonnent  bientôt  sur  eux- 
—  Lehrbuch  der  Histologie,  p.  527,  mêmes  pour  constituer  un  épididyme 
fig.  257  A).  très-allongé,  de  Textrémité  antérieure 

(2)  Chez  le  Triton  à  crête,  par  duquel  se  détache  un  conduit  assez 
exemple,  chaque  testicule,  garni  de  gros  qui  se  dirige  en  avant  et  va  se 
bandelettesadipeuses,  et  divisé,  comme  confondre  avec  le  tube  wolfien  adja- 
je  l'ai  déjà  dit,  en  plusieurs  lobes  (or-  cent  (ou  ligament  de  l'épididyme  , 
dinairement  trois)  par  des  étrangle-  suivant  quelques  anatomistes),  de  fa- 
ments,  présente  sur  le  long  de  son  çon  à  former  une  anse  et  à  se  porter 
bord  un  léger  renflement  que  M.  Mar-  ensuite  d'avant  en  arrière.  Le  canal 
tin  Saint-Ange  a  décrit  comme  étant  déférent  ainsi  constitué  présente  de 

(a)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  101,  pi.  id,  fig.  4. 


Glandes 

accessoires 

chez 

le  mâle. 


492 


HEPRODUCTION. 


Cliez  quelques  Batraciens,  des  glandes  accessoires  se  grou- 
pent autour  de  la  portion  inférieure  du  canal  évacuateur  de  la 
semence,  et  ces  organes  sécréteurs,  de  même  que  diverses  par- 
lies  de  l'appareil  urinaire,  peuvent  servir  comme  réservoir  pour 
ce  liquide  à  l'époque  du  rut.  Ainsi,  chez  la  Grenouille,  il  existe 
à  la  partie  postérieure  de  l'uretère  une  poche  auriculiforme  qui 
se  compose  de  tubes  sécréteurs,  et  qui  est  connue  des  anatomistes 
sous  le  nom  de  vésicule  séminale  (1).  Chez  les  Tritons,  la  dis- 


nombreuses circonvolutions  et  reçoit 
successivement  plusieurs  canaux  ex- 
créteurs accessoires  fournis,  comme 
la  branche  principale  déjà  mention- 
née, par  répididyme.  Enfin,  il  va  dé- 
boucher dans  le  cloaque,  à  côté  de 
son  congénère  (a).  D'autres  conduits 
excréteurs  du  testicule  se  rendent  dans 
un  canal  accessoire  qui  gagne  la  partie 
antérieure  des  reins,  et  qui  paraît  y 
communiquer  avec  quelques  branches 
des  voies  urinaires,  puis  va  se  termi- 
ner dans  le  tronc  du  canal  déférent 
déjà  mentionné  (6).  Les  uretères  fii- 
siformes  et  nombreux  qui  naissent 
des  reins,  et  qui  vont  déboucher  dans 
le  cloaque,  à  côté  de  l'orifice  génital, 
sont  gorgés  d'un  liquide  blanchâtre  à 
l'époque  du  rut,  et  plusieurs  natura- 
listes les  ont  considérés  comme  des 
vésicules  séminales  (c);  mais,  en  géné- 
ral, on  n'y  rencontre  pas  de  Sperma- 
tozoïdes (d).  MM.  Vogt  et  Pappenheim 
y  ont  cependant  constaté  la  présence 
de    ces   corpuscules    fécondateurs    à 


l'époque  du  rut,  chez  la  Salamandre 
maculée. 

(1)  Cet  appendice,  dont  j'ai  déjà  eu 
l'occasion  de  parler  (e),  naît  du  bord 
externe  de  l'urèthre,  ou  canal  uréthro- 
spermatique  ;  il  est  aplati  et  renferme 
sept  ou  huit  petits  systèmes  de  cavi- 
tés rameuses  qui  débouchent  chacun 
dans  l'urèthre  par  un  orifice  particu- 
lier. Il  en  résulte  que  ce  réservoir  pré- 
sente une  apparence  caverneuse  (f)  ; 
mais  il  est  en  réalité  formé  par  une 
série  de  tubes  rameux  dont  les  troncs 
principaux  sont  rangés  parallèlement 
et  dont  les  branches  s'élargissent  en 
manière  d'utricules.  Us  sont  tapissés 
par  une  couche  d'épithélium  et  reçoi- 
vent beaucoup  de  vaisseaux  sanguins. 
La  tunique  commune  de  ce  réservoir 
spermatique  est  fibreuse  et  contrac- 
tile. 

Chez  le  Crapaud  cornu  {Ceratophrys 
dorsata),  cette  glande  accessoire,  ou 
vésicule  séminale ,  manque.  (Voyez 
tome  VU,  p.  338.) 


1. 1,  pi.  20, 


(a)  Voyez  Prévost  et  Dumas,  Sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  nat.,  li 
lig.  3  et  4). 

—  Lereboullet,  Op.  cit.  {Nova  Acta  Acad.  nat.  cit,rios.,  t.  XXIII,  pi.  8,  lig-.  02  et  93). 
(6)  Voyez  tome  VII,  p.  341. 

(c)  Dulay,  Observations  sur  plusieurs  espèces  de  Salamandres  (Mém.  de  l'Académie  des  sciences, 
1720). 

—  Rallike,  Ueber  die  Urodelen  {Beiir.  zitr  Geschickle  der  ThieriueU,  t.  I). 
(rf)  Prévost  cl  Dumas,  Op.  cit.  (Ann.  des  sciences  nat,,  1824,  1. 1,  p.  282), 

(e)  Voyez  toine  vu,  p.  337. 

(f)  Voyez  Lereboullet,  Op.  cit.,  pi.  8,  Pu;.  88  el  89. 


APPAREIL    UK    LA    GÉNÉRATION    DES    BATRACIENS.  Û9d 

posilioi)  du  cloaque  rend  très-facile  le  reflux  du  sperme  jusque 
dans  la  vessie  urinaire  (1). 

La  terminaison  des  voies  génitales  dans  le  cloaque  ne  pré- 
sente aucune  particularité  dont  il  soit  bien  important  de  tenir 
compte.  D'ordinaire,  ces  orifices  sont  situés  au  sommet  de 
petites  papilles  érectiles  ou  de  plis  de  la  membrane  muqueuse 
qui  tapissent  ce  vestibule  commun,  et  l'on  peut  considérer  ces 
éminences  comme  des  vestiges  de  l'appareil  qui,  chez  les  Ver- 
tébrés plus  élevés  en  organisation,  effectuent  l'introduction  du 
sperme  dans  les  voies  génitales  de  la  femelle;  mais  ici  ils  ne 
servent  qu'à  diriger  le  jet  formé  par  ce  liquide  au  moment 
de  réjaculation  (2). 


Cloaqiio. 


(1)  Le  cloaque  est  séparé  du  rectum 
par  une  valvule  circulaire  et  deux  gout- 
tières situées  à  sa  face  dorsale,  sur 
les  côtés  d'une  sorte  de  raphé  mé- 
dian conduisant  l'urine,  ainsi  que  la 
semence,  des  orifices  des  voies  génito- 
urinaires  dans  la  vessie,  ou  de  ce  ré- 
servoir vers  le  sommet  de  l'appendice 
éjaculateur.  Quelques  auteurs  consi- 
dèrent les  uretères  fusiformes  de  ces 
animaux  comme  étant  des  vésicules 
séminales,  parce  qu'à  l'époque  du  rut 
on  les  trouve  gorgés  d'un  liquide 
laiteux,  et  M.  Bidder  assure  y  avoir 
aperçu  des  Spermatozoïdes  (a)  ;  mais 
dans  la  plupart  des  cas,  la  semence 
ne  pénètre  pas  dans  ces  tubes  (6). 

(2)  Chez  les  Tritons,  cette  papille 
est  située  immédiatement  derrière  le 
repli  valvulaire  qui  sépare  le  cloaque 
du  rectum.  Elle  est  creusée  de  trois  sil- 
lons longitudinaux  et  recouverte  d'un 


épithéliuni  pavimenteux,  mais  elle  ne 
contient  pas  de  tissu  érectile.  Ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  vu,  la  vessie 
urinaire  débouche  dans  le  cloaque,  en 
face  des  orifices  génito-urinaires. 

11  est  aussi  à  noter  que  de  nom- 
breux muscles  entourent  le  vestibule 
génito-excrémentitiel,  et  servent,  pour 
la  plupart,  à  dilater  l'anus,  tout  en 
tirant  cet  orifice  en  arrière  (c).  Tels 
sont  : 

1"  Une  paire  de  muscles  rétracteurs 
supérieurs,  ou  coccy-vestibuhens  ; 

2°  Une  paire  de  muscles  rétracteurs 
inférieurs,  ou  ischio-vestibuliens  ; 

3°  Une  paire  de  muscles  abaisscurs, 
ou  ischio-coccygiens  ; 

Zi°  Un  muscle  abaisseur  de  l'anus, 
ou  pubio-veslibulaire. 

Un  effet  contraire  est  produit  par  la 
contraction  d'un  sphincter  anal  très- 
gros. 


(a)  Bidder,  Vergleich.  anal,  und  histol.  Uiitersuch.  ûber  die  mànnlichen  Geschleclits-  und 
Harnwerk:ieuge  beinackten  Amphibien,  4  846. 

(6)  Prévost  et  Dumas,  Observations  relatives  à  l'appareil  générateur  des  Animaux  mâles  (Ann. 
des  sciences  nat.,  1824,  1. 1,  p.  282). 

—  Duveriioy,  Fragments  sur  les  organes  génilo-urinaires  des  Reptiles,  p.  93. 

{e)  Voyez  Lereboullet,  Op.  cit.,  p.  145,  pi.  18,  fig.  191  ;  pi.  19,  lig.  193,  194. 


494  REPRODUCTION. 

•^nfin,  chez  les  Batraciens  urodèles  et  pérennibrancbes,  l'ap- 
pareil génital  du  mâle  est  complété  par  des  organes  sécréteura 
qui  débouchent  dans  le  cloaque,  et  qui  ont  été  considérés  par 
beaucoup  d'anatomistes  comme  les  analogues  de  la  prostate  ou 
des  glandes  de  Gowper,  dont  l'étude  nous  occupera  dans  la 
prochaine  Leçon.  Ils  consistent  en  une  multitude  de  tubes 
terminés  par  un  renflement  ampullaire  et  produisant  une 
substance  laiteuse.  A  l'époque  du  rut,  ils  deviennent  turgides, 
et  chez  les  Tritons  ils  ont  alors  un  volume  considérable  (1). 
Mode  §  8.  —  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  il  n'y  a  presque  jamais 

lie  foeomlation, 

une  véritable  copulation  chez  les  Batraciens  (2),  et  d'ordmaire 
la  fécondation  des  œufs  n'a  lieu  qu'après  la  ponte.  Souvent  le 
mâle  se  borne  à  nager  autour  de  la  femelle,  et  à  répandre  dans 
l'eau  qui  la  baigne  la  liqueur  séminale  destinée  à  vivifier  ses 
œufs,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Tritons  (3).  D'autres  fois, 
chez  les  Grenouilles  et  les  Crapauds,  par  exemple,  le  mâle  se 
cramponne  sur  le  dos  de  la  femelle,  en  la  saisissant  par  les  flancs 


(1)  Chez  les  Triions,  cet  appareil  copulateurs  analogues  à  ceux  des  Lé- 
glandulaire  se  compose  de  trois  paires  zards  (c). 

de  lobes,  dont  deux  bordent  le  cloaque,  (o)  Les  manœuvres  du  mfde  autour 

et  la  troisième  s'avance  sous  l'abdo-  de  la  femelle  sont  très-remarquables, 

men  (a).  11  se  trouve  chez  la  femelle  II  la  poursuit,  tourne  autour  d'elle, 

aussi  bien  que  chez  le  mâle,  mais  il  est  l'excite  et  semble  en  épier   tous  les 

beaucoup  plus  développé  chez  ce  der-  mouvements  ;  dès  qu'il  s'aperçoit  qu'un 

nier.  Ces  glandes  sont  également  très-  œuf  est  pondu,  il  s'en  approche  vive- 

développées  chez  la  Salamandre  ter-  ment  et  y  lance  un  jet  de  sperme.  Pen- 

rcstre  (6).  dant  la   saison  du  rut,  le  corps  du 

(2)  Les  Cécilies,  qui  paraissent  de-  mâle  prend  aussi  des  couleurs  plus 
voir  prendre  place  dans  la  classe  des  intenses  et  des  crêtes  cutanées  se  dé- 
Batraciens,  bien  que  la  forme  générale  veloppent  tant  sur  le  dos  que  sous  la 
de  leur  corps  soit  semblable  à  celle  gorge,  et  acquièrent  souvent  des  di- 
des  Serpents,  sont  pourvues  d'organes  mensions  très-considérables  (d). 


{a)  Voyez  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  pi.  H ,  fig.  3,  3'  et  6. 

(b)  Raihke,  Op.  cit.  (Beilr.  zur  Geschichte  der  Thierwelt,  t.  I,  pi.  1,  fig.  3  et  6). 

(c)  Voyez  Duvernoy,  Atlas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Reptiles,  pi.  36  ter,  fig.  7. 

(d)  Rusconi,  Amours  des  Salamandres  aquatiques,  p.  17  et  suiv.  j,. 


APPAREIL  DE  LA  GÉNÉRATION  DES  BATRACIENS. 


m 


au  moyen  de  ses  pnltes  antérieures,  et,  tout  en  nageant  avec 
elle,  arrose  de  semence  les  (cufs  au  moment  où  celle-ci  les 
évacue  au  dehors  (1).  Mais,  chez  (juelques-uns  des  Animaux  de 
cette  classe,  la  fécondation  s'opère  avant  la  ponte,  et  les  œufs  se 
développent  dans  l'intérieur  de  la  chambre  incubatrice  formée 
parla  portion  terminale  de  l'oviducte.  Cela  a  lieu  chez  les  Sa- 
lamandres terrestres  (2)  et  chez  un  Batracien  du  Chili  appelé 
Rhinoderma  Darwinii  (3) . 


(1)  Les  Grenouilles  s'accouplent  dans 
Teau  et  nagent  ainsi,  le  mâle  placé  sur 
le  clos  de  la  femelle,  qu'il  embrasse 
étroitement  entre  ses  pattes  antérieu- 
res (a).  Cette  union  dure  très-long- 
temps, quelquefois  une  vingtaine  de 
jours  sans  interruption,  et  chez  quel- 
ques espèces,  telles  que  la  Grenouille 
rousse,  le  pouce  du  mâle  se  gonfle  alors 
à  sa  base,  et  s'y  couvre  de  rugosités 
qui  s'enfoncent  dans  les  flancs  de  la 
femelle,  de  façon  à  y  déterminer  des 
excoriations.  Lorsque  les  œufs  sortent 
du  cloaque  de  la  femelle ,  le  mâle  les 
féconde  en  y  lançant  sa  semence  par 
petits  jets;  quelquefois  il  épuise  sa 
provision  de  liqueur  spermatique,  et 
abandonne  sa  compagne  avant  que 
la  ponte  soit  terminée,  et  alors  un 
autre  mâle  lui  succède.  D'autres  fois 
le  même  mâle  s'accouple  successive- 
ment avec  deux  ou  même  ii'ois  fe- 
melles ;  mais,  en  général,  l'accouple- 
ment, qui  commence  longtemps  avant 
la  ponte,  dure  jusqu'à  ce  que  cette 
opération  soit  terminée.    Pendant  la 


durée  de  ce  rapprochement  sexuel ,  le 
mâle  paraît  être  presque  insensible  à 
la  douleur:  ainsi,  dans  des  expériences 
faites  par  Spallanzani,  on  l'a  vu  re- 
cevoir des  blessures  extrêmement 
graves,  sans  quitter  sa  femelle  ni  dis- 
continuer à  féconder  les  œufs  pondus 
par  celle-ci.  Il  en  est  de  même  pour 
les  Crapauds  (6). 

(2)  Le  développement  des  jeunes 
Salamandres  dans  l'intérieur  de  l'ovi- 
ducte de  leur  mère  a  été  constaté  par 
Perrault  et  par  Maupertuis  (c) ,  ainsi 
que  par  beaucoup  de  naturalistes  plus 
récents. 

Chez  la  Salamandre  noire  des  Alpes, 
la  copulation  commence  à  terre  et  se 
continue  dans  l'eau;  le  mâle  s'unit  à 
la  femelle  en  se  plaçant  sous  elle  ven- 
tre à  ventre  et  en  l'enlaçant  avec  ses 
pattes  :  celle-ci  l'entraîne  alors  dans 
l'eau,  et  l'union  sexuelle  dure  plusieurs 
heures  [d). 

(3)  Le  viviparisme  de  ce  Batracien 
anoure  a  été  constaté  par  M.  Gay,  et 
implique  la  fécondation  intérieure  (e). 


(a)  Voyez  Swainmerdara,  Biblia  Naturœ,  pi.  48  a,  fig.  1. 

—  Rœsel,  Hist.  nat.  Ranarum,  pi.  1,  Rg.  i  et  2. 

{b)  Spallanzani,  Expér.  pour  servir  à  l'hist.  de  la  génération,  p.  86,  288,  etc. 

(c)  Perrault,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Animaux,  3*  partie,  p.  81,  pi.  16. 

—  Maupertuis,  Observations  et  expériences  sur  une  des  espèces  de  Salamandre  {Mém.  de  l'Acad. 
des  sciences,  1727,  p.  32). 

(d)  Scbreibers,  Ueber  die  specifische  Verschiedenheit  des  gefLeckten  und  des  schwar%en  Erd~ 
Salamanders  oder  Molches  und  der  hôchst  merkwûrdigen  ganz  eigenthûmlichen  Fortpflanzungs- 
weise  des  Letztern  {Isis,  1833,  t.  V,  p.  527). 

(e)  Gay,  Historia  fisica  y  politica  de  Chile,  Zoologia,  t.  II,  p.  122. 


des  œufs. 


496  REPRODUCTION. 

^V^^L  ^  ^*  —  ''  ^^^  ^^^^^^  '^  "^^^^  ^"^  certains  Batraciens 
n'abandonnent  pas  leurs  œufs  après  les  avoir  pondus  et 
lecondés,  mais  s'en  chargent,  et  les  transportent  avec  eux 
pendant  que  l'incubation  s'effectue.  Ainsi,  chez  le  Crapaud 
accoucheur,  où  les  œufs  sont  réunis  en  un  chapelet  glaireux, 
le  mâle  s'en  empare  à  mesure  que  la  ponte  s'en  effectue, 
entortille  ce  cordon  autour  de  ses  pattes  postérieures,  et  le 
transporte  ainsi  avec  lui  à  sec,  jusqu'au  moment  où  l'éclosion 
doit  avoir  lieu  ;  mais  alors  il  se  plonge  dans  l'eau,  dont  l'ac- 
tion détermine  la  déhiscence  de  la  coque  des  œufs  et  la  sortie 
des  petits  (1). 

Le  Pipa,  ou  Crapaud  de  Surinam,  présente  sous  ce  rap- 
port des  particularités  encore  plus  remarquables.  Le  mâle 
aide  la  femelle  à  accoucher  et  place  les  œufs  sur  le  dos  de 
celle-ci;  ils  y  déterminent  une  sorte  de  gonflement  ou  d'hy- 
pertrophie de  la  peau,  qui  se  boursoufle  autour  de  ces  corps, 
et ,  de  la  sorte ,  chacun  de  ceux-ci  se  trouve  bientôt  logé 
dans  une  espèce  d'alvéole.  Le  dos  de  la  femelle  se  creuse 
ainsi  d'une  cinquantaine  de  petites  loges  qui  sont  autant  de 

(1)    L'accouplement    du    Crapaud  mer  que  pendant  cette  opération ,  il 

accoucheur,  ou  Alytes   obstetricans,  les  féconde  en  les  arrosant  de  sperme, 

n'a  pas  lieu  dans  l'eau,  comme  cela  car  leur  enveloppe  est  encore  molle 

est  ordinaire  chez  les  Batraciens.  La  en  ce  moment;  mais,  par  le  contact  de 

femelle  étant  à  terre,  le  mâle,  dont  la  l'air,  elle  ne  tarde  pas  à  se  dessécher 

taille  est  beaucoup  plus  petite  que  la  et  à  durcir  de  façon  à  constituer  une 

sienne,  se  cramponne  sur  son  dos,  et  coque  assez  résistante.  Le  mâle  trans- 

se  fait  ainsi  transporter  par  elle.  Lors-  porte  ainsi  les  œufs  avec  lui  pendant 

que  la  ponte  commence,  il  tire  à  lui  plusieurs  semaines,et  lorsque  la  période 

avec  une  de  ses  pattes  postérieures  le  d'incubation  est  terminée,  il  va  à  l'eau  ; 

bout  du  chapelet  formé  par  les  œufs  puis,  au  bout  de  quelques  minutes,  sous 

agglutinés,  et  l'entortille  autour  de  ses  l'influence  de  ce  liquide,  la  coque  de 

cuisses  en  y  donnant  la  disposition  ces  corps  se  brise  circulairement,  et 

d'un  chifl're  huit   qui  serait  couché  laisse  sortir  le  petit  têtard,  qui  se  met 

transversalement  (oo).  Il  est  à  présu-  à  nager  (a). 

fa)  Demoiirs,  Observations  sur  le  Crapaud  {Mém.  de  l'Académie  des  sciences,  f778,  p.  7). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES.  /l97 

chambres  incubatrices  dans  lesquelles  les  embryons  se  forment 
et  se  développent  (1). 

§  10.  —  Dans  la  classe  des  Reptiles,  la  fécondation  des  œufs     Appareil 
S  opère  toujours  avant  la  ponte,  par  introduction  directe  du  '='  reproduction 
liquide  séminal  dans  l'appareil  génital  de  la  femelle,  et  à  ce  per-     Repuies. 
fectionnement  correspond  une  complication  nouvelle  des  or- 
ganes mâles,  qui  se  complètent  par  le  développement  d'instru- 
ments copulateurs  (2). 

A  l'extérieur  du  corps,  les  différences  sexuelles  sont  toujours 
faibles  et  souvent  elles  ne  sont  pas  appréciables.  Chez  les  Chélo- 
niens,  les  individus  mâles  sont  reconnaissables  à  la  forme  un  peu 
excavée  de  leur  plastron  sternal,  et  chez  les  Sauriens,  la  base 
de  la  queue  est  en  général  étroite  et  arrondie  chez  la  femelle, 
tandis  que  chez  le  mâle,  elle  est  un  peu  aplatie  et  élargie  ;  mais 


(1)  Madame Mérian, iconographe  ha-  sait,  par  les  observations  de  Blumcn- 

bile  du  xvii"  siècle  (a),  fut  la  première  bach  et  de  Duméril,que  non-seulement 

à  parler  de  ce  singulier  Batracien;  mais  le  têtard  se  développe  complètement 

elle  croyait  qu'il  produisait  ses  petits  dans  l'intérieur  de  la  loge  ovigère,  mais 

par  le  dos  (6).  Un  autre  naturaliste  qu'il  y  subit  même  ses  métamorphoses, 

crut  avoir  constaté  que  l'individu  qui  de  façon  à  en  sortir  sous  la  forme  de 

porte  ainsi  les  œufs  était  le  mâle,  et  Batracien  anoure  (/"). 

non  la  femelle  (c)  ;  mais  les  observa-  (2)  Chez  les  Serpents,  la  copulation 

tions faites  en  1762  par  un  médecin  de  dure  plusieurs  heures;  les  deux  indi- 

Surinam,  appelé  Fermin,  firent  dis-  vidus  s'entortillent  mutuellement  en 

paraître  ces  erreurs  [d).  Plusieurs  au-  ne  laissant  libre  que  la  partie  anté- 

teurs  ont  donné  de  bonnes  figures  du  rieure  de  la  tête  et  en  se  regardant  nez 

Pipa  chargé  de  ses  œufs  (e) ,  et  l'on  à  nez  [g]. 


(a)  En  général,  on  désigne  cet  auteur  sous  le  nom  de  mademoiselle  Mérian,  parce  que  jadis  le 
titre  de  dame  était  réservé  à  la  noblesse. 

(6)  M.  S.  Mérian,  Dissertalion  sur  la  génération  et  les  transformations  des  Insectes  de  Sunnam, 
1726,  p.  50.  pi.  59. 

(c)  Vallisnieri,  Historia  del  Cameleonte  (Opère  fisico-mediche,  t.  I,  p.  433  et  suiv.,  pi.  41, 
fig.  6). 

(d)  Fermin,  Développement  parfait  du  mystère  de  la  génération  du  fameux  Crapaud  de 
SMf'irjam.  Mastricht,  1762. 

(e)  Seba,  Thésaurus  Animalium,  t.  IV,  pi.  19  et  20. 

—  Duvernoy,  Allas  du  Règne  animal  de  Cuvier,  Reptiles,  pi.  39,  fig.  2. 

(/■)  Duméril,  Erpétologie,  t.  VIU,  p.  219. 

(g)  Par  exemple,  chez  les  Vipères  :  \oyez  Charas,  Anatomie  de  la  Vipère  (Mém.  pour  servir  à 
l'histoire  naturelle  des  Animaux,  par  Perrault,  elc,  ;  publié  par  l'Académie  des  sciences,  1732, 
t.  III,  2'  partie,  pi.  63). 


4.98  REPRODUCTION. 

ces  caractères  manquent  souvent.  La  fécondité  est  beaucoup 
moins  grande  que  chez  les  Batraciens  (1),  mais  les  œufs  sont 
,  plus  complets  et  ressemblent  davantage  à  ceux  des  Poissons 
plagiostomes,  car  ils  sont  toujours  pourvus  d'une  coque  bien 
organisée,  et  quelquefois  même  cette  enveloppe  devient  sem- 
blable à  la  coquille  d'un  œuf  d'oiseau. 

Ainsi,  chez  les  Crocodiliens,  la  sphère  viteUine  est  entourée 
d'un  albumen  qui,  à  son  tour,  est  renfermé  dans  une  tunique 
membraneuse  particuhère,  et  celle-ci  est  revêtue  d'une  coquille 
calcaire.  La  coque  de  l'œuf  est  également  calcaire  chez  certains 
Chéloniens  (les  Tortues  terrestres  et  paludines),  mais  chez  les 
Tortues  de  mer,  les  Sauriens  ordinaires  et  les  Ophidiens ,  elle 
offre  seulement  la  consistance  du  parchemin.  Je  rappellerai 
aussi  que  l'albumen  de  l'œuf  présente  une  composilion  parti- 
cuhère chez  les  Chéloniens  (2),  et  que  chez  les  Ophidiens,  cette 
substance  manque.  Enfin,  la  forme  de  ces  œufs  est  en  général 
ovalaire  (3). 
Ovaires.  §  ^^  •  —  L'ovairc  est  toujours  double,  mais  n'est  pas  tou- 
jours placé  symétriquement  de  chaque  côté  du  plan  médian  ; 

(1)  Le  nombre  des  œufs  pondus  à  la  espèces  :  quelquefois  ils  sont  sphéri- 
fois  s'élève  souvent  à  trente,  ou  même  ques,  chez  le  Thalassiochelys  caouana 
quarante,  chez  la  Couleuvre  à  collier,  et  le  Xerobates  carolinus  (c)  ;  mais,  en 
mais  ne  paraît  être  que  d'environ  dix  général,  ils  sont  ovalaires,  et  souvent 
chez  les  Calamaries  (a).  leur  grand  diamètre  l'emporte  de  beau- 

Ghezquelques  Tortues,  chaque  ponte  coup  sur  le  petit  diamètre;  parfois  ils 

ne  se  compose  que  de  quatre  ou  cinq  sont  im  peu  incurvés,  de  façon  à  être 

œufs,  ou  même  de  deux  ou  trois  seu-  presque  réniformes(f/),  mais  leurs  deux 

lement  (6).  extrémités  sont   toujours    de    même 

(2)  Voyez  ci-dessus,  page  325.  grosseur. 

(3)  Chez  les  Chéloniens,  les  œufs  pré-  Les  œufs  des  Geckos  sont  sphéri- 
sentent  des  formes  diverses  suivant  les      ques  et  à  coque  calcaire  (e). 


(a)  Schlegel,  Physionomie  des  Serpents,  p.  87. 

(6)  Agassiz,  Contrib.  to  the  Nat.  Hist.  of  the  United  States,  t.  II,  p.  490. 

(c)  Vo.\ez  Agassiz,  Op.  cit.,  pi.  M,  fig.  28-30. 

id)  Par  exemple,  clicz  le  Matacoclemmy's  palustris :  voy.  Agassiz,  loc.  cit.,  pi   la,  fig.  14. 

ie)  Uumcnl,  Erpétologie  générale,  t.  III,  p.  274, 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES.  /l99 

car  dans  les  espèces  dont  le  corps  est  très-étroit,  les  Serpents, 
par  exemple,  l'un  de  ces  organes  est  placé  beaucoup  plus  en 
avant  que  l'autre.  Leur  conformation  diffère  aussi  un  peu  chez 
les  divers  Animaux  de  cette  classe,  et,  sous  ce  rapport  comme 
sous  beaucoup  d'autres,  les  Reptiles,  dont  l'anus  a  la  forme 
d'une  fente  transversale,  c'est-à-dire  les  Ophidiens  et  les  San-  '^f'''"'"'" 
riens  ordinaires,  diffèrent  de  ceux  où  cet  orifice  est  longitudinal,  ordinarres. 
disposition  qui  se  rencontre  chez  les  Crocodiliens  et  les  Chélo- 
niens.  Chez  les  premiers,  l'ovaire  est  creux  et  consiste  en  un 
sac  ou  un  tube  assez  semblable  à  celui  des  Batraciens,  et  dont  la 
cavité  reçoit  les  œufs  quand  ceux-ci,  arrivés  au  terme  de  la 
croissance  du  globe  vitellin,  rompent  leur  capsule  et  deviennent 
libres;  puis  les  parois  de  ce  réceptacle  se  romjient  à  leur  tour 
pour  laisser  sortir  les  œufs,  qui  passent  dans  l'oviducte.  Les 
choses  se  passent  donc  là  à  peu  près  comme  chez  les  Batraciens, 
si  ce  n'est  que  la  cavité  centrale  de  l'ovaire,  traversée  par  des 
brides,  est  peu  extensible,  et  que  chaque  œuf  en  sort  presque 
aussitôt  après  qu'il  s'est  détaché  des  parois  de  cette  glande  ovi- 
gène.  Cela  est  facile  à  observer  chez  les  Ophidiens,  dont  les 
ovaires  sont  tubulaires. 

Chez  les  Chéloniens  et  les  Crocodiliens,  les  ovaires  sont  dis-    chéionicns 

,  .  et 

poses  autrement  (1).  Par  suite  d'une  coalescence  plus  complète  crocodiiiens 
des  parois  de  l'espèce  de  sac  formé  par  chacun  de  ces  organes, 
leur  cavité  centrale  s'efface,  et  chaque  œuf,  à  mesure  qu'il  gros- 
sit dans  l'épaisseur  de  leurs  parois,  au  lieu  de  se  porter  en 
dedans  vers  ce  réceptacle  commun,  fait  saillie  au  dehors  (2)  ;  la 


(1)  La  forme  générale  de  ces  or-      tes,  parmi  lesquels  il  convient  de  citer 
ganes,  chez  les  Chéloniens,  a  été  très-      en  première  ligne  Bojanus  (a). 
bien  figurée  par  plusieurs  anatomis-  (2)  M.  Agassiz  a  publié  récemment 


(a)  Chez  la  Tortue  d'Europe,  par  Bojanus  {Anat.  Test,  europ.,  pi.  30,  fig.  4  88). 
—  Chez  le  Chrysemys  jiicta  e't  le  Gbjplemys  insculpta,  par  M.  Agassiz  {Contrib.  to  tlie  Nat. 
Hist.  of  the  Uiiiled  States,  t.  II,  pi.  9  b,  fig.  10  et  1 1). 


500  REPRODUCTION. 

surface  extérieure  de  l'ovaire  devient  ainsi  fortement  bosselée; 
puis  chacun  de  ces  tubercules,  s'avançant  davantage  et  s'étran- 
glant  à  sa  base,  devient  pédoncule,  et  l'organe  tout  entier  prend 


une  longue  série  de  recherches  très- 
intéressantes  sur  le  développement  de 
i'reuf  et  sur  l'embryologie  des  Tor- 
tues [a).  L'accroissement  des  ovules 
ovariques  est  extrêmement  lent,  et  ces 
corps  reproducteurs,  après  avoir  par- 
couru la  première  période  de  leur 
existence,  restent  pendant  fort  long- 
temps dans  un  état  stationnaire  :  en 
sorie  qne  chez  une  jeune  Tortue  âgée 
de  cinq  ou  six  ans,  ils  ont  tous  à  peu 
près  les  mêmes  dimensions.  Mais,  à 
l'époque  de  la  puberté,  le  développe- 
ment d'un  petit  nombre  d'entre  eux 
s'active,  et  ceux-ci  entrent  dans  la  pé- 
riode de  maturation,  laquelle  dure 
plusieurs  années.  Chaque  année,  à  un 
moment  qui  paraît  coïncider  avec  ce- 
lui de  l'accouplement,  une  nouvelle 
série  d'œufs  commence  à  mûrir,  en 
sorte  que  chez  les  individus  adultes, 
l'ovaire  renferme  plusieurs  de  ces  sé- 
)ies  d'âges  ditférents  et  formées  cha- 
cune par  le  nombre  d'œufs  destinés  à 
composer  une  même  ponte.  Les  pontes 
ne  se  renouvellent  que  d'année  en  an- 
née; et  chez  les  espèces  étudiées  par 
]\'I.  Agassiz,  la  période  de  maturation 
des  œufs  dure  environ  quatre  années  : 
de  sorte  qu'aux  approches  de  la  saison 
de  la  reproduction,  indépendamment 
des  ovules  dans  la  première  période 
de  leur  existence,  dont  le  nombre  est 
immense  et  dont  le  volume  ;,est  varia- 
ble, mais  toujours  très-petit,  l'ovaire 
renferme  quatre  séries  d'œufs  en  voie 
de  maturation  et  d'âges  différents,  qui 


se  distinguent  par  les  inégalités  de  leur 
volume.  Chez\e  Nanemy  s  guttata,  qui, 
à  chaque  ponte,  dépose  deux  ou  trois 
œufs  seulement,  chacune  de  ces  séries 
ne  se  compose  que  d'un  égal  nombre 
d'œufs  ;  chez  le  Chrysemys  picta , 
les  œufs  qui  sont  arrivés  à  un  même 
degré  de  développement,  et  qui  sont 
destinés  à  être  pondus  à  la  fois,  sont 
au  nombre  de  cinq,  six  ou  sept;  enfin, 
chez  le  Chelhydra  serpentina,  dont 
chaque  couvée  se  compose  d'une  hui- 
taine d'œufs,  on  trouve  dans  l'ovaire 
un  nombre  correspondant  d'ovules  de 
chacune  des  quatre  catégories  sus- 
mentionnées. 

Les  ovules  naissants  se  montrent  d'a- 
bord sous  la  forme  de  petits  granules 
sphériques  d'appai-ence  graisseuse  et 
complètement  indépendants  du  stroma 
d'alentour.  Us  sont  beaucoup  plus  petits 
que  les  cellules  du  tissu  circonvoisin 
ou  même  que  les  noyaux  de  ces  cel- 
lules, et  c'est  plus  tard  que  la  capsule 
ou  follicule  ovigère  se  constitue  autour 
de  chacun  de  ces  corps,  d'abord  sous 
la  forme  d'une  couche  d'utricules,  puis 
d'une  sorte  de  kyste  composé  de  deux 
feuillets,  une  tunique  externe  granu- 
leuse, et  une  tunique  interne  hyaline, 
ou  zone  pellucide.  Lorsque  l'ovule 
commence  à  se  constituer  ainsi,  sa  sub- 
stance paraît  être  homogène  ;  mais 
bientôt  il  semble  se  faire  un  départ 
entre  la  matière  qui  en  occupe  la  pé- 
riphérie et  celle  qui  se  trouve  au  cen- 
tre :  la  première  s'épaissit,  la  seconde 


(a)  Agassiz,  Co7itributio7is  lo  the  Natural  Hislory  of  the  United  Slates,  t.  II,  p.   451  et  suiv., 
pi.  8,  9,  9  a. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉKATION    DES    REPTILES.  501 

l'aspect  d'une  grappe  de  raisins;  enfin  la  capsule  de  l'œuf 
se  rompt,  et  ce  dernier  quitte  l'ovaire  pour  passer  directement 
dans  l'oviducte.  Nous  avons  déjà  vu  des  ovaires  en  grappe 


s'éclaircit,et  le  tout  offre  alors  l'aspect 
crime  cellule  arrondie.  Au  début  de  ce 
travail  d'évolution,  la  vésicule  purkin- 
jéenne  ne  se  distingue  pas  des  matières 
adjacentes,  et  les  observations  de 
M.  Agassiz  ne  me  paraissent  pas  suf- 
fisantes pour  résoudre  les  questions 
relatives  à  l'ordre  de  primogéniture 
entre  cette  cellule  et  les  autres  parties 
de  la  sphère  vitelline;  mais  lorsque 
l'ovule  est  un  peu  plus  avancé  en  Age, 
cette  vésicule  intérieure  est  très-visible 
et  s'accroît  rapidement.  C'est  évidem- 
ment un  organite  vivant,  ayant  son 
mode  d'activité  propre,  et  engendrant 
dans  son  intérieur  d'autres  organites 
qui  à  leur  tour  donnent  des  signes  d'un 
pouvoir  génésique  analogue.  En  effet, 
le  contenu  de  la  vésicule  germinative 
ou  purkinjéenne  est  d'abord  homo- 
gène et  transparent,  mais  on  y  voit 
bientôt  apparaître  un  noyau  appelé  vé- 
sicule de  Wagner,  et  dans  l'intérieur 
de  celte  dernière  cellule  on  voit  naître 
ensuite  un  ou  plusieurs  nucléoles,  ou 
vésicules  de  Valentin  ;  puis  la  vésicule 
wagnérienne  se  détruit,  et  le  contenu  de 
la  vésicule  purkinjéenne,  après  être  de- 
venu beaucoup  plus  granuleux,  s'éclair- 
cit  de  nouveau.  Pendant  que  cesphéno- 
mènes  s'accomplissent,  le  vitellusdonne 
également  des  signes  d'une  certaine 
activité  vitale.  On  n'aperçoit  d'abord, 
entre  la  vésicule  purkinjéenne  et  la 
paroi  extérieure  de  l'ovule  destinée  à 
devenir  la  tunique  vitelline,  qu'un  li- 
quide homogène  et  transparent  ;  mais 
bientôt  sa  consistance  se  modifie,  des 
corpuscules  granulaires  y  apparaissent, 
et  ces  corpuscules,  en  se  développant 

VIII. 


à  la  manière  d'autant  d'organites  par- 
ticuliers, augmentent  rapidement  le 
volume  de  l'ovule.  Ils  sont  de  deux 
sortes.  Les  uns,  hyalins,  incolores  et 
d'apparence  albumineuse ,  occupent 
l'hémisphère  du  globe  vitellin,  oii  se 
trouve  la  vésicule  germinative,  et  doi- 
vent être  considérés  comme  les  repré- 
sentants de  la  substance  blastogénique 
dont  il  a  été  question  dans  une  leçon 
précédente.  Les  autres,  destinés  à  for- 
mer les  cellules  vitellines  proprement 
dites,  sont  opaques ,  jaunes  et  riches 
en  matière  grasse  ;  ils  se  montrent 
d'abord  au  pôle  opposé  de  l'ovule,  et 
bientôt  ils  occupent  l'un  des  hémi- 
sphères du  globe  vitellin;  mais  leur 
nombre  et  leur  volume  venant  à  aug- 
menter, ils  envahissent  peu  à  peu  l'au- 
tre hémisphère,  de  façon  à  rétrécir 
de  plus  en  plus  l'espace  hyalin  qui 
entoure  la  vésicule  germinative.  Ces 
corpuscules  vitellins,  en  se  dévelop- 
pant, subissent  aussi  des  changements 
considérables.  Aux  premiers  granules 
opaques  en  succèdent  d'autres  qui 
sont  d'abord  hyalins,  et  dont  la  péri- 
phérie se  condense  bientôt  de  façon  à 
donner  à  chacun  de  ces  globules  l'ap- 
parence d'une  vésicule  ou  cellule 
arrondie,  dont  la  paroi  (appelée  ecto- 
blaste  par  M.  Agassiz)  devient  mem- 
braneuse et  élastique.  A  l'intérieur  de 
chacune  de  ces  utricules  se  développe 
ensuite  un  noyau,  ou  mésoblaste,  qui 
se  montre  d'abord  sous  la  forme  d'une 
tache  appliquée  contre  la  surface  in- 
terne de  l'ecioblaste,  mais  qui  devient 
bientôt  un  corpuscule  libre  et  à  con- 
tours nettement  dessinés;  sa  forme 
34 


502  REPRODUCTION. 

chez  les  Poissons  plagiostomes,  et  lorsque  nous  étudierons 
l'appareil  reproducteur  des  Oiseaux,  nous  aurons  l'occasion 
de  revenir  sur  l'examen  des  glandes  ovigènes  qui  offrent  ce 
mode  de  conformation. 
oviductes.  L'oviducle  des  Reptiles  présente  également,  dans  beaucoup 
de  cas,  des  particularités  de  structure  en  rapport  avec  certains 
perfectionnements  dans  le  travail  physiologique.  Ainsi,  l'em- 
bouchure de  ce  canal  jouit  de  plus  de  mobilité  que  chez  les 
Vertébrés  anallantoïdtens  (l),  et  n'est  pas  toujours  une  simple 
fente  en  forme  de  boutonnière,  comme  chez  les  Batraciens, 
mais  elle  s'élargit  ordinairement  de  façon  à  constituer  un  enton- 
noir très-évasé,  et  elle  s'enrichit  de  fibres  musculaires  dispo- 
sées de  manière  à  lui  donner  la  faculté  de  changer  de  forme 
et  de  position,  de  s'apphquer  sur  l'ovaire,  de  l'embrasser  et 
de  recueillir  ainsi  plus  sûrement  l'œuf  qui  s'en  détache.  Ce 
mode  d'organisation  est  porté  à  un  degré  très-remarquable 
chez  la  Couleuvre  et  chez  d'autres  Ophidiens. 

La  portion  suivante  de  l'oviducte  (2),  étroite  et  garnie  comme 
d'ordinaire  d'une  tunique  muqueuse  couverte  d'un  épithélium  à 


cesse  alors  d'être  arrondie  pour  deve-  substance  paraît  être  résorbée  peu  à 

nir  anguleuse,  et  sa  couleur  passe  d'une  peu,  leurs  angles  s'émoussent ,  leui' 

teinte  jaune  pâle  au  jaune  d'or.  Ces  nombre  diminue,  et  le  mésoblaste  ainsi 

changements  coïncident  avec  le  déve-  que  l'ectoblaste  tendent  à  se  désagré- 

loppement  d'une  nouvelle  génération  ger  pour  faire  place   à  de   nouvelles 

de  corpuscules  appelés  endoblastiques,  cellules  vitellines  en  voie  de  dévelop- 

dans  l'intérieur  du  mésoblaste,  lesquels  pement . 

offrent  une  apparence  cristalloïde  et  (1)  Ce  caractère  se  retrouve  chez 

sont  très-chargés  d'une  matière  grasse  tous  les  Vertébrés  du  sous-embran- 

dont  l'aspect  a  de  l'analogie  avec  celle  chement  des  Allantoïdiens. 
de  la  cire.  Ces  corpuscules  deviennent  (2)  L'oviducte  des  Reptiles  est  gé- 

asscz  gros  et  augmentent  de  nombre,  néralement  moins  long  et  moins  con- 

de  façon  à  constituer  bientôt  dans  l'in-  tourné  que  chez  les  Batraciens, 
térieur  de  chaque  cellule  vitelline  une  Chez  le  Gecko,  ce  tube  est  remar- 

aggloméralion    anguleuse;   puis  leur  quablement  court  (a). 

(a)  Délie  Chiaje,  Dissert,  sull'anat.  ximana  compamtiva,  etc.,  t.  I,  pi.  21,  fiff.  1. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES. 


50a 


cils  vibratiles,  ne  présente  rien  qui  soit  important  à  noter,  mais 
la  seconde  portion  de  ce  conduit  se  modifie  à  peu  près  comme 
nous  l'avons  vu  chez  les  Poissons  plagiostoines;  ses  parois  s'é- 
paississent, se  plissent  et  s'enrichissent  d'une  multitude  de  glan- 
dules  dont  les  produits  servent  à  compléter  l'œuf.  C'est  là  que 
l'albumen  et  la  coque  se  forment  autour  du  globe  vitcllin  (1); 


(1)  La  plupart  des  naturalistes  con- 
sidèrent la  formation  de  ces  parties 
complémentaires  de  l'œuf  comme  étant 
le  résultat  d'un  simple  dépôt  de  ma- 
tières sécrétées  par  l'oviducte  et  ap- 
pliquées sur  le  globe  vitellin,  mais 
cette  théorie  mécanique  ne  me  semble 
pas  être  l'expression  de  la  vérité,  et 
les  enveloppes  en  question,  tout  en 
tirant  leur  substance  des  produits  de  la 
sécrétion  des  glandules  de  l'oviducte, 
se  constituent  et  croissent  à  la  manière 
des  autres  parties  organisées  et  vi- 
vantes. Les  observations  de  M.  Agassiz 
sur  le  mode  de  formation  de  l'albu- 
men de  l'œuf  des  Tortues  fournissent 
des  arguments  puissants  en  faveur  de 
cette  dernière  manière  de  voir.  En  effet, 
chez  ces  Reptiles,  l'albumen  est  beau- 
coup plus  consistant  que  chez  la  plu- 
part des  Animaux,  et  forme  autour  du 
globe  vitellin  un  certain  nombre  de 
couches  concentriques  bien  distinc- 
tes (a)  ;  le  tout  est  renfermé  dans  la 
membrane  de  la  coque,  et  souvent 
celte  timique  est  déjà  bien  constituée 
avant  que  l'albumen  sous-jacent  ait 
pris  tout  son  développement.  C'est 
donc  par  imbibition  à  travers  cette 
membrane  que  la  matière  constitutive 
de  l'albumen  arrive  alors  en  contact 
avec  celui-ci  et  se  trouve  employée  par 
lui  pour  la  production  de  nouvelles 


couches  du  tissu  constitutif  de  cette 
partie  de  l'œuf. 

La  coque  de  l'œuf  des  Tortues  est 
formée  aussi  d'une  série  de  couches 
superposées  dont  les  premières  ne  sont 
guère  plus  consistantes  que  les  parties 
adjacentes  de  l'albumen  et  se  compo- 
sent, comme  celles-ci,  de  corpuscules 
granulaires  et  allongés  disposés  en 
rangées  parallèles.  La  direction  de  ces 
séries  de  corpuscules  change  de  cou- 
che en  couche,  de  sorte  que  les  stries 
résultant  de  leur  mode  de  groupe- 
ment s'entrecroisent.  Dans  les  couches 
plus  superficielles  de  la  membrane  co- 
quilhère,  ces  granules  sont  plus  serrés 
entre  eux  et  constituent  des  fibres 
moniliformes.  Chacun  d'eux  paraît 
formé  d'un  nodule  central  entouré 
de  couches  concentriques,  à  peu  près 
comme  dans  les  grains  de  fécule.  En- 
fin, le  nombre  de  ces  couches  et  l'é- 
paisseur de  la  tunique  résultant  de 
leur  superposition  varient  suivant  les 
espèces. 

La  coquille  a  pour  base  un  tissu 
analogue;  mais  dans  cette  partie  de 
l'œuf,  chaque  granule  devient  en  quel- 
que sorte  un  centre  d'attraction  autour 
duquel  des  cristaux  de  carbonate  cal- 
caire viennent  se  grouper  radiaire- 
ment,  de  façon  à  constituer  un  nodule. 
Du  côté  de  la  périphérie  de  l'œuf. 


(a)  Agassiz,  Contributions  to  the  Natural  History  of  tlie  United  States,  tome  II,  planche  9  a, 
%.  43,  44. 


504 


REPRODUCTION. 


et  parfois  même  le  tube,  ainsi  constitué,  devient  une  chambre 
incubatrice  :  car,  chez  quelques  Reptiles,  le  développement  de 
l'embryon  commence  ou  s'achève  même  dans  l'intérieur  de 
l'œuf  avant  que  celui-ci  ail  été  expulsé  au  dehors,  et  dans  ce 
dernier  cas  ces  Animaux  sont  ovovivipares.  La  Vipère  doit  so» 
nom  à  cette  particularité  physiologique  (1),  qui  est  commune  à 
beaucoup  de  Serpents  venimeux  {'2)  et  se  retrouve  chez  l'Orvet, 
ainsi  que  chez  quelques  espèces  de  la  famille  des  Lézards  (3^. 
Postérieurement,  les  deux  oviductes  se  rapprochent  pour 
déboucher  dans  le  cloaque,  et  la  portion  de  ce  vestibule  où  ils- 
vont  s'ouvrir  se  prolonge  souvent  au-dessus  de  l'orifice  du 


chacun  de  ces  nodules  calcigères  s'ac- 
croît par  la  formation  de  nouvelles 
couches  superposées,  et  il  en  résulte 
finalement  une  petite  colonnette  ou 
cylindre  vertical  dont  la  section  hori- 
zontale offre  une  structure  radiaire. 
Ces  nodules  sont  disposés  par  rangées 
parallèles  comme  l'étaient  les  granules 
organiques  dont  ils  dérivent,  et,  sui- 
vant qu'ils  sont  plus  ou  moins  serrés 
entre  eux,  la  substance  de  la  coquille 
est  plus  ou  moins  poreuse  ou  dense. 
Il  existe  à  cet  égard  des  différences 
dans  les  diverses  familles  de  Chélo- 
niens,  et  il  en  résulte  que,  dans  chacun 
de  ces  groupes  zoologiques,  la  coquille 
présente  des  caractères  histologiques 
particuliers.  Pour  plus  de  détails  à  ce 
sujet,  je  renverrai  aux  observations 
de  jM.  Agassiz  {Nat.  Ilist.  of  the  Uni- 
ted States,  t.  Il,  p.  507  etsuiv.). 

(1)  La  disposition  générale  de  l'ap- 
pareil de  la  génération  des  Vipères  a 


été  assez  bien  indiquée  par  Charas  (a), 

(2)  Quelques  naturalistes  ont  pensé 
que  les  Serpents  venimeux  étaient  tous 
vivipares,  et  les  Serpents  non  venimeux 
tous  ovipares  ;  mais  il  y  a  de  part  et 
d'autre  des  exceptions  à  cette  règle: 
ainsi,  dans  les  groupes  des  Coronelles, 
la  plupart  des  espèces  sont  ovipares, 
comme  chez  les  Couleuvres,  mais  la 
Coronelle  lisse  est  vivipare.  Cette  der- 
nière particularité  se  retrouve  aussi 
chez  le  Boa  rativore;  enfin  les  Najas, 
quoique  très  -  venimeux ,  sont  ovi- 
pares (6). 

(3)  Une  petite  espèce  de  Lézard  qui 
se  trouve  en  Suisse  ainsi  que  dans  di- 
verses autres  parties  montagneuses  de 
l'Europe,  et  qui  a  été  décrite  sous 
plusieurs  noms  {Lacerta  montana,  L. 
Schreibersiana,  Zootocha  Jacquini, 
Lacerta  vivipara,  etc.) ,  pond  des  œufs 
contenant  des  petits  tout  formés  el 
près  d'éclore  (c). 


(a)  Cliaras,  Anatomie  de  la  Vipère  {Mém.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Animaux,  t.  Ht,. 
2°  partie,  p.  207,  pi.  60  elQi.Acad.  des  sciences,  1732). 

(6)  Schlegel,  Physionomie  des  Serpents,  t.  II,  p.  86. 

(c)  J.  F.  Jacqiiin,  Lacerta  vivipara  {Nova  Acta  Hclvet.,  1. 1,  p.  33,  pi.  1). 

—  Cocteau,  Note  sur  it?i  genre  peu  connu  de  Lézards  vivipares  [Zootocha,  Wagler),  el  sur  une. 
nouvelle  espèce  de  ce  genre  [Ann.  des  sciences  nat.,  2*  série,  1835,  t.  IV,  p.  310). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES.  505 

rectum,  soit  qu'il  se  continue  avec  la  vessie  urinaire,  soit  qu'il 
se  termine  en  cul-de-sac  sans  donner  naissance  à  un  réservoir 
de  ce  genre.  Cette  dernière  disposition  est  parfois  très-remar- 
quable chez  les  Opliidiens,  où  la  portion  supérieure  du  cloaque 
se  dilate  de  façon  à  ressembler  à  un  utérus  dans  le  col  duquel 
viendraient  s'ouvrir,  d'une  part  l'intestin ,  d'autre  part  les 
voies  uriuaires  (1). 

11  existe  aussi  à  la  partie  antérieure  du  cloaque,  chez  les 
Chéioniens  et  les  Crocodihens,  un  appendice  excitateur,  nommé 
chtoris,  qui,  par  sa  structure,  correspond  au  pénis  du  maie  (2). 

Entin,  ce  vestibule  génito-excrémentitiel  est  souvent  lubrifié 
par  des  matières  onctueuses  que  des  organes  glandulaires  adja- 
cents y  versent  :  chez  les  Crocodiliens  et  les  Ophidiens,  par 
exemple  (3). 

(1)  Chez  le  Coluber  korros,  celte  que  une  paire  de  petits  sacs  glandu- 
portion  utérine  du  cloaque  est  extrê-  laires  qui  paraissent  correspondre  à 
mement  développée,  et  se  termine  an-  une  partie  de  l'appareil  copulateur  du 
térieureraent  par  deux  cornes  (a).  mâle  (voyez  ci-après  page  507).  Chez 

Une  disposition  analogue,  mais  beau-  les  Ophidiens ,  ces  glandules  ont  la 

<:oup  moins  prononcée,  se  voit  chez  la  forme  d'une  capsule  ovalaire  située  de 

Couleuvre  à  collier  (6).  chaque  côté  sous  la  queue  et  communi- 

Chez  riguane,  le  fond  du  cloaque  quant  avec  le  cloaque  par  plusieurs  ou- 
est divisé  en  deux  sacs  dans  lesquels  vertui'es  pratiquées  dans  la  lèvre  pos- 
s'ouvrent  les  oviductes  et  les  uretères.  térieure  de  Tauus;  elles  sont  beaucoup 

(2)  Le  clitoris  des  Chéioniens  (c)  et  plus  développées  chez  la  femelle  que 
■des  Crocodiliens  (d)  ressemble  tout  à  chez  le  mâle  (e). 

fait  au  pénis,  si  ce  n'est  que  son  vo-  (3)  Les  sacs  glandulaires  dont  il  a 

lume  est  moindre   (voyez  ci -après  été  question  dans  la  note  précédente 

page  509).  sécrètent  une  matière  onctueuse  quia 

chez  les  Sauriens  ordinaires  et  les  la  consistance  de   la  pommade.  Chez 

Ophidiens,  il  n'existe  pas  de  clitoris,  les  Crocodiliens,  deux  glandes  volu- 

wiais  on  trouve  sur  les  côtés  du  cloa-  mineuses  et  de  forme  ovalaire  débou- 


(a)  Stannius  et  Siebold,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  Il,  p.  271. 

(b)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  91,  pi.  10,  fig.  4. 

(c)  Exemple,  la  Tortue:  voy.  Bojanus,  Anatome  Tesludinis  europœce,  pi.  28,  fîg.  159. 

(d)  Exemple,  le  Crocodile  à  museau  de  Brochet:  voy.  Carus  et  Otto,  Tab.  Anat.  comp.  illustr., 
pars  V,  pi.  G,  (ig.  2.  —  Isid.  Geoffroy  et  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.  {Ann.  des  sciences  iiat., 
1828,  t.  Mil,  pi.  6,  fig.  4).  —  Hunter,  Ilhistr.  Catal.  of  the  Mus.  of  the  R.  Collège  of  Surg., 
t.  IV,  pi.  63,  fig.  1  et  2, 

(«)  Schlege),  Op.  cit.,  p.  46. 


mâle 


506  REPRODUCTION. 

Appaieil  §  12.  —  Les  testicules  n'offrent  rien  d'important  à  noter  (1)  ; 
ils  sont  toujours  situés  dans  le  voisinage  des  reins,  soit  au-des- 
sous de  ces  organes,  dans  le  fond  de  la  cavité  abdominale, 
ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  Chéloniens  (2),  soit  au  de- 
vant d'eux,  sur  les  côtés  de  la  colonne  vertébrale,  comme 
cela  a  lieu  chez  les  Sauriens  et  les  Ophidiens.  Il  y  a  toujours 
un  épididyme  bien  caractérisé,  et  les  canaux  déférents  arrivent 
près  du  cloaque  sans  avoir  aucune  communication  avec  les 
voies  urinaires,  mais  là  ils  se  réunissent  parfois  aux  uretères,  et 
débouchent  par  une  paire  d'orifices  communs  situés  sur  le  côté 
de  ce  vestibule,  au  sommet  d'une  petite  papille  (3). 

L'appareil  copulateur  est  une  dépendance  du  cloaque,  et  con- 
siste en  un  ou  deux  appendices  érectiles,  qui  ne  sont  jamais 
complètement  tubulaires,  comme  la  verge  des  Mammifères, 
mais  simplement  creusés  d'une  gouttière  longitudinale  dont  la 
base  est  en  rapport  avec  la  papille  au  sommet  de  laquelle  dé- 
bouchent les  canaux  déférents.  îl  affecte,  dans  cette  classe, 
deux  formes  principales,  tantôt  il  n'existe  qu'un  pénis  impair  et 


chent  aussi  sur  les  parois  latérales  du  (3)  Chez  les  Lézards,  cette  jonction 

cloaque.    Chez   les  Tortues,   ces  or-  du  canal  déférent  et  de  l'uretère  a  lieu 

ganes  sont  représentés  par  une  paire  près  de  l'extrémité  inférieure  du  rein, 

de  grosses  vessies  {a).  En  général,  il  à  peu  de  distance  du  rectum,  en  sorte 

y  a  aussi  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  que  le  canal  génito-urinaire  ainsi  formé 

antérieure  du  cloaque  une  série  de  est  très-court  {d). 

glandules  utriculaires.  Chez  la  Couleuvre  à  collier,  le  ca- 

(1)  La  forme  des  testicules  varie  nal  déférent  et  l'uretère  vont  déboii- 
avec  celle  du  corps  :  ainsi,  chez  les  cher  l'un  et  l'autre  dans  une  petite 
Ophidiens,  ils  sont  très-étroits  et  re-  ampoule  commune  qui,  à  son  tour, 
marquablement  allongés  (b).  s'ouvre  dans  le  cloaque,  au  sommet 

(2)  Par  exemple,  chez  la  Tortue  d'une  petite  papille  érectile  (e). 
d'Europe  (c). 

(a)  Bojanus,  Analome  Testudinis  eiiropœœ,  pi.  27,  fig.  150, 157. 

(6)  Par  exemple,  chez  la  Couleuvre  à  collier  :  \oy.  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  pi.  10,  fig.  1. 

(c)  Voyez  Bojanus,  Op.  cit.,  pi.  27  et  28,  fig.  ■157  et  158. 

{(i)  Voyez  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  C7,  pi.  9,  %.  2. 

(e)l(leni,  ibid.,  p.  79. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES.  507 

médian  :  cet  organe  est  linguiforme  et  plein;  lorsqu'il  devient 
apte  à  fonctionner,  il  se  gonfle  et  s'allonge  par  l'afflux  du  sang 
dans  son  intérieur,  sans  que  sa  forme  change  notablement. 
D'autres  fois  il  y  a  deux  verges  qui,  dans  l'état  de  repos,  ont 
la  forme  de  tubes  cutanés  terminés  en  cul-de-sac,  et  s'ouvrant 
au  dehors  par  un  orifice  pratiqué  dans  la  paroi  latérale  du 
cloaque,  mais  qui,  dans  l'état  d'érection,  se  déroulent  à  l'exté- 
rieur de  façon  à  constituer  un  appendice  saillant  dont  l'axe  est 
creux  (1).  Le  premier  de  ces  modes  d'organisation  se  trouve 
chez  les  Chéloniens  et  les  Crocodiliens -,  le  second,  chez  les 
Sauriens  ordinaires  et  les  Ophidiens. 

Chez  ces  derniers  Reptiles,  l'anus  a  toujours  la  forme  d'une 
fente  transversale,  et  c'est  en  dedans  de  chaque  angle  ou  com- 
missure de  cette  ouverture  que  se  trouve  l'entrée  du  sac 
exsertile  ou  appendice  copulateur.  Dans  l'état  de  repos,  celui-ci 
n'est  pas  apparent  au  dehors,  et  se  prolonge  en  arrière,  sous  la 
base  de  la  queue,  entre  la  peau  et  la  colonne  vertébrale  (2).  Il 
se  compose  :  1°  d'une  tunique  cutanée,  ou  prolongement  de  la 
peau  qui  en  tapisse  la  cavité,  et  qui,  lors  de  l'érection  du  pénis, 

(1)  Les  anatomistes  appellent  sou-  pour  pouvoir  servir  à  la  distinclion  des 
vent  ces  appendices  des  «  verges  en  sexes.  Chez  les  Lézards,  par  exemple, 
fourreau  » ,  mais  ce  nom  est  assez  mal  la  queue  est  étroite  et  arrondie  en  des- 
choisi ,  car  le  cul-de-sac  copulateur,  sous  chez  la  femelle,  tandis  que  chez 
que  l'on  compare  ainsi  à  ime  gaîne,  le  mâle  elle  y  est  large,  aplatie  et  sil- 
ne  renferme  rien,  et  c'est  en  se  ren-  lonnée  longitudinalement  sur  la  ligne 
versant  comme  un  doigt  de  gant,  par  médiane  :  c'est  le  seul  caractère  exté- 
un  mouvement  d'invagination,  qu'il  rieur  qui  puisse  faire  reconnaître  le 
devient  exsertile  et  constitue  un  pénis  sexe  de  ces  Animaux. 

imperforé.  Il  est  cependant  à  noter  que  chez  le 

(2)  C'est  par  suite  de  cette  disposi-  fœtus,  les  verges  du  mâle  sont  appa- 
tion  que  la  forme  de  la  portion  basi-  renies  au  dehors,  et  que  ces  appendices 
laire  de  la  queue  est  en  général  assez  ne  rentrent  dans  le  cloaque  qu'après 
différente  chez  le  mâle  et  la  femelle  l'éclosion  (a). 


(a)  Rathke,  Entwickelungsgeschichte  der  Natter,  pi.  3,  fig'.  17,  18,  19. 
—  Marlin  Saint- Ange,  Op.  cit.,  p.  77. 


508  REPRODUCTION. 

devient  extérieur  ;  2°  d'une  (unique  fibreuse  qui  engaine  la 
précédenle  quand  l'organe  est  rentré,  mais  occupe  l'intérieur 
de  l'appendice  quand  celui-ci  se  renverse  au  dehors  ;  3°  d'une 
couche  plus  ou  moins  considérable  d'un  tissu  spongieux  érectile 
placé  entre  ces  deux  tuniques  (1);  li"  d'un  muscle  rétracteur 
qui  se  porte  du  fond  du  cul-de-sac  aux  vertèbres  caudales 
adjacentes,  et  qui  occupe  l'axe  du  pénis  pendant  l'érection. 
C'est  ce  dernier  muscle  qui  fait  rentrer  la  verge  sous  la  peau,  et 
c'est  la  contraction  des  muscles  de  l'anus  qui  en  détermine  la 
sortie.  La  forme  du  pénis  ainsi  constitué  varie  :  tantôt  il  est 
simple  et  plus  ou  moins  styliforme,  ou  conique,  ainsi  que  cela  se 
voit  chez  les  Lézards  et  les  Couleuvres;  d'autres  fois  il  est  bifur- 
qué à  son  extrémité,  par  exemple  chez  les  Iguanes,  les  Pythons, 
les  Crotales  et  les  Vipères  (2).  Sa  partie  terminale  est  parfois 
lisse,  comme  chez  les  Pythons;  d'autres  fois,  hérissée  de  pa- 
pilles ou  d'épines  épidermiques  récurrentes,  comme  chez  les 
Couleuvres  et  les  Vipères  (3),  ou  même  garnie  de  lames  carti- 
lagineuses, comme  chez  le  Tupinambis  élégant.  Le  sillon  qui 
est  destiné  à  conduire  au  dehors  la  liqueur  séminale  en  occupe 
la  face  antérieure,  et  lors  de  l'érection,  la  base  de  cette  gouttière 
vient  se  mettre  exactement  en  rapport  avec  l'embouchure  du 


(1)  Chez  quelques  Reptiles,  la  verge  scytale  (a),  le  Crotalus  horridus  (6), 
ne  présente  que  très-peu  de  tissu  érec-  et  la  Coronelle  grisonne  ou  Coluber 
tile,  et  se  compose  piincipalement  de  canus  (c). 

tissu  élastique.  Chez  les    Iguanes ,  la  bifurcation 

(2)  Chez  quelques  Ophidiens,  la  bi-  n'est  que  subterminale  (d). 
furcaîion  du  pénis  est  si  profonde,  (3)  Chez  le  Dryiniis  lineolatus,  ces 
qu'au  premier  abord,  il  semblerait  y  épines  cornées  sont  de  deux  sortes, 
avoir  quatre  de  ces  appendices  copu-  et  plusieurs  d'entre  elles  acquièrent 
lateurs  :  par  exemple,  chez  VAnguis  de  très -grandes  dimensions  (e). 


(a)  Voyez  Carus  et  Otlo,  Tabul.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  v,  [jI.  C,  fig.  4. 
(b)}.  Millier,  Bau  dev  erectilien  mannlichen  Geschlechisorgane  (Mém.  de  l'Acad.  de  Derlin 
pour  183G,pl.  3,  fig.  4). 

(c)  Schlegel,  Op.  cit.,  p.  46. 

(d)  Exemple,  VIguana  delicatissima  :  voy.  Carus  et  Olto,  Op.  cit.,  pi.  6,  fig.  5. 

(e)  Carus  et  Olto,  Op.  cit..  pi.  G,  fig.  3. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    REPTILES.  509 

canal  déférent  correspondant.  Enfin,  on  remarque  encore  chez 
beaucoup  d'Ophidiens,  sous  chaque  verge,  un  organe  sécréteur 
qui  consiste  en  un  caecum  lubulaire,  et  qui  renferme  une  ma- 
tière blanche  (1). 

Chez  les  Reptiles  dont  l'anus  est  longitudinal  ou  arrondi, 
savoir,  les  Crocodiliens  et  les  Chéloniens,  l'appareil  copulatcur, 
ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  n'est  pas  double  (2)  comme  chez  les 
précédents,  et  consiste  en  une  verge  pleine  et  linguiformc, 
située  sur  la  hgne  médiane,  fixée  par  sa  base  à  la  paroi  anté- 
rieure du  cloaque  et  libre  à  son  extrémité  opposée,  qui  est 
susceptible  de  se  reployer  dans  l'intérieur  du  vestibule  com- 
mun, de  façon  à  s'appliquer  contre  l'entrée  du  rectum  et  de 
la  vessie  urinaire,  ou  de  se  recourber  en  arrière  et  de  faire 
saillie  au  dehors.  Elle  se  compose  essentiellement  de  deux 
cylindres  ou  cônes  de  tissu  érectile,  plus  ou  moins  intimement 
unis  sur  le  plan  médian  et  revêtus  par  un  prolongement  de  la 
peau,  ou  plutôt  de  la  membrane  muqueuse  du  cloaque,  qui, 
se  moulant  sur  la  rainure  laissée  entre  les  bords  de  ces  corps 
caverneux,  forme  en  avant  une  gouttière  longitudinale.  La 
forme  de  cet  appendice  varie  :  souvent  il  est  renflé  vers  le 
bout  en  manière  de  gland  (3),  et  (|uelquefois  la  portion  ter- 


(1)  Ces  organes,  appelés  poches  grand,  subcylindrique,  renflé  vers  le 
anales,  sécrètent  un  liquide  fétide  dont  bout  et  terminé  en  pointe  (c).  La 
l'odeur  est  alliacée  (a).  gouttière  qui  en  occupe  la  face  dorsale 

(2)  D'après  M.  Weber,  le  Crocodile  est  divisée  antérieurement  en  deux 
rhombifère  ferait  exception  à  cette  branches  par  une  papille.  Une  paire 
règle,  et  aurait  deux  verges  (6).  de  muscles  rétracteurs  s'insère  d'une 

(3)  Le  pénis  des  Chéloniens  est  très-  part  au  bassin,  d'autre  part  à  la  face 


(a)  Schlegel,  Physionomie  des  Serpents,  t.  I,  p.  4G. 

—  Siebold  et  Stannius,  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  270. 

(b)  M.  J.  Weber,  Deitrdge  zur  Anatomie  und  Physiologie,  1832. 

(c)  Par  exemple,  chez  la  Tortue  rayée (restîM^o  radïata):  voy.  Duvernoy,  Allas  du, Règne  animal 
de  Cuvier,  Reptiles,  pi.  2,  fig.  1. 

—  Chez  VEmys  serrata  :  voy.  Treviranus,  Ueber  die  Harnwerk&euge  und  die  mdnnlichen 
Zeugungstheile  der  Schildkrôten  {Zeitschrift  fiir  Physiologie,  1826,  t.  II,  pi.  13,  fig.  2  et  3). 


Oiseaux. 
Différences 
sexuelles. 


510  REPRODUCTION. 

minale  de  sa  gouttière  dorsale  se  transforme  en  un  canal 
complet,  par  exemple  chez  le  Caïman  à  lunettes.  11  est  aussi 
à  noter  que  dans  l'épaisseur  de  la  verge  de  ces  Animaux,  ainsi 
que  dans  la  partie  correspondante  chez  la  femelle,  on  trouve 
de  chaque  côté  de  la  gouttière  un  tube  membraneux  qui  est 
formé  par  un  prolongement  du  péritoine  et  qui  communique 
avec  la  cavité  abdominale;  inférieurement,  il  se  termine  en 
cul-de-sac  près  du  gland,  ou  débouche  au  dehors  par  une  petite 
ouverture  garnie  d'une  valvule  membraneuse.  On  ne  sait  rien 
sur  les  usages  de  ces  canaux  péritonéaux,  que  nous  rencon- 
trerons aussi  chez  plusieurs  autres  Vertébrés,  et  qui  semblent 
être  les  représentants  des  pores  abdominaux  des  Poissons 
inférieurs  (1). 

§    13.  —  Dans   la   classe    des   Oiseaux  ,    les   différences 
sexuelles  sont  d'ordinaire  accompagnées  de  particularités  très- 


inférieure  de  cet  organe,  près  du  gland^ 
et  en  se  contractant,  ils  le  replacent 
dans  le  cloaque,  de  façon  à  boucher 
l'orifice  du  rectum.  Pour  plus  de  détails 
sur  la  structure  de  cette  verge,  je  ren- 
verrai aux  excellentes  figures  données 
par  Bojaiius  et  reproduites  dans  plu- 
sieurs ouvrages  (a). 

(1)  Ces  canaux  péritonéaux,  dont 
l'existence  fut  constatée  chez  les  Ché- 
loniens,  d'abord  par  Plumier  (6),  puis 
par  Cuvier  et.Duvernoy  (c),  ont  été 


étudiés  avec  beaucoup  de  soin,  par 
MM.  Isidore  Geoffroy  Saint-Hilaire  et 
Martin  Saint-Ange,  chez  ces  Reptiles 
ainsi  que  chez  les  Crocodiliens  [d). 
L'occlusion  de  l'extrémité  inférieure 
de  ces  canaux  a  été  constatée  par 
M.  Mayer  chez  les  Tortues  (e).  Mais 
chez  les  Crocodiles,  on  les  a  vus  dé- 
boucher au  dehors  dans  le  cloaque, 
près  de  la  racine  du  pénis  chez  le  mâle, 
et  à  la  base  du  clitoris  chez  la  fe- 
melle (/). 


(a)  Bojanus,  Anatome  Testudinis  europœce,  pi.  30,  %.  483,  4  84,  485,  487. 

Rymer  Jones,   art.  Reptilia  ( Todd's    Cyclop.   of  Anat.  and  Physiol,  t.  IV,   p.  340, 

%.  236-239). 

(6)  Voyez  Stannius  etSiebold,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  1. 1,  p.  270. 

(c)  Cuvier,  Anatomie  comparée,  t.  VIII,  p.   289. 

{d)  Is.  Geoffroy  Sainl-Hilaire  el  Martin  Saint- Ange,  Recherches  an  atomique  s  sîir  deux  canaux 
quimetlenl  la  cavité  du  péritoine  en  communication  avec  les  corps  caverneux  de  la  Tortue 
franche,  et  sur  leurs  analogues  chez  le  Crocodile,  etc.  {Ann.  des  sciences  nat.,  4828,  t.  XIII, 
p.  453,  pi.  7). 

(e)  Mayer,  Analekten  %ur  vergleichenden  Anatomie^  t.  I,  p.  44. 

[f]  Owen,  Notes  on  the  Anatomy  of  a  Crocodile  {Proceed.  on  the  Committee  of  Ihe  Zool.  Soc, 
1834,  t.  I,  p.  444). 

—  Stannius  et  Siebold,  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  I,  p.  270. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉHATION    DES    OISEAUX.  511 

remarquables  dans  l'appareil  tégumen taire,  et  quelquefois  di- 
verses parties  du  corps  qui  n'ont  aucune  relation  directe  avec 
les  organes  de  la  reproduction  sont  beaucoup  plus  développées 
chez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Ainsi,  les  ergols  dont  le  tarse 
est  armé  chez  plusieurs  espèces  manquent  en  général  chez  la 
femelle.  Il  en  est  de  même  des  barbillons  et  autres  appendices 
du  cou.  Comme  je  l'ai  déjà  dit,  le  plumage  de  celle-ci  res- 
semble toujours  davantage  au  plumage  des  jeunes  individus,  et 
c'est  seulement  chez  le  maie  qu'on  rencontre  ce  luxe  de  colo- 
ration et  cet  énorme  développement  des  plumes  de  certaines 
régions  qui  sont  parfois  si  remarquables.  Pour  en  donner  des 
exemples  qui  sont  généralement  connus,  il  me  suffira  de  citer 
le  Paon  et  le  Faisan  doré  de  la  Chine. 

§  14.  ■ —  Les  organes  de  la  génération  des  Oiseaux  res-  AppareUgénitai 
semblent  beaucoup  à  ceux  des  Reptiles,  si  ce  n'est  que  chez  le  oiseaux. 
mâle  les  conduits  déférents  ne  s'unissent  jamais  aux  uretères 
et  débouchent  dans  les  cloaques  par  des  orifices  particuhers; 
que  l'appendice  copulateur  est  en  général  rudimentaire  ;  et  que 
chez  la  femelle,  l'appareil  tout  entier  avorte  presque  toujours 
d'un  côté,  en  sorte  qu'il  n'y  a  qu'un  seul  ovaire  et  un  oviducte 
unique,  placés  du  côté  gauche  du  corps  (1).  Dans  les  pre- 
miers temps  de  la  vie  embryonnaire,  ce  défaut  de  symétrie 
n'existe  pas,  et  l'on  trouve  de  chaque  côté  un  ovaire  et  un  ovi- 
ducte (2);  mais  bientôt  l'une  des  moitiés  de  cet  appareil  s'atro- 

(1)  Par  exemple,  chez  la  Poule  (a),  (2)  Rathke  a  constaté  que  chez  le 

le  Pigeon  (6),  la  Grue  couronnée  (c).      Poulet,  les  ovaires  naissent  sur  le  bord 
le  Pélican  {d),  etc.  interne  des  corps  de  Wolff,  et  jusqu'au 

(a)  Fabricius  d'Acquapendenle,  De  formatione  ovi  et  pulli  historia,  pi.  1,  fîg.  1  {Opéra  omnia) . 

—  Spangenberg,  Disquisit.  inaug.  anat.  circa  partes  génitales  femineas  Aviiim.  Gotlingte, 
1813,  pi.  1,  fig.  1;  pi.  2,  fig.  2-6. 

—  Lereboullet,  Recherches  sv.r  les  organes  génitaiix  des  Animaux  vertébrés,  pi.  Il,  fig.  110 
{Nova  Acla  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXIII). 

(6)  Voyez  Martin  Saint-Ange,  Étude  de  l'appareil  reproducteur,  pl.  8,  Cg.  3  {Mém.  de  l'Acad, 
des  sciences,  Sav.  étrang.,  t.  XIV). 

(c)  Perrault,  Mémoire  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Animaux,  pi.  29,  fig.  P. 
{d)  Idem,  loc.  cit.,  t.  III,  pi.  27,  fig.  ». 


512  UEPRODUCTION. 

phie  et  disparaît  plus  ou  moins  complètement,  tandis  que  l'autre 
moitié  continue  à  se  développer.  Cependant  il  n'est  pas  rare 
de  trouver  chez  l'adulte  des  vestiges,  soit  de  l'ovaire,  soit  de 
l'oviducte  du  côté  droit,  surtout  chez  les  Rapaces,  et  chez  quel- 
ques-uns de  ces  Oiseaux,  les  Autours  et  les  Buses  principale- 
ment, ces  parties  sont  souvent  presque  aussi  développées  que 
du  côté  gauche  (1). 


septième  jour  de  l'incubation,  ils  ne 
paraissent  pas  différer  des  testicules. 
Vers  le  neuvième  jour,  l'ovaire  gauche 
commence  à  devenir  beaucoup  plus 
volumineux  que  l'ovaire  droit,  et  dès 
ce  moment  ce  dernier  organe  cesse  de 
croître,  mais  il  conserve  son  volume 
primitif  jusqu'après  l'éclosion,  puis 
il  est  résorbé  (a).  Chez  les  Oiseaux 
de  proie,  à  l'époque  de  la  naissance, 
l'ovaire  droit  est  encore  presque  aussi 
grand  que  l'ovaire  gauche,  et  il  en  est 
de  même  pour  les  oviductes  (6). 

(1)  En  général,  l'ovaire  droit  est 
bien  développé  chez  ces  Oiseaux  (c), 
et  on  le  rencontre  assez  souvent  chez 
d'autres  Rapaces  diurnes  (d);  mais, 
dans  la  famille  des  Hiboux,  on  n'en 
trouve  que  rarement  des  traces.  Par- 


fois il  existe  comme  anomalie  chez  les 
Perroquets ,  la  Corneille  (e)  et  les 
Pigeons  (/"). 

Barkow  a  constaté  la  présence  d'un 
oviducte  à  droite  chez  la  Foulque  (g) ,  le 
Pigeon,  le  Strix  brachyotos,  et  le  Ca- 
nard domestique  (/i).  M.  Stanniiis  a 
trouvé  des  vestiges  de  l'oviducte  droit 
chez  le  Cygne  à  bec  rouge,  l'Oie,  le  Pin- 
gouin,la  Cigogneblanche.la  Pouled'eau 
et  l'Orfiaie  ;  enfin  mon  fils,  M.Alphonse 
Milne  Edwards,  a  constaté  une  dispo- 
sition semblable  chez  un  Kamichi.  On 
cite  aussi  des  exemples  de  l'existence 
d'un  second  oviducte  plus  ou  moins 
incomplet  chez  la  Poule  commune  («'), 
et ,  suivant  M.  Baer,  cet  organe  y 
serait  représenté  toujours  par  une 
vésicule  hydatiforme  (j). 


(a)  Rallike,  Ueber  die  Entwickelung  der  Geschlechtstheile  bei  den  Vôgeln  (Bcitr.  zur  Geschichte 
der  Thierwelt,  t.  III,  p.  48). 

(&)  J.  Millier,  Bildungsgesch.  der  Genitalien  aus  anatomischen  Untersiich.  an  Embryoneii  des 
Menschen  und  der  Thiere.  Dusseldorf,  1840.  —  Recherches  anatomiques  et  physiologiques  sur 
l'histoire  du  développement  des  parties  génitales  chez  l'Homme  et  les  Animaux  {Journal  com- 
plémentaire des  sciences  médicales,  1831,  t.  XL,  p.  401). 

(c)  Exemple,  la  Buse  :  voy.  Carus  et  Otto,  Tabul.  Anat.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  7,  ùg.  1. 

(d)  Emmert,  Beobacht.  ûber  einige  anatom.  Eigenheiten  der  Vogel  (Reil's  Archiv  fur  die 
Physiologie,  1811,  t.  X,  p.  383), 

(«)  Wagner,  Beilr.  %ur  Anat.  der  Vogel  (Mém.  de  l'Acad.  de  Munich,  1837,  1. 11,  p.  278). 

(f)  Siebold  et  Stannius,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  366. 

(g)  Barkow,  Anat.  physiol.  Uiitersuch.  verziiglich  ûber  das  Schlagadersyslem  der  Vôgel 
(MùUer's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1829,  p.  351,  pi.  9,  fig.  14-16). 

(h)  Idem,  loc  cit.,  p.  448. 

{i)  Geoffroy  Sainf-Hilaire,  Sur  la  terminaison  du  canal  intestinal  chez  les  O'iseaux  (Bulletin 
de  la  Soc.  philom.,  1822,  p,  71). 
—  Lerelioullet,  Op.  cit.,  p.  102. 
(j)  Baer,  Entwickelungsgeschichte  der  Thiere,  t.  II,  p.  151. 


1 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  513 

§  15.  —  Les  testicules  sont  loiijours  au  nombre  de  deux,      orpnes 


mais  en  général  ils  se  développent  inégalement,  et  celui  du  côté 
gauche  est  plus  gros  que  celui  de  droite.  Ils  sont  accolés  à  la 
paroi  dorsale  de  la  cavité  abdominale,  entre  les  poumons  et  les 
reins.  Leur  volume  varie  extrêmement  suivant  les  saisons  (1) 
aussi  bien  que  suivant  les  espèces,  et  devient  quelquefois  très- 
considérable  :  chez  le  Coq  et  le  Canard,  par  exemple.  Leur  struc- 
ture ne  présente  aucune  particularité  importante,  si  ce  n'est 
la  ténuité  extrême  des  tubes  spermagènes.  Leur  membrane 
albuginée,  ou  tunique  propre,  est  mince,  et  donne  naissance  à 
des  brides  qui  s'enfoncent  dans  leur  profondeur.  Les  troncs 
principaux  formés  par  la  réunion  des  conduits  spermatiques 
se  détachent  du  bord  interne  du  testicule,  et  constituent  aus- 
sitôt un  épididyme  qui  y  est  intimement  uni  et  en  général 
peu  distinct  (2).  D'ordinaire,  le  canal  déférent  est  flexueux 
dans  toute  son  étendue,  et,  après  avoir  longé  le  rein,  il  se 
rend  au  cloaque  en  se  rapprochant  de  son  congénère,  mais 
sans  s'y  réunir.  Souvent  il  présente  vers  son  extrémité  infé- 
rieure une  dilatation  ampulliforme  qui  fait  office  de  vésicule 
séminale  (3).  Il  débouche  directement  dans  le  cloaque  (4). 
Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu,  cette  portion  terminale  et 


(1)  Ainsi,  chez  le  Moineau,  les  tes-  et  chez  l'Autruche,  l'épididyme  est  sé- 
ticules  n'ont  guère  plus  d'un  millimètre  paré  du  testicnle  et  se  prolonge  beau- 
de  diamètre  au  mois  de  janvier,  tandis  coup  en  avant  (c). 

que,  vers  le  milieu  d'avril,  ils  sont  (3)  Comme  exemple  des  Oiseaux 
presque  -aussi  gros  que  des  œufs  de  chez  lesquels  cette  vésicule  est  bien 
Pigeon,  comme  on  le  voit  dans  les  développée,  je  citerai  le  Pigeon  do- 
figures  que  Hunter  en  a  données  (a).  mestique  {d). 

(2)  Par  exemple,  chez  le  Coq  [b),  (Zi)  Voyez  tome  VII,  page  3^7. 

(a)  Hunter,  Animal  Œconomy,  pi.  7. 

—  Owen,  art.  Aves  (Toild's  Cyclop.  of  Anat.  and,  Physiol.,  t.  I,  p.  354,  fig.  J83). 

(b)  Voyez  ïannenberg,  Dissert,  inaug.  circa  partes  génitales  mascul.  Avium,  1789,  pi.  1 .      'i 

—  Prévost  et  Dumas,  Sur  la  génération  {Ann.  des  sciences  naturelles,  1824,  t.  I, 
pi.  19,  fig.  1). 

(c)  Voyez  Carus  et  Olto,  Taiul.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  7,  ûg.  5. 

(d)  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  pi.  8,  Cig.  1. 


mâles. 


514  REPRODUCTION. 

commune  des  voies  digestives  et  minaires  est  séparée  du  rec- 
tum par  un  orifice  qui  est  entouré  d'un  sphincter  puissant,  et, 
au  moment  de  la  défécation,  elle  se  renverse  en  dehors,  de 
façon, à  amener  cet  orifice  intestinal  à  l'extérieur  (1).  Il  en  ré- 
sulte que  les  fèces  ne  s'accumulent  jamais  dans  le  cloaque,  et  que 
celui-ci  fait  fonction  d'un  canal  génito-urinaire  plutôt  que  d'une 
annexe  de  l'intestin.  En  général,  des  replis  plus  ou  moins  pro- 
noncés de  sa  tunique  muqueuse  le  divisent  en  trois  portions,  et 
c'est  dans  le  compartiment  moyen  que  se  trouvent  de  chaque  côté 
les  orifices  spermatiques  ;  ils  occupent  chacun  le  sommet  d'une 
papille  ('2),  et  dans  l'espace  qui  les  sépare  du  côté  dorsal,  on  voit 
les  deux  embouchures  de  l'appareil  urinaire  (3).  Dans  le  compar- 
timent suivant,  se  trouve  l'entrée  de  la  bourse  de  Fabricius 
dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  parler  (/i).  Quelques  anatomistes 
ont  considéré  cette  poche  comme  un  réservoir  séminal  ;  mais 
le  sperme  ne  s'y  accumule  pas,  et  elle  semble  être  plutôt  l'ana- 
logue de  l'appareil  sécréteur  appelé  prostate,  que  nous  aurons 
bientôt  à  étudier  chez  les  Mammifères  (5).  Enfin,  le  cloaque  est 


(1)  Voyez  tome  VI,  page  365.  premier  de  ces  deux  compartiments 

(2)  Les  papilles  à  Textrémité  des-  qui  fait  office  de  réservoir  urinaire  (6) . 
quelles  les  canaux  déférents  viennent  (/i)  Voyez  tome  Vil,  page  3/i7. 
déboucher  dans  le  cloaque  sont  for-  (5)  Fabrice  d'Acquapendenle ,  à  qui 
niées  par  un  tissu  fongueux  élastique  l'on  doit  la  découverte  de  cette  bourse, 
et  très-vasculaire ,  qui  est  probable-  la  considérait  comme  un  réservoir  sè- 
ment susceptible  d'érection  (a).  minai  (c),  tandis  que  d'autres  natura- 

(3)  chez  l'Autruche,  la  conslriction  listes  la  regardèrent  comme  une  vessie 
moyenne  qui  sépare  la  portion  pénul-  urinaire  (d).  Perrault  et  quelques  au- 
tième  du  cloaque  de  la  portion  termi-  teurs  modernes  (e)  y  voient  l'analogue 
nale  est  très-prononcée  ,  et  c'est  le  des  glandes  anales  des  Mammifères , 


'•"  (a)  Lereboullet,  Op.  cit.,  p.  120. 

5'  [b)  Perrault,  Méin.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Animaux,  2^  partie,  p.  ISi,  pi.  55 

{Mém.  de  l'Acad.,t.  111,  1832). 

(c)  Fabricius  d'Acquapendente,  De  formatione  ovi  hist.  {Opéra  omnia,  p.  3). 

{d)  Geoffi-oy  Saiiit-Hilaire,  Considérations  générales  sur  les  organes  sexuels  des  animaux  à 
grandes  respiration  et  circiolalion  [Mém.  du  Muséum,  1823,  t.  IX,  p.  394). 

(e)  Berthold,  Ueber  die  Fabricischen  Beutel  der  Vôgel  {Nova  Acta  Acad.  nat,  curies.,  t.  XIV, 
p.  903). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  .515 

garni  de  divers  muscles  qui  entrent  en  jeu  au  moment  de  lu 
copulation  (i),  et  c'est  dans  l'intérieur  de  ce  vestibule  que  se 
trouve  l'organe  excitateur  qui  parfois  prend  un  développement 
considérable  et  devient  un  appendice  copulateur. 

Nous  avons  vu  dans  une  précédente  leçon  que  les  Spcrmato-  spermatozoïdes 
zoïdes  des  Oiseaux  ont  une  tête  allongée,  presque  cylindrique 
et  souvent  ondulée  (2).  Ces  corpuscules  fécondants  se  déve- 
loppent dans  l'intérieur  de  petites  utricules  libres  qui  naissent 
dans  les  tubes  spermagènes  des  testicules  (3).  Tantôt  ils  sont 
accumulés  d'une  manière  confuse  dans  l'intérieur  de  ces  vési- 
cules (4),  d'autres  fois  ils  y  sont  disposés  parallèlement  en 


et  Geoffroy  Saint-IIilaiie  l'assimile  aux 
glandes  de  Cowper  (a)  ;  enfin,  M.  Mar- 
tin Saint-Ange  la  compare  à  la  pros- 
tate (b).  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  rap- 
prochements, il  est  à  noter  que  la 
bourse  de  Fabricius  loge  dans  l'épais- 
seur de  ses  parois  un  grand  nombre  de 
follicules  sécréteurs.  Chez  l'embryon, 
cet  organe  est  plus  développé,  propor- 
tionnellement aux  autres  parties,  qu'il 
ne  le  sera  plus  tard,  et  souvent  il  est 
oblitéré  et  atrophié  chez  des  incUvi- 
dus  d'un  âge  avancé. 

(1)  Le  cloaque  est  suspendu  au  bas- 
sin par  un  ligament  aponévrotique  qui 
s'insère  à  la  partie  moyenne  et  infé- 
rieure de  la  queue.  Les  faisceaux  mus- 
culaires qui  l'entourent  sont  nombreux 
et  leur  disposition  est  assez  complexe. 
Ainsi  une  bande  charnue  transversale 
occupe  l'épaisseur  du  bourrelet  mé- 
dian indiqué  ci-dessus,  et  constitue 
lin  sphincter  vestibulaire  ;   un   autre 


sphincter  entoure  l'entrée  du  cloaque, 
et  se  compose  de  deux  portions  bien 
distinctes ,  dont  l'une ,  après  avoir 
embrassé  la  paroi  postérieure  de  ce 
vestibule,  va  s'insérer  en  avant  au 
ligament  pubien  ;  deux  antres  mus- 
cles, disposés  longitudinaleraent,  sont 
les  releveurs  de  la  lèvre  antérieure  de 
l'anus;  enfin,  il  existe  aussi  des  fais- 
ceaux charnus  qui  se  détachent  de  la 
partie  moyenne  des  fléchisseurs  de  la 
queue,  et  qui  s'insèrent  sur  les  côtés  du 
cloaque  de  façon  à  dilater  cet  organe 
au  moment  de  leur  contraction.  Pour 
plus  de  détails  au  sujet  de  là  dispo- 
sition de  ces  muscles,  je  renverrai  à  la 
description  qui  en  a  été  donnée  chez 
le  Canard  par  Spangenberg,  chez  l'Au- 
truche par  J.  MuUer,  et  chez  la  Poule 
par  M.  Lereboullet  (c). 

(2)  Voyez  ci-dessus,  page  342. 

(û)  Voyez  ci-dessus,  page  350. 

(à)  Par  exemple,  chez  le  Coq. 


(a)  Tiedemann ,  Anatomie  der  VôgeJ,  1810. 
(6)  Martin  Saint-Aniife,  Op.  cit.,  p.  57  et  suiv. 

(c)  Spangenberg,  Disquisit.  inaug.  circa  partes  génitales  femineas  Avium.  GoUingœ,  1813, 
pi.  2,  fig.  1  et  2. 

—  J.  Muller,  Uebev  %wei  verschiedene  Tijpen  in  dem  Bau  der  erectilen  mânnlichen  Geschlechts- 
organe  bei  den  strausartigen  Vôgeln  (Méin.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1836,  p.  146    pi    1 
fig.  1).  ''     ' 

—  Lereboullet,  Op.  cit.,  p.  13,  pi.  15,  fig.  155,  156. 


516  REPRODUCTION. 

faisceau  (1).  Chez  quelques  Oiseaux,  tels  que  les  Coqs  et  les 
Pigeons,  que  nous  élevons  en  domesticité,  il  en  existe  dans  tous 
les  temps  ;  mais  chez  la  plupart  des  Animaux  de  cette  classe,  les 
testicules  ne  contiennent  pas  de  liquide  spermatique  pendant  la 
plus  grande  partie  de  l'année  et  ne  s'en  emplissent  qu'à  l'époque 
du  rut  (2). 
cori.iiiion.  §  16.  —  Chez  les  Oiseaux,  la  fécondation  est  toujours  inté- 
rieure. Le  mâle  monte  sur  le  dos  de  la  femelle,  la  saisit  par  le 
cou  ou  la  tête  au  moyen  de  son  bec,  et,  renversant  son  cloaque 
en  dessous,  l'applique  contre  le  vestibule  génito-urinaire  de 
celle-ci ,  qui  dilate  et  relève  son  anus  pour  le  recevoir.  Chez 
la  plupart  de  ces  Animaux,  il  n'existe  pas  d'organe  copulateur 
susceptible  de  s'introduire  dans  le  corps  de  la  femelle  pour 
y  déposer  le  sperme;  le  pénis  manque  ou  n'est  représenté 
que  par  un  tubercule  plus  ou  moins  rudimentaire  qui  ne  peut 
servir  que  comme  organe  excitateur,  et  le  coït  ne  consiste 
que  dans  la  juxtaposition  des  parties  terminales  des  appareils 
sexuels  et  dans  l'éjaculation  de  la  semence  du  mâle  dans  l'ovi- 
ducte  de  la  femelle  (3).  Mais  quelques  Oiseaux  sont  pourvus 
d'une  verge,  et  cet  organe,  toujours  impair  et  médian,  présente 
tantôt  l'un  ,  tantôt  l'autre  des  modes  de  conformation  que 
nous  avons  déjà  vus  chez  les  Reptiles,  ou  bien  il  participe  des 


(1)  Par  exemple,  chez  le  Pinson  et  (3)  Ainsi,  chez  le  Coq,  le  pénis  n'est 
les  Becs-fins.  représenté  que  par  un  petit  tubercule 

(2)  Quelques-uns  de  nos  Oiseaux  do-  conique  situé  entre  les  deux  papilles 
mestiques  sont  aussi  dans  ce  cas  :  les  au  sommet  desquelles  débouchent  les 
Canards,  par  exemple.  En  automne,  canaux  déférents.  Ces  papilles  sont 
leurs  testicules  sont  secs,  et  leurs  ca-  formées  par  du  tissu  érectile,  et  elles 
naux  déférents  sont  complètement  deviennent  turgides  au  moment  du 
vides  (a).  coït  (6). 


(a)  Prévost  et  Dumas,  Observ.  relatives  à  l'appareil  généi^ateur  des  animaux  mâles  {Ann.  des 
sciences  nat.,  1824,  1. 1,  p.  278). 

(b)  Barkow ,   Anat.  physiol.   Untersuch.  verziiglich  ûber  das  Schlagadei'system  der  Vôgel 
(Muller's  Archiv  fur  Anat.  und  Physiol.,  1829,  p.  305). 

—  LerebouUel,  Op.  cit.,  pi.  1,  fig-.  75  INova  Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXIII). 


J 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX. 


517 


deux  (l).  En  effet,  chez  les  uns,  cet  appendice  est  linguifornic, 
comme  la  verge  des  Chéloniens  et  des  Crocodiliens  :  chez 
l'Autruche  d'Afrique  et  l'Outarde,  par  exemple  (2).  Chez  d'au- 
tres, notamment  chez  les  Canards  (3),  les  Oies  et  divers  Échas- 
siers,  il  existe  une  verge  en  fourreau  à  peu  près  comme  celle 
des  Sauriens  proprement  dits  et  des  Ophidiens.  Enfin,  chez 
quelques  espèces,  telles  que  le  Nandou,  ou  Autruche  d'Amé- 


(1)  On  doit  à  J.  Mliller  une  étude 
très-approfondie  des  organes  copula- 
teurs  des  Oiseaux  (a),  sujet  qui,  du 
reste,  avait  été  déjà  abordé  par  Hun- 
ier, Cuvier,  Meyer,  Tannenberg  et 
quelques  autres  anatomistes  (6). 

(2)  Le  pénis  de  l'Autruche  d'Afri- 
que est  un  gros  appendice  conique  qui 
est  fixé  par  sa  base  à  la  partie  infé- 
rieure du  cloaque  et  est  creusé  d'un 
sillon  médian  dans  toute  l'étendue 
de  sa  face  dorsale  (c).  Il  se  compose  : 
1"  de  deux  corps  caverneux  coniques, 
de  structure  fibreuse,  très-élastiques  et 
placés  parallèlement  l'un  à  côté  de 
l'autre;  2°  d'un  corps  spongieux  fibro- 
vasculaire,  qui  occupe  le  milieu  de  la 
face  inférieure  et  se  prolonge  jusqu'à 
sa  pointe;  o"  d'une  couche  de  tissu 
érectile  sous-cutané,  qui  tapisse  son 
sillon  dorsal  et  en  garnit  les  bords.  La 
base  de  cette  gouttière  correspond  aux 
embouchures  des  conduits  déférents, 
et  reçoit  le  sperme  au  moment  de 
l'éjaculation  de  ce  liquide.  Dans  l'état 
de  repos,  le  pénis,  tordu  et  recourbé 
en  avant,  se  loge  dans  le  cloaque,  de 


façon  à  boucher  complètement  en  des- 
sous la  portion  de  ce  vestibule  où 
l'urine  s'accumule.  Il  en  résulte  que, 
pour  permettre  l'évacuation  de  ce  li- 
quide, ainsi  que  la  sortie  des  fèces, 
cet  appendice  doit  se  renverser  au 
dehors,  mouvement  qui  est  déterminé 
par  la  contraction  du  sphincter  de 
l'anus  et  des  autres  muscles  adja- 
cents (d). 

Chez  le  Tinamou  {Crypturm),  la 
conformation  du  pénis  est  à  peu  près 
la  même  que  chez  l'Autruche  (e). 

(3)  Le  pénis  du  Canard  se  compose 
d'un  cylindre  creux  disposé  en  anse, 
tordu  sur  lui-même,  et  susceptible  de 
se  dérouler  en  partie  au  dehors  comme 
un  doigt  de  gant,  de  façon  que  sa 
portion  terminale,  en  se  renversant, 
devient  une  sorte  de  gaîne  dans  l'in- 
térieur de  laquelle  est  renfermée  la 
portion  suivante  de  cet  organe  appen- 
diculaire,  qui  est  plus  solide.  Dans 
l'état  de  repos,  il  se  loge  dans  une 
poche  particulière  située  sous  le  rec- 
tum, et  sa  cavité  s'ouvre  dans  le  cloa- 
que. Dans  l'érection,  sa  portion  exser- 


(a)  J.  Millier,  Op.  cit.  (Mém.  de  IWcad.  de  Berlin  pour  d83G,  p.  137). 

(b)  Cuvier,  Leçons  d'analomie  comparée,  2"  édit.,  t.  VIII,  p.  268. 

(c)  l'errault,  Mém.  pour  servir  à  l'histoire  naturelle  des  Animaux,  t.  III,  p.  i3-i. 
—  Carus  ei  Otlo,  Tabul.  Anatom.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  7,  fig.  3. 

(d)  Voyez  Millier,  Op.  cit.  {Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  183G,  p.  141,  pi.  1 ,  dg.  i). 
(c)  Millier,  loc.  cit.,  pi.  1,  fig.  C, 


VIII. 


35 


518  REPRODUCTION. 

riqiie^  et  le  Casoar  à  casque,  la  verge  est  conforme  d'après  un 
troisième  type  qui  participe  des  deux  précédents  (1). 

§  17.  —  L'ovaire  des  Oiseaux  est  exogène,  comme  celui  des 
Chéloniens,  des  Crocodiliens  et  des  Plagiostomes.  Il  est  d'abord 
mince  et  lamelleux  ;  mais,  par  suite  du  développement  des  œufs 
à  sa  surface,  il  devient  bosselé,  puis  il  prend  la  forme  d'une 
grappe  dont  les  grains  seraient  très-inégaux  en  grosseur.  Il  est 
suspendu  dans  un  repli  du  péritoine  à  la  paroi  dorsale  de  l'ab- 
domen, contre  la  portion  antérieure  du  rein  correspondant,  et 
il  se  compose  d'une  couche  peu  épaisse  de  stroma  fibrillaire 
ou  tissu  ovigène,  et  d'une  tunique  membraneuse  particulière 
sous  laquelle  se  ramifient  beaucoup  de  vaisseaux  sanguins.  Les 
ovules  s'y  montrent  de  très-bonne  heure  et  sont  d'abord  libres 
dans  les  interstices  du  stroma ,  mais  bientôt  le  tissu  ovarien 
adjacent  se  modifie  de  façon  à  constituer  autour  de  chacun  de 
ces  corps  reproducteurs  une  loge  fermée  ou  capsule,  dont  les 
parois  sont  membraneuses  et  tapissées  intérieurement  d'une 
couche  de  cellules  épithéliques. 

tile  se  contourne  en  tire-bouchon  et  eux  une  gouttière  médio-dorsale.  Au 

présenteunegouttièrelongituclinale(a).  sommet  de  cette  partie  basilaire  de  la 

Chez  un  autre  Palmipède  de  la  même  verge,  se  trouve  une  portion  tubuleuse 

famille,  le  Cereopsis  cinerea,  cet  or-  qui  est  susceptible  de  se  dérouler  au 

gane  copulateur  est  remplacé  par  des  dehors  ou  de  rentrer  à  l'intérieur,  à 

mamelons  disposés  comme  chez  les  peu  près  comme  le  pénis  du  Canard. 

Oiseaux  ordinaires  (6).  De  même  que  celui-ci,  il  présente  un 

(1)    Chez    le  Casoar   à   casque,  il  sillon    longitudinal  qui    se   continue 

existe  à  la  face  inférieure  du  cloaque  avec  celui  de  la  portion  basilaire,  et 

un  pénis  dont  la  portion  basilaire  est  il  est  garni  de  plusieurs  muscles, 
composée  de  deux  corps  caverneux  de  La  structure  du  pénis  est  3  peu  près 

structure  fibreuse,  qui  laissent  entre  la  même  chez  le  Nandou  (c). 

(a)  Tannenberg,  Observ.  circa  partes  génitales  Avmm,-p.  30,  pi.  2,  fig.  3. 

—  Cuvier,  Leçons  d'anatomie  comparée,  t.  VIII,  p.  273. 

—  Home,  Lect.  on  compar.  Anal.,  t.  IV,  pi.  •134,  fig;.  2. 

—  Owen,  art.  Aves  {Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  Physiol.,  t.  I,  p.  355,  fig.  184). 
■ —  Carus  et  Ollo,  Tabul.  Anat.  compar.  illustr.,  pars  v,  pi.  7,  fig.  i2. 

(b)  Daresfe,  Note  sur  la  disposition  des  organes  génitaiix  mâles  chez  le  Céréopse  [Aim.  des 
sciences  nat.,  4=  série,  1862,  t.  XVII,  p.  328). 

(c)  J.  Millier,  Op.  cit.,  pi.  2  et  3  [Mém.  de  l'Acad.  de  Berlin  pour  1836). 


APPAREIL    DE    LA    GÉINÉRÂTION    DES    OISEAUX.  54'9  ' 

Lorsque  ces  ovules  sont  encore  très-petits,  ils  sont  connmc    Formaiioi, 
empâtés  dans  la  substance  de  l'ovaire,  et  ne  déforment  pas  cet      i-j'uie. 
organe;  mais  en  grandissant,  ils  en  soulèvent  la  surface  et  la 
rendent  bosselée;  puis,  distendant  de  plus  en  plus  ces  bosses, 
les  transforment  en  autant  de  bourses  dont  la  base  se  rétrécit  à 
mesure  que  leur  volume  augmente.   Ces  bourses  ovigères, 
appelées  calices,  deviennent  ainsi  pédonculées,  et  donnent  à 
l'ovaire  l'aspect  racémeux  dont  je  viens  de  parler.  Chacune 
d'elles  loge  un  œuf  qu'elle  embrasse  étroitement,  et  leurs  parois, 
quoique  très-minces,  se  composent,  comme  nous  venons  de  le 
voir,  de  trois  parties,  savoir  :  V  d'une  tunique  externe  qui  est 
formée  par  une  portion  distendue  des  enveloppes  de  l'ovaire,  et 
qui  constitue  le  pédoncule  du  calice  ;  2°  d'une  tunique  interne 
formée  par  la  capsule  ovigère;  a"  d'une  couche  de  tissu  coa- 
jonetif  lâche,  unissant  entre  elles  les  membranes  précédentes, 
et  provenant  de  la  partie  du  stroma  qui  entourait  directement 
la  capsule  et  qui  a  accompagné  cette  vésicule  dans  son  émi- 
gration vers  l'extérieur  de  l'ovaire.  De  nombreux  vaisseaux 
sanguins  se  ramifient  dans  l'épaisseur  des  parois  du  calice  ainsi 
constitué,  et  se  distribuent  d'abord  assez  uniformément  dans 
toutes  ses  parties  ;  mais  lorsque  l'œuf  ovarien  est  arrivé  à  ma- 
turité, ces  vaisseaux  se  rétrécissent  et  s'atrophient  presque  sur 
l'équateur  de  l'espèce  de  globe  représenté  par  ce  corps.  Il  en 
résulte  une  bande  blanchâtre  qui  entoure  le  calice  et  qui  a  reçu 
le  nom  de  stigma.  Enfin,  la  bourse  ovigère  se  déchire  le  long 
de  la  ligne  ainsi  tracée,  et  laisse  échapper  l'œuf  contenu  dans 
son  intérieur;  puis  le  cahce,  devenu  vide  et  pendant,  se  flétrit 
et  disparaît. 

Lorsque  l'ovule  ovarien  est  encore  très-jeune  (1),  la  vésicule 


(1)  Depuis  quelques  années,  le  mode  cherches,  et  les  embryologistes  sont 
de  développement  de  l'ovule  des  Oi-  partagés  d'opinion  sur  plusieurs  points 
seaux  a  été  l'objet  de  beaucoup  de  re-      importants  de  l'histoire  de  ce  phéno- 


520  lîRPRODUCTION. 

germinative  en  occupe  le  centre  et  s'y  trouve  entourée  d'un 
amas  de  granules  empâtés  dans  une  substance  glutineuse; 
mais,  à  une  période  un  peu  plus  avancée  du  travail  ovogénique, 
cette  cellule  primitive  vient  se  placer  a  la  surface  du  globe 
vitellin  ainsi  constitué,  et  les  corpuscules  blastémiques  dont  elle 
est  entourée,  l'accompagnant,  forment  dans  ce  point  une  tache 
opaque  et  blanchâtre,  appelée  couche  proligère,  qui  se  dessine 
de  plus  en  plus  nettement  à  mesure  que  la  substance  vitelline 
sous-jacente  se  colore  davantage  en  jaune.  Cette  substance  pa- 
raît se  développer  par  couches  successives  et  concentriques 
autour  de  l'espace  central,  ou  latebra,  occupé  primitivement 
par  la  vésicule  germinative,  et  d'un  prolongement  qui  s'étend  de 
cet  espace  à  la  couche  proligère,  où  il  s'élargit  en  forme  d'en- 
tonnoir (1).  Elle  se  compose  de  grosses  vésicules  jaunes,  les 
unes  sphériques,  les  autres  plus  ou  moins  polyédriques,  rem- 


mène. Lorsque  je  traiterai  de  la  for-  (1)   Ce  mode  de  conformation  se 

raation  de  l'ovule  des  Mammifères,  je  retrouve  dans  Tœuf  arrivé  à  matmùté, 

reviendrai  sur  ce  sujet,  et  j'indiquerai  et  pour  le  mettre  en  évidence,  il  est 

les  relations  qui  existent  entre  les  di-  utile  de  faire  durcir  par  la  cuisson  un 

verses   parties   constitutives   tant    de  œuf  de  Poule  nouvellement  pondu,  de 

l'ovule  que  de  la  capsule  ovarienne  le  dépouiller  de  sa  coquille,  et  de  le 

dans  ces  deux  classes  d'Animaux.  Ici  couper  verticalement  en  deux  moitiés 

je  me  bornerai  à  renvoyer  le  lecteur,  à  l'aide  d'un  inslrument  bien  tran- 

pour  plus  de  détails ,  aux  principaux  chant.  Des  différences  de  teinte  dans 

travaux  originaux  relatifs  à  ces  ques-  la  substance  du  vitellus  rendent  alors 

tions  délicates  [a).  visibles  les  couches  concentriques  iu- 


(a)  H.  Meckel,  Die  Bildung  der  fur  partielle  Furchung  bestimmten  Eier  der  Vôgel  (Zeitschrift 
fur  wissenschaftl.  Zoologie,  1852,  1. 111,  p.  420). 

—  Allen  Thompson,   art.  Ovl'bi  (ToiM's  Cyclopœdia  of  Anatomy  and  Pliysiology,  Svif[<].,  t.  V, 
p.  77). 

—  Lcuikart,  Zeugung  {Wagncr's  Handwôrterbiich  der  Physiologie,  t.  IV,  p.  788-,  elc). 

—  Sunitcr,  NonnuUa  de  cvolutione  ovi  Avium,    donec  in    ovidiictum  ingredialur.   Hallo, 
1853. 

—  Hoyer,  Ueler  die  Eifolliker  der  Yogel,  namentlich  der  Tauben  xind  Hûhner  [Arclnv  fur 
Anat.  und  PlnjsioL,  1837,  p.  52). 

—  Klebs,  Die  Eierstockseier  der  Wirbellhiere  {Arehiv  fur  pathol.   Anat.,  1861,   t.  XXI, 
p.  362). 

—  G.  Gegcnbauer,  Ueber  den  Dau  und  die  Entwickelung  der  Wirbelthiere  mit partieller  D.Uter- 
theilung  {Arehiv  fur  Anat.  und  Physiol,  1861,  p.  491), 

—  Kolliker,  Entwickelungsgeschichte,  1861,  p.  24. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  521 

plies  d'un  liquide  albumineux  chargé  de  granules  et  offrant 
souvent  un  noyau  bien  distinct.  La  substance  qui  occupe  le 
latebra  est  moins  dense,  moins  colorée  et  plus  riche  en  ma- 
tières grasses  que  la  substance  vitelline  circonvoisine.  La  pro- 
portion d'huile  est  plus  grande  aussi  dans  le  voisinage  de  la 
tache  proligère  que  dans  la  portion  opposée  du  globe  vitellin, 
et  il  en  résulte  une  différence  dans  la  pesanteur  spécifique  de 
ces  parties,  à  raison  de  laquelle  l'ovule,  en  flottant  librement 
dans  un  liquide,  se  dispose  toujours  de  façon  que  cette  tache 
en  occupe  la  partie  supérieure. 

A  mesure  que  l'ovule  ovarique  se  développe,  son  volume 
augmente,  sa  couleur  prend  plus  d'intensité,  et  son  enveloppe 
propre  ou  tunique  vitelline  devient  de  plus  en  plus  distincte  (1). 
La  tache  prohgère  s'accroît  aussi,  et  constitue  la  cicatricule  dont 
il  a  déjà  été  question  dans  une  leçon  précédente  (2)  ;  mais  la 


diquées  ci-dessus,  et  l'on  remarque 
dans  le  centre  de  la  sphère  vitelline 
un  espace  plus  clair  qui  occupe  envi- 
ron le  quart  du  diamètre  de  ce  globe  ; 
un  prolongement  de  même  teinte  s'é- 
tend de  cette  partie  centrale  jusqu'à  la 
tache  proligère  (ou  cicatricule),  et, 
après  s'être  d'abord  un  peu  rétréci, 
s'élargit  en  forme  d'entonnoir  au-des- 
sous de  cette  tache. 

(1)  Cette  membrane  ne  paraît  pas 
exister  dans  les  premiers  temps  du 
développement  de  l'ovule,  mais  les 
observations  de  M.  H.  Meckel  tendent 
à  établir  que  chez  l'œuf  très-jeune,  le 
globe  vitellin  s'entoure  d'une  tunique 
temporaire  qui  disparaîtrait  ensuite, 
et  qui  serait  comparable  à  l'enveloppe 
appelée  zona  pellucida  chez  les  Mam- 
mifères {a).  Les  recherches  de  M.  Allen 
Thompson  viennent  à  l'appui  de  cette 


opinion  (6),  mais  elle  a  été  combattue 
par  M.  Leuckart,  ainsi  que  par  la  plu- 
part des  embryologistes  qui  ont  fait 
plus  récemment  des  études  spéciales 
sur  ce  sujet.  Suivant  MM.  H.  Meckel 
et  Allen  Thompson,  toute  la  partie 
périphérique  de  la  sphère  vitelline 
proviendrait  de  la  capsule  ovarienne  et 
serait  déposée  à  la  surface  de  l'ovule 
primitif,  qui,  plus  tard,  se  revêtirait 
d'une  tunique  propre;  tandis  que,  sui- 
vant la  plupart  des  observateurs,  toutes 
les  parties  existantes  dans  cette  sphère 
s'y  forment  dans  son  intérieur  par  le 
développement  ou  la  multiplication 
de  cellules  ou  de  corpuscules  organi- 
sés. Pour  plus  de  détails  à  ce  sujet, 
je  renverrai  au  mémoire  de  M.  Gegen- 
bauer,  cité  ci-dessus  {Arch.  fur  Anat. 
uncl  PhysioL,  1861). 

(2)  Voyez  ci-dessus,  page  Zi02. 


(a)  H.  Meckel,  Op.  cit.  {Zeitschr.  filr  ivissensch.  Zool.,  1859,  t.  III). 
{b)  Allen  Thompson,  Op.  cit.  (Todd's  Cydop.,  t.  V,  p.  79). 


522  REPRODUCTION. 

vésicule  germinative  qui  occupe  le  centre  de  ce  disque  blan- 
châtre s'aplatit,  et  disparait  niême  complètement,  lorsque  le 
globe  vitellin,  arrivé  à  maturité,  est  près  de  sortir  de  sa 
capsule,  ou  peu  de  temps  après  sa  mise  en  liberté.  II  est 
aussi  à  noter  que  ce  phénomène  n'a  aucun  rapport  avec  la 
fécondation,  car  il  se  produit  dans  l'œuf  stérile  de  la  Poule 
qui  n'a  pas  reçu  les  approches  du  mâle  aussi  bien  que  dans 
Tœuf  fécondé. 
Descente  §  18.  —  L'ovulc  évacué  dans  cet  état  par  l'ovaire  est  reçu 
'^danT"^  dans  l'oviducte;  mais  ce  canal  ne  sert  pas  seulement  à  le 
conduire  au  dehors  :  de  même  que  chez  les  Reptiles,  les  Ba- 
traciens et  les  Poissons  plagiostomes,  il  a  aussi  pour  fonctions 
de  compléter  ce  corps  reproducteur  en  ajoutant  à  la  sphère 
vitelline  un  supplément  de  matières  nutritives  et  des  enve- 
loppes. C'est  donc  un  organe  sécréteur  aussi  bien  qu'un  organe 
évacuateur.  Il  ne  diffère  que  peu  de  celui  de  quelques  Reptiles 
et  de  divers  Plagiostomes,  où  nous  en  avons  déjà  décrit  la  con- 
formation; mais  il  me  paraît  utile  de  Tétudicr  ici  plus  attentive- 
ment que  nous  ne  l'avons  fait  chez  ces  Animaux,  et  d'entrer 
dans  quelques  détails  relatifs  à  son  histoire  pTiysiologique  aussi 
bien  qu'à  son  anatomie. 
structure  Aiusi  quc  jc  l'ai  déjà  dit,  l'oviducte  des  Oiseaux  est  presque 
l'oviducte.  toujours  impair  et  situé  du  côté  gauche.  Il  s'étend  depuis  le 
voisinage  du  poumon  jusqu'au  cloaque,  et  il  se  compose  d'un 
tube  membrano-musculaire  suspendu  dans  un  repli  du  péri- 
toine appelé  mesometrium^  qui  est  assez  semblable  à  un  mé- 
sentère, mais  qui  renferme  des  fibres  musculaires  hsses.  Sa 
tunique  interne  consiste  en  une  membrane  muqueuse,  et  entre 
celle-ci  et  le  revêtement  péritonéal  se  trouve  une  tunique  char- 
nue dont  la  plupart  des  fibres  sont  transversales  et  en  conti- 
nuité avec  celles  du  mesometrium.  Chez  quelques  Oiseaux,  le 
,  tube  ainsi  constitué  est  uniformément  cyhndrique  dans  toute 
son  étendue,  et  ne  présente,  dans  les  diverses  parties  de  sa 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  523 

longueur,  que  peu  de  différences  organiques  (1);  mais  en  gé- 
néral il  en  est  tout  autrement,  et  l'on  y  distingue  quatre  i)or- 
tions  caractérisées  par  des  particularités  de  structure  aussi  bien 
que  par  des  fonctions  spéciales,  savoir  :  un  pavillon,  ou  récep- 
teur; une  trompe,  ou  transmetteur;  une  première  chambre 
complémentaire,  ou  conduit  albuminipare,  et  un  réceptacle,  ou 
chambre  coquillière. 

La  Poule  est  une  espèce  très-propre  à  l'étude  de  ces  diverses 
parties  de  l'oviducte.  Chez  cet  Animal,  le  pavillon  est  un  large 
entonnoir  à  parois  minces,  dont  les  bords  sont  d'ordinaire  rap- 
prochés de  façon  à  simuler  une  grande  scissure  à  deux  lèvres 
plissées,  mais  pouvant  s'écarter  et  devenir  presque  circulaires. 
Une  bride  péritonéale,  contenant  un  cordon  de  fibres  élastiques, 
s'étend  de  la  commissure  supérieure  de  cet  infundibulum  à  la 
partie  adjacente  des  parois  abdominales,  et  le  maintient  sus- 
pendu sous  le  bord  du  poumon  (2) .  Une  autre  bride  analogue 
s'attache  à  la  commissure  opposée,  et  la  fixe  à  la  partie  infé- 
rieure de  l'oviducte,  de  façon  à  la  tendre  ;  mais,  par  suite  de 
la  contraction  lente  des  fibres  musculaires  dont  il  a  été  déjà 
question,  l'espèce  de  boutonnière  ainsi  formée  peut  se  dilater 
et  aller  s'appliquer  sur  l'ovaire,  de  façon  à  embrasser  étroite- 
ment la  capsule  ovigère  près  d'éclater,  et  recueillir  l'œuf  qui 
s'en  échappe.  La  surface  interne  de  cet  entonnoir  est  garnie 
de  cils  vibratiles,  et  son  fond  présente  un  orifice  circulaire  qui 
conduit  dans  la  portion  suivante  de  l'oviducte. 

La  trompe  qui  fait  suite  au  pavillon  est  un  tube  étroit, 
presque  droit  et  peu  mobile,  que  l'œuf  doit  traverser  rapide- 
ment. Ses  parois  sont  minces  et  sa  tunique  muqueuse  n'est  que 

(1)  Chez  le  Pigeon,  par  exemple  (a).      penseur  du  pavillon   a  été  Uès-bien 

(2)  La  structure  de  ce  ligament  sus-      représentée  par  M.  LerebouUet  (6). 

(a)  Voyez  Martin  Saint-Ange,  Op.  cit.,  p.  54,  pi.  8,  fig.  3. 

(6)  LerebouUet,  Rech.  sur  les  organes  génitaux  des  Animaux  vertébrés,  pi.  12,  fig.  116  [Nova 
Acta  Acad.  nat.  curios.,  t.  XXIIl). 


524  KEPRODUCTION. 

foiblement  plisséc.  Elle  se  continue  inférieuremenl  avec  la  pre- 
mière chambre  complémentaire  ou  tube  albuminigène,  qui  s'en 
distingue  par  son  diamètre  considérable,  ses  circonvolutions 
nombreuses,  l'épaisseur  de  ses  parois,  les  gros  plis  longitudi- 
naux et  obliques  formés  par  sa  tunique  muqueuse,  et  les  nom- 
breuses glandules  vésiculaires  réunies  par  paquets  que  cette 
tunique  renferme.  Ces  plis  sont  subdivisés  en  lobes  qui  se 
multiplient  et  se  rapetissent  vers  la  partie  postérieure  de  l'or- 
gane, et  ils  disparaissent  presque  dans  une  portion  rétrécie, 
appelée  l'isthme,  qui  la  termine  et  la  sépare  du  réceptacle,  ou 
chambre  coquillière. 

Cette  dernière  portion  de  l'oviducte,  que  quelques  anato- 
mistes  appellent  la  chambre  incubatrice  ou  l'utérus,  est  un 
élargissement  ovoïde  dont  les  parois  sont  garnies  de  fibres  mus- 
culaires longitudinales  aussi  bien  que  transversales,  et  qui  se 
plissent  dans  tous  les  sens  quand  elles  ne  sont  pas  distendues 
par  la  présence  d'un  œuf.  La  tunique  muqueuse  y  est  hérissée 
de  longues  papilles  lamelleuses,  arrondies  au  bout  et  logeant 
dans  leur  épaisseur  des  glandules  particulières.  Enfin,  cette 
chambre  terminale  s'ouvre  dans  le  cloaque  par  un  col  tubu- 
laire  et  étroit,  dont  l'orifice  fait  saillie  à  la  partie  latéro-supé- 
rieure  du  vestibule  génito-urinaire,  en  dehors  de  l'embouchure 
de  l'uretère  gauche  (i). 
Forraaiion        §  19.  —  L'oBuf  ovaricu,  c'est-à-dire  le  globe  vitellin,  recueilli 

des  ^  ^ 

parties  compié-  par  Ic  pavillou,  travcrsc  tres-rapidement  la  trompe  et  ne  se- 
de       journe  que  quelques  heures  dans  la  première  chambre  complé- 
mentaire (2);  mais  en  passant  dans  cette  portion  de  l'oviducte,  il 


(1)  Quelquefois  l'oviducte  est  fermé      Pingouins,  un  Héron  et  quelques  au- 
dans  ce  point.  M.  Stannius  a  observé      très  Oiseaux  (a). 
cette  disposition  chez  des  Canards,  des  (2)  Voyez  à  ce  sujet  les  observations 


(a)  Slaiinius  et  SieboU,  Nouveau  Manuel  d'anatomie  comparée,  t.  II,  p.  367. 


APPAREIL    DE    LÀ    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  525 

se  recouvre  d'un  albumen  et  se  revêt  ensuite  de  la  tunique  mcni-  a"^"-"*"- 
braneuse  qui  constitue  l'enveloppe  propre  de  cette  substance. 
La  matière  protéique  et  organisable  sécrétée  par  les  glandules 
de  la  tunique  muqueuse  de  ce  tube  se  dépose  par  couches  suc- 
cessives sur  l'œuf  pendant  que  celui-ci  séjourne  dans  la  por- 
tion plissée  de  ce  tube,  et  ce  dépôt,  s'effectuant  de  prime  abord 
dans  une  étendue  assez  considérable  en  amont  et  en  aval  du 
point  occupé  par  ce  corps  étranger,  aussi  bien  que  dans  ce 
point  même,  forme  aux  deux  pôles  du  globe  vitellin  un  appen- 
dice cylindrique  en  continuité  avec  les  premières  couches  du 
blanc  appliquées  directement  sur  ce  corps.  La  portion  pro- 
fonde de  l'albumen  ainsi  produite  est  plus  dense  que  les 
couches  formées  ultérieurement  et  en  reste  distincte.  On  appelle 
membrane  chalazifère  la  couche  appliquée  sur  le  globe  vitel- 
lin (1),  et  l'on  a  donné  le  nom  de  chalazes  aux  deux  prolonge- 
ments polaires  qui  en  partent.  Par  l'effet  d'un  mouvement  de 
rotation  de  l'œuf  ou  de  quelque  chose  d'analogue,  ces  appen- 
dices se  tordent  fortement,  et  se  recourbent  sur  eux-mêmes 
de  façon  à  présenter  un  aspect  fort  singulier.  Les  premiers 
ovologistes  en  ont  été  très-préoccupés  et  y  ont  attaché  un 
rôle  important  dans  le  travail  embryologique,  mais  ils  ne  pa- 
raissent servir  qu'à  maintenir  le  globe  vitellin  dans  une  posi- 
tion déterminée  par  rapport  au  grand  axe  de  l'œuf.  L'albumen, 


de  Dutrochet,  de  M.  Purkinje,  et  plus  parties  de  l'albumen  qui  se  forment, 

particulièrement   celles  faites  il  y  a  mais  leur  disposition  spirale  {b)  ne  de- 

quinze  ans  par  M.  Coste  (a).  vient  distincte  que  plus  tard,  lorsque 

(1)  Les  chalazes  sont  les  premières  l'œuf  a  déjà  sa  coquille. 


(a)  Dutrochet,  Recherches  sur  les  enveloppes  du  fœtus  {Mém.  de  la  Soc.  méd.  d'éinulatio7i, 
t.  VIII,  et  Mém.  pour  servir  à  Vhistoire  anatomique  et  physiologique  des  Végétaux  et  des  Ani- 
maux, 1837,  t.  II,  p.  206). 

—  Purkinje,  Symbolœ  ad  ovi  Avium  historiam,  1830. 

• —  Coste,  Histoire  du  développement  des  coi-ps  organisés,  1849, 1. 1,  p.  288  et  suiv. 

(b)  Baer,  Veber  Entwickel.,  p.  31. 

—  Wagner,  Icônes  physiologlcœ,  pi.  2,  fig.  11. 

—  Allen  Thompson,  article  OvuM  (Todd's  Cyclop.  of  Anat.  and  PhysioL,  t.  V,  p.  64, 
fig.  4G,  A,  B,  G. 


526 


REPRODUCTION. 


en  s'acciimiilant  sur  ce  premier  dépôl,  prend  une  forme  plus 
globuleuse,  et  à  mesure  que  l'œuf  descend  dans  l'oviducte, 
poussé  par  les  contractions  péristaltiques  de  ce  conduit,  son 
extrémité  postérieure  s'élargit  plus  que  son  extrémité  opposée; 
sa  substance  affecte  aussi  une  disposition  spirale  déterminée, 
suivant  toute  probabilité,  par  le  mouvement  de  rotation  que  les 
plis  obliques  de  l'oviducte  font  exécuter  à  l'œuf  pendant  son 
passage  dans  ce  tube.  Tous  ces  phénomènes  peuvent  s'accom- 
plir dans  l'espace  d'environ  trois  heures.  L'œuf  s'arrête  dans 
l'isthme  de  l'oviducte  pendant  un  laps  de  temps  à  peu  près 
semblable,  et  là  la  couche  superficielle  de  l'albumen  se  conso- 
lide et  s'organise  de  façon  à  former  la  tunique  dont  j'ai  déjà 
eu  l'occasion  de  parler  sous  le  nom  de  membrane  de  la  coquille. 
Cette  enveloppe  se  compose  d'un  feutrage,  et  forme  deux  feuil- 
lets unis  l'un  à  l'autre,  mais  faciles  à  séparer  (1). 

La  production  de  l'albumen  et  de  la  membrane  coquilhère 
n'est  pas  subordonnée  d'une  manière  absolue  à  la  présence 
d'un  globe  vitellin  dans  l'intérieur  de  l'oviducte  :  ainsi,  on 
rencontre* parfois  des  œufs  de  Poule  qui  ne  renferment  pas  de 
jaune  (2).  On  connaît  beaucoup  d'exemples  de  deux  vitellus 
renfermés  dans  un  même  albumen,  et  il  n'est  pas  très-rare 
de  voir  deux  vitellus  pourvus  chacun  de  leur  blanc,  mais 


(1)  Pour  plus  de  détails  sur  cette  Tovule  ovarique  dans  la  portion  albu- 
tunique,  je  renverrai  aux  observations  minigène  de  l'oviducte  (6),  Dans  les 
de  M.  Carpenter  et  de  M.  Allen  Tliomp-  campagnes,  on  appelle  souvent  ces 
son  (a).  œufs  imparfaits  des  œufs  de  Coq,  et 

(2)  Cette  anomalie  paraît  dépendre  l'on  s'imagine  qu'il  en  naît  un  Ser- 
parfois  de  l'existence  d'un  obstacle  peut,  fable  qu'il  serait  inutile  de  ré- 
mécanique   qui  empêche  Feutrée  de  futer. 


(a)  Carpenler,  On  Ihe  Structure  of  the  animal  Basis  of  the  commoii  Egg-shell  and  of  tlie 
Membrane  surrounding  the  Albumen  [Trans.  of  the  microsc.  Soc.,  1844,  t.  I,  p.  109). 

—  Allen  Thompson  ,   article    Ovuii  (Todd's  CyrAop.   of   Anat.   and  Physiol. ,    t.    V,    p.  65, 
fig.  46,  D). 

(b)  Lapeyronie,  Mém.  sur  les  petits  œiofs  de  Poule  sans  jaune  que   Voti  appelle  vulgairement 
œufs  de  Coq  (Illst.  de  l'Acad.  des  sciences,  1710,  p.  553). 


APPARE5L    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  527 

renfermés  dans  une  même  membrane  coquillière,  fails  qui 
prouvent  l'indépendance  primordiale  de  toutes  ces  parties  acces- 
soires de  l'œuf  (i). 

C'est  pourvu  de  son  albumen  et  de  sa  membrane  coquillière  coquiiie. 
que  l'œuf  passe  de  la  première  chambre  complémentaire  dans 
le  réceptacle  villeux  qui  occupe  la  partie  inférieure  de  l'oviducte, 
et  qui  enduit  aussitôt  ce  corps  d'un  liquide  blanchâtre  destiné  à 
fournir  les  matériaux  constitutifs  de  la  coquille.  Celle-ci  est 
formée  par  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  de  cellules  vésicu- 
kires  dans  l'intérieur  desquelles  du  calcaire  carbonate  ne  tarde 
pas  à  se  déposer  et  à  prendre  une  apparence  cristalline.  Elle 
est  toujours  poreuse  et  perméable  à  l'air  (2),  mais  son  épaisseur 
varie  beaucoup  suivant  les  espèces  (3).  Il  en  est  de  même  de 
sa  densité  et  de  l'aspect  plus  ou  moins  poli  de  sa  surface  {(i). 

Il  arrive  parfois  que  l'œuf  ne  s'achève  pas  de  la  sorte,  et 
qu'il  est  expulsé  du  corps  de  la  femelle  avant  de  s'être  revêtu 


(1)  Il  existe^  dans  les  collections  du  des  Outardes,  des  Frégates  et  des  Ti- 
Muséum  d'histoire  naturelle,  un  œuf  namous.  En  général,  les  Oiseaux  qui 
double  de  ce  genre,  qui  manque  de  co-  pondent  sur  la  terre  nue  ont  des  œufs 
quille  et  dont  la  tunique  membra-  à  coquille  plus  épaisse  :  par  exemple,  le 
neuse  a  la  forme  d'un  sac  allongé  et  Paon,  la  Pintade,  les  Perdrix,  la  plu- 
fortement  étranglé  au  milieu.  Des  ano-  part  des  autres  Gallinacés  et  presque 
malles  analogues  ont  été  signalées  par  tous  les  Oiseaux  nageurs. 
quelquesauteurs{a),  etl'oaa  vumême  (û)  Comme  exemple  de  ces  diffé- 
des  œufs  à  trois  jaunes  (6).  rences,  je  citerai,  d'une  part,  les  œufs 

(2)  Voyez  tome  I,  page  ûl6.  des  Pies  et  des  Bécasses,  qui  sont  lisses 

(3)  Ainsi,  non-seulement  les  œufs  et  luisants  comme  du  verre;  d'autre 
des  petits  Passereaux,  mais  aussi  ceux  part,  les  œufs  des  Autruches,  des  Ca- 
de  quelques  Oiseaux  d'assez  grande  soars  et  des  Hoccos,  qui  sont  piquetés 
taille,  ont  une  coquille  extrêmement  et  rudes.  Chez  beaucoup  d'Oiseaux 
mince  :  par  exemple,  ceux  des  Faucons,  aquatiques,  la  coquille  est  grasse. 


{a)  Polisius,  De  ovo  gallinaceo  nionstroso  {Miscell.  curios.,  1685,  obs.  44). 

—  0.  des  Murs,  Traité  d'oologie,  p.  101. 

—  Davaine,  ilém.  sur  les  anomalies  de  l'œuf  {Mévi.   de  la  Société  de  biologie  pour   1860, 
série  3»,  t.  II,  p.  226,  pi.  2,  fig.  10-14). 

(6)  Valencieimes,  Note  sur  des  œufs  à  phisieurs  jaunes  contenus   dans  iine  même  coque 
{Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1856,   t.  XLII,  p.  5). 


528  REPRODUCTION. 

d'une  coquille  (J).  Ce  phénomène  n'est  pas  rare  chez  la 
Poule  (2),  et  paraît,  en  géne'ral,  dépendre  d'une  fécondité  trop 
grande,  comparativement  à  la  puissance  digestive  de  l'Oiseau  et 
à  la  quantité  de  matières  calcaires  que  celui-ci  peut  introduire 
dans  son  organisme  (8).  Ainsi  on  l'observe  principalement  chez 
les  individus  malades,  vieux  ou  nourris  d'une  manière  trop 
excitante.  Il  se  peut  aussi  que,  par  suite  de  l'arrivée  presque 
simultanée  de  deux  œufs  dans  la  portion  villeuse  de  l'oviducte, 
mie  coquille  unique  se  constitue  autour  de  ces  deux  corps,  ou 
bien  que  le  premier  de  ces  œufs,  après  s'être  revêtu  de  sa  co- 
quille, soit  enveloppé  avec  le  second  dans  la  coquille  de  ce  der- 
nier. On  trouve  dans  les  annales  de  la  science  beaucoup  d'ob- 
servations sur  des  œufs  inclus  de  la  sorte  (4),  et  quelquefois 
même  des  corps  étrangers  ont  été  embrassés  d'une  manière 
analogue  par  la  substance  constitutive  de  la  coquille  (5).  Mais 

(1)  On  appelle  communément  œufs  (û)  C'est  principalement  cliez  la 
hardés,  les  œufs  qui  sont  dépourvus  Poule  que  l'on  a  constaté  l'existçnce 
de  coquille  et  recouverts  seulement  d'œufs  à  double  jaune,  ou  d'œufs  à 
par  une  membrane  coquillière  plus  ou  coquille  inclus  dans  un  autre  œuf. 
moins  épaisse.  Pour  l'indication  des  auteurs  qui  ont 

(2)  Des  cas  analogues  ont  été  ob-  signalé  des  faits  de  ce  genre,  je  ren- 
servés,  mais  rarement,  chez  d'autres  verrai  aux  écrits  d'Isidore  Geoffroy 
Oiseaux:  par  exemple,  chez  le  Moineau  Saint-Hilaire,  de  M.  des  Murs  et  de 
domestique  (a)  et  le  Serin  (6).  M.  Davaine  (d). 

(3)  Les  agronomes  ont  remarqué  (5)  Ainsi  on  cite  des  exemples 
que  dans  les  régions  oii  le  sol  manque  d'œufs  dans  la  coquille  desquels  des 
de  calcaire,  les  Poules  donnent  des  fragments  d'insectes  qui  avaient  échap- 
œufs  dont  la  coquille  est  remarquable-  pé  à  la  digestion,  et  qui  s'étaient  en- 
ment  mince  :  dans  l'Ardenne  belge,  gagés  dans  l'oviducte,  ont  été  trouvés 
par  exemple  (c).  incrustés  dans  la  coquille  (e). 

(a)  Moquin-Tandon,  Mém.  sur  l'oologie  {Bulletin  de  la  Société  linnéenne  de  Paris,  1825, 
t.  III,  p.  67). 

{&)  0.  des  Murs,  Traité  d'oologie,  p.  iOl. 

(c)  Joig-neau,  le  Livre  de  la  ferme,  t,  I,  p.  950. 

{dj  Is.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Histoire  générale  et  particulière  des  anomalies  de  l'organisation, 

t.  m,  p.  318. 

—  G.  des  Murs,  Op.  cit. 

—  Davaine,  Op.  cit.  {Mém.  de  la  Société  de  biologie  pour  1860,  série  3',  t.  Il,  p.  226). 

—  Bert,  Œuf  complet  inclus  dans  un  autre  œuf  complet  {L'Institut,  1862,  t.  XXX,  p.  42). 
{e)  Moquin-Tandon,  Mém.  sur  l'oologie  {Mém.  de  la  Soc.  linn.  de  Paris,  t.  III,  p.  69). 

—  Davaine,  loc.  cit.,  p.  242. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  529 

des  accidents  de  ce  genre  n'offrent  que  peu  d'intérêt  physio- 
logique. 

La  forme,  la  coloration  et  le  volume  des  œufs  varient  beau-      fo"»'' 

tt  couleur 

coup  dans  la  classe  des  Oiseaux  (1  ).  Toujours  ce  sont  des  solides  ''es  œi.fs. 
de  révolution  dont  la  figure  correspond  à  celle  qui  serait  engen- 
drée par  une  ligne  courbe  tournant  autour  d'un  axe;  ils  ne  sont 
jamais  complètement  sphériques,  et  leur  grand  diamètre  cor- 
respond à  l'axe  de  l'oviducte  qui  leur  a  livré  passage.  En 
général,  ils  sont  plus  petits  à  un  bout  qu'à  l'autre,  ainsi  que 
cela  se  voit  chez  la  Poule,  et  quelquefois  cette  différence  est 
même  beaucoup  plus  prononcée  que  chez  ce  Gallinacé  (2); 
mais  d'ordinaire  ils  se  rapprochent  davantage  d'une  forme 
ellipsoïdale  régulière,  comme  chez  le  Pigeon.  On  remarque 
aussi  des  différences  considérables  entre  la  longueur  du  grand 
axe  de  ces  corps  comparé  à  leur  petit  diamètre;  mais  ces  par- 
ticularilés  sont  loin  d'être  constantes  chez  les  œufs  des  Oiseaux 
appartenant  à  une  même  famille  naturelle,  et  sont  sujettes  à  des 
variations  assez  grandes  dans  une  même  espèce  (3)  :  aussi 

(1)  La  conformation  extérieure  et  le  ou  Alca  impennis.  Les  œufs  de   cet 

mode  de  coloration  des  œufs  d'Oiseaux  Oiseau  sont  tellement  rares  dans  les 

ont  été  l'objet  de  beaucoup  d'obser-  collections,  que  la  valeur  vénale  en 

vations,  et  ont  donné  lieu  à  la  publica-  est  devenue  excessivement  élevée, 

tion  de  plusieurs  ouvrages  spéciaux,  (3)  M.   des  Murs,  à  qui  l'on   doit 

dont  je  me  bornerai   à  citer  ici   les  beaucoup  de  recherches  sur  l'oologic 

principaux  (a).  ornithologique,  rapporte  à  six  types 

('2)  Comme  exemple  des  œufs  près-  principaux  la  forme  des  œufs,  savoir  : 

que  piriformes,  je  citerai  ceux  d'un  1"    La  forme  sphérique,  qui  n'est 

Oiseau  dont  l'espèce  est  presque  per-  jamais  parfaite,  mais  dont  s'éloignent 

due  de  nos  jours  :  le  grand  Pingouin,  peu  les  œufs  très  ramassés  et  à  extré- 


(n)  Zinanni,  Belle  uova  t  del  nidi  degli  Ucelli,  i  737. 

—  Klein,  Ova  Avium  plurimarnm  delineata,  1766. 

—  Schinz,  Beschreib.  und  Abbild.  der  kimstlichen  Nester  und  Eier  der  Vôgel,  1819. 

—  Moquin-Tandon,  Op.  cit.  {Mém.  de  la  Soc.  linn.  de  Paris,  •ISSS,  t.  III,  p.  38). 

—  Hewilson,  lllustr.  of  thc  Egqs  of  British  Birds,  2  vol.,  1832. 

—  Thienemann,  Syslematische  Darstellung  der  Fortpflanzung  der  Vôgel  Europa's  mit  Ablil- 
dung.  der  Eier,  1838.  — Fortpflanzungsgeschichte  der  gesammten  Vôgel,  1846-I856. 

—  Brewer,  North  America7i  Oology,  1857. 

—  0.  des  Murs,  Traité  général  d'oologie  ornilhologique,  1860. 


530 


REPRODUCTION. 


ne  devons-nous  y  attacher  ici  que  peu  d'importance.  J'ajouterai 
seulement  que  le  petit  bout  de  l'œuf  est  toujours  l'extrémité 
qui,  dans  l'oviducte,  est  dirigée  vers  le  cloaque,  et  cette  circon- 
stance, jointe  à  celle  de  déformations  accidentelles  qui  sont 
évideinment  dues  à  une  pression  exercée  par  les  parois  de  ce 
tube  ou  par  les  parties  adjacentes  de  l'organisme,  doit  nous 
porter  a  croire  que  des  causes  mécaniques  influent  beaucoup 
sur  la  conformation  de  ces  corps,  lorsqu'ils  ne  sont  encore 
revêtus  que  de  leur  tunique  coquillière  et  n'ont  pas  encore  de 
coquille.  A  raison  de  cette  circonstance,  des  stries  obliques  qui 
se  voient  sur  la  tunique  de  l'albumen,  de  la  torsion  des  chalazes 
et  de  la  forme  de  l'œuf,  qui,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  est  tou- 
jours celle  d'un  solide  de  révolution,  j'incline  donc  à  croire 
que,  pendant  son  séjour  dans  la  portion  moyenne  de  l'oviducte, 


mités  similaires.  Exemple,  les  œufs  de 
tous  les  Rapaces  nocturnes,  à  l'excep- 
tion des  Effraies,  et  les  œufs  du  Gor- 
fou,  ou  Spheniscida. 

2°  La  forme  ovalaire,  ou  plutôt 
ellipsoïde  régulière,  médiocrement  al- 
longée et  à  extrémités  très-obtuses. 
Exemple,  les  œufs  de  la  plupart  des 
Rapaces  diurnes  ;  ceux  des  Perroquets, 
des  Oiseaux-mouches,  des  Pigeons, 
des  Cygnes,  des  Canards,  etc.,  etc. 

3°  La  forme  cylindrique,  ou  plu- 
tôt ellipsoïdale  très-allongée.  Exemple, 
les  œufs  des  Mégapodiens. 

li°  La  forme  ovée,  ou  subovoïde, 
avec  les  deux  bouts  inégaux,  comme 
dans  l'œuf  de  la  plupart  des  Gallina- 
cés et  des  Passereaux. 

5°  La  forme  ovoiconique,  ou  très- 
rétrécie  vers  le  petit  bout.  Exemple, 
les  œufs  des  Bécasses,  des  Chevaliers, 


des  Pluviers,  des  Huîtriers,  des  Pin- 
gouins, des  Guillemots,  etc. 

6"  La  forme  elliptique,  irrégulière, 
c'est-à-dire  ayant  les  deux  extrémités 
un  peu  pointues.  Exemple,  les  œufs  de 
la  plupart  des  Totipalmes,  ceux  des 
Grèbes  et  ceux  des  Plongeons  (a). 

Du  reste,  il  y  a  souvent  des  diffé- 
rences de  forme  assez  notables  dans 
les  œufs  des  espèces  d'un  même  genre, 
et  l'on  rencontre  aussi  des  variations 
considérables  chez  des  individus  de 
même  espèce,  ainsi  que  cela  se  voit 
dans  les  belles  planches  de  l'ouvrage 
de  Thienemann  [b).  Quelques  auteurs 
ont  cru  pouvoir  attribuer  ces  diffé- 
rences de  forme  à  la  position  de  l'Oiseau 
ou  à  la  direction  de  son  oviducte  (c)  ; 
mais  nous  manquons  de  données  suf- 
fisantes pour  examiner  la  valeur  de 
cette  hypothèse. 


(a)  0.  des  Murs,  Traité  général  d'oologie  ornitliologiqiie,  p.  63. 

(b)  Thienemann,  Fortpflanzungsgesch.  der  Vôgel. 

(c)  Hardy,  Oologie  ornithologique  {Revue  et  Mag.  de  zoologie,  1801,  p.  49). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  531 

l'œuf  tout  entier  est  animé  d'un  mouvement  de  rotation,  tandis 
que  le  vitellus,  maintenu  dans  une  position  fixe  par  les  rliCfe- 
rences  de  pesanteur  spécifique  de  ses  deux  moitiés,  reste  à  peu 
près  immobile  (i);  cela  expliquerait  la  disposition  deschalazes, 
si  les  deux  extrémités  de  ces  prolongements  polaires  adhé- 
raient à  la  portion  périphérique  de  la  couche  albumincuse  plus 
que  dans  le  reste  de  leur  étendue. 

Le  volume  de  l'oeuf  est  généralement  en  rapport  avec  la 
grandeur  de  l'Oiseau  qui  le  produit,  mais  il  n'en  est  pas  tou- 
jours ainsi.  Plusieurs  espèces,  telles  que  l'Aptéryx  et  les 
Mégapodes,  dont  la  taille  est  médiocre,  produisent  des  œufs 
très-gros  (2),  et  c'est  à  tort  que  quelques  naturalistes  ont 
pensé  que  l'existence  d'un  œuf  énorme  ^  comme  l'est  celui 
de  VMpyornis,  impHquait  l'existence  d'un  Oiseau  gigantes- 
que (3) .  En  général,  il  y  a  une  certaine  relation  entre  le  vo- 
lume relatif  de  l'œuf  et  l'état  de  développement  plus  ou  moins 
avancé  auquel  l'embryon  arrive  avant  l'éclosion  (4).  Il  est  aussi 

(1)  Voyez  ci-dessus,  page  521.  moment  de  l'éclosion,  et,  ainsi  que 

(2)  Ainsi  l'œuf  du  Coucou  n'est  pas  nous  le  verrons  dans  la  suite  de  ce 
plus  gros  que  celui  de  l'Alouette,  et  cours,  les  uns  naissent  dans  un  état  de 
l'œuf  du  Pluvier  est  aussi  gros  que  faiblesse  extrême,  tandis  que  d'autres 
celui  de  la  Poule.  peuvent  presque  tout  de  suite  pourvoir 

(3)  Ces  œufs  gigantesques,  trouvés  à  à  leurs  besoins.  Buhle  a  conclu  de  ses 
Madagascar,  ont  de  0'^;32  à  0",3/i,  sur  nombreuses  observations  sur  l'ovolo- 
0™,23  environ,  et  leur  volume  corres-  gie,  que  ces  différences  étaient  liées  à 
pond  à  celui  de  6  œufs  d'Autruche  et  la  grosseur  relative  de  l'œuf  et  du  corps 
de  lZi8  œufs  de  Poule.  A  raison  de  de  l'Animal  qui  le  produit,  et  que  les 
ces  circonstances,  on  a  supposé  que  œufs  les  plus  petits,  comparativement, 
l'Oiseau  auquel  ils  appartiennent  sont  ceux  dont  sortent  les  jeunes  Oi- 
devait  avoir  entre  3  et  ù  mètres  de  seaux  les  moins  avancés  dans  leur  dé- 
haut (a),  veloppement;  tandis  que  les  œufs  les 

(4)  Il  existe  chez  les  Oiseaux  de  plus  gros,  proportionnellement  à  la 
grandes  différences  dans  le  degré  de  taille  de  la  mère,  appartiennent  aux 
perfectionnement  de   l'organisme  au      espèces  qui  naissent  dans  l'état  plus 

(a)  Isid.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Notice  sur  des  ossements  et  des  œufs  troicvés  à  Madagascar 
dans  des  alluvions  modernes  et  provenant  d'un  Oiseau  gigantesque  (Ann.  des  sciences  nat., 
4'  série,  1859,  t,  XIV,  p.  206). 


532  REPRODUCTION. 

à  noter  qu'il  peut  y  avoir  à  cet  égard  de  grandes  variations 
chez  un  même  Oiseau,  suivant  les  conditions  physiologiques 
dans  lesquelles  il  se  trouve.  Ainsi,  parfois  la  Poule  pond  des 
œufs  nains,  et  ceux  que  l'on  appelle  vulgairement  des  œufs  de 
Coq  ne  sont  autre  chose  que  des  produits  de  ce  genre  (1).  L'âge 
de  la  mère  exerce  une  certaine  influence  sur  la  grosseur  des 
œufs,  et  (ihez  nos  Oiseaux  domestiques  les  particularités  héré- 
ditaires propres  aux  diverses  races  coïncident  souvent  avec  des 
différences  très-grandes  dans  le  volume  de  ces  corps  (i2). 

La  coloration  de  la  coquille  varie  beaucoup  dans  cette  classe 
d'Animaux  :  tantôt  elle  est  uniforme,  comme  dans  l'œuf  des 
Poules  cochinchinoises,  qui  sont  jaunâtres,  et  dans  ceux  des 
Casoars,  qui  sont  d'un  vert  intense  (3)  ;  souvent  l'albinisme 
est  complet  {h);   mais  d'autres  fois   on  observe  des  taches 


parfait  (a).  Mais  la  règle  est  loin  d'être 
aussi  absolue,  et  il  y  a,  sous  ce  rap- 
port, de  grandes  variations  parmi  les 
Oiseaux  précoces,  ainsi  que  parmi  ceux 
dont  le  développement  est  tardif. 

(1)  Ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  il  me 
paraîtrait  superflu  de  m'arrêter  ici 
pour  prouver  que  les  petits  œufs,  ap- 
pelés œufs  de  Coq  dans  le  langage 
commun,  ne  proviennent  pas  d'un  mâle 
et  sont  le  produit  de  la  Poule.  Souvent 
ces  petits  œufs  manquent  de  jaune  ou 
n'ont  qu'un  vitellus  rudimentaire  ;  ils 
sont,  en  général,  pondus  par  des 
Poules  affaiblies,  soit  par  l'âge,  soit 
par  la  maladie.  La  Poule  n'est  pas  le 
seul  Oiseau  chez  lequel  on  ait  observé 
ce  genre  d'anomalie  (6). 

(2)  Les  œufs  des  Poules  de  dix-huit 
mois  ou  deux  ans  sont  généralement 
plus  petits  que  ceux  des  individus  de 


trois  ou  quatre  ans,  et  il  existe  des  dif- 
férences énormes  dans  la  grandeur  des 
œufs  fournis  par  différentes  races 
d'une  même  espèce.  11  me  paraît 
presque  superflu  d'ajouter  que  les 
œufs  fournis  par  les  poules  de  petite 
race,  telles  que  les  Poules  naines,  sont 
généralement  très-petits.  Ceux  de  nos 
Poules  ordinaires  pèsent  environ 
60  grammes. 

(3)  Les  œufs  du  Faisan  doré  sont 
couleur  de  chair  ;  ceux  du  Roitelet,  du 
Grèbe,  du  Butor,  etc.,  sont  couleur 
d'ocre;  ceux  de  l'Étourneau  sont  d'un 
vert  glauque,  ceux  du  grand  Tina- 
mou  sont  d'un  bleu  Intense,  et  ceux 
du  Tinamou  varié  sont  lilas. 

(i)  Par  exemple,  chez  les  Poules 
de  race  ordinaire ,  les  Pigeons,  la 
Chouette,  etc.  D'autres  fois  ce  fond 
blanc  est  azuré  ou  légèrement  teinté 


(a)  Neumann  et  Buhle,  Die  Eier  der  Vogel  Deutscldands,  1819. 

(b)  Voyez  0.  des  Murs,  Op.  cit.,  p.  93. 


ArPARIîlL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  533 

dont  la  teinle  est  assez  constante  (1)  suivant  les  espèces.  Quel- 
ques  physiologistes  ont  cru  j)ouvoir  expliquer  ces  maculalions 
par  des  extravasations  de  sang  provenant  des  parois  de  l'ovi- 
ducte,  mais  elles  dépendent  d'un  dévelo})penient  particulier 
de  pigment  dans  le  tissu  de  la  coquille.  Il  est  d'nillours  à  noter 
qu'en  général  la  matière  colorante  n'occupe  que  la  couche 
externe  de  celle-ci,  et  qu'elle  n'est  pas  détruite  par  l'action 
des  acides  faibles  qui  extraient  la  matière  calcaire  (2).  Quel- 
ques ornithologistes  ont  cru  remarquer  une  certaine  liaison 
entre  la  couleur  des  œufs  et  la  disposition  du  nid  destiné  à  les 
recevoir,  ou  les  habitudes  plus  ou  moins  sédentaires  des  cou- 
veuses; de  sorte  que  ceux  qui,  à  raison  des  circonstances  de 
cet  ordre,  sont  le  plus  exposés  à  la  vue  de|  leurs  ennemis,  se- 
raient, par  leurs  teintes,  les  plus  semblables  aux  objets  circon- 
voisins  (3)  :  mais  cette  règle  souffre  beaucoup  d'exceptions. 

§  20.  —  Pendant  la  jeunesse,  chez  les  Oiseaux  de  même  que      Époque 
chez  les  autres  Animaux,  l'ovaire  ne  contient  que  des  ovules  lareproïnction 

de  rose,  de  gris  ou  de  vert,  ainsi  que  varient  beaucoup  d'un  œuf  à  un  autre, 
cela  se  voit  cliez  les  Cigognes,  les  (2)  La  coque,  dépouillée  de  la  sorte 
Spatules,  les  Cormorans,  les  Blon-  de  ses  sels  calcaires,  reste  colorée,  et 
gios,  etc.  quelquefois  se  sépare  ensuite  en  plu- 
(1)  Quelquefois  les  taches  forment  sieurs  lames  minces,  dont  les  plus  pro- 
une  zone  assez  régulière  ou  une  sorte  fondes  sont  blanches  ou  légèrement 
de  guirlande  :  par  exemple,  chez  le  azurées.  La  couche  superficielle  paraît 
Bec-croisé  des  Pins,  le  Bec-fin  Orphée,  être  formée  par  un  tissu  épithélique 
la  Pie-grièche  à  poitrine  rose ,  etc.  ou  utriculaire  (a).  L'œuf  de  la  Créce- 
Les  œufs  des  Oiseaux  de  proie  sont  en  relie  et  celui  de  la  Perdrix  se  prêtent 
général  marbrés  ;  chez  la  plupart  des  très-bien  à  cette  expérience  (6). 
Pinsons,  ils  sont  d'un  bleu  verdâtre,  {'à)  Gloger,  ornithologiste  habile, 
clair-semé  de  petites  bandes  d'une  qui  s'est  particulièrement  occupé  de 
couleur  de  café.  Chez  d'autres  Oiseaux,  l'élude  des  œufs  et  des  nids  des  Oi- 
tels  que  les  Mouettes  et  les  Pingouins,  seaux,  a  tiré  cette  conclusion  de  Tén- 
ia disposition  et  la  teinte  des  taches  semble  de  ses  recherches  (c). 

(o)  Dickie,  On  the  structure  ofthe  Shell  of  Blrds  and  the  nature  and  seat  of  the  Colour 
(Ann.  ofnat.  Hist.,  2»  série,  1846,  t.  Il,  p.  169). 

(b)  Cornay,  ilêm.  sur  les  causes  de  la  coloration  des  œufs  des  Oiseaux,  etc.,  1860  . 

(c)  Gloger,  Ueber  die  Farbeii  der  Eier  der  Vogel  (Vcriunidl.  der  Gesellsch.  naturforschender 
Freunde  %u  Berlin,  1 829,  t.  I,  p.  332). 

Vin.  "  36 


554  REPRODUCTION. 

riidimentaires,  et  les  testicules  ne  renferment  pas  de  Sperma-  ' 
tozoïdes.  Jusqu'à  ce  que  l'Animal  soit  arrivé  presque  au  terme 
de  sa  croissance,  ses  organes  reproducteurs  ne  se  développent 
que  peu  et  resteut  dans  un  état  d'inactivité  presque  complète. 
L'époque  à  laquelle  ils  deviennent  aptes  à  exercer  leurs  fonc- 
tions varie  suivant  les  espèces,  mais  toujours  ce  n'est  que  gra- 
duellement qu'ils  acquièrent  toute  leur  puissance,  et  à  une  pé- 
riode avancée  de  la  vie  ils  ralentissent  leur  action;  enfin,  dans 
la  vieillesse,  ils  cessent  de  fournir  des  produits,  et  alors  on  voit 
souvent  la  femelle  prendre  en  partie  le  plumage  du  mâle.  Je  ne 
puis  rien  dire  de  général  touchant  l'âge  de  la  puberté  chez  ces 
Animaux,  et  pour  lixer  les  idées  à  ce  sujet,  je  dois  me  borner  à 
donner  quelques  exemples.  Ainsi,  la  Poule  commence  à  pondre 
avant  la  fin  de  la  première  année,  vers  l'âge  de  six  ou  huit 
mois,  mais  ne  devient  très-féconde  que  dans  sa  seconde  ou 
troisième  année;  puis  sa  faculté  reproductrice  décline,  et  ne  se 
prolonge  que  rarement  au  delà  de  la  sixième  année,  bien  que 
l'on  cite  des  cas  dans  lesquels  la  production  d'œufs  ait  conti- 
nué jusqu'à  l'âge  de  douze  ou  même  quinze  ans  (1).  C'est 
aussi  vers  l'âge  de  six  mois  que  le  jeune  Coq  commence  à 
rechercher  les  femelles,  et  à  l'âge  d'un  an  ou  quinze  mois,  il 
acquiert  toute  sa  puissance  comme  reproducteur;  il  peut  alors 
suffire  à  douze  ou  quinze  Poules,  ou  même  davantage,  mais  il 
s'affaiblit  rapidement.  Pour  le  Cygne,  la  puberté  n'arrive  que 
beaucoup  plus  tard  (2).  - 


(1)  La  précocité  des  Poules  varie  les  Poules   dites   cochinchinoises ,  le 

suivant  les  races   et   l'époque  de  la  sont  moins  que  celles  de  petite  taille, 

naissance  de  ces  Animaux.  Ainsi  les  Les  particularités  inhérentes  aux  races 

Poulettes  d'automne  sont  plus  hâtives  paraissent  influer  aussi  sur  la  durée  de 

que  celles  qui  naissent  an  printemps,  la  faculté  reproductrice  (a). 

et  les  races  de  grande  taille,  telles  que  (2)  Le  Cygne  noir  d'Australie  ne  se 

(a)  Miifz  do  Lavison,  Sur  la  fécondation  des  œufs  des  Gallinacés  (Bulletin  de  la  Société  noolo" 
gique  d'accliinalaltoii,  18G2,  t.  IX,  p.  375). 


APPAREIL    DE    LA   GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  535 

C'est  en  général  au  prinlemps  ou  au  commencement  de 
l'été  que  la  ponte  a  lieu  (1),  et,  quelque  temps  avant  cette 
époque,  les  maies  et  les  femelles,  qui  jusqu'alors  ne  se  recher- 
chaient pas,  se  réunissent,  soit  par  paires,  soit  en  troupes 
composées  d'un  mfde  et  de  plusieurs  femelles.  Je  renverrai  à 
une  autre  partie  de  ce  cours  tout  ce  que  j'ai  à  dire  de  l'instinct 
admirable  qui  guide  ces  Animaux  dans  la  construction  du  nid 
destiné  à  recevoir  leur  progéniture,  ainsi  que  des  soins  que 
beaucoup  d'entre  eux  prodiguent  à  leurs  petits,  et  ici  je  me 
bornerai  à  parler  de  ce  qui  est  relatif  à  la  fécondation  des  œufs. 

L'époque  des  amours  varie  suivant  les  espèces,  mais  est 
réglée  aussi  en  grande  partie  par  la  température  de  l'atmos- 
phère. Ainsi  on  a  remarqué  que  quelques-uns  des  Oiseaux  de 
nos  pays,  transportés  aux  antipodes,  où  la  saison  chaude  coïn- 
cide avec  nos  mois  d'hiver,  ont  changé  leurs  habitudes  d'une 
manière  correspondante,  et  que  chez  eux  le  réveil  des  facultés 
reproductrices  avait  lieu  au  moment  où,  avant  cette  transporla- 
tion,  tout  phénomène  de  cet  ordre  était  interrompu  (2). 

La  durée  de  l'accouplement  est  toujours  très-court.  Le  mâle,  Accouplement. 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  saisit  la  femelle  par  le  cou,  et,  montant 
sur  son  dos,  applique  son  anus  contre  le  sien.  Tantôt  la  femelle 
s'accroupit  pendant  qu'elle  reçoit  ainsi  le  mâle,  comme  cela  se 

reproduit  aussi  qu'à  Tàge  de  trois  ans,  nomèiies  d'activité  génésique  chez  les 

bien  que  sa  croissance  soit  à  peu  près  Oiseaux  de  même  espèce  vivant  en  Eu- 

terminéeau  bout  d'un  an  (a).  rope,  ou  transportés  en  Australie,  a 

(1)  La  ponte  a  lieu  plus  tôt  chez  été  faite  sur  des  Alouettes,  des  Grives 
quelques  Oiseaux  :  ain^i  elle  commence  et  plusieurs  autres  Passereaux  qui 
en  février  pour  le  Cygne.  avaient  été  portés  d'Angleterre  à  Mel- 

(2)  Cette  observation  intéressante  bourne,  et  qui  se  sont  mis  à  construire 
relative  au  renversement  des  périodes  leur  nid  et  à  pondre,  non  en  mai,  mais 
de  l'année  où  se  manifestent  les  phé-  en  octobre  (6). 

(a)  Leprestre,  Observ.  sur  le  Cygne  noir  {Bulletin  de  la  Société  d'acclimatation,  1854,  i.  I, 
p.  410). 

(6)  Millier,  On  the  Introduction  of  English  singlng  Birds  into  AustraUa  {the  Ibis,  a  Maga- 
sine of  gênerai  Ornithologu;  18G1,  t.  III,  p.  1 IG). 


536  REPRODUCTION. 

voit  chez  la  Poule  et  l'Outarde;  d'autres  fois  elle  reste  debout 
sur  ses  jambes,  et  le  rapprochement  sexuel  n'est  alors  qu'in- 
stantané :  par  exemple,  chez  le  Moineau  et  la  Grue  (I).  Souvent 
un  seul  accouplement  suffit  pour  assurer  la  fécondation  de 
toute  la  série  d'œufs  dont  se  composera  la  ponte  (2).  La  liqueur 
séminale  du  mfde  pénètre  directement  dans  l'oviducte,  et  les 
Spermatozoïdes  arrivent  très-promptement  à  l'extrémité  supé- 
rieure de  ce  tube,  où  la  fécondation  paraît  s'opérer  au  moment 
même  de  la  chute  de  l'œuf  (3). 

Chez  quelques  Oiseaux,  la  ponte  se  renouvelle  deux  ou  trois 
lois  dans  le  courant  de  l'été  (/i);  mais,  en  général,  elle  n'a  lieu 


(1)  Ces  deux  modes  d'accouplement 
n'avaient  pas  échappé  à  l'attention 
d'Aristote  (a). 

(2)  Les  anciens  naturalistes  pen- 
saient que  l'influence  fécondante  du 
mâle  pouvait  s'étendre,  chez  la  Poule, 
pendant  toute  une  année,  et  Harvey 
assure  avoir  constaté  que,  par  le  fait 
d'un  seul  accouplement,  le  Coq  peut 
féconder  une  vingtaine  d'œufs  qui  ne 
descendront  que  successivement  dans 
l'oviducte  pour  être  pondus  dans  le 
cours  d'environ  un  mois.  Mais  il  ré- 
sulte des  expériences  de  M.  Coste , 
qu'en  général,  l'action  de  la  semence 
du  mâle  ne  s'exerce  que  sur  les  six 
ou  sept  œufs  qui  sont  arrivés  presque 
à  maturité  au  moment  du  rapproche- 
ment sexuel  {b)  ;  aussi  d'ordinaire  voit- 
on  le  Coq  s'accoupler  très-souvent, 
soit  avec  des  Poules  différentes,  soit 
avec  une  femelle  déjà  fécondée.  On 
assure  avoir  vu  des  Coqs  cocher  une 


cinquantaine  de  fois  en  un  seul  jour. 
Chez  le  Moineau  et  quelques  autres 
petits  Passereaux,  le  rapprochement 
sexuel  se  renouvelle  parfois  quinze  à 
vingt  fois  par  heure  (c). 

(3)  M.  Coste  a  fait  à  ce  sujet  une 
série  intéressante  d'expériences,  d'a- 
près lesquelles  on  voit  que,  chez  la 
Poule,  l'embouchure  de  l'oviducte  se 
dilat  eau  moment  du  coït,  pour  rece- 
voir le  sperme,  et  qu'il  suffit  d'environ 
quatorze  heures  pour  que  les  Sperma- 
tozoïdes introduits  de  la  sorte  arrivent 
au  pavillon  {d). 

(/i)  Quelques  Oiseaux  font  plusieurs 
pontes  par  an.  Ainsi  nos  Pigeons  do- 
mestiques, rendus  à  la  liberté,  en  font 
trois  ou  quatre,  et  lorsqu'ils  sont  en 
vohère,  ils  en  font  jusqu'à  huit  ou  dix. 
Mais,  en  général,  les  Oiseaux  à  l'état 
sauvage  ne  font  luie  seconde  couvée 
que  lorsque  la  première  a  été  détruite 
par  quelque  accident. 


(a)  Hist.  des  Animaux,  livre  V,  trad.  de  Camus,  1,  I,  p.  241. 

(&)  Cosie,  Expériences  sur  le  nombre  des  pontes  fécondées  chez  les  femelles  d'Oiseaux  que  l'on 
sépare  du  mâle  après  l'accouplement  {Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  1850,  t.  XXX, 
p.  7G8). 

(c)  Coste,  Histoire  du  développement  des  corps  organisés,  t.  II,  p.  61. 

(d)  bm'dacli,  Traité  de  physiologie,  t.  II,  p.  168.  • 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  537 

qu'une  fois  par  an  et  se  compose  d'un  certain  nombre  d'œuCs 
qui  sont  évacués  successivement  à  un  ou  deux  jours  d'inter- 
valle ou  même  davantage.  Ce  nombre  varie  suivant  les  espèces, 
et  d'ordinaire  il  est  plus  considérable  chez  les  Oiseaux  de  petite 
taille  que  chez  ceux  d'une  faille  élevée.  Ainsi  la  Mésange  et  le 
Roitelet  pondent  de  quinze  à  vingt  œufs,  tandis  que  la  plupart 
des  Passereaux  n'en  ont  que  six  ou  sept,  et  que  l'Aigle  et  les 
autres  grands  Oiseaux  de  proie  n'en  ont  que  trois  ou  quatre, 
quelquefois  même  deux  seulement  (1).  Mais  ces  rapports  entre 
la  taille  des  Oiseaux  et  leur  fécondité  sont  loin  d'être  constants, 
et  beaucoup  d'espèces  de  grandeur  médiocre,  les  Pigeons,  par 
exemple,  et  certaines  espèces  remarquablement  petites,  telles 
que  les  Oiseaux-mouches  (2),  ne  pondent  que  deux  ou  trois 
œufs;  tandis  que  d'autres  Oiseaux  de  plus  grande  taille,  tels  que 
les  Paons  et  les  Dindons,  en  pondent  davantage  (3),  et  l'Au- 
truche en  donne  un  nombre  non  moins  considérable  {(x).  Tous 
les  Gallinacés  sont  d'une  fécondité  remarquable,  et  en  général 


(1)  Azara  pense  que  le  Nandou,  ou  reçue  touchant  la  fécondité  croissante 

Autruche  d'Amérique,  ne  pond  qu'un  avec  la  petitesse  de  la  taille  des  Oi- 

seul  œuf  (a);  mais  cela  me  paraît  peu  seaux,  a  été  souvent  constaté  par  les 

probable ,  car  les   trous   creusés  en  naturalistes  qui  ont  exploré  l'intérieur 

terre,  qui  servent  de  nid  à  ces  Oiseaux,  du  Brésil  ou  d'autres  régioris  chaudes 

contiennent  ordinairement  vingt-cinq  de  l'Amérique  (c). 
à    trente     œufs,    quelquefois    même  (3)  Le  Dindon  sauvage  pond  une 

plus  de  soixante  (6),  et  il  serait  diffi-  quinzaine  d'œufs  {d)  ;  le  Cygne  n'en 

cile  de  supposer  qu'un  aussi  grand  pond  ordinairement  que  de  cinq  à  huit, 
nombre  de  femelles  aient  pu  se  réunir  (/i)  La  même  femelle  pond  jusqu'à 

pour  faire  usage  du  même  nid.  quinze  ou  même   vingt  œufs,  mais, 

(•2)  Ce  fait,  si  fortement  en  désac-  en  général,  n'en  donne  que  dix  ou 

cord    avec     l'opinion    généralement  douze  (e). 


(a)  Voyez  Valenciennes,  art.  Oiseau  du  Dictiomiaire  des  sciences  naturelles,  t.  XXXV,  p.  514, 

(6)  Vavasseur ,  Note  sur  le  Nandou  {Bulletin  de  la  Société  %oologiqice  d'acclimatation,  1858, 
t.  V,  p.  391). 

(c)  Audubon,  Ornithological  Biography,  t.  I,  p.  5. 

(li)  Oosse,  Sur  l' Autruche  {Bulletin  de  la  Société  ^oologique  d'acclimatation,  1857,  t.  IV, 
p.  337). 

{€}  Veillot,  La  galerie  des  Oiseaux,  t.  II,  p.  45. 


538  BEPRODUCTION. 

pondent  au  moins  une  douzaine  d'œufs  (1).  Du  reste,  les  cir- 
constances extérieures  influent  beaucoup  sur  la  durée  delà  ponte 
et  sur  le  nombre  des  œul's  produits  (2).  Dès  que  la  femelle 
commence  à  couver,  elle  cesse  de  pondre;  mais  si  elle  vient  à 
perdre  ses  œufs  peu  de  temps  après,  ou  s'ils  lui  sont  enlevés 
avant  qu'elle  ait  réuni  le  nombre  voulu,  on  la  voit  souvent  en 
pondre  d'autres  (5).  La  nature  stimulante  de  la  nourriture  tend 
également  à  augmenter  la  fécondité  de  ces  Animaux  (û),  et  c'est 
ainsi  que  chez  quelques-uns  des  Oiseaux  élevés  en  domesticité, 
on  est  parvenu  à  rendre  la  ponte  continue  pendant  un  laps  de 
temps  très-considérable.  Une  Poule,  par  exemple,  qui  est  con- 
venablement nourrie  et  qui  ne  couve  pas,  peut  donner  un  œuf 
tous  les  jours  ou  tous  les  deux  jours,  pendant  plusieurs  mois 
de  suite,  et  les  agriculteurs  citent  des  races  chez  lesquelles  la 
fécondité  est  si  grande,  que  chaque  femelle  donne  jusqu'à  cent 
cinquante  œufs  par  an,  ou  même  davantage  (5). 

(1)  Ainsi  les  Cailles  pondent  ordinal-  ce  sujet,  par  Marcel  de  Serres  (d). 

rement  douze  ou  quinze  œufs,  et  par-  (3)  Les  Paons,  lorsqu'ils  ne  couvent 

fois  elles  ont  deux  couvées  dans  Tan-  pas,  donnent  souvent  trois  pontes  par 

née.  Vieillot  dit  que  les  Colins  liouis  an  :  la  premicre,  composée  ordinaire- 

pondent    vingt-trois   ou    vingt-quatre  ment   de  cinq   œufs,  la  seconde  de 

œufs  (a);  mais,  d'après  les  observa-  quatre,  et  la  dernière  de  trois;  mais 

lions  d'Audubon,  il  paraît  que  norma-  chez    les  individus  qui  couvent,  la 

lement  ce    nombre    ne  dépasse   pas  reproduction    s'arrête   pendant    tout 

douze  (6j.  La  ponte  de  nos  l'erdrix  se  le  temps  que  durent  l'incubation  et 

compose  ordinairement  de  dix- neuf  à  l'éducation  des  petits,  en  sorte  qu'il 

vingt  œufs,  mais  elle  est  quelquefois  n'y  a  généralement  qu'une  seule  ponte 

plus    considérable    (c).    Le    Coq   de  par  an. 

bruyère,  quoique  de  grande  taille,  (à)  Mais  une  nourrilure  trop  abon- 

donne  une  quinzaine  d'œufs.  dante,  qui  leur  fait  prendre  de  la 

(2),  Pour  plus  de  détails  sur  le  nom-  graisse,  tend  au  contraire  à  diminuer 

bredesœufs  pondus pardiversOiseaux,  leur  fécondité, 

je  renverrai  à  un  mémoire  spécial  sur  (5)  Les  Poules  de  la  race  appelée 

(a)  Audubon,  Ornithological  Biography,  t.  I,  p.  390. 
(6)  Prince  de  Wied-Neuwied,  Voyage  au  Biésil,  t.  I,  p.  89. 
—  Audubon,  Ornithological  Biography,  t.  I,  p.  251. 
(c)  BuiTon,  Histoire  naturelle.  Oiseaux,  t.  111,  p.  12,  in-S. 

\d)  Mircul  lie  Serres,  Tableau  dit,  nombre  d'œufs  que  pondent  les  différentes  espèces  d'Oiseaux 
{Ann.  des  sciences  nat,,  2«  série,  1840,  t.  Xdl,  p.  164). 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  539 

L'œuf  fécondé  peut  rester  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long  dans  un  état  d'inactivité  complète,  sans  perdre  sa  faculté 
productrice  (1),  et  le  germe  contenu  dans  son  intérieur  ne 
peut  se  développer  que  sous  l'influence  d'une  température  déter- 
minée. Quelquefois  la  chaleur  du  soleil  suffit  pour  provoquer 
ce  mouvement  organisateur  :  ainsi,  dans  les  parties  intertropi- 
cales de  l'Afrique,  l'Autruche  se  borne  quelquefois  à  déposer 
ses  œufs  dans  le  sable,  et  l'incubation  s'en  effectue  sous  l'ac- 
tion des  rayons  solaires.  Mais  dans  l'immense  majorité  des  cas, 
pour  ces  Oiseaux  comme  pour  tous  les  autres,  les  choses  ne  se 
passent  pas  ainsi,  et  l'un  des  parents,  ou  tous  les  deux  alterna- 
tivement s'accroupissent  sur  les  œufs  de  façon  à  les  mainlenir 
à  une  température  voisine  de  celle  de  leur  propre  corps,  c'est- 
à-dire  d'environ  kO  degrés  (•^).  En  général,  c'est  la  fenrielle 
seulement  qui  couve;  mais  chez  certaines  espèces,  le  mâle 


Incubation. 


Campine  sont  renommées  pour  leur 
fécondité,  et  quelques  auteurs  assurent 
qu'on  en  a  vu  pondre  plus  de  deux 
cents  œufs  dans  re^pacc  d'une  année. 
Quelquefois  ces  Oiseaux  en  pondent 
deux  par  jour  ;  mais,  en  général,  la 
ponte  ne  se  renouvelle  que  de  deux 
jours  l'un.  Sous  l'influence  d'une  tem- 
pérature suffisamment  chaude  et  d'un 
régime  stimulant  (par  exemple,  des 
rations  de  cliènevis,  de  millet,  d'a- 
voine, etc.),  la  ponte  se  continue  par- 
fois durant  l'hiver,  mais  en  général 
nos  Poules  de  basse-cour  cessent  de 
donner  des  œufs  à  l'arrière-saison.  On 
a  remarqué  aussi  que  la  présence  d'un 
ou  de  plusieurs  œufs  dans  le  nid  pré- 
paré par  ces  Animaux  les  excite  à 
pondre,  et  l'on  peut  obtenir  le  même 
résultat  au  moyen  d'œufs  postiches. 

La  Pintade,  qui  est  bien  nourrie  et 
dont  les  œufs  lui  sont  soustraits  ?i  me- 


sure qu'elle  les  pond,  est  aussi  très- 
féconde  ;  elle  peut  donner  une  centaine 
d'œufs  par  an. 

Le  Canard  n'en  fournit  pas  autant  ; 
il  commence  à  pondre  en  mars,  et,  si 
les  circonstances  sont  favorables,  il 
peut  continuer  jusque  vers  la  fin  de 
mai,  en  donnant  environ  cinq  œufs 
par  semaine.  Il  en  est  de  même  pour 
l'Oie  :  en  général,  elle  cesse  de  pon- 
dre et  se  met  à  couver  lorsqu'elle  a 
de  sept  à  quinze  œufs  ;  mais  si  on  les 
lui  soustrait  à  mesure  qu'elle  les  dé- 
pose, elle  peut  continuer  à  en  pro- 
duire jusqu'à  quarante  et  même  da- 
vantage. 

(1)  Les  œufs  de  Poule  peuvent  con- 
server pendant  une  huitaine  de  jours 
après  la  ponte  la  faculté  de  produire 
des  embryons  viables. 

(2)  Il  résulte  des  expériences  ré- 
centes de  M.  Dareste,  que  le  dévelop- 


5/lO  REPRODUCTION. 

remplit  le  même  rôle,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  le  Pigeon,  la 
Cigogne,  etc.  (1). 

On  peut  déterminer  aussi  le  développement  de  l'embryon 
dans  l'intérieur  de  l'œuf  au  moyen  de  l'incubation  artificielle; 
pour  cela  il  suffit  de  le  maintenir  à  une  température  d'environ 
[\0  degrés,  sans  empêcher  l'accès  de  l'air.  Ce  procédé  était 
connu  des  anciens.  En  Egypte,  il  constitue  la  base  d'une  indus- 
trie particulière,  et  a  été  pratiqué  en  France  sur  une  grande 
échelle,  mais  sans  donner  des  profits  considérables  (2). 

En  général,  les  soins  que  la  mère  donne  à  ses  petits  après 
l'éclosion  consistent  à  les  protéger  contre  le  froid,  à  leur 
apporter  des  aliments  et  à  les  défendre  contre  leurs  ennemis, 
ce  qui  ne  nécessite  l'existence  d'aucune  particularilé  organique. 
Mais,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit  (5),  quelques  Oiseaux  nourrissent 
leurs  jeunes  avec  les  produits  d'une  sécrétion  qui  a  son  siège 
dans  le  jabot  :  les  Pigeons  sont  dans  ce  cas  (4)  ;  et  il  est  à  noter 
que,  par  sa  composition  chimique  ainsi  que  par  son  rôle 
physiologique,  le  liquide  alimentaire  fourni  de  la  sorte  res- 
semble assez  à  du  lait.  Effectivement,  M.  Lecomte  y  a  trouvé 


pement  de  l'embryon  peut  commencer 
sous  l'influence  d'une  température  qui 
n'est  pas  aussi  élevée  (environ  30"), 
mais  ne  se  fait  alors  que  très-lente- 
ment et  d'une  manière  irrégulière 
pendant  quelques  jours,  puis  s'arrête 
toujours  très-promptement. 

(1)  Azara  a  avancé  que  chez  le  Nan- 
dou, ou  Autruche  d'Amérique,  le  mule 
seulement  couve  les  œufs  de  ses  fe- 
melles, mais  cela  n'est  pas  (a). 

L'Autruche  mâle  d'Afrique  couve 
les  œufs  la  nuit,  et  les  femelles  qui 


vivent  avec  lui  se  succèdent  pour  les 
couver  pendant  le  jour  (6). 

(2)  Pour  plus  de  détails  au  sujet  de 
l'incubation  artificielle  des  œufs,  je  ren- 
verrai à  un  mémoire  de  Réaumur  et  à 
diverses  publications  plus  récentes  (c). 

(3)  Voyez  tome  VI,  page  296. 

(h)  Quelques  naturalistes  ont  pensé 
que  l'espèce  de  bouillie  donnée  ainsi 
aux  petits  par  les  Pigeons  ne  consis- 
tait que  dans  une  portion  des  ali- 
ments préalablement  ingérés  dans  l'es- 
tomac de  ceux-ci  et  à  moitié  digérés(rf); 


(a)  Vavasseur,  Op.  cit.  {Btdletin  de  la  Société  zoologique  d'acclimatation,  1858,  t.  V,  p.  391). 
(6)  Gosse,  Op.  cit.  {Bulletin  de  la  Société  zoologique  d'acclimatation,  1857,  t.  IV,  p.  336). 

(c)  Réaumur, 'L'ori  de  faire  éclore  et  d'élever  en  toutes  saisons  des  Oiseaux  domestiques,  175) . 
—  Mariol-Didieux,  Traité  de  (jalliniculture. 

(d)  Temminck,  Histoire  des  Pigeons,  t.  1,  p.  IGO. 

. —  Vieillol,  Oictionnaire  d'iiistoire  naturelle,  t.  XXVI,  p.  329. 


APPAREIL    DE    LA    GÉNÉRATION    DES    OISEAUX.  541 

beaucoup  de  caséine  et  de  matières  grasses  analogues  au 
beurre  (1).  Hunter,  à  qui  nous  devons  la  constalation  de  ce 
fait  physiologique,  pense  que  les  Perroquets  présentent  un  phé- 
nomène analogue  ;  et,  d'après  les  observations  que  j'ai  eu  l'oc- 
casion de  faire  dernièrement  dans  la  ménagerie  du  Muséum 
d'histoire  naturelle,  je  suis  porté  à  croire  que  l'Ibis  sacré 
d'Egypte  nourrit  ses  petits  delà  même  manière  (2)  :  mais,  pour 
décider  la  question,  il  faudrait  examiner  l'état  du  jabot  à 
l'époque  où  ces  Oiseaux  élèvent  leurs  jeunes,  ce  que  je  n'ai 
pu  faire. 


mais  on  sait,  par  les  observations  de 
Hunter,  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  (o),  et 
dans  ces  derniers  temps  l'origine  de 
ce  produit  a  été  constatée  de  nouveau 
par  M.  Cl.  Bernard  (6). 

Cette  sécrétion  commence  trois  ou 
quatre  jours  avant  l'éclosion  et  dure 
un  peu  plus  d'une  semaine.  Les  parois 
du  jabot  sont  alors  hypertrophiées  et 
présentent  de  nombreux  plis  ondulés 
et  très-vasculaires,  dont  la  surface  se 
couvre  d'une  couche  épaisse  de  cel- 
lules épithéliales  qui  se  détachent  sans 
se  dissoudre,  et  constituent  ainsi  une 
matière  pulpeuse  ayant  l'aspect  du  lait 
caillé.  Les  mâles ,  aussi  bien  que  les 
femelles,  sécrètent  cette  substance  et 
la  dégorgent  dans  le  bec  de  leurs 
petits. 


(1)  L'analyse  faite  par  ce  chimiste, 
et  publiée  par  M.  Cl.  Bernard  {loc.  cit.), 
a  fourni  les  résultats  suivants.  100 
parties  de  la  bouillie  en  question  ont 
donné  : 

Caséine  et  sels  ....     25,25 

Graisse 10,47 

Eau 66,30 

On  n'y  a  découvert  aucune  trace 
de  sucre  (d). 

(2)  L'Ibis  d'Egypte  {Ibis  religiosa, 
Cuv.)  a  reproduit  cet  été  (1864), 
dans  la  ménagerie  du  Muséum,  et  j'ai 
remarqué  que  le  mâle  nourrissait  les 
petits  en  dégorgeant  dans  leur  bec  une 
matière  pulpeuse.  La  mère  ne  prenait 
aucune  part  à  l'éducation  de  sa  pro- 
géniture. 


(a)  Hunter,  Animal  Œconomy,  p.  233  {Œuvres,  trad.  parRichelot,  t.  IV,  p.  104). 

(b)  Claude  Bernard,  Leçons  sur  les  propriétés  physiologiques  des  liquides  de  l'organisme,  1859, 
t.  II,  p.  236. 


FIN    DU    TOME    HUITIEME. 


ERRATA  ET  ADDENDA. 


Page  2/i7,  ligne  2,  au  lieu  de  Bonet,  Usez  Bonnet. 

Page  267,  ligne  12,  au  lieu  rfe*  germe  contenu  de  son  appareil,  lisez  germe 
contenu  dans  son  appareil. 
Page  268,  note  3,  ajoutez  : 


Les  observations  récentes  de  M.  Coste 
fournissent  de  nouveaux  arguments  en 
faveur  de  la  thèse  que  je  soutiens  ici. 
En  effet,  ce  physiologiste,  ayant  étudié 
avec  beaucoup  de  soin  la  manière  dont 
les  Infusoires  ciliés  se  développent 
dans  une  macération  de  foin,  a  décou- 
vert plusieurs  des  causes  d'erreurs 
dont  les  partisans  de  l'hypothèse  de 
l'origine  de  ces  petits  êtres  par  géné- 
ration spontanée  n'avaient  pas  soup- 
çonné l'existence,  et  il  a  trouvé,  en 
dernière  analyse,  que  jamais  ces  Ani- 
malcules ne  se  montrent  dans  une  in- 
fusion, s'ils  n'y  ont  été  introduits,  soit 
à  l'état  d'œufs,  soit  à  l'élat  de  kystes 
multiplicateurs;  que  ces  kystes,  affec- 
tant la  forme  d'une  poussière  fine,  se 
trouvent  en  abondance  à  la  surface  du 
foin,  des  pommes  de  terre  et  des  autres 
substances  végétales  dont  on  se  sert  le 
plus  ordinairement  pour  obtenir  les 
prétendues  générations  spontanées  ; 
qu'à  cet  état  ils  peuvent  rester  pendant 
plusieurs  années  dans  une  sorte  de  tor- 
peur, sans  donner  aucun  signe  de  vie, 
mais  sans  perdre  la  faculté  de  re- 
prendre la  vie  active  dès  que  la  quan- 
tité d'eau  nécessaire  à  la  manifestation 
de  leur  puissance  physiologique  leur 


est  rendue  ;  que  leur  ténuité  est  telle, 
que  souvent  ils  passent  facilement  à 
travers  nos  filtres;  et,  enfin,  qu'U  suffit 
d'en  semer  quelques-uns  dans  une  in- 
fusion restée  jusqu'alors  stérile,  pour 
qu'en  peu  d'heures  ils  s'y  multiplient 
d'une  manière  prodigieuse. 

M.  Coste  s'est  attaché  à  montrer 
aussi  que  le  magma  de  détritus  de 
matières  organiques  que  M.  Pouchet 
avait  comparé  au  stroma  de  l'ovaire, 
et  appelé  membrane  proligène,  parce 
qu'il  le  considérait  comme  la  sub- 
stance en  voie  d'organisation  pour 
prendre  vie  et  constituer  spontané- 
ment des  Animalcules  infusoires,  n'a 
aucun  rapport  avec  l'apparition  de  ces 
petits  èlres.{Ann.  des  se.  nat.,  5'' série, 
186^,  t.  Il,  p.  2/|6.) 

Il  est  aussi  à  noter  que  si  le  kyste 
dans  lequel  se  trouvent  inclus  les  cor- 
puscules reproducteurs  des  Infusoires 
était  de  nature  à  ne  laisser  que  diffi- 
cilement passer  l'eau,  on  comprendrait 
que,  même  au  sein  de  ce  liquide,  ces 
germes  pourraient  supporter  l'action 
de  températures  très- élevées  sans 
perdre  la  vie.  (Milne  Edwards,  6'owpies 
rendus  de  VAcad.  des  sciences,  186Z|, 
t.  LIX,  p.  155.) 


TABLE  SOMMAIRE  DES  MATIÈRES 


DU  TOME  HUlTIÈMIi:. 


SOIXANTE-SEPTIÈME  LEÇON. 

De  la  chaleur  animale.  Cause  de 

ce  phénomène 1 

Animaux  à  sang  froid  et  à  sang 

chaud 6 

Température  des  Poissons 7 

Température  des  Batraciens. ...         8 

Température  des  Reptiles 10 

Température  des  Insectes H 

Température  des  Mollusques,  des 

Vers  et  des  Zoophy tes 13 

Température  des  Mammifères. . .       14 

Température  des  Oiseaux 16 

Mesure  de  la  quaniilé  de  chaleur 

dégagée  par  les  Animaux 19 

ExpériencedeLavoisieretLaplace.  19 
Théorie  de  la  chaleur  animale..  20 
Expériences  de  Dulong  et  de  Des- 

pretz 21 

Conclusions 23 

Siège   du   développement   de   la 

chaleur  animale 27 

Circonstances  dont  dépend  la  tem- 
pérature des  diverses  parties  du 

corps 33 

Influence  réfrigérante  du  renou- 
vellement  de    l'air    dans    les 

poumons 3i 

Production   inégale    de    chaleur 

dans  diverses  parties 36 

Influence  du  volume  du  corps  sur 

sa  température 40 

Efl'ets  de  l'évaporation 41 

Action  de  la  chaleur  sur  les  Ani- 
maux        42 

Faculté  de  résister  à  une  certaine 

élévation  de  température.  ...        44 
Efl'ets  difl"érents  du  froid  sur  di- 
vers Animaux 48 


De  la  faculté  productrice  de  la 
chaleur  chez  les  jeunes  Ani- 
maux        52 

Influence  du  froid  sur  la  mortalité 

des  enfants  nouveau-nés 55 

Animaux  hibernants 58 

Résumé  des  difl'érences  dans  la 
faculté  de  produire  de  la  cha- 
leur        65 

Des  circonstances  qui  influent  sur 

la  production  de  chaleur 68 

Influence  de  la  respiration 68 

Influence  de  l'exercice  muscu- 
laire        69 

Influence  de  l'état  de  la  circula- 
tion        73 

Influence  de  la  richesse  du  sang.  76 
Influence  du  système  nerveux..  77 
Expériences  de  Chossat,  etc. ...       79 

Influence  de  l'alimentation 84 

Efl'ets  des  climats  chauds.. .....        87 

Influeme  des  variations  brusques 

de  température. 88 

Influence  de  divers  états  patholo- 
giques         89 

Conséquences  à  tirer  de  l'inégale 
distribution  de  la  chaleur  dans 
l'organisme 90 

SOIXANTE-HUITIÈME  LEÇON. 

De  la  production  de  lumière  chez 
les  Animaux 93 

Insectes  phosphorescents 95 

Causes  de  la  production  de  lu- 
mière       100 

Expériences  de  Macaire,  de  Mat- 
teucci,  etc 101 

Nature  de  la  matière  phosphores- 
cente des  Lampyres 103 


544 


TABLE    SOMMAIRE    DES    MATIÈRES. 


De  la  phosphorescence  chez  les 
Myriapodes,  les  Crustacés,  les 
Vers  et  les  Mollusques 106 

Phosphorescence  de  certains  Zoo- 
phytes 109 

Causes  de  la  phosphorescence  de 
la  mer. 112 

Des  Noctiluques 113 

Observations  de  M.  de  Quatre- 
fages 115 

Phénomènes  de  phosphorescence 
observés  chez  des  Poissons,  etc.     1  1 9 

Résumé 120 


SOIXANTE-NEUVIÈME  LEÇON. 

Suite  de  l'étude  des  phénomènes 
dénutrition 121 

Mutation  de  la  matière  dans  l'or- 
ganisme      121 

EÉfets  de  la  combustion  physiolo- 
gique      121 

Source  des  combustibles  brûlés 
dans  l'organisme 123 

Travail  de  désassimilation  orga- 
nique       124 

Opinion  de  Cuvier  et  autres  sur 
le  renouvellement  intégral  des 
matériaux  constitutifs  de  l'or- 
ganisme       124 

Mode  d'entretien  de  lacombustion 
physiologique  pendant  l'absti- 
nence      131 

Preuves  de  la  désorganisation  phy- 
siologique       131 

Expériences  de  Letellier,  Boussin- 
gault,  Bidder  et  Schmidt,  etc.     133 

Conséquences  des  faits  établis 
ainsi;  rôle  de  l'alimentation. .     137 

Emploi  direct  des  aliments  pour 
l'entretien  de  la  combustion 
physiologique 139 

Résumé 140 

Rôle  des  aliments 142 

Conséquences  relatives  au  régime.     143 

Utilité  d'une  alimentation  mixte.     144 

Influence  de  l'irrigation  physiolo- 
gique sur  la  résorption 145 

Diversité  des  éléments  chimiques 
dont  l'introduction  dans  l'or- 
ganisme est  nécessaire 148 

Analogie  de  composition  des  prin- 
cipaux aliments 149 

Régime  des  carnivores  et  des  her- 
bivores       150 


De  l'appréciation  des  besoins  nu- 
tritifs      150 

Ration  d'entretien 152 

Circonstances  qui  influent  sur  le 
degré  d'activité  du  travail  nu- 
tritif       154 

Influence  du  poids  du  corps  sur  la 

consommation  alimentaire...     155 
Différences  en  rapport  avec  la  na- 
ture des  Animaux 1 55 

Influence  de  l'âge 156 

Influence  du  sexe 158 

Influence  du  volume  du  corps.. .      161 
Influence  de  l'activité  musculaire.     162 
Conséquences    relatives  à   l'en- 
graissement      163 

Influence  du  régime 165 

Expériences  de  Chossat,  de  Leh- 
mann,deBidderetSchmidt,etc.     165 

Résumé 169 

Evaluation  des  besoins  nutritifs 

de  l'Homme 169 

Dépense  nutritive 170 

Ration  d'entretien  de  l'Homme..     173 
Influence  de  l'activité  musculaire 
sur  la  consommation  alimen- 
taire de  l'Homme 177 

Influence  de  l'âge,  etc 180 

Influence  de  la  température  at- 
mosphérique       181 

Ration  alimentaire  de  divers  ani- 
maux      184 

Influence  de  certaines  substances 

sur  la  consommation  nutritive.     188 
Rôle  des  matières  minérales  dans 

la  nutrition 189 

Rôle  alimentaire  du  sel  commun.     19i 
Rôle  de  l'eau 193 

SOIXANTE-DIXIÈME  LEÇON. 

De  la  valeur  nutritive  des  divers 

aliments 198 

De  la  proportion  d'eau  contenue 
dans  les  substances  alimen- 
taires      199 

Des  équivalents  nutritifs 200 

Evaluation  des  aliments  d'après 
la  quantité  d'azote  qu'ils  ren- 
ferment       200 

Evaluation  d'après  la  proportion 
de  carbone 204 

Influence  de  la  nature  des  princi- 
pes immédiats  contenus  dans 
les  aliments  sur  la  valeur  nu- 
tritive de  ceux-ci 206 


TABLE    SOMMAIRE    DES    MATIERES. 


545 


Tableau  de  la  composition  des 
principales  substances  alimen- 
taires  

Influence  du  mode  de  constitu- 
tion de  certains  corps  sur  leurs 
propriétés  nutritives 

Influence  des  propriétés  osmoti- 
ques  des  substances  alimen- 
taires sur  leur  valeur  nutritive. 

Rapports  entre  la  consommation 
physiologique  et  les  quantités 
de  matières  nutritives  de  difl'é- 
rentes  sortes  qui  peuvent  être 
absorbées  en  un  temps  donné. 

Applications  à  la  composition  des 
rations  alimentaires 

Utilité  des  rations  complexes. . . . 

Rationsalimentaires  de  l'Homme. 

Influence  de  l'ûge 

Influence  du  travail  musculaire. . 

Influence  de  la  température. . .  . 

De  l'engraissement 

Action  particulière  de  diverses 
substances 

De  l'alcool,  etc 

De  l'emploi  physiologique  des  ma- 
tières nutritives  pour  la  forma- 
tion des  matériaux  constitutifs 
de  l'organisme. 

Conclusion 


208 


213 


21^ 


216 

218 
219 
220 
224 
223 
226 
229 

230 
231 


234 

234 


SOIXANTE  ET  ONZIÈME  LEÇON. 

ÉTDDE   DES   FONCTIONS   DE 
REPRODUCTION. 


237 


238 


Du  mode  de  formation  des  corps 
vivants  et  des  corps  bruts. . .  . 

Cas  dans  lesquels  la  transmission 
de  vie  des  parents  aux  jeunes 
étaitd'abord  difGcileà  constater 

Hypothèse  de  la  génération  dite 
spontanée 239 

Emploi  que  les  anciens  natura- 
listes en  faisaient 240 

Expériences  de  Redi  sur  l'origine 
des  Mouches 241 

Observations  de  Vallisuieri  sur 
l'origine  de  divers  parasites. . .     242 

Recherches  de  Swammerdam  sur 
le  mode  de  multiplication  des 
Abeilles,  etc 243 

La  découverte  des  Animalcules 
microscopiques  remit  en  faveur 
l'hypothèse  des  générations 
dites  spontanées 245 


Hypothèses  diverses  relatives  à 
l'origine  des  Animaux;  théorie 
de  l'emboîtement  des  germes.     245 

Théorie  des  molécules  organiques 
de  ButTon 247 

Discussions  récentes  sur  ces  ques- 
tions       250 

Distinctions  à  établir  au  sujet  de 
rhétérogénie 250 

Examen  expérimental  de  l'hypo- 
thèse de  la  formation  agénéti- 
que  des  Animaux,  ou  de  leur 
formation  sans  le  concours  d'un 
être  vivant  préexistant 253 

Hypothèse  du  transport  des  ger- 
mes par  l'air,  l'eau,  etc.,  pour 
expliquer  l'apparition  des  Ani- 
malcules microscopiques  dans 
les  infusions 254 

Premiers  arguments  en  faveur  de 
ces  vues 255 

Expériences  de  Spallanzani 257 

Autres  expériences  analogues.  . .     260 

Expériences  de  Schultze  et  de 
M.  Cl.  Bernard 260 

Arguments  en  faveur  de  l'hypo- 
thèse des  générations  sponta- 
nées employés  par  M.  Pouchet.     262 

Recherches  expérimentales  de 
M.  Pasteur 264 

Ensemencement  des  corpuscules 
reproducteurs  recueillis  dans 
l'atmosphère 265 

Conclusion 270 

Examen  de  l'hypothèse  de  la  pro- 
duction des  Animaux  par  né- 
crogénie, ou  des  associations 
de  la  matière  vivante  prove- 
nant du  corps  d'un  être  mort.     272 

Preuves  de  la  vie  individuelle  des 
diverses  parties  dont  l'associa- 
tion constitue  le  corps  d'un 
Animal  ou  d'une  Plante 274 

Absence  de  toute  preuve  de  l'ori- 
gine d'un  être  vivant  par  voie 
de  nécrogénie  et  inutilité  de 
cette  hypothèse  pour  l'explica- 
tion des  faits  connus 279 

Examen  de  l'hypothèse  de  la  pro- 
duction des  êtres  par  xénogé- 
nie ou  hétérogénie  propre- 
ment dite 280 

Mode  de  multiplication  des  Vers 
intestinaux,  etc 281 

Migrations  des  Pilaires 283 

Migrations  des  Ténioïdes 285 


546 


TABLE    SOMMAIRE    DES    MATIÈRES. 


Migrations  des  Douves,  etc 288 

Origine  du   Trichina  spiralis  de 

l'Homme 293 

Origine  du  Bothriocéphiile 294 

Résumé  :  Tous  les  êtres  vivants 
sont  produits  par  des  êtres  vi- 
vants de  leur  espèce 296 

SOIXANTE-DOUZIÈME  LEÇON. 

Des  divers  modes  de  reproduction 

des  Animaux 299 

Considérations  préliminaires.  . . .      300 
Reproduction  partielle  de  l'orga- 
nisme       301 

Multiplication  des  individus  par 

division  accidentelle 304 

Expériences     de     Trembley,   de 

Bonnet ,  etc 305 

Scissiparité  normale 307 

Gemmipariié 312 

Mode  de  formation  des  bourgeons 

reproducteurs  chez-les  Hydres.     313 
Phénomènes  de  gemmiparité  chez 
les   Serlulariens ,    les    Coral- 

liaires,  etc 314 

Influence  de  ce  phénomène  sur 
l'association  des  individus  chez 

les  Animaux  agrégés 318 

Reproiiuction  par  bulbilles 320 

Oviparilé 321 

Conslilution  de  l'œuf 321 

Composition  chimique  de  l'œuf..      323 
Tout  œuf  est  un  être  vivant. . . .      326 

Des  organes  reproducteurs 329 

Différences  sexuelles 330 


SOIXANTE-TREIZIÈME  LEÇON. 

De  la  génération  sexuelle.  Idées 
erronées  des  anciens  physiolo- 
gistes sur  la  fécondation 

Fécondation  des  œufs  après  la 
ponte 

Expériences  de  Spallanzani  sur  la 
fécondation  artificielle 337 

Le  contact  direct  du  sperme  et  de 
l'œuf  est  la  condition  essen- 
tielle de  la  fécondation 338 

Etude  de  !a  liqueur  séminale  ou 
élément  mâle 338 

Découverte  des  Spermatozoïdes. .     339 

Caractères  des  Spermatozoïdes 
des  iVlammifères 341 


333 


334 


Spermatozoïdes  des  autres  Ver- 
tébrés   

Spermatozoïdes  et  Sperraatopho- 

res  des  Mollusques 

Spermatozoïdes  des  Animaux  ar- 
ticulés.  

Spermatozoïdes  des  Vers  et  des 
Zoophyles 

Mode  de  développement  des  Sper- 
matozoïdes  

Rôle  d,es  Spermatozoïdes  dans  la 
fécondation 

Expériences  de  Prévost  et  Dumas. 

Pénélriition  des  Spermatozoïdes 
dans  l'œuf 

Du  micropyle 

Conditions  de  perfectionnement 
de  l'appareil  reproducteur. . . .  • 

Localisation  du  travail  génésique. 

Organes  mâles  et  femelles  essen- 
tiels   

Animaux  androgynes 

Hermaphrodisme  restreint 

Animaux  dioïques  ou  à  sexes  sé- 
parés  

Fécondation  advcntive 

Fécondation  extérieure  directe.. 

Fécondation  intérieure 

Perfectionnements  ultérieurs  de 
l'appareil  femelle 

Chambre  incubatrice;  utérus... 

Appareil  mammaire 

Des  phénomènes  de  parthénoge- 
nèse, ou  reproduction  ovipare 
sans  fécondation 

Observations  sur  les  Pucerons.. 

Observations  sur  des  Lépidoptères 
et  sur  les  Abeilles 

Exemples  de  parthénogenèse  chez 
les  Crustacés 

Résumé  généra! 


342 
344 
346 
349 

350 

35b 
357 

359 
361 

364 
365 

366 
368 
369 

370 
370 
371 
372 

373 
373 
374 


375 
376 

378 

380 
382 


SOIXANTE-QUATORZIÈME  LEÇON 


Du  mode  de  formation  du  jeune 
Animal  ;  hypothèse  de  l'évolu- 
tion et  système  de  l'épigenèse. 

Etat  primilifde  l'Animal  naissant. 

Série  des  produits  dérivés  de 
l'Animal  primitif,  ou  Proto- 
blastes ,  Métazoaires  et  Typo- 
zoaires 

Phénomènes  des  générations  al- 
ternantes       389 

Multiplication  homœomorphique 
du  Protoblaste 390 


3P4 

387 


388 


TABLE    SOMMAIRE    DES   MATIERES. 


547 


Génération  héléromorphique  du 
ProtoiDlnste;   production   d'un 

M(''t.izo;iire 391 

Dév('loppom(Mit  du  Mélazoaire. .  .  393 

Globules  polaires 395 

Noyau  vilellin 396 

Segmi'iUalion  du  vitelius 398 

Sphéruies    ou  cellules  blastémi- 

ques 403 

Théorie  de  Schleiden  et  de 
Schwann  sur  la  formation  des 

cellules >  ,  4()i 

Produciion  du  Typozoaire 406 

Cas  particuliers  de  générations  al- 
ternantes   407 

Bi()hores 407 

Trémalodes,  Echinodermes,  etc.  410 

Médusuires 412 

Caractère  du  Metazoaire  cLez  les 

Animaux  supérieurs .  416 

Du  blastoiierrae 416 

Développement  direct  du  Typo- 
zoaire   420 

Résumé 421 

Phénomènes  hislogéniques 423 

Théorie  cellulaire 426 

Blastème , 428 

i^arcode 429 

Tissus  utriculaires 430 

Tissus  scléreux. .  . .  .  , 433 

Tissu  musculaire 436 

Tissu  nerveux 437 

Tissus  secondaires  ou  tissus  com- 
plexes   439 

Résumé  de   la  clas.'>ification  des 

tissus 439 

SOIXANTE-QUINZIÈME  LEÇON. 

De  l'appabeil  de  la  reproduction, 
et  de  ses  produits  chez  les  Ani- 
maux vertébrés  ovipares 442 

Caractères  généraux  de  l'appa- 
reil reproducteur  des  Verté- 
brés       442 

Similitude  primordiale  des  or- 
ganes mâles  et  femelles  chez 
l'embryon 443 


Disposition  générale  de  ces  par- 
ties  

Appareil  de  la  reproduction  de 
V  A  mphioxus 

Appareil  femelle  des  Poissons.  .  . 

Dc'vcloppcmciit  et  structure  des 
œufs 

Ponte 

Poissons  vivipares 

Appareil  mule   

Mode  de  fécondation 

Poche  incubulrice  des  Lopho- 
bianches 

Epoque  du  frai 

Appareil  de  la  reproduction  des 
Batracikns 

Orfiaiies  femelles 

OEufs 

Organes  mâles 

Mode  de  fécondation 

Dépôt  des  œufs 

Appareil  de  la  reproduction  des 
Reptiles 

Appareil   femelle . 

Formation  des  ovules 

Oviductes 

Cloaque 

Appareil  mâle 

Organes  copulateurs . 

Appareil  de  la  reproduction  des 
OiSIÎAUX 

Différences  sexuelles 

Caractères  généraux  de  l'appareil. 

Organes  mâles 

Testicules,  etc 

Spermatozoïdes .... 

Organes  copulateurs 

Ovaires 

Formation  de  l'œuf 

Oviducte ...    .    

Formation  de  l'albumen 

Formation  de  la  coquille 

Forme  et  couleur  des  œufs.  .... 

Époque  de  la  ponte. 

Accouplement 

Fécondité 

Incubation 

Alimentation  des  jeunes 


444 


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4.'j9 
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496 

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513 
513 
513 
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318 
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533 
533 
536 
539 
540 


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